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vendredi 1 août 2025

La preuve d’une conduite indigne d’un accusé peut être admise afin d’établir le contexte de la relation entre l’accusé et la victime, de démontrer l’animosité de l’accusé envers la victime, d’établir le mobile et d’établir l’identité

R. c. Leblanc, 2024 QCCS 548 

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[124]     La preuve d’une conduite indigne d’un accusé est généralement inadmissible. Toutefois, le poursuivant est autorisé à présenter une telle preuve lorsque celle-ci est pertinente à une question en litige et que sa valeur probante l’emporte sur son effet préjudiciable.

[125]     La preuve d’une conduite indigne d’un accusé peut être admise afin d’établir le contexte de la relation entre l’accusé et la victime, de démontrer l’animosité de l’accusé envers la victime, d’établir le mobile et d’établir l’identité. La preuve peut aussi être admise pour établir l’état d’esprit de l’accusé au moment du crime. Voici comment la Cour d’appel de l’Ontario résume les principes applicables dans R. v. Cudjoe[18] :

[63]   As a general but not unyielding rule, the prosecutor is not entitled to introduce, as part of the prosecution’s case in-chief, evidence of an accused’s bad acts, other than those charged, to support an inference of guilt from general bad character. We generally bar the introduction of evidence of other bad acts because it invites propensity reasoning - a finding of guilt based on character not conduct: R. v. Batte (2000), 2000 CanLII 5751 (ON CA), 49 O.R. (3d) 321 (C.A.), at para. 100. Evidence of bad acts of an accused, other than the acts charged, may be admitted as an exception to the general rule, however, when the probative value of the evidence on a fact in issue exceeds its prejudicial effect: Batte at para. 90.

[64]   In a prosecution for a crime of unlawful homicide, such as murder, evidence of an accused’s prior abuse of the deceased may illuminate the nature of the relationship between the principals, demonstrate animus and establish a motive for the killing. This circumstantial evidence, used prospectantly, may assist in proving complicity in an unlawful killing and in establishing the state of mind that accompanied it: R. v. F. (D.S.) (1999), 1999 CanLII 3704 (ON CA), 43 O.R. (3d) 609 (C.A.), at p. 616; R. v. Jackson (1980), 1980 CanLII 2945 (ON CA), 57 C.C.C. (2d) 154 (Ont. C.A.), at p. 167; R. v. Misir (2001), 2001 BCCA 202 (CanLII), 153 C.C.C. (3d) 70 (B.C.C.A.), at para. 17Plomp v. R(1963), 110 C.L.R. 234 (H.C.).

[…]

[68]   The evidence was relevant and material. It tended to show the true nature of the relationship between the appellant and deceased contemporaneously with her death. Further, this evidence demonstrated animus and motive, and thus was relevant to prove the identity of the deceased’s killer (which had not been admitted when this evidence was received) and the mental state that accompanied the killing.

[126]     La preuve de mobile est une preuve pertinente, mais non un élément essentiel d’une infraction[19]. À l’inverse, l’absence de mobile peut laisser un doute en faveur de l’accusé.

[127]     Comme la Cour d’appel l’énonce dans Pelletier c. R.[20], il est incontestable que la relation passée entre deux personnes est logiquement pertinente pour comprendre comment ont pu évoluer les événements culminant à un homicide :

[84]   Il est à mon avis incontestable que la relation passée entre deux personnes est logiquement pertinente pour comprendre comment ont pu évoluer les événements culminant à un homicide. Une preuve de la bonne entente et d’attentions bienveillantes entre les parties est certainement un élément, logiquement, participe à soulever un doute sur la responsabilité d’un accusé d’avoir infligé les blessures à la victime. De la même façon, lorsqu’un homicide survient dans le cadre d’une relation conjugale, l’état de la relation peut avoir un lien pertinent avec un mobile, l’identité de l’auteur du crime et l’intention requise. En général, les actes d’inconduites extrinsèques de l’accusé envers la victime, comme des menaces ou des voies de fait, peuvent être admis pour ces raisons : R. c. Moo2009 ONCA 645, par. 98 à 100.

