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vendredi 29 septembre 2017

Pouvoir d’interpeller un automobiliste hors de la voie publique

Malenfant c. R., 2006 QCCS 7246 (CanLII)

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[27]            S’il est généralement admis que notre droit permet ces vérifications au hasard ou sans motif précis lorsque l’automobiliste circule sur la voie publique, est-ce si différent lorsque le conducteur ciblé a quitté le chemin public depuis quelques secondes pour se garer sur une propriété privée ?
[28]            Il nous semble que le sens commun dicte une réponse négative à la question et que les propriétés privées situées en bordure de nos routes ne devraient pas servir de refuge ou de havre d’immunité pour les conducteurs non détenteurs d’un permis valide ou pour les véhicules non immatriculés ou sans assurance, qui viennent tout juste de circuler sur un chemin public qu’ils ont quitté avec empressement à la vue ou à l’approche des forces de l’ordre.
[29]            D’un autre côté, il est tout aussi vrai que les pouvoirs policiers doivent être balisés pour se prémunir des interpellations et des interceptions dictées par un simple caprice, par la mauvaise foi ou par tout autre motif biaisé ou discriminatoire. Il est cependant tout aussi nécessaire que les pouvoirs de l’agent de la paix s’accompagnent des accessoires indispensables à leur exécution tel celui d’être autorisé suivre le véhicule ciblé hors de la voie publique, pour y compléter une vérification de routine décidée ou entreprise sur un chemin public.
[30]            Aussi, dans la mesure où un véhicule quitte la voie publique, avant que le policier qui l’y a vu circuler, ait eu l’opportunité de procéder à une vérification documentaire ou de signifier au conducteur visé de s’immobiliser pour ce faire, il doit pouvoir poursuivre son action dans un lieu privé où se réfugie le conducteur, même s’il s’agit d’un chemin privé.  De même, celui qui circule sur la voie publique avec un véhicule et qui, percevant l’approche policière, ne doit pas pouvoir esquiver ses obligations légales en se rangeant momentanément sur une propriété privée.
[31]            Cela est d’autant plus vrai lorsque, comme dans le présent cas, l’agent de la paix perçoit raisonnablement la manœuvre du conducteur comme étant suspecte et destinée à se prémunir d’une interpellation policière qu’il craint.  Ici, c’est le comportement de Miguel Malenfant qui a incité la policière à s’introduire sur une propriété privée pour s’assurer du droit de ce dernier de circuler sur la voie publique.
[32]            En somme et assez paradoxalement, l’appelant, qui cherchait à se rendre invisible, a plutôt attiré sur lui la suspicion de la policière.
[33]            C’est d’ailleurs cette impossibilité d’agir, alors que le véhicule de l’appelant se trouve toujours sur la voie publique, qui distingue la présente affaire de l’arrêt de la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick dans R. c. Caissie[8], affaire dans laquelle les policiers ont délibérément retardé l’intervention après avoir décidé d’intercepter le conducteur pour une vérification de routine.
[34]            Le Tribunal ne peut concevoir que, dans une société libre et démocratique comme la nôtre, un policier qui exerce le pouvoir légitime d’intercepter au hasard un automobiliste qu’il voit circuler sur une voie publique pour une fin reliée à la sécurité routière,  ne puisse intervenir pour protéger la vie des autres usagers de la route parce que le conducteur en question a réussi à trouver refuge sur une propriété privée avant que l’agent de la paix n’ait eu l’opportunité de vérifier son droit de circuler sur la route[9].
[35]            Dans l’arrêt Cotnoir, un des deux policiers qui intervenaient auprès de l’appelant agissait en pensant que celui-ci pouvait être en détresse, alors que l’autre soupçonnait la commission d’un crime.  L’Honorable juge Robert Pidgeon, alors juge à la Cour d’appel, écrit pour la majorité ce qui suit :
« Elle soulève uniquement la question de leurs pouvoirs d’enquête à titre de pouvoirs accessoires à leur obligation de secours et de prévention du crime.  Ici, la seule façon pour la policière de vérifier l’identité de la personne dans le véhicule automobile consistait à pénétrer sur cette propriété.  En outre, cette intrusion dans la cour de l’appelant ne portait pas atteinte de façon démesurée à l’inviolabilité de la propriété privée et était nécessaire dans les circonstances.  L’atteinte pourrait même être qualifiée de purement technique.  D’autre part, les agents pouvaient présumer détenir une autorisation implicite du propriétaire de pénétrer sur son terrain afin de prévenir la perpétration d’une infraction contre ses biens.  Enfin, comme l’a mentionné le juge Sopinka dans l’arrêt Belnavis « il existe une différence marquée en matière d’atteinte raisonnable en matière de vie privée [notes omises] selon que la personne qui l’invoque se situe dans sa résidence ou dans une automobile. »[10]
(Nos soulignés).
[36]            Partageant le même avis, monsieur le juge Chamberland ajoute ce qui suit à ce sujet :
« Pour l’un, il s’agissait donc de mettre un terme à la perpétration d’un crime, ou d’en prévenir la commission, pour l’autre, il s’agissait de porter secours à un concitoyen.  Dans ces circonstances, les agents Gougeon et Bélanger avaient, à mon avis, le droit de pénétrer sur le terrain où les évènements se déroulaient pour faire les vérification d’usage et, le cas échéant, enquêter ou porter assistance. »[11]
(Nos soulignés).
[37]            Le Tribunal est d’avis que ces réflexions empreintes de sagesse s’appliquent également aux circonstances de la présente affaire.
[38]            Il faut certes souligner que, contrairement à l’arrêt  Cotnoir, la preuve ne fait pas état, ici, de soupçons de commission d’une infraction criminelle avant l’interception de Miguel Malenfant mais la situation justifiait et nécessitait que la policière puisse compléter son travail de vérification d’un usager de la voie publique qui venait d’effectuer une manœuvre suspecte.
[39]            Dans les circonstances de l’espèce, l’agent de la paix n’a pas, de façon injustifiable, utilisé les pouvoirs découlant de son devoir de veiller à la sécurité des citoyens puisque le comportement de l’appelant lui permettait de croire raisonnablement que celui-ci cherchait à se soustraire d’une éventuelle vérification qu’il craignait.

