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lundi 4 décembre 2017

Le droit relatif à l’exigence de la prise d’échantillons d’haleine dès que matériellement possible

Simard c. R., 2016 QCCS 2712 (CanLII)

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[20]        Bien évidemment, le fardeau d’établir les prérequis à l’application de la présomption, mentionnés aux sous-al. 258 (1) c) (ii) à (iv), incombe à la poursuite (R. c. Burwell2015 SKCA 37 (CanLII), par. 93; R. c. O’Meara2012 ONCA 420 (CanLII), par. 28; R. c. Vanderbruggen (2006), 2006 CanLII 9039 (ON CA)206 CCC (3d) 489 (CAO), par. 8 à 17; R. c. Maroussis2016 QCCS 209 (CanLII), par. 29 et 30).
[21]        Ainsi, contrairement à ce qu’a avancé l’intimée, une requête en exclusion de preuve en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés n’est pas requise lorsqu’il s’agit de décider de l’application de la présomption eu égard aux exigences préalables mentionnées auxsous-al. 258 (1) c) (ii) à (iv) du Code criminel. En effet, dans ce contexte, l’enjeu n’est pas l’admissibilité en preuve des résultats de l’alcootest mais plutôt les effets de ceux-ci. Il n’est pas non plus question de déterminer si les échantillons d’haleine ont été obtenus en vertu d’un ordre valide au sens du par. 254 (3) du Code et des droits garantis par la Charte, c’est-à-dire un ordre qui est notamment fondé sur des « motifs raisonnables de croire ». Il y a donc lieu de distinguer la situation sous études de celles examinées dans les arrêts R. c. Anderson,2013 QCCA 2160 (CanLII)R. c. Forsythe2009 MBCA 123 (CanLII); et R. c. Charrette2009 ONCA 310 (CanLII).
[22]        L’arrêt ontarien Vanderbruggen, précité, aux par. 12 et 13, expose, dans les termes suivants, le droit relatif à l’exigence de la prise d’échantillons d’haleine dès que matériellement possible:
[12]      That leaves the question that is at the heart of this appeal—the meaning of as soon as practicable.  Decisions of this and other courts indicate that the phrase means nothing more than that the tests were taken within a reasonably prompt time under the circumstances. (…) There is no requirement that the tests be taken as soon as possible. The touchstone for determining whether the tests were taken as soon as practicable is whether the police acted reasonably.  (…)
[13]      In deciding whether the tests were taken as soon as practicable, the trial judge should look at the whole chain of events bearing in mind that the Criminal Code permits an outside limit of two hours from the time of the offence to the taking of the first test.   The “as soon as practicable” requirement must be applied with reason.  In particular, while the Crown is obligated to demonstrate that—in all the circumstances—the breath samples were taken within a reasonably prompt time, there is no requirement that the Crown provide a detailed explanation of what occurred during every minute that the accused is in custody. (…)
[Citations omises]
[23]        Le juge du procès a appliqué les principes énoncés dans l’arrêt Vanderbruggen. Il a décidé, au regard de l’ensemble des circonstances, que les policiers ont agi de manière raisonnable et que l’appelante a soufflé dans l’alcootest dès que matériellement possible

Ce que veut dire immédiatement au sens de 254(2)(b)

Cling c. R., 2015 QCCS 6077 (CanLII)

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[15]   In the province of Quebec, it is accepted as reasonable that all patrol cars will not be equipped with a testing device. As long as the device arrives in the 15 minute range after the accused has been ordered to supply a breath sample, it will be considered that the test was applied forthwith.

Ce que signifie dès qu’il a été matériellement possible au sens de l'article 258 (1) (c) (ii)

R. v. Singh, 2014 ONCA 293 (CanLII)

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[14]      That trial judge drew and applied the correct principles from paras. 12-13 of Vanderbruggen. The requirement that the samples be taken “as soon as practicable” does not mean “as soon as possible”. It means nothing more than that the tests should be administered within a reasonably prompt time in the overall circumstances. A trial judge should look at the whole chain of events, keeping in mind that the Criminal Code permits an outside limit of two hours from the time of the offence to the taking of the first test. The "as soon as practicable" requirement must be applied with reason.

