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mercredi 13 avril 2011

On ne devrait imposer l'emprisonnement que lorsque aucune autre sanction ou combinaison de sanctions n'est appropriée pour l'infraction et le délinquant

R. c. Gingras, 2008 QCCA 1110 (CanLII)

[10] Il faut noter ici que la dissuasion et la dénonciation ne sont pas toujours des facteurs déterminants : la clémence est parfois de mise, lorsqu'il s'agit d'assurer la réhabilitation du délinquant, objectif qui n'est pas moins important que les deux autres. Il faut noter aussi que la Cour suprême, par exemple dans l'arrêt R. c. Gladue, précité, rappelle fréquemment qu'en application de l'article 718.2, paragr. (d) C.cr., « [o]n ne devrait imposer l'emprisonnement que lorsque aucune autre sanction ou combinaison de sanctions n'est appropriée pour l'infraction et le délinquant ». Dans le même sens, voir l'arrêt R. c. Proulx, précité.

mardi 12 avril 2011

La règle d'exclusion d'une déclaration selon les règles de common law

R. c. Auclair, 2004 CanLII 24201 (QC C.A.)

[37] Il est acquis depuis les arrêts Ward c. La Reine, 1979 CanLII 14 (C.S.C.), [1979] 2 R.C.S. 30, Horvath 1979 CanLII 16 (C.S.C.), [1979] 2 R.C.S. 376, et Hobbins c. La Reine, 1982 CanLII 46 (C.S.C.), [1982] 1 R.C.S. 553, que sont pertinentes pour déterminer le caractère libre et volontaire d'une déclaration, les circonstances de l'obtention d'une déclaration qui peuvent créer une atmosphère d'oppression ou d'intimidation: l'oppression s'entend de ce qui mine le libre arbitre [R. c. Otis (2000) 37 C.R. (5th) p. 320, (C.A. Québec)]. Il ne s'agit pas ici de nier aux policiers toute tentative de persuader un sujet de passer aux aveux dans le respect de ses droits fondamentaux. À ce sujet, je reprends ici certaines des propositions de droit énoncées dans R. c. Otis, précité:

(1) Il est légitime de donner l'opportunité aux policiers de poursuivre leur enquête afin d'obtenir des aveux.

(2) En dépit des aveux spontanés qui peuvent toujours survenir, l'expérience démontre que c'est l'interrogatoire qui généralement permet de convaincre une personne de passer aux aveux.

(3) Tout en concédant aux policiers le pouvoir de persuader une personne de passer aux aveux en dépit de son intention exprimée de garder le silence, doit être prise en compte la position de force qu'occupe celui qui interroge le sujet qui est en situation de dépendance.

(4) Quand une personne fait valoir son droit, on ne peut l'ignorer et agir comme si elle y avait renoncé.

(5) Dans l'état actuel du droit, ce sont à la fois les facteurs objectifs et subjectifs qui doivent être examinés dans la détermination du caractère volontaire des aveux, règle qui met essentiellement en cause ce qui a influé sur le libre arbitre.

et en plus qu'il n'est pas acceptable de prolonger la détention pour persuader une personne de parler. Je discute maintenant du principe de common law quant à la contamination.

[38] Selon la règle de common law relatives aux confessions, «… une confession subséquente serait involontaire si l'une des caractéristiques ayant vicié la première confession existait toujours ou si la première déclaration était un facteur important qui a incité à faire la seconde déclaration.» (R. c. I.(L.R.), Horvath c. La Reine et Hobbins c. La Reine, précités).

[39] Dans Horvath, le juge Beetz, avec l'accord du juge Pratte (composant la majorité avec les juges Spence et Estey), cite avec approbation l'opinion du juge en chef Parker, de la Cour d'Appel d'Angleterre, dans l'arrêt Regina v. Smith, [1959] 2 Q.B. 35, qui dégageait de la jurisprudence le principe d'une déclaration viciée par un facteur ayant contaminé une déclaration antérieure: on a alors considéré primordial le laps de temps entre les deux déclarations, de même que les circonstances et la mise en garde pour déterminer si le facteur contaminant s'était dissipé. De même, dans l'arrêt Regina v. Logue (1969), 2 C.C.C. 346 (C.A. Ont.), on s'est interrogé sur la question de savoir si les circonstances qui ont rendu irrecevable la première déclaration ont contribué à entacher la déclaration subséquente.