Le pouvoir d’interception au CSR n’est pas restreint à la constatation d’une infraction relative à la conduite mais a été étendu à la garde et au contrôle

Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Lessard, 2014 QCCQ 20950 (CanLII)

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[22]        D’importants pouvoirs sont dévolus aux agents de la paix soit par la Loi sur la police, le Code de la sécurité routière (CSR) ou par la Common Law pour permettre à ceux-ci de maintenir la paix, l’ordre et la sécurité publique, d’assurer la répression des crimes et la protection des personnes et des biens.       
[23]        Les policiers n’ont cependant pas tous les pouvoirs bien qu’ils aient le devoir d’assurer la sécurité dans nos communautés. L’étendue de leurs pouvoirs doit être analysée à la lumière des faits particuliers de chaque cas d'espèce et examinée en fonction des gestes posés à chacune des étapes de l’interpellation policière.
[24]        Quant aux pouvoirs émanant du CSR, ils s’appliquent à l’utilisation des véhicules sur les chemins publics ou sur certains terrains privés. À l’article 636, est prévu le pouvoir d’un agent de la paix, s’il agit dans l’exercice de ses fonctions, de faire immobiliser un véhicule et de procéder à l’identification du conducteur.
[25]        Le pouvoir d’interception au CSR n’est pas restreint à la constatation d’une infraction relative à la conduite mais a été étendu à la garde et au contrôle. Si une interpellation se fait auprès d’un justiciable sur un terrain privé, certaines dispositions de la loi ne s’appliquent pas mais la définition contenue à d'autres articles englobent les chemins privés ouverts à la circulation publique.
[26]        Suivant la common law, bien que les policiers soient tenus d'enquêter sur les crimes, ils ne sont pas pour autant habilités à prendre n'importe quelle mesure pour s'acquitter de cette obligation. Le droit à la liberté individuelle est un élément fondamental protégé par la Constitution canadienne qui interdit aux policiers d’arrêter ou de détenir quelqu’un sur la foi d'une intuition ou d’une discrétion exercée arbitrairement. 
[27]        Rappelons que le droit commun encadre le pouvoir des policiers d’intercepter des véhicules à moteur sur la base de motifs précis reliées à la sécurité routière, à la sobriété des conducteurs, à la validité du permis ou à l’état mécanique des véhicules qui circulent sur la voie publique.
[28]        Une interpellation au hasard ou de routine constitue une violation de l’article 9 de la Charte, mais la Cour Suprême a décidé que cette détention se justifie lorsque les policiers poursuivent un but légitime[10].  Par contre, pour agir conformément à leurs pouvoirs d’intervention, ils doivent le faire sans motif oblique.[11]

L'interprétation de l’expression «tout autre lieu public» contenue au paragraphe 259(1) C.cr.

Marin c. R., 2016 QCCA 1937 (CanLII)

