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mercredi 11 juin 2014

Il n'existe pas une règle absolue exigeant que toutes les déclarations faites à une personne en autorité soient enregistrées

Caron c. R., 2007 QCCA 1569 (CanLII)


[56]           La règle des confessions vise uniquement à déterminer si la déclaration a été faite librement et volontairement indépendamment de leur véracité.
[57]           Dans l'arrêt R. c. Moore-McFarlane, la juge Charron ne crée pas une règle absolue qui exigerait que toutes les déclarations soient enregistrées sur vidéocassette.
[58]           Elle indique simplement que dans le cadre de l'analyse du contexte de la prise d’une déclaration extrajudiciaire, si les policiers décident volontairement de ne pas se servir du système audio‑vidéo disponible pour interroger un détenu, cela rend l'interrogatoire suspect. Elle écrit au paragraphe [65] de ses motifs :
[…] Indeed, it is my view that where the suspect is in custody, recording facilities are readily available, and the police deliberately set out to interrogate the suspect without giving any thought to the making of a reliable record, the context inevitably makes the resulting non‑recorded interrogation suspect. In such cases, it will be a matter for the trial judge on the voir dire to determine whether or not a sufficient substitute for an audio or videotape record has been provided to satisfy the heavy onus on the Crown to prove voluntariness beyond a reasonable doubt.
[Italiques ajoutés par la juge Charron]
[59]           Il est important de lire cette affirmation dans le contexte du dossier. Dans cette affaire, les deux accusés avaient témoigné dans le cadre du voir‑dire que les policiers avaient confisqué leurs vêtements pour effectuer des analyses et que l'interrogatoire s'était déroulé dans un climat d'oppression et même de violence à leur égard. Appliquant l'approche moderne d'analyse des confessions, où la fiabilité doit être prise en compte de façon contextuelle, elle a conclu que les déclarations n'auraient pas dû être admises en preuve.
[60]           Ainsi, ce n'est pas tous les interrogatoires qui deviendront suspects parce que non enregistrés par les policiers. D'ailleurs, le juge Iacobucci écrit pour la majorité, dans l'arrêt R. c. Oickle :
[…]
Cela ne veut pas dire que les interrogatoires qui ne sont pas enregistrés sont intrinsèquement suspects, mais simplement que, de toute évidence, l'existence d'un enregistrement peut grandement aider le juge des faits à apprécier la confession.
[61]           Cela dit, les propos de la juge Charron n'ont pas eu pour effet d'exiger que toutes les déclarations prises par les policiers doivent nécessairement être enregistrées sur vidéocassette, bien que cela soit largement préférable.

[64]           Il est certain que la fiabilité de la déclaration est un facteur d'appréciation du caractère libre et volontaire de celle‑ci. Comme en l'espèce, le policier a noté les propos tenus lors de la rencontre, sans avoir plus de détails sur l'enquête que ceux fournis par l'appelant, cela laisse croire au caractère volontaire de la déclaration. De plus, l'agent banalisé ne pouvait se servir ici de menaces ou de promesses. Son approche était plutôt celle d'un individu ayant besoin de conseils à l'égard de son arrestation.

[69]           Dans Wilson, les policiers avaient délibérément omis d'enregistrer l'interrogatoire de l'accusé, alors qu'ils disposaient de tout le matériel nécessaire à cet effet, sans fournir de justification valable. Selon les policiers, l'accusé avait admis savoir qu'il transportait de la cocaïne dans ses bagages. De son côté, l'accusé niait avoir tenu de tels propos. Lors des discussions qui ont précédé les directives, le procureur de Wilson avait demandé au juge de mentionner au jury que l'absence d'enregistrement de l'interrogatoire est un facteur important à considérer sur la question de déterminer quelle version croire, ce qu'il refusa de faire. Sur l'opportunité d'émettre une telle directive, le juge Rosenberg écrit :
[20]   Most of the cases that have considered the issue of videotaping of statements have been concerned with the impact of the failure to videotape on admissibility. However, in my view, and for the reasons set out in Swanek, in appropriate circumstances, a special instruction should be given to the jury where the accused contests the accuracy of the non‑recorded statement. Over a decade ago, Carthy J.A. in his concurring reasons in R. v. Barrett 1993 CanLII 3426 (ON CA), (1993), 82 C.C.C. (3d) 266 (Ont. C.A.) at 270, noted the central feature a confession can play in a criminal case and the importance of having an accurate record of what occurred: and he said this: "On this determinative issue of conviction the police force has, by its own choice in this case, denied the court the opportunity of an undeniable record of what led to the 'conviction'. Given the modest cost of videotape equipment, such critical evidence should not, in fairness, be restricted to sworn recollection of two contesting individuals as to what occurred in stressful conditions months or years ago. The evidence is admissible under our present rules, but everyone involved in the criminal justice system should make reasonable efforts to better serve its ultimate ends."
[21]   These concerns do not relate solely to voluntariness; they also relate to the jury's task in attempting to decide whether the accused confessed as alleged by the police. Barrett was overturned on appeal to the Supreme Court of Canada 1995 CanLII 129 (SCC), (1995), 96 C.C.C. (3d) 319, on the basis that the failure of the trial judge to give reasons for admitting the statement did not amount to an error of law. That decision does not take away from the common sense identified by Carthy J.A.'s reasons.
[70]           Et il poursuit plus loin :
[23]   Thus, there must be other circumstances before a trial judge would be entitled to give the special instruction sought in this case. One set of circumstances was identified in R. v. Moore‑McFarlane at para. 65: "where the suspect is in custody, recording facilities are readily available, and the police deliberately set out to interrogate the suspect without giving any thought to the making of a reliable record, the context inevitably makes the resulting non‑recorded interrogation suspect". Admittedly, in that case, Charron J.A. was concerned with voluntariness, but for the reasons set out above the concern for accuracy that arises at the voluntariness stage also applies at the guilt or innocence stage.
[24]   In my view, it was open to the jury to find that the police deliberately set out to interrogate the appellant without giving any thought to the making of a reliable video or audio record. The jury should therefore have been instructed along the lines suggested in R. v. Swanek that this was an important factor to consider in deciding whether to rely on the officer's version of the statement.
[71]           Il y a lieu de distinguer les faits du présent dossier de ceux de l'arrêt Wilson. En l'espèce, les policiers n'ont pas délibérément omis d'enregistrer la discussion entre l'appelant et l'agent Savard. Il ne s'agissait pas d'un interrogatoire dans une salle prévue à cet effet disposant de l'équipement nécessaire pour procéder à l'enregistrement de la déclaration, mais plutôt d'une opération qui se voulait secrète par définition. Lorsque les policiers décident de ne pas enregistrer la déclaration d'un accusé alors qu'ils pouvaient le faire, et qu'ils n'expliquent pas cette omission, il est légitime de s'interroger sur la fiabilité du témoignage de celui qui rapporte la déclaration. En l'espèce, il s'agissait d'une opération d'infiltration et la cellule dans laquelle elle s'est déroulée n'était pas équipée d'un dispositif d'enregistrement audio et vidéo. Les policiers n'ont pas choisi délibérément de ne pas enregistrer la conversation et les circonstances ne rendaient pas le témoignage de l'agent Savard suspect.