Une personne détenue doit connaître l'ampleur du risque pour décider s'il exerce ou renonce à son droit à l'avocat et son droit au silence

R. c. Auclair, 2004 CanLII 24201 (QC C.A.)

[48] Rappelons ici certains principes de base:

1) On ne peut exercer un droit que dans la mesure où on en est bien informé: R. c. Black, 1989 CanLII 75 (C.S.C.), [1989] 2 R.C.S. 138;

2) Le choix d'une personne détenue à l'égard de ses droits est guidé par les motifs de la détention: R. c. Borden, 1994 CanLII 63 (C.S.C.), [1994] 3 R.C.S. 145;

3) Il est primordial que le sujet connaisse l'ampleur du risque qu'il court pour faire un choix judicieux: R. c. Smith, [1996] 1 R.C.S. 714.

[49] Quel est le fondement de ce principe maintes fois réitéré par la Cour suprême selon lequel un inculpé ou une personne détenue doit connaître l'ampleur du risque pour décider s'il exerce ou renonce à son droit à l'avocat et son droit au silence? Sur la compréhension par la personne de sa situation pour mieux apprécier les conséquences de sa décision (R. c. Smith, précité, p. 727 et R. c. Evans, 1991 CanLII 98 (C.S.C.), [1991] 1 R.C.S. 869). Conséquemment, il est du devoir des policiers, par exemple dans un cas où l'enquête évolue et la situation juridique du suspect change, d'en informer ce dernier: il peut être très loquace à une étape où l'enjeu est moins compromettant et exercer son droit au silence lorsque confronté à une accusation sérieuse.

[50] À partir de cette théorie, comme on a même trompé l'appelant sur l'ampleur du risque qu'il courait au moment de VD-12, et que lors de l'interrogatoire qui a suivi on est silencieux au sujet de son statut alors qu'on devait l'informer qu'il était détenu, il me paraît impossible de conclure à la connaissance par l'appelant de l'ampleur du risque qu'il courait lorsqu'il s'est soumis à l'interrogatoire: on l'a tout simplement empêché de connaître l'ampleur du risque.

[51] Mais il y a plus. Indépendamment de cet aspect de l'ampleur du risque, le fait brutal demeure que nous sommes en présence d'une violation flagrante des droits. Nous savons que le policier Lamarche, aux dires du premier juge, «trouvait révoltant» que l'appelant ait nié sa participation lors de l'interrogatoire antérieur; c'est Lamarche qui a sollicité la permission de son supérieur pour interroger à son tour l'appelant et c'est dans ce contexte qu'il s'est délibérément abstenu de mettre en garde l'appelant et de l'informer de son statut de détenu.

lundi 11 avril 2011

La mens rea requise concernant le port d'une arme dissimulée sera établie si le ministère public prouve hors de tout doute raisonnable que l'accusé a dissimulé un objet qu'il savait être une arme

R. c. Felawka, [1993] 4 R.C.S. 199

En bref, la mens rea ou l'élément moral requis sous le régime de l'art. 89 sera établi si le ministère public prouve hors de tout doute raisonnable que l'accusé a dissimulé un objet qu'il savait être une arme. Pour prouver la dissimulation, il faudrait établir que l'accusé a pris des mesures pour cacher l'arme de façon à ce qu'elle ne puisse être vue.

Un fusil transporté dans un étui ne sera pas considéré comme dissimulé. Dans la grande majorité des cas, l'étui à fusil ressemble à l'arme à feu elle‑même, de sorte que celle‑ci ne peut être considérée comme cachée. En outre, le fait d'envelopper une arme à feu dans une couverture ou une toile et de l'attacher solidement avec une corde comme le requièrent certains règlements provinciaux ne devrait pas être considéré comme le fait de dissimuler l'arme. Je le répète, dans la grande majorité des cas, l'arme enveloppée ressemblera toujours à une arme à feu et ne sera pas considérée comme dissimulée. En outre, le fait de ranger une arme à feu dans un coffre verrouillé ou de façon à ce qu'elle ne soit pas visible dans un véhicule verrouillé et non surveillé conformément au règlement fédéral ne devrait pas être considéré comme le fait de «porter une arme dissimulée» de manière à violer l'art. 89 du Code criminel. Le règlement en question et la disposition du Code doivent être interprétés de façon à éviter les conflits et à servir leurs objectifs.

De même, le fusil qui se démonte pour être transporté dans un étui qui ressemble à une serviette ne devrait pas être considéré comme dissimulé s'il est clairement indiqué sur l'étui qu'il s'agit d'un étui à fusil.

Je me permets de signaler que, non seulement les fusils transportés dans des étuis ne sont pas dissimulés, mais ils ne causeront pas le même malaise qu'une arme nue. Ouvrir un étui à fusil, en sortir le fusil, le charger et l'utiliser nécessite un certain temps. Tout le monde en est conscient, ce qui atténue la nervosité créée par un fusil non rangé dans un étui.