[128]     Bien que l’affaire Pelletier[21] soit rendue dans un contexte conjugal, la Cour d’appel y donne plusieurs exemples dans un contexte non conjugal où une preuve de conduite indigne antérieure a été admise pour démontrer la nature de la relation entre la victime et un accusé. Par ailleurs, soulignons que les faits en cause ne sont pas tellement éloignés d’une affaire conjugale, car l’accusé entretenait un intérêt pour avoir une relation de cette nature avec Lina Petrilli et que c’est en raison de son refus que cela ne s’est pas concrétisé comme il l’aurait souhaité.

[129]     Dans l’arrêt Pelletier[22], la Cour d’appel fait une revue de plusieurs principes de droit applicables. Les faits avancés pour démontrer un mobile ou l’animosité entre la victime et l’accusé sont manifestement variés. Les inférences dépendent du contexte. La preuve proposée pour démontrer le mobile ou l’animosité doit être telle qu’elle permet d’inférer davantage l’existence de cette animosité ou de ce mobile qu’en l’absence de cette preuve :

[52]   Les inférences permises dépendent du contexte. Rappelant l’arrêt Barbour, le juge Watt dans l’arrêt Boukhalfa explique qu’un élément de preuve offert pour démontrer l’animosité ou le mobile doit être tel qu’il permet d’inférer davantage l’existence de cette animosité ou de ce mobile qu’en l’absence de cette preuve, selon une évaluation fondée sur le sens commun et l’expérience de la vie :

[191]    To establish animus or motive, a party such as the Crown, may rely on evidence from a variety of sources. But, whatever the source, the evidence tendered to establish animus or motive must be such to render the existence of the animus or motive slightly more probable than it would be without the evidence, according to everyday experience and common sense. In other words, the evidence tendered to establish animus or motive must be relevant to their proof.

R. c. Boukhalfa2017 ONCA 660, par. 191 (italique dans le texte).

[53]   Cela dit, dans un procès d’homicide, la situation d’une relation détériorée entre l’accusé et la victime est pertinente dans la mesure où elle permet l’inférence d’un mobile ou l’identité de l’auteur. Elle doit être prouvée par une preuve admissible: voir notamment R. c. Boukhalfa2017 ONCA 660, par. 190R. c. Skeete2017 ONCA 926, par. 92R. c. Carroll2014 ONCA 2R. c. Moo2009 ONCA 645R. c. Walker (2002), 2002 BCCA 89 (CanLII), 163 C.C.C. (3d) 29 (C.A.C.-B.); R. c. Mafi (1998), 1998 CanLII 6221 (BC CA), 130 C.C.C. (3d) 329 (C.A.C.-B.).

[54]      Je le répète, une fois la pertinence établie, la preuve est admissible à moins qu’une autre règle ne l’exclue. Très souvent, la preuve visant une relation détériorée se heurte à deux obstacles : la preuve par ouï-dire et la preuve de mauvais caractère qui ne fait que ternir la réputation. L’une et l’autre sont, en principe, des éléments de preuve inadmissibles : R. c. Baldree2013 CSC 35 (CanLII), [2013] 2 R.C.S. 520, par. 2R. c. Handy2002 CSC 56 (CanLII), [2002] 2 R.C.S. 908, par. 31.

Les éléments constitutifs des infractions (1) d'utiliser d'une arme à feu, (2) Braquer une arme à feu, (3) Porter ou avoir en sa possession une arme dans un dessein dangereux pour la paix publique ou en vue de commettre une infraction et (4) Entreposer une arme à feu, à savoir une arme de poing d’une manière négligente ou sans prendre suffisamment de précautions pour la sécurité d’autrui

R. c. Jetté, 2024 QCCQ 2141

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[71]         En ce qui concerne l’infraction d’utilisation d’une arme à feu lors de la commission d’une infraction, le poursuivant doit démontrer qu’un accusé « utilise » une arme à feu au sens du paragraphe 85(1) C.cr. Le poursuivant doit prouver que l’accusé a manifesté par ses paroles ou gestes la présence ou la disponibilité immédiate de l’arme pour commettre un crime ou pour faciliter une fuite. Pour être déclaré coupable de cette infraction, il faut avoir été préalablement déclaré coupable de l’infraction sous‑jacente. Il est donc crucial que l’infraction sous‑jacente soit spécifiée dans l’acte d’accusation[15].

