mercredi 30 novembre 2011

La définition de la prostitution

R. c. Derisca, 2011 QCCQ 4148 (CanLII)

[61] Le Code criminel ne donne pas la définition de la prostitution. Il faut s'en remettre aux jugements des tribunaux pour en saisir le sens.

[62] Dans le Renvoi relatif au Code criminel (Man.), le juge Lamer écrit :

En ce qui concerne les expressions « prostitution » et « actes d'indécence », je souligne que les tribunaux ont souvent eu l'occasion de leur donner un sens et je répète qu'il s'agit essentiellement d'expressions d'usage courant. Par exemple, on a défini la prostitution comme l'offre par une personne de son corps à des fins de débauche en échange d'une somme d'argent : voir l'arrêt R. v. Lantay, [1966] 3 C.C.C. 270 (C.A. Ont.), adoptant la thèse anglaise de l'arrêt R. v. De Munck, [1918] 1 K.B. 635 (C.C.A.). Il me semble qu'il n'y a pas de véritable contestation quant à la définition générale de la prostitution, c'est-à-dire l'offre par une personne de ses services sexuels en échange de paiement par une autre.

[63] Dans les arrêts St‑Onge et Therrien de 2001, la Cour d'appel du Québec déclare :

[3] La seule question que pose ce pourvoi a trait à la définition du mot « prostitution » dans le cadre d'une inculpation pour avoir tenu ou s'être trouvé dans une maison de débauche (art. 210 C. cr.) La définition que donne le législateur d'une maison de débauche, à l'article 197 C. cr., parle d'un lieu fréquenté « à des fins de prostitution » ou « pour la pratique d'actes d'indécence ».

[8] Les appelants proposent que l'absence de contact physique, comme en l'espèce, entre la danseuse et le client est déterminant, arguant que des contacts sexuels sont requis pour constituer un acte de prostitution.

[9] La thèse des appelants doit être rejetée sur la base d'une jurisprudence de cette Cour, déclarant mal fondée la proposition selon laquelle on ne peut parler de « prostitution » en l'absence d'une relation sexuelle complète, de fellation et de masturbation : la Cour a repris à son compte la définition proposée par la Cour suprême dans le Renvoi précité, en affirmant que « la prostitution est le fait d'offrir son corps pour des fins lascives, à tout venant, contre rémunération ». C'est dans le même sens qu'a conclu la Cour d'Appel d'Ontario.

[12] Ce qui caractérise essentiellement un acte de prostitution demeure une activité sexuelle rémunérée, qui peut tout autant être commise privément qu'en public; si commise privément, la question de son caractère indécent ne se pose pas, et si publiquement, alors devrait‑il être démontré que l'acte (de prostitution) répond aux trois critères maintenant bien établis pour décider de l'indécence (R. c. Tremblay, 1993 CanLII 115 (CSC), [1993] 2 R.C.S. 932. Il n'est pas inhérent à l'acte de prostitution qu'il soit indécent.

[64] Dans l'affaire R. c. Jean‑Pierre, le juge Boyer de la Cour du Québec a examiné la définition de la prostitution, dans le cas de danses contacts. Il écrit aux paragraphes 128 et suivants :

[128] Au cours du procès, le Tribunal a rendu une décision sur présentation d'une motion de non‑lieu relativement aux chefs 6, 8, 9 et 10 de l'acte d'accusation. Le débat portait essentiellement sur la définition du mot "prostitution" que l'on retrouve au texte de chacune des infractions reprochées à l'accusé. La défense alléguait qu'il y avait absence totale de preuve sur cet élément essentiel et ses prétentions étaient à l'effet que les danses‑contact auxquelles se livraient J… M.., V… Le… et J… L… ne constituaient pas des actes de prostitution.

[129] La preuve révélait que les gestes posés par les danseuses étaient les suivants :

- La danseuse se produit nue dans un isoloir pour un client moyennant rémunération;

- Pendant qu'elle danse, le client peut lui toucher aux seins nus ainsi qu'aux fesses par‑dessus la petite culotte;

- Il n'y a ni relations sexuelles, ni fellation, ni masturbation.

- La danseuse caresse le client en frottant son corps contre le sien.

[130] La Cour a rejeté la motion de non‑lieu dans les termes suivants :

"Le législateur n'a pas défini le terme "prostitution". L'on retrouve à la partie VII du Code criminel la définition suivante :

Prostitué (personne de l'un ou l'autre sexe qui se livre à la prostitution).

La jurisprudence n'est pas très abondante sur le sujet; les parties ont soumis les arrêts suivants : R. c. Marceau, R. c. Bedford et R. c. Therrien.

La lecture de cette jurisprudence me convainc que la prostitution ne constitue pas en soi une infraction pénale; elle demeure un sujet de prohibition dans le contexte du proxénétisme. Néanmoins, le législateur n'en propose pas une définition.

Est mal fondée la proposition selon laquelle on ne peut parler de prostitution en l'absence d'une relation sexuelle complète, de fellation et de masturbation. C'est la conclusion à laquelle en arrivent notre Cour d'Appel dans l'arrêt Therrien et celle d'Ontario dans l'arrêt Bedford.

La Cour Suprême a affirmé à propos de la prostitution qu'il s'agit d'une expression d'usage courant que l'on peut définir comme l'offre par une personne de ses services sexuels en échange de paiement par une autre.

Les conclusions des juges de la Cour Suprême dans le renvoi ainsi que celle des juges de la Cour d'Appel d'Ontario sont approuvées par notre Cour d'Appel dans les termes suivants : "la prostitution est le fait d'offrir son corps pour des fins lascives à tout venant contre rémunération".

L'on pourrait trouver de nombreux synonymes à "lasciveté" sans pour autant devoir référer à des actes sexuels spécifiques tels la relation complète, la fellation et la masturbation."

[131] Les conclusions auxquelles j'en arrive dans le cadre juridique d'une motion de non‑lieu reçoivent application dans mon analyse de la preuve au fond puisque ma décision portait exclusivement sur le sens du terme "prostitution" auquel réfère le législateur dans les dispositions pertinentes du Code criminel sur le proxénétisme. Conséquemment, je considère que les gestes décrits pas les témoins J.. M…, V… Le… et J… L… constituent des activités sexuelles rémunérées, donc des actes de prostitution.

[65] Plus récemment, le 15 juin 2010, dans l'arrêt Marceau, la Cour d'appel a de nouveau examiné la question relativement aux danses contacts. Voici ce que le juge Hilton écrit avec l'assentiment du juge Côté :

[6] The ten appellants were tried and convicted of the offence of having been found in a common bawdy‑house without lawful excuse contrary to paragraph 210(2)(b) Cr. C., an offence punishable on summary conviction. The eight female appellants were dancers who offered nude presentations at a bar in Laval known as Lavalois Bar Salon. One of the male appellants was the doorman at the Bar, while the other was a customer in the premises when the appellants were arrested. The evidence was gathered as the result of a police investigation during which several officers who testified before the trial judge observed the activities described below.

[7] For $10, the female appellants offered to perform private nude dances in cubicles to customers. Several of the police officers who participated in the investigation and who testified before the trial judge were so propositioned. The dancers' offers would mention that the customer could touch the dancer anywhere on her body, but that the dancer would go no further.

[8] The police officers could see the activities that took place in the cubicles from tables in the premises where they sat. In all circumstances the customers remained clothed, and the dancers were completely unclothed, except for a g‑string. The police officers observed customers who had accepted the dancers' offers touching or caressing their breasts and buttocks. They also saw dancers rubbing their breasts in the face of customers, as well as sitting on them and engaging in a back and forth movement on their genital area to simulate an act of vaginal penetration. One dancer was seen taking one of her breasts with her hand and bringing it to the mouth of the customer, who simultaneously was caressing the buttocks of the dancer with his right hand for the duration of their time together. Another dancer, with her legs spread apart, straddled a customer while having her breasts and buttocks caressed despite a sign in the cubicle to the effect that "Il est interdit aux danseuses de s'asseoir à cheval sur un client." Another police officer was told, in response to a question he asked a dancer, that while she would not engage in acts of fellatio or intercourse, "sûrement que d'autres filles le font".

[11] At trial in the Municipal Court of Laval, Crown counsel admitted that the acts described above did not constitute "indecency" for the purposes of the prosecution. Rather, Crown counsel characterized the activities as fitting the jurisprudential definition of prostitution.

[16] In their motion for leave to appeal to this Court, the appellants affirmed that "Le débat tant en 1ère instance qu'en Cour supérieure a porté principalement sur la notion de prostitution dans un contexte de « danses à 10,00$ »" in the Lavalois Bar Salon.

[18] Thus, the only issue in this appeal, as it was in the courts below, is whether the jurisprudential definition of prostitution should be modified to take account of the evolutive approach adopted by the Supreme Court of Canada with respect to the concept of indecency in the context of the statutory definition of "common bawdy‑house".

[29] Prior to the recent Supreme Court judgments recalibrating the concept of indecency, but after the Supreme Court's judgment in Tremblay, this Court has adopted the view that it is not necessary for the occurrence of prostitution that the sexual activity involved be characterized as indecent. For example, R. v. Therrien was a case in which there was no sexual contact but the payment of a fee, the amount of which depended on the performance desired. The customer could observe a nude woman performing an erotic spectacle during which she would masturbate, with or without a vibrator, and/or also insert a vibrator in her anus. Arrangements were also available to facilitate the customer masturbating if he chose to do so, albeit at a distance from the dancer.

