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vendredi 3 octobre 2025

L'essence de la communication de la preuve doit être communiquée à l'accusé avant que celui-ci ne puisse valablement exercer son option

Beck c. R., 2015 QCCS 4160 

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[21]        In Girimonte, Doherty J. states that:

 

« Initial disclosure must occur sufficiently before the accused is called upon to elect or plead so as to permit the accused to make an informed decision as to the mode of trial and the appropriate plea. In a perfect world, initial disclosure would also be complete disclosure. However, as is recognized in Stinchcombe [reference omitted], the Crown will often be unable to make complete disclosure at the initial stage of the disclosure process. […] If full disclosure cannot be made when initial disclosure is provided, the Crown's obligation to disclose is an ongoing one and requires that disclosure be made as it becomes available and be completed as soon as is reasonably possible. In any event, an accused will not be compelled to elect or plead if the accused has not received sufficient disclosure to allow the accused to make an informed decision. »[9] (our emphasis)

 

[22]        There are basically two main periods when the failure of the Crown to comply with its disclosure duty will concretely affect the exercise of an accused’s protected rights:

 

        when he is called upon to enter a plea or elect a mode of trial, and

        at his trial.

[23]        In situations where the initial disclosure bars the accused from entering a plea or electing a mode of trial, because of its form, method or manner, a Superior Court will justifiably intervene in disclosure issues prior to trial. Blencowe and Hallstone are decisions that stand for this proposition[10].

La fourchette des peines pour le crime d'enlèvement et les principes permettant d'apprécier la gravité de l'infraction et la culpabilité morale du contrevenant

R. v. Okito, 2023 ONSC 1514




[25]      In the case of R. v. Babin1998 CanLII 15020 (BCCA) the British Columbia Court of Appeal described the range of sentence for kidnapping:

The classic form of kidnapping, that which attracts penalties in the 10 years to life range, usually involves a carefully planned scheme for ransom with a period of confinement much longer than several hours and where the victim is bound, gagged, and sometimes blindfolded.  This case is technically a kidnapping but in my opinion it is more like the second group of cases.  It bears a greater resemblance to an extortion or a robbery accompanied by a relatively short period of confinement.  I would put the appropriate range at four to six years.

[26]      In R. v. Brar2014 BCCA 175 at para 23, the British Columbia Court of Appeal rejected a categorical approach to the range but set out factors to be considered in determining the gravity of the offence. Those factors are:

(a)               the purpose of the kidnapping, specifically whether it is carried out for ransom or as a means of extorting a payment or repayment from the victim;

(b)               the extent to which there is planning and premeditation;

(c)               the length and conditions of the confinement;

(d)               the extent to which there is violence, torture or significant physical injuries;

(e)               whether third parties are threatened;

(f)               whether guns are used;

(g)               whether there is gang involvement;

(h)               whether the kidnapping occurs in the course of the commission of another offence; and

(i)                 the circumstances in which the kidnapping ends.

Il est bien établi qu’une opinion d’expert « n’est pas offerte pour prouver la véracité des éléments sur lesquels elle se fonde »

Tartamella c. R., 2017 QCCA 955

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[18]        Il est bien établi qu’une opinion d’expert « n’est pas offerte pour prouver la véracité des éléments sur lesquels elle se fonde » : R. c. Abbey1982 CanLII 25 (CSC), [1982] 2 R.C.S. 24, 43, reprenant R. c. Wilbrand1966 CanLII 3 (SCC), [1967] R.C.S. 14, 21. L’arrêt Abbey a été rendu dans le contexte d’un procès alors que l’arrêt Wilbrand découle d’une requête pour déclaration de délinquant dangereux. Malgré le contexte juridique un peu différent de ces deux affaires, le principal intéressé n’avait pas témoigné et, dans chacune, l’expert avait notamment puisé ses informations lors d’entrevues cliniques avec lui, mais aussi auprès de tiers, à partir d’une documentation pénitentiaire ou médicale, des éléments d’information qui n’avaient pas autrement été prouvés. Ce fut le cas également dans l’arrêt R. c. Lavallee1990 CanLII 95 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 852. Dans ces affaires, le témoignage de l’expert a été autorisé.