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[28]        Le juge Montgomery s’exprimant au nom de la Cour a déclaré ce qui suit :
2 On the afternoon of 21st April 1968, a Sunday, a number of persons assembled on the parking lot of a shopping centre to participate in or watch a form of automobile racing, sometimes referred to as drag-racing, involving rapid acceleration over a short distance. The Crown endeavoured to prove that one of those who drove in these races was respondent and that his conduct on this occasion constituted dangerous driving within the meaning of s. 221(4), which reads as follows:
"(4) Every one who drives a motor vehicle on a street, road, highway or other public place in a manner that is dangerous to the public, having regard to all the circumstances including the nature, condition and use of such place and the amount of traffic that at the time is or might reasonably be expected to be on such place, is guilty of
"(a) an indictable offence and is liable to imprisonment for two years, or
"(b) an offence punishable on summary conviction."
3 The motion for nonsuit was maintained on the ground that the parking lot in question was privately owned and therefore was not a public place within the meaning of this section.
4 With all respect for the carefully reasoned opinion of the trial judge, I consider that he erred in relying upon jurisprudence interpreting provincial highway Acts. The constitutional validity of the penal provisions in such Acts has been upheld precisely because they are Acts relating to public highways under provincial jurisdiction. (See the decision of the Supreme Court in O'Grady v. Sparling1960 CanLII 70 (SCC)[1960] S.C.R. 80433 C.R. 29333 W.W.R. 360128 C.C.C. 125 D.L.R. (2d) 145, and particularly the comments of Judson J., at pp. 810-11.) We are here dealing with a charge laid under the Criminal Code, and the essence of the offence is the danger to the public. The title to the piece of ground upon which the offence is committed is of secondary importance, and it becomes a question to be decided in each case whether or not the public has sufficient degree of access to the place to make it a public place within the meaning of this section.
[29]        Selon la fin de ce dernier paragraphe, il ressort qu’un endroit est public au sens du paragraphe 221(4) C.cr. selon que le public y a accès d’une façon suffisante pour justifier la qualification d’endroit public, et ce, peu importe le titre de propriété.
[30]        Cette idée a été reprise en 2013 par la Cour de justice de l’Ontario dans l’affaire R. v. Dunsford. Le juge Fraser y déclare ce qui suit au sujet du paragraphe 259(1) C.cr. :
35 This reading of the section is intrinsically tied to the sentencing sanction of the driving prohibition. There should be a loss of driving privilege on any place where motor vehicles are normally used, namely roads, streets and highways. But in addition, there is a prohibition covering any place where members of the public will be impacted by a prohibited driver operating a motor vehicle.
36 "Public place" in this sense is a place where a non-trivial number of the population can be expected to be present and expect to be protected from exposure to prohibited drivers operating motor vehicles.
[31]        Dans la présente affaire, le juge de première instance a conclu que, selon la preuve faite devant lui, le stationnement où a été arrêté l’appelant était un lieu public au sens du paragraphe 259(1) du Code criminel. Il s’agit là d’une conclusion tirée à partir des constatations de fait effectuées par le juge. La Cour est d’avis que le juge n’a pas commis d’erreur manifeste et déterminante dans cette appréciation de la preuve qui justifierait son intervention à cet égard.
[32]        Le stationnement visé est de dimensions appréciables, tel qu’il appert des photos déposées. Sa partie avant jouxte un chemin public sur toute sa largeur et elle ne comporte aucun signe ou obstacle qui empêche un automobiliste ou un piéton de s’y engager ou d’y pénétrer. Le stationnement est à la disposition des occupants des 20 appartements des deux immeubles, des membres de leurs familles, de leurs invités et, plus généralement, de toute personne qui visite un locataire. Ces faits permettaient au juge d’instance de conclure que le public avait un accès suffisant à cet endroit pour en faire un lieu public où la sécurité des personnes présentes peut être menacée par un conducteur assujetti à une interdiction de conduire selon le Code criminel.

Les pouvoirs d'intervention des policiers dans un stationnement privé

R. c. Vega Diaz, 2017 QCCQ 7862 (CanLII)

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[19]        Un des arguments proposés du requérant se veut que les policiers ne pouvaient intervenir dans le stationnement de l’immeuble, cet endroit ne rencontrant pas la définition de « chemin public » ou de « certains chemins et terrains privés » prévue à l’article 1 du Code de la sécurité routière (CSR)
[20]      Bien que souvent présente dans un cadre de révision administrative, le Tribunal était conscient qu’une certaine controverse peut planer à ce sujet quand on tente de qualifier le caractère privé ou non d’un stationnement résidentiel.
[21]      Ainsi, un stationnement à l’arrière d’un immeuble à logements, où chaque endroit est réservé aux locataires et où les visiteurs doivent se garer dans la rue a été considéré comme stationnement privé.
[22]      Dans une autre affaire, toutes les cases de stationnement étaient réservées et identifiées par un numéro, correspondant à chaque unité de condo de l’immeuble. On a aussi considéré le tout comme stationnement privé.
[23]      Ici, cette preuve n’a pas été faite. La photo des lieux de la rue montre une entrée sans barrière ou affiche interdisant l’accès à des visiteurs. Ce stationnement est vaste et comporte plusieurs stationnements; tout comme l’immeuble semble comporter plusieurs logements. On peut se garer tout près de la rue ou plus loin vers l’arrière.
[24]      Bref, la simple référence en plaidoirie voulant que le requérant, lui-même visiteur, a utilisé la place de son ami qui y réside, est insuffisante pour déterminer que le stationnement en est un comme décrit dans les deux affaires ci-haut.
[25]      Qui plus est, dans une affaire analogue à la nôtre, la Cour d’appel a récemment tranché cette question en lien avec l’expression « tout autre lieu public » contenue au paragr. 259(1) du Code criminel. On décrit l’endroit comme :
La preuve accréditant que quelques espaces avaient des poteaux indiquant des numéros d’appartement. D’autres, dans l’immeuble adjacent, avaient des numéros, mais à la peinture défraichie.
[26]      La Cour d’appel conclut ainsi :
[32]        Le stationnement visé est de dimensions appréciables, tel qu’il appert des photos déposées. Sa partie avant jouxte un chemin public sur toute sa largeur et elle ne comporte aucun signe ou obstacle qui empêche un automobiliste ou un piéton de s’y engager ou d’y pénétrer. Le stationnement est à la disposition des occupants des 20 appartements des deux immeubles, des membres de leurs familles, de leurs invités et, plus généralement, de toute personne qui visite un locataire. Ces faits permettaient au juge d’instance de conclure que le public avait un accès suffisant à cet endroit pour en faire un lieu public où la sécurité des personnes présentes peut être menacée par un conducteur assujetti à une interdiction de conduire selon le Code criminel.
4.2. Le juge a-t-il erré en ne reconnaissant pas une violation des droits constitutionnels de l’appelant entraînant l’exclusion de la preuve?
[33]        La Cour estime que compte tenu des circonstances entourant l’arrestation de l’appelant, celle-ci était justifiée. Au départ, il existait un motif d’interception relié à la conduite automobile puisque l’appelant s’apprêtait à s’engager sur la voie publique avec des phares éteints, la nuit, contrairement à l’article 424 du Code de la sécurité routière. Par ailleurs, les policiers étaient justifiés de vérifier alors si l’appelant était détenteur d’un permis de conduire, vu qu’il se trouvait au volant d’un véhicule automobile. Enfin, en découvrant qu’il était sous le coup d’une interdiction de conduire sur un lieu public, ils étaient en droit de procéder à son arrestation.
[27]      L’argument du requérant, confronté à cet arrêt, voulant qu’il n’y avait pas ici d’infractions au CSR au départ relève de la sémantique. Les agents ont clairement identifié l’art. 636 du CSR comme assise de leur intervention. Le Tribunal est d’avis que cette assise suffit. Dans la mesure où l’intervention est légalement justifiée par le CSR, il importe peu qu’il s’agisse d’une mesure préventive, de vérifications permises ou de constatations d’infractions comme telles.