L’entrave dans l’exécution légitime d’un acte judiciaire

R. c. Fournier, 2004 CanLII 8713 (QC CQ)

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[109]      L’article 129c) du Code criminel énonce que constitue une infraction l’action de résister à une personne ou volontairement l’entraver dans l’exécution légitime d’un acte judiciaire.
[110]      Il ne fait aucun doute qu’un huissier de justice qui exécute la procédure prévue à l’article 565 du Code de procédure civile[4], faisant partie du chapitre consacré à l’exécution forcée des jugements, accomplit un acte judiciaire au sens de l’article 129c) du Code criminel.
[111]      L’article 8 de la Loi sur les huissiers de justice[5] stipule que constitue l’exercice de la profession de huissier tout acte qui a pour objet, entre autres, de mettre à exécution les décisions de justice ayant force exécutoire.
[112]      Il n’est pas contesté qu’il existe un jugement civil, bien que non déposé au dossier, ayant force exécutoire entre les sociétés SADC et les Entreprises PMB inc portant notamment sur des biens mobiliers à l’égard desquels monsieur Gaston Fournier ne détient aucun droit.
[113]      La contestation de la légalité, s’il en est, de la démarche du huissier paraît porter sur la signature de monsieur Denis Morin apposée le 30 novembre 1998 si l’on en croit le document (pièce D-1) attestant de la réception d’une copie du jugement ordonnant le délaissement des biens mobiliers en faveur de SADC.
[114]      Au procès, monsieur Denis Morin reconnaît sa signature au document et déclare le signer le 7 décembre dans l’immeuble au moment où l'huissier s’apprête à exécuter le jugement en délaissement. Avant ce 7 décembre, il ne signe aucun autre document.
[115]      Monsieur Lessard affirme signifier le jugement ainsi que le bref de prise en possession en même temps, mais en définitive son témoignage  ne parvient pas à expliquer pourquoi le document indique la date du 30 novembre alors que monsieur Morin ne reçoit copie des documents que le 7 décembre.
[116]      Le Tribunal n’y voit pas quelque irrégularité fatale qui puisse invalider la procédure d’exécution entreprise par l'huissier.
[117]      L’article 565 du Code de procédure civile édicte que le demandeur, dans un litige civil, peut être mis en possession de biens si la partie condamnée à les lui livrer ou à les délaisser ne s’exécute pas dans le délai imparti.
[118]      Le délai de 15 jours dont il est question au document (pièce D-1) laisse croire qu’il s’agit vraisemblablement en quelque sorte du sursis, du délai imparti, accordé par le tribunal civil à Entreprises PMB inc.
[119]      Le texte sous lequel monsieur Morin signe comporte aussi une renonciation au bénéfice de ce sursis.
[120]      Dès lors, que la signature ait lieu le 7 décembre plutôt que le 30 novembre n’altère en rien la validité de la procédure dont d’ailleurs monsieur Morin, le principal intéressé après tout, n’attaque nullement la légalité ni du reste ne s’oppose à la prise de possession des biens.
[121]      Enfin, les faits prouvent amplement, notamment les témoignages de messieurs Dumais et même Nolet, que monsieur Lessard s’identifie comme huissier de justice, dénonce la nature de son mandat et montre à monsieur Gaston Fournier des documents qu’il ne veut pas voir en plus de ne vouloir rien entendre.
[122]      Il est difficile de distinguer si le mécontentement de monsieur Fournier tient à la procédure d’exécution elle-même contre des biens qui ne lui appartiennent pourtant pas au motif qu’il les considérait jusqu’alors comme une espèce de garantie en paiement de sa créance pour loyer dû ou plutôt à la façon dont l'huissier s’est introduit dans l’immeuble.
[123]      Mais quoi qu’il en soit, par son attitude d’obstruction à l’égard de monsieur Lessard, monsieur Fournier entrave l’exécution légitime d’un acte judiciaire par une personne autorisée et commet ainsi l’infraction prévue à l’article 129c) du Code criminel.

Une enquête policière bâclée ne donne pas en soi ouverture à un recours en vertu de la Charte

R. v. Barnes, 2009 ONCA 432 (CanLII)

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[1]               As the law now stands, a failure to adequately investigate a case does not give rise to an independent Charter violation. Where, as here, the Crown has met its disclosure obligations, to make out a s. 7 breach on the basis of evidence that is no longer available the accused must establish actual prejudice to the right to make full answer and defence: see R. v. La1997 CanLII 309 (SCC)[1997] 2 S.C.R. 680 at para. 25.

vendredi 17 novembre 2017

Une personne qui, pourchassée par la police, abandonne son véhicule, portière ouverte et en bordure d'un chemin public, pour faciliter sa fuite, peut-elle se plaindre d'une violation d'un droit à la protection contre une fouille et une saisie abusives (art. 8 de la Charte canadienne des droits et libertés) si, au cours de sa fuite, la police saisit sans mandat dans le véhicule des biens dont la personne est en possession illégale?


