R. c. Proulx, 2000 CSC 5, [2000] 1 R.C.S. 61
109 Bien que l’incarcération puisse produire des effets dénonciateurs et dissuasifs plus grands que l’emprisonnement avec sursis, cette dernière mesure sera généralement plus propice à la réalisation des objectifs correctifs de réinsertion sociale des délinquants, de réparation des torts causés et de prise de conscience par les délinquants de leurs responsabilités. Comme l’a mentionné notre Cour dans Gladue, précité, au par. 43, «[l]es objectifs correctifs ne concordent habituellement pas avec le recours à l’emprisonnement». Il ne faut pas sous‑estimer l’importance de ces objectifs, car ils sont le principal facteur d’abaissement du taux de récidive. En conséquence, lorsque les objectifs de réinsertion sociale, de réparation des torts causés et de prise de conscience des responsabilités peuvent réalistement être atteints dans le cas d’un délinquant donné, l’emprisonnement avec sursis sera vraisemblablement la sanction appropriée, sous réserve de la prise en compte des considérations de dénonciation et de dissuasion exposées plus tôt.
110 Je vais maintenant examiner certains exemples de conditions tendant à la réalisation de ces objectifs. Un juge peut assortir une ordonnance d’une multitude de conditions visant à la réinsertion sociale du délinquant. Des ordonnances de participation obligatoire à un traitement peuvent être rendues, notamment en matière de counseling psychologique et de désintoxication. Il est notoire que le fait de condamner un délinquant à l’incarcération par suite d’une infraction reliée à la dépendance à la drogue sans s’attaquer à ce problème n’aboutira probablement pas à la réinsertion sociale de l’intéressé. Dans le Rapport final de la Commission d’enquête sur l’usage des drogues à des fins non médicales (1973), on a fait l’observation suivante, aux pp. 55 et 56:
Ces effets néfastes de la prison sont particulièrement manifestes dans le cas des délits relatifs aux stupéfiants. D’après nos recherches, les stupéfiants sont très répandus dans les établissements pénitentiaires, les détenus s’y asservissent davantage à leur habitude et dans nombre de cas ils font même la découverte de nouveaux emplois de la drogue. La prison ne coupe pas le détenu du monde de la drogue, mais l’expose au contraire à l’influence de toxicomanes et d’usagers des drogues dangereuses.
111 La détention à domicile est une autre mesure qui peut contribuer, dans une certaine mesure, à la réinsertion sociale du délinquant, en ce qu’elle l’empêche de maintenir ses fréquentations antisociales en plus de favoriser des comportements socialement souhaitables tels que l’assiduité au travail ou aux cours: voir Roberts, «The Hunt for the Paper Tiger: Conditional Sentencing after Brady», loc. cit., à la p. 65.
112 L’emprisonnement avec sursis peut aussi favoriser l’atteinte de l’objectif de réparation des torts causés à la victime et à la collectivité, et de l’objectif de prise de conscience par les délinquants de leurs responsabilités, notamment par la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité. Dans certains cas, par exemple, l’ordonnance de sursis peut être assortie de l’obligation de dédommager la victime. En outre, le fait d’imposer au délinquant une ordonnance de service communautaire peut l’aider à réparer les torts qu’il a causés à la collectivité et l’amener à prendre conscience de ses responsabilités. À cet égard, constituerait une possibilité intéressante une ordonnance l’obligeant à parler en public des conséquences malheureuses de sa conduite, dans la mesure où le délinquant est ouvert à une telle condition. Non seulement une telle ordonnance pourrait‑elle amener le délinquant à prendre conscience de ses responsabilités et à reconnaître les torts qu’il a causés, mais elle pourrait également favoriser la réalisation de l’objectif de dissuasion générale, comme je l’ai indiqué précédemment. À mon avis, il y a lieu d’encourager le recours aux ordonnances de service communautaire, dans la mesure évidemment où il existe des programmes appropriés pour le délinquant dans la collectivité concernée. Si les tribunaux recourent davantage aux ordonnances de service communautaire, le public considérera que les délinquants s’acquittent de leur dette envers la société. Une telle mesure aura également pour effet d’aider à accroître le respect de la loi par le public.
113 En résumé, au moment de décider si l’octroi du sursis à l’emprisonnement est conforme à l’objectif essentiel et aux principes de la détermination de la peine, le juge qui détermine la peine doit se demander quels sont les objectifs qui apparaissent prépondérants au regard des faits du cas dont il est saisi. Lorsqu’il est possible de combiner des objectifs punitifs et des objectifs correctifs, l’emprisonnement avec sursis sera vraisemblablement une sanction plus appropriée que l’incarcération. Pour décider s’il est possible de réaliser des objectifs correctifs dans une affaire donnée, le juge doit étudier les chances de réinsertion sociale du délinquant, notamment en tenant compte de tout plan de réadaptation proposé par ce dernier, de l’existence de programmes appropriés de service communautaire et de traitement dans la collectivité, de la question de savoir si le délinquant reconnaît ses torts et manifeste des remords, ainsi que des souhaits exprimés par la victime dans sa déclaration (que le tribunal doit prendre en considération suivant l’art. 722 du Code). Cette liste n’est pas exhaustive.
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mercredi 8 septembre 2010
mardi 7 septembre 2010
Cadre analytique que doit adopter le juge pour évaluer la défense de nécessité
R. v. Costoff, 2010 ONCJ 109 (CanLII)
[17] The defence of “necessity” is set out in R. v. Perka 1984 CanLII 23 (S.C.C.), [1984] 2 S.C.R. 232. There are three elements to the defence of necessity:
• Imminent danger and peril.
• No reasonable legal alternative to what the defendant did.
• A relationship between the harm inflicted and the harm avoided.