dimanche 8 juin 2014

La déclaration à une personne en autorité VS les lacunes identifiées par la jurisprudence

César-Nelson c. R., 2014 QCCA 1129 (CanLII)


[67]        L'admission du caractère libre et volontaire des déclarations ne permet pas d'en déduire leur caractère probant :
The trial judge has a discretion to accept the waiver and dispense with the holding of a voir dire. If the trial judge accepts the waiver, the statement is admissible without a voir dire. In these circumstances, the waiver is not a acknowledgment of its evidential value, but is merely an acknowledgment of its voluntariness.
[renvois omis et je souligne]
[68]        Le caractère volontaire de la déclaration et la bonne foi des policiers ne rendent pas la déclaration d’un accusé telle que notée admissible, pertinente et probante :
[29]      McClung, J.A. suggests that because there was no deliberate editing or bad faith, it should be admissible if it is voluntary. I disagree. It is not the good faith of the police that is in issue but the meaning of the words. He further suggests that the accused could have clarified the meaning of the words by testifying or by calling his father to testify. This is not the accused's onus. It is the onus of the Crown to adduce words capable of meaning before the defence has anything to meet. An inference cannot be used to make words an admission when the evidence clearly indicates the words were an incomplete statement and therefore meaning could not be ascertained. The Crown must make a prima facie case for admission. An inference cannot be used to fill in holes in the evidence. […] 
[je souligne]
[69]        Le fait qu’une déclaration soit non enregistrée, tronquée et rapportée hors contexte peut influencer la décision d’un tribunal sur le caractère libre et volontaire de la déclaration, mais aussi sur sa fiabilité et sa valeur probante.
[70]        L'examen de la jurisprudence fait rapidement voir que de telles lacunes dans la preuve entraineront, selon leur importance, soit une simple diminution de la valeur probante, soit l'exclusion de la déclaration lorsque la valeur probante est surpassée par l'effet préjudiciable.
[71]        Plusieurs lacunes identifiées par la jurisprudence se retrouvent en l'espèce : (i) absence d'enregistrement, (ii) prise partielle de notes et (iii) absence de contexte.
L’absence d'enregistrement
[72]        Nous n'avons, en l'espèce, aucune explication ou preuve pour justifier l'absence d'enregistrement des appelants dans les salles d'interrogatoires.  La preuve offerte par la poursuite ne permet pas de pallier cette lacune et ne saurait justifier que le juge s’en soit remis aveuglément aux notes comme étant une transcription fiable des propos des accusés.  Certaines erreurs patentes se sont glissées dans les notes.  Par exemple, le prénom de la fille de César-Nelson n’est pas Mélina tel que la policière Pascale Jacques l’a noté.
La prise partielle de notes
[73]        La policière Jacques admet ne pas être une « sténo-dactylo » et dit essayer de « noter le plus possible […] de ce qui […] contient la réponse » de César-Nelson.  Il était donc admis que les déclarations n’ont pas été rapportées verbatim.  Malgré cela, le juge a tenu compte des choix de mots particuliers dans les notes de la policière pour reprocher à l’accusé César-Nelson de ne pas dire la vérité.  Il est dangereux de tirer de telles conclusions sur le choix des mots alors que les propos de l’accusé ne sont pas rapportés mot pour mot.
[74]        À tout le moins, le juge aurait dû se mettre en garde du fait que les mots notés ne sont pas ceux des appelants, mais plutôt ceux qui résultent de l'interprétation personnelle de la policière.
[75]        Qui plus est, en l'espèce, les notes ne rapportaient pas tous les échanges.  Elles ont fait l'objet d'un choix de la part de la policière.  On ne sait rien des questions et des réponses que la policière n'a pas jugé à propos de reproduire.  Comme notre Cour a eu l'occasion de le souligner, il appartient aux tribunaux et non aux policiers de décider de la pertinence des propos d'un accusé :
Dans la cause de R. c. Rosik, (1971) 13 C.R.N.S. 129, Monsieur le juge MacKay de la Cour d'Appel d'Ontario, en parlant de l'obligation de la Couronne de produire en preuve toute la déclaration de l'accusé, s'est prononcé comme suit à la page 137:
There is authority that if a statement is partly inculpatory and partly exculpatory and the Crown elects to adduce evidence of the statement, the whole of the statement must be put in and, in such case, it is received as evidence of its truth as to the exculpatory part as well as the inculpatory part.
Mon collègue Monsieur le juge Kaufman, dans son livre The Admissibility of Confessions, 3ième édition, 1979, à la page 139, en parlant d'une déclaration à la fois incriminante et disculpatoire, écrit:
When questions are asked, it is of the utmost importance to keep a complete record of all questions and answers, and to resist the temptation to reduce to writing only that part which inculpates the accused. Indeed, failure to recollect the complete conversation may jeopardize an otherwise acceptable confession, but once again this is a matter of appreciation for the judge.
Madame le juge Barrette Joncas de la Cour supérieure dans Regina v. Smithreflex, (1981) 60 C.C.C. (2d) 327, a refusé d'accepter une déclaration qui ne contenait pas tout ce que l'accusé avait dit.
Il appartient au juge du procès et non pas aux policiers de décider de la pertinence des questions et réponses. Dans le présent cas, les policiers auraient dû prendre par écrit tout ce qui touchait le sujet de leur enquête.
Avec égard, je suis d'opinion que le juge a fait une erreur grave en admettant en preuve la déclaration de l'appelant qui, selon  moi,  est  inadmissible  pour  les raisons ci-haut mentionnées.
[je souligne]
L’absence de contexte