[30] The Court confirmed a conviction under paragraph 210(1)(b) Cr. C. and held that it did not matter that such conduct was not indecent, since it did amount to prostitution:

[11] Ne peut également être retenue la proposition des appelantes qui soutiennent qu'en plus il devrait être démontré qu'un acte de prostitution est indécent : cela irait à l'encontre de la définition même des deux concepts que sont la prostitution et l'indécence.

[12] Ce qui caractérise essentiellement un acte de prostitution demeure une activité sexuelle rémunérée, qui peut tout autant être commise privément qu'en public; si commise privément, la question de son caractère indécent ne se pose pas, et si publiquement, alors devrait‑il être démontré que l'acte (de prostitution) répond aux trois critères maintenant bien établis pour décider de l'indécence (R. c. Tremblay, 1993 CanLII 115 (CSC), 1993 CanLII 115 (C.S.C.), [1993] 2 R.C.S. 932). Il n'est pas inhérent à l'acte de prostitution qu'il soit indécent.

[31] In light of the foregoing, and in particular the distinction between prostitution and indecency recognized by the Supreme Court in Tremblay, I am not persuaded that the criteria to establish indecency, as enunciated by the Supreme Court in Labaye and Kouri are of any relevance in determining what constitutes prostitution for the purpose of a prosecution under paragraph 210(2)(b) Cr. C. Whether or not prostitution exists is an objective inquiry, not a subjective one dependent on evolving community standards. The evidence in this case leaves no doubt that the female appellants were engaged in prostitution, as that concept as been interpreted by the courts, by the very nature of the activities in which they engaged, and that the two other appellants were found within the premises without legitimate excuse.

[36] Finally, the nature of the conduct in which the female appellants and their customers engaged were clearly intended to achieve the sexual stimulation of the customers, despite the fact that the customers remained clothed, and irrespective of whether they reached ultimate gratification. A reading of the judgment at trial and the testimony of the police officers who observed the activities in the cubicles leave little doubt in that respect. To characterize those activities as a form of entertainment, even if one were to accept that characterization, makes them no less acts of prostitution. For that matter, intercourse is not a necessary component of prostitution, as Parliament itself has recognized in paragraph 212(1)(b) Cr. C. by distinguishing between "illicit sexual intercourse" and "prostitution".

[66] En conséquence, la Cour est d'avis que les danses contacts telles qu'elles étaient pratiquées au bar Faucon Bleu, alors que la danseuse nue permet au client, moyennant rémunération, de toucher ses seins, ses fesses et tout son corps sauf la région pubienne, constituent des actes de prostitution.

L'abandon de son véhicule automobile VS l'expectative de vie privée

R. c. Derisca, 2011 QCCQ 4148 (CanLII)

[73] Dans l'arrêt Goodleaf, le juge Proulx, avec l'assentiment de ses collègues, écrit :

Une personne qui, pourchassée par la police, abandonne son véhicule, portière ouverte et en bordure d'un chemin public, pour faciliter sa fuite, peut‑elle se plaindre d'une violation d'un droit à la protection contre une fouille et une saisie abusives (art. 8 de la Charte canadienne des droits et libertés) si, au cours de sa fuite, la police saisit sans mandat dans le véhicule des biens dont la personne est en possession illégale?

C'est la question que soulève ce pourvoi.



L'article 8 vise essentiellement à protéger le droit à la vie privée des personnes dans la mesure où ces dernières peuvent avoir une expectative raisonnable de vie privée ou du caractère confidentiel à l'égard de la chose saisie.

Cette « raisonnabilité » de l'expectative de vie privée peut varier selon les circonstances de l'espèce.

Il y a donc lieu, pour déterminer si l'art. 8 s'applique, d'examiner dans un premier temps si le respect de la vie privée de la personne est en cause ou encore si nous sommes dans une situation où la personne avait le droit à la préservation du caractère confidentiel de l'objet saisi.

C'est dans ce contexte que la jurisprudence, encore très récemment dans l'arrêt R. c. Stillman, 1997 CanLII 384 (CSC), [1997] 1 R.C.S. 607, a examiné le concept de l'« abandon » d'une chose au sujet de laquelle on a normalement une attente en matière de vie privée, pour exprimer l'idée qu'une personne qui abandonne sa chose cesse d'avoir une attente raisonnable de vie privée au sujet de cette chose et ne peut donc plus invoquer la protection que lui accorde l'art. 8.



Dans R. v. Belnavis and Lawrence 1996 CanLII 4007 (ON CA), (1996), 107 C.C.C. (3d) 195, la Cour d'appel d'Ontario, a insisté sur le « contrôle de l'accès » (au véhicule) comme élément déterminant du principe du droit à la vie privée.

Appliquant ces principes au cas à l'étude, j'estime qu'il s'agit d'un cas flagrant d'abandon par l'intimée de son véhicule et du contenu.

Pourchassée par la police, elle a choisi d'abandonner son véhicule plutôt que d'accepter les conséquences de ses actions illégales, s'en remettant au sort d'une découverte éventuelle du chargement. C'est comme si l'intimée s'était enfuie avec une mallette qu'elle aurait finalement laissé tomber sur le sol pour accélérer sa fuite : alors de la même façon il faudrait considérer qu'elle a abandonné son bien et son droit d'en contrôler l'accès au profit de l'État.

En conséquence de cet abandon, l'intimée ne pouvait donc invoquer la violation d'un droit auquel elle ne pouvait plus prétendre. La fouille et la saisie n'ont donc pas porté atteinte à un droit de l'intimée et la preuve obtenue était donc admissible.

[74] Plus récemment, dans une affaire où le véhicule avait été abandonné au milieu d'une ruelle, personne à bord, portes déverrouillées, moteur en marche et lumières allumées, le juge André Vincent conclut dans le même sens :

[45] Le présent cas relève beaucoup plus de l'abandon par le propriétaire de son bien, renonçant ainsi à la protection de l'article 8 de la Charte.

[46] La Cour suprême, dans l'arrêt R. c. Stillman a reconnu que l'abandon d'un bien par un accusé non détenu prive ce dernier de la protection d'une atteinte raisonnable en matière de vie privée à son sujet.

[49] Comme la Cour suprême le mentionne, ce n'est pas le camion qui est protégé par l'article 8, mais bien le citoyen. Lorsque celui-ci renonce, pour des raisons qui lui sont propres, à la protection de la Charte en abandonnant volontairement son bien, il ne peut, après la découverte des objets, invoquer de nouveau une attente raisonnable à la vie privée

[75] De ces jugements, la Cour peut déjà conclure qu'en abandonnant son véhicule, la porte ouverte, l'accusé a renoncé à toute attente raisonnable en matière de vie privée à l'égard de son véhicule et de son contenu.

[76] De plus, cette fouille accessoire à l'arrestation était légale et justifiée comme le rappelle la Cour suprême dans l'arrêt Nolet :

[49] Une fouille est véritablement accessoire lorsque la police tente de « réaliser un objectif valable lié à l'arrestation », et notamment « d'assurer la sécurité des policiers et du public, d'empêcher la destruction d'éléments de preuve par la personne arrêtée ou d'autres personnes, et de découvrir des éléments de preuve qui pourront être utilisés au procès de la personne arrêtée » : Caslake, par.19 (je souligne); R. c. Golden, 2001 CSC 83 (CanLII), 2001 CSC 83, [2001] 3 R.C.S. 679, par. 74‑75. Les appelants étaient en état d'arrestation pour possession de produits de la criminalité. La fouille du véhicule dans lequel on avait trouvé de l'argent liquide était manifestement « accessoire » à cette arrestation en vue de trouver des éléments de preuve relatifs à l'activité criminelle à laquelle était relié l'argent : R. c. Rao reflex, (1984), 12 C.C.C. (3d) 97 (C.A.Ont.), et Cloutier c. Langlois, 1990 CanLII 122 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 158. Les agents pouvaient raisonnablement croire que la fouille de la remorque serait utile à cette fin (car ils avaient auparavant constaté, au bord de la route, la divergence de dimensions). Ce qui importe, c'est le lien entre le lieu et l'objet de la fouille et les motifs de l'arrestation.

Le pouvoir d’amender un chef d’accusation

R. c. Cadorette, 2010 QCCS 1953 (CanLII)

[18] De manière générale, la justice criminelle a évoluée au cours des dernières années et elle s’est lentement éloignée d’un certain formalisme tant dans le domaine du droit de la preuve et de la procédure.

[19] Le juge Fish constate cette évolution dans R. c. Lemieux
The administration of the criminal law has evolved significantly during the past century. Particularly in recent years, it has become more humane and, largely for that very reason, less dependent on excessive formalism to ensure fairness and decency.

Emphasis on procedural equity as opposed to procedural nicety is, however, unrelated to the fundamental principal of substantive criminal law that an accused cannot be convicted unless caught by the plain words of the statute under which he or she is charged. This is not a matter of formalism, if I may say so with respect, but rather a corollary of Dicey's "first meaning" of the rule of law: "...a man may be punished for a breach of law, but he can be punished for nothing else" [A. V. Dicey, Introduction to the Study of the Law of the Constitution, 9th ed., 1939, p. 202.].

[20] L’évolution du droit canadien en matière d’amendement en est un bon exemple.

[22] Dans R. c. Moore, le juge Lamer, dissident, mais pas sur cette question, écrit ce qui suit:

Depuis l'adoption de notre Code en 1892, du fait de la jurisprudence et des modifications ponctuelles apportées à l'art. 529 [maintenant l’art. 601] et aux articles qui l'ont précédé, l'obligation pour les juges d'annuler les actes d'accusation s'est graduellement transformée en une obligation de les modifier; le juge ne conserve en effet qu'un pouvoir discrétionnaire restreint pour annuler.

