R. c. Rondeau, 2005 CanLII 56354 (QC C.Q.)
[16] En premier lieu, il faut rappeler qu'une déclaration fait par un accusé à une personne en autorité doit faire l'objet d'un voir-dire, même s'il s'agit de res gestae.
[17] L'article 10 de la Charte prévoit ce qui suit: «Chacun a le droit, en cas d'arrestation ou de détention: a) d'être informé dans les plus brefs délais des motifs de son arrestation ou de sa détention; b) d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat et d'être informé de ce droit; […]».
[18] Il incombe à l'accusé d'établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'il y a eu atteinte à ses droits constitutionnels. En vertu de l'article 24 (2) de la Charte, le tribunal peut écarter les éléments de preuve obtenus en violation des droits, mais seulement si leur utilisation est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice.
[19] Dès 1987, le juge Lamer, dans R. c. Manninen, a défini les composantes du droit à l'avocat, dans le contexte où un accusé avait répondu à une question piège avant d'entrer en communication avec son avocat. Notamment:
[…] l'al. 10b) impose aux policiers l'obligation de cesser d'interroger ou de tenter autrement de soutirer des éléments de preuve du détenu tant qu'il ne se sera pas vu offrir une possibilité raisonnable de recourir à l'assistance d'un avocat. Le droit à l'assistance d'un avocat a pour objet de permettre à la personne détenue non seulement d'être informée de ses droits et de ses obligations en vertu de la loi, mais également, voire qui plus est, d'obtenir des conseils sur la façon d'exercer ces droits. […] Pour que le droit à l'assistance d'un avocat soit efficace, le détenu doit pouvoir obtenir ces conseils avant d'être interrogé ou requis autrement de fournir des éléments de preuve.
[20] En 1994, dans R. c. Bartle, qui concerne les modalités d'accès aux services juridiques gratuits, la Cour suprême résume ainsi l'état du droit:
L'objet du droit à l'assistance d'un avocat que garantit l'al. 10b) de la Charte est de donner à la personne détenue la possibilité d'être informée des droits et des obligations que la loi lui reconnaît et, ce qui est plus important, d'obtenir des conseils sur la façon d'exercer ces droits et de remplir ces obligations […]. Cette possibilité lui est donnée, parce que, étant détenue par les représentants de l'État, elle est désavantagée par rapport à l'État. Non seulement elle a été privée de sa liberté, mais encore elle risque de s'incriminer. Par conséquent, la personne "détenue" au sens de l'art. 10 de la Charte a immédiatement besoin de conseils juridiques, afin de protéger son droit de ne pas s'incriminer et d'obtenir une aide pour recouvrer sa liberté […]. L'alinéa 10b) habilite la personne détenue à recourir de plein droit à l'assistance d'un avocat "sans délai" et sur demande. Comme l'a dit notre Cour […] le droit à l'assistance d'un avocat prévu à l'al. 10b) vise à assurer le traitement équitable dans le processus pénal des personnes arrêtées ou détenues.
[…]
Notre Cour a dit à maintes reprises que l'al. 10b) de la Charte impose aux représentants de l'État qui arrêtent une personne ou qui la mettent en détention les obligations suivantes:
(1) informer la personne détenue de son droit d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat et de l'existence de l'aide juridique et d'avocats de garde;
(2) si la personne détenue a indiqué qu'elle voulait exercer ce droit, lui donner la possibilité raisonnable de le faire (sauf en cas d'urgence ou de danger);
(3) s'abstenir de tenter de soutirer des éléments de preuve à la personne détenue jusqu'à ce qu'elle ait eu cette possibilité raisonnable (encore une fois, sauf en cas d'urgence ou de danger).
[…] La première obligation […] touche à l'information. Les deuxième et troisième participent davantage de l'obligation de mise en application et ne prennent naissance que si la personne détenue indique qu'elle veut exercer son droit à l'assistance d'un avocat.
[21] Quant aux termes «sans délai», la Cour suprême a retenu dans l'affaire Manninen la portée suivante: «[…] lorsqu'un téléphone est disponible, avant même l'arrivée au poste de police, rien ne justifie de retarder la possibilité d'entrer en communication avec un avocat jusqu'à l'arrivée au poste».