[76]        Les tribunaux se sont également penchés sur l’importance du contexte, et ce, particulièrement dans les cas où la déclaration rapportée est amputée des mots qui ont pu être prononcés avant ou après les mots notés.  Ainsi, dans R. c. Ferris, la Cour suprême écrit :
À notre avis, quant à la preuve selon laquelle on a entendu l'intimé dire [Traduction] "J'ai tué David", si elle avait eu quelque pertinence que ce soit, en raison des circonstances exposées complètement par le juge Conrad, sa signification était si conjecturale et sa valeur probante si faible que le juge du procès aurait dû l'exclure pour le motif que son effet préjudiciable l'emportait sur sa valeur probante.
[je souligne]
[77]        Dans ce court arrêt, la Cour suprême valide la décision de la Cour d’appel de l’Alberta d’exclure la déclaration de l’accusé et d’ordonner un nouveau procès.  Alors que le caractère libre, volontaire et fiable de la déclaration « j’ai tué David » était acquis au débat, la Cour d’appel de l’Alberta a jugé que le sens de ces mots était trop équivoque pour constituer un aveu admissible :
[26]      In this case, however, it is not a question of whether the utterance was given. Here words were spoken. What is in issue here is whether or not the words were capable of meaning, for without meaning they have no relevance. The officer cannot testify as to the gist of Ferris' utterance, in this particular case it cannot be determined if "... I killed David ..." was in fact an admission he killed David. The onus rests on the Crown to prove the words have relevance.
[je souligne]
[78]        Comme l'a expliqué la Cour d'appel de l'Ontario dans l'arrêt R. c. Hunter, lorsqu'il est possible de spéculer sur la signification d'un prétendu aveu, celui-ci ne peut pas être probant.  Partant, si la déclaration est exempte de toute force probante, sa mise en preuve est forcément préjudiciable à l'accusé.
[79]        L'arrêt Ferris fait bien voir le danger d'admettre pareille déclaration :
[27]      […] If it was an admission, I agree with McClung, J.A. that it is highly probative. However, because the Crown case makes it clear words were spoken before and after, and the utterance was incomplete, it is impossible to ascertain the meaning of the words. Thus no weight can be given to it and the prejudice of its introduction is easy to contemplate. There is a real prejudice of forbidden reasoning here. There would be an enormous temptation for any trier of fact to look at the outside evidence that tends to implicate the accused in the murder, use those facts to conclude that the accused probably committed the murder, and that therefore he admitted that he did. That finding would then be used to raise the probability of guilt to a conclusion of guilt. The danger implicit in that type of circuitous reasoning is obvious.
[je souligne]
[80]        Eu égard aux faits de l'espèce, le juge de première instance ne pouvait utiliser les déclarations tronquées des appelants à titre d'assise principale pour juger de leur crédibilité.  À la limite, ces déclarations auraient dû être exclues de la preuve aux termes du pouvoir discrétionnaire résiduel qui lui appartenait.
[81]        En l’espèce, le juge n’a pas conclu à l’inadmissibilité des déclarations des accusés parce qu’il ne s’est penché ni sur leur fiabilité ni sur leur valeur probante.  Il en avait pourtant l'obligation si l'on considère les faits de la cause.
[82]        L’absence d’enregistrement alors que les accusés sont interrogés en salle d’interrogatoire, le manque de fiabilité dans la retranscription des propos et le caractère incomplet des notes qui prive le tribunal du contexte des déclarations sont tous des éléments importants qui méritaient l’attention du tribunal.
[83]        Les policiers n’ont pas non plus été en mesure d’éclairer le tribunal en comblant les lacunes dans la preuve.  Il en résulte des déclarations isolées, peu fiables et dont la signification est conjecturale.  Avec ces faits, le juge ne pouvait pas retenir que les propos des accusés, notés par les policiers, étaient de nature incriminante.
[84]        Ce faisant, le juge ne pouvait pas rejeter la version des faits disculpatoire des accusés au procès sur la base qu’une telle version était contraire à des déclarations incriminantes antérieures.  En raison de l’importance qu’ont eue ces considérations dans le verdict de culpabilité du juge, ce premier moyen justifie à lui seul une ordonnance d'un nouveau procès.

mardi 3 juin 2014

La communication avec un témoin dont l’interrogatoire a débuté

R. c. Peruta, 1992 CanLII 3597 (QC CA)


Quoi qu'il en soit, et même en l'absence d'une pareille mise en garde au témoin, le substitut devait ou aurait dû savoir qu'il est tout à fait inconvenant et contraire à la pratique (mon collègue a dit «highly improper») qu'un avocat communique ou rencontre le témoin qu'il a produit avant de procéder au ré-interrogatoire: cette prohibition débute au moment où le témoin est contre-interrogé par la partie adverse.  Mon collègue cite plusieurs sources réitérant cette règle.  Je me permettrai d'ajouter ce que Earl A. Cherniak en a dit:

It is commonly understood that counsel conducting examination-in-chief may communicate with a witness while he or she is being examined in chief with regard to matters that have not yet been dealt with and may communicate not at all with his witness during cross-examination or re-examination.  However, exceptions do occur.  For instance, suppose a medical witness, whose examination had concluded in chief the day before, approached counsel unsolicited the next morning saying that he made an error in the previous day's testimony and wished to correct it, without indicating what the error was.  It would probably be in order to bring the matter to the attention of the trial judge in open court.  Most judges would allow the witness to explain his error.