[23] Dans R. c. Côté, le juge en chef Lamer résume la règle en ces termes :

Le tribunal qui est appelé à décider s’il y a lieu de modifier une dénonciation ou un acte d’accusation défectueux doit tenir compte des répercussions pour l’accusé de la modification proposée. La norme applicable en ce qui concerne l’art. 601 du Code est la question de savoir si l’accusé subirait un «préjudice irréparable» par suite de la modification de l’acte d’accusation: R. c. P. (M.B.), 1994 CanLII 125 (CSC), [1994] 1 R.C.S. 555; R. c. Tremblay, 1993 CanLII 115 (CSC), [1993] 2 R.C.S. 932; Vézina et Côté c. La Reine, 1986 CanLII 93 (CSC), [1986] 1 R.C.S. 2; Morozuk c. La Reine, 1986 CanLII 72 (CSC), [1986] 1 R.C.S. 31. Dans ces affaires, qui étaient fondées sur le Code criminel et où rien dans la preuve n’indiquait que l’accusé avait été induit en erreur ou avait subi un préjudice irréparable en raison d’une divergence entre l’acte d’accusation et la preuve, notre Cour a modifié l’acte d’accusation et rejeté le pourvoi.

La norme applicable en matière de modification est la même dans les affaires fondées sur la Loi sur les poursuites sommaires. Lorsqu’une accusation peut être corrigée, on corrige. Dans la mesure où la preuve est conforme à la bonne accusation et où les appelants n’ont pas été induits en erreur ou n’ont pas subi de préjudice irréparable en raison d’une divergence entre la preuve et les dénonciations, la défectuosité peut et doit être corrigée

[24] La question essentielle est donc de savoir si l’accusé a été induit en erreur ou subi un préjudice irréparable.

[25] Dans P.(M.B.), le juge en chef Lamer énonce une nuance importante à l’égard de la notion de préjudice :

Le paragraphe 601(4) ne prévoit nullement que l'incapacité d'invoquer un moyen de défense particulier constitue un «préjudice» ou une «injustice» irréparable, et cela ne peut pas non plus se déduire du texte de la disposition. Il convient plutôt de laisser au juge du procès le soin d'examiner ces questions en fonction des circonstances particulières d'une affaire.

[26] La Cour d’appel de l’Ontario a évalué la question du préjudice dans le cadre de l’analyse du pouvoir d’une cour d’appel d’amender une accusation en vertu de l’art. 683(1)(g) du Code criminel dans R. v. Irwin.

[27] Après avoir reconnu l’existence du pouvoir d’amendement d’une cour d’appel, le juge Doherty s’exprime ainsi à l’égard de la question du préjudice :

There is no "vested right" to any particular defence in a criminal proceeding: R. v. P. (M.B.) 1994 CanLII 125 (SCC), (1994), 89 C.C.C. (3d) 289 at 296-97 (S.C.C.) Were it otherwise, any amendment which had the effect of removing a defence or legal argument in support of an acquittal would be automatically prejudicial. Were that the law, the power to amend on appeal would be rendered almost nugatory.

Prejudice in the present context speaks to the effect of the amendment on an accused's ability and opportunity to meet the charge. In deciding whether an amendment should be allowed, the appellate court must consider whether the accused had a full opportunity to meet all issues raised by the charge as amended and whether the defence would have been conducted any differently had the amended charge been before the trial court. If the accused had a full opportunity to meet the issues and the conduct of the defence would have been the same, there is no prejudice: e.g. see R. v. Foley 1994 CanLII 9760 (NL CA), (1994), 90 C.C.C. (3d) 390 at 400-403 (Nfld. C.A.). As I see it, had the appellant been charged with unlawfully causing bodily harm, the trial would have proceeded exactly as it did save that there would have been no argument as to the applicability of the doctrine of transferred intent.


[28] La Cour d’appel de l’Ontario examine de nouveau cette question dans R. v. McConnell:

As this court said in R. v. Irwin 1998 CanLII 2957 (ON CA), (1998), 123 C.C.C. (3d) 316, at para. 38, prejudice "speaks to the effect of the amendment on an accused's ability and opportunity to meet the charge". Thus, in deciding whether an amendment should be allowed, the court will consider whether the accused will have a full opportunity to meet all issues raised by the charge and whether the defence would have been conducted differently. The respondent was aware of the essential elements of the charges and was aware of the transaction being alleged against him from the Crown disclosure. There would have been no prejudice in this case and defence counsel in his submissions to the trial judge did not point to any relevant prejudice. In his submissions before us, counsel for the respondent conceded that there was no relevant prejudice. As Morden J.A. said in R. v. Melo reflex, (1986), 29 C.C.C. (3d) 173 (Ont. C.A.) at 185:

The only prejudice which would be occasioned to the accused by the amendment is the removing of a defence which is both technical and unrelated to the merits of the case or to procedural fairness. The refusal of the amendment, with respect, resulted in the matter being decided on a basis that was not "in accordance with the very right of the case": [R. v. Adduono (1940), 73 C.C.C. 152 (Ont. C.A.), at 155]

[29] L’interprétation qui doit être donnée à l’arrêt Servant est capitale à l’issue de l’appel de la poursuite car les décisions de la Cour supérieure dans Descoteaux, Laroche et Forest c. Lavergne appuient la position de la poursuite en l'espèce, mais ce n’est pas le cas de la décision dans Bourbonnais.

[30] Dans l’affaire R. c. Servant, notre Cour d’appel a examiné la question de l’amendement mais dans un contexte bien spécifique.

[31] Dans cette affaire, la présentation de la preuve de la poursuite, celle-ci demande la modification d’un chef d’accusation alléguant une infraction d’avoir eu un taux d’alcoolémie supérieure à plus de 0.08 contrairement à l’art. 253 b) C.cr. pour qu’il soit remplacé par une infraction de conduite avec les facultés affaiblies par l’alcool contrairement à l’art. 253 a) C. cr.

[32] Dans sa décision, la Cour d’appel examine si l’amendement pouvait être autorisé soit en vertu du par. 601(2) afin de rendre le chef d’accusation ou le détail conforme à la preuve ou soit en vertu du par. 601(3) lorsque le chef d’accusation comporte un vice de forme quelconque.

[33] La Cour d’appel s’exprime ainsi :

Le paragraphe (2) n'est pas pertinent en l'espèce puisqu'il vise à modifier un chef d'accusation intrinsèquement suffisant, mais qui s'avère non conforme à la preuve présentée. Par conséquent, un juge ne peut autoriser un tel amendement qu'après avoir entendu la preuve. Il s'agit plutôt de déterminer si le juge du procès pouvait autoriser l'amendement en vertu du paragraphe 601(3) C. cr.

Le ministère public pouvait-il alors demander un amendement pour l'un des motifs énoncés à l'alinéa 601(3)b)? La Cour est d'avis que la réponse est négative. Le législateur a spécifié que dans les cas prévus à cet alinéa, « les choses devant être alléguées dans la modification projetée » doivent être révélées par la preuve recueillie lors de l’enquête préliminaire ou au procès. Dans un arrêt récent, R. c. McConnell, le juge Rosenberg de la Cour d'appel de l'Ontario écrivait à ce sujet:

The problem for the prosecution in this case is that to rely on this part of subsection (3), the matters to be alleged in the amendment must have been disclosed in the evidence. At the opening of the trial, when Crown counsel sought the amendment, there was no evidence. In my view, the submissions of counsel as to what is contained in the disclosure is not evidence.

In my view, the interpretation that is most consistent with the wording of the Criminal Code is that there is no power to amend to conform to the evidence until the evidence has been heard. In addition to R. v. Callocchia, see for example, R. v. King (1956), 116 C.C.C. 284 (Ont. C.A.). Admittedly, the cases are also almost universally to the effect that if the trial judge errs and permits a premature amendment, if the accused was not prejudiced the appeal will be dismissed, presumably by application of the proviso in s. 686(1)(b)(iii) or (iv) of the Criminal Code. Thus, in addition to R. v. Deal, see R. v. Fiore (1962), 132 C.C.C. 213, (Ont. C.A.) and R. v. S.(C.A.) 1997 CanLII 2519 (BC CA), (1997), 114 C.C.C. (3d) 356 (B.C.C.A.) at 360 and 364. But the fact that no prejudice was occasioned by the error cannot create a power of amendment outside the Criminal Code regime.

Il s'agit exactement de la situation dans le présent dossier. Le juge du procès ne pouvait s'autoriser de l'alinéa 601(3)b) C. cr. pour modifier la dénonciation, puisque aucune preuve n'avait été présentée au moment où le ministère public a présenté sa requête. Force est de conclure que l'amendement était prématuré

[34] La Cour d’appel estime aussi que l’arrêt Irwin est difficilement applicable au cas de M. Servant en raison du fait qu’aucune preuve n’avait été présentée lors de son procès. La Cour d'appel conclut aussi que les motifs du juge Doherty dans Irwin permettent «de modifier un acte d'accusation pour substituer l'infraction originale par une nouvelle lorsque la modification ne vise rien de plus que la désignation, le « label » de l'infraction [et non] la substitution de l’infraction originale par la nouvelle accusation dans les circonstances de l’espèce».

