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dimanche 3 août 2025

La défense du bien immeuble permet d’expulser quelqu’un qui refuse de quitter, même si son entrée sur les lieux était de consentement et pour être légitime, « la conduite défensive doit également se limiter à ce qui est nécessaire pour empêcher l’intrusion ou pour éloigner l’intrus »

Boilard c. R., 2018 QCCA 1025

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[11]      La défense prévue à 41(1) C.cr. (en vigueur au moment de la commission des infractions reprochées) suppose, pour être exonératoire, la présence de trois conditions cumulatives : (1) l’appelant doit être en possession paisible de l’immeuble, (2) les plaignants doivent être des intrus et (3) la force employée pour les expulser ou les éloigner doit être raisonnable dans les circonstances[6].

[12]      Si ce moyen de défense peut, d’après les faits, être invoqué[7], il incombe alors à l’intimée d’établir que l’appelant n’a pas agi pour défendre son bien immeuble. Le juge du procès a manifestement conclu que les faits donnaient ouverture à ce moyen de défense, car il a analysé exhaustivement les arguments de l’appelant à cet égard.

[13]      Celui qui est d’abord autorisé par le propriétaire à se trouver dans un lieu devient un intrus, lorsque sa présence n’est plus désirable ou qu’elle dépasse les limites de son invitation[8], et qu’après avoir été sommé de quitter, il refuse de le faire[9]. En l’espèce, le juge du procès a conclu que les plaignants étaient ainsi devenus des intrus sur la propriété de l’appelant après que ce dernier leur a ordonné de quitter.

[14]      Celui qui est en possession paisible de l’immeuble n’est, en pareilles circonstances, autorisé à employer la force pour éloigner l’intrus que s’il laisse à ce dernier un délai raisonnable pour quitter. Est donc injustifiée l’agression survenant simultanément ou immédiatement après la sommation[10].

[15]      Pour être légitime, la conduite défensive doit également se limiter à ce qui est nécessaire pour empêcher l’intrusion ou pour éloigner l’intrus. Le caractère raisonnable de la réaction du possesseur paisible tient nécessairement compte de sa croyance subjective du tort appréhendé fondée sur des motifs raisonnables[11].

La défense des biens - conditions d'ouverture de cette défense

Molley c. R., 2015 QCCA 2052



[4]           La défense des biens comporte quatre volets[2] :

1)   L’accusé doit avoir été en possession du bien (ici, une maison d’habitation);

2)   Sa possession devait être paisible;

3)   Le plaignant doit être un intrus;

4)   La force employée pour expulser l’intrus doit avoir été raisonnable.

samedi 2 août 2025

Cadre juridique applicable à l'infraction de séquestration

V.L. c. R., 2021 QCCA 1400

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[9]         Ce moyen est sans mérite dans les circonstances. En bref, quelques notes sur la séquestration. La durée de la séquestration doit effectivement être significative : R. c. Tremblay (1997), 1997 CanLII 10526 (QC CA), 117 C.C.C. (3d) 86 (C.A.Q.), reprenant notamment R. c. Gratton (1985), 18 C.C.C. (3d) 462 (C.A.O.). Il n’existe toutefois pas de période minimale : R. c. Tremblay2019 QCCA 1749par. 20. La Cour est d’accord avec la jurisprudence qui interprète ce facteur comme créant l’exigence de démontrer à la fois une conduite caractérisée et qui se distingue suffisamment d’une autre infraction qui, de manière inhérente, comporte une restriction de liberté : R. c. Parris2013 ONCA 515, par. 61R. c. Gervais2020 ABCA 221, par. 32-36R. v. McLellan2018 ONCA 510, par. 72.