                                         (j'ai souligné)

Nous sommes ici bien loin de cette exception envisagée par Cherniak et des autres situations où une partie peut obtenir l'autorisation de la Cour pour communiquer, à ce stade, avec son témoin. 

mardi 20 mai 2014

Revue exhaustive de la question des délais (dé)raisonnables par la Cour d'Appel du Québec

R. c. Boisvert, 2014 QCCA 191 (CanLII)


[12]        Qualifier les délais ne constitue pas l'exercice d'une discrétion de sorte que la révision de la décision s'effectue selon la norme de la décision correcte.

[13]        La juge a commis diverses erreurs dans son analyse des délais : des erreurs de calcul du nombre de jours ainsi que des erreurs de qualification de diverses périodes pertinentes au présent débat puisqu'elles affectent l'analyse du caractère raisonnable du délai.

22 décembre 2005 au 8 février 2006 (48 jours)
[16]        La juge impute ce délai au ministère public puisque résultant, à son avis, d'une divulgation tardive du rapport d'expertise de reconstitution de la scène d'accident.
[17]        Cette conclusion retenue par la juge résulte peut‑être de l'affirmation de la procureure de l'intimé, lors de ses représentations sur la requête en arrêt des procédures, voulant qu'il manque certaines choses au 22 décembre 2005, mais sans qu'elle ne donne plus de précisions. Cela dit, la preuve au dossier n'indique pas que le report pro forma soit dû à une telle divulgation tardive.
[18]        Ce que la preuve révèle, c'est que la défense a demandé la remise pro forma afin d'entamer ou de faire avancer des discussions avec le ministère public, après avoir renoncé à la tenue de l'enquête préliminaire.

[20]        Enfin, même s'il fallait retenir que des documents à communiquer étaient toujours manquants au 22 décembre 2005, ce fait n'occasionnait aucun délai supplémentaire puisque l'intimé a renoncé, dès ce jour‑là, à la tenue de l'enquête préliminaire.


10 janvier au 21 novembre 2007 (315 jours)
[25]        Bien que la juge n'ait pas été tenue de s'en remettre à la qualification juridique proposée par l'une ou l'autre des parties, elle devait tout de même correctement qualifier la période.
[26]        Dans le contexte précédemment décrit, ces 315 jours ne devaient pas être imputés au ministère public comme l'indiquent le juge Lamer dans Rahey et la juge L'Heureux-Dubé dans Brassard :

Extrait de l'arrêt Rahey
Le délai demandé, causé ou accepté par un accusé doit normalement être exclu de l’évaluation du caractère raisonnable.
Extrait de l'arrêt Brassard
En l'absence de preuve que ces consentements représentent un acquiescement devant l'inévitable, ces consentements équivalent à une renonciation ou, provenant de l'accusé, lui sont imputables.
19 mars 2008 au 19 septembre 2008 et 12 novembre 2008 au 8 janvier 2009
[31]        En pareilles circonstances, puisque la requête de l'intimé en arrêt des procédures était inconnue de l'appelante au moment où le procès a été fixé pour trois jours, la juge était en présence d'un développement non anticipé qui aurait dû donner lieu à une analyse selon ce qu'énonce la Cour d'appel de l'Ontario dans Tran :
[48]      I also pause to add the following observation. Judges should be cautious about engaging in a minute analysis of the normal vicissitudes of a trial for the purpose of allocating delay to the Crown or to the defence on s. 11(b) Charter applications - for example, the need to pause to consider unforeseen developments during the trial, the customary requirement to juggle the line-up and availability of witnesses, insignificant administrative glitches or early adjournments. Except in rare cases where unreasonable delay arising from such issues can readily be attributed to one side or the other or to the court system, I would think that delays arising from these sorts of factors during the normal evolution of a trial would be part of the inherent time requirements of the case.
[Nous soulignons.]
[32]        De plus, puisque le temps additionnel requis pour le déroulement du procès résultait des requêtes de l'intimé, lesquelles n'avaient pas été prises en compte ou ne pouvaient pas l'être au moment d'évaluer la durée pour fins de fixation, la juge n'aurait pas dû imputer le délai du 2 mai 2008 au 19 septembre 2008 en parts égales aux parties, mais plutôt le considérer comme un délai inhérent (neutre), comme le fait la Cour d'appel de Colombie‑Britannique dans Horner :
[84]      I agree with the Crown that, strictly speaking, the voir dires were not part of the inherent requirements of the trial, but rather attributable to "actions of the accused". However, in a trial where the Crown's case is based on evidence obtained from wiretaps, unless a guilty plea is entered, it might be said to be inevitable that the wiretap evidence will be challenged. The applications in the case at bar were not considered by the trial judge to be frivolous. When the dust settled, she ruled invalid two of five authorizations before her illness precluded hearing submissions on the sixth. In my view, the amount of court time taken to complete the voir dires, while attributable to the defence, is not much more than a neutral factor in this case.
[Nous soulignons. À noter toutefois que les mots « court time » sont aussi soulignés dans l’original.]
et des enseignements de la Cour suprême, dans Godin, au paragraphe 23 :
[…] L'établissement d'un calendrier pour le déroulement d'une instance requiert une disponibilité et une coopération raisonnables; il n'exige pas, pour l'application de l'al. 11b), que les avocats de la défense demeurent disponibles en tout temps.
[33]        Ainsi, la juge aurait dû qualifier tous ces délais (ces trois sous-périodes) d'inhérents plutôt que de les imputer aux parties ou à l'institution, selon le cas.