Canada (Procureur général) c. Goodleaf, 1997 CanLII 9982 (QC CA)

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Le premier juge a conclu, dans un premier temps, à une violation de l'art. 8 qui accorde à chacun le droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.  Avec égards, je crois qu'il a erré sur ce point.

              L'article 8 vise essentiellement à protéger le droit à la vie privée des personnes dans la mesure où ces dernières peuvent avoir une expectative raisonnable de vie privée ou du caractère confidentiel à l'égard de la chose saisie.

              Cette «raisonnabilité» de l'expectative de vie privée peut varier selon les circonstances de l'espèce.

              Il y a donc lieu, pour déterminer si l'art. 8 s'applique, d'examiner dans un premier temps, si le respect de la vie privée de la personne est en cause ou encore si nous sommes dans une situation où la personne avait le droit à la préservation du caractère confidentiel de l'objet saisi.


              C'est dans ce contexte que la jurisprudence, encore très récemment dans l'arrêt R. c. Stillman, 1997 CanLII 384 (CSC)[1997] 1 R.C.S. 607, a examiné le concept de l'«abandon» d'une chose au sujet de laquelle on a normalement une attente en matière de vie privée, pour exprimer l'idée qu'une personne qui abandonne sa chose cesse d'avoir une attente raisonnable de vie privée au sujet de cette chose et ne peut donc plus invoquer la protection que lui accorde l'art. 8.


              Dans l'arrêt Stillman, supra, on a mentionné comme exemples d'un «abandon» les arrêts R. c. Leblanc, (1981), 64 C.C.C. (2d) 31 (C.A.N.-B.), R. c. Love (1995), 1995 ABCA 448 (CanLII)102 C.C.C. (3d) 393 (C.A.Alb.) et R. c. Arp [1995] B.C.J. No. 882 (C.S.), sans oublier l'arrêt Dyment, supra, où pour la première fois ce sujet avait été traité en Cour Suprême.  Dans l'arrêt Leblanc, supra, il s'agit  d'un cas où la police, après avoir conduit l'accusé à l'hôpital, avait prélevé un échantillon de son sang sur le siège avant de sa voiture.  La Cour d'appel a conclu que la police avait «recueilli» («gathering») plutôt que saisi l'élément de preuve, en ce qu'il fallait considérer que l'individu avait abandonné son sang, cessant donc d'avoir une attente raisonnable en matière de vie privée à son sujet.

              À ces arrêts qui fournissent des exemples d'un abandon de la chose qui ne permet plus à son titulaire de revendiquer la protection prévue à l'art. 8, j'ajoute les arrêts R. c. Mackay; R. v. Sibbeston; R. v. Spinelli; et R. v. Pruim.

              Dans R. v. Mackay, supra, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a statué que l'expectative de vie privée rattachée à une camionnette était d'autant plus faible lorsque son propriétaire stationne sur une voie publique plutôt que sur une propriété privée.  Dans cette affaire, les policiers avaient saisi, sans mandat, une pièce de vêtement appartenant à la victime sous le véhicule de l'accusé.

              Dans R. v. Sibbeston, supra, on a traité de l'expectative de vie privée à laquelle pouvait légitimement s'attendre un propriétaire à l'égard d'un véhicule stationné illégalement dans une aire réservée aux détenteurs de permis:

In the present case, the appellant in parking (or abandoning) his vehicle in a location without any right or authorization to do so, consciously lowered his own expectations or privacy from intrusions by the state.  He could not reasonably expect that the privacy of his vehicle was as protected or as secure in that location as in the driveway of his private residence.


              Plus récemment, dans R. v. Spinelli, supra, la Cour a conclu que le propriétaire d'un véhicule automobile qui avait encaissé une indemnité d'assurance après en avoir déclaré la perte ou le vol avait renoncé à toute expectative de vie privée à l'égard du contenu de la voiture retrouvée ultérieurement.  Dans cette affaire, les policiers avaient saisi, sans mandat, des éléments de preuve susceptibles d'établir que l'accusé, à qui on reprochait une manoeuvre frauduleuse, avait utilisé le véhicule après en avoir déclaré le vol.


              Enfin, dans R. v. Pruim, supra, contrairement au juge de première instance, la Cour d'appel du Manitoba a reconnu qu'il n'existait aucune attente raisonnable de vie privée à l'égard d'un véhicule motorisé lorsque son occupant l'abandonne dans la cour d'un concessionnaire au profit d'une voiture volée pour compléter sa fuite.

              Dans R. v. Belnavis and Lawrence (1996), 1996 CanLII 4007 (ON CA)107 C.C.C. (3d) 195, la Cour d'appel d'Ontario, a insisté sur le «contrôle de l'accès» (au véhicule) comme élément déterminant du principe du droit à la vie privée.

              Appliquant ces principes au cas à l'étude, j'estime qu'il s'agit d'un cas flagrant d'abandon par l'intimée de son véhicule et du contenu.

              Pourchassée par la police, elle a choisi d'abandonner son véhicule plutôt que d'accepter les conséquences de ses actions illégales, s'en remettant au sort d'une découverte éventuelle du chargement.  C'est comme si l'intimée s'était enfuie avec une mallette qu'elle aurait finalement laissé tomber sur le sol pour accélérer sa fuite:  alors de la même façon il faudrait considérer qu'elle a abandonné son bien et son droit d'en contrôler l'accès au profit de l'État.

              En conséquence de cet abandon, l'intimée ne pouvait donc invoquer la violation d'un droit auquel elle ne pouvait plus prétendre.  La fouille et la saisie n'ont donc pas porté atteinte à un droit de l'intimée et la preuve obtenue était donc admissible.  Pour ce motif, le jugement d'acquittement doit donc être cassé, puisque le ministère public n'avait offert que cette preuve au procès.

              Par ailleurs, même si on devait considérer autrement l'intervention policière et y voir une violation de l'art. 8, je conclurais qu'alors la preuve ne devait pas être exclue en application du par. 24(2) de la Charte.

              En effet, dans l'arrêt Stillman, supra, la Cour Suprême a insisté dans l'analyse de l'équité du procès comme premier des trois facteurs à examiner en regard du par. 24(2), sur la nécessité de qualifier au départ l'élément de preuve obtenu, selon qu'il a été obtenu ou non en mobilisant l'accusé contre lui-même, c'est-à-dire, s'il dépend ou non de la participation de l'accusé.

              Si l'élément de preuve a été obtenu en mobilisant l'accusé contre lui-même, l'admission de cette preuve rendrait le procès inéquitable.  Par contre, si la preuve est qualifiée de preuve non obtenue en mobilisant l'intimée contre elle-même, ce qui est évidemment le cas en l'espèce puisqu'elle a choisi de fuir en laissant son véhicule entre les mains de la police, alors s'impose l'obligation de considérer les deuxième et troisième facteurs, soit la gravité de la violation et l'effet de l'exclusion.

              Le policier, dans les circonstances, était justifié de procéder à la fouille.  Certes, il ignorait les motifs de la fuite de l'intimée mais avait certes raison de soupçonner que la fuite était liée à d'autres motifs que celui d'échapper à sa responsabilité pour des infractions au Code de la sécurité routière.  À l'exemple des commentaires que faisait le juge A. Martin dans l'arrêt R. v. Chapin (1983), 1983 CanLII 1811 (ON CA)7 C.C.C. (3d) 538 (C.A.Ont.), relativement à une situation semblable au cas à l'étude, il y a plutôt lieu de se demander si c'est l'inaction policière qui n'aurait pas été plutôt condamnable dans un tel cas.

              Quoi qu'il en soit, la fouille a eu lieu en relevant la couverture, mais dans la boîte ouverte du camion abandonné volontairement, portière ouverte, sur une route publique:  je réfère ici aux arrêts Mackay, Sibbeston, Spinelli et Pruim.  On ne saurait donc conclure à une violation grave.  Enfin, compte tenu de l'ensemble des circonstances ayant mené à la fouille, de la nature de la preuve saisie et son importance en regard de la preuve du ministère public, je suis d'avis que c'est l'exclusion de cette preuve qui serait susceptible de déconsidérer l'administration de la justice.

mardi 14 novembre 2017

Une enquête policière bâclée n'équivaut pas en soi à une violation de la Charte

R. v. Barnes, 2009 ONCA 432 (CanLII)

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[1]               As the law now stands, a failure to adequately investigate a case does not give rise to an independent Charter violation. Where, as here, the Crown has met its disclosure obligations, to make out a s. 7 breach on the basis of evidence that is no longer available the accused must establish actual prejudice to the right to make full answer and defence: see R. v. La1997 CanLII 309 (SCC)[1997] 2 S.C.R. 680 at para. 25.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Les déclarations d'un accusé à son complice ne sont pas du ouï-dire

R v Ballantyne, 2015 SKCA 107 Lien vers la décision [ 58 ]             At trial, Crown counsel attempted to tender evidence of a statement m...