[10]      L’appelant avance que la possibilité de quitter les lieux sans la dame nie son intention de séquestrer les samaritains. L’argument semblait davantage soutenir le consentement à demeurer sur les lieux, ce qui sera abordé par la suite, mais l’appelant développe cette idée qu’avec la possibilité de quitter l’appartement, il n’y a pas séquestration. Ce moyen doit également être rejeté. L’appelant n’ayant pas de souvenir de ses interactions avec les personnes venues au secours de la dame, cette théorie découle des propos du voisin voulant que l’appelant ne fût pas « fâché contre lui ». L’appelant souhaite en tirer l’inférence que le voisin n’était pas séquestré puisqu’il l’aurait laissé sortir. Outre son caractère spéculatif, cette proposition ignore le fait que la séquestration est complète lorsqu’il y a restriction de liberté au sens de l’article 279(2) C.cr. peu importe qu’il demeure une possibilité de s’y soustraire à un moment puisque cette restriction de liberté n’a pas à être totale. Le juge Watt, alors à la Cour supérieure de l’Ontario, avait conclu que « [u]nder section 279(2) of the Criminal Code, an unlawful confinement also consists of restricting the victim's liberty, but not his or her ability to escape. The restriction need not be to a particular place or involve total physical restraint. »: R. v. E.B., [2006] OJ No 1864, par. 116 (italique dans le texte), confirmé à R. v. Bottineau, 2011 ONCA 194 et plus tard repris avec approbation dans R. c. Magoon2018 CSC 14 (CanLII), [2018] 1 R.C.S. 309, par. 64.

[11]      Quant à savoir si les samaritains ont consenti à leur séquestration, l’appelant rappelle que ce sont eux qui se sont introduits dans l’appartement et que la preuve ne démontre pas hors de tout doute qu’ils ne consentaient pas à y demeurer.

[12]      La séquestration est une infraction à portée très large. Par exemple, dans l’arrêt R. c. Magoon, la Cour suprême a rappelé que, parfois, des enfants sont techniquement séquestrés par leurs parents pour des raisons légitimes, d’où l’exigence pour l’application du par. 279(2) du Code criminel, que « le ministère public doit établir (1) que l’accusé a séquestré la victime, et (2) qu’il s’agissait d’une séquestration illégale » : R. c. Magoon2018 CSC 14 (CanLII), [2018] 1 R.C.S. 309, par. 64. Évidemment, la norme juridique établissant l’existence d’un acte de séquestration illégale s’applique à tous, mais elle demeure sensible au contexte, comme celui de parent-enfant : R. c. Magoon, par. 65.

[13]      De même, l’absence de consentement à la restriction de liberté est un élément implicite et essentiel de l’infraction que le ministère public doit démontrer hors de tout doute raisonnable. Une personne qui consent à ce que sa liberté soit restreinte dégage l’auteur de sa responsabilité criminelle au sens de la séquestration. Dans l’arrêt Gough, en s’attardant à l’ancien paragraphe 247(3) C.cr., le juge Cory expliquait que, sans une preuve d’absence de consentement, « [a] friend driving a co-worker to the office confines him in the car...  The passenger by word or deed consents to being confined in the car […] Similarly, a visitor to a cottage on an island must consent to being confined within the perimeter of the island for the length of the stay. » :  R. v. Gough (1985), 1985 CanLII 3511 (ON CA), 18 C.C.C. (3d) 453, 458 (C.A.O.); R. c. Niedermier2005 BCCA 15, par. 48-51. Dans ce contexte, le consentement, ou son absence, s’évalue subjectivement : R. c. Dufour2017 QCCA 1159, par 60.

[14]      Sans prétendre définir totalement l’étendue de la notion de consentement dans le cadre de la séquestration, il semble évident que ce consentement subjectif doit être évalué en tenant compte des circonstances et qu’il doit viser le consentement à l’acte restrictif de liberté au moment où celui-ci devient une séquestration, surtout lorsque la situation est évolutive. Or, en l’espèce, lorsqu’une personne porte secours à une autre, le consentement de ce tiers aux actes de séquestration de l’agresseur se présente dans un contexte où il semble difficile à établir. Il pourrait même être toujours inexistant. Quoi qu’il en soit, en l’espèce, les deux samaritains ont clairement exprimé à l’appelant le souhait de quitter l’appartement avec la dame blessée. La preuve est claire qu’ils ne consentaient pas à demeurer dans l’appartement et qu’à ce moment, l’ensemble des circonstances illustrent une conduite de l’appelant qui les soumettait à une contrainte d’agir contre leur volonté, de sorte qu’ils n’étaient pas libres de leurs mouvements. La durée a ici une importance toute relative. Comme mentionné, l’infraction n’exige pas une durée minimale. La conduite est caractérisée, indépendante de toute autre infraction, et exprime indubitablement l’intention que les deux messieurs ne soient pas autorisés à sortir comme ils le souhaitaient. Ce moyen est rejeté.

