Rechercher sur ce blogue

jeudi 13 janvier 2011

Un accident, pris isolement et en l'absence de tout autre élément de preuve, ne donne pas en soi les motifs raisonnables de croire à la commission de l'infraction prévue à l’article 253

R. c. Leblanc , 2007 QCCS 4320 (CanLII)

[11] Il va sans dire que l'accident pris isolement et en l'absence de tout autre élément de preuve portant sur la consommation d'alcool ne donne pas en soi les motifs raisonnables et probables de croire que la personne impliquée est en contravention de l’article 253 du Code criminel. Cependant avec les autres constatations faites par l'agent Globensky, notamment l'odeur de l’alcool provenant de l'intimé (confirmation des renseignements fournis préalablement par un citoyen), la confusion concernant les enregistrements, et enfin une démarche hésitante, donne à l'accident une dimension beaucoup plus importante par rapport à la question de cause raisonnable et probable.

[12] Un accident survenu dans des telles circonstances soulève, par exemple, des questions portant directement sur la capacité d'observation de la part de l'intimé et en plus, sur la capacité de ce dernier à réagir en temps utiles. Il est de connaissance judiciaire que la consommation d'alcool est susceptible d'affecter ces facteurs parmi d’autres. Je partage entièrement les commentaires du procureur de l'appelante aux pages 12 et suivantes de son mémoire à ce sujet. Je note, également, que la décision de la Cour d'Appel d'Alberta dans R c Rhyasson, 2006 ABCA 367 (CanLII), (2006) 214 C.C.C. (3d) 337, a été confirmée par une majorité de la Cour Suprême du Canada le 27 juillet dernier 2007 SCC 39 (CanLII), (2007 SCC 39).

Les circonstances d'un accident, combinés à d'autres facteurs, peuvent fournir des motifs raisonnables de croire à la commission de l'infraction de conduite avec les facultés affaiblies

R. c. Rhyason, 2007 CSC 39, [2007] 3 R.C.S. 108

12 Comme la Cour l’a expliqué dans R. c. Bernshaw, 1995 CanLII 150 (C.S.C.), [1995] 1 R.C.S. 254, le critère applicable en matière de motifs raisonnables comporte à la fois une composante subjective et une composante objective :

[E]n vertu du par. 254(3) du Code, le policier doit subjectivement croire sincèrement que le suspect a commis l’infraction et, objectivement, cette croyance doit être fondée sur des motifs raisonnables . . .

. . .

C’est en fonction des circonstances de chaque cas qu’il faut décider si un agent de la paix a des motifs raisonnables de croire qu’une personne est en train de commettre une infraction, le justifiant d’ordonner un alcootest en vertu du par. 254(3) du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C‑46. En conséquence, il s’agit essentiellement d’une question de fait et non de droit seulement. [par. 46]

17 Comme l’a signalé la juge McFadyen, aucune des décisions sur lesquelles le juge du procès s’est appuyé n’indiquait que la preuve de l’absorption d’alcool suffisait à elle seule pour établir l’existence de motifs raisonnables. Le juge du procès a lui‑même fait remarquer que la « combinaison de faits », et non la preuve de la simple consommation d’alcool, avait fourni les motifs raisonnables, comme l’indique l’extrait suivant de ses motifs :

[traduction] [I]l est clair que M. Stevens n’a pas arrêté arbitrairement l’accusé. Au contraire, lorsqu’il a décidé de l’arrêter, M. Stevens avait une conscience subjective d’une combinaison de faits objectifs (piéton décédé sur le lieu de l’accident, l’haleine de la personne qui admet être le conducteur dégage une odeur d’alcool, ainsi que d’autres éléments de preuve de moindre importance compatibles avec la thèse que le conducteur avait consommé de l’alcool) qui, ensemble, signalent raisonnablement l’infraction de conduite avec facultés affaiblies causant la mort.

Il a aussi fait remarquer que des signes de consommation d’alcool [traduction] « suffisent à contribuer à établir l’existence de motifs raisonnables » seulement (par. 24 M.V.R. (je souligne)), et non à établir leur existence.