Détermination de la peine - production de cannabis

R. c. Bui, 2017 QCCQ 9635 (CanLII)

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[63]      Voici comment s’exprime récemment la Cour d’appel dans St-Germain c. R.2015 QCCA 1108 (CanLII) où l’accusé sans antécédents contestait la peine de 8 mois imposée pour une plantation de 320 plants :
[41]      La sentence de huit mois d’emprisonnement se situe dans la fourchette des sentences clémentes, confirmées ou imposées par notre Cour depuis 2003 pour ce type d’infraction, commise dans des circonstances semblables. Dans les causes suivantes, on relève des facteurs atténuants et aggravants similaires.
[42]      Dans Brousseau[19], les prévenus n’avaient pas d’antécédents judiciaires et occupaient des emplois. La production était d’une certaine importance (331 plants), mais artisanale. Les principes de dénonciation et de dissuasion ont motivé une peine de neuf mois d’emprisonnement.
[43]      Dans Rivard[20], la peine de douze mois d’emprisonnement pour une production de grande envergure (1250 plants) « ne [s’écartait] pas de façon marquée et substantielle des peines habituellement infligées pour ce type de crime »[21]. Tout comme en l’espèce, l’accusé n’avait pas d’antécédents judiciaires et le rapport présentenciel lui était favorable.
[44]      Dans Parenteau[22], l’accusé, sans antécédents judiciaires, s’est vu infliger une peine d’emprisonnement de dix-huit mois. La Cour souligne :
En matière de production et de trafic de stupéfiants, tant la dissuasion générale que la dissuasion spécifique sont nécessaires.[23]
[45]      Dans Valiquette[24], une peine d’emprisonnement d’un an a été imposée dans les circonstances suivantes : une production à grande échelle dans le district de Joliette, motivée par le lucre, par un individu sans antécédents judiciaires et un risque minime de récidive. Notre Cour a considéré que le juge n’avait pas commis d’erreur « en tenant compte de la situation locale et de la recrudescence de ce genre de crime dans la région de Joliette[25] ».
[46]   Dans Valence[26], notre Cour est intervenue pour modifier une peine de deux ans à être purgée dans la communauté à deux ans d’emprisonnement vu la gravité de l’infraction et la préoccupation pour la situation locale.
           (références omises)
[64]      Cet enseignement se retrouve par la suite à Beaudoin c. R.2015 QCCA 1775 (CanLII) (peine de 12 mois confirmée pour 320 plants, 16 kg trouvés dans le réfrigérateur et condamnation antérieure).
[65]      Toutes ces décisions, auxquelles on peut ajouter en matière de production Nguyen c. R.2007 QCCA 1500 (CanLII) (444 plants) et Ladouceur c. R.2016 QCCA 1725 (CanLII) et Reid c. R.2016 QCCA 1866 (CanLII) en matière de trafic, rappellent que les principes de dénonciation et dissuasion sont d’importance.
[66]      Quant à d’autres peines imposées, le Tribunal retient celles qui suivent à titre d’illustration[11] :
      R. v. Zheng2014 ONCA 345 (CanLII) (343 plants) - trouvé coupable de possession en vue de trafic, mais acquitté de production – 10 mois;
      R. v. Nguyen2013 ONCA 51 (CanLII) : (1200 plants) - plaidoyer, jardinier, détournement électrique – 10 mois;
      R. v. Readhead2008 BCCA 532 (CanLII) : (59 plants) – plantation sophistiquée, marijuana trouvée ailleurs, conteste le mandat de perquisition, mais ne présente pas de défense après avoir échoué, condamnation antérieure en même matière, 1 an détention, intervalle de 12 ans depuis. La C.A. ramène la peine de 2½ ans à 2 ans moins 1 jour;
      R. v. Gobran2013 ONCA 407 (CanLII) : opérateur principal, deux coaccusés, 3 plantations : 2079 plants + 24 lb de marijuana, 1312 plants + 27 lb de marijuana et 600 gr. de haschich et 2700 plants. S’ajoutent deux unités d’entreposage avec 52 et 177 lb de marijuana. Plaidoyer, aucun antécédent, 42 ans, aux prises avec problème de cocaïne et de jeu, revue des peines aux paragr. 20 à 27, 5 ans maintenu.
[67]      Quant aux décisions où les accusés ont allégué l’inconstitutionnalité des peines minimales :
      R. v. Li2016 ONSC 1757 (CanLII) : jardinier, pas de preuve de risque relié à la plantation, 475 plants, accusé considéré comme à « the lowest possible end of the spectrum », risque de déportation, peine minimale de 12 mois, revue de jurisprudence. Accusé échoue dans sa demande, peine de 12 mois non « grossly disproportionate either in relation to him personnally or to a reasonable hypothetical offender »;
      R. v.  Picard2016 BCSC 2052 (CanLII) : un peu moins de 500 plants, grange et sous-sol, région rurale, 61 ans, pas antécédents, déclaré coupable après procès, 1 an minimum.
Le juge fait une revue de la jurisprudence en Colombie-Britannique établissant la fourchette entre 9 mois et 3 ans (paragr. 27) :
The Crown submits that s. 7(2)(b)(iii) closely reflects the sentences that were handed out prior to the amendments. The Crown referred to the oft-cited authorities which established the range of sentences for marihuana production. These include: R. v. Su, 2000 BCCA 480 (CanLII); R. v. Anderson, 2007 BCCA 581 (CanLII); R. v. Lau, 2014 BCCA 176 (CanLII); R. v. Vu, 2003 BCCA 339 (CanLII); R. v. Hill, 2007 BCCA 309 (CanLII) (and supplemental reasons from R. v. Hill, 2007 BCCA 340 (CanLII)); R. v. Wallis, 2007 BCCA 377 (CanLII); R. v. Koenders, 2007 BCCA 378 (CanLII); R. v. Budd, 2010 BCCA 214 (CanLII); R. v. Kwiatkowski, 2010 BCCA 238 (CanLII); R. v. Bui, 2013 BCCA 168 (CanLII); and R. v. Van Santvoord, 2007 BCCA 23 (CanLII). The Crown says that these authorities establish a sentencing range of nine months to three years' incarceration for marihuana offences.
Il fait une revue de la jurisprudence ayant approuvé le nouveau régime de peine (paragr. 51) :
There are additional examples of judicial approval of the provisions in the marihuana production sentencing regime. These include Li, relating to the same provision at issue here; Serov, upholding s. 7(2)(b)(iv); R. v. Hofer2016 BCSC 1442 (CanLII), upholding s. 7(2)(b)(v); R. v. Hanna2015 BCSC 986 (CanLII), upholding s. 7(2)(b)(v); R. v. Kennedy2016 ONSC 3438, upholding s. 7(2)(b)(v) and s. 7(2)(b)(vi); andR. v. Vu2015 ONSC 5834 (CanLII), striking down ss. 7(2)(b)(i) and (ii), and the residential aggravating factor in s. 7(3)(c). These decisions do not dictate the result of the present case; however, I agree with the Crown that there is now a substantial body of jurisprudence upholding the mandatory minimum sentences under s. 7(2) for commercial grow ops of more than 200 plants. I am not persuaded that I should arrive at a different conclusion in this case.
Au final, une peine de 1 an est imposée.
[68]      En somme, ces décisions, tout comme certaines d’entre elles qui font une revue de la jurisprudence, se rejoignent toutes. Les facteurs de dénonciation et de dissuasion sont présents et doivent recevoir une attention particulière au sens du paragr. 43 de Nasogaluak précité.