Les principes applicables au témoignage d’un témoin taré (mise en garde de type Vetrovec)

Patry c. R., 2015 QCCA 845

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[10]      La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Khela[8], rappelle les principes applicables au témoignage d’un témoin taré. Elle y reprend, en les approuvant, les enseignements de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt Sauvé[9] :

[37]      Dans Sauvé, par. 82, la Cour d’appel de l’Ontario a établi un cadre d’analyse raisonnée qui aidera les juges de première instance à construire des mises en garde de type Vetrovec qui soient adaptées aux circonstances de l’espèce.  Le cadre proposé, que j’adopte et développe ici, comporte quatre éléments fondamentaux : (1) attirer l’attention du jury sur le témoignage qui nécessite un examen particulièrement rigoureux; (2) expliquer pourquoi ce témoignage doit être examiné de façon particulièrement rigoureuse; (3) prévenir le jury du danger de prononcer une condamnation sur la foi d’un témoignage non confirmé de ce genre, le jury étant toutefois en droit de le faire s’il est convaincu de la véracité du témoignage en cause; (4) indiquer au jury que, pour déterminer si le récit suspect est véridique, il doit chercher, à partir d’autres sources, des preuves tendant à établir que le témoin douteux dit la vérité quant à la culpabilité de l’accusé (R. c. Kehler2004 CSC 11, 1 R.C.S. 328, par. 17‑19).[10]

[11]      Monsieur le juge Fish rappelle aussi, dans Khela, les propos que tenait Marc Rosenberg (maintenant à la Cour d’appel de l’Ontario) :

[35]      En son nom et en celui des juges Iacobucci et Arbour, le juge Major a également cité en l’approuvant l’extrait suivant des commentaires de Marc Rosenberg (maintenant juge d’appel Rosenberg) concernant Vetrovec et les arrêts qui l’ont suivi :

[traduction]  En premier lieu, le juge doit décider, de manière objective et en recourant aux moyens classiques de le faire, s’il y a une raison de douter de la crédibilité du témoin.  Cela implique un examen de la preuve en vue de déterminer s’il y a des facteurs qui ont, à juste titre, amené les tribunaux à hésiter à accepter la déposition d’un témoin.  Ces facteurs pourraient comprendre la participation à des activités criminelles, l’existence d’un motif de mentir en raison d’un lien avec le crime ou les autorités, le retard inexpliqué mis pour venir présenter sa version des faits, la présentation de versions différentes à d’autres occasions, les déclarations mensongères sous serment et d’autres considérations semblables.  Il s’agit donc non pas de savoir si le juge du procès estime personnellement que le témoin est digne de foi, mais plutôt de savoir s’il existe des facteurs qui, d’après ce que l’expérience enseigne, exigent d’aborder avec circonspection le récit du témoin.  En second lieu, le juge du procès doit évaluer l’importance que revêt le témoin pour la preuve du ministère public.  Si le témoin joue un rôle relativement mineur dans l’établissement de la culpabilité, il ne sera probablement pas nécessaire de faire une mise en garde particulière au jury et d’examiner ensuite la déposition corroborante.  Cependant, plus le témoin est important, plus le juge du procès est tenu de faire la mise en garde.  À un certain point, comme dans le cas où le témoin joue un rôle central dans l’établissement de la culpabilité, la mise en garde est obligatoire.  Je suis d’avis que cela découle de l’obligation qui incombe au juge, dans un procès criminel, d’examiner les éléments de preuve et de les rattacher aux questions en litige. [par. 79]

(« Developments in the Law of Evidence : The 1992‑93 Term — Applying the Rules » (1994), 5 S.C.L.R. (2d) 421, p. 463).[11]

[12]      Il convient donc de retenir qu’une mise en garde de type Vetrovec devrait prendre en compte, selon les circonstances de l’affaire, les quatre éléments exposés ci-devant. En effet, comme le note le juge Fish :

[47]      Il n’est pas « trop formaliste » de veiller à ce que les juges des faits soient suffisamment confortés dans leur opinion avant de condamner un accusé sur la foi de ce qui est considéré depuis des siècles comme une preuve non fiable.  Une approche véritablement fonctionnelle doit prendre en compte le double objectif de la mise en garde de type Vetrovec : premièrement, éveiller l’attention du jury sur le danger de se fonder sur les dépositions de témoins douteux en l’absence de toute confirmation et expliquer pourquoi elles doivent être examinées de façon particulièrement rigoureuse; deuxièmement, si les circonstances le justifient, fournir aux jurés les outils nécessaires pour déterminer les éléments de preuve pouvant renforcer la crédibilité de ces témoins.[12]

Le droit applicable à l'infraction de proférer des menaces de causer la mort ou des lésions corporelles

Patoine c. R., 2022 QCCA 1517

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[18]      Les éléments de cette infraction comprennent 1) le fait de proférer ou de transmettre une menace de causer la mort ou des lésions corporelles; et 2) l’intention de menacer[7].