[19]        Dans l’arrêt R. c. Lupien1969 CanLII 120 (CSC), [1970] R.C.S. 263, à la page 273, le juge Ritchie exprime clairement que la psychiatrie appuie souvent son opinion sur des informations obtenues en marge du procès, ce qui affecte sa valeur probante et pas son admissibilité :

À mon avis, le fait que les procédés employés par le psychiatre pour se former une opinion dépendent nécessairement d'informations obtenues de l'intimé ou d'autres personnes, hors la présence du jury, ne rend point cette opinion irrecevable, bien qu'il puisse être un facteur à prendre en considération en évaluant la force probante de cette opinion. S'il en était autrement, les tribunaux seraient privés d'un nombre important d'opinions médicales fondées sur des méthodes cliniques de diagnostic.

[20]        Qui plus est, le juge Dickson, pour la Cour dans l’arrêt R. c. Abbey1982 CanLII 25 (CSC), [1982] 2 R.C.S. 24, reprenait à son compte, à la page 43, les propos suivants du juge en chef Gale : « if an expert is permitted to give his opinion, he ought to be permitted to give the circumstances upon which that opinion is based » : R. c. Dietrich (1970), 1970 CanLII 377 (ON CA), 1 C.C.C. (2d) 49 (C.A.O.).

[21]        Dans l’arrêt R. c. Lavallee1990 CanLII 95 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 852, la Cour précise que si l’opinion de l’expert se fonde sur quelque élément de preuve, il n’est pas nécessaire que tous les faits au soutien de l’opinion soient prouvés. Il s’agit d’un facteur touchant la valeur probante du témoignage. Voici ce qu’écrit la juge Wilson à la page 896, passage auquel souscrit le juge Sopinka à la page 900 :

À mon avis, tant qu'il existe quelque élément de preuve admissible tendant à établir le fondement de l'opinion de l'expert, le juge du procès ne peut par la suite dire au jury de faire complètement abstraction du témoignage. Le juge doit, bien sûr, faire comprendre au jury que plus l'expert se fonde sur des faits non établis par la preuve moins la valeur probante de son opinion sera grande.

[22]        La Cour reconnaît cependant qu’un témoignage d’expert fondé sur des éléments dont la preuve n’est pas faite comporte le danger corollaire voulant que le juge des faits les considère comme prouvés ou véridiques : R. c. Abbey1982 CanLII 25 (CSC), [1982] 2 R.C.S. 24, 44. C’était d’ailleurs l’erreur qu’avait commise le juge dans cet arrêt.

[23]        Dans un procès par jury, ce danger peut être écarté par une directive lui indiquant qu’il ne devait pas se fonder sur des déclarations de l’accusé reçues notamment lors d’entrevues cliniques et qui sont équivalentes à du ouï-dire « pour établir la véracité des faits et qu'il y avait lieu d'en tenir compte pour déterminer le poids à accorder au témoignage des experts » : R. c. Giesbrecht1994 CanLII 96 (CSC), [1994] 2 R.C.S. 482.

[24]        L’appelant a raison sur un point. Il est juste de dire que l’experte Allard pouvait relater les éléments sur lesquels reposait sa décision. Un expert doit témoigner sur le tout dès lors que « le juge-gardien exerce son pouvoir discrétionnaire en soupesant les risques et les bénéfices éventuels que présente l’admission du témoignage, afin de décider si les premiers sont justifiés par les seconds » : White Burgess Langille Inman c. Abbott and Haliburton Co., 2015 CSC 23 (CanLII), [2015] 2 R.C.S. 182, par. 24.

La combinaison des moyens de défense incomplets ou rejetés peuvent tout de même être cumulativement pertinents pour évaluer l’intention de tuer

R. v. Phillips, 2017 ONCA 752

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[154]   In a murder case, evidence that supplies the air of reality to place a defence, justification or excuse before a jury may also be relevant for the jury to consider in deciding whether the Crown has proven the mental or fault element in murder beyond a reasonable doubt: Cudjoe, at para. 103. The device by which to draw the jury’s attention to such evidence is the rolled-up charge, prosaically described as “a stew of failed individual defences, justifications, or excuses whose ingredients are combined together and left with other relevant evidence for jurors to consider cumulatively in deciding whether [the prosecutor] has proven the mental element essential in murder” (emphasis in original): Watt’s Manual of Criminal Jury Instructions, 2nd ed., at p. 1206.

