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mercredi 10 juillet 2024

La responsabilité pénale des organisations en matière de crime de négligence

CFG Construction inc. c. R., 2023 QCCA 1032

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[68]      Les nouvelles dispositions modifiant le Code criminel comprennent : 1) la définition des termes « agent » et « supérieur » à l’article 2 et 2) les articles 22.1 et 217.1 du Code criminel.

[69]      L’article 2 C.crdéfinit l’agent de la manière suivante : « S’agissant d’une organisation, tout administrateur, associé, employé, membre, mandataire ou entrepreneur de celle-ci[36]. »

[70]      Le « cadre supérieur » est un « agent jouant un rôle important dans l’élaboration des orientations de l’organisation ou assurant la gestion d’un important domaine d’activités de celle-ci, y compris, dans le cas d’une personne morale, l’administrateur, le premier dirigeant ou le directeur financier ».

[71]      La négligence d’une organisation est prévue à l’article 22.1 C.cr:

Organisations : infractions de négligence

22.1 S’agissant d’une infraction dont la poursuite exige la preuve de l’élément moral de négligence, toute organisation est considérée comme y ayant participé lorsque

 

a)     d’une part, l’un de ses agents a, dans le cadre de ses attributions, eu une conduite - par action ou omission - qui, prise individuellement ou collectivement avec celle d’autres de ses agents agissant également dans le cadre de leurs attributions, vaut participation à sa perpétration;

 

 

b)     d’autre part, le cadre supérieur dont relève le domaine d’activités de l’organisation qui a donné lieu à l’infraction, ou les cadres supérieurs, collectivement, se sont écartés de façon marquée de la norme de diligence qu’il aurait été raisonnable d’adopter, dans les circonstances, pour empêcher la participation à l’infraction.

Offences of negligence — organizations

22.1 In respect of an offence that requires the prosecution to prove negligence, an organization is a party to the offence if

 

 

(a) acting within the scope of their authority

 

(i) one of its representatives is a party to the offence, or

(ii) two or more of its representatives engage in conduct, whether by act or omission, such that, if it had been the conduct of only one representative, that representative would have been a party to the offence; and

 

(b) the senior officer who is responsible for the aspect of the organization’s activities that is relevant to the offence departs — or the senior officers, collectively, depart — markedly from the standard of care that, in the circumstances, could reasonably be expected to prevent a representative of the organization from being a party to the offence.

[72]      Lors du procès, l’appelante concède que le mécanicien Émond était un cadre supérieur au sens des articles 2 et 22.1 C.cr. D’ailleurs, selon la preuve présentée, la culpabilité de l’appelante pouvait se fonder en l’espèce sur la conduite combinée de plus d’un agent[37] ou d’un ou de cadres supérieurs[38]. Là n’était pas l’enjeu du dossier.

[73]      De plus, quiconque dirige l’accomplissement d’un travail ou l’exécution d’une tâche a l’obligation de prendre les mesures raisonnables pour éviter que les travailleurs subissent des blessures. Cette obligation est codifiée par l’article 217.1 du C.cr., mais elle ne crée aucune infraction[39].

[74]      Toutefois, l’omission de l’appelante de faire quelque chose qu’il était de son devoir d’accomplir selon l’article 217.1 C.crou d’autres obligations imposées par une loi québécoise pouvait constituer l’actus reus de l’infraction de négligence criminelle causant la mort (art. 220 C.cr.), si cette omission cause la mort et que la conduite de l’accusé démontre un écart marqué et important avec la norme de la personne raisonnable qui exerçait les activités en cause[40].

[75]      Quant à la négligence criminelle, l’article 219 C.cr. la définit de la manière suivante :

Négligence criminelle

 

219 (1) Est coupable de négligence criminelle quiconque :

 

a)   soit en faisant quelque chose;

 

b)   soit en omettant de faire quelque chose qu’il est de son devoir d’accomplir,

 

montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

 

 

Définition de devoir

 

(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

Criminal negligence

 

219 (1) Every one is criminally negligent who

 

(a)  in doing anything, or

 

(b)  in omitting to do anything that it is his duty to do,

 

 

shows wanton or reckless disregard for the lives or safety of other persons.

 

 

 

Definition of duty

 

(2) For the purposes of this section, duty means a duty imposed by law.

 

[76]      Comme on peut le voir, selon le paragraphe (2) de l’art. 219 C.cr., un « devoir désigne une obligation imposée par la loi » ce qui comprend, au terme de la définition du mot « loi » à l’article 2 C.cr., les lois fédérales et provinciales[41].

[77]      Une précision. L’article 22.1 C.cr. énonce qu’il vise les infractions de négligence[42] sans faire de distinction entre celles-ci et la négligence criminelle prévue à l’art. 219 C.cr. Bien que l’alinéa 22.1b) stipule que le cadre ou les cadres supérieurs doivent « [s’être] écartés de façon marquée de la norme de diligence qu’il aurait été raisonnable d’adopter, dans les circonstances, pour empêcher la participation à l’infraction », lorsque l’inculpation d’une organisation vise l’infraction de négligence criminelle définie par l’article 219 C.cr., la norme doit nécessairement s’élever à celle de l’écart marqué et important[43], norme établie dans l’arrêt J.F.[44] et confirmée par la Cour suprême dans l’arrêt Javanmardi.


La défense d’erreur de fait

Lemay c. R., 2018 QCCS 1956

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[15]        L’arrêt Pappajohn de la Cour suprême du Canada (1980 CanLII 13 (CSC), [1980] 2 R.C.S. 120) demeure la décision phare pour définir les paramètres de cette défense relativement aux crimes à caractère non sexuels. Le juge McIntyre définit ses composantes en ces termes :

« L'erreur constitue donc un moyen de défense lorsqu'elle empêche un accusé de former la mens rea exigée en droit pour l'infraction même dont on l'accuse. L'erreur de fait est plus justement décrite comme une négation d'intention coupable que comme un moyen de défense positif. Un accusé peut l'invoquer lorsqu'il agit innocemment, par suite d'une perception viciée des faits, et qu'il commet néanmoins l'actus reus d'une infraction. L'erreur constitue cependant un moyen de défense, en ce sens que c'est l'accusé qui le soulève. Le ministère public connaît rarement les facteurs subjectifs qui ont pu amener un accusé à croire à l'existence de faits erronés. » (Paragr. 58) (Nos soulignements)

Comment apprécier l'absence de remords ou de regrets sincères

Landry c. R., 2019 QCCQ 1390

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[84]      Dans Charest c. R.[46], la Cour d’appel du Québec rappelle que bien que les remords et les excuses puissent être considérés comme un facteur atténuant, cet élément ne constitue pas un facteur aggravant[47]. Les propos suivants de la Cour d’appel du Québec dans R. c. Laroche[48] s’appliquent en l’espèce :

[64]     Ici, le contexte se prêtait peu à la présentation d’excuses et à l’expression de remords.

[65]     D’abord, parce que qui s’excuse, s’accuse. Le condamné qui entend faire appel, et qui croit à ses moyens, est dans la situation quasi impossible de présenter des excuses pour un crime qu’il soutient ne pas avoir commis.

[85]      L’absence de remords ou de regrets sincères ne constitue par ici un facteur aggravant.

Ce que signifie vulnérabilité de la victime

R. c. Martin, 2012 QCCA 2223

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[50]        Quant à l'argument de l'appelante voulant que la juge de première instance n'ait pas considéré le facteur aggravant qu'est la violence faite aux femmes, il n'y a pas lieu d'y souscrire. À l'extérieur d'un contexte de violence conjugale ou de crime commis en raison du sexe féminin de la victime, on ne peut considérer l'ensemble des femmes, soit 50 % de la population, comme étant un groupe vulnérable de façon générale. Les catégories de personnes qui sont considérées vulnérables dans leur ensemble sont plutôt les enfants, les personnes âgées, les personnes ayant une déficience physique ou psychologique et les personnes malades ou blessées[28].

[51]        Il est approprié de citer ici le point de vue d'Hugues Parent et Julie Desrosiers au sujet de la vulnérabilité[29] :

[L]a vulnérabilité de la victime désigne, au point de vue juridique, l'état ou la position d'une personne qui, en raison de sa condition « physique », « mentale », « factuelle », « professionnelle » ou « sociale » est plus susceptible d'être blessée, attaquée ou exploitée.

[52]        Certes, une femme prise individuellement peut être plus vulnérable en raison de sa condition personnelle. Ainsi, lorsqu'une femme plus faible que son agresseur devient victime d'un crime violent, cette caractéristique personnelle pourra être considérée comme étant un facteur aggravant. Toutefois, « [t]he mere fact of a vulnerable victim will not lead to an increased sentence as readily as might be the case where there was a premeditated choice of a vulnerable victim »[30].

La communication de la preuve non entièrement complétée n'implique pas automatiquement de retarder la fixation de l'enquête préliminaire ou du procès

R v JEK, 2016 ABCA 171

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[66]           A final point must be made. While it is true that the Crown has an ongoing obligation to disclose relevant information that comes to light, that obligation is linked to the right to a fair trial and to make full answer and defence. Where an accused asserts a disclosure delay, the fact of that delay must be shown to have had some real effect on the right to a fair trial and to make full answer and defence in order to be itself a Charter breach. In other words, delay in Crown disclosure may not require delay of the trial, much less delay in setting either the date for a preliminary inquiry or a trial date. The judge in this case seemed to think that any sort of disclosure had to be rectified before a trial date, indeed before a preliminary inquiry date, could even be set. In the context here, that was unrealistic and presumed some sort of anticipatory Charter breach. It amounted to a notion that outstanding disclosure, no matter how trivial or technical, and no matter that disclosure review (especially with respect to third party records) is restricted to the trial judge hearing the trial itself, somehow puts the case into stasis with the clock ticking against the Crown. This is simply not so. 

dimanche 7 juillet 2024

Quels sont les éléments pertinents relatifs à la question de savoir s’il y a exploitation d’une personne?

R. c. Bédard, 2022 QCCQ 5399

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[172]         Dans R. c. Sinclair[118], la Cour d’appel de l’Ontario énonce une série d’éléments pertinents relatifs à la question de savoir s’il y a exploitation d’une personne : 

      Les relations sexuelles ou la violence sexuelle comme moyen de coercition ou de contrôle[119]

      La violence physique ou la menace de violence

      La coercition, qu’elle soit physique, émotionnelle ou psychologique

      L’abus de confiance, de pouvoir ou d’autorité

      La vulnérabilité reliée à l’âge ou aux circonstances personnelles

      Un comportement directif de la part de l’accusé

      L’influence exercée sur la nature et l’endroit où les services sexuels sont rendus

      Le contrôle sur la publicité des services sexuels

      La restriction des mouvements de la plaignante

      Le contrôle des finances

      Les bénéfices financiers pour l’accusé

Les éléments constitutifs de l'infraction d’avantage matériel provenant de la prestation de services sexuels d’une personne mineure



R. c. Bédard, 2022 QCCQ 5399



[187]         Pour obtenir une condamnation en vertu l’article 286.2(2) C.cr, la poursuite doit prouver les éléments essentiels suivants hors de tout doute raisonnable :

ÉLÉMENT MATÉRIEL

ÉLÉMENT INTENTIONNEL

      Obtention d’un avantage matériel

         Élément d’exploitation[123]

      L’avantage matériel provient directement ou indirectement de la prestation de services sexuels moyennant rétribution

      L’accusé savait que l’avantage matériel provenait de la prestation de services sexuels moyennant rétribution

      La personne qui a offert ou rendu les services sexuels est âgée de moins de 18 ans

         L’accusé savait que la personne était âgée de moins de 18 ans

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

La réoption n'est pas un événement imprévisible ou inévitable

R. v. Long, 2023 ONCA 679 Lien vers la décision [ 62 ]        I would also observe that the appellant re-elected a trial in the OCJ on Febru...