[72]         Le pistolet en question est une « arme à feu » au sens du paragraphe 85(1) C.cr. du fait qu’il est considéré comme une « arme à feu » en vertu de la définition de ce terme à l’article 2 C.cr.

[78]         Pour ce qui est de l’infraction de braquage d’une arme à feu, telle que prévue au paragraphe 87(1) C.cr., elle est interprétée dans son sens courant, à savoir qu’elle implique le fait de diriger ou de pointer une arme à feu au sens de l’article 2 C.cr. vers une personne. Cette infraction comporte une intention générale : l’accusée doit délibérément pointer son arme à feu, quel que soit le motif, et ce geste ne peut être excusé ou justifié par la Loi[16].

[79]         Rappelons que l’accusée admet que l’arme utilisée lors de l’altercation constitue une « arme à feu » au sens de l’article 2 C.cr. Il reste à décider si l’accusée a dirigé l’arme en direction de la plaignante ou non.

[81]         Une arme est considérée comme « utilisée » lorsqu’un accusé la tient et la pointe en direction d’une personne[17]. Étant donné que l’infraction pour l’utilisation de l’arme à feu lors de la perpétration d’une menace implique l’élément de braquage d’une arme, le principe Kineapple s’applique.

[83]         Le Tribunal passe maintenant à l’analyse du paragraphe 88(1) C.cr. Dans l’arrêt R. c. Kerr[18], la Cour suprême du Canada précise que le paragraphe 88(1) C.cr. comprend deux infractions : soit la possession d’une arme « dans un dessein dangereux pour la paix publique » et la possession d’une arme « en vue de commettre une infraction ».

[84]         Dans le cadre de la présente affaire, le Tribunal ne prend en compte que la première infraction. Le poursuivant doit prouver que l’accusée avait l’arme en sa possession et que cette possession visait un dessein dangereux pour la paix publique. La preuve de la possession et le dessein dangereux pour la paix publique doivent se rencontrer à un moment quelconque[19].

[85]         La preuve de l’actus reus est indubitable, car l’accusée a même reconnu avoir l’arme en sa possession en la tenant dans ses mains lorsqu’elle a ouvert la porte à la plaignante.

[86]         En ce qui concerne l’intention (mens rea) en vertu de l’article 88(1) C.cr., les juges de la Cour suprême du Canada ne sont pas unanimes quant au critère à appliquer.

[87]         Selon les juges Major et Bastarache, le « dessein dangereux pour la paix publique » est une intention spécifique, évaluée à la fois subjectivement et objectivement. Dans un premier temps, le Tribunal doit d’abord subjectivement identifier le dessein de l’accusée. Dans la détermination de l’intention subjective de l’accusée, le Tribunal peut considérer les éléments tels que le témoignage de l’accusée et la nature de l’arme. Dans un deuxième temps, il doit objectivement déterminer si ce dessein était, dans toutes les circonstances, dangereux pour la paix publique[20]. La notion de la paix publique renvoie généralement à l’ordre ou à l’état normal qui règne dans une société[21].

[88]         Le Tribunal applique le critère « subjectif‑objectif » proposé ci‑dessus à la présente affaire. En déterminant de manière subjective le dessein de l’accusée, le Tribunal prend en compte les éléments suivants : le pistolet est une arme à air comprimé et selon le rapport ENSALA, il n’était pas chargé.

[89]         Après avoir examiné subjectivement le dessein de l’accusée, le Tribunal conclut que l’accusée avait pour dessein d’utiliser l’arme pour intimider la plaignante. Aucun élément de la preuve ne suggère qu’elle avait l’intention de troubler l’ordre ou l’état normal au sein de la société.