[35] La Cour d’appel conclut son analyse en ces termes :

En l'espèce, en l’absence de toute preuve, la Cour est d'avis que la modification de la dénonciation ne constituait pas la correction d'un détail de l'infraction ou le changement de sa désignation, et encore moins la correction d'un vice de forme. Par conséquent, le juge du procès ne pouvait l'autoriser. Dans ces circonstances, l'absence de préjudice, question sur laquelle la Cour ne se prononce pas, n'a aucune pertinence

[36] Dans l’arrêt Servant, la Cour d’appel décide que le par. 601(3) du Code criminel ne permet pas de substituer une nouvelle infraction avant la présentation de la preuve lors du procès.

[37] La Cour d’appel, avec respect pour l’opinion contraire adoptée dans l’arrêt Bourbonnais, ne se prononce pas sur la question de savoir si un amendement peut être autorisé en vertu du par. 601(2) C. cr. afin de rendre le chef d’accusation ou le détail conforme à la preuve

Quels sont les pouvoirs de la Cour, suivant l'article 601 C. cr., de modifier l'acte d'accusation pour y substituer une nouvelle infraction?

Servant c. R., 2007 QCCA 558 (CanLII)

[11] Le paragraphe (2) n'est pas pertinent en l'espèce puisqu'il vise à modifier un chef d'accusation intrinsèquement suffisant, mais qui s'avère non conforme à la preuve présentée. Par conséquent, un juge ne peut autoriser un tel amendement qu'après avoir entendu la preuve. Il s'agit plutôt de déterminer si le juge du procès pouvait autoriser l'amendement en vertu du paragraphe 601(3) C. cr.

[12] Le ministère public pouvait-il alors demander un amendement pour l'un des motifs énoncés à l'alinéa 601(3)b)? La Cour est d'avis que la réponse est négative. Le législateur a spécifié que dans les cas prévus à cet alinéa, « les choses devant être alléguées dans la modification projetée » doivent être révélées par la preuve recueillie lors de l’enquête préliminaire ou au procès. Dans un arrêt récent, R. c. McConnell, le juge Rosenberg de la Cour d'appel de l'Ontario écrivait à ce sujet:

[16] The problem for the prosecution in this case is that to rely on this part of subsection (3), the matters to be alleged in the amendment must have been disclosed in the evidence. At the opening of the trial, when Crown counsel sought the amendment, there was no evidence. In my view, the submissions of counsel as to what is contained in the disclosure is not evidence.

[…]

[20] In my view, the interpretation that is most consistent with the wording of the Criminal Code is that there is no power to amend to conform to the evidence until the evidence has been heard. In addition to R. v. Callocchia, see for example, R. v. King (1956), 116 C.C.C. 284 (Ont. C.A.). Admittedly, the cases are also almost universally to the effect that if the trial judge errs and permits a premature amendment, if the accused was not prejudiced the appeal will be dismissed, presumably by application of the proviso in s. 686(1)(b)(iii) or (iv) of the Criminal Code. Thus, in addition to R. v. Deal, see R. v. Fiore (1962), 132 C.C.C. 213, (Ont. C.A.) and R. v. S.(C.A.) 1997 CanLII 2519 (BC CA), (1997), 114 C.C.C. (3d) 356 (B.C.C.A.) at 360 and 364. But the fact that no prejudice was occasioned by the error cannot create a power of amendment outside the Criminal Code regime.

[13] Il s'agit exactement de la situation dans le présent dossier. Le juge du procès ne pouvait s'autoriser de l'alinéa 601(3)b) C. cr. pour modifier la dénonciation, puisque aucune preuve n'avait été présentée au moment où le ministère public a présenté sa requête. Force est de conclure que l'amendement était prématuré.

[14] En l'espèce, l'amendement avait également pour effet de substituer une nouvelle infraction à l'infraction originale. Le juge de la Cour supérieure s'est fondé sur les motifs de la Cour d'appel de l'Ontario (le juge Doherty) dans l'arrêt R. c. Irwin, pour conclure qu'il était possible de procéder ainsi quand l'accusé ne subit pas de préjudice. Dans cette affaire, la Cour d'appel de l'Ontario avait permis qu'une accusation de voies de fait causant des lésions corporelles (article 267 C. cr.) soit modifiée en une accusation d'avoir illégalement causé des lésions corporelles (article 269 C. cr.). Selon le juge Doherty, la modification de l'acte d'accusation était possible dans la mesure où la transaction criminelle faisant l'objet de l'accusation demeurait la même, et il poursuit :

[25] On a plain reading, the section contemplates any amendment which makes a charge conform to the evidence. The limits on that amending power are found, not in the nature of the change made to the charge by the amendment, but in the effect of the amendment on the proceedings, and particularly, on the accused's ability to meet the charge. The ultimate question is not what does the amendment do to the charge, but what effect does the amendment have on the accused?

[26] I see no useful purpose in absolutely foreclosing an amendment to make a charge conform to the evidence simply because the amendment will substitute one charge for another. As long as prejudice to the accused remains the litmus test against which all proposed amendments are judged, it seems unnecessary to characterize the effect of the amendment on the charge itself. If the accused is prejudiced, the amendment cannot be made regardless of what it does to the charge. If no prejudice will result from the charge, why should it matter how the change to the charge is described?

[27] I can also find no reason for holding there is no power to amend to substitute one charge for another while at the same time acknowledging the power to amend based on a variation between the evidence and the charge where the amendment will materially change the charge: e.g. see R. v. Geauvreau [Référence omise]. It can be very difficult to distinguish between a change which substitutes one charge for another and a change which materially changes the initial charge. The difference seems to be more in the nomenclature used than in the substance or significance of the change. Some amendments which materially change the charge can have drastic effects on the case against the accused. Some amendments which substitute one charge for another will amount to no more than placing a new label on exactly the same conduct.

[15] Cet arrêt est difficilement applicable au cas présent pour deux raisons. Premièrement, les motifs du juge Doherty visent la modification d'un acte d'accusation pour le rendre conforme à la preuve présentée au procès. En l'espèce, aucune preuve n'avait été présentée au moment de la requête du ministère public. Deuxièmement, l'affirmation selon laquelle il est possible de modifier un acte d'accusation afin de substituer l'infraction originale par une nouvelle doit être nuancée. À la toute fin de ses motifs dans Irwin, le juge Doherty écrit :

[42] Cases where an amendment substituting a different offence for the offence charged at trial can be properly made on appeal will be few and far between. I think this is one of those rare cases where the amendment can be made. While the amendment changes the substantive offence from assault causing bodily harm (s. 267) to unlawfully causing bodily harm (s. 269), the amendment does no more than put a new label on the appellant's culpable conduct. The substance of the allegation remains unchanged. I would amend the indictment to charge the appellant with unlawfully causing bodily harm to Andrew Behling and dismiss the appeal.

[16] Selon le juge Finlayson de la Cour d'appel de l'Ontario dans l'arrêt R. c. S.(A.), il faut comprendre les motifs du juge Doherty comme permettant de modifier un acte d'accusation pour substituer l'infraction originale par une nouvelle lorsque la modification ne vise rien de plus que la désignation, le « label » de l'infraction. Manifestement, ce n’est pas le cas avec la substitution de l’infraction originale par la nouvelle accusation dans les circonstances de l’espèce.

[17] Quant à l'alinéa 601(3)c), il n'était d'aucun secours pour le ministère public, puisque la dénonciation n'était affectée d'aucun vice de forme. Aucune preuve n'a été présentée au soutien de la thèse de l'erreur d'écriture soutenue par le ministère public, et le texte détaillé de la dénonciation est incompatible avec une telle prétention.

[18] Dans l'arrêt R. c. Daoust, le juge Bastarache, pour la Cour suprême, tenait ces propos :

22 Il est bien établi en droit qu'un accusé est seulement tenu de répondre à l'accusation telle qu'elle a été portée et que la Couronne est tenue de la prouver, quitte à demander par la suite une modification, ce qui n'a pas été fait en temps utile. En vertu du par. 601(3) C. cr., un tribunal peut modifier un chef d'accusation à tout stade des procédures lorsqu'il s'agit d'un détail de l'infraction : Morozuk c. La Reine, 1986 CanLII 72 (CSC), [1986] 1 R.C.S. 31 (le juge Lamer, plus tard Juge en chef); Elliott c. La Reine, 1977 CanLII 209 (CSC), [1978] 2 R.C.S. 393, p. 427 (le juge Ritchie). Toutefois, un changement à l'acte d'accusation en l'espèce ne constituerait pas une précision apportée à un élément de l'infraction, mais reviendrait plutôt à porter une accusation différente de l'accusation initiale. De toute manière, cette Cour n'est aucunement disposée à modifier l'acte d'accusation à ce stade des procédures.

[19] En l'espèce, en l’absence de toute preuve, la Cour est d'avis que la modification de la dénonciation ne constituait pas la correction d'un détail de l'infraction ou le changement de sa désignation, et encore moins la correction d'un vice de forme. Par conséquent, le juge du procès ne pouvait l'autoriser. Dans ces circonstances, l'absence de préjudice, question sur laquelle la Cour ne se prononce pas, n'a aucune pertinence.

