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lundi 11 août 2025

Le cadre d’analyse applicable lorsque l’abus de procédure relevant de la catégorie résiduelle résulte de la violation d’autres droits garantis par la Charte

R. c. Brunelle, 2024 CSC 3 

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[66]                        Dans l’arrêt O’Connor, notre Cour a énoncé que tant l’art. 7 de la Charte que les garanties procédurales spécifiques prévues aux art. 8 à 14 visent à protéger à la fois l’intérêt individuel des personnes accusées à un procès équitable et l’intégrité du système judiciaire dans son ensemble (par. 64 et 73). Ce faisant, la Cour n’a pas reconnu un quelconque « droit à la protection contre l’abus de procédure » dans la Charte. Elle a plutôt préféré affirmer que « [s]elon les circonstances, différentes garanties en vertu de la Charte pourront entrer en jeu » (par. 73).

[67]                        Parfois, les garanties procédurales spécifiques de la Charte seront les mieux adaptées pour corriger des abus de procédure. Par exemple, lorsqu’une personne accusée allègue qu’une inconduite de la Couronne l’a empêchée d’être jugée dans un délai raisonnable, la demande devrait être traitée au moyen du cadre d’analyse relatif à l’al. 11b) de la Charte (O’Connor, par. 73).

[68]                        Lorsqu’aucune des garanties procédurales spécifiques ne vise l’inconduite alléguée, notre Cour a établi que l’art. 7 de la Charte agit comme rempart et fournit une protection supplémentaire aux personnes accusées en les protégeant contre les conduites étatiques qui portent atteinte d’autres façons à l’équité du procès et contre celles, dites « résiduelles », qui minent autrement l’intégrité du système de justice (Nixon, par. 36). En ce sens, l’art. 7 joue un rôle complémentaire à celui des art. 8 à 14 en offrant, contre les abus de procédures, une protection résiduelle qui va au-delà des protections offertes par les garanties spécifiques prévues aux art. 8 à 14. Ce rôle a également été reconnu à maintes reprises par la Cour à l’extérieur du cadre de l’abus de procédure (R. c. J.J.2022 CSC 28, par. 113R. c. Darrach2000 CSC 46, [2000] 2 R.C.S. 443, par. 24R. c. White1999 CanLII 689 (CSC), [1999] 2 R.C.S. 417, par. 44R. c. Mills1999 CanLII 637 (CSC), [1999] 3 R.C.S. 668, par. 72 et 76R. c. Pearson1992 CanLII 52 (CSC), [1992] 3 R.C.S. 665, p. 688; R. c. Seaboyer1991 CanLII 76 (CSC), [1991] 2 R.C.S. 577, p. 603; Thomson Newspapers Ltd. c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Commission sur les pratiques restrictives du commerce)1990 CanLII 135 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 425, p. 537-538).

[69]                        Il n’est donc pas inusité que l’art. 7 de la Charte soit invoqué en même temps qu’une ou plusieurs autres garanties procédurales. Ce sera le cas lorsque, par exemple, une conduite étatique abusive alléguée ne se limite pas simplement à la violation d’une garantie procédurale prévue aux art. 8 à 14. En effet, des conduites étatiques abusives peuvent prendre toutes sortes de formes. Notre Cour a d’ailleurs reconnu expressément qu’il peut y avoir des cas où « la nature et le nombre des incidents considérés globalement nécessiteraient l’arrêt des procédures même si, pris isolément, ils ne le justifieraient pas » (Babos, par. 73). Cette affirmation s’applique tout autant au stade de la détermination de l’existence d’un abus de procédure. Ainsi, l’abus de procédure relevant de la catégorie résiduelle peut résulter d’un cumul d’incidents ou d’inconduites étatiques. De plus, rien ne s’oppose à ce que ces incidents ou ces inconduites prennent la forme de violations d’une garantie procédurale de la Charte et que, par conséquent, l’abus de procédure allégué résulte d’un cumul de violations d’une ou de plusieurs garanties.

[70]                        Dans ces circonstances, comment concilier les cadres d’analyse en jeu? Notre Cour a tenté par le passé d’établir l’ordre de priorité qu’elle doit suivre lorsqu’une violation de l’art. 7 de la Charte est invoqué conjointement avec une violation d’une ou plusieurs garanties procédurales (R. c. Harrer1995 CanLII 70 (CSC), [1995] 3 R.C.S. 562, par. 13Canada (Procureur général) c. Whaling2014 CSC 20, [2014] 1 R.C.S. 392, par. 76J.J., par. 213 et 327), mais étant donné les liens « inextricable[s] » entre ces dispositions (Seaboyer, p. 603; Mills, par. 69J.J., par. 114) et le caractère complémentaires de celles-ci, elle a préféré conclure ainsi :

La méthode qu’il convient d’employer pour évaluer de multiples violations de la Charte alléguées par l’accusé peut dépendre des faits de l’espèce, de la nature des droits protégés par la Charte en jeu et de la manière dont ils se recoupent. La Cour a affirmé à maintes reprises que la méthode pour ce faire est fortement tributaire du contexte et des faits . . .

 

(J.J., par. 115)

[71]                        Dans le contexte de l’abus de procédure, il convient de rappeler que tant l’art. 7 que les art. 8 à 14 de la Charte visent à protéger l’individu contre les conduites qui sont inéquitables ou vexatoires au point de contrevenir aux notions fondamentales de justice et de miner ainsi l’intégrité du système de justice (O’Connor, par. 64 et 73). Il s’ensuit que les cadres d’analyse de ces dispositions peuvent coexister. En effet, il est tout à fait approprié d’avoir recours au cadre d’analyse de l’abus de procédure relevant de la catégorie résiduelle développé pour l’application de l’art. 7 afin d’analyser tout cumul de violations d’une ou de plusieurs garanties procédurales dans le but de déterminer si l’ensemble de ces violations atteint le seuil requis pour établir l’existence de l’abus de procédure, soit une atteinte à l’intégrité du système de justice.

[72]                        Bien entendu, le cadre d’analyse applicable à chacune de ces garanties procédurales demeurera pertinent pour déterminer si les violations qui composent le cumul ont bel et bien eu lieu. En fait, la détermination de l’existence des violations composant le cumul devra, en toute logique, précéder la détermination de l’existence de l’abus de procédure relevant de la catégorie résiduelle. Ce faisant, les cadres d’analyse coexistent ensemble, ceux des garanties procédurales étant imbriqués dans celui de l’art. 7.

[73]                        Avant de me tourner vers le cadre d’analyse applicable en l’espèce, je tiens à réitérer que la preuve d’une ou de plusieurs violations n’est pas nécessaire aux fins d’établir l’existence d’un abus de procédure relevant de la catégorie résiduelle, car en ce qui concerne ce type d’abus, l’accent est mis sur les conduites qui minent l’intégrité du système de justice, et ce, indépendamment de leur caractère attentatoire à d’autres droits de la Charte.

Le droit de recourir sans délai à l’assistance d’une avocate ou d’un avocat

R. c. Brunelle, 2024 CSC 3

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[80]                        L’alinéa 10b) de la Charte prévoit que toute personne a le droit, en cas d’arrestation ou de détention, « d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat et d’être informé de ce droit ». Dans R. c. Bartle1994 CanLII 64 (CSC), [1994] 3 R.C.S. 173, le juge en chef Lamer a résumé les trois obligations que cette disposition impose aux autorités policières :

(1)         informer la personne détenue de son droit d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat et de l’existence de l’aide juridique et d’avocats de garde;

(2)         si la personne détenue a indiqué qu’elle voulait exercer ce droit, lui donner la possibilité raisonnable de le faire (sauf en cas d’urgence ou de danger);

(3)         s’abstenir de tenter de soutirer des éléments de preuve à la personne détenue jusqu’à ce qu’elle ait eu cette possibilité raisonnable (encore une fois, sauf en cas d’urgence ou de danger).

(p. 192, citant R. c. Manninen1987 CanLII 67 (CSC), [1987] 1 R.C.S. 1233, p. 1241-1242; R. c. Evans1991 CanLII 98 (CSC), [1991] 1 R.C.S. 869, p. 890; R. c. Brydges1990 CanLII 123 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 190, p. 203-204.)

[81]                        Ces trois obligations visent à protéger toute personne qui se retrouve dans une situation de vulnérabilité vis-à-vis l’État du fait de sa détention (R. c. Suberu2009 CSC 33, [2009] 2 R.C.S. 460, par. 2 et 40-41). Lorsqu’elle est sous le contrôle des autorités policières, la personne subit une entrave à sa liberté et s’expose à un risque d’auto-incrimination involontaire (R. c. Taylor2014 CSC 50, [2014] 2 R.C.S. 495, par. 22, citant Bartle, p. 191).

[82]                        Alors que la première obligation est déclenchée immédiatement après la mise en détention (Suberu, par. 41), les deuxième et troisième obligations n’entrent en jeu que si la personne détenue indique qu’elle veut exercer son droit à l’assistance d’une avocate ou d’un avocat. Si c’est le cas, les autorités policières ont l’obligation constitutionnelle de faciliter l’accès à cette assistance à la première occasion raisonnable et de s’abstenir de soutirer des éléments de preuve à la personne détenue jusqu’à ce moment (Manninen, p. 1241-1242; Taylor, par. 24 et 26).

[83]                        La question de savoir si le délai qui s’est écoulé entre le moment où la personne détenue indique qu’elle veut exercer son droit et le moment où elle l’exerce est raisonnable en est une de fait, hautement contextuelle (Taylor, par. 24). L’existence d’obstacles ou encore de « circonstances exceptionnelles » justifiant la suspension momentanée de l’exercice du droit ne peut être supposée; elle doit être prouvée (par. 33; R. c. Mian2014 CSC 54, [2014] 2 R.C.S. 689, par. 74R. c. Strachan1988 CanLII 25 (CSC), [1988] 2 R.C.S. 980, p. 998-999). Il revient toujours à la Couronne de faire la démonstration des circonstances, exceptionnelles ou non, qui font en sorte que le délai était raisonnable (Taylor, par. 24).

[84]                        Avant d’appliquer ces principes aux faits, je considère nécessaire de rappeler qu’à ce jour la loi n’impose pas aux policières et aux policiers l’obligation spécifique de fournir leurs propres téléphones aux personnes détenues, ni celle d’avoir en main des appareils bon marché en prévision de l’exercice par ces personnes de leur droit de recourir sans délai à l’assistance d’une avocate ou d’un avocat (Taylor, par. 27-28).

Le profilage racial et l’art. 636 C.s.r.

Procureur général du Québec c. Luamba, 2024 QCCA 1387

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[194]   Selon la Cour, la preuve démontre également que l’effet préjudiciable causé par l’art. 636 C.s.r. renforce, perpétue et accentue le désavantage (historique et systémique) subi par les personnes noires.

[195]   Historiquement, les collectivités noires ont une perspective et une expérience différentes des pratiques policières tels que les contrôles « de routine » ou les interceptions routières « aléatoires ». Comme le souligne la CODP :

Peu de gens savent que les Noirs ont été considérés comme des « biens » jusqu’à tard dans les années 1800 ici au Canada. Le Canada a son propre passé esclavagiste, malgré l’appel lancé par le lieutenant‑gouverneur John Graves Simcoe en 1792 en vue de mettre fin à la « pratique » de l’esclavage. Des patrouilles sanctionnées par la Fugitive Slave Act de 1850 du Congrès américain poursuivaient les esclaves et surveillaient les Noirs en général, aussi loin au nord que le Canada.

C’est dans ce contexte historique que les relations des communautés noires avec la police se sont établies et ont initialement été définies.[281]

[196]   Il faut tenir compte de ce contexte pour bien comprendre comment l’art. 636 C.s.r. renforce, perpétue et accentue le désavantage subi par les personnes noires. Cela est d’autant plus important que l’expérience subjective des personnes noires interpellées ou interceptées à répétition par la police a tendance à être minimisée[282]. Les effets du profilage racial (et de la « surinterpellation ») ne sont pourtant pas anodins pour les personnes (et les collectivités) noires.

-      Les personnes noires « éprouvent souvent un sentiment d’humiliation, de peur, de colère, de frustration et d’impuissance en raison du profilage racial dont elles se sentent victimes »[284]. L’exposition fréquente à des interpellations, interceptions et fouilles policières peut avoir des conséquences négatives (et parfois durables) sur leur santé physique[285] et sur leur santé mentale[286];

-      Les personnes noires qui subissent du profilage racial peuvent par exemple développer des traumatismes (voire un syndrome de stress post‑traumatique)[287] ou souffrir de dépression ou d’anxiété[288];

-      De nombreuses familles racisées modifient « la façon dont [elles] élèvent leurs enfants afin de les préparer à réagir à de telles interactions avec la police, jugées inévitables »[289]. Plusieurs personnes développent par ailleurs des « stratégies » afin de se protéger contre le profilage racial et les interceptions arbitraires (p. ex. filmer les interceptions, éviter de se rendre dans certains quartiers ou de conduire certains modèles de voitures, faire preuve d’une extrême prudence et vigilance au volant, etc.)[290];

-      Le profilage racial mine la confiance des personnes noires envers la police et les institutions publiques[291]. Il crée un sentiment de méfiance, voire carrément d’hostilité[292], envers les forces de l’ordre et le système judiciaire[293];

-      La perte de confiance dans la légitimité, l’intégrité et l’objectivité de la police et du système judiciaire peut mener certaines personnes à refuser de collaborer avec la police[294], et même à développer des comportements antisociaux (p. ex. refus d’obéir à la loi ou participation au crime)[295]. En outre, les personnes qui craignent la police ou qui remettent en question sa légitimité sont moins susceptibles de faire appel à elle en cas de besoin[296], « ce qui renforce leur vulnérabilité et augmente leurs taux de victimisation »[297];

-      Le profilage racial a un effet négatif sur l’estime de soi des personnes noires[298] (ex. sentiment d’être un « criminel », un « déchet »[299], ou encore un « citoyen de seconde zone »[300]). Il peut aussi y avoir une incidence négative sur leur motivation à l’école ou au travail ainsi que sur leur accès à l’éducation ou à l’emploi[301];

-      Le profilage racial amenuise le sentiment d’appartenance des membres de la communauté noire à la société québécoise[302]. La surinterpellation des personnes noires « produit ou accentue […] un désengagement civique (Lerman & Weaver, 2014) et ultimement accroît le sentiment d’insécurité chez les membres de la population ciblée (Livingstone, Rutland & Alix, 2018; Livingstone, Meudec & Harim, 2020) »[303];

-      Le profilage racial peut amener les personnes noires à intérioriser des stéréotypes négatifs à propos d’elles-mêmes et de la communauté noire[304];

-      Le profilage racial « pav[e] la voie à une judiciarisation accrue »[305] des personnes noires et « renforce la marginalisation et l’exclusion sociale »[306] des communautés noires;

-      Dans certains cas, les interceptions peuvent « dérap[er] vers des abus physiques »[307]. Fait à noter, les personnes noires sont fortement surreprésentées dans les interactions violentes avec la police[308].

[198]   Ici encore, la preuve trouve écho dans la jurisprudence. Dans l’arrêt Le, la Cour suprême reconnaît que « [l’]effet des interventions policières excessives à l’égard des minorités raciales et du fichage des membres de ces collectivités, en l’absence de tout soupçon raisonnable de la tenue d’une activité criminelle, constitue plus qu’un simple désagrément »[309]. Selon la Cour suprême, ce type de pratique « a un effet néfaste sur la santé physique et mentale des personnes visées et a une incidence sur leurs possibilités d’emploi et d’éducation », en plus de « contribue[r] à l’exclusion sociale continue des minorités raciales, [de] favorise[r] une perte de confiance dans l’équité du système de justice pénale et [de] perpétue[r] la criminalisation »[310].

[199]   Quant à l’effet discriminatoire de la distinction, la preuve démontre que le profilage racial a pour effet de perpétuer et de renforcer la discrimination à l’égard des personnes noires. L’expert Mulone décrit bien la dynamique qui sous-tend les interventions policières proactives (comme les interceptions routières sans motif requis) et la « logique de cercle vicieux » qui fait en sorte que les discriminations raciales vont engendrer d’autres discriminations raciales. Il vaut de reproduire ce long passage de son rapport d’expertise :

L’interpellation et l’interception (ainsi que l’ensemble des pratiques proactives policières) sont fondamentalement un exercice de prédiction. Il s’agit de prédire si l’individu qui suscite la suspicion chez le policier est vraiment en train de cacher quelque chose, de mériter une intervention policière, ou pas. Parfois la prédiction s’avère juste. Parfois fausse (et le biais de confirmation, discuté plus haut, tend à faire en sorte que l’on se rappelle beaucoup plus des bonnes prédictions que de celles qui ont échoué). Ce qui est sûr par contre, c’est que les outils de prédiction conduisent à ce que Bernard Harcourt appelle un « effet de cliquet » (Harcourt, 2007; 2011). Cette prophétie autoréalisatrice se construit de la manière suivante : les policiers cherchent à « viser » le plus juste possible dans leur intervention (intervenir auprès de quelqu’un qui a effectivement quelque chose à se reprocher); pour savoir qui doit être ciblé en priorité, ils peuvent se référer aux statistiques policières de la criminalité (mais également à leur propre vécu, à ce qui leur a été enseigné, à leurs préjugés ou à d’autres éléments comme les circulaires qui sont diffusées quotidiennement […]); or, ces statistiques montrent que certains groupes racisés sont plus criminalisés que d’autres, et cette caractéristique visible devient l’un des critères pour cibler les « bonnes personnes »; comme on surveille plus un groupe (considéré comme plus criminel), on attrape forcément plus souvent des individus en provenance de ce groupe; à la fin de l’année, en regardant les statistiques, on se rend compte qu’on avait bien raison de cibler en priorité tel groupe plutôt que tel autre; en fait, leur participation aux statistiques de la criminalité devrait même avoir augmenté; dès lors, on va mettre encore plus de ressources pour cibler cette communauté.

Cette dynamique est importante à mettre de l’avant, et ce, pour au moins deux raisons. D’une part, parce qu’elle obéit à une logique de cercle vicieux et qu’à ce titre, elle est extrêmement difficile à briser. Ensuite, parce que tant qu’on n’agit pas activement contre elle, elle va reproduire et accentuer des discriminations raciales existantes. De la même manière qu’il est logique d’imaginer qu’on cherche à augmenter les interventions policières dans les endroits où la criminalité est plus élevée et/ou sérieuse (Tiratelli, Quinton & Bradford, 2018), un accroissement des interpellations et des interceptions sur une population donnée va forcément accroître le nombre d’infractions criminelles détectées (Hinkle & Weisburd, 2008). Ainsi, des pratiques discriminatoires vont engendrer des discriminations à leur tour. Autrement dit, les discriminations raciales vont justifier d’autres discriminations raciales (Balibar, 2007; Bessone, 2013).[311]

[Soulignements ajoutés]

[200]   Dans le même ordre d’idées, la CDPDJ relève que :

[l]’application inégale et discriminatoire de la loi qui se fait dans le contexte de la sécurité publique donne une fausse image de la réalité. En conséquence, les personnes appartenant à une communauté « profilée » vont courir plus de risques d’être interpellées, arrêtées, traduites en justice et exposées à un traitement différent et inégal à toutes les étapes du processus judiciaire.[312]

[Renvoi omis]

[201]   Le juge de première instance souligne, à bon droit, que « [c]e n’est pas au demandeur que revient le fardeau d’expliquer pourquoi la règle de droit a cette cascade d’effets ou d’établir la raison pour laquelle les personnes noires au volant ont à subir un désavantage particulier »[313]. Il suffit de constater que la règle de droit contestée, parce qu’elle « ouvre la porte à un traitement différencié des personnes de race noire au volant »[314], a pour effet d’élargir l’écart entre les personnes noires (un groupe historiquement défavorisé) et le reste de la société[315].

[202]   Tout comme le juge, la Cour en vient à la conclusion que les intimés se sont acquittés du fardeau qui était le leur à la deuxième étape de l’analyse.

* * *

[203]   En résumé, une preuve abondante établit que l’art. 636 C.s.r. a pour effet de créer une distinction fondée sur un motif énuméré au par. 15(1), soit la race[316], et qu’il agit d’une manière qui a pour effet de renforcer, perpétuer ou accentuer le désavantage subi par les personnes de race noire. L’atteinte au droit à l’égalité garanti par le par. 15(1) est donc démontrée.

samedi 9 août 2025

Document technique servant à interpréter les nouvelles infractions de nature sexuelle post-arrêt Bedford

Document technique :  Projet de loi C-36, Loi modifiant le Code criminel pour donner suite à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Procureur général du Canada c. Bedford et apportant des modifications à d'autres lois en conséquence  (Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation)

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Les critères d’admissibilité d’une contre-preuve présentée par la poursuite

Chartrand c. R., 2025 QCCA 945

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[9]         Les critères d’admissibilité d’une contre-preuve présentée par la poursuite sont énoncés dans les arrêts Krause[8] et Aalders[9] de la Cour suprême. Deux conditions fondamentales doivent être présentes : 1) la contre-preuve doit viser à réfuter un fait ou un argument nouveau amené par la défense (donc que la poursuite ne pouvait raisonnablement prévoir); et 2) ce fait ou cet argument nouveau doit se rattacher à une question essentielle pouvant être déterminante pour trancher l’affaire[10].

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Le droit applicable à la preuve de la conduite postérieure à l’infraction

R. c. Cardinal, 2018 QCCS 2441 Lien vers la décision [ 33 ]             L’essentiel du droit applicable à la preuve de la conduite postérieu...