L'interception sur un terrain privé VS 636 Csr

R. c. Gasse, 2013 QCCQ 8053 (CanLII)

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[29]      En premier lieu, nous devons déterminer si les policiers pouvaient intervenir de la manière dont ils ont procédé pour interpeller et sommer le requérant à subir un test de dépistage d’alcool. Il est clair de l'intervention des policiers qu'ils se croyaient investis des mêmes pouvoirs que ceux qu'ils utilisent habituellement lorsqu'ils exigent qu'un conducteur de véhicule automobile immobilise son véhicule sur la route, en vertu de l'article 636 du Code de la sécurité routière qui se lit ainsi:
«636. Un agent de la paix, identifiable à première vue comme tel, peut, dans le cadre des fonctions qu'il exerce en vertu du présent code, des ententes conclues en vertu de l'article 519.65 et de la Loi concernant les propriétaires, les exploitants et les conducteurs de véhicules lourds (chapitre P-30.3), exiger que le conducteur d'un véhicule routier immobilise son véhicule. Le conducteur doit se conformer sans délai à cette exigence.»
[30]      Dans la présente affaire, l'attention des policiers est attirée par un véhicule qui recule rapidement dans une entrée sans qu’ils ne puissent décrire rien de particulier au sujet de la conduite. Il est à se demander si c'est la façon dont le véhicule a reculé qui a attiré leur attention ou le fait qu'il y avait également trois personnes à l'extérieur qui discutaient à une heure tardive de la nuit.
[33]      Il est à noter que les observations des policiers se limitent à deux personnes à l'extérieur de leurs véhicules sur un terrain privé dont l’une vient de sortir de son véhicule qu'elle vient de déplacer.
[34]      Comme mentionné précédemment, leur façon de faire est similaire à celle qu'ils auraient utilisée s'ils avaient demandé à un automobiliste de s'immobiliser sur la route. Par contre, est-ce que l'article 636  du Code de sécurité routière trouve application en la présente affaire?
[35]      L'auteur Karl-Emmanuel Harrison dans la deuxième édition de son volume sur les capacités affaiblies, précise les exigences légales à cette sphère d’activité pour l'agent de la paix qui intervient en vertu de l'article 636 du Code de sécurité routière:
«L'agent de la paix a quatre exigences légales à satisfaire. Premièrement, il doit être identifiable comme tel à première vue. Deuxièmement, il ne doit utiliser ce pouvoir que dans l'exercice des fonctions qui lui sont attribuées par les lois relatives à la sécurité routière. Troisièmement, il ne peut requérir que l'immobilisation d'un véhicule routier. Quatrièmement, il ne peut demander qu'à un conducteur circulant sur un chemin public ou un lieu de circulation public de s'immobiliser.» (Soulignements du tribunal)
[36]      Or, la toute première question que le tribunal doit résoudre est de déterminer si les agents pouvaient exercer leur pouvoir en vertu de l'article 636 du Code de sécurité routière lorsqu'un véhicule est déjà immobilisé sur un terrain privé avant qu'ils ne le demandent et que le conducteur est à l'extérieur à discuter avec une autre personne?
[37]      Dans la décision Briand, le juge Michel Parent fait une analyse très détaillée de toute cette question et souligne qu’« afin de décider si l'agent de la paix agissait en vertu du Code de sécurité routière, il faut déterminer où était l'automobile lorsque l'agent a interpellé le conducteur et non pas où l'automobile a finalement décidé de s'immobiliser ».
[38]      Dans Briand, tout comme dans la présente affaire, toute l'interpellation policière a eu lieu sur un terrain privé alors que le conducteur avait déjà immobilisé son véhicule de sa propre volonté et sans contrainte. Dans ce type de circonstances, il est clair que l'agent de la paix n'agit pas dans le cadre de ses fonctions et la cour a décidé que le policier ne peut fonder son pouvoir d’intervention sur les prescriptions de l'article 636 du Code de sécurité routière. L'affaire Lacasse du juge Bellavance va également dans le même sens.
[39]      La Cour d'appel dans Harvey autorise l'intervention des policiers dans une entrée privée en utilisant le pouvoir prévu à l'article 636 du Code de sécurité routière. Cependant, cela survient après que les policiers aient suivi et observé le véhicule pendant un certain trajet sur la voie publique pour un motif précis et après avoir fait certaines constatations particulières quant au comportement de la conductrice. Il en va de même dans Élie où le conducteur a fait une manœuvre bizarre et qu’il a été suivi sur une certaine distance avant d’être intercepté sur la route, pour un motif précis relié à la conduite d’une automobile. La présente affaire se distingue très clairement de ces deux dernières décisions.