[155]   The purpose of a rolled-up charge is to instruct the jury not to take a compartmentalized approach to the evidence by considering it only in connection with a discrete defence, justification, or excuse. Instead, the trial judge should remind the jury “they should consider the cumulative effect of all relevant evidence in determining the adequacy of the prosecution’s proof of the mental or fault element in murder” beyond a reasonable doubt: Cudjoe, at para. 104R. v. Robinson1996 CanLII 233 (SCC), [1996] 1 S.C.R. 683, at para. 59R. v. Fraser (2001), 2001 CanLII 8611 (ON CA), 159 C.C.C. (3d) 540 (Ont. C.A.), at para. 25, leave to appeal to S.C.C. refused, [2002] S.C.C.A. No. 11.

[156]   Even where the partial defence of provocation is not left for the jury, evidence of an accused’s anger, excitement or instinctive reactions can have an impact on the formation of the requisite intent for murder and must be considered by the jury on that issue: R. v. Bouchard2013 ONCA 791, 305 C.C.C. (3d) 240, at para. 62, aff’d 2014 SCC 64, [2014] 3 S.C.R. 283; R. v. Singh2016 ONSC 3739, at paras. 84-85.

Les circonstances qui ne suffisent pas à soutenir une défense de provocation, notamment la conduite de la victime, peuvent être pertinentes pour évaluer l’intention de tuer

Palma c. R., 2019 QCCA 762



[35]        Reste que les circonstances qui ne suffisent pas à soutenir une défense de provocation, notamment la conduite de la victime, peuvent être pertinentes pour évaluer l’intention. Le jury doit être guidé sur tous les éléments qui peuvent avoir un impact sur celle-ci : R. c. Bouchard2014 CSC 64 (CanLII), [2014] 3 R.C.S. 283.

[36]        Dans cet arrêt, la Cour confirme sommairement la Cour d’appel de l’Ontario : R. c. Bouchard2013 ONCA 791. Dans cette affaire, le juge du procès avait correctement instruit le jury sur la défense de provocation et l’intoxication. Même s’il rejetait ces deux moyens individuellement, le juge avait ensuite invité le jury à considérer l’effet combiné de l’intoxication et de la provocation avec toute la preuve pour déterminer si la poursuite avait satisfait son fardeau de prouver l’intention requise pour le meurtre. Le juge Doherty, pour la Cour, écrit au paragraphe 62 :

[62]      However, potentially provocative conduct that fails the ordinary person test and, therefore, cannot qualify as provocation under s. 232, must still be considered by a jury in assessing whether an accused had the necessary mens reaIn the context of the mens rea inquiry, the accused’s intoxication could potentially play a significant role in support of the claim that a deceased’s conduct caused the accused to act without regard to the consequences and without the necessary mens rea.

(Je souligne.)

[37]        Évidemment, un élément fort différent avec cette affaire demeure que la défense de provocation n’a pas, ici, d’air de vraisemblance. Lorsque la défense de provocation est présentée au jury, comme dans l’arrêt Bouchard, il y a un risque que le jury confonde la défense de provocation et les éléments qui la composent. S’il est important que le jury fasse la distinction, il doit également et toujours considérer les éléments provocateurs indépendamment de l’existence ou du rejet de la défense de provocation.

[38]        Cela est rappelé dans l’arrêt R. c. Philipps2017 ONCA 752, où la défense de provocation n’avait pas, comme ici, un air de vraisemblance. La Cour écrit :

[154]   In a murder case, evidence that supplies the air of reality to place a defence, justification or excuse before a jury may also be relevant for the jury to consider in deciding whether the Crown has proven the mental or fault element in murder beyond a reasonable doubt: Cudjoe, at para. 103. The device by which to draw the jury’s attention to such evidence is the rolled-up charge, prosaically described as “a stew of failed individual defences, justifications, or excuses whose ingredients are combined together and left with other relevant evidence for jurors to consider cumulatively in deciding whether [the prosecutor] has proven the mental element essential in murder” (emphasis in original): Watt’s Manual of Criminal Jury Instructions, 2nd ed., at p. 1206.

