Dubois c. R., 2006 QCCS 3692 (CanLII)
[21] L'infraction reprochée à l'appelant est spécifiquement prévue à l'article 254(5) du Code criminel:
Commet une infraction quiconque, sans excuse raisonnable, fait défaut ou refuse d'obtempérer à un ordre que lui donne un agent de la paix en vertu du présent article.
[22] Pour obtenir une déclaration de culpabilité, la poursuite doit prouver hors de tout doute raisonnable les éléments suivants:
1) L'existence d'un ordre d'un agent de la paix de fournir un échantillon d'haleine ou de sang;
2) Le défaut ou le refus de l'accusé de fournir un échantillon d'haleine ou de sang (actus reus);
3) L'intention de l'accusé de produire ce résultat (mens rea).
[23] Lorsque la preuve de ces éléments essentiels est faite, l'accusé est alors présumé avoir commis l'infraction à moins qu'il ne soulève une excuse raisonnable.
[24] Il ne faut pas confondre la preuve de l'intention coupable et celle de l'excuse raisonnable:
Lorsqu'il y a refus de se soumettre au test, l'intention coupable se présume et le juge doit se demander, à l'étape subséquente, si l'accusé a démontré, de façon prépondérante, une excuse raisonnable justifiant le refus.
Quant à celui qui ne souffle pas de façon adéquate, le juge doit d'abord se demander s'il subsiste un doute, eu égard à l'ensemble de la preuve, quant à la présence du troisième élément essentiel de l'infraction: l'intention. Si pareil doute existe, il doit acquitter, sinon, il passe à l'examen de l'explication raisonnable, dans l'hypothèse où pareille défense est soulevée.
[25] Dans cette affaire, le Tribunal (l'honorable Richard Grenier) souligne que les insuccès répétés ne font preuve que du deuxième élément essentiel de l'infraction: l'actus reus.
[26] Suivant un courant jurisprudentiel majoritaire, le fardeau de preuve imposé à l'accusé, lorsqu'il soulève une excuse raisonnable, est celui de la prépondérance de preuve.
* * *
[27] L' excuse doit être objectivement raisonnable.
[28] Selon la Cour d'Appel du Québec: "Il se peut fort bien que l'excuse donnée par une personne soit sincère mais le critère de la "raisonnabilité" ne doit pas s'apprécier en fonction de la sincérité de celui qui fournit l'excuse mais en fonction de ce qui est objectivement raisonnable comme excuse."
[29] L'excuse raisonnable consiste à la fois en une question de droit et en une question de fait:
The authorities make it clear that what can amount to reasonable excuse under Section 254(5) is a question of law. However, whether or not an accused person has established that excuse or has brought himself within the context of what is, in law, a reasonable excuse is, itself, a matter of fact to be determined by the Trial Judge.
[30] La Cour suprême du Canada a établi que l'excuse raisonnable soulevée à l'encontre d'une accusation de refus comporte un facteur extérieur aux exigences requises pour justifier une telle accusation.
[31] Selon la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick, l'excuse raisonnable de l'article 254(5) doit consister en des circonstances qui rendent le fait d'obtempérer, extrêmement difficile ou dangereux pour la santé de la personne à qui l'ordre est donné:
In my judgment the "reasonable excuse" envisaged must be some circumstance which renders compliance with the demand either extremely difficult of likely to involve a substantial risk to the health of the person on whom the demand has been made.
[32] Ainsi, un simple inconfort ne saurait être qualifié d'excuse raisonnable. Par ailleurs, des risques ou des difficultés pour la personne à qui un échantillon d'haleine est demandé ou encore l'existence de problèmes de santé sérieux pourraient constituer une excuse raisonnable.
[33] Au passage, soulignons que lorsqu'un accusé présente une preuve d'excuse raisonnable afin de démontrer qu'il ne pouvait souffler malgré son intention de le faire, il court le risque, au cas où cette excuse est écartée, de voir le juge tirer une inférence quant à son intention de ne pas se conformer à l'ordre de l'agent de la paix, surtout lorsque la preuve de l'excuse raisonnable est étroitement reliée à la preuve de l'intention.
[34] C'est d'ailleurs la conclusion à laquelle en est arrivée la Cour d'Appel de la Saskatchewan dans l'arrêt Cody:
The inexorable inference is that the appellant intended to fail or to refuse to comply with the demand made by the police officer. The finding of intent, albeit through inference, is unequivocal.
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