[40]      Dans le présent dossier, la Cour conclut que les policiers n’avaient aucun motif précis d’intervention et qu’ils ne se sont fondés sur aucune observation préalable sérieuse avant d’intercepter les deux personnes à l’extérieur, situées sur un terrain privé. Il ne s’agissait pour eux que d’aller voir ce qui se passait. La cour ne retient pas la version des policiers quant à la manœuvre prétendument observée et qu’ils voulaient voir l’état du conducteur. En accord avec les principes énoncés dans les décisions Briand et Lacasse, comme le véhicule était déjà immobilisé et que le conducteur en était sorti, les policiers ne pouvaient pas fonder leur intervention en application de l’article 636 du Code de la sécurité routière.
[41]      Toujours en référant à l'auteur Harrison, les policiers n'agissaient pas dans le cadre de leurs fonctions en vertu de la sécurité routière. En effet l'auteur précise que :
«(…) une interpellation ne peut pas se fonder sur la curiosité ou un caprice de la part de l'agent de la paix : Donnacona (Ville de )c. Plamondon [1996] A.Q. 2575 (QL) (CS). Lorsque le Code de la sécurité routière est détourné à d'autres fins ou qu'il sert uniquement à satisfaire, comme moyen d'enquête, la curiosité d'un policier, il en résulte une détention arbitraire qui n'est pas justifiable dans une société libre et démocratique. »
Ce passage trouve application dans la présente affaire compte tenu que les policiers n'avaient aucun véritable motif d'intervenir ou d'enquêter et qu'ils sont allés voir ce qui se passait à cet endroit, sans plus.
[42]      En second lieu, puisque les policiers n'intervenaient pas en l'application de l'article 636 du Code de la sécurité routière, pouvaient-ils intervenir en vertu de leur devoir général de préserver la paix et la sécurité du public ou plus précisément de leur pouvoir d'intervention de common law.
[43]      Pour exercer ces pouvoirs, les policiers doivent être en mesure de justifier certains motifs d’intervention (articulable cause), tel que mentionné dans l'arrêt R. c. Mann :
«Le critère servant à déterminer si un policier a agi conformément aux pouvoirs que lui confère la common law a d'abord été formulé par la Cour d'appel d'Angleterre en matière de juridiction criminelle dans l'arrêt Waterfield, précité, p. 660-661. Il s'est dégagé de cet arrêt une analyse à deux volets applicable lorsque la conduite du policier constitue à première vue une atteinte illicite à la liberté ou aux biens d'une personne. En pareil cas, le tribunal se demande d'abord si la conduite du policier à l'origine de l'atteinte entre dans le cadre général d'un devoir imposé à ce dernier par une loi ou par la common law. Si cette condition préliminaire a été satisfaite, le tribunal poursuit l'analyse et se demande si cette conduite, bien qu'elle respecte le cadre général du devoir en question, a donné lieu à un emploi injustifiable de pouvoirs afférents à ce devoir.» 
[44]      L'auteur Harrison sur le même sujet mentionne :
« Pour pouvoir légalement entraver, à des fins d'enquête, à la liberté de circulation d'un individu en l'absence d'une disposition législative ou réglementaire l'habilitant spécifiquement à le faire, il faut que l'agent de la paix soit en mesure d'établir le devoir dont il cherche à s'acquitter en procédant à l'interpellation de l'individu et de justifier celle-ci au regard de l'ensemble des circonstances. En outre, il doit pouvoir énoncer clairement un motif précis pour lequel il décide d'intercepter cette personne en particulier et, au surplus, que ce motif ait trait à la possibilité que cette personne sera relié à la commission d'une activité criminelle sous enquête. »
[45]      Plus loin, l’auteur précise :
« (…) Le policier n'ayant connaissance d'aucune infraction ni possibilité d'infraction au moment où il a décidé de procéder à l'interception, il n'enquêtait alors sur rien de particulier, sinon la présence d'un véhicule circulant sur une rue passante ou non, ce qui n'est pas susceptible de constituer une infraction en soi. Dès lors, rien ne lui permettait d'établir un motif précis qui lui permettrait de relier l'accusé à la commission ou à la possibilité de la commission d'une infraction quelconque. »
[46]      Dans la présente affaire, les policiers n'ont fait état d'aucun motif pouvant justifier une intervention même en vertu de leurs pouvoirs de common law. Il n'y avait aucune menace à la sécurité publique, aucune plainte relativement au fait que ces individus pouvaient troubler l'ordre public, faire du bruit ou quoi que ce soit. En fait, il n'y avait absolument aucun motif d'intervention pour les policiers, si ce n'est de satisfaire leur curiosité à la suite d'une manœuvre qu’ils qualifient d'étrange ou de particulière sans pouvoir en préciser la nature.
[47]      Donc, en appliquant le test mentionné dans l'arrêt Mann, la Cour conclut que les policiers n'agissaient pas dans le cadre général d'un devoir imposé par une loi ou par la common law lorsqu'ils ont décidé d'intervenir.