Le simple changement de dénomination de l'infraction

Bourbonnais c. R., 2007 QCCS 2819 (CanLII)

[26] La Cour d'appel du Québec dans l'arrêt R. c. Servant, décision du 23 avril 2007, s'est penchée sur l'arrêt Irwin et son application dans le cas où une infraction est substituée à une autre. Il ressort de cette décision que la Cour d'appel du Québec nuance l'interprétation que l'on pourrait tirer de l'arrêt Irwin à l'effet qu'il est possible de modifier un acte d'accusation afin de substituer une infraction originale par une nouvelle. La Cour d'appel du Québec s'exprime ainsi:

«[15] [...] Deuxièmement, l'affirmation selon laquelle il est possible de modifier un acte d'accusation afin de substituer l'infraction originale par une nouvelle doit être nuancée. À la toute fin de ses motifs dans Irwin, le juge Doherty écrit:

[42] Cases where an amendment substituting a different offence for the offence charged at trial can be properly made on appeal will be few and far between. I think this is one of those rare cases where the amendment can be made. While the amendment changes the substantive offence from assault causing bodily harm (s. 267) to unlawfully causing bodily harm (s. 269), the amendment does no more than put a new label on the appellant's culpable conduct. The substance of the allegation remains unchanged. I would amend the indictment to charge the appellant with unlawfully causing bodily harm to Andrew Behling and dismiss the appeal.

[16] Selon le juge Finlayson de la Cour d'appel de l'Ontario dans l'arrêt R. c. S.(A.), il faut comprendre les motifs du juge Doherty comme permettant de modifier un acte d'accusation pour substituer l'infraction originale par une nouvelle lorsque la modification ne vise rien de plus que la désignation, le «label» de l'infraction. Manifestement, ce n'est pas le cas avec la substitution de l'infraction originale par la nouvelle accusation dans les circonstances de l'espèce.

[27] La Cour d'appel du Québec nous rappelle donc qu'un amendement ayant pour effet de substituer une infraction par une autre ne peut être accordé que lorsque l'amendement a uniquement pour effet de changer la désignation de l'infraction, tout en laissant le corps du dossier intact. Il faut dire à la décharge du juge Perreault que celui-ci ne bénéficiait pas des enseignements de l'arrêt Servant au moment de rendre sa décision en 2005.

[28] Constatant que dans la présente affaire il s'agissait de substituer une infraction différente, tant au niveau de la trame factuelle que des éléments essentiels, le Tribunal conclut que l'amendement ne pouvait être permis en vertu de l'article 601(2) du Code criminel.

[29] La question du préjudice potentiel causé au défendeur par l'amendement ne devant être considérée que si par ailleurs l'amendement peut être autorisé, il n'y a donc pas lieu d'étudier ici ce facteur.

mardi 29 novembre 2011

Guides juricomptables de l'ICCA

LETTRES DE MISSION
http://www.icca.ca/developpment-de-carriere/la-specialisation-des-ca/juricomptabilite-ca-ejc/item45514.pdf

LISTE DE CONTRÔLE RELATIVE À L’ACHÈVEMENT DU DOSSIER

http://www.icca.ca/developpment-de-carriere/la-specialisation-des-ca/juricomptabilite-ca-ejc/item45515.pdf

Grille de compétences en juricomptabilité
http://www.icca.ca/developpment-de-carriere/la-specialisation-des-ca/juricomptabilite-ca-ejc/item45513.pdf

lundi 28 novembre 2011

Détention et mise en liberté des adolescents avant le procès sous le régime de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents

Tiré de: Ministère de la Justice
http://www.justice.gc.ca/fra/pi/jj-yj/lsjpa-ycja/consultation/tdm-toc.html

Introduction

I. Principes généraux

II. La détention avant le procès par la police

A. Les dispositions du Code criminel

1.Arrestation sans mandat
2.Mise en liberté par le fonctionnaire responsable dans le cas d’une arrestation sans mandat
3.Arrestation avec mandat
4.Mise en liberté après une arrestation avec ou sans mandat
B. Les études sur la détention des adolescents par la police

1.Le pourcentage des adolescents arrêtés qui sont détenus par la police
2.Divergences selon les ressorts
3.Facteurs associés à la détention des adolescents par la police
4.Les motifs avancés par la police pour détenir des adolescents
5.Types de mise en liberté par la police
6.Conditions de mise en liberté
7.Restrictions concernant l’arrestation et la détention Résumé
C. Questions à discuter

III. Mise en liberté provisoire par voie judiciaire

A. Recherche

1.Comparution devant un juge
◦Question à discuter
2.Nombre de jeunes détenus
3.Variations entre les administrations
4.Durée de la détention avant le procès
5.Mise en liberté sur consentement du procureur de la Couronne
6.Autres facteurs associés à la détention des adolescents Résumé
B. Motifs de la détention

1.La prévision du risque
2.Motif primaire : nécessaire pour assurer la présence au tribunal
◦Questions à discuter
3.Motif secondaire : nécessaire pour la sécurité du public
◦Questions à discuter
4.Motif tertiaire : nécessaire pour ne pas miner la confiance du public envers l’administration de la justice
◦Questions à discuter
5.La détention comme « rappel à l’ordre »
◦Questions à discuter
C. Interdiction de substituer la détention à des services de protection de la jeunesse

•Questions à discuter
D. Présomption contre la détention

•Questions à discuter
E. Conditions de mise en liberté

1.Les résultats de la recherche sur les conditions de mise en liberté
◦Variations entre administrations
◦Conditions de mise en liberté imposées par le tribunal
◦Manquements aux conditions de la mise en liberté sous caution et accusations
◦Questions à discuter
Références

Annexe – Liste récapitulative des questions à étudier


--------------------------------------------------------------------------------
Tiré de: Ministère de la Justice
http://www.justice.gc.ca/fra/pi/jj-yj/lsjpa-ycja/consultation/tdm-toc.html

dimanche 27 novembre 2011

La nécessité de critères préalables à la présentation d’une preuve électronique

a. Quel est l’usage journalier dudit système ?

b. Quel est le processus d’acquisition de données ?

c. Quand s’est effectuée la cristallisation de la preuve ?

d. Quelles sont les procédures de stockage ?

e. Comment et quand se sont effectuées l’extraction et la présentation
des données en cause ?

f. Est-ce que le contenu des documents électroniques est scellé par
l’entremise d’une fonction de hachage (hash function) ?

g. Les informations contenues dans le dossier de la preuve
électronique sont-elles complètes ?

h. Quel est le niveau de sécurité du système et ses principes
applicables ?
· Logiciel de sécurité ;
· Code d’identification ;
· Authentification ;
· Chiffrement avec clefs cryptographiques ;

i. L’équipement informatique est-il localisé dans un lieu à accès limité ?

j. Le dossier en cause est-il un dossier à accès restreint ?

k. Est-ce qu’il existe une piste de vérification ?

l. Est-ce que les enregistrements de données à l’origine de la preuve sont présents de façon identique et intacte dans les copies de sûreté ou les copies de sauvegarde (backup) ?

m. Et autres questions qui s’appliquent en l’espèce ;

Tiré de : La loi uniforme sur la preuve électronique - Mémoire présenté
à la conférence pour l’harmonisation des lois au Canada par le comité d’évaluation
des critères d’expertises de l’Association professionnelle des informaticiens
et informaticiennes du Québec - Mai 1997
http://www.apiiq.qc.ca/public/rapports/pdf/fr_preuve.pdf

Revue exhaustive de la jurisprudence sur la complicité (et la notion du devoir légal d'agir) par la Cour d'Appel du Québec

Rochon c. R., 2011 QCCA 2012 (CanLII)

[15] En d'autres termes, l'inaction n'est pas criminelle.

[16] Dans Dunlop, le juge en chef Dickson écrivait :

L'arrêt qui fait autorité, R. v. Coney, (1881) 8 Q.B. 534, a établi qu'une présence non accidentelle sur les lieux du crime n'équivaut pas à aide et encouragement.

[17] Le juge Dickson enchaînait en citant deux passages des motifs du juge Cave dans l'arrêt Coney, distinguant la participation à un crime du fait d'en être témoin :

[TRADUCTION] Or, la règle générale applicable aux complices est qu'il doit y avoir participation à l'acte et que le témoin d'une félonie, s'il ne prend aucune part à sa perpétration et n'agit pas de concert avec son auteur, n'est pas complice pour la seule raison qu'il n'a pas tenté d'en empêcher la perpétration ou d'arrêter le félon.

et:

…Lorsque la présence est tout à fait accidentelle, elle n'est pas un élément de preuve susceptible d'établir l'aide et l'encouragement. Lorsque, prima facie, la présence n'est pas accidentelle, elle constitue pour le jury un élément de preuve et rien de plus.

[18] En outre, pour que quelqu'un/e engage sa responsabilité criminelle en vertu de l'article 21 (1) (b) C. Cr. en omettant d'agir, la loi doit lui imposer l'obligation préalable d'agir ou de porter secours. La « simple présence passive sur la scène d'un crime au moment de sa commission ne saurait constituer une aide ou un encouragement à moins que la présence n'ait pour but d'aider à la commission de cette infraction ».

[19] C'est du moins en ce sens que se prononce la jurisprudence canadienne dominante en la matière, ainsi que le font voir les arrêts suivants.

[20] R. v. Davy, (2000,C.A. Ont.) :

L'accusée en appelle d'une condamnation pour tentative de meurtre. La preuve contradictoire fait en sorte qu'il est difficile de savoir si l'accusée a également poignardé la victime. Le jugement majoritaire limite clairement la responsabilité aux cas où il existe un devoir d'agir :

It was therefore essential, if the trial judge intended to leave s. 21(1)(b) to the jury, that he make it clear that a mere bystander cannot be a party under s. 21(1)(b) and that presence at the scene cannot found liability under that provision on the basis of an omission unless the accused was under a duty to act. There was no suggestion that the appellant was under such a duty. The possibility that this jury found liability on the basis that the appellant was a party and did so on the basis of an omission is a real one given their reference to "indirect involvement" and "non-intervention of the crime" in their question.