Les éléments constitutifs de l'infraction prévue par l’article 91(1) du Code criminel

Rousseau c. R., 2005 QCCA 470 (CanLII)

[1] L’infraction prévue à l’article 91(1) et (3) du Code Criminel est consommée si le possesseur de l’arme à feu ne détient pas à la fois le permis et à la fois un certificat d’enregistrement de l’arme.

[2] Cette détention peut être soit réelle ou soit le résultat de l’application des présomptions découlant des mesures transitoires prévues à l’article 98 du Code criminel.

dimanche 10 avril 2011

Un seul élément peut suffire pour établir qu'il y a eu harcèlement criminel, particulièrement dans le contexte où des événements antérieurs sont survenus qui colorent ou teintent les plus récents comportements

R. c. Vaillancourt, 2011 QCCQ 2434 (CanLII)

[37] Les gestes reprochés, à savoir la visite dans l'entrée de la résidence des victimes et les deux messages laissés sur le site Facebook de l'accusé peuvent-ils être suffisant pour fonder l'accusation?

[38] La jurisprudence établi clairement que tel peut être le cas (R. c. Kosikar 1999 CanLII 3775 (ON C.A.), 1999 CanLII 3775 (ONCA), R. c. Ohenhen 2005 CanLII 34564 (ON C.A.), 2005 CanLII 34564 (ONCA), etc.).

[39] Un seul élément peut suffire, particulièrement dans le contexte où des événements antérieurs sont survenus qui colorent ou teintent les plus récents comportements.

[40] La Cour d'appel d'Ontario s'est exprimée ainsi dans l'arrêt Kosikar 1999 CanLII 3775 (ON C.A.), (1999 CanLII 3775 ON C.A.):

[27] This conclusion is enough to answer the question of law raised on this appeal. However, the peculiar facts of this case warrant one further comment. Here, the single incident constituting the threatening conduct is the sending of the letter
in January 1998. The evidence of the prior contact between the appellant and the complainant is used to prove that as a consequence, the complainant felt harassed. That prior contact is not an element of the offence. The fact that the complainant felt harassed as a consequence of receiving the letter is. Hence, this conviction is not a second conviction of the appellant for this prior contact.

[28] Moreover, while in this case the prior contact is important proof of the consequence caused to the complainant, it is possible to imagine a case where the complainant's feeling harassed would be proven not through the context of prior contact but by evidence of a single incident that carried the real future prospect of the continuing tormenting of the complainant. In other words, prior contact may not be the only way of proving the necessary consequence of a single act of threatening conduct.

jeudi 7 avril 2011

Le droit concernant l'engagement de garder la paix (l'article 810 C.cr.)

R. c. Lacerte, 2011 QCCQ 2433 (CanLII)

[75] L'article 810 C.cr. ne crée pas une infraction mais recherche plutôt l'intervention préventive du tribunal. Il s'agit d'une ordonnance de nature pénale qui vise la prévention de la commission d'infractions criminelles.

[76] Une personne qui a des motifs raisonnables de craindre pour sa sécurité, celle de son conjoint, de son enfant ou de ses biens peut déposer une dénonciation à cet effet devant un juge de paix; une autre personne peut la déposer pour elle. C'est le cas en l'espèce; c'est l'enquêteur qui a reçu la plainte de harcèlement criminel qui a déposé la dénonciation.

[77] La loi prévoit que sur réception de la dénonciation, le juge de paix peut faire comparaître les parties devant lui ou devant une cour des poursuites sommaires. À cette étape, la partie XXVII du Code criminel s'applique aux procédures de sorte que le juge de paix peut émettre une sommation ou un mandat d'arrestation pour faire comparaître le défendeur. Dans la présente affaire, c'est par voie de sommation que le défendeur a été appelé à comparaître.

[78] Au terme de l'audition, le juge de paix ou la cour des poursuites sommaires peut - s'il est convaincu par la preuve apportée que les craintes de la personne sont fondées sur des motifs raisonnables - ordonner que le défendeur contracte un engagement, avec ou sans caution, de ne pas troubler l'ordre public et d'observer une bonne conduite pour une période maximale de 12 mois ainsi que de se conformer aux autres conditions que la cour estime souhaitables pour assurer la bonne conduite du défendeur. La loi prévoit que le juge peut envoyer le défendeur en prison pour une période maximale de 12 mois s'il omet ou refuse de contracter l'engagement. (art. 810(3), (3.1) (3.2) C.cr.)

[79] L'ordonnance émise de contracter un engagement de garder la paix ne constitue pas une condamnation criminelle, elle ne sanctionne pas la commission d'un délit. Elle ne confère pas de casier judiciaire. L'obligation légale de respecter des conditions durant une période déterminée, imposée au défendeur, constitue néanmoins une entrave à sa liberté. Elle porte ainsi atteinte au droit à la liberté du défendeur, un droit protégé par la Charte canadienne des droits et libertés. Elle ne doit pas être rendue à la légère. R. v. MacKenzie (1945), 85 C.C.C. 233 (Ont. C.A.), R. v. Budreo reflex, (1996), 104 C.C.C. (3d) 245 (Ont. Gen. Div.) (2000), 142 C.C.C. (3d) 225 (Ont. C.A.).