samedi 23 septembre 2017

Comment apprécier le délai pré-inculpatoire en regard de l'abus de procédure

R. v Hunt, 2016 NLCA 61 (CanLII)

Lien vers la décision

[81]        Subject to a few specific exceptions, the laying of indictable criminal charges is not subject to limitation periods (Rourke).  (See also R. v. Finta1994 CanLII 129 (SCC)[1994] 1 S.C.R. 701.)  Limitation periods in criminal law are the province of parliament, subject to judicial scrutiny only for constitutional compliance and the ability of courts to control their own processes to protect accused persons through the doctrine of abuse of process.  The invocation of section 7 of the Charter to assist an accused person whose regularly constituted charges involve significant pre-charge delay has been carefully confined to few and unusual circumstances where demonstrated prejudice to his or her fair trial rights or abuse of process is found.

[84]        I do not dispute that ten years is a long time to be investigating a complaint of criminal conduct.  However, determining that investigatory or pre-charge delay constitutes abuse of process requires more than conclusive statements that the pre-charge delay was egregious and that the Respondents suffered an exacerbation of personal prejudice due to the passage of time.  I would also note that egregiousness involved in residual category abuse of process relates to Crown conduct (Anderson, at paragraph 50).  The Judge’s use of the word to describe the pre-charge delay in this case makes a certain point, but not the point required to be made. What is required to make out abuse of process is egregious Crown conduct in the handling of the investigation.  It is the Crown conduct that is in issue, not the length of the delay.