2. Conclusions quant au préjudice

[34]        La juge ne retient pas que l'intimé a fait la preuve d'un préjudice, mais affirme simplement qu'il y a lieu d'y conclure puisque le délai est de cinq ans. Il est utile de reproduire de nouveau ses propos en ce sens :
Quant au préjudice et son évaluation, je fais miens les propos du Juge Cromwell tels qu'énoncés dans l'arrêt Godin qui reprend l'énoncé de la Cour suprême dans l'arrêt Morin à l'effet qu'on peut déduire qu'il y a eu un préjudice en raison de la longueur du délai.
Plus le délai est long, plus il est vraisemblable qu'on pourra faire une telle déduction.
En l'espèce, le délai est de cinq (5) ans.
Le Tribunal considère que ce délai a causé un préjudice au requérant, à la sécurité de sa personne, c'est-à-dire de ne pas avoir à subir le stress, l'anxiété et le climat de suspicion que suscite une accusation criminelle.
[Nous soulignons.]
[35]        Bien que nous reconnaissons qu'une cour d'appel intervient rarement à l'égard d'une décision d'un juge de première instance portant sur l'évaluation du préjudice, la présente situation requiert que nous le fassions puisque la juge a commis des erreurs et qu'il est évident que sa conclusion aurait été différente n'eût été de celles‑ci.
[36]        S'il est permis de déduire un préjudice depuis la seule longueur du délai, une telle déduction peut être contestée, notamment par le ministère public :
Toutefois, outre le fait de pouvoir déduire qu'il y a eu préjudice, chaque partie peut se fonder sur la preuve pour démontrer qu'il y a eu préjudice ou pour écarter une telle conclusion.
[…]
Inversement, la poursuite peut démontrer au moyen d'éléments de preuve que l'accusé fait partie de la majorité qui ne souhaite pas avoir un procès rapproché et que le délai lui a profité plutôt que de lui causer un préjudice.  La conduite de l'accusé qui ne correspond pas à une renonciation peut servir à démontrer qu'il n'y a pas eu préjudice.  Comme je l'ai mentionné précédemment, le degré du préjudice ou l'absence de celui-ci constitue également un facteur important pour déterminer la longueur du délai institutionnel qui sera toléré.  Ce facteur influera sur l'application de toute ligne directrice.
[37]        Cela est d'autant important que :
La Cour suprême, dans la trilogie MorinSharma, et CIP Inc., a fait du préjudice un élément essentiel à l'existence d'une violation de l'alinéa 11b) de la Charte et, surtout, en a imposé le fardeau de la preuve à l'accusé, bien que dans certains cas, il puisse s'inférer de la longueur des délais […] 
[Notes omises.]
[38]        Les faits du présent dossier n'autorisent pas la déduction d'un préjudice autre que celui qui découle du fait d'être sous le coup d’accusations criminelles.
[39]        Force est de constater que le ministère public a raison lorsqu'il plaide l'absence de préjudice spécifique autre que celui‑là.
[40]        L'intimé n'a pas été détenu. Il a occupé un emploi rémunérateur et fondé une famille (il est le père de trois enfants). Très peu de contraintes lui ont été imposées et les restrictions de conduite automobile fixées au fil des ans, par ailleurs fort peu contraignantes, l'ont été en raison d'un deuxième incident en matière d’alcool au volant, objet d'un autre dossier de l'intimé dans le district judiciaire de Terrebonne.
[41]        Rien dans cette preuve n’indique que l’intimé ait été préoccupé par la vitesse à laquelle se déroulait le dossier et rien ne laisse voir que les délais courus à ce jour lui causent ou risquent de lui causer des difficultés d'administration de preuve lors du procès à venir.

3. Application des lignes directrices

[42]        En principe, selon les lignes directrices énoncées par la Cour suprême, le délai à prendre en compte pour l'analyse de l'alinéa 11b) de laCharte dans une situation de procès devant la Cour du Québec après enquête préliminaire est de 14 à 18 mois.
Dans l’arrêt Askov, la Cour suprême a établi une ligne directrice de six à huit mois entre l’envoi à procès et la tenue d’un procès devant une cour supérieure. Dans l’arrêt Morin, la Cour a trouvé qu’une période de huit à dix mois serait acceptable dans le cas des procédures devant la cour provinciale, qu’il s’agisse d’une enquête préliminaire ou d’un procès. Ce délai plus long s’explique par le volume beaucoup plus grand de causes présentées devant cette cour qui entend plus de 95 % des affaires. Le juge Sopinka a pris soin de mentionner qu’à ce délai institutionnel s’ajouterait, lorsqu’il y a eu citation à procès, le délai institutionnel de six à huit mois proposé dans l’arrêt Askov. Il en résulte donc que la Cour suprême est, en principe, prête à tolérer, en raison des délais inhérents à l’affaire qui peuvent durer quelques mois, des délais institutionnels de 14 à 18 mois.
[Notes omises.]
[43]        Au sujet de ces lignes directrices, la juge énonce :
Les lignes directrices telles qu'énoncées dans l'arrêt Morin nous indiquent que pour les processus tel que je l'avais déjà indiqué plus tôt, qu'un processus judiciaire au criminel à deux (2) étapes, on envisage des lignes directrices d'à peu près dix-huit (18) mois.