[90]         De manière objective, après avoir pris en considération toutes les circonstances, le Tribunal estime que braquer un pistolet à air comprimé dépourvu de munitions sur une personne est un comportement répréhensible, mais ne constitue pas un danger pour le public.

[91]         Les juges Arbour et Lebel affirment qu’il faut appliquer un test entièrement subjectif au paragraphe 88(1) C.cr. Ils suggèrent de définir « un dessein dangereux pour la paix publique » comme étant l’intention de causer des lésions corporelles ou des dommages matériels, ou d’agir de manière insouciante à cet égard[22]. En se basant sur ce critère strictement objectif, aucun élément de la preuve fournie par le poursuivant ne suggère que l’accusée avait l’intention d’utiliser l’arme pour causer des blessures corporelles ou des dommages à la plaignante. Cette conclusion est corroborée par le fait que le pistolet n’était pas chargé.

[94]         L’actus reus de l’infraction dont l’accusée est reprochée consiste à entreposer une arme à feu au sens de l’article 2 C.cr. d’une manière négligente ou sans prendre suffisamment de précautions pour la sécurité d’autrui. À ce stade, l’analyse doit se concentrer sur le comportement objectif de l’accusée ou sur l’insuffisance de précautions lors de l’[entreposage] de l’arme à feu en vertu de l’article 86(1)[23].

[95]         La mens rea de cette infraction exige la démonstration, au‑delà de tout doute raisonnable, que l’[entreposage] négligent de l’arme à feu constitue un écart marqué par rapport à la conduite attendue d’une personne raisonnable placée dans la même situation que l’accusée, indépendamment de son état réel au moment de la perpétration de l’acte. En outre, pour engager la responsabilité criminelle, le comportement de l’accusée doit être sans excuse légitime[24].

[96]         Mis à part le fait que l’arme à poing est considérée comme une arme à feu au sens de l’article 2 C.cr., les autres éléments de l’infraction n’ont pas été établis. D’après le témoignage de l’accusée, le Tribunal conclut que l’arme à poing a été entreposée chez elle, mais sans plus de détails. Le Tribunal souligne qu’il s’agit d’un pistolet à air comprimé non chargé. Par conséquent, il est objectivement difficile de déterminer comment une personne raisonnable entreposerait une arme à air comprimé sans munitions. De surcroît, aucune preuve n’a étayé la manière négligente dont l’accusée entrepose l’arme à feu ou qu’elle n’a pas pris suffisamment de précautions pour assurer la sécurité d’autrui.

Proférer et/ou transmettre et/ou faire recevoir par une personne une menace de causer la mort ou des lésions corporelles

R. c. Jetté, 2024 QCCQ 2141

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[59]         L’article 264.1 C.cr. est rédigé de manière à englober trois modes de communication : « proférer », « transmettre » et « faire recevoir » par une personne, une menace de causer la mort ou des lésions corporelles. Dans sa dénonciation, le poursuivant reproche à l’accusée d’avoir utilisé les trois modes de communication de manière alternative.

[60]         D’après les faits présentés, le Tribunal se concentre sur l’analyse de deux de ces modes de communication : proférer et transmettre une menace de causer la mort ou des lésions corporelles.

[61]         L’actus reus de cette infraction englobe : 1) l’acte de proférer ou de transmettre une menace de causer la mort ou des lésions corporelles; et 2) l’intention de menacer[9].

[62]         En ce qui concerne l’intention (mens rea) de l’infraction, elle est prouvée lorsque les propos ou les gestes menaçants sont destinés à intimider ou à être pris au sérieux[10]. Le poursuivant n’est pas tenu de prouver que la personne ciblée par les menaces a ressenti de l’intimidation ou les a prises au sérieux. Il suffit de prouver que l’accusée avait l’intention qu’elles aient cet effet[11].

[63]         Les termes « proférer », « transmettre » et « faire recevoir » dudit article englobent toute forme de communication[12]. En se penchant sur le terme « transmettre » qui est un mode de communication polyvalent, il pourrait englober de manière assez large les gestes menaçants dépourvus de paroles menaçantes[13]. Par exemple, les gestes qui évoquent une menace, tels que simuler un pistolet en pointant ses doigts vers une personne, peuvent être interprétés comme transmettant une menace selon l’interprétation de l’article 264.1 C.cr.[14].