[155]   The purpose of a rolled-up charge is to instruct the jury not to take a compartmentalized approach to the evidence by considering it only in connection with a discrete defence, justification, or excuse. Instead, the trial judge should remind the jury “they should consider the cumulative effect of all relevant evidence in determining the adequacy of the prosecution’s proof of the mental or fault element in murder” beyond a reasonable doubt: Cudjoe, at para. 104; R. v. Robinson1996 CanLII 233 (SCC), [1996] 1 S.C.R. 683, at para. 59R. v. Fraser (2001), 2001 CanLII 8611 (ON CA), 159 C.C.C. (3d) 540 (Ont. C.A.), at para. 25, leave to appeal to S.C.C. refused, [2002] S.C.C.A. No. 11.

[156]   Even where the partial defence of provocation is not left for the jury, evidence of an accused’s anger, excitement or instinctive reactions can have an impact on the formation of the requisite intent for murder and must be considered by the jury on that issueR. v. Bouchard2013 ONCA 791 (CanLII), 305 C.C.C. (3d) 240, at para. 62, aff’d 2014 SCC 64 (CanLII), [2014] 3 S.C.R. 283; R. v. Singh2016 ONSC 3739, at paras. 84-85.

(Je souligne.)

[39]        Cela ne saurait cependant pas « élever au rang de moyens de défense autonomes des circonstances qui n'en sont pas, comme la colère… », écrit le juge Doyon dans l’arrêt R. c. Helpin2012 QCCA 1523, par. 46.

[40]        En effet, je rappelle que la colère seule, même intense, n’est pas un moyen de défense autonome sauf, comme l’a précisé la Cour suprême, si la colère extrême fait « sombrer une personne dans un état d’automatisme où elle ne sait plus ce qu’elle fait, enlevant ainsi à l’actus reus son caractère volontaire : R. c. Stone1999 CanLII 688 (CSC), [1999] 2 R.C.S. 290 […] ce qui aurait pour effet d’entraîner l’acquittement et non de réduire le meurtre à un homicide involontaire coupable » : R. c. Parent2001 CSC 30 (CanLII), [2001] 1 R.C.S. 761, par. 10.

[41]        Cependant, lorsque la colère ou des émotions équivalentes et d’autres éléments de preuve sont pertinents, comme l’intoxication, tous ces éléments doivent être soupesés cumulativement pour trancher la question de l’intention. Il ne s’agit pas de donner à cette émotion, colère ou autre, un caractère de défense autonome, mais d’évaluer le poids cumulatif des éléments pertinents.

[42]        L’appelant a donc raison, particulièrement lorsqu’il souligne que la « meilleure pratique » voudrait que le juge regroupe dans une section de ses directives l’ensemble des éléments qui peuvent, dans un cas donné, influencer l’analyse de l’élément de l’intention. À n’en pas douter, tout ce qui amène le jury à mieux comprendre son travail est bienvenu. Les directives s’évaluent cependant en fonction d’un autre critère, celui de leur caractère approprié : R. c. Jacquard1997 CanLII 374 (CSC), [1997] 1 R.C.S. 314; R. c. Calnen2019 CSC 6, par. 8 et 11; R. c. Dandurand2005 QCCA 762.

lundi 29 septembre 2025

Une condition psychologique ou psychiatrique peut avoir un impact considérable sur le degré de responsabilité du délinquant, bien qu'il n’y a pas d’équation directe entre « condition mentale » et « peine réduite »

Vinet c. R., 2021 QCCQ 3474

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[124]     Dans la mesure où ils affectent indubitablement l’état d’esprit de l’accusé au moment du crime, les troubles mentaux constituent un facteur pertinent dans le processus de détermination de la peine[71]. À cet égard, il y a lieu de citer les propos du juge Mainella dans l’arrêt R. v. Okemow :

La détermination de la culpabilité morale d’un délinquant atteint d’une maladie mentale ou d’une autre forme de limite cognitive est un exercice empreint de tact et de considération. En procédant à cette détermination, les juges doivent éviter de commettre l’une des deux erreurs de principe évidentes décrites dans ce qui suit. La première est d’être indifférent à la question de savoir si la situation mentale d’un délinquant a une incidence sur son degré de responsabilité. L’autre erreur de principe est le cas inverse, c’est-à-dire de supposer que la culpabilité morale d’un délinquant pour une infraction est automatiquement moins élevée parce qu’il souffre d’une maladie mentale ou d’une autre déficience cognitive[72].