18 Les deux paragraphes suivant immédiatement les deux phrases contestées sont également pertinents. Le juge du procès a estimé que l’accident était important, faisant remarquer que [traduction] « [s]i l’agent Stevens avait simplement décelé des signes de consommation d’alcool en l’absence d’un accident, on aurait pu valablement affirmer que la preuve de l’absorption d’alcool ne constitue pas en soi une preuve de capacité affaiblie » (par. 25 M.V.R.). Comme l’a fait observer le juge du procès, une jurisprudence abondante confirme que les circonstances d’un accident peuvent être prises en considération, avec d’autres éléments de preuve, pour déterminer si un policier avait des motifs raisonnables d’arrêter une personne pour conduite avec facultés affaiblies. (références omises)

19 Cela ne veut pas dire que la consommation d’alcool conjuguée à un accident inexpliqué fournissent toujours des motifs raisonnables ou, à l’inverse, qu’ils ne le font jamais. L’important, c’est que la décision relative à l’existence de motifs raisonnables doit se fonder sur les faits et reste fonction des circonstances. En l’espèce, la présence d’un accident inexpliqué constituait un facteur que le juge du procès a eu raison de prendre en compte pour statuer sur l’existence de tels motifs.

20 À maintes reprises dans ses motifs, le juge du procès a signalé qu’il ne se fondait pas uniquement sur la preuve de la consommation d’alcool pour conclure que le policier ayant procédé à l’arrestation avait des motifs raisonnables d’exiger un échantillon d’haleine. L’ensemble des motifs démontre que le critère approprié a été appliqué.

mardi 11 janvier 2011

Les danses contacts : divertissement ou acte de prostitution?

Nous reproduisons une partie d'un article signé par Me Dominique Loslier, concernant le statut juridique des danses contacts

[6] Invoquant les erreurs de droit commises par les instances précédentes, les accusés ont demandé la tenue d'un nouveau procès. Les juges majoritaires de la Cour d’appel ont confirmé les déclarations de culpabilité, concluant que ces «danses à 10\$» étaient des actes de prostitution. Il s'agissait de déterminer si la définition jurisprudentielle de la prostitution devait être modifiée pour tenir compte de l'approche évolutive adoptée par la Cour suprême eu égard au concept d'«indécence» dans le contexte de la définition d'une maison de débauche prévue à l'article 197 (1) C.Cr. À cet égard, les accusés ont prétendu que, puisque les notions de «prostitution» et d'«indécence» se trouvaient dans la même définition de «maison de débauche», il était approprié qu'elles soient traitées de la même manière. Or, le juge Hilton, écrivant pour la majorité, a décidé que cet argument faisait fi du contexte dans lequel ces deux expressions sont utilisées à l'article 197 (1) C.Cr. Pour le juge, il est manifeste que ces deux concepts visent deux situations de fait différentes, l’article 197 (1) C.Cr. faisant référence à un local fréquenté par des personnes soit «à des fins de prostitution», soit «pour la pratique d’actes indécents». Il ajoute qu’il n’est pas nécessaire que l’acte commis soit indécent pour qu’il s’agisse de prostitution.

Le juge a rappelé à cet égard que, dans R. c. Tremblay, la Cour suprême avait infirmé une décision de la Cour d’appel qui avait accueilli un amendement visant à substituer l’expression «la pratique d’actes indécents» à «la pratique de la prostitution» dans un acte d’accusation en vertu de l’article 210 (2) b) C.Cr., reconnaissant ainsi la distinction entre ces deux notions. Dans le Renvoi relatif à l'art. 193 et à l'al. 195.1 (1) c) du Code criminel (Man.), la Cour suprême du Canada précise que, bien que la prostitution ne soit pas un crime au Canada, le législateur a choisi de s'y attaquer indirectement par l'inclusion de certaines dispositions du Code criminel, telles les infractions prévues aux articles 211, 212 et 213 C.Cr. Or, de dire le juge Hilton, il est difficile de concevoir que ces infractions soient prouvées en appliquant les principes établis en matière de pratique d'actes indécents. Il retient que le législateur a un intérêt légitime à criminaliser certaines activités liées à la prostitution, sans qu'il soit nécessaire que l'activité sexuelle qui y a donné lieu résulte d'un acte indécent. À cet égard, il cite l'affaire R. c. Jean-Pierre, de la Cour du Québec, qui a reconnu l’accusé coupable d’avoir entraîné des mineures à se livrer à la prostitution et d’avoir vécu de ses fruits. La conduite de l’accusé avait mené ces victimes à exécuter des danses contacts. Pour le juge, retenir la position des accusés entraînerait alors la situation insensée de ne pas pouvoir, dans un cas comme celui de l’affaire Jean-Pierre, poursuivre sous l’article 212 (1) b) ou 212 (2) C.Cr. Le juge Hilton a également rappelé l’affaire Therrien c. R., où la Cour d’appel a conclu qu'il n'était pas important que l'acte reproché soit indécent, dans la mesure où il aboutissait à de la prostitution.

C’est à la lumière de cette jurisprudence, et en particulier en raison de la distinction qui existe entre la prostitution et l'indécence ainsi que l'a établiR. c. Tremblay, que le tribunal a conclu, à l’instar des tribunaux inférieurs saisis de ce dossier, que l'approche pour définir l'indécence adoptée par la Cour suprême dans Labaye et dans R. c. Kouri n'est pas pertinente afin de déterminer ce qui constitue un acte de prostitution pour l'application de l'article 210 (2) b) C.Cr. Ainsi, la prostitution n'est pas une notion subjective qui évolue selon les standards de la société, mais bien une notion objective.

Tiré de :
http://soquij.qc.ca/fr/ressources-pour-tous/articles/les-danses-contacts-divertissement-ou-acte-de-prostitution

Les trois éléments de la légitime défense sous l'autorité du paragraphe 34(2) C.cr

Dubois c. R., 2010 QCCA 835 (CanLII)

[4] Il est acquis au débat que la défense dont il s'agit comporte trois éléments constitutifs :

1. l'existence d'une attaque illégale;

2. l'appréhension raisonnable d'un danger de mort ou de lésion corporelle grave;

3. la croyance raisonnable qu'on ne peut s'en sortir autrement qu'en tuant l'adversaire.

[5] Chacun de ces éléments constitutifs est soumis au critère de la vraisemblance subjective d'une part et objective d'autre part. On entend ce qui suit par test de vraisemblance :

The term "air of reality" simply means that the trial judge must determine if the evidence put forward is such that, if believed, a reasonable jury properly charged could have acquitted.

[6] Ce test n'impose à l'accusé qu'une charge de présentation et non une charge de persuasion. Toutefois, la démarche doit connaître un succès total. L’arrêt Charbonneau de notre cour enseigne:

85 La défense de légitime défense ne pourra être retenue que si, et seulement si, ces trois éléments existent. Le critère du fondement probant ou de la vraisemblance doit donc s'appliquer à chacun d'eux. Si l'un ou l'autre de ces éléments n'est pas vraisemblable ou ne repose pas sur un fondement probant, la légitime défense n'a pas à être soumise à l'appréciation du jury. L'erreur du juge serait alors sans conséquence.

Définition jurisprudentielle de l'infraction d'importation au sens de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances

Charbonneau c. R., 2005 QCCA 1054 (CanLII)

[31] Il est certain que le législateur n'a pas défini le mot importation de l'article 6 de la Loi non plus que le mot exportation qui s'y retrouve. Cependant, la Cour suprême dans l'arrêt R. c. Bell a appliqué le sens ordinaire du mot comme étant le fait d'introduire ou de faire introduire un stupéfiant au pays, et ce, sans égard au fait que la personne aille quérir la drogue à son point d'entrée au pays.

[33] Comme le mentionnait le juge McIntyre, dans cette affaire :

To convict of importing, it is not necessary to show that the accused actually carried the goods into the country. Neither is it necessary to show that the accused was present at the point of entry. It is quite possible for "A" while at town "X" to make all the arrangements and perform all the acts required to import illicit goods at town "Y". Indeed, in ordinary commerce, merchants in, say, Vancouver import goods through eastern Canadian ports on a regular basis without ever visiting the port of entry. The same principle can be applied in criminal cases and criminal acts performed in one province can render the actor liable to prosecution in another province and subject to the jurisdiction of that other province.

[35] Par ailleurs, il existe une jurisprudence constante que l'infraction d'importation est commise lorsqu'on prend des dispositions pour importer la drogue. Comme le mentionnait le juge O'Meara de la Cour des sessions du Québec:

I find that there is no ambiguity nor any equivocation in the words "import into Canada" set forth in s. 5(1) of the Act concerned and, on applying to them their ordinary and grammatical sense, it is made abundantly clear that the intent of Parliament is to prohibit the illegal bringing in of narcotics to Canada from an external source, no matter under what circumstances the illicit introduction into the country takes place and regardless of the means employed in the transporting across the national frontiers of the forbidden substance.

[36] Cette interprétation a été adoptée dans plusieurs arrêts subséquents.

La possession récente est une fiction juridique qui permet de conclure à une preuve suffisante du vol lorsque la possession du bien volé possède un caractère récent

Ramkaran c. R., 2009 QCCA 852 (CanLII)

[39] La possession récente est une fiction juridique qui permet de conclure à une preuve suffisante du vol lorsque la possession du bien volé possède un caractère récent : R. c. Kowlyk, 1988 CanLII 50 (C.S.C.), [1988] 2 R.C.S. 59.

[40] En outre, la possession récente peut relier le possesseur d'un objet volé à d'autres crimes que le vol. Dans l'arrêt Coffin c. La Reine, 1956 CanLII 94 (S.C.C.), [1956] R.C.S. 191, c'est la possession d'objets ayant appartenu aux victimes qui reliait l'accusé au meurtre des trois chasseurs.

[41] Dans R. c. Chatten, [1988] O.J. no 831, une affaire où un des accusés avait en sa possession un collier qui appartenait à la victime d'un meurtre, le juge Finlayson de la Cour d'appel d'Ontario écrit pour la cour que la possession est un élément de preuve pouvant relier l'accusé au crime sans toutefois que cela conduise nécessairement à une condamnation pour meurtre au premier degré. Il écrit ceci :

The law as stated in the Coffin case is that if, after the commission of the crime, a person is found in possession of stolen goods associated with the crime, that person is called upon to account for the possession and must give an explanation which is not unreasonable or improbable. It does not follow that if the jury rejects the explanation they must find, as they did in the case on appeal, that such person was guilty of first degree murder. He might have had an involvement in the crime, but it would have been more appropriate if the trial judge had restricted himself to stating to the jury that their disbelief or any explanation that Leonard Chatten gave as to how he came to be in possession of the necklace could be confirmatory of the evidence of Lillicrap and that the necklace evidence was significant material evidence which they could use to link Leonard Chatten with the crime with which he was charged.

vendredi 7 janvier 2011

Les principes directeurs concernant la modification de la date d’une infraction contenue dans une dénonciation

R. c. Sturgeon, 2008 NBCP 22 (CanLII)

[30] Il est permis de résumer comme suit les principes directeurs qui se dégagent des jugements précités :

1) Une modification de la date d’une infraction présumée ne constitue pas l’introduction d’une nouvelle procédure si, malgré que la modification soit postérieure au délai de prescription, la date modifiée, eût-elle été indiquée correctement dès l’introduction originelle de la procédure, serait demeurée en deçà du délai de prescription ‘R. c. Wakeley, par. 1);

2) Toute modification d’une dénonciation apportée avant l’instruction de l’affaire, autrement qu’en vertu des pouvoirs que confèrent les dispositions législatives régissant les modifications, suivie d’un nouveau dépôt de la dénonciation après l’expiration du délai de prescription de la procédure, peut emporter prescription de l’instance ‘R. c. J.D. Irving Ltd.);

3) Le nouveau dépôt d’une dénonciation, après qu’a été apportée une modification de la date qui se conforme aux dispositions législatives régissant les modifications, qui n’a pour effet d’inculper, ni d’une nouvelle infraction, ni d’une infraction semblable perpétrée à un moment substantiellement différent, et qui ne fait que préciser ou circonscrire le chef d’inculpation, n’emporte pas prescription de la procédure lorsque la date modifiée porte l’infraction par‑delà le délai de prescription ‘R. c. St. Stephen Woodworking Ltd. ‘1972), 8 C.C.C. ‘2d) 377 ‘C.A.N.‑B.), p. 380 et 381);

4) Toute modification substituant une infraction nouvelle ou différente à l’infraction de la dénonciation d’origine introduit une nouvelle procédure et fait intervenir le délai de prescription applicable ‘R. c. Ross, par. 5, et R. c. Ayer, par. 12).

5) Une modification qui porterait un préjudice irréparable à la défense ne peut pas être faite ‘Morozuk c. La Reine, R. c. Campbell, et Ewaschuk, E.G., Criminal Pleadings & Practice in Canada).

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Revue de l'infraction de devoir de fournir les choses nécessaires à l’existence

R. v. Peterson, 2005 CanLII 37972 (ON CA) Lien vers la décision [ 34 ]           Section 215(1)(c) differs from section s. 215(1)(a), which ...