[22] En outre, l'expression «soutirer des éléments de preuve» a été balisée dans R. c. Broyles, affaire
À mon avis, il est difficile de donner une définition brève et précise de l'obtention de renseignements de façon irrégulière; il faudrait plutôt tenir compte d'une série de facteurs pour trancher la question en litige. Ces facteurs permettent d'établir les rapports existant entre les représentants de l'État et l'accusé, de façon à répondre à la question suivante: Compte tenu de toutes les circonstances entourant l'échange entre l'accusé et le représentant de l'État, existe-t-il un lien de causalité entre la conduite du représentant de l'État et la décision de l'accusé de faire une déclaration?
[23] En 2002, la Cour d'appel de l'Ontario a proposé le test suivant dans R. c. McKenzie:
[…] the test to be applied is one which concentrates on the interchange between the police and the detainee with a view to determining whether, in all of the circumstances, there is a causal link between the conduct of the police and the making of the statement by the detainee.
[24] Dans l'affaire McKenzie, un individu avait formulé des aveux à un agent banalisé muni d'un micro-émetteur de poche [body pack]. Subséquemment mis en arrestation et inculpé de meurtre, l'accusé entend se prévaloir de son droit à l'avocat. Dans l'intervalle, l'agent banalisé se présente et les policiers en charge de l'interrogatoire font jouer l'enregistrement. Lorsque conduit à sa cellule, l'accusé passe finalement aux aveux. Au procès, le juge déclare cette confession admissible mais la Cour d'appel intervient et prononce une exclusion de la preuve, voyant un lien entre la conduite des policiers et les aveux. Cette conduite «[…] amounted to the functional equivalent of an interrogation»
Rechercher sur ce blogue
mardi 18 août 2009
Les conditions de recevabilité de la déclaration Ante Mortem
R. c. St-Amant, 2003 CanLII 48211 (QC C.S.)
[12] La doctrine établit que les conditions de recevabilité de la déclaration du mourant peuvent être résumées comme suit :
1° le déclarant doit avoir une expectative inéluctable de son décès ;
2° son décès doit être survenu dans un délai raisonnable ;
3° l'accusé doit répondre à une accusation de meurtre, homicide involontaire coupable ou de négligence criminelle causant la mort ;
4° la déclaration doit porter sur les circonstances de l'incident ayant causé son décès ;
5° le déclarant aurait été un témoin habile à rendre témoignage, s'il avait survécu.
[12] La doctrine établit que les conditions de recevabilité de la déclaration du mourant peuvent être résumées comme suit :
1° le déclarant doit avoir une expectative inéluctable de son décès ;
2° son décès doit être survenu dans un délai raisonnable ;
3° l'accusé doit répondre à une accusation de meurtre, homicide involontaire coupable ou de négligence criminelle causant la mort ;
4° la déclaration doit porter sur les circonstances de l'incident ayant causé son décès ;
5° le déclarant aurait été un témoin habile à rendre témoignage, s'il avait survécu.
LA RES GESTAE
R. c. St-Amant, 2003 CanLII 48211 (QC C.S.)
[31] La res gestae désigne les actes et les déclarations qui accompagnent la commission d'un délit.
[32] Sa recevabilité est assujettie aux conditions de contemporanéité et spontanéité qui en garantissent la fiabilité. Dans l'arrêt Grand-Pierre, notre Cour d'appel en traite d'une manière expresse.
[33] Les auteurs John Sopinka, Sydney N. Lederman et Allen W. Bryant ont écrit ce qui suit dans l'ouvrage intitulé : The Law of Evidence in Canada, 2ème édition :
(traduction libre) « Le point de repère de l'admissibilité est la contemporanéité de la déclaration en relation avec le moment de la commission de l'acte. Dans un tel cas, les dangers découlant d'une preuve par ouï-dire sont minimisés, en ce que :
1- l'auteur de la déclaration a eu peu de temps pour inventer des propos qui ne seraient pas sincères, compte tenu du choc mental résultant de l'événement en cause ;
2- la victime ne présente pas de problème de mémoire vu la proximité de l'événement ;
3- l'événement peut fort bien aiguiser la perception de la victime. (p. 268, par. 6.250)
[34] Notre collègue, l'honorable juge Jean-Guy Boilard, dans son manuel de Preuve pénale, édition de juillet 2002, par. 2.005 et 2.007, cite et commente notamment les arrêts Mahoney et Clark qui portent sur ce sujet.