[46]        Dans ce contexte, la juge devait favoriser l'intérêt de la société à poursuivre le dossier. Elle ne pouvait raisonnablement conclure, comme elle l'a fait que « [L]e délai en cause, lorsqu’on le soupèse avec l’intérêt de la société et de l’accusé dans la tenue rapide d’un procès est plus important que l’intérêt que la société a à ce que l’accusé soit jugé ».
[47]        Dans les circonstances de l'espèce, les lignes directrices ne constituant pas une formule mathématique rigide ni un délai de prescription déterminé, la juge aurait dû rejeter la requête pour arrêt des procédures.
[48]        Comme l'écrit la Cour suprême dans Morin :
La méthode générale pour déterminer s'il y a eu violation du droit ne consiste pas dans l'application d'une formule mathématique ou administrative mais plutôt dans une décision judiciaire qui soupèse les intérêts que l'alinéa est destiné à protéger et les facteurs qui, inévitablement, entraînent un délai ou sont autrement la cause du délai. […]
L'adoption d'une ligne directrice et son application par les tribunaux de première instance prennent en compte un certain nombre de considérations. Une ligne directrice n'est pas destinée à être appliquée d'une manière purement mécanique. Elle doit se prêter à l'application d'autres facteurs et céder devant ceux-ci. Cette prémisse s'inscrit dans sa formulation. La Cour doit reconnaître qu'une ligne directrice ne résulte pas d'une formule juridique ou scientifique précise. […]
J'ai déjà souligné qu'une ligne directrice ne doit pas être traitée comme un délai de prescription déterminé. Elle cédera devant d'autres facteurs. […]
Ces délais proposés sont destinés à servir de guide pour les tribunaux de première instance d'une manière générale. Les tribunaux de première instance devront sans doute ajuster ces délais dans les diverses régions du pays pour tenir compte des conditions locales, et ils devront le faire à l'occasion pour s'adapter à des circonstances différentes. […]
[Nous soulignons.]
[49]        La juge devait ici tenir compte de l'exercice du droit d'appel du ministère public à la suite du verdict d'acquittement et de l'étape supplémentaire (un autre volet) qui découlait de l'ordonnance de nouveau procès. Il était d'ailleurs logique qu'elle le fasse à l'instar des enseignements de la Cour suprême voulant qu'il faut accorder plus de temps aux délais inhérents en présence d'une situation à plus d'un volet.
De toute évidence, il faut accorder plus de temps aux affaires qui doivent comporter un processus à «deux volets» que pour les affaires qui n'exigent pas d'enquête préliminaire […] Il convient d'accorder une période supplémentaire pour les délais inhérents à ce second volet. Cette période sera plus courte que dans le cas d'un procès à volet unique parce qu'un grand nombre des procédures préparatoires n'auront pas à être reprises.
[…]
D'après ce qui précède, il convient que notre Cour propose un délai institutionnel de 8 à 10 mois à titre de guide pour la cour provinciale. Pour ce qui est du délai institutionnel après l'envoi à procès, je ne m'écarterai pas de la période de 6 à 8 mois proposée dans l'arrêt Askov. Dans un tel cas, ce délai institutionnel s'ajouterait au délai écoulé avant l'envoi à procès, car, après l'envoi à procès, le système doit tenir compte d'un tribunal différent ayant ses propres problèmes en matière de ressources. Il est, par conséquent, essentiel de tenir compte du caractère inévitable de ce délai institutionnel supplémentaire.
[Nous soulignons.]
[50]        Comme l'écrit notre collègue le juge Pierre Dalphond dans Camiran, la juge devait prendre en compte « l'intérêt de la société de s'assurer que le processus judicaire aboutisse à la vérité » et son « grand intérêt à ce que les accusations graves soient jugées au fond » alors que le déroulement de la présente affaire ne permet pas de conclure qu'il y a eu violation du droit constitutionnel de l'intimé d'être jugé dans un délai raisonnable.
[51]        Il n'est pas inutile de rappeler que tous doivent accorder priorité à la fixation de nouvelles dates de procès à la suite d'une ordonnance de nouveau procès prononcée par une cour d'appel. En l'espèce, nous constatons qu'aucun délai n'est imputable au ministère public depuis l'arrêt de la Cour rendu en ce sens le 16 mai 2011 et que les délais institutionnels ne sont que de 162 jours (moins de 5 mois) alors que la durée du second procès a été réévaluée à 9 jours (plutôt que 3 jours dans le cas du premier). La juge ne pouvait ignorer ces réalités.
[52]        La juge devait également prendre en compte la preuve qui révélait que l'intimé ne semblait pas particulièrement pressé de faire progresser les choses rapidement lors du premier procès ainsi que l'absence de preuve spécifique de préjudice :
L'alinéa 11b) a pour but d'accélérer les procès et de réduire les préjudices et non pas d'éviter qu'une personne subisse son procès sur le fond. Le tribunal doit tenir compte de l'action ou de l'inaction de l'accusé qui ne correspond pas à un désir d'être jugé rapidement.
L'application d'une ligne directrice sera également influencée par la présence ou l'absence de préjudice. Si l'accusé est sous garde ou, bien que n'étant pas sous garde, s'il est assujetti à des conditions de cautionnement restrictives ou s'il subit quelque autre préjudice important, la longueur du délai institutionnel acceptable peut être réduite afin de répondre à la préoccupation du tribunal. Par ailleurs, dans une affaire où il n'y a aucun préjudice ou si le préjudice n'est pas grave, la ligne directrice peut être appliquée en conséquence.
[53]        Les lignes directrices constituent un outil précieux, mais leur application est toujours subordonnée à la situation particulière et globale du cas sous étude.
Comme je l'ai souligné de manière détaillée, l'examen d'un délai déraisonnable doit tenir compte de toutes les raisons du délai afin de tenter de délimiter ce qui est vraiment raisonnable relativement à l'affaire dont le tribunal est saisi.
[Soulignage dans l’original.]
[54]        En l'espèce, en raison de deux procès, le second étant ordonné à la suite de l'exercice d'un droit d'appel jugé bien fondé et nécessitant une période de disponibilité de 9 jours, la juge devait tenir compte d'une période de délais institutionnels additionnels acceptables, au‑delà des 14 à 18 mois mentionnés par la Cour suprême, tel que le propose le juge R. Quon de la Cour de justice de l'Ontario dans R. v. Owens :
[107]   On this question, several courts have attempted to clarify what the notion of rewinding the constitutional clock meant for these appeal and a new trial situations, but have arrived at different and conflicting interpretations. In R. v. Laflamme, [2002] O.J. No. 5584 (QL) (O.C.J.), Nadelle J. at paras. 15 and 16, interpreted the Supreme Court's comments about rewinding the constitutional clock in R. v. Potvin to mean that it starts anew from the appellate decision ordering a new trial [emphasis is mine below]:
The Potvin judgment then quotes Doherty, J., now with the Ontario Court of Appeal, from a paper or speech entitled "More Flesh on the Bones" at the Annual Institute on Continuing Legal Education. At page 9, Doherty, J. stated:
"If, however, a new trial is ordered on appeal, or some other order is made directing the continuation of the trial proceedings, the constitutional clock should be rewound at the time of the order by the appellate court."
I interpret this to mean that the constitutional clock begins running anew from the date of the appellate decision ordering a new trial, rather than going back to the original charge date or original first trial date. To find otherwise would mean that in virtually all cases where a new trial is directed, the accused on a s. 11(b) application would get the benefit of the earlier time delay and the latter time delay before the newly-ordered retrial, and thus where there may not have been sufficient delays to even trigger an inquiry separately, when combined would provide such a triggering effect, and, likely a successful 11(b) application.
[108]   However, in R. v. Spencer, [2004] O.J. No. 5863 (QL) (O.C.J.), Hryn J. at para. 22, arrived at a different conclusion on what rewinding the clock entails when there is an appeal and a new trial ordered. Unlike the court in R. v. Laflamme, Hryn J. reasoned that s. 11(b) also applies to the period of institutional delay or to any prior delay arising in the first trial:
The Court's language in Potvin, indicating that the fact of an appeal does not mean, "s. 11(b) is spent" and the Court's reference to the charge being "revived," and the accused reverting "to the status of a person charged," connotes a reverting to the prior status with a continuing analysis of the accused's s. 11(b) rights, excluding the appellant period, and not that the s. 11(b) rights are considered anew without consideration of any prior delay.
[109]   Moreover, Hryn J. in R. v. Spencer, at para. 25, then considered the concerns expressed by the court in R. v. Laflamme regarding the reality and practicality of applying the administrative guideline of 8 to 10 months strictly to the situation where there is a new trial directed from an appeal court and where there is a combination of delay from the first and second trials, and reasoned that the 8 to 10 month guideline is not static and can be expanded for inherent time requirements that take into account the temporal effect of conducting two trials, and as such, he decided that the subsequent time to reasonably commence the new trial would be considered as an inherent time requirement in the s. 11(b) analysis [emphasis is mine below]:
In Morin, the Court suggests a period of institutional delay of between eight to ten months as a guide to provincial courts. The concern expressed in paragraph 16 of Laflamme, that where a new trial is directed then combining the earlier time delay and the latter time delay would, "in virtually all cases" result in a successful 11(b) application is only a concern if the eight to ten months guideline is seen to be static. But in Morin the Court states that inherent time requirements be considered. Ordering a new trial after an appeal is an inherent time requirement to be considered in such an analysis expanding the eight to ten month guideline.
[110]   Therefore, based on the reasoning in R. v. Spencer, which logically resolves the concerns expressed by the court in Laflamme, we are now provided with an analysis that takes into the account the cumulative effect of conducting two trials in which a period of institutional delay would be permitted beyond the 8 to 10 month guideline on the basis of inherent time requirements to conduct two trials.
[Soulignage dans l’original.]