L’admissibilité d'une déclaration ante mortem

Pagé c. R., 2022 QCCA 1409 

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[62]      Je dirai peu de choses sur les critères qui guident l’admissibilité puisque la Cour s’est récemment penchée sur les déclarations ante mortem dans l’arrêt R. c. Pelletier2021 QCCA 1596. Ici, le juge s’est bien dirigé en droit.

[63]      Les déclarations ante mortem admissibles sont utiles comme élément de preuve circonstancielle lorsque, informant le juge des faits sur l’état d’esprit de la victime, elles offrent un éclairage sur des questions pertinentes, comme l’identité de l’agresseur, le mobile ou encore l’état de la relation entre un accusé et la victime.

[64]      La déclaration ante mortem qui reflète l’état d’esprit de la victime est un élément de preuve circonstancielle qui prend son sens à la lumière des autres : R. c. White1998 CanLII 789 (CSC), [1998] 2 R.C.S. 72, par. 45. En l’espèce, les déclarations sont contemporaines au meurtre, elles impliquent un jeune homme et elles sont l’expression manifeste d’un état d’esprit de la victime. Je suis d’accord avec le ministère public pour dire que « [l]’intérêt des déclarations était de permettre, avec l’ensemble de la preuve circonstancielle, d’inférer que le jeune homme que la victime disait craindre était l’appelant ».

[65]      Telle que présentée, cette preuve pertinente pouvait néanmoins être exclue au regard de l’évaluation de sa valeur probante et de son effet préjudiciable. Cependant, le juge le considère d’emblée et détermine qu’on peut pallier tout effet préjudiciable à l’aide d’une directive. Cet exercice d’évaluation relève du pouvoir discrétionnaire du juge et commande la déférence : R. c. Casseus2021 QCCA 392, par. 18R. c. Theus2022 QCCA 290, par. 52Castiel c. Directeur des poursuites criminelles et pénales, 2022 QCCA 145, par. 63R. c. Shearing2002 CSC 58 (CanLII), [2002] 3 R.C.S. 33, par. 73.

Revue de la jurisprudence mettant en cause une demande d’exclusion de photographies d’une victime décédée

R. c. Araghoune, 2022 QCCS 5234

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[13]        Rappelons que, pour être admissible, un élément de preuve doit être pertinent et ne pas aller à l’encontre d’une règle de droit ou d’exclusion[2].

[14]        Un juge présidant un procès possède le pouvoir discrétionnaire d’exclure un élément de preuve lorsque l’effet préjudiciable surpasse sa valeur probante.

[15]        Le fardeau incombe aux accusés de démontrer que l’effet préjudiciable des photographies dont ils demandent l’exclusion l’emporte sur la valeur probante[3].

[16]        Dans la décision R. c. Ramsurrun[4], l’honorable Éric Downs, j.c.s., fait une revue de la jurisprudence mettant en cause une demande d’exclusion de photographies d’une victime décédée :

[9]     Dans R. c. Lambert, la Cour d’Appel du Québec a considéré que cela ne suffit pas que des photographies soient dures. Il faut qu’elles causent un préjudice qui surpasse leur valeur probante. Par exemple, des photographies d’une violence extrême qui n’ont aucune utilité mais peuvent susciter le dégoût des jurés et les inciter à juger l’accusé avec plus de sévérité à cause de la violence du crime.

[10]   Dans R. c. Grenier, il s’agissait des photographies d’autopsie d’un enfant. La cour d’appel considère que les photographies étaient pertinentes car elles représentaient la condition de l’enfant au moment du décès. Il s’agissait donc d’une preuve matérielle permettant aux experts de se prononcer sur l’état des ecchymoses qui recouvraient le corps de l’enfant, ce sur quoi l’expert de la défense et de la poursuite ont abondamment témoigné. Cette preuve était pertinente vu la thèse respective des parties. Les photographies étaient nécessaires vu les avis partagés des experts. L’exclusion de cette preuve, loin d’aider le jury, lui aurait causé une difficulté supplémentaire. Ces photographies rendaient compréhensible le témoignage des experts.

