vendredi 13 novembre 2009

L'erreur de droit, et en particulier celle fondée sur les précédents judiciaires, ne peut être acceptée comme un moyen de défense

Corp. des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec c. Boutique Relaxe Flamme Inc., 2002 CanLII 41947 (QC C.S.)

[14] L'article 19 du Code criminel consacre le principe que «nul n'est censé ignorer la loi». Cette règle s'applique également en droit pénal, bien qu'elle ne soit pas codifiée. Il existe cependant certaines exceptions à cette règle. L'une est fondée sur le paragraphe 8(3) du Code criminel, lorsqu'il s'agit d'une erreur commise à la suite d'un avis erroné reçu d'une autorité compétente

[18] La défense d'erreur de droit provoquée par une personne en autorité a finalement été analysée par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Jorgensen

[19] Après avoir passé en revue la doctrine et la jurisprudence qui en traitent, le juge Lamer expose les critères applicables afin de pouvoir bénéficier de ce moyen de défense:

1. Il faut déterminer s'il s'agit bien d'une erreur de droit ou d'une erreur de droit et de fait.

2. L'accusé doit démontrer qu'il a envisagé les conséquences juridiques de ses actes, puisqu'il ne suffit pas qu'un accusé qui avance cette excuse présume simplement que sa conduite était acceptable.

3. Il faut également démontrer que l'avis obtenu provenait d'une personne en autorité compétente en la matière.

4. L'accusé doit établir que l'avis obtenu était raisonnable dans les circonstances.

5. L'avis doit avoir été erroné.

6. Finalement, l'accusé doit démontrer qu'il s'est fondé sur l'avis de la personne en autorité.

[20] L'acceptation de cette défense aura pour conséquence un arrêt des procédures plutôt qu'un acquittement

[21] Cet argument fondé sur l'erreur de droit provoquée par une personne en autorité ne saurait être, ici, retenu, puisqu'il faut, à tout le moins, reconnaître qu'un tribunal ne peut être vu comme cette personne en autorité, chargée de donner des avis sur quoi que ce soit. Il n'est pas possible de procéder par analogie en reprenant les nombreuses décisions où l'erreur de droit provoquée par une personne en autorité fut analysée, pour les appliquer au cas d'une interprétation jurisprudentielle, précisément parce que le rôle des tribunaux n'est pas de donner des avis juridiques.

[22] Il faut distinguer la situation où une personne fait des démarches auprès des autorités concernées pour s'assurer de la légalité de sa conduite, et agit sur la foi des informations obtenues des agents officiels de l'État, du cas où, comme en l'espèce, une personne fonde sa conduite sur un précédent judiciaire.

[23] En principe, en vertu des dispositions de l'article 19 du Code criminel, l'erreur quant à la loi, même sincère et honnête, n'est pas une excuse. Quant à l'interprétation erronée d'une décision judiciaire, une jurisprudence constante établit qu'une erreur de droit sur l'interprétation d'une disposition légale qui crée une infraction ne constitue pas un moyen de défense

[28] Une mauvaise interprétation de la loi, au même titre que l'ignorance de l'existence de celle-ci, ne constitue donc pas une excuse. Monsieur le juge Lamer, dans l'arrêt Molis, expose le principe que:

«Quel que puisse être le bien-fondé de cette distinction (ce sur quoi je ne me prononce pas), le Parlement a choisi, par les termes clairs et non équivoques de l'art. 19, de ne faire aucune distinction entre l'ignorance de l'existence de la loi et celle de son sens, de sa portée ou de son application. Le Parlement a aussi clairement exprimé la volonté que l'art. 19 du Code Criminel constitue une fin de non-recevoir à toute défense de cette espèce(…).»

[30] Il faut néanmoins reconnaître que les enseignements qui se dégagent des arrêts MacDougall, Molis, Jorgensen et Pontes, font en sorte que l'erreur de droit, et en particulier celle fondée sur les précédents judiciaires, ne peut être acceptée comme un moyen de défense.

[35] (...) La Cour ne peut être vue comme la personne en autorité dont s'autorise le moyen de défense, et la position de l'intimée ne peut reposer sur aucun autre moyen de défense réel.

[37] En effet, la Cour suprême dans l'arrêt Molis, rejette explicitement une défense de diligence raisonnable qui équivaudrait à une erreur de droit. Monsieur le juge Lamer y expose l'idée suivante:

«(...) Mais je m'empresse d'ajouter que l'arrêt Sault Ste-Marie parle de la défense de diligence raisonnable par rapport à l'accomplissement d'une obligation imposée par la loi et non par rapport aux recherches sur l'existence d'une interdiction ou sur son interprétation.»

[38] Par ailleurs, la Cour suprême a clairement affirmé, dans l'arrêt Pontes, qu'un accusé ne peut pas invoquer comme moyen de défense qu'il s'est enquis de façon raisonnable de la légalité de ses actes ou de sa situation.

[39] L'article 19 du Code criminel ne fait aucune distinction entre l'ignorance de l'existence de la loi et celle de son sens, de sa portée ou de son application.

[40] Nous sommes d'avis, que les mêmes principes trouvent application en droit pénal québécois.

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