[18] For the defence to be successful, I must have a reasonable doubt about each of these elements. Where an accused places before the court sufficient evidence to raise the issue, the onus is on the Crown to meet it beyond a reasonable doubt (R. v. Gyetvan [2005] O.J. No. 5813 para 18:
“The state of the law, therefore, is that for the necessity defence to prevail, the trial judge must be satisfied that there is evidence sufficient to give an air of reality of each of the three requirements. Having considered the evidence in this case and the applicable law, I am satisfied that the evidence here is sufficient to give an air of reality to each of these requirements.”
[19] In a significant review of the law in R. v. L.S. [2001] B.C.J. No. 3062, the justice observed at para 25:
“Generally, if there is clear evidence that the accused, or someone under his or her protection is at an immediate risk of physical harm, if no reasonable alternative is available and, if the driving is for no longer than is necessary to escape the harm, the defence of necessity will succeed”.
[20] In Regina v. Latimer [2001] S.C.J. No 1, the court observed that the standard is a modified objective test which takes into account the situation and characteristics of the particular accused:
“The accused person must, at the time of the act, honestly believe, on reasonable grounds, that he faces a situation of imminent peril that leaves no reasonable legal alternative open.” (para. 33)
[17] The defence of “necessity” is set out in R. v. Perka 1984 CanLII 23 (S.C.C.), [1984] 2 S.C.R. 232. There are three elements to the defence of necessity:
• Imminent danger and peril.
• No reasonable legal alternative to what the defendant did.
• A relationship between the harm inflicted and the harm avoided.
[18] For the defence to be successful, I must have a reasonable doubt about each of these elements. Where an accused places before the court sufficient evidence to raise the issue, the onus is on the Crown to meet it beyond a reasonable doubt (R. v. Gyetvan [2005] O.J. No. 5813 para 18:
“The state of the law, therefore, is that for the necessity defence to prevail, the trial judge must be satisfied that there is evidence sufficient to give an air of reality of each of the three requirements. Having considered the evidence in this case and the applicable law, I am satisfied that the evidence here is sufficient to give an air of reality to each of these requirements.”
[19] In a significant review of the law in R. v. L.S. [2001] B.C.J. No. 3062, the justice observed at para 25:
“Generally, if there is clear evidence that the accused, or someone under his or her protection is at an immediate risk of physical harm, if no reasonable alternative is available and, if the driving is for no longer than is necessary to escape the harm, the defence of necessity will succeed”.
[20] In Regina v. Latimer [2001] S.C.J. No 1, the court observed that the standard is a modified objective test which takes into account the situation and characteristics of the particular accused:
“The accused person must, at the time of the act, honestly believe, on reasonable grounds, that he faces a situation of imminent peril that leaves no reasonable legal alternative open.” (para. 33)
dimanche 29 août 2010
L'accusé ne peut pas être contre-interrogé sur une infraction à l'égard de laquelle il a bénéficié d'une absolution
Doyon c. R., 2004 CanLII 50105 (QC C.A.)
[57] Par ailleurs, comme l'accusé ne peut être contre-interrogé qu'en rapport avec des condamnations antérieures, il ne peut l'être sur une infraction à l'égard de laquelle il a bénéficié d'une absolution puisqu'il est réputé ne pas avoir été condamné (R. c. Corbett, 1988 CanLII 80 (C.S.C.), [1988] 1 R.C.S. 670, par. 49). Cela ne signifie pas toutefois qu'il n'a pas plaidé coupable ou qu'il n'a pas été reconnu coupable.
[57] Par ailleurs, comme l'accusé ne peut être contre-interrogé qu'en rapport avec des condamnations antérieures, il ne peut l'être sur une infraction à l'égard de laquelle il a bénéficié d'une absolution puisqu'il est réputé ne pas avoir été condamné (R. c. Corbett, 1988 CanLII 80 (C.S.C.), [1988] 1 R.C.S. 670, par. 49). Cela ne signifie pas toutefois qu'il n'a pas plaidé coupable ou qu'il n'a pas été reconnu coupable.
Il existe une distinction entre le plaidoyer de culpabilité (ou la reconnaissance de culpabilité) et la condamnation
Doyon c. R., 2004 CanLII 50105 (QC C.A.)
[43] Le choix des termes me convainc qu'il existe une distinction entre le plaidoyer de culpabilité (ou la reconnaissance de culpabilité) et la condamnation.
[44] Même s'il est réputé ne pas avoir été condamné, le contrevenant a néanmoins plaidé coupable ou été reconnu coupable, ce qui subsiste malgré qu'il ait été absous.
[45] Notre Cour a d'ailleurs fait une telle distinction dans l'arrêt Houle c. Barreau du Québec et Comité des requêtes du Barreau du Québec, REJB 2002 – 35348, juges Rochette, Pelletier et Biron (ad hoc), autorisation d'appel refusée, [2003] 1 R.C.S. xi :
Somme toute, au sens de l'article 55.1 du Code des professions, la déclaration de culpabilité de l'appelant, découlant du plaidoyer qu'il a enregistré, ne disparaît pas par l'effet de l'absolution conditionnelle; […].