[125]     Une condition psychologique ou psychiatrique peut avoir un impact considérable sur le degré de responsabilité du délinquant. La jurisprudence n’établit pas une liste exhaustive de conditions ou de diagnostics qui peuvent être pertinents. L’approche est flexible. Même la dépression, l’anxiété et les idées suicidaires peuvent avoir un impact sur la peine[73].

[126]     Pour ce motif, il est très important que le plus de renseignements possible soient fournis au juge de sorte que la peine réponde équitablement au degré de culpabilité morale du délinquant[74]. Une preuve contemporaine de l’état de santé mentale est préférable. Au besoin, pour remédier aux insuffisances du dossier, le juge chargé de la détermination de la peine peut exiger (selon l’art. 723(3) C.cr.) la présentation des éléments qui l’aideront à porter un jugement éclairé sur la question[75]. C’est la raison pour laquelle le Tribunal a ordonné – d’office – la confection d’un rapport pré-sentenciel avec un volet d’évaluation psychiatrique, une pratique avalisée par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans l’affaire R. v. McGee[76]. C’est également à cette fin que le Tribunal a pris connaissance du rapport d’évaluation quant à l’aptitude de l’accusé à subir son procès, daté du 31 août 2020, qui était annexé au rapport pré-sentenciel et qui se trouvait déjà au dossier de la Cour[77].

[127]     Avant qu’une condition mentale ne puisse avoir un impact sur la peine, le Tribunal doit d’abord saisir la mesure dans laquelle cette condition mentale a affecté la culpabilité morale du délinquant par rapport à l’infraction.

[128]     Comme l’ont expliqué les juges majoritaires dans l’arrêt R. c. Martin, lorsqu’un accusé est affligé d’une maladie mentale, il est reconnu que l’accent doit être placé sur des mécanismes permettant la réhabilitation et le traitement de l’accusé, et non pas la punition[78].

[129]     Au même effet, les troubles mentaux auront parfois une incidence sur l’importance accordée à l’objectif de la dissuasion spécifique. Autrement dit, si l’accusé souffre de délires (généralisés ou ponctuels), il sera plus difficile de le dissuader spécifiquement de répéter une infraction semblable par l’imposition d’une peine sévère, puisque le processus logique associant le comportement à une peine potentielle sera déformé et donc moins efficace[79]. Le délinquant retirerait moins d’enseignement de la peine infligée.

[130]     Il y a également lieu d’accorder moins d’importance aux critères de l’exemplarité et de la dissuasion générale[80]. Cependant, ces objectifs ne doivent pas être complètement occultés[81].

[131]     Ceci dit, les troubles mentaux n’auront pas nécessairement un impact sur la peine et ils n’entraîneront pas toujours une réduction. Dans le récent arrêt R. c. Pond, après un résumé détaillé de la jurisprudence, la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick rappelait :

La présence d’une maladie mentale ne constitue pas automatiquement un facteur atténuant. Il ne suffit pas de démontrer que le délinquant a souffert de maladie mentale dans le passé ou même souffrait d’une maladie mentale au moment de l’infraction[82].

[132]     Foncièrement, il n’y a pas d’équation directe entre « condition mentale » et « peine réduite »[83]. Le Tribunal doit plutôt évaluer si la condition mentale de l’accusé a contribué à la commission de l’infraction ou si elle influe autrement sur la culpabilité morale du délinquant[84]. Le lien entre l’état mental et l’infraction ou la culpabilité morale doit être démontré et non seulement supposé[85]. Au même chapitre, en l’absence de preuve médicale claire, il faut se garder de présumer que toute croyance bizarre ou excentrique maintenue par l’accusé découle nécessairement d’un trouble mental. Les accusés sont issus de différents milieux, différents horizons et ils proviennent de parcours différents. Ceux qui souscrivent à des valeurs qui peuvent paraître inhabituelles ne sont pas nécessairement malades et ils ne mériteront pas nécessairement une peine réduite[86].