[21] R. v. Portillo, (2003, C.A. Ont.) :

Deux coaccusés portent en appel une condamnation de meurtre au deuxième degré. Une preuve circonstancielle révèle qu'il est possible que l'un ou les deux coaccusés aient assisté au meurtre de la victime, morte étranglée. Les accusés contestent les instructions données au jury en matière d'omission et complicité. À l'unanimité, la Cour est d'avis que les instructions au jury étaient insuffisantes et préjudiciables. Confirmant l'affaire R. v. Davy, la Cour répète qu'on ne peut être complice en raison d'une omission à moins qu'il n'existe un devoir d'agir :

I agree with the appellants' submission that the trial judge's reference to liability based on omissions was inappropriate and potentially prejudicial. There was no basis upon which either appellant could be found to have aided in the homicide by virtue of a mere failure to act. A failure to act by one present at the scene of the crime will not amount to aiding in the crime absent a duty to act and an intention to aid the perpetrator: R. v. Davey 2000 CanLII 16859 (ON CA), (2000), 137 O.A.C. 53 at 59 (C.A.). Although the trial judge did tell the jury that mere presence at the scene does not constitute aiding, it would have been better had he not made any reference to omissions in his instructions on liability under s. 21(1)

[22] R v. Dooley (2009, C.A. Ont.) :

Dans cette affaire, les parents sont trouvés coupables du meurtre au deuxième degré de leur jeune fils. La preuve ne permet pas d'établir lequel des appelants a assené le coup fatal. Un des motifs d'appel porte sur les instructions données au jury sur l'aide et l'encouragement à commettre une infraction. À l'unanimité, la Cour confirme qu'une omission peut faire de quelqu'un un complice s'il existe un devoir légal d'agir :

The conduct component that must accompany the culpable mental state is captured by the words "aids" and "abets". Conduct can include omissions. A failure to act where there is a legal duty to do so, what V. Gordon Rose calls "culpable acquiescence", can constitute an act of aiding or abetting: see V. Gordon Rose, Parties to an Offence (Toronto: Carswell Company, 1982), at pp. 18-19; Richard Card, Card, Cross and Jones Criminal Law, 18th ed. (Oxford, U.K.: Oxford University Press, 2008), at p. 760; David Ormerod, Smith and Hogan Criminal Law, 12th ed. (Oxford, U.K.: Oxford University Press, 2008), at p. 190; Brent Fisse, Howard's Criminal Law, 5th ed. (North Ryde, Austl.: Law Book Company, 1990), at pp. 326-27; R. v. Nixon reflex, (1990), 57 C.C.C. (3d) 97 (B.C.C.A.), at p. 114, leave to appeal to S.C.C. refused, [1990] S.C.C.A. No. 316, [1991] 1 S.C.R. xii.

[23] La Cour d'appel entérine les directives au jury du juge de première instance sur l'origine du devoir d'agir en l'espèce :

The trial judge also told the jury that the Crown's case for aiding and abetting rested on the contention that the non-perpetrating parent had failed to perform his or her parental duty to protect Randal from further abuse, and that the failure had helped or encouraged the other parent to continue the abuse, which included the fatal assault.

[24] R. v. Laurencelle, (1999, C.A. C.-B.) :

En première instance, l'accusée est trouvée coupable de séquestration à titre de complice. La victime était détenue chez l'accusée, demeure que cette dernière partageait avec l'un des quatre agresseurs. Le juge de première instance lui reproche d'avoir laissé les agresseurs détenir la victime chez elle, de ne pas avoir quitté sa demeure, et d'avoir aidé la victime à quelques reprises (en lui fournissant de l'eau, et en le déliant pour qu'il puisse fumer):

There was no indication that the accused was aware that the kidnapping and confinement was going to take place, but upon entering her own home some short time after the offence she saw the complainant or the victim bound. She knew what had occurred and unfortunately for her made a wrong decision.

At that point in time she could have left and there would have been no burden on her to do anything else and she could not have become involved in this matter. She did not leave immediately. In fact, she did not leave at all. She stayed. She stayed in the home. She allowed the victim and Bradley McCandless and Biron to remain, which is more than passive acquiescence. She helped in the care of the victim and as I said she allowed her home to be used as a place of confinement, thereby encouraging the other co-accused in their venture.

[25] À l'unanimité, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique statue que l'accusée n'avait aucune obligation de quitter sa demeure. De plus, même si elle exerçait un certain contrôle sur sa maison, il n'était pas raisonnable d'exiger d'elle qu'elle fasse en sorte que les deux agresseurs quittent les lieux. La Cour distingue cette affaire de celles en matière de conduite de véhicule automobile, où le propriétaire du véhicule peut être considéré comme un complice s'il permet que le véhicule soit utilisé de manière illégale :

It is my view, with respect, that the passage which I have quoted from the judge's reasons indicates that she lost sight of the principle that the burden of proving participation was on the Crown. She appears to have imposed a duty on the appellant to leave the house, and perhaps more importantly, she found that the appellant "allowed" McCandless and Biron to remain. In my view, the evidence provides no reasonable basis for finding a duty to leave or for finding that the appellant allowed McCandless and Biron to remain and continue the confinement. The evidence, since it all comes from the victim, is very hazy as to what the appellant's relationship was to the house but, from what little evidence there is, it can be taken that she and Biron were both living there and both, to that extent, had some control over the premises. There is no basis for asserting that the appellant had sole control, and certainly no basis as a matter of common sense for suggesting that she had any effective way of requiring McCandless and Biron to leave. This case is quite different from the various cases which have found that control can lead to a person being found a party by allowing premises or automobiles to be used in an unlawful manner.

[26] R. v. Nixon, (1990, C.A. C.-B.) :

Dans cette affaire, un policier omet de protéger un détenu qui est agressé par d'autres policiers pendant qu'il est sous sa garde. Il demeure inactif : bien que présent, il n'intervient pas pour faire cesser l'agression. La Cour conclut que ce devoir lui incombait en vertu du Police Act et du Code criminel, ainsi qu'en vertu de la common law :

After concluding that she was satisfied beyond a reasonable doubt that the appellant was present at the time of the assault and knew what happened, the trial judge reasoned that under the Police Act (R.S.B.C. 1979 Chapter 331) and Sections 27 and 37 of the Criminal Code of Canada, the appellant had a duty to protect Jacobsen. By failing to act to prevent the assault on Jacobsen the appellant failed to discharge this duty and, on the basis of this omission, was guilty of aiding and abetting the commission of the assault.

[…]

The appellant is correct in arguing that only in narrow and well-defined circumstances will the law punish an omission to act. (See Glanville Williams, Criminal Law, The General Part, Second Edition (1961) at p. 4 where he quotes from Macaulay):

We must grant impunity to the vast majority of those omissions which a benevolent morality would pronounce reprehensible, and must content ourselves with punishing such omissions only when they are distinguished from the rest by some circumstance which marks them out as peculiarly fit objects of penal legislation.

In my opinion a police officer has a statutory duty to protect a person under his care. If he fails in that duty he may be the object of penal legislation.

[27] La Cour d'appel de Colombie-Britannique cite ensuite plusieurs décisions où un accusé a été trouvé coupable en raison d'une omission alors qu'il lui incombait d'agir positivement en vertu d'un devoir imposé par la loi:

These cases make clear there may be criminal liability for breach of a duty to aid another, and that this principle extends to the situation in which the breach of duty was a failure to protect another from the independent criminal act of a third person. This principle is particularly applicable in the case under appeal. The breach of duty relied upon by the Crown to justify the appellant's conviction was his failure to prevent an assault on Jacobsen by others.

[…]

A failure to act in accordance with a duty to act may be an omission to do something for the purpose of aiding or abetting.

[28] Selon ce courant jurisprudentiel dominant, hormis une obligation d'agir, n'existe plus que la simple présence, laquelle ne peut suffire à rendre une personne complice d'une infraction.

[29] Les tribunaux québécois interprètent différemment la participation criminelle par omission d'agir en vertu de l'article 21 (1) (b) C.cr., insistant sur l'absence de la mention d'un devoir légal d'agir à cet article, alors que les dispositions concernant la négligence criminelle (art. 219 (1b) C.Cr.) y font spécifiquement référence.

[30] La Cour a exprimé, à au moins trois reprises, l'opinion qu'un devoir d'agir n'est pas essentiel pour que l'inaction puisse constituer une participation criminelle au sens de l'article 21 (1) (b) C.cr.

[31] La distinction est d'abord proposée dans R. c. Marc, où l'on peut lire que « Le législateur à l'article 21 ne fait aucunement mention d'un devoir légal ».

[32] Dans R. c. M.D., la distinction se précise :

Le législateur ne fait pas mention, à l'article 21, du manquement d'accomplir un devoir légal, comme il le fait pour l'infraction de négligence criminelle à l'article 219 (1) b) du Code. Nous ne sommes pas dans une situation où un devoir d'agir imposé par une loi peut être créateur de responsabilité criminelle. Cet argument, avancé par le ministère public, est sans mérite.

[33] Dans l'affaire R. c. Michaud, la Cour ajoute ceci :

La référence à une omission d'avoir accompli un devoir auquel, suivant le juge, l'appelant était légalement tenu constituait une erreur. D'une part, il y a manifestement eu confusion puisque, par cette directive, le juge a importé, dans la définition du meurtre, une notion (l'omission de faire quelque chose qu'il est de son devoir d'accomplir) qui, vu l'alinéa b) de l'article 219(1) C.cr., s'applique à la négligence criminelle, non au meurtre. D'autre part, si c'est l'alinéa b) de l'article 21(1) C.cr. qui est en cause, l'omission peut porter sur quelque chose qu'il n'est pas nécessairement du devoir de l'accusé d'accomplir; il est essentiel de rappeler aux jurés que, non seulement l'aide par omission doit avoir été démontrée, mais également que l'accusé avait, ce faisant, l'intention spécifique d'aider son complice à commettre le meurtre.

[34] En premier lieu, je ne crois pas que ces arrêts démontrent nécessairement l'existence d'un clivage entre le courant jurisprudentiel exposé préalablement et les positions exprimées par la Cour. Il faut porter attention à la nature de l'infraction reprochée dans chaque cas sous étude.

[36] Traditionnellement, la common law ne cherche pas à punir les omissions, mais seulement les actes positifs pouvant nuire aux autres. Il n'est habituellement pas souhaitable de criminaliser les omissions, car cela reviendrait à imposer à un tiers témoin d'un crime l'obligation d'intervenir, ce qui restreindrait indûment la liberté individuelle dans une société qui se veut libre :

Second is a concern that criminalizing omissions has the effect of forcing people to engage in particular conduct, and this is not something the law does lightly. As Simester and Brookbanks have noted:

We value living in a society where citizens are respected as individuals—where they are free to live their own lives to act or intervene. The prohibition of omissions is far more intrusive upon individual's autonomy and freedom than is the prohibition of acts, which is why the systematic imposition of (criminal or civil) liability for failures to act is to be resisted.

[37] C'est pourquoi, en common law, on ne peut être coupable d'une omission en l'absence d'un devoir d'agir:

The common law has enforced the notion that omissions should not be punishable for centuries. For this reason, it remains correct to state as a general principle that an omission is not culpable unless it is specifically rendered liable either by the imposition of some sort of duty to act, or through the wording of a particular statutory provision. While the duties that exist cannot be classified quite so precisely, omissions tend to be punishable only where there is some form of obligation to act because of the nature of the relationship between the accused and the person at risk from an omission, or because of acts already performed by the accused that require him or her to account for future omissions.

[…]

The conclusion one can take from this is that the inclusion of the term "or omits to do anything" does not change the basics of the law of omissions. In other words, the accused will only be liable for such an omission as a party where he or she is under some type of duty to act, and the appropriate mens rea, discussed below, is present.

[38] Cette position est celle généralement retenue par les auteurs canadiens, dont Alan D. Gold :

A person is a party to a crime as an aider if that person: does (or in the case of a legal duty, omits to do) something that helps the (or a) principal to commit the offence (the fault requirement).

[39] L'auteur Kent Roach opine lui aussi qu'il n'est pas souhaitable de criminaliser la simple omission d'agir, en l'absence d'un devoir d'agir :

One possible exception to the trend to wide definitions of the criminal act is the traditional reluctance to use failure to act as an actus reus. Traditionally, the criminal law has prohibited harmful conduct; it has not required socially desirable conduct. An omission or failure to act will generally only form the actus reus of a criminal offence when an individual has a specific duty to act.

[…]

The position that mere presence and passive acquiescence in a crime is not sufficient to make a person an aider or abettor mirrors the criminal law's traditional reluctance to penalize omissions. As with omissions, however, courts recognize exceptions to this principle in cases where the person who stands by is under a specific legal duty to act.

[41] En effet, ce qu'il faut surtout souligner, quant à la participation à un crime au sens de l'article 21(1)(b) C.Cr., c'est qu'il incombe à la poursuite de prouver au-delà de tout doute raisonnable la mens rea requise, soit l'intention d'accomplir ou d'omettre d'accomplir quelque chose en vue d'aider la commission de l'infraction.

[42] En d'autres termes, une personne qui assiste passivement à la commission d'un crime, même si elle est en position d'agir pour en empêcher la commission, ne devient pas pour autant responsable de ce crime. Il faut que la preuve démontre que son défaut d'agir avait pour but d'aider le contrevenant à commettre son crime.

Les éléments constitutifs de l'infraction de production de marihuana

Rochon c. R., 2011 QCCA 2012 (CanLII)

[11] Les éléments constitutifs de la mens rea de l'infraction de production de marihuana (art. 7(1) et (2) Loi réglementant certaines drogues et autres substances.) sont les suivants : la connaissance que la culture, la multiplication ou la récolte de la substance a lieu et la connaissance de la nature de la substance produite.

[12] En ce qui concerne l'actus reus, la poursuite doit prouver au-delà de tout doute raisonnable que l'accusée a cultivé, multiplié ou récolté la substance.

[13] Quant à la participation à cette infraction sous 21 (1) b) C.cr., il faut une intention d'aider quelqu'un à commettre l'infraction. L'intention de ne pas dénoncer le contrevenant ne suffit pas.

[14] C'est donc dire que le fait pour l'accusée de ne pas dénoncer son fils aux autorités ne saurait constituer l'actus reus de la participation à la production et possession de marijuana, ni d'ailleurs, en soi, la mens rea ou l'intention d'aider son fils dans sa production et possession de marijuana.

[15] En d'autres termes, l'inaction n'est pas criminelle.

mardi 22 novembre 2011

L'excuse légitime au sens de l'article 145.5.1 C.cr. constitue une question de fait laissée à l'appréciation du Tribunal

R. c. Lefebvre, 2011 QCCS 5278 (CanLII)

[8] CONSIDÉRANT que l'excuse légitime au sens de l'article 145.5.1 C.cr. constitue une question de fait laissée à l'appréciation du Tribunal;

24 Once the Crown proves the elements of the offence beyond a reasonable doubt, the onus shifts to the accused to provide a lawful excuse on a balance of probabilities. When the issue of lawful justification or excuse arises, "the trial Judge must consider if the accused has proved a defence of lawful justification or excuse by a preponderance of evidence." See R. v. Santeramo (1976), 32 C.C.C. (2d) 35 at 44 (Ont. C.A.), and The Queen v. Sault Ste. Marie, 1978 CanLII 11 (SCC), [1978] 2 S.C.R. 1299 at 1319.

25 Courts generally take a hard look at the lawful excuses, and compliance must be virtually im-possible. So, for example, excuses for failing to attend court because of severe illness or bad wea-ther have been accepted. See R. v. Coe (1971), 4 C.C.C. (2d) 23 (Ont. H.C.J.), and R. v. Kennedy (1972), 7 C.C.C. (2d) 522 (Que. Q.B.). In any particular case, it would be a question of fact whe-ther, for example, the illness or the weather was bad enough to prevent the accused from attending court.

R. v. Joseph Daniel Custance, [2005] M.J. No. 30.

lundi 21 novembre 2011

La preuve de l'intention de conduire n'est pas un élément essentiel de l'infraction d'avoir eu la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur

R. c. Boudreault / 2011 QCCA 2071 / No : 200-10-002606-106 / DATE : 11 novembre 2011

[4] Le présent pourvoi consiste donc à déterminer si le juge a eu raison, en droit (les faits n'étant pas contestés), de considérer que les gestes de garde et de contrôle que l'intimé a posés ne présentaient aucun risque qu'il mette son véhicule en marche parce qu'il n'avait pas l'intention de conduire. Or, cette question a déjà été tranchée par notre cour dans l'arrêt Sergerie c. R., 2005 QCCA 1227 , où on peut lire ce qui suit :

3 En l'espèce, la preuve démontre que l'appelant a accompli une série d'actes en rapport avec l'utilisation de son véhicule ou de ses accessoires (notamment, se rendre avec une amie vers son véhicule pour y récupérer son téléphone cellulaire, s'asseoir derrière le volant alors que son amie prend place du côté passager, prendre la clé de contact, mettre en marche le moteur et activer la climatisation) qui devaient nécessairement entraîner la conclusion qu'il existait un risque que le véhicule soit mis en mouvement et devienne dangereux, même involontairement, malgré que le juge de première instance ait conclu que l'appelant avait renversé la présomption de l'art. 258 (1)a) C.cr. : R. c. Ford, [1982] 1 R. C. S. 231 ; R. c. Toews, [1985] 2 R.C.S. 119 .

4 Le jugement rendu par le juge de la Cour municipale démontre que ce dernier a considéré essentiellement l'intention de l'appelant de ne pas mettre en marche le véhicule pour entretenir un doute raisonnable à l'égard de la notion de garde et de contrôle et de risque plutôt que de considérer l'ensemble des circonstances entourant l'utilisation du véhicule ou de ses accessoires. Il a erronément limité la question du risque à celle du "risque réaliste immédiat de mettre le véhicule en marche", en se fondant sur l'intention plutôt que sur la série d'actes posés par l'appelant, ce qui ne tenait pas compte d'autres aspects pertinents, tel que souligné par le juge Bastarache, alors à la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick, dans Clarke, précité, au paragr. 9 :

Pour le déclarer coupable, il n'est pas nécessaire de prouver que le délinquant créait un danger immédiat pour le public. Ce qui constitue un problème de sécurité publique, c'est la possibilité que le véhicule soit mis en mouvement, délibérément ou non, par une personne en état d'ébriété. (références omises)

5 En l'espèce, une telle possibilité existait vu la nature des actes accomplis par l'appelant et le niveau élevé de son état d'ébriété. Il faut souligner, à cet égard, qu'il était ivre au point de perdre pied et de reculer de deux pas en sortant de son véhicule et au point où les agents de police ont dû le soutenir pour l'emmener à leur propre voiture de patrouille, cet état étant susceptible d'affecter grandement son jugement : R. c. Pelletier, [2000] O.J. No 848 (C.A.).