[46] L'art. 55.1 du Code des professions est ainsi libellé :
Le Bureau peut, après avoir donné au professionnel l'occasion de faire valoir ses représentations écrites, le radier du tableau ou limiter ou suspendre son droit d'exercer des activités professionnelles, lorsque ce professionnel :
10 a fait l'objet d'une décision d'un tribunal canadien le déclarant coupable d'une infraction criminelle qui, de l'avis motivé du Bureau, a un lien avec l'exercice de la profession […]
[48] Dans R. c. Rozon, [1999] R.J.Q. 805 (C.S.), le juge Béliveau fait la même distinction en analysant l'art. 730 C.cr. :
[27] […] Dans l'arrêt R. c. Senior, 1997 CanLII 348 (S.C.C.), (1997) 116 C.C.C. (3d) 152, conf. à 1997 CanLII 348 (C.S.C.), [1997] 2 R.C.S. 288, la Cour d'appel de l'Alberta rappelait que le seul fait de consigner un plaidoyer de culpabilité n'entraîne pas une condamnation. Il faut que le juge enregistre la condamnation (pp. 158-159), comme le fait le juge qui préside un procès par jury doit le faire après avoir reçu le verdict de celui-ci. D'ailleurs, dans l'arrêt R. c. Pearson, 1998 CanLII 776 (C.S.C.), [1998] 3 R.C.S. 620, la Cour suprême a repris cette distinction en rappelant que lorsqu'un accusé fait valoir une défense de provocation policière, cela ne met pas en cause la culpabilité ou l'innocence de l'accusé, i.e. sa responsabilité (par. 14). Elle suppose que ce dernier est coupable mais qu'on ne le condamne pas.
[49] L'absence de condamnation ne fait donc pas disparaître rétroactivement le plaidoyer ou la reconnaissance de culpabilité, pas plus, d'ailleurs, que la réhabilitation (ou le pardon) n'anéantit rétroactivement la condamnation (Re Therrien, 2001 CSC 35 (CanLII), [2001] 2 R.C.S. 3, par. 122).
[50] Dans l'arrêt R. c. Senior, cité par le juge Béliveau, la Cour d'appel de l'Alberta s'exprime ainsi à l'égard de l'art. 736 C.cr., qui est le prédécesseur de l'actuel art. 730 , et de la distinction entre les diverses étapes d'une condamnation :
[21] […] The most obvious example of this arises in the context of discharges pursuant to s. 736 of the Code. That section reads in part :
where an accused … pleads guilty to or is found guilty of an offence, … the court before which he appears may, … instead of convicting the accused, by order direct that the accused be discharged absolutely or on the conditions prescribed in a probation order.
(emphasis added)
The language clearly distinguishes between the plea, the finding of guilt, and the act of convicting the accused. Under the provisions of this section, the fact that a judge accepts a plea of guilty or finds an accused guilty does not automatically result in a conviction. A conviction requires both the adjudication of guilt and the act of sentencing the accused to something other than a discharge. […]
[22] While a guilty plea clearly does not equate with a conviction under s. 736, this distinction is not so easily drawn in other contexts. […]
[51] Par ailleurs, étant donné que, selon l'art. 730 C.cr., le juge absout l'accusé au lieu de le condamner, la mention qu'il est réputé ne pas avoir été condamné ajoute peu. Il eût été aisé, si cela était l'objectif poursuivi, de prévoir qu'il était également réputé ne pas avoir plaidé coupable ou ne pas avoir été reconnu coupable. Ce ne fut pas le choix du législateur.
[54] Ainsi, dans Collège des médecins c. Blondin, [2002] D.T. P.Q. No 49, le Tribunal des professions écrit :
[16] De ces propos, il faut conclure que la déclaration de culpabilité et la condamnation sont bel et bien deux étapes différentes du processus pénal.
[17] L'article 55.1 (1) C.P. prévoit la possibilité d'une mesure administrative si le professionel a été déclaré coupable d'une infraction ("finding him guilty of a criminal offence") et non pas s'il a été condamné. Ce texte sans ambiguïté ne peut faire l'objet d'une interprétation différente.
[55] Dans Pelissero c. Ontario (Provincial Police), [1982] O.J. No 1359, la Cour divisionnaire s'exprime ainsi en réponse à l'argument qu'une absolution ne permettrait pas au commissaire d'instituer des procédures disciplinaires à l'endroit d'un policier coupable d'une infraction criminelle :
[7] In the case of this incident, the applicant was again charged in the criminal courts. In this case he was found guilty but was granted a conditional discharge under section 662.1 of the Criminal Code. This incident also gave rise to the third charge that was before us which was laid under section 1 (i)(g) of the Code of Offences which provides that a police officer is guilty of discreditable conduct if he,
(g) is guilty of an indictable offence or an offence punishable upon summary conviction under the Criminal Code (Canada);
[8] The submission made on behalf of the applicant is that this provision in the Code should be interpreted as meaning that a police officer is guilty of discreditable conduct thereunder only if a conviction has been entered against him in respect of the offence. The effect of the conditional discharge was that no conviction was entered against the applicant in respect of the criminal charge. On the other hand, the conditional discharge could only have been granted if the applicant was found guilty or had pleaded guilty. We are not persuaded that the provision of the Code can be interpreted in the way that is suggested. The plain words of the Code are "is guilty of an … offence" and that is precisely what occurred in this case.
[56] Enfin, dans Desbiens c. Canada (Royal Canadian Mounted Police, Commissioner), [1986] F.C.J. No 928, le Cour fédérale d'appel déclare :
An absolute discharge under section 662.1 by definition involves a finding of guilt; there can be simply no doubt that a person who has been found guilty has been "involved in the commission" of an offence.
[43] Le choix des termes me convainc qu'il existe une distinction entre le plaidoyer de culpabilité (ou la reconnaissance de culpabilité) et la condamnation.
[44] Même s'il est réputé ne pas avoir été condamné, le contrevenant a néanmoins plaidé coupable ou été reconnu coupable, ce qui subsiste malgré qu'il ait été absous.
[45] Notre Cour a d'ailleurs fait une telle distinction dans l'arrêt Houle c. Barreau du Québec et Comité des requêtes du Barreau du Québec, REJB 2002 – 35348, juges Rochette, Pelletier et Biron (ad hoc), autorisation d'appel refusée, [2003] 1 R.C.S. xi :
Somme toute, au sens de l'article 55.1 du Code des professions, la déclaration de culpabilité de l'appelant, découlant du plaidoyer qu'il a enregistré, ne disparaît pas par l'effet de l'absolution conditionnelle; […].