[133]     Par ailleurs, dans certains cas, la condition mentale de l’accusé fera en sorte que l’introspection est défaillante[87] ou qu’il présente une dangerosité accrue, nécessitant une isolation plus longue pour assurer la protection du public[88]. Ce sera le cas, par exemple, lorsque l’accusé souffre d’un trouble de personnalité qui se manifeste sous forme d’agressivité[89]. Comme le documente l’auteur Clayton Ruby dans son ouvrage, « considerations of dangerousness on the basis of mental illness are often reflected in the imposition of a longer jail sentence »[90]. Lorsque le délinquant présente un risque de récidive préjudiciable et qu’il est incapable de surmonter son comportement, il va de soi que les tribunaux doivent prioriser la protection des victimes.

[134]     Notamment, dans l’affaire R. v. Hawkins, le juge Romilly a imposé une peine de trois ans d’emprisonnement à un accusé qui avait menacé et harcelé des fonctionnaires à l’emploi du Ministère des Transports. L’accusé avait clairement des « problèmes psychiatriques » au moment des menaces, mais il ne souffrait pas de « maladie mentale » comme telle[91]. Il présentait plutôt un trouble de la personnalité antisociale, dont le Tribunal a tenu compte en évaluant le besoin de protéger le public[92].

[135]     Au même effet, dans l’arrêt R. v. Davis, l’accusé souffrait de problèmes psychiatriques et il avait harcelé la victime à plusieurs reprises, malgré des arrestations et des incarcérations antérieures. En confirmant une peine de 26 mois d’emprisonnement[93], la Cour d’appel du Manitoba a reconnu que des fois, seule la détention du délinquant donnera du répit à la victime :

But most of all, what makes this an offence for which the sentence was entirely fit is the high risk of the accused continuing to harass the victim. To the extent that the justice system can prevent this occurrence, it must attempt to do so. Criminal harassment was made an offence to protect victims such as the one in this case from the fear and distress caused by annoying and unwanted attention. In many cases, an offender will be deterred by the mere fact of his or her conviction, but where the harassment continues, and is thought likely to continue without stronger measures, a moderately long prison term may well be necessary to give the offender time to reflect and the opportunity, where required, of receiving therapy of one kind or another. Such a sentence, if it achieve no more, will at least afford the victim some respite.

In the present case, the accused must be seen as a threat to the well-being of the victim as soon as he is released from custody[94].

[gras ajouté]

[136]      Tel qu’illustré dans le tableau annexé à ces motifs, un recensement de la jurisprudence révèle de nombreuses décisions où des peines significatives d’incarcération ont été imposées pour l’infraction de harcèlement criminel à des contrevenants qui, malheureusement et malgré eux, souffraient de troubles psychiatriques ou psychologiques sérieux :

           Sérieux troubles de comportement de la nature d’une psychose paranoïde, trouble de personnalité paranoïaque ou d’ordre d’une paranoïa caractérisée[95].

           Trouble de personnalité borderline avec traits de psychopathie[96].

           Dépression[97].

           Trouble mental délirant, trouble de personnalité narcissique et complexe de persécution[98].

           Hospitalisations pour des idées suicidaires et des pensées homicidaires[99].

           Trouble de personnalité antisociale[100].

           Trouble délirant érotomaniaque[101].

           Idées délirantes voulant que tous les policiers étaient des agents de Satan et que les juges, les médecins, les infirmières et les enseignants d’école étaient tous des espions qui cherchaient la provocation[102].

           Trouble bipolaire, syndrome post-traumatique, trouble de personnalité mixte[103]

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Il incombe à la défense de préciser ses demandes de communication de la preuve supplémentaires et cela doit être fait en temps opportun

R. v. Atwell, 2022 NSSC 304 Lien vers la décision [ 8 ]              The Crown has a duty to make disclosure of all relevant information to ...