[5] L'intimé insiste malgré tout et soutient qu'il avait un plan alternatif pour retourner chez lui, lequel n'impliquait pas qu'il conduise son automobile. Il se servait de cette dernière comme d'un abri temporaire en attendant le taxi qui devait le reconduire à son domicile.

[6] Ainsi que nous venons de le voir, l'arrêt rendu par notre cour dans l'affaire Sergerie a rejeté cette prétention qui s'éloigne de la volonté du législateur fédéral. Ce dernier, en édictant l'article 253 du Code criminel, voulait en effet éloigner les gens en ébriété de leur automobile et les décourager de se placer dans une situation où ils risquent de mettre en marche celle-ci. En l'espèce, ce risque existait étant donné l'état d'intoxication avancé de l'intimé qui dépassait trois fois la limite permise et était susceptible d'affecter grandement son jugement s'il s'était réveillé.

[7] La preuve de l'intention de conduire n'étant pas un élément essentiel de l'infraction d'avoir eu la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur, le juge de première instance a donc commis une erreur en concluant qu'il n'y avait aucun

samedi 19 novembre 2011

Détermination de la peine pour les infractions de possession, possession en vue de distribution, production, transmission, accessibilité à de la pornographie juvénile

R. c. G.C. / 2011 QCCQ 13551 / N° : 500-01-048530-106 500-01-049741-108 / DATE : 28 octobre 2011

R. c. Hewlett, 2002 ABCA 179. En appel de sentence, l’accusé a reçu une peine de trois ans et demi pour avoir possédé et produit de la pornographie à des fins commerciales. L’accusé a été déclaré coupable, il a de nombreux antécédents judiciaires et n’a exprimé aucun remords.

R. c. W.A.E. (2009) N.J. no 218 (Prov. Ct.) (QL). Pour possession de quantités très importantes de pornographie juvénile (476 704 images et 289 vidéos), les parties suggéraient une peine entre 12 et 18 mois; le juge a imposé une peine de 4 ans et 9 mois. Le juge fait une revue des décisions rendues par différents tribunaux des autres provinces; aucune décision québécoise n'est rapportée. L'accusé a plaidé coupable et n'a pas d'antécédents judiciaires.

R. c. Richard Reber, (25 octobre 2010), 500-01-025468-098, (C.Q.). Pour des accusations d'attouchements d’ordre sexuel et d'incitation sur une période de deux ans, agression sexuelle avec arme, possession, production et distribution de pornographie juvénile, une peine globale de 10 ans fut imposée. L'accusé a des antécédents judiciaires non reliés et a plaidé coupable.

R. c. Camille Girard, (29 juin 2011) 500-01-033330-090, (C.Q.). Sentence de 8 ans pour des infractions de possession, possession en vue de distribution, production, transmission, accessibilité à de la pornographie juvénile (769 747 images de pornographie juvénile, 2965 vidéos et 34 fichiers audio). Il a été également déclaré délinquant à contrôler. L'accusé avait déjà reçu une peine de 10 ans pour des infractions d'agression sexuelle en 1996.

R. c. V.M., 2011 QCCQ 2814 . 30 mois pour agression sexuelle et attouchements à des fins d’ordre sexuel sur une jeune fille de 15 ans (4 reprises, sur une période d’un an); la victime est la sœur de l’ex-conjointe de l’accusé et ce dernier n’a pas d’antécédents judiciaires.

R. c. R.W., 2011 QCCQ 5814. Pour des accusations de contacts sexuels avec 3 enfants âgés de 5 et 12 ans, la Cour impose une peine de 3 ans. Âgé de 65 ans, l’accusé est le grand-père de 2 victimes et le voisin de l’autre; il n’a pas d’antécédents judiciaires.

R. c. M.S., 2010 QCCA 964 . Malgré le passage du temps et la démarche thérapeutique, la Cour d’appel modifie la sentence et impose une peine de 21 mois pour des accusations de contacts sexuels et d’incitation à des contacts variés sur une longue période de temps. Âgée entre 6 et 8 ans, la victime est la fille de la conjointe de l’accusé; ce dernier n’a pas d’antécédents judiciaires et a déjà purgé 3 mois dans ce dossier.

R. c. J.G., 2010 QCCQ 4295 . Une peine de 7 ans pour plusieurs chefs, dont des accusations d’inceste envers ses 2 enfants; l’accusé est âgé de 77 ans et n’a pas d’antécédents judiciaires; la durée des abus s’échelonne sur 7 années, alors que les enfants ont entre 8 et 19 ans.

R. c. Cloutier, 500-01-004066-046 (C.Q.). Le juge Sansfaçon fait une analyse de la jurisprudence en matière d'agression sexuelle envers les enfants et note des peines de 12 à 20 mois lorsqu'il y a une seule victime, où les gestes sexuels posés sont les moins graves ou survenus en de rares occasions ou sur une courte période de temps. L'âge avancé de l'accusé, l'état de santé jouent aussi un rôle déterminant.

R. c. M.P., 2005 QCCA 7 . La Cour d'appel confirme une peine globale de 38 mois, dont 12 mois pour la possession de pornographie juvénile et deux ans pour des contacts sexuels à l’endroit de plusieurs victimes au motif de l'harmonisation des peines imposées à d'autres complices.

R. c. Stone 2010 QCCQ 7926 . Sur une peine globale de 10 ans, 14 mois le sont pour la production de matériel pornographique et 12 mois consécutifs pour 2 chefs de contacts sexuels. Il y avait dans ce dossier plusieurs chefs de leurre; l’accusé se servait d’un ordinateur pour entrer en contact avec des jeunes filles de 12 à 17 ans.

R. c. Bouchard 2010 QCCQ 10370 . 4 mois pour possession de pornographie juvénile (1426 photographies et 396 vidéos).

R. c. Gagné 2011 QCCQ. 991 . 36 mois pour des accusations de possession et de production de pornographie juvénile (10 fichiers graphiques et 196 fichiers d’animation) et voyeurisme; l’accusé avait des antécédents judiciaires reliés (action indécente- intrusion de nuit).

R. c. David Nriakame, (13 août 2010), 500-73-003178-098, (C.Q.). Le juge a tenu compte des conditions de détention, des origines de l'accusé, de son isolement, de l'absence de visites et de revenus pour calculer sa détention en 2 ½.

R. c. Rainville, 2010 QCCQ 5364 . La Couronne s'objectait à l'application de la règle « deux pour un » étant donné la commission d'un second délit en attente de procès pour une accusation similaire. La Cour a appliqué la règle du double étant donné que l'inverse aurait pour conséquence de punir doublement l'accusé.

St-Pierre c. R., 2008 QCCA 894 , La Cour d'appel affirme qu'une revue de la jurisprudence canadienne montre que pour le crime de contact sexuel sur une personne âgée de moins de 14 ans, les peines varient entre 9 mois et 3 ans d'emprisonnement. ( avant les amendements prévoyant un minimum)

jeudi 10 novembre 2011

L’interprétation à donner au mot « jouissance » au sens de l'article 430

Aubin c. R., 2011 QCCS 5783 (CanLII)

[6] En ce qui concerne le premier motif d’appel, c’est-à-dire si le juge de première instance a erré en droit en refusant d’appliquer la règle du stare decisis concernant le chef numéro 8, le Tribunal est d’accord avec la position de l’intimée telle qu’énoncée aux pages 2 et 3 de son mémoire où on peut lire :

Le juge de première instance a analysé minutieusement la décision de la Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Drapeau et avec raison, il en est venu à la conclusion que puisque les juges Fish et Chamberland arrivent à des conclusions différentes quant à l’interprétation à donner au terme « jouissance » et que le juge Beauregard ne se prononce pas sur cet aspect, il n’y a donc pas comme le juge Pigeon l’écrivait, de « binding decision ».

Le juge de première instance réfère donc à l’autre Cour d’appel qui a traité de l’interprétation à donner au mot « jouissance », soit la Cour d’appel d’Ontario dans l’arrêt R. v. Maddeaux en 1997.

Le juge de première instance écrit au paragraphe 47 de son jugement :

"Pour ma part, et avec respect pour l’opinion du juge Fish, pour les motifs énoncés par le juge Chamberland dans Drapeau, et par le juge Austin dans Maddeaux, j’adopte leur interprétation du mot « jouissance »".

Au paragraphe 36 de son jugement, il a d’ailleurs résumé l’arrêt Maddeaux sur cet aspect :

"Dans Maddeaux, la Cour d’appel de l’Ontario aurait quant à elle donné au mot « jouissance » un sens plus englobant, incluant l’action de tirer d’un bien qu’une personne possède les satisfactions que ce bien est capable de procurer".

[7] Quand le juge de première instance fait référence aux causes de Drapeau et de Maddeaux, il fait référence à : R. c. Drapeau, 96 CCC (3d) 554, et R. v. Maddeaux, 115 CCC (3d) 122.

[8] Le Tribunal est d’avis que le juge de première instance a eu raison de suivre l’arrêt Maddeaux de la Cour d’appel de l’Ontario, en ce qui concerne comment le terme « jouissance » qu’on trouve à l’article 430 du Code criminel, doit être interprété.