[46] L'art. 55.1 du Code des professions est ainsi libellé :
Le Bureau peut, après avoir donné au professionnel l'occasion de faire valoir ses représentations écrites, le radier du tableau ou limiter ou suspendre son droit d'exercer des activités professionnelles, lorsque ce professionnel :
10 a fait l'objet d'une décision d'un tribunal canadien le déclarant coupable d'une infraction criminelle qui, de l'avis motivé du Bureau, a un lien avec l'exercice de la profession […]
[48] Dans R. c. Rozon, [1999] R.J.Q. 805 (C.S.), le juge Béliveau fait la même distinction en analysant l'art. 730 C.cr. :
[27] […] Dans l'arrêt R. c. Senior, 1997 CanLII 348 (S.C.C.), (1997) 116 C.C.C. (3d) 152, conf. à 1997 CanLII 348 (C.S.C.), [1997] 2 R.C.S. 288, la Cour d'appel de l'Alberta rappelait que le seul fait de consigner un plaidoyer de culpabilité n'entraîne pas une condamnation. Il faut que le juge enregistre la condamnation (pp. 158-159), comme le fait le juge qui préside un procès par jury doit le faire après avoir reçu le verdict de celui-ci. D'ailleurs, dans l'arrêt R. c. Pearson, 1998 CanLII 776 (C.S.C.), [1998] 3 R.C.S. 620, la Cour suprême a repris cette distinction en rappelant que lorsqu'un accusé fait valoir une défense de provocation policière, cela ne met pas en cause la culpabilité ou l'innocence de l'accusé, i.e. sa responsabilité (par. 14). Elle suppose que ce dernier est coupable mais qu'on ne le condamne pas.
[49] L'absence de condamnation ne fait donc pas disparaître rétroactivement le plaidoyer ou la reconnaissance de culpabilité, pas plus, d'ailleurs, que la réhabilitation (ou le pardon) n'anéantit rétroactivement la condamnation (Re Therrien, 2001 CSC 35 (CanLII), [2001] 2 R.C.S. 3, par. 122).
[50] Dans l'arrêt R. c. Senior, cité par le juge Béliveau, la Cour d'appel de l'Alberta s'exprime ainsi à l'égard de l'art. 736 C.cr., qui est le prédécesseur de l'actuel art. 730 , et de la distinction entre les diverses étapes d'une condamnation :
[21] […] The most obvious example of this arises in the context of discharges pursuant to s. 736 of the Code. That section reads in part :
where an accused … pleads guilty to or is found guilty of an offence, … the court before which he appears may, … instead of convicting the accused, by order direct that the accused be discharged absolutely or on the conditions prescribed in a probation order.
(emphasis added)
The language clearly distinguishes between the plea, the finding of guilt, and the act of convicting the accused. Under the provisions of this section, the fact that a judge accepts a plea of guilty or finds an accused guilty does not automatically result in a conviction. A conviction requires both the adjudication of guilt and the act of sentencing the accused to something other than a discharge. […]
[22] While a guilty plea clearly does not equate with a conviction under s. 736, this distinction is not so easily drawn in other contexts. […]
[51] Par ailleurs, étant donné que, selon l'art. 730 C.cr., le juge absout l'accusé au lieu de le condamner, la mention qu'il est réputé ne pas avoir été condamné ajoute peu. Il eût été aisé, si cela était l'objectif poursuivi, de prévoir qu'il était également réputé ne pas avoir plaidé coupable ou ne pas avoir été reconnu coupable. Ce ne fut pas le choix du législateur.
[54] Ainsi, dans Collège des médecins c. Blondin, [2002] D.T. P.Q. No 49, le Tribunal des professions écrit :
[16] De ces propos, il faut conclure que la déclaration de culpabilité et la condamnation sont bel et bien deux étapes différentes du processus pénal.
[17] L'article 55.1 (1) C.P. prévoit la possibilité d'une mesure administrative si le professionel a été déclaré coupable d'une infraction ("finding him guilty of a criminal offence") et non pas s'il a été condamné. Ce texte sans ambiguïté ne peut faire l'objet d'une interprétation différente.
[55] Dans Pelissero c. Ontario (Provincial Police), [1982] O.J. No 1359, la Cour divisionnaire s'exprime ainsi en réponse à l'argument qu'une absolution ne permettrait pas au commissaire d'instituer des procédures disciplinaires à l'endroit d'un policier coupable d'une infraction criminelle :
[7] In the case of this incident, the applicant was again charged in the criminal courts. In this case he was found guilty but was granted a conditional discharge under section 662.1 of the Criminal Code. This incident also gave rise to the third charge that was before us which was laid under section 1 (i)(g) of the Code of Offences which provides that a police officer is guilty of discreditable conduct if he,
(g) is guilty of an indictable offence or an offence punishable upon summary conviction under the Criminal Code (Canada);
[8] The submission made on behalf of the applicant is that this provision in the Code should be interpreted as meaning that a police officer is guilty of discreditable conduct thereunder only if a conviction has been entered against him in respect of the offence. The effect of the conditional discharge was that no conviction was entered against the applicant in respect of the criminal charge. On the other hand, the conditional discharge could only have been granted if the applicant was found guilty or had pleaded guilty. We are not persuaded that the provision of the Code can be interpreted in the way that is suggested. The plain words of the Code are "is guilty of an … offence" and that is precisely what occurred in this case.