[19]      L’acte prohibé (actus reus) est le fait de proférer des menaces de mort ou de blessures graves. Il n’est pas nécessaire de prouver que le destinataire de la menace en a été informé ou qu’il a été intimidé par celle-ci ou l’a prise au sérieux[8]. Il n’est pas nécessaire que les paroles prononcées s’adressent à une personne en particulier ni qu’elle soit identifiable puisqu’« il suffit que la menace soit dirigée contre un groupe déterminé de personnes »[9].

[20]      Par contre, la détermination de ce qu’est une menace au sens de l’al. 264.1aC.crest une question de droit qui doit être tranchée à la lumière d’une norme objective[10]. Dans le cadre de cette analyse, la Cour suprême nous indique qu’il faut s’en tenir au sens ordinaire des mots qui sont prononcés. S’ils sont manifestement menaçants et qu’ils ne comportent pas de sens secondaire, il n’est pas nécessaire de pousser plus loin l’analyse. Or, des propos qui peuvent paraître anodins peuvent être élevés au rang de menace, si, compte tenu du contexte de l’affaire, ils s’avèrent menaçants[11]. Ainsi, afin de déterminer si des mots contreviennent à la disposition en cause, il faut s’en tenir au sens qu’une personne raisonnable donnerait aux mots prononcés dans les circonstances particulières dans lesquelles ils ont été proférés ou transmis[12].

[21]      Quant à l’élément intentionnel (mens rea) de l’infraction, il est établi s’il est démontré que les mots menaçants proférés ou transmis visaient à intimider ou à être pris au sérieux[13]. Encore là, le fait que l'accusé n'a pas eu l'intention de mettre à exécution la menace n'est pas un élément essentiel; seule compte l'intention que la menace soit prise au sérieux[14]. Cela étant, l’élément de faute revêt un caractère subjectif; ce qui importe, c’est ce que l’accusé entendait réellement faire[15].

[22]      Dans R. c. McRae, les juges Cromwell et Karakatsanis résument ainsi l’élément intentionnel requis[16] :

[23]      En somme, l’élément de faute de l’infraction est établi si l’accusé entendait que les mots proférés ou transmis intimident ou soient pris au sérieux.  Il n’est pas nécessaire de prouver l’intention que les mots soient transmis à la personne visée par la menace. Une norme subjective de faute s’applique. Toutefois, pour déterminer ce que l’accusé avait en tête, le tribunal devra souvent tirer des conclusions raisonnables des mots et des circonstances, y compris de la façon dont les mots ont été perçus par ceux qui les ont entendus.

[23]      Il s’agit d’une intention spécifique par opposition à une intention générale[17]. Les commentaires du professeur Rainville, cités avec approbation de la Cour[18], sont pertinents[19] :

Le degré de prise de conscience de l’accusé suppose quelques remarques supplémentaires. Sa perception du sens de ses paroles est déterminante. Il a droit à l’acquittement si l’idée ne lui effleure pas l’esprit que ses paroles puissent être prises au sérieux. Même l’insouciance possible du plaisantin quant aux conséquences de ses paroles ne saurait, selon nous, suffire à le faire condamner. L’insouciance suppose la réalisation par l’accusé du risque que ses paroles revêtent une signification intimidante. Cette prise de conscience est insuffisante. Le crime de menaces exige un dessein criminel. Cette infraction obéit au principe classique du droit pénal canadien selon lequel un crime d’intention spécifique ne saurait se satisfaire de l’insouciance du prévenu. Le crime de menaces exige l’intention spécifique d’intimider autrui. La Cour suprême préconise la définition suivante dans l’arrêt McCraw : « Une menace est un moyen d’intimidation visant à susciter un sentiment de crainte chez son destinataire ». Et la Cour de renchérir dans l’arrêt Clemente : « La menace est une manifestation par laquelle on marque à quelqu’un sa colère, avec l’intention de lui faire craindre le mal qu’on lui prépare ».