L'appréciation des délais relativement au droit d’être jugé dans un délai raisonnable

R. c. Camiran, 2013 QCCA 452 (CanLII)


[9]           Dans l'arrêt R. c. Morin1992 CanLII 89 (CSC), [1992] 1 R.C.S. 771, la Cour suprême du Canada enseigne qu'il faut, pour déterminer si le droit d’être jugé dans un délai raisonnable a été violé, prendre en considération les facteurs suivants :
- la longueur des délais;
- les renonciations aux délais;
- les motifs des délais;
- le préjudice subi par l’accusé; et
- les intérêts que l’al. 11b) de la Charte canadienne vise à protéger.

[11]        La jurisprudence enseigne que les intérêts que l’alinéa 11b) de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte canadienne) cherchent à protéger sont :
- le droit à la sécurité de la personne, en tentant de diminuer l'anxiété, la préoccupation et la stigmatisation qu'entraîne la participation à des procédures criminelles;
- le droit à la liberté, en cherchant à réduire l'exposition aux restrictions de la liberté qui résulte de l'emprisonnement préalable au procès et des conditions restrictives de liberté sous caution;
- le droit à un procès équitable, en faisant en sorte que les procédures aient lieu pendant que la preuve est disponible et récente, ce qui sert aussi l'intérêt de la collectivité à voir les crimes punis dans les meilleurs délais.

[12]        Quant aux motifs des délais entre le dépôt des accusations et le procès, la jurisprudence les classe généralement en quatre catégories : délais institutionnels, délais inhérents, délais causés par la défense et délais causés par la poursuite. On semble aussi reconnaître une catégorie résiduelle, dite des délais autres.

[13]        Je débute par les délais inhérents aux procédures intentées. Le traitement des dossiers criminels comporte des étapes tels la comparution, le choix d'un avocat, l'audition sur remise en liberté si l'accusé est détenu, la communication de la preuve, la confection, au besoin, de rapports par des experts, le temps de préparation des avocats, etc. Plus le dossier est complexe, plus ces étapes risquent d'être nombreuses et susceptibles d'entraîner des allongements des délais (Morin, précité, 791-792).

[14]        Dans la mesure où ces étapes sont exécutées avec diligence raisonnable, ce genre de délais ne peut justifier un arrêt des procédures puisqu'ils sont inhérents aux procédures engagées.

[15]        Je passe aux délais institutionnels, qui ont été source de beaucoup de décisions depuis l'entrée en vigueur de la Charte canadienne. On entend par un délai institutionnel ou systémique, la période entre le moment où les parties sont prêtes pour une étape et la date où le système peut les entendre en raison de la non-disponibilité immédiate des ressources judiciaires. Si un tel délai est inévitable en pratique, il demeure que le gouvernement a l'obligation constitutionnelle d'attribuer des ressources suffisantes pour prévenir tout délai de cette nature qui serait déraisonnable. Il revient aux tribunaux de s'assurer que cette obligation est remplie adéquatement; ainsi, ils n'accepteront pas, après une certaine période, l'argument des ressources inadéquates pour expliquer le défaut de tenue d'un procès. L'exercice judiciaire en est un, somme toute, d'appréciation du caractère raisonnable de la situation en tenant compte, notamment, du préjudice pour l'accusé, de la situation particulière qui peut prévaloir temporairement dans une région, de la complexité du dossier et du temps de procès requis. Plus le préjudice est grand, plus la période acceptable de délai institutionnel sera courte.

[16]        Dans Morin et R. c. Godin2009 CSC 26 (CanLII), 2009 CSC 26, [2009] 2 R.C.S. 3, la Cour suprême mentionne comme acceptable un délai d'attente de 8 à 10 mois pour obtenir un procès en un seul volet devant une cour provinciale, plus 6 à 8 mois pour citation à procès après l'étape d'une enquête préliminaire, pour un total de 14 à 18 mois en pareil cas. Autrement, les tribunaux risquent de conclure que le procès est retardé indûment.

[17]        Il faut aussi tenir compte des délais pouvant découler des actes de la poursuite. Ainsi, si elle demande une remise pour préparer son dossier, fait défaut de communiquer un élément de preuve en sa possession ce qui entraîne une demande de remise par la défense ou fait défaut d'obtenir la preuve criminalistique dans un délai raisonnable, il y a lieu de lui imputer les délais en résultant et non de les considérer comme inhérents. Cette troisième catégorie de délais peut être source de grands préjudices pour la défense et justifier alors un arrêt des procédures, notamment lorsqu'elle s'ajoute à des délais institutionnels importants.

[18]        Par contre, lorsqu'un délai découle d'un acte de l'accusé, il faut en tenir compte dans l'exercice de pondération en ne le comptant pas comme étant à son détriment. C'est le cas, notamment, de l'accusé qui change d'avocat, qui demande une remise pour mieux se préparer, qui opte pour une enquête préliminaire (ce qui ne pourra que reporter la date de tenue du procès), qui choisit de ne pas se prévaloir de la première date disponible, qui réopte ou qui demande un report du procès pour quelque raison que ce soit (ce qui entraînera, vraisemblablement, un nouveau délai institutionnel). Il ne s'agit pas alors de blâmer l'accusé, mais de reconnaître que l'exercice de tels droits est susceptible d'engendrer des délais dont il ne peut ensuite légitimement se plaindre pour demander un arrêt des procédures.

[19]        Reste la cinquième catégorie, appelée les délais autres. On attribue cette étiquette aux délais qui n'entrent pas, à proprement parler, dans ceux décrits précédemment. On donne souvent comme exemple un délibéré d'une longueur inhabituelle pour rendre un jugement causé par une maladie du juge ou son défaut de faire diligence ou encore la récusation d'un juge. En général, ce genre de délai sera au désavantage de l'accusé et imputé à la poursuite (Morin, précité, 800; R. c. Rahey1987 CanLII 52 (CSC), [1987] 1 R.C.S. 588).

[20]        Finalement, s'il est acquis qu'il faut faire preuve d'une grande déférence quant aux conclusions de fait du juge de première instance, il en va autrement de la qualification des délais, comme je le souligne dans R. c. Jean-Jacques, 2012 QCCA 1628 :
[6]        L'intimé prétend que la norme d'intervention applicable en pareille matière fait en sorte que les tribunaux d'appel doivent faire preuve d'une retenue considérable. Il a tort. À cet égard, il convient de citer la Cour d'appel de l'Ontario :
[5]        Second, the respondent’s counsel submitted that the trial judge’s findings are findings of fact deserving of deference, absent palpable or overriding error. I do not agree. In R. v. Chatwell1998 CanLII 3560 (ON CA), (1998), 122 C.C.C. (3d) 162 (Ont. C.A.), appeal to S.C.C. quashed,1998 CanLII 784 (SCC), (1998), 125 C.C.C. (3d) 433 (S.C.C.), this court applied the normal standard of review to the assessment of institutional delay. The court said (at para. 10):
The determination of whether certain factors constitute institutional delay for the purpose of an analysis pursuant to s. 11(b) of the Charter is one which, in our opinion, attracts the normal standard of appellate scrutiny. The adjudication of the s. 11(b) rights of an accused is not akin to the exercise of judicial discretion.
[6]        In R. v. Qureshi 2004 CanLII 40657 (ON CA), (2004), 190 C.C.C. (3d) 453 at para. 27 (Ont. C.A.), Laskin J.A. stated that a trial judge’s accounting of the inherent time requirements is to be reviewed on a standard of correctness. In my view, this applies to the process of assessing the various periods of delay, ascribing legal character to them and allocating them to the various categories set out in R. v. Morin 1992 CanLII 89 (SCC), (1992), 71 C.C.C. (3d) 1 (S.C.C.). For example, whether the Crown had produced documents by a certain date is a question of fact. However, the questions of whether the failure to produce those documents constitutes a failure of the Crown’s duty of disclosure and whether such failure makes the Crown responsible for ensuing delay, involve the application of legal principles.  The questions raised by this appeal primarily involve alleged errors in the way the trial judge accounted for various time periods, which is reviewable on a standard of correctness.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

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