samedi 7 novembre 2009

Principes que doivent suivre les tribunaux lorsqu’ils évaluent les motifs d’interception que pouvaient avoir les policiers

R. c. Larocque, 2008 CanLII 55543 (QC C.M.)

[58] La Cour d’Appel du Québec dans l’arrêt Guay c. R. (10-12-2004), 200-10-001467-039 a expliqué les principes que doivent suivre les tribunaux lorsqu’ils évaluent les motifs d’interception que pouvaient avoir les policiers.

« [35] L'appréciation de l'existence de motifs précis et raisonnables («articulable cause») pour lesquels l'interception est effectuée ne constitue qu'une étape dans la détermination de la légalité de cette interception, qui doit être étudiée selon toutes les circonstances de l'espèce (R. c. Simpson5). Ces motifs précis se définissent comme une constellation de faits objectifs et distincts de nature à susciter des soupçons raisonnables quant à la participation d'un prévenu à une infraction (R. c. Simpson).

[36] Il va de soi qu'une simple intuition ne suffit pas pour justifier l'interception, même si les faits ultérieurs devaient démontrer qu'elle était fondée. Il en va de même d'une information trop générale pour constituer un motif sérieux (Vigneault c. R.6).



[39] La Cour ne juge pas nécessaire d'énoncer d'opinion quant au flagrant délit d'infraction au Code de sécurité routière devant les agents Ferland et Bouffard sinon pour dire que, en toute autre circonstance, il y aurait eu là motif précis, légal et incontestable d'interception si les agents l'avaient invoqué pour justifier celle-ci.

[59] L’Honorable juge André Forget de la Cour d’Appel du Québec, dans une décision de R. c. Bilodeau, 200-10-001533-038, du 14 octobre 2004, disait ce qui suit sur les motifs raisonnables d’interception des policiers:

« [27] Les principes applicables en pareilles circonstances ont été énoncés principalement dans l'arrêt de la Cour suprême R. c. Dedman8 et celui de la Cour d'appel d'Ontario R. c. Simpson. Ils ont été repris tout récemment par la Cour suprême dans l'affaire R. c. Mann.



[54] Avant d'appliquer ces principes aux faits de l'espèce, j'entends formuler quelques remarques préliminaires.

[55] Premièrement: il est vrai qu'une intuition des policiers qui s'avère fondée par la suite n'a pas pour effet d'établir qu'ils avaient, avant d'agir, des motifs raisonnables15; en contrepartie, les motifs des policiers ne cessent pas d'être raisonnables parce que la suite des événements ne confirme pas ce qu'ils croyaient au départ. Dans Mulligan, Legault et Cotnoir, on croyait empêcher un vol ou porter assistance à un conducteur en détresse et on a trouvé une personne ivre au volant.

[56] Deuxièmement: on doit déterminer le caractère raisonnable des motifs en se plaçant dans les circonstances de temps, de lieu et d'urgence auxquels sont confrontés les policiers et non par une analyse sophistiquée que permet le recul du temps16.

[57] Troisièmement: les motifs raisonnables découlent souvent d'un ensemble de circonstances; il faut se garder de les disséquer et d'analyser chaque élément d'une façon séparée. Il peut arriver que chaque élément soit compatible avec une conduite innocente alors que l'ensemble pointe dans une toute autre direction.

[58] Quatrièmement: il n'est pas toujours possible de déterminer avec une précision absolue à quel moment les agents de la paix estiment avoir des motifs raisonnables. Avec égards, il me semble que le juge de la Cour supérieure – par une analyse a posteriori – attache une importance indue au fait que les policiers auraient décidé d'intervenir avant que le véhicule ne pénètre dans la deuxième entrée alors qu'on sait que tous ces événements se déroulent en très peu de temps. »

15 Ainsi que l'indique le juge Doherty dans l'affaire Simpson : «A "hunch" based entirely on intuition gained by experience cannot suffice, no matter how accurate that "hunch" might prove to be.»

16Je cite de nouveau le juge Doherty dans Simpson: «Finally, the evidence thus collected must be seen and weighed not in terms of library analysis by scholars, but as understood by those versed in the field of law enforcement.»

[60] De ces deux arrêts, on peut retenir le grand principe que les policiers doivent, dans leur fort intérieur, avoir un motif valable d’interception soit parce que les policiers croient sincèrement que la personne interceptée a commis une infraction à une loi soit parce qu’ils veulent procéder à une vérification suite à une présence suspecte dans certains lieux.

[61] Le caractère arbitraire de l’interception doit être apprécié en fonction de toutes les circonstances incluant l’écart entre la norme des motifs raisonnables et la sincérité de la croyance des motifs invoqué par l’agent de la paix.

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