[Soulignement ajouté]

[24]      Lorsqu’un accusé offre des explications, son témoignage est important pour déterminer s’il possédait l’intention spécifique requise[20]. Dans l’arrêt Joad c. R., l’accusé faisait face à des accusations d’avoir transmis sur Facebook des menaces de mort ou de lésions corporelles à des journalistes syriens et d’avoir conseillé à autrui de commettre un meurtre. La Cour s’exprime comme suit quant à l’analyse de la mens rea pour de telles infractions[21] :

[23]      Le juge de première instance ne pouvait pas trancher la question de la mens rea pour l’une ou l’autre des deux accusations sans se pencher d’abord sur les explications de l’appelant. Ces explications dépassent de beaucoup la question du mobile qui l’animait. Elles touchent à l’interprétation même de son message et par voie de conséquence, à ses intentions en écrivant ce texte. Le juge de première instance se devait, dans les circonstances, d’en traiter. L’appelant n’a pas à deviner ce que le juge a pensé, et fait de ses explications; il doit pouvoir l’entendre ou le lire. Il s’agit d’une lacune importante dans le jugement dont appel, justifiant l’intervention de la Cour sans qu’il soit nécessaire d’analyser les autres moyens d’appel soulevés par l’appelant.

[25]      Dans l’arrêt LSJPA – 1026[22], la Cour est intervenue pour prononcer un acquittement à une infraction de menace de causer des lésions corporelles. Dans cette affaire, l’accusé avait menacé verbalement une éducatrice de l’agresser physiquement. L’acquittement fut prononcé au motif que la mens rea requise n’avait pas été établie, vu que les propos de l’accusé manifestaient une frustration et non pas une intention réelle d’intimider[23]. De même, dans Dulac c. R.[24], un étudiant en arts visuels avait remis à son professeur une description de projet dans laquelle il expliquait qu’il allait enlever des enfants d’une école primaire, les accrocher au plafond et les frapper avec une masse de fer. La Cour est intervenue afin de substituer un verdict d’acquittement au motif que la preuve, analysée à la lumière du témoignage de l’accusé, ne permettait pas de déceler une intention spécifique de susciter la crainte ou que le projet soit pris au sérieux[25].

Le cadre d’analyse de l’infraction d’enlèvement

R. c. Jacques, 2020 QCCA 675

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[27]        Le cadre d’analyse de l’infraction d’enlèvement est énoncé en outre par le juge Moldaver au nom de la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Vu[8] :

[43]      Dans R. c. Tremblay1997 CanLII 10526 (C.A. Qué.), le juge LeBel (maintenant juge de notre Cour) a écrit :

La séquestration prive l’individu de sa liberté de se déplacer d’un point A à un point B. L’enlèvement, quant à lui, consiste dans la prise de contrôle d’une personne pour l’amener contre son gré d’un point A à un point B. La distinction entre les infractions devient parfois délicate car pour amener une personne d’un point A à un point B, on l’empêche par le fait même de se déplacer d’un point A à un point B. C’est la raison pour laquelle un enlèvement entraîne nécessairement une séquestration. La séquestration, cependant, peut survenir sans qu’un enlèvement ait eu lieu à l’origine. [Je souligne, p. 11.]

[44]      L’arrêt Tremblay est important à deux égards : d’abord, il souscrit à la conception que la séquestration constitue un élément essentiel du crime d’enlèvement, comme dans la common law, puis, il admet la distinction fondamentale, faite par la common law, selon laquelle l’enlèvement suppose un déplacement tandis que cet élément est absent quand il est question de séquestration (p. 10-11). En ce sens, l’interprétation qu’on y trouve de l’infraction d’enlèvement, telle qu’elle a été codifiée, concorde avec la notion d’enlèvement en tant que forme aggravée d’emprisonnement illégal élaborée par la common law ou, pour reprendre la description faite par Bishop, en tant qu’[traduction] « emprisonnement illégal aggravé par le déplacement de la personne emprisonnée » (§ 750).