[96]        In this case the Judge stated that choices were made by the investigators that placed the Respondents in jeopardy “for the concurrent periods of their choice of those delayed timelines” (at paragraph 99).  He identified places in the investigation where he felt efficiencies could be gained (at paragraphs 78 to 86), but did not identify any conduct that could be described as oppressive.  As well, I am unable to identify any choices made by the investigators that could be regarded as unjust or unfair or cause injustice or unfairness to the Respondents.  The investigation was conducted in a professional manner with appropriate forensic and legal consultation.  The length of time it took speaks to its enormity.  Accordingly, I do not accept that the Crown oppressed the Respondents by virtue of its lengthy investigation.  I note that even if there were Crown conduct which could be regarded as oppressive, it would have to be of magnitude that would tarnish the integrity of the justice system (Nixon, at paragraph 59) or seriously compromise its integrity (Anderson, at paragraph 50).  This issue was at play in R. v. Clarke, 2015 NSSC 224 (CanLII)363 N.S.R. (2d) 337, where the court found that the choices made by the investigatory team did not amount to abuse of process in the nine-year investigation of fraud relating to unlawfully affecting the public market price of an incorporated company, despite findings of mistake in the conduct of the investigation and that the investigation was significantly under resourced.  The court refused to stay the charges.
[97]        In this regard I acknowledge that it could be argued that proceeding with a criminal prosecution after a 10-year investigation is per se oppressive.  Like Justice Wilson in Keyowski, I cannot say that there would never be a case where the exercise of Crown discretion to lay a criminal charge after a lengthy investigation would constitute abuse of process.  However, such a finding, again, would have to be rooted in the facts and circumstances of the particular case, and would also involve consideration of what is involved in the integrity of the justice system and what it takes to undermine it.
[99]        The notion that delay, in the absence of jeopardy to fair trial rights, Crown misconduct, or oppressive Crown conduct, can result in the staying of serious criminal charges, is very disturbing to me.  It effectively means that charges laid after a lengthy investigation cannot be prosecuted on their merits, regardless of their complexity and volume.  Complexity and volume involve time.  It follows that the more complicated and voluminous the offence, the more likely that charges arising from it will be stayed.  Such a result rewards sophisticated criminal conduct, and effectively imposes a judicially determined limitation period on charges which take a long time to investigate simply because it is too difficult, time consuming, and/or expensive to do so.
[100]   Complicated commercial crime is most often committed by persons in positions of power and influence and blessed with financial resources.  Staying criminal charges in such cases translates into a pass for perpetrators of these crimes and could even be understood to widen the gap between the haves and have nots in our society and affect the perception that everyone is entitled to be treated equally before and under the law.  Upholding the Judge’s decision in this case amounts to an advance declaration that the most complicated, sophisticated crimes will not be prosecuted.  To my mind, this result tarnishes and seriously compromises the integrity of the justice system, and accordingly would not establish abuse of process.
[101]   The Judge also found that the Respondents suffered prejudice due to investigative delay.  If established, such prejudice could result in a finding that the Respondents were deprived of their section 7 rights to security of the person, and could result in a breach if the deprivations were not in accordance with the fundamental principles of justice.
[103]   I do not doubt that the Respondents were distressed by the media and community attention to the bankruptcy or that they suffered prejudice as a result.  And I do not doubt that they had difficulties finding work after HE’s bankruptcy.  HE’s bankruptcy and the surrounding circumstances were a big story in this small province.  However, the state did not cause the bankruptcy or create the media and community attention to it, and neither did delay in the investigation create the publicity or gossip.  In this regard, I note from the Judge’s decision that Mr. Parsons suffered damage to his reputation in 2002 and lost his new job in 2004.  The loss of his reputation and employment at these early points in the investigation can hardly be attributed to investigatory delay.  Like the prejudice in Blencoe, this prejudice clearly resulted from the Respondents’ association with HE, HE’s bankruptcy and media and public attention to it.  While I agree that the Respondents’ suspicions that they were subjects in the ongoing investigation caused them stress and anxiety, I do not accept that this stress anxiety has “a sufficient causal connection” (Bedford) to actions of the state, or is of a magnitude so as to result in a deprivation of their security of the person (Blencoe).  Neither could I say that any exacerbation of their stress as a result of delay was not in accordance with the principles of fundamental justice.  The delay was due to the massive and complex investigation legitimately carried out.
Review of the Investigation
[104]   The Judge’s remarks about when the Crown ought to have laid charges against the Respondents show that he engaged in a review of the efficiency of the Crown’s investigation.  While some review of Crown conduct in an investigation is required if abuse of process is alleged, judicial scrutinizing of an investigation for efficiency is, in my view, neither required nor appropriate.  In my opinion, it is not part of the judicial role, as RourkeMillsL.(W.K.) and Young make clear.  The reason why it is not the Judge’s role to scrutinize an investigation for efficiency is because doing so conflates the roles of the judicial and executive branches of government.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Des paroles prononcées pour expliquer sa détresse ne constituent pas nécessairement des menaces au sens du Code criminel; il faut analyser ce type de confidence dans le contexte où les paroles sont prononcées

Martel c. R., 2023 QCCA 205 Lien vers la décision La  mens rea [ 27 ]        L’appelant reproche d’abord au juge d’avoir omis d’analyser l’é...