Les paroles prononcées par la victime d'un homicide, implorant une personne ayant le même prénom que l'accusé de ne pas la frapper, feront preuve de leur contenu et pourront être considérées, avec les autres éléments de preuve, pour identifier l'agresseur (Mahoney c. La Reine, 50 C.C.C. (2e) 380, Ont. C.A., confirmé par la Cour suprême du Canada 1982 CanLII 21 (C.S.C.), [1982] 1 R.C.S., 834). »
« Pareillement, la déclaration de la victime d'une agression sexuelle : « He raped me » faite aux policiers à leur arrivée pendant que l'infraction se commettait est admissible tant, en vertu de l'exception de res gestae, que de la libéralisation de la règle du ouï-dire énoncée dans Khan et Smith : R. c. Collins, [1997], 118 C.C.C., 3e 514, B.C.C.A. »
« Pareillement, les propos tenus à un voisin par la victime blessée à la suite de coups de feu : « c'est lui, c'est lui… c'est Dave» " sont admissibles en vertu des deux exceptions : R. c. Grand-Pierre, 1998 CanLII 13202 (QC C.A.), [1998], 124 C.C.C. (3e) 236, C.A. Québec. »
« Les exclamations de la victime d'un meurtre qu'elle venait d'être poignardée, furent admises à titre de déclaration spontanée ou res gestae. Le juge Dubbin a adopté la suggestion proposée par Lord Wilberfore dans l'arrêt Ratten, de permettre cette preuve si la déclaration avait été faite dans des circonstances excluant toute possibilité de fabrication ou de distorsion. Le test de la stricte contemporanéité n'est pas suivi. Ce qui est recherché c'est la fiabilité de la déclaration spontanée. Elle sera le résultat d'une certaine proximité de temps avec l'événement et de l'intensité émotionnelle du déclarant au moment où elle fut faite. »
Fardeau de preuve
[35] Dans l'arrêt Labrecque, notre Cour d'appel a statué qu'une prépondérance de preuve suffit à cet égard.
[31] La res gestae désigne les actes et les déclarations qui accompagnent la commission d'un délit.
[32] Sa recevabilité est assujettie aux conditions de contemporanéité et spontanéité qui en garantissent la fiabilité. Dans l'arrêt Grand-Pierre, notre Cour d'appel en traite d'une manière expresse.
[33] Les auteurs John Sopinka, Sydney N. Lederman et Allen W. Bryant ont écrit ce qui suit dans l'ouvrage intitulé : The Law of Evidence in Canada, 2ème édition :
(traduction libre) « Le point de repère de l'admissibilité est la contemporanéité de la déclaration en relation avec le moment de la commission de l'acte. Dans un tel cas, les dangers découlant d'une preuve par ouï-dire sont minimisés, en ce que :
1- l'auteur de la déclaration a eu peu de temps pour inventer des propos qui ne seraient pas sincères, compte tenu du choc mental résultant de l'événement en cause ;
2- la victime ne présente pas de problème de mémoire vu la proximité de l'événement ;
3- l'événement peut fort bien aiguiser la perception de la victime. (p. 268, par. 6.250)
[34] Notre collègue, l'honorable juge Jean-Guy Boilard, dans son manuel de Preuve pénale, édition de juillet 2002, par. 2.005 et 2.007, cite et commente notamment les arrêts Mahoney et Clark qui portent sur ce sujet.
Les paroles prononcées par la victime d'un homicide, implorant une personne ayant le même prénom que l'accusé de ne pas la frapper, feront preuve de leur contenu et pourront être considérées, avec les autres éléments de preuve, pour identifier l'agresseur (Mahoney c. La Reine, 50 C.C.C. (2e) 380, Ont. C.A., confirmé par la Cour suprême du Canada 1982 CanLII 21 (C.S.C.), [1982] 1 R.C.S., 834). »
« Pareillement, la déclaration de la victime d'une agression sexuelle : « He raped me » faite aux policiers à leur arrivée pendant que l'infraction se commettait est admissible tant, en vertu de l'exception de res gestae, que de la libéralisation de la règle du ouï-dire énoncée dans Khan et Smith : R. c. Collins, [1997], 118 C.C.C., 3e 514, B.C.C.A. »
« Pareillement, les propos tenus à un voisin par la victime blessée à la suite de coups de feu : « c'est lui, c'est lui… c'est Dave» " sont admissibles en vertu des deux exceptions : R. c. Grand-Pierre, 1998 CanLII 13202 (QC C.A.), [1998], 124 C.C.C. (3e) 236, C.A. Québec. »
« Les exclamations de la victime d'un meurtre qu'elle venait d'être poignardée, furent admises à titre de déclaration spontanée ou res gestae. Le juge Dubbin a adopté la suggestion proposée par Lord Wilberfore dans l'arrêt Ratten, de permettre cette preuve si la déclaration avait été faite dans des circonstances excluant toute possibilité de fabrication ou de distorsion. Le test de la stricte contemporanéité n'est pas suivi. Ce qui est recherché c'est la fiabilité de la déclaration spontanée. Elle sera le résultat d'une certaine proximité de temps avec l'événement et de l'intensité émotionnelle du déclarant au moment où elle fut faite. »
Fardeau de preuve
[35] Dans l'arrêt Labrecque, notre Cour d'appel a statué qu'une prépondérance de preuve suffit à cet égard.