[80] Une audition pour l'obtention d'une ordonnance en vertu de l'article 810 C.cr. oppose donc des intérêts et des droits différents: le droit à la sécurité du demandeur et le droit à la liberté du défendeur. Pour assurer l'équilibre, la loi prévoit que le juge ne peut rendre l'ordonnance que s'il est convaincu de l'existence

• d'une crainte subjective

• fondée sur des motifs raisonnables

que le défendeur cause des lésions personnelles au demandeur ou à un membre de sa famille immédiate ou des dommages à leur propriété.

[81] La jurisprudence, très largement majoritaire, reconnaît que le fardeau de preuve requis et auquel réfèrent les termes « convaincu » dans la version française et "satisfied" dans la version anglaise est celui de la preuve prépondérante. R c. Soungie 2003 A.J. 899 et Réhel c. Guimont 2004 CanLII 20200 (QC C.Q.), 2004 IIJCan 20200 (C.Q.)

[82] Si le témoignage du demandeur permet au juge de connaître ses raisons subjectives d'avoir des craintes, c'est en examinant l'ensemble de la preuve que la décision doit être rendue. Ainsi, la preuve peut porter sur des faits postérieurs à la dénonciation ou sur des faits qui ne sont même pas à la connaissance du demandeur, par exemple la propension à la violence du défendeur. De même, la preuve apportée par le défendeur peut jeter un éclairage différent sur la perception subjective des événements relatés par le demandeur. Cette preuve est pertinente et peut aider le juge à déterminer si la crainte est fondée sur des motifs raisonnables.

[83] En ce qui concerne la recevabilité de la preuve, les règles sont souples. La preuve par oui-dire est admissible tout comme la preuve de caractère dans la mesure où la preuve est crédible et digne de foi. Voir R. c Budreo précité; R c. Stewart (1988) J. Q. no. 715, C.S. Montréal

[84] Quel est le sens à donner à l'expression « lésion personnelle » utilisée à l'article 810 C.cr? Dans la version anglaise de l'article 810 C.cr., le législateur utilise l'expression "personal injury". La loi est muette.

[85] La notion de lésions corporelles est une notion distincte qui elle, est définie à l'article 2 du Code criminel. Il doit s'agir d'une blessure qui nuit à la santé ou au bien-être d'une personne et qui n'est pas de nature passagère ou sans importance. Cependant, il est admis que le demandeur n'a pas à établir la crainte de lésions corporelles, telles que définies à la loi, pour obtenir une ordonnance en vertu de l'article 810 C.cr.

[86] On sait aussi que les lésions psychologiques peuvent constituer des lésions corporelles. Dans l'arrêt R. c. McCraw 1991 CanLII 29 (C.S.C.), (1991) 3 R.C.S. 72, la Cour suprême a conclu que l'expression lésions corporelles comprend une blessure psychologique grave ou importante, une blessure psychologique qui nuit de manière importante à la santé ou au bien-être d'une personne.

[87] La jurisprudence en matière d'ordonnance de garder la paix reconnaît donc que la lésion personnelle inclut la lésion psychologique. Voir R. c. Soungie 2000 A.J. 899, R. c. Hujdic (1997) S.J. 779, R. c. Labarge (2006) CarswellQue 9223.

[88] Cela ne signifie pas pour autant que la crainte de n'importe quel degré d'atteinte psychologique suffise pour étayer une demande d'ordonnance, parce qu'il ne faut pas perdre de vue que le but de l'engagement prévu à l'article 810 C.cr. est de prévenir la commission d'une infraction criminelle. L'atteinte à l'intégrité physique ou psychologique redoutée doit donc être suffisante pour constituer une infraction si elle se réalisait. Une atteinte à l'intégrité psychologique constitue une infraction criminelle lorsqu'il y a, par exemple, menace de mort ou de lésions corporelles, harcèlement criminel ou intimidation.

[89] Quant à l'infraction de harcèlement criminel, elle ne sanctionne pas le comportement simplement répétitif et dérangeant. Le harcèlement est criminel lorsque l'acte ou la répétition d'actes posés a pour effet de susciter une crainte raisonnable pour la sécurité. (art. 264 C.cr.)

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Le droit applicable à la preuve de la conduite postérieure à l’infraction

R. c. Cardinal, 2018 QCCS 2441 Lien vers la décision [ 33 ]             L’essentiel du droit applicable à la preuve de la conduite postérieu...