[…]

[49]      Selon moi, Metcalfe et Reid n’appuient pas l’argument de l’appelant. Ces arrêts établissent que le crime d’enlèvement est complet, en droit, dès le rapt initial, que la victime ait ou non été « cachée » ou tenue captive par la suite. L’inverse — à savoir que la séquestration subséquente ne fait pas partie de l’infraction — ne s’ensuit toutefois pas. Le juge en chef Finch a reconnu cette distinction en l’espèce. À mon avis, il a judicieusement fait remarquer que

[traduction] l’observation [dans Reid] selon laquelle il n’y a pas lieu de considérer l’enlèvement comme une « infraction continue » s’inscrivait dans le contexte de la question de savoir si l’on était en présence d’une infraction complète lorsque la victime n’avait pas été cachée. Je ne pense pas qu’on puisse y voir la consécration du principe selon lequel une séquestration subséquente ne peut pas faire partie de l’infraction. [Je souligne; par. 45.]

[…]

[66]      Le législateur n’a jamais eu une telle intention. Suivant le par. 279(1) du Code, l’infraction était perpétrée dès lors que les ravisseurs de M. McMynn s’étaient saisis de lui et l’avaient emmené — dans la mesure où, ce faisant, ils avaient l’intention de le séquestrer contre son gré.

[…]

[71]      Le juge du procès a néanmoins acquitté l’appelant de l’accusation d’enlèvement parce qu’il considérait le déplacement comme un élément essentiel de l’infraction et que, n’étant pas convaincu que l’appelant avait physiquement participé au déplacement de M. McMynn de maison en maison, il estimait qu’un verdict de culpabilité n’était pas justifié (par. 3, 345 et 375). Je ne puis souscrire à ce raisonnement. C’est, bien sûr, le déplacement qui distingue l’enlèvement de la séquestration et qui fait de l’enlèvement une forme aggravée de séquestration. Comme on l’a vu, toutefois, l’enlèvement est une infraction continue. Il a commencé lorsqu’on a fait sortir M. McMynn de force de sa voiture et a pris fin lorsque ce dernier a été délivré. M. McMynn n’a pas été enlevé et séquestré dans la première maison, puis enlevé une deuxième et une troisième fois lorsqu’il a été emmené dans la deuxième et la troisième maison. J’estime respectueusement qu’il est illogique de voir trois cas distincts d’enlèvement et trois cas distincts de séquestration dans ce qui s’est passé, et que cela met encore plus en évidence la nécessité de considérer l’enlèvement comme une infraction continue.

[Caractères gras ajoutés]

C’est au ministère public qu’appartient le fardeau de démontrer l’existence de circonstances exceptionnelles justifiant de retarder l’exercice du droit à l’avocat et ces circonstances ne peuvent être présumées ou basées sur des suppositions

R. v. Brown, 2024 ONCA 763

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[32]      Section 10(b) of the Charter stipulates that everyone has the right on arrest or detention to retain and instruct counsel without delay and to be informed of that right.

[33]      This provision has both “informational” and “implementational” components. Upon arrest or detention, police must “immediately” advise a detainee of their right to counsel. If the detainee asks to speak to counsel, police must facilitate a lawyer call “at the first reasonably available opportunity.” Until that implementational obligation is discharged, police must refrain from attempting to elicit evidence from the accused: R. v. Suberu2009 SCC 33, [2009] 2 S.C.R. 460, at para. 38R. v. Taylor2014 SCC 50, [2014] 2 S.C.R. 495, at paras. 24-28.

[34]      Recently, in R. v. Brunelle, 2024 SCC 3, 92 C.R. (7th) 219, the Supreme Court explained that whether the delay in exercising the right to counsel is reasonable is a “factual and highly contextual inquiry”. Barriers to access or “exceptional circumstances” cannot be assumed; they must be proved by the Crown: Brunelle, at para. 83.

[35]      This court arrived at a similar conclusion in R. v. Rover2018 ONCA 745, 143 O.R. (3d) 135, at para. 33, where it held that the law permits a delay in the facilitation of the right to counsel, but only where the police have turned their minds to the “specific circumstances of the case” and have “reasonable grounds” to justify the delay. The justification may be premised on the risk of “the destruction of evidence, public safety, police safety, or some other urgent or dangerous circumstance”: Rover, at para. 33.

[36]      Where those circumstances exist, the police must move as efficiently and sensibly as possible to minimize any ensuing delay: R. v. Keshavarz2022 ONCA 312, 413 C.C.C. (3d) 263, at para. 75; see also Rover, at para. 27.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Le droit applicable à la preuve de la conduite postérieure à l’infraction

R. c. Cardinal, 2018 QCCS 2441 Lien vers la décision [ 33 ]             L’essentiel du droit applicable à la preuve de la conduite postérieu...