Renonciation au droit à l'assistance d'un avocat par une personne en état d'ébriété ‑‑ Accusée encore ivre au moment de l'interrogatoire
Clarkson c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 383
Il n'est pas nécessaire de décider du critère approprié pour déterminer l'efficacité d'une renonciation au droit à l'assistance d'un avocat en common law parce qu'il y avait eu violation du droit constitutionnel de l'appelante à l'assistance d'un avocat garanti par l'al. 10b) de la Charte.
Pour être valide et produire des effets, toute renonciation volontaire au droit à l'assistance d'un avocat garanti par l'al. 10b) de la Charte doit se fonder sur une appréciation véritable des conséquences de la renonciation à ce droit. Le but reconnu de ce droit est d'assurer que l'accusé est traité équitablement dans les procédures criminelles. Par conséquent, la cour, en évaluant la validité d'une renonciation, ne peut pas, à la différence d'une confession, s'intéresser seulement à la valeur probante et limiter le critère à la simple compréhension par l'accusé de ce qu'il dit.
La renonciation par l'appelante au droit à l'assistance d'un avocat que lui garantit l'al. 10b) ne pouvait satisfaire au "critère de la connaissance des conséquences". La persistance de la police à interroger l'appelante a donc constitué une violation du droit que lui garantit l'al. 10b). En l'absence de quelque motif urgent obligeant les policiers à recueillir la preuve immédiatement, l'interrogatoire de l'accusée aurait dû à tout le moins être retardé jusqu'à ce qu'elle soit en mesure de bien exercer le droit que lui confère l'al. 10b), ou d'apprécier les conséquences d'une renonciation à ce droit. L'admission de cette preuve serait susceptible de déconsidérer l'administration de la justice et, en conséquence, elle doit être exclue en vertu du par. 24(2) de la Charte.
*** Note de l'auteur de ce blog : La norme de l'arrêt Clarkson relative à la renonciation à un droit conféré par la Charte ne s'applique pas au droit de garder le silence. R. c. Hebert, [1990] 2 R.C.S. 151 ***
Il n'est pas nécessaire de décider du critère approprié pour déterminer l'efficacité d'une renonciation au droit à l'assistance d'un avocat en common law parce qu'il y avait eu violation du droit constitutionnel de l'appelante à l'assistance d'un avocat garanti par l'al. 10b) de la Charte.
Pour être valide et produire des effets, toute renonciation volontaire au droit à l'assistance d'un avocat garanti par l'al. 10b) de la Charte doit se fonder sur une appréciation véritable des conséquences de la renonciation à ce droit. Le but reconnu de ce droit est d'assurer que l'accusé est traité équitablement dans les procédures criminelles. Par conséquent, la cour, en évaluant la validité d'une renonciation, ne peut pas, à la différence d'une confession, s'intéresser seulement à la valeur probante et limiter le critère à la simple compréhension par l'accusé de ce qu'il dit.
La renonciation par l'appelante au droit à l'assistance d'un avocat que lui garantit l'al. 10b) ne pouvait satisfaire au "critère de la connaissance des conséquences". La persistance de la police à interroger l'appelante a donc constitué une violation du droit que lui garantit l'al. 10b). En l'absence de quelque motif urgent obligeant les policiers à recueillir la preuve immédiatement, l'interrogatoire de l'accusée aurait dû à tout le moins être retardé jusqu'à ce qu'elle soit en mesure de bien exercer le droit que lui confère l'al. 10b), ou d'apprécier les conséquences d'une renonciation à ce droit. L'admission de cette preuve serait susceptible de déconsidérer l'administration de la justice et, en conséquence, elle doit être exclue en vertu du par. 24(2) de la Charte.
*** Note de l'auteur de ce blog : La norme de l'arrêt Clarkson relative à la renonciation à un droit conféré par la Charte ne s'applique pas au droit de garder le silence. R. c. Hebert, [1990] 2 R.C.S. 151 ***
Déclaration Ante Mortem
Gilbert v. The King, 38 S.C.R. 284
Evidence of statements made by a person, since deceased, immediately after an assault upon him, under apprehension of further danger and requesting assistance and protection, is admissible as part of the res gestae, even though the person accused of the offence was absent at the time when such statements were made.
Evidence of statements made by a person, since deceased, immediately after an assault upon him, under apprehension of further danger and requesting assistance and protection, is admissible as part of the res gestae, even though the person accused of the offence was absent at the time when such statements were made.
La procédure et le rôle du voir-dire
Erven c. La Reine, [1979] 1 R.C.S. 926
La question est essentiellement de savoir si un voir dire est toujours requis à l’égard de pareilles déclarations ou si aucun voir dire n’est nécessaire lorsque la déclaration est «manifestement volontaire». La nécessité de tenir un voir dire s’applique tout autant aux déclarations faites pendant l’enquête qu’à celles faites après la mise en détention de l’accusé ou son inculpation, ou après qu’on a décidé de l’inculper. Il est mal fondé d’admettre qu’un voir dire n’est pas nécessaire lorsque la déclaration est «spontanée» ou «manifestement volontaire». Outre qu’il est douteux que le critère du «caractère volontaire» encourage effectivement le prompt déroulement des procès, d’autres facteurs doivent être soupesés, savoir: l’assurance d’un débat contradictoire sur la question du caractère volontaire; le maintien des droits de l’accusé et l’intégrité de la distinction fonctionnelle entre le voir dire et le procès lui-même. Il n’existe aucune raison de faire une exception à la règle générale, amplement appuyée par la jurisprudence, en particulier une exception formulée par des expressions telles que «manifestement volontaire» ou «spontanée»
La formulation classique du principe applicable est celle de lord Sumner dans l’arrêt Ibrahim v. The King, aux pp. 609 et 610 :
[TRADUCTION] C’est une règle formelle du droit criminel anglais depuis longtemps établie qu’aucune déclaration d’un accusé n’est recevable contre lui à titre de preuve, à moins que l’accusation ne prouve qu’il s’agit d’une déclaration volontaire, c’est-à-dire qu’elle n’a pas été obtenue par crainte d’un préjudice ou dans l’espoir d’un avantage dispensés ou promis par une personne ayant autorité. Ce principe remonte à lord Hale.
Je crois qu’il est maintenant bien établi au Canada qu’aucune déclaration extra-judiciaire d’un accusé à une personne ayant autorité ne peut être admise en preuve contre lui à moins que la poursuite n’établisse à la satisfaction du juge du procès que la déclaration a été faite librement et volontairement: Boulet c. La Reine. Powell c. La Reine, Fiché c. La Reine, précité.
La procédure au voir dire
Si l’on admet qu’il incombe au ministère public d’établir positivement que la déclaration qu’il veut introduire en preuve est volontaire, comment peut-il se libérer de ce fardeau? Selon mon expérience, le ministère public, avant de parler de la déclaration, demande habituellement au juge du procès de faire sortir le jury. En l’absence de ce dernier, le ministère public appelle des témoins, normalement les agents de police à qui la déclaration a été faite ou tout autre agent de police qui aurait été à même de menacer l’accusé ou de lui faire espérer un avantage. Ces témoins attestent que les déclarations ont été faites et qu’il n’y a eu ni menace ni promesse. Ils sont contre-interrogés. La défense appelle ensuite ses témoins, y compris souvent l’accusé, et ils sont contre-interrogés. Ensuite les avocats plaident et le juge du procès décide si la déclaration est volontaire et donc admissible. Il y a, à tout point de vue, un procès dans un procès. Une fois admise, la déclaration est soumise au jury qui doit décider si elle a effectivement été faite et éventuellement quel poids lui accorder.
Le rôle du voir dire
Il est évident que le voir dire et le procès lui-même jouent des rôles différents. Le voir dire sert à déterminer l’admissibilité d’un élément de preuve. Le procès vise à trancher l’affaire au fond en fonction de la preuve recevable. Le voir dire a
lieu en l’absence du jury qui doit toujours en ignorer l’objet. L’accusé peut témoigner au voir dire et garder le silence pendant le procès lui-même. La preuve présentée au voir dire ne peut être utilisée au procès lui-même. Le caractère fondamental de cette séparation fonctionnelle a été récemment réaffirmé par cette Cour dans l’arrêt La Reine c. Gauthier. Le juge Pigeon, parlant au nom de la majorité, a déclaré que la procédure est semblable, que le procès ait lieu devant un jury ou non, et il souligne la nécessité d’un voir dire dans les deux cas, à la p. 450:
... C’est pourquoi je ne vois pas comment on pourrait décider que dans un procès sans jury un «voir dire» n’est pas nécessaire et la preuve de déclarations par l’accusé peut être reçue sans décision préliminaire sur leur caractère libre et volontaire. Au reste, personne ne semble suggérer que dans un procès sans jury un «voir dire» n’est pas nécessaire. Mais s’il en est ainsi, comment peut-on soutenir que les règles en sont alors modifiées?
Plus loin, le juge Pigeon se dit aussi d’avis que la tenue d’un voir dire est une exigence fondamentale (à la p. 451):
En statuant comme on l’a fait dans la présente cause, on permet à l’accusé de témoigner lors d’un «voir dire» sur une partie de la cause où cela fait son affaire tout en se soustrayant au contre-interrogatoire sur le reste et en empêchant la poursuite d’en faire état. On ne saurait voir 1à du formalisme car on touche à ce qu’il y a de plus fondamental dans l’administration de la justice, c’est-à-dire la règle qu’il faut juger exclusivement suivant la preuve faite au procès. Si l’on disait que lors d’un procès sans jury il n’est pas indispensable de recourir au «voir dire» et le juge peut recevoir la preuve de déclarations de l’accusé sous réserve de statuer à la fin sur leur admissibilité, je ne serais pas d’accord mais j’y verrais une moins grande objection qu’à procéder au «voir dire» sans en respecter la règle fondamentale, savoir que c’est un procès dans un procès, de telle sorte que la preuve qui y est faite ne sert que pour cette fin-là quoique ce soit le même juge qui préside le «voir dire» et prononce sur le fond
Les critères d’admissibilité des déclarations fixés par les tribunaux sont rigoureux afin de garantir soigneusement les droits de l’accusé. Les principes ont été définis à l’occasion de procès par jury, mais ils s’appliquent également aux procès par juge seul.
La question est essentiellement de savoir si un voir dire est toujours requis à l’égard de pareilles déclarations ou si aucun voir dire n’est nécessaire lorsque la déclaration est «manifestement volontaire». La nécessité de tenir un voir dire s’applique tout autant aux déclarations faites pendant l’enquête qu’à celles faites après la mise en détention de l’accusé ou son inculpation, ou après qu’on a décidé de l’inculper. Il est mal fondé d’admettre qu’un voir dire n’est pas nécessaire lorsque la déclaration est «spontanée» ou «manifestement volontaire». Outre qu’il est douteux que le critère du «caractère volontaire» encourage effectivement le prompt déroulement des procès, d’autres facteurs doivent être soupesés, savoir: l’assurance d’un débat contradictoire sur la question du caractère volontaire; le maintien des droits de l’accusé et l’intégrité de la distinction fonctionnelle entre le voir dire et le procès lui-même. Il n’existe aucune raison de faire une exception à la règle générale, amplement appuyée par la jurisprudence, en particulier une exception formulée par des expressions telles que «manifestement volontaire» ou «spontanée»
La formulation classique du principe applicable est celle de lord Sumner dans l’arrêt Ibrahim v. The King, aux pp. 609 et 610 :
[TRADUCTION] C’est une règle formelle du droit criminel anglais depuis longtemps établie qu’aucune déclaration d’un accusé n’est recevable contre lui à titre de preuve, à moins que l’accusation ne prouve qu’il s’agit d’une déclaration volontaire, c’est-à-dire qu’elle n’a pas été obtenue par crainte d’un préjudice ou dans l’espoir d’un avantage dispensés ou promis par une personne ayant autorité. Ce principe remonte à lord Hale.
Je crois qu’il est maintenant bien établi au Canada qu’aucune déclaration extra-judiciaire d’un accusé à une personne ayant autorité ne peut être admise en preuve contre lui à moins que la poursuite n’établisse à la satisfaction du juge du procès que la déclaration a été faite librement et volontairement: Boulet c. La Reine. Powell c. La Reine, Fiché c. La Reine, précité.
La procédure au voir dire
Si l’on admet qu’il incombe au ministère public d’établir positivement que la déclaration qu’il veut introduire en preuve est volontaire, comment peut-il se libérer de ce fardeau? Selon mon expérience, le ministère public, avant de parler de la déclaration, demande habituellement au juge du procès de faire sortir le jury. En l’absence de ce dernier, le ministère public appelle des témoins, normalement les agents de police à qui la déclaration a été faite ou tout autre agent de police qui aurait été à même de menacer l’accusé ou de lui faire espérer un avantage. Ces témoins attestent que les déclarations ont été faites et qu’il n’y a eu ni menace ni promesse. Ils sont contre-interrogés. La défense appelle ensuite ses témoins, y compris souvent l’accusé, et ils sont contre-interrogés. Ensuite les avocats plaident et le juge du procès décide si la déclaration est volontaire et donc admissible. Il y a, à tout point de vue, un procès dans un procès. Une fois admise, la déclaration est soumise au jury qui doit décider si elle a effectivement été faite et éventuellement quel poids lui accorder.
Le rôle du voir dire
Il est évident que le voir dire et le procès lui-même jouent des rôles différents. Le voir dire sert à déterminer l’admissibilité d’un élément de preuve. Le procès vise à trancher l’affaire au fond en fonction de la preuve recevable. Le voir dire a
lieu en l’absence du jury qui doit toujours en ignorer l’objet. L’accusé peut témoigner au voir dire et garder le silence pendant le procès lui-même. La preuve présentée au voir dire ne peut être utilisée au procès lui-même. Le caractère fondamental de cette séparation fonctionnelle a été récemment réaffirmé par cette Cour dans l’arrêt La Reine c. Gauthier. Le juge Pigeon, parlant au nom de la majorité, a déclaré que la procédure est semblable, que le procès ait lieu devant un jury ou non, et il souligne la nécessité d’un voir dire dans les deux cas, à la p. 450:
... C’est pourquoi je ne vois pas comment on pourrait décider que dans un procès sans jury un «voir dire» n’est pas nécessaire et la preuve de déclarations par l’accusé peut être reçue sans décision préliminaire sur leur caractère libre et volontaire. Au reste, personne ne semble suggérer que dans un procès sans jury un «voir dire» n’est pas nécessaire. Mais s’il en est ainsi, comment peut-on soutenir que les règles en sont alors modifiées?
Plus loin, le juge Pigeon se dit aussi d’avis que la tenue d’un voir dire est une exigence fondamentale (à la p. 451):
En statuant comme on l’a fait dans la présente cause, on permet à l’accusé de témoigner lors d’un «voir dire» sur une partie de la cause où cela fait son affaire tout en se soustrayant au contre-interrogatoire sur le reste et en empêchant la poursuite d’en faire état. On ne saurait voir 1à du formalisme car on touche à ce qu’il y a de plus fondamental dans l’administration de la justice, c’est-à-dire la règle qu’il faut juger exclusivement suivant la preuve faite au procès. Si l’on disait que lors d’un procès sans jury il n’est pas indispensable de recourir au «voir dire» et le juge peut recevoir la preuve de déclarations de l’accusé sous réserve de statuer à la fin sur leur admissibilité, je ne serais pas d’accord mais j’y verrais une moins grande objection qu’à procéder au «voir dire» sans en respecter la règle fondamentale, savoir que c’est un procès dans un procès, de telle sorte que la preuve qui y est faite ne sert que pour cette fin-là quoique ce soit le même juge qui préside le «voir dire» et prononce sur le fond
Les critères d’admissibilité des déclarations fixés par les tribunaux sont rigoureux afin de garantir soigneusement les droits de l’accusé. Les principes ont été définis à l’occasion de procès par jury, mais ils s’appliquent également aux procès par juge seul.
lundi 17 août 2009
L'absence de preuve de plaisir sexuel n'est pas une défense à une accusation d'agression sexuelle
R. c. V. (K.B.), [1993] 2 R.C.S. 857
Résumé des faits
L'accusé a été inculpé d'agression sexuelle contre son fils de trois ans. Dans une déclaration à la police, il a expliqué avoir empoigné les parties génitales de son fils afin de le dissuader de saisir les parties génitales d'adultes et de lui montrer à quel point cela est douloureux. L'accusé a été déclaré coupable.
Analyse
Dans l'arrêt R. c. Chase, [1987] 2 R.C.S. 293, notre Cour a examiné l'infraction d'agression sexuelle et, après avoir analysé les principes et la jurisprudence applicables, le juge McIntyre a affirmé, en rendant l'arrêt de la Cour (à la p. 302):
L'agression sexuelle est une agression, au sens de l'une ou l'autre des définitions de ce concept au par. 244(1) du Code criminel [maintenant le par. 265(1)], qui est commise dans des circonstances de nature sexuelle, de manière à porter atteinte à l'intégrité sexuelle de la victime.
Le critère qui doit être appliqué pour déterminer si la conduite reprochée comporte la nature sexuelle requise est objectif: «Compte tenu de toutes les circonstances, une personne raisonnable peut‑elle percevoir le contexte sexuel ou charnel de l'agression?» [. . .] La partie du corps qui est touchée, la nature du contact, la situation dans laquelle cela s'est produit, les paroles et les gestes qui ont accompagné l'acte, et toutes les autres circonstances entourant la conduite, y compris les menaces avec ou sans emploi de la force, constituent des éléments pertinents. [. . .] L'intention ou le dessein de la personne qui commet l'acte, dans la mesure où cela peut ressortir des éléments de preuve, peut également être un facteur à considérer pour déterminer si la conduite est sexuelle.
Si le mobile de l'accusé était de tirer un plaisir sexuel, dans la mesure où cela peut ressortir de la preuve, il peut s'agir d'un facteur à considérer pour déterminer si la conduite est sexuelle. Toutefois, il faut souligner que l'existence d'un tel mobile constitue simplement un des nombreux facteurs dont on doit tenir compte et dont l'importance variera selon les circonstances.
Résumé des faits
L'accusé a été inculpé d'agression sexuelle contre son fils de trois ans. Dans une déclaration à la police, il a expliqué avoir empoigné les parties génitales de son fils afin de le dissuader de saisir les parties génitales d'adultes et de lui montrer à quel point cela est douloureux. L'accusé a été déclaré coupable.
Analyse
Dans l'arrêt R. c. Chase, [1987] 2 R.C.S. 293, notre Cour a examiné l'infraction d'agression sexuelle et, après avoir analysé les principes et la jurisprudence applicables, le juge McIntyre a affirmé, en rendant l'arrêt de la Cour (à la p. 302):
L'agression sexuelle est une agression, au sens de l'une ou l'autre des définitions de ce concept au par. 244(1) du Code criminel [maintenant le par. 265(1)], qui est commise dans des circonstances de nature sexuelle, de manière à porter atteinte à l'intégrité sexuelle de la victime.
Le critère qui doit être appliqué pour déterminer si la conduite reprochée comporte la nature sexuelle requise est objectif: «Compte tenu de toutes les circonstances, une personne raisonnable peut‑elle percevoir le contexte sexuel ou charnel de l'agression?» [. . .] La partie du corps qui est touchée, la nature du contact, la situation dans laquelle cela s'est produit, les paroles et les gestes qui ont accompagné l'acte, et toutes les autres circonstances entourant la conduite, y compris les menaces avec ou sans emploi de la force, constituent des éléments pertinents. [. . .] L'intention ou le dessein de la personne qui commet l'acte, dans la mesure où cela peut ressortir des éléments de preuve, peut également être un facteur à considérer pour déterminer si la conduite est sexuelle.
Si le mobile de l'accusé était de tirer un plaisir sexuel, dans la mesure où cela peut ressortir de la preuve, il peut s'agir d'un facteur à considérer pour déterminer si la conduite est sexuelle. Toutefois, il faut souligner que l'existence d'un tel mobile constitue simplement un des nombreux facteurs dont on doit tenir compte et dont l'importance variera selon les circonstances.
S'abonner à :
Commentaires (Atom)
Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine
Les déclarations d'un accusé à son complice ne sont pas du ouï-dire
R v Ballantyne, 2015 SKCA 107 Lien vers la décision [ 58 ] At trial, Crown counsel attempted to tender evidence of a statement m...
-
Marcotte c. R., 2017 QCCS 62 (CanLII) Lien vers la décision [ 32 ] Les motifs raisonnables de croire sont définis comme étant ...
-
R. c. Cénac, 2015 QCCQ 3719 (CanLII) Lien vers la décision Tableau de SENTENCES en matière de FRAUDE DE PLUS DE 5 000$ Art. 3...
-
R. c. Imbeault, 2010 QCCS 5092 (CanLII) Lien vers la décision [ 22 ] L'expression « functus officio » peut être définie comm...