[11]   Dans R. v. Muchikekwanape, le juge d’instance avait admis en preuve la photographie du visage de la victime décédée prise lors de l’autopsie, « for the limited purpose for which it has been admitted, to show you in a way that words and drawings could not the extent of the dislocation of the bony features of Ms. Clarke’s face”. La défense a plaidé en appel qu’étant donné le caractère choquant de la photographie, le jury ne pouvait pas suivre les instructions du juge et pouvait l’utiliser à des fins inappropriées au préjudice de l’accusé. La Cour d’appel du Manitoba établit six motifs pour admettre une preuve photographique :

43   The following six grounds for admitting photographic evidence in Canada were summarized in R. v. Schaefler, [1993] O.J. No. 71 (Ont. Gen. Div.) (at para. 24):

1)   to illustrate the facts on which experts base their opinion and to illustrate the steps by which they arrive at their opinions;

2)   to illustrate minutiae of objects described in the testimony of a witness, i.e.; to show the nature and the extent of the wounds;

3)   to corroborate testimony and provide a picture of the evidence and to assist [the] jury in determining its accuracy and weight;

4)   to link the injuries of the deceased to the murder weapon;

5)   to provide assistance as to the issues of intent and as to whether the murder was planned and deliberate;

6)   to help the jury determine the truth of the theories put forth by the crown or defense, e.g.; as to which accused committed the crime; as to whether the crime was committed in self-defence.

[12]   La Cour d’appel du Manitoba rappelle que le pourvoir [sic] du juge est discrétionnaire et qu’il doit être exercé dans le contexte factuel unique à la situation. En l’espèce, était au cœur du débat la question de savoir si les blessures étaient accidentelles ou intentionnelles. De plus, le témoin expert s’était appuyé sur cette photographie pour arriver à sa conclusion, en opposition à la conclusion d’un autre témoin expert. Le juge d’instance avait donc admis en preuve cette photographie car le jury devait avoir accès à la preuve sur laquelle l’expert s’était fondé pour pouvoir évaluer des témoignages contradictoires de deux experts. À noter que le juge d’instance a donné une instruction au jury sur l’utilité pour laquelle la photographie était admise en preuve et l’a averti contre une utilisation impropre.

[13]   Dans R. v. Leblanc, la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick rappelle qu’il relève de la discrétion du juge de déterminer si l’effet préjudiciable des photographies surpasse leur valeur probante. En l’espèce, il s’agissait de photographies des blessures des victimes. La Cour d’appel considère que « [bearing in mind Mr. LeBlanc’s contention as to how the victim sustained her injuries, the trial judge’s conclusion as to the photographs’ high probative value is unassailable] ». Selon la Cour d’appel, les photographies des blessures pouvaient être utiles pour déterminer si la victime disait la vérité ou si les suggestions de l’accusé quant à l’origine des blessures faisaient du sens.

[14]   Finalement, dans R. c. Lavoie, le juge Huot développe extensivement sur l’analyse à faire pour admettre en preuve des photographies extrêmement violentes (corps démembré). Ce dernier prend notamment en compte le fait que les jurés dans une société moderne ont « l’habitude » des images violentes. Le juge appuie aussi sur le fait qu’il donnera des directives de mi-procès et des directives finales.

[15]   En l’espèce, le Tribunal conclut que malgré que les photographies soient dures, elles ne causent pas un préjudice à l’accusé qui surpasse leur valeur probante.

                                                                                                            [Renvois omis]

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

L’accusé qui soulève un doute raisonnable sur le consentement de la victime à l’emploi de la force sera acquitté d'une infraction de voies de fait et cette détermination du consentement s’effectue selon un critère subjectif

Bérubé-Gagnon c. R., 2020 QCCA 1389 Lien vers la décision [ 22 ]        L’absence de consentement de la victime est un élément essentiel de ...