[56] Enfin, dans Desbiens c. Canada (Royal Canadian Mounted Police, Commissioner), [1986] F.C.J. No 928, le Cour fédérale d'appel déclare :
An absolute discharge under section 662.1 by definition involves a finding of guilt; there can be simply no doubt that a person who has been found guilty has been "involved in the commission" of an offence.
vendredi 27 août 2010
Sauf exception, un agent double ne sera pas une personne en situation d’autorité puisque l’accusé ne le percevra habituellement pas ainsi
R. c. Grandinetti, 2005 CSC 5, [2005] 1 R.C.S. 27
40 Même si le critère relatif à la personne en situation d’autorité ne s’applique pas de manière absolue, sauf circonstances exceptionnelles, un agent double ne sera pas une personne en situation d’autorité puisque l’accusé ne le percevra habituellement pas ainsi. La jurisprudence le confirme. Comme l’a expliqué le juge Cory dans l’arrêt Hodgson :
La question de la qualité de personne en situation d’autorité de la personne qui a reçu la déclaration se pose seulement si l’accusé connaissait cette qualité. Si l’accusé ne peut pas prouver qu’il connaissait la qualité de la personne ayant reçu sa déclaration (par exemple, dans le cas d’un agent double) [. . .], l’examen de la question de savoir si la personne ayant reçu la déclaration était une personne en situation d’autorité doit cesser. [par. 39]
(...)
41 Même s’il a reconnu qu’un agent double n’est habituellement pas une personne en situation d’autorité, l’appelant soutient que lorsque son stratagème consiste notamment à laisser entendre qu’il a des liens avec des policiers corrompus et que ces derniers pourraient influencer l’enquête et la poursuite relatives à l’infraction, l’agent est une personne en situation d’autorité.
42 Or, suivant la règle traditionnelle des confessions,
[traduction] la personne en situation d’autorité est une personne concernée par les poursuites judiciaires et qui, de l’avis de l’accusé, peut en influencer le déroulement.
(...)
43 Cette idée me paraît développée dans l’arrêt Hodgson, où le juge Cory dit de la personne en situation d’autorité qu’aux yeux de l’auteur de la déclaration, elle est un « mandataire de la police ou des autorités chargées des poursuites », un « allié des autorités étatiques », qu’elle agit « pour le compte de la police ou des autorités chargées des poursuites » ou « de concert avec les autorités policières ou celles chargées des poursuites, [. . .] en tant que mandataire de celles‑ci » (par. 34-36 et 47). Voici comment il a expliqué cette théorie plus avant :
Comme l’exigence relative à la personne en situation d’autorité vise à faire échec au comportement coercitif de l’État, le critère de la personne en situation d’autorité ne peut inclure les personnes que l’accusé croit déraisonnablement être des personnes agissant pour le compte de l’État. En conséquence, si l’accusé parle par crainte de représailles ou dans l’espoir d’obtenir un avantage parce qu’il croit raisonnablement que la personne qui reçoit sa déclaration agit à titre de mandataire de la police ou des autorités chargées des poursuites et qu’elle pourrait par conséquent avoir quelque influence ou pouvoir sur les poursuites engagées contre lui, cette personne est alors à juste titre considérée comme une personne en situation d’autorité. Autrement dit, la preuve doit révéler non seulement que l’accusé croyait subjectivement que la personne recevant la déclaration avait un certain pouvoir sur les poursuites engagées contre lui, mais elle doit établir l’existence d’un fondement objectivement raisonnable à l’égard de cette croyance.
(...) il n’existe aucune liste de personnes qui sont considérées d’office comme des personnes en situation d’autorité du seul fait de leur qualité. Un parent, un médecin, un enseignant ou un employeur peuvent tous être considérés comme des personnes en situation d’autorité si les circonstances le justifient, mais leur qualité, ou le simple fait qu’ils peuvent exercer une certaine autorité personnelle sur l’accusé, ne suffit pas à faire d’eux des personnes en situation d’autorité pour l’application de la règle des confessions. [. . .] [L]’exigence relative à la personne en situation d’autorité a évolué d’une manière qui évite l’application d’une approche formaliste ou légaliste aux interactions entre de simples citoyens. Au contraire, elle commande un examen au cas par cas de la croyance de l’accusé au sujet de la capacité de la personne qui reçoit sa déclaration d’influencer l’enquête ou la poursuite du crime. En d’autres mots, le juge du procès doit déterminer si l’accusé croyait raisonnablement que la personne qui a reçu la déclaration agissait pour le compte de la police ou des autorités chargées des poursuites. [par. 34 et 36]
44 L’appelant croyait que les agents doubles étaient des criminels, pas des policiers, même s’il pensait que ces criminels avaient des liens avec des policiers corrompus susceptibles d’influencer l’enquête dont il était l’objet. Lorsque, comme en l’espèce, l’accusé avoue son crime à un agent double qu’il croit en mesure d’influencer, grâce au concours de policiers corrompus, l’enquête dont il fait l’objet, le pouvoir coercitif de l’État n’est pas en cause. Les déclarations n’ont donc pas été faites à une personne en situation d’autorité.
45 L’accusé ne s’étant pas acquitté de sa charge de présentation quant à l’existence d’une véritable question en litige justifiant un examen, la tenue d’un voir‑dire sur le caractère volontaire de l’aveu était inutile.
40 Même si le critère relatif à la personne en situation d’autorité ne s’applique pas de manière absolue, sauf circonstances exceptionnelles, un agent double ne sera pas une personne en situation d’autorité puisque l’accusé ne le percevra habituellement pas ainsi. La jurisprudence le confirme. Comme l’a expliqué le juge Cory dans l’arrêt Hodgson :
La question de la qualité de personne en situation d’autorité de la personne qui a reçu la déclaration se pose seulement si l’accusé connaissait cette qualité. Si l’accusé ne peut pas prouver qu’il connaissait la qualité de la personne ayant reçu sa déclaration (par exemple, dans le cas d’un agent double) [. . .], l’examen de la question de savoir si la personne ayant reçu la déclaration était une personne en situation d’autorité doit cesser. [par. 39]
(...)
41 Même s’il a reconnu qu’un agent double n’est habituellement pas une personne en situation d’autorité, l’appelant soutient que lorsque son stratagème consiste notamment à laisser entendre qu’il a des liens avec des policiers corrompus et que ces derniers pourraient influencer l’enquête et la poursuite relatives à l’infraction, l’agent est une personne en situation d’autorité.
42 Or, suivant la règle traditionnelle des confessions,
[traduction] la personne en situation d’autorité est une personne concernée par les poursuites judiciaires et qui, de l’avis de l’accusé, peut en influencer le déroulement.
(...)
43 Cette idée me paraît développée dans l’arrêt Hodgson, où le juge Cory dit de la personne en situation d’autorité qu’aux yeux de l’auteur de la déclaration, elle est un « mandataire de la police ou des autorités chargées des poursuites », un « allié des autorités étatiques », qu’elle agit « pour le compte de la police ou des autorités chargées des poursuites » ou « de concert avec les autorités policières ou celles chargées des poursuites, [. . .] en tant que mandataire de celles‑ci » (par. 34-36 et 47). Voici comment il a expliqué cette théorie plus avant :
Comme l’exigence relative à la personne en situation d’autorité vise à faire échec au comportement coercitif de l’État, le critère de la personne en situation d’autorité ne peut inclure les personnes que l’accusé croit déraisonnablement être des personnes agissant pour le compte de l’État. En conséquence, si l’accusé parle par crainte de représailles ou dans l’espoir d’obtenir un avantage parce qu’il croit raisonnablement que la personne qui reçoit sa déclaration agit à titre de mandataire de la police ou des autorités chargées des poursuites et qu’elle pourrait par conséquent avoir quelque influence ou pouvoir sur les poursuites engagées contre lui, cette personne est alors à juste titre considérée comme une personne en situation d’autorité. Autrement dit, la preuve doit révéler non seulement que l’accusé croyait subjectivement que la personne recevant la déclaration avait un certain pouvoir sur les poursuites engagées contre lui, mais elle doit établir l’existence d’un fondement objectivement raisonnable à l’égard de cette croyance.
(...) il n’existe aucune liste de personnes qui sont considérées d’office comme des personnes en situation d’autorité du seul fait de leur qualité. Un parent, un médecin, un enseignant ou un employeur peuvent tous être considérés comme des personnes en situation d’autorité si les circonstances le justifient, mais leur qualité, ou le simple fait qu’ils peuvent exercer une certaine autorité personnelle sur l’accusé, ne suffit pas à faire d’eux des personnes en situation d’autorité pour l’application de la règle des confessions. [. . .] [L]’exigence relative à la personne en situation d’autorité a évolué d’une manière qui évite l’application d’une approche formaliste ou légaliste aux interactions entre de simples citoyens. Au contraire, elle commande un examen au cas par cas de la croyance de l’accusé au sujet de la capacité de la personne qui reçoit sa déclaration d’influencer l’enquête ou la poursuite du crime. En d’autres mots, le juge du procès doit déterminer si l’accusé croyait raisonnablement que la personne qui a reçu la déclaration agissait pour le compte de la police ou des autorités chargées des poursuites. [par. 34 et 36]
44 L’appelant croyait que les agents doubles étaient des criminels, pas des policiers, même s’il pensait que ces criminels avaient des liens avec des policiers corrompus susceptibles d’influencer l’enquête dont il était l’objet. Lorsque, comme en l’espèce, l’accusé avoue son crime à un agent double qu’il croit en mesure d’influencer, grâce au concours de policiers corrompus, l’enquête dont il fait l’objet, le pouvoir coercitif de l’État n’est pas en cause. Les déclarations n’ont donc pas été faites à une personne en situation d’autorité.
45 L’accusé ne s’étant pas acquitté de sa charge de présentation quant à l’existence d’une véritable question en litige justifiant un examen, la tenue d’un voir‑dire sur le caractère volontaire de l’aveu était inutile.
jeudi 26 août 2010
Dans l'arrêt Collins, le juge Lamer a établi une liste non exhaustive des facteurs le plus souvent retenus par les tribunaux pour déterminer si l'utilisation d'une preuve est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice
R. c. Collins, [1987] 1 R.C.S. 265
35. Le paragraphe 24(2) enjoint au juge qui détermine si l'utilisation de la preuve est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice, de tenir compte de "toutes les circonstances". De nombreux tribunaux canadiens ont énuméré les facteurs à prendre en considération et à évaluer (voir en particulier ce que dit le juge Anderson dans l'arrêt R. v. Cohen 1983 CanLII 232 (BC C.A.), (1983), 5 C.C.C. (3d) 156 (C.A.C.‑B.); le juge en chef Howland dans l'arrêt R. v. Simmons reflex, (1984), 11 C.C.C. (3d) 193 (C.A. Ont.); le juge Philp dans l'arrêt R. v. Pohoretsky 1985 CanLII 110 (MB C.A.), (1985), 18 C.C.C. (3d) 104 (C.A. Man.); le juge MacDonald dans l'arrêt R. v. Dyment 1986 CanLII 115 (PE S.C.A.D.), (1986), 25 C.C.C. (3d) 120 (C.A.Î.‑P.‑é.) et le juge Lambert dans l'arrêt R. v. Gladstone 1985 CanLII 109 (BC C.A.), (1985), 22 C.C.C. (3d) 151 (C.A.C.‑B.)); et le juge Seaton en l'espèce. Les facteurs les plus souvent retenus par les tribunaux sont les suivants:
− quel genre d'éléments de preuve a été obtenu?
− quel droit conféré par la Charte a été violé?
− la violation de la Charte était-elle grave ou s'agissait-il d'une simple irrégularité?
− la violation était-elle intentionnelle, volontaire ou flagrante, ou a-t-elle été commise par inadvertance ou de bonne foi?
− la violation a-t-elle eu lieu dans une situation d'urgence ou de nécessité?
− aurait-on pu avoir recours à d'autres méthodes d'enquête?
− les éléments de preuve auraient-ils été obtenus en tout état de cause?
− s'agit-il d'une infraction grave?
− les éléments de preuve recueillis sont-ils essentiels pour fonder l'accusation?
− existe-t-il d'autres recours?
Il faut se garder de conclure que je considère que cette liste constitue une énumération exhaustive des facteurs pertinents et je vais faire quelques commentaires généraux à leur égard."
*** Note de l'auteur de ce blog: Il faut garder le paragraphe 7 de l'arrêt R. c. Beaulieu, 2010 CSC 7, les facteurs d’analyse n’ont pas changé ***
35. Le paragraphe 24(2) enjoint au juge qui détermine si l'utilisation de la preuve est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice, de tenir compte de "toutes les circonstances". De nombreux tribunaux canadiens ont énuméré les facteurs à prendre en considération et à évaluer (voir en particulier ce que dit le juge Anderson dans l'arrêt R. v. Cohen 1983 CanLII 232 (BC C.A.), (1983), 5 C.C.C. (3d) 156 (C.A.C.‑B.); le juge en chef Howland dans l'arrêt R. v. Simmons reflex, (1984), 11 C.C.C. (3d) 193 (C.A. Ont.); le juge Philp dans l'arrêt R. v. Pohoretsky 1985 CanLII 110 (MB C.A.), (1985), 18 C.C.C. (3d) 104 (C.A. Man.); le juge MacDonald dans l'arrêt R. v. Dyment 1986 CanLII 115 (PE S.C.A.D.), (1986), 25 C.C.C. (3d) 120 (C.A.Î.‑P.‑é.) et le juge Lambert dans l'arrêt R. v. Gladstone 1985 CanLII 109 (BC C.A.), (1985), 22 C.C.C. (3d) 151 (C.A.C.‑B.)); et le juge Seaton en l'espèce. Les facteurs les plus souvent retenus par les tribunaux sont les suivants:
− quel genre d'éléments de preuve a été obtenu?
− quel droit conféré par la Charte a été violé?
− la violation de la Charte était-elle grave ou s'agissait-il d'une simple irrégularité?
− la violation était-elle intentionnelle, volontaire ou flagrante, ou a-t-elle été commise par inadvertance ou de bonne foi?
− la violation a-t-elle eu lieu dans une situation d'urgence ou de nécessité?
− aurait-on pu avoir recours à d'autres méthodes d'enquête?
− les éléments de preuve auraient-ils été obtenus en tout état de cause?
− s'agit-il d'une infraction grave?
− les éléments de preuve recueillis sont-ils essentiels pour fonder l'accusation?
− existe-t-il d'autres recours?
Il faut se garder de conclure que je considère que cette liste constitue une énumération exhaustive des facteurs pertinents et je vais faire quelques commentaires généraux à leur égard."
*** Note de l'auteur de ce blog: Il faut garder le paragraphe 7 de l'arrêt R. c. Beaulieu, 2010 CSC 7, les facteurs d’analyse n’ont pas changé ***
En l’absence du consentement de l’accusé, la preuve présentée aux fins de la procédure de voir-dire ne devrait pas s’appliquer au procès principal, bien qu'il pourrait y exister une exception
R. c. Simard, 2003 CanLII 32955 (QC C.Q.)
[19] L’expression « voir-dire », de la locution d’origine latine « verum dicere », désigne une vérification préalable à l’admissibilité d’une preuve.
[20] S’il a raison d’avancer que le procès se met en branle dès le dépôt des actes d’accusation et l’enregistrement de plaidoyer de non culpabilité, le procureur du ministère public confond les buts différents que poursuivent la procédure dite de voir-dire et le procès lui-même lorsqu’il soutient, en plaidoirie, avoir été sous l’impression que toute la preuve présentée aux fins de la requête en vertu de la Charte devient, du même souffle, partie intégrante de toute la preuve au soutien des accusations.
[21] Dans l’arrêt Erven c. La Reine 1978 CanLII 19 (S.C.C.), (1979) 1 S.C.R. 926, la Cour suprême rappelle bien que les rôles du voir-dire et du procès lui-même diffèrent :
« Le voir-dire sert à déterminer l’admissibilité d’un élément de preuve. Le procès vise à trancher l’affaire au fond en fonction de la preuve recevable.
… la preuve présentée au voir-dire ne peut pas être utilisée au procès lui-même. »
[22] Cet énoncé de la règle, surtout connu, avant l’avènement de la Charte, en marge des questions relatives à l’admissibilité des déclarations d’un accusé, et cette démarcation qu’il convient de faire entre la procédure dite de voir-dire et du procès lui-même, s’appliquent tout autant à la contestation de l’admissibilité des preuves en violation de l’un des droits garantis par la Charte.
[23] Dans l’arrêt plus récent de R. c. Darrach 2000 CSC 46 (CanLII), (2000) 2 R.C.S. 443, la Cour suprême du Canada postule qu’un voir-dire « est une autre procédure au sens de l’article 13 de la Charte ». Elle y réaffirme clairement la distinction entre la procédure de voir-dire et le procès lui-même tenant au fait que la première ne fait pas partie du processus de la détermination de la culpabilité ou de l’innocence de l’accusé, une phase qui appartient au second.
[24] En fait, cette règle repose sur la prémisse fondamentale de la présomption d’innocence avec comme corollaires :
– l’État assume seul le fardeau de démontrer hors de tout doute raisonnable la culpabilité de l’accusé;
– l’État ne peut pas forcer le concours de l’accusé à la démonstration de sa culpabilité;
– l’accusé a le droit au silence et à ne pas s’incriminer, mais aussi, à un procès juste et équitable.
[25] Dès lors, il convient que l’accusé puisse, sans craindre de s’incriminer, contester l’admissibilité des preuves, notamment en appelant des témoins ou en déposant lui-même.
[26] En conséquence, en l’absence du consentement de l’accusé, la preuve présentée aux fins de la procédure de voir-dire ne devrait pas s’appliquer au procès principal.
[27] Toutefois, malgré la fermeté au moins apparente de l’état du droit sur la question, il n’est pas si certain que la Cour ne puisse pas passer outre le consentement de l’accusé à la condition de s’assurer de certaines garanties.
[28] Le contexte particulier et singulier de l’audition des présentes affaires invite à cette solution, la seule qui réponde aux fins d’une saine administration de la justice, en général, et à la recherche de la vérité, en particulier, sans desservir les intérêts et droits fondamentaux des accusés.
[29] Au vu des présentes circonstances, la Cour ne peut se résoudre à appliquer sans discernement une règle qui, en raison d’une erreur technique ou d’une bévue, évacuerait du dossier une preuve pertinente et légale qu’elle pourrait autrement avoir réintégré, à défaut de consentement des accusés, pour peu qu’elle ait été entièrement répétée avec toutefois les effets pervers que cela comporte au plan de la mobilisation des ressources humaines et du temps requis pour l’exercice.
[30] L’inapplication de cette règle aux faits de l’affaire n’enfreint nullement le droit des accusés à un procès juste et équitable. Il s’agit plutôt d’un cas rare où l’application sans nuance de la règle déconsidérerait l’administration de la justice.
[19] L’expression « voir-dire », de la locution d’origine latine « verum dicere », désigne une vérification préalable à l’admissibilité d’une preuve.
[20] S’il a raison d’avancer que le procès se met en branle dès le dépôt des actes d’accusation et l’enregistrement de plaidoyer de non culpabilité, le procureur du ministère public confond les buts différents que poursuivent la procédure dite de voir-dire et le procès lui-même lorsqu’il soutient, en plaidoirie, avoir été sous l’impression que toute la preuve présentée aux fins de la requête en vertu de la Charte devient, du même souffle, partie intégrante de toute la preuve au soutien des accusations.
[21] Dans l’arrêt Erven c. La Reine 1978 CanLII 19 (S.C.C.), (1979) 1 S.C.R. 926, la Cour suprême rappelle bien que les rôles du voir-dire et du procès lui-même diffèrent :
« Le voir-dire sert à déterminer l’admissibilité d’un élément de preuve. Le procès vise à trancher l’affaire au fond en fonction de la preuve recevable.
… la preuve présentée au voir-dire ne peut pas être utilisée au procès lui-même. »
[22] Cet énoncé de la règle, surtout connu, avant l’avènement de la Charte, en marge des questions relatives à l’admissibilité des déclarations d’un accusé, et cette démarcation qu’il convient de faire entre la procédure dite de voir-dire et du procès lui-même, s’appliquent tout autant à la contestation de l’admissibilité des preuves en violation de l’un des droits garantis par la Charte.
[23] Dans l’arrêt plus récent de R. c. Darrach 2000 CSC 46 (CanLII), (2000) 2 R.C.S. 443, la Cour suprême du Canada postule qu’un voir-dire « est une autre procédure au sens de l’article 13 de la Charte ». Elle y réaffirme clairement la distinction entre la procédure de voir-dire et le procès lui-même tenant au fait que la première ne fait pas partie du processus de la détermination de la culpabilité ou de l’innocence de l’accusé, une phase qui appartient au second.
[24] En fait, cette règle repose sur la prémisse fondamentale de la présomption d’innocence avec comme corollaires :
– l’État assume seul le fardeau de démontrer hors de tout doute raisonnable la culpabilité de l’accusé;
– l’État ne peut pas forcer le concours de l’accusé à la démonstration de sa culpabilité;
– l’accusé a le droit au silence et à ne pas s’incriminer, mais aussi, à un procès juste et équitable.
[25] Dès lors, il convient que l’accusé puisse, sans craindre de s’incriminer, contester l’admissibilité des preuves, notamment en appelant des témoins ou en déposant lui-même.
[26] En conséquence, en l’absence du consentement de l’accusé, la preuve présentée aux fins de la procédure de voir-dire ne devrait pas s’appliquer au procès principal.
[27] Toutefois, malgré la fermeté au moins apparente de l’état du droit sur la question, il n’est pas si certain que la Cour ne puisse pas passer outre le consentement de l’accusé à la condition de s’assurer de certaines garanties.
[28] Le contexte particulier et singulier de l’audition des présentes affaires invite à cette solution, la seule qui réponde aux fins d’une saine administration de la justice, en général, et à la recherche de la vérité, en particulier, sans desservir les intérêts et droits fondamentaux des accusés.
[29] Au vu des présentes circonstances, la Cour ne peut se résoudre à appliquer sans discernement une règle qui, en raison d’une erreur technique ou d’une bévue, évacuerait du dossier une preuve pertinente et légale qu’elle pourrait autrement avoir réintégré, à défaut de consentement des accusés, pour peu qu’elle ait été entièrement répétée avec toutefois les effets pervers que cela comporte au plan de la mobilisation des ressources humaines et du temps requis pour l’exercice.
[30] L’inapplication de cette règle aux faits de l’affaire n’enfreint nullement le droit des accusés à un procès juste et équitable. Il s’agit plutôt d’un cas rare où l’application sans nuance de la règle déconsidérerait l’administration de la justice.
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