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samedi 6 septembre 2025

La recherche d’un juge plus accommodant est une pratique inacceptable qui ternit la réputation du système judiciaire

R. c. Regan, 2002 CSC 12

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59                              Il importe de comprendre exactement ce que le ministère public a dit et fait en ce qui a trait à la recherche d’un juge plus accommodant.  Une preuve directe établit que la procureure principale de la Couronne affectée à l’affaire au cours de l’enquête policière a déclaré, lors d’une réunion avec la police, que le dépôt des accusations devrait être reporté pour éviter qu’un juge en particulier en soit saisi, parce qu’elle craignait qu’il éprouve de la sympathie envers l’accusé.  Cette irrégularité a été exacerbée, lorsqu’elle a ajouté qu’elle surveillerait le rôle de la cour à la recherche d’un autre juge mieux disposé à l’égard des accusations qui seraient portées contre l’accusé.  Aucune preuve ne démontre toutefois que ce commentaire a été répété ou qu’on y a donné suite.  Il n’en demeure pas moins que ce commentaire a été fait devant la police chargée de l’affaire et qu’il a donné le ton d’une attitude trop zélée et injuste dans la poursuite contre l’accusé.

 

60                              Notre Cour a déjà souligné le caractère irrégulier de ces manœuvres qui cherchent à influencer l’issue d’une poursuite, en tentant de « choisir » le juge.  Dans une affaire où le ministère public avait d’abord abandonné une poursuite devant un juge pour éviter une décision défavorable, puis déposé à nouveau des accusations dans le cadre d’un nouveau procès devant un juge différent, madame le juge McLachlin s’est empressée de dénoncer l’outrage ainsi fait à l’intégrité du système judiciaire (Scott, précité, p. 1008-1009) :

 

La question de la « quête au juge » vient du recours à l’arrêt des procédures pour contourner les conséquences d’une décision défavorable.  Normalement, le substitut [du] procureur général placé devant une décision défavorable est censé l’accepter.  Le recours est celui de l’appel . . .

 

Cette conduite pose le problème de l’impartialité de l’administration de la justice, dans la réalité et selon la manière dont elle est perçue.  Utiliser le pouvoir d’arrêter les procédures et les reprendre plus tard comme moyen de se soustraire à une décision défavorable donne à la poursuite un avantage dont l'accusé ne peut se prévaloir. 

 

 

 


61                              La recherche d’un juge plus accommodant était tout aussi outrageante en l’espèce.  Elle illustrait une autre inégalité entre le ministère public et la défense, en ce que seul le ministère public a le pouvoir d’influencer le choix du juge qui sera saisi de l’affaire en jouant sur le moment du dépôt des accusations.  Même s’il n’a finalement pas tiré parti de cet avantage, il faut rappeler avec fermeté que la recherche d’un juge qu’on espère plus favorable représente une pratique inacceptable.  Injuste envers l’accusé, elle ternit aussi la réputation du système judiciaire. De plus, cette pratique ne devrait pas contaminer le processus d’enquête en mêlant la police à un complot destiné à manipuler le processus judiciaire.  Le juge du procès était, à bon droit, gravement préoccupé par cette preuve.  Il a toutefois tenu compte du fait que ce simple commentaire n’avait pas eu de suite.  Il ne l’a donc pas jugé déterminant dans sa conclusion finale que le processus engagé contre l’accusé avait été abusif au point d’exiger une suspension des procédures.

L'indépendance du Poursuivant face aux policiers et son importance pour l'administration de la justice

Ontario (Procureur général) c. Clark, 2021 CSC 18

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[41]                        Une des dimensions essentielles de l’indépendance du poursuivant que protège le principe de l’immunité est, en fait, son indépendance vis‑à‑vis de la police. Cette dernière a pour rôle d’enquêter sur les crimes. Le rôle du procureur de la Couronne consiste, en revanche, à déterminer si une poursuite est dans l’intérêt public et, si oui, à mener cette poursuite en respectant ses obligations envers l’administration de la justice et l’accusé. Tous s’attendent à ce que la police et les procureurs de la Couronne « agissent conformément à leurs rôles respectifs dans le processus, la première procédant aux enquêtes sur des allégations de comportement criminel et le[s] deuxième[s] à l’appréciation de l’intérêt public à ce que des poursuites soient engagées » (Regan, par. 87; voir aussi Smith, par. 72).

[42]                        Dans l’arrêt Regan, la Cour a insisté sur l’importance, pour l’administration de la justice, de l’indépendance du poursuivant vis‑à‑vis de la police. Dans cette affaire, le débat portait sur le rôle qu’avait joué la poursuite à l’étape de l’enquête précédant l’inculpation. En fin de compte, le juge LeBel a conclu, au nom des juges majoritaires, que la participation de la Couronne aux entrevues préinculpation n’avait pas constitué en soi un abus de procédure. Il a toutefois fait observer que « [l]a nécessité d’une séparation entre les fonctions de la police et celles du ministère public a été réaffirmée à nombre d’occasions dans des rapports d’enquêtes sur des erreurs judiciaires qui ont entraîné l’emprisonnement d’innocents » (par. 66).

[43]                        Sa conclusion la plus pertinente était que « l’objectivité du ministère public et la séparation entre les fonctions du ministère public et celles de la police sont des éléments du processus judiciaire qu’il faut protéger » (par. 70). Ce point de vue a été repris par le juge Binnie, qui a déclaré :

     . . . les procureurs de la Couronne doivent demeurer objectifs dans leur examen des accusations portées par la police, ou dans leur participation à l’étape antérieure à l’inculpation, et [. . .] ils doivent conserver, en réalité comme en apparence, une indépendance impartiale par rapport au rôle d’enquête de la police. C’est là la fonction de « représentant de la justice » du procureur de la Couronne, à laquelle s’appliquent des normes élevées amplement reconnues par la jurisprudence . . . [par. 137, dissident pour d’autres motifs]

[44]                        L’importance de l’objectivité dont doivent faire preuve les poursuivants lorsqu’ils examinent les accusations portées par la police s’explique par le fait que les « procureurs de la Couronne fournissent les premiers freins et contrepoids au pouvoir de la police ». Ils servent de « tampon entre la police et le citoyen » pour décider de la suite à donner une fois que des accusations ont été portées (par. 159‑160, le juge Binnie). Le contrôle indépendant, par la poursuite, de l’enquête menée par les policiers et de leurs décisions permet de « faire en sorte que les enquêtes comme les poursuites sont effectuées de façon plus complète et, partant, plus équitable » (par. 160, le juge Binnie, citant le Rapport Martin, p. 39).

[45]                        Dans l’arrêt R. c. Beaudry2007 CSC 5 (CanLII), [2007] 1 R.C.S. 190, la Cour a bien précisé que l’indépendance dont jouit la poursuite vis-à-vis de la police n’est pas à sens unique. Le policier « joue un rôle qui lui est propre dans le système de justice pénale [. . .] et il importe qu’il demeure indépendant du pouvoir exécutif ». Les rapports qui existent entre les poursuivants et la police ne sont donc pas « hiérarchiques ». Dans l’accomplissement de leurs fonctions respectives, les policiers et les poursuivants « jouissent d’un pouvoir discrétionnaire qu’ils doivent exercer indépendamment de toute influence externe » (par. 48). La collaboration est encouragée, mais l’indépendance est obligatoire.

[46]                        Dans l’arrêt Smith, le juge d’appel Tulloch a qualifié les rapports qui existent entre le poursuivant et la police de relation [traduction] « [d’] indépendance mutuelle » qui « offre une protection contre l’abus de pouvoir de la part tant des enquêteurs que des poursuivants et qui est susceptible de garantir que tant les enquêtes que les poursuites sont menées de façon plus rigoureuse et équitable » (par. 86, citant le Rapport Martin, p. 39).

[47]                        Obliger les poursuivants à rendre compte aux policiers des fautes qu’ils commettent dans l’exercice de leur charge publique est fondamentalement incompatible avec l’existence de rapports « mutuellement indépendants ». Les poursuivants n’ont pas d’obligation légale précise envers la police en ce qui concerne la façon dont ils mènent une poursuite. Recourir à des allégations de faute dans l’exercice d’une charge publique pour contourner cette réalité permettrait à un policier de poursuivre un procureur de la Couronne en justice pour son présumé non‑respect des devoirs de sa charge publique (Odhavji, par. 29). Une telle relation entre le poursuivant et la police fondée sur une obligation légale de rendre des comptes est inconciliable avec le [traduction] « rôle séparé et distinct » de chacun d’entre eux (Smith, par. 65).

[48]                        La question n’est pas purement théorique. Comme je l’ai déjà souligné, le fait que les tribunaux sont de plus en plus disposés à intervenir plus activement pour examiner les décisions prises par le procureur général et ses représentants, notamment par le jeu des exceptions à l’immunité du poursuivant, a été motivé par le fait qu’on s’est rendu compte qu’en ne soumettant pas la conduite de la Couronne à des mécanismes de contrôle adéquats, y compris en ce qui concerne ses rapports avec la police, on risquait d’assister à des injustices flagrantes, sous forme notamment de déclarations de culpabilité injustifiées.

[49]                        On a assisté à des injustices déplorables lorsque ces rôles ont été intégrés. Le rapport de la Royal Commission on the Donald Marshall, Jr., Prosecution a conclu que la séparation des fonctions de la police de celles de la Couronne était essentielle à la bonne administration de la justice (Regan, par. 66, citant les Royal Commission on the Donald Marshall, Jr., Prosecution, vol. 1, Findings and Recommendations (1989), p. 232). En outre, en 1998, dans le Rapport de la Commission sur les poursuites contre Guy Paul Morin, le commissaire a conclu que le manque d’objectivité de la Couronne du début à la fin du processus par suite notamment d’un contact trop étroit entre le poursuivant et la police avait contribué à la condamnation injustifiée de M. Morin :

      Les procureurs ont fait preuve d’un piètre jugement quant à la question des influences contaminantes pour les témoins : premièrement, la preuve favorisait la poursuite, ce qui fausse leur objectivité; deuxièmement, leurs rapports avec la police qui, à certains moments, les empêchait d’y voir clair et d’évaluer avec objectivité et précision la fiabilité des agents qui témoignaient pour la poursuite.

(Commission sur les poursuites contre Guy Paul Morin : Rapport (1998), vol. 2, p. 911, cité dans Regan, par. 69)

[50]                        La Cour d’appel a rappelé cette réalité en l’espèce dans son analyse de l’obligation de diligence à l’issue de laquelle elle a rejeté la demande des policiers fondée sur la négligence. La cour a reconnu que le fait d’imposer une obligation de diligence aux procureurs de la Couronne envers les policiers chargés de l’enquête risquait de nuire à la capacité des poursuivants d’agir de façon indépendante, sans avoir à tenir compte des intérêts des policiers. Selon la cour, imposer une telle obligation [traduction] « incite[rait] les procureurs de la Couronne à se concentrer sur des facteurs étrangers au cours de la poursuite » et « a[urait] un effet délétère sur l’administration de la justice en sapant la confiance du public envers l’intégrité du processus décisionnel indépendant de la Couronne » (par. 87‑88).

[51]                        Cela [traduction] « aurait tendance à fausser la prise de décisions fondée sur des principes » pour les raisons suivantes invoquées par la cour :

     [traduction] La décision des procureurs de la Couronne d’entamer une poursuite, de la continuer et d’y mettre fin devrait être fondée sur l’existence d’une possibilité raisonnable de condamnation et sur le fait que la poursuite est dans l’intérêt public. La possibilité pour les policiers d’intenter des actions au civil fausserait ce vénérable double rôle. Elle aurait un effet délétère sur l’administration de la justice en sapant la confiance du public envers l’intégrité du processus décisionnel indépendant de la Couronne. De plus, exposer les procureurs de la Couronne à des actions pour négligence intentées par la police risquerait de faire traîner en longueur des instances judiciaires dans lesquelles les procureurs de la Couronne prendraient des décisions contestables en matière de poursuite en réponse à des requêtes fondées sur la Charte par crainte d’être poursuivis. Elle encouragerait l’examen par les tribunaux de questions accessoires, ce qui cadre mal avec les contraintes avec lesquelles doivent composer les tribunaux pénaux, qui disposent de ressources limitées et qui subissent des pressions pour respecter les délais rigoureux imposés par la Constitution. [référence omise; par. 88]

[52]                        Le juge des motions a également reconnu les risques pour leur intégrité et leur indépendance que courraient les poursuivants s’ils étaient exposés à des actions pour négligence de la part de policiers :

     [traduction] Alourdir ainsi les obligations des procureurs de la Couronne en ajoutant ce devoir pourrait avoir pour conséquence que des affaires soient instruites uniquement pour répondre aux préoccupations des policiers. On transformerait ainsi ce qui devrait être une relation de coopération entre la police et les procureurs de la Couronne en des rapports potentiellement antagonistes dans lesquels les policiers agiraient non seulement comme enquêteurs et témoins, mais aussi comme plaideurs ayant un intérêt dans l’issue du procès et comme éventuels auteurs de demandes visant les procureurs de la Couronne. Le risque de conflits et de perturbation des rapports existants est évident. [par. 135]

[53]                        Ces considérations d’intérêt public ne sont pas moins importantes lorsqu’il s’agit de déterminer si l’immunité du poursuivant devrait céder le pas pour permettre aux policiers enquêteurs d’intenter une action contre un poursuivant pour faute dans l’exercice d’une charge publique. Si le poursuivant risquait d’engager sa responsabilité civile pour atteinte à la réputation de policiers, cela impliquerait qu’il tiendrait compte de facteurs non pertinents ce qui compromettrait son objectivité et son indépendance, qui sont au cœur du rôle qui lui est confié. Permettre aux policiers de poursuivre des procureurs de la Couronne au sujet des décisions prises par ces derniers au cours d’un procès criminel est une recette pour placer les poursuivants dans une situation de conflit d’intérêts face à leur devoir de protéger l’intégrité du processus et les droits de l’accusé.

vendredi 5 septembre 2025

Une lecture fragmentaire de la preuve peut constituer une erreur de droit

R. c. Beaudin, 2022 QCCA 1516

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[50]      Le juge devait se garder de morceler ainsi la preuve en analysant séparément chaque élément de celle-ci, sans jamais véritablement en considérer l’ensemble.

[51]      La Cour suprême rappelle le principe « selon lequel il appartient fondamentalement au juge des faits de tracer dans chaque cas la ligne de démarcation entre le doute raisonnable et les conjectures » et que « [c]ette appréciation du juge des faits ne peut être écartée que si elle est déraisonnable »[22].

[52]      Certes, un acquittement déraisonnable n’existe pas[23]. Or, en l’espèce, le ministère public ne plaide pas un tel « verdict d’acquittement déraisonnable », mais bien une analyse fragmentée de la preuve. Il soutient, avec justesse, que les éléments de preuve doivent faire l’objet d’une analyse globale dont l’effet cumulatif doit être pris en compte.

[53]      Tel que mentionné précédemment, dans l’arrêt J.M.H. – lequel concernait un dossier d’acquittement –, la Cour suprême confirmait qu’une analyse de la preuve faite de manière morcelée entre dans la quatrième catégorie des erreurs de droit, soit le fait pour un juge de ne pas tenir « compte de toute la preuve qui se rapporte à la question ultime de la culpabilité ou de l’innocence »[24].

[54]      Dans Mangiola c. R., la Cour écrivait qu’une lecture fragmentaire de la preuve peut constituer une erreur de droit :

[17]      L’approche préconisée par l’appelant contrevient à la règle élémentaire qui interdit l’analyse de la preuve de façon morcelée : R. c. J.L.2017 QCCA 398, par. 78R. c. Hamel2016 QCCA 870, par. 15R. c. Morin1988 CanLII 8 (CSC), [1988] 2 R.C.S. 345. Il est vrai que parmi les éléments soulevés par l’appelant, un ou l’autre n’est pas en soi l’indicateur d’un comportement criminel.

[18]      Toutefois, l’analyse de la preuve n’est pas un processus d’élimination successive des éléments de preuve individuels. Chaque élément doit s’évaluer dans l’ensemble de la preuve et c’est l’ensemble de la preuve qui donne à chaque élément sa saveur. C’est ce que la juge devait faire et manifestement, c’est ce qu’elle a fait.[25]

[Soulignement ajouté]

[55]      Dans R. c. Polat[26], la Cour a conclu que le juge du procès n'avait pas tenu compte de l'ensemble de la preuve et que le ministère public avait donc réussi à établir une erreur de droit justifiant son intervention. Estimant que le dossier de la Cour ne soulevait pas de doute raisonnable quant à la culpabilité de l’intimé aux infractions dont il était accusé, la Cour a conclu que le remède approprié devait donc être pour la Cour de substituer des verdicts de culpabilité pour les deux infractions reprochées.

[56]      La Cour d’appel de l’Ontario, dans R. v. Rudge[27], a accueilli l'appel du ministère public contre un acquittement et ordonné un nouveau procès au motif que le juge du procès n'avait pas examiné l'ensemble de la preuve en ce qui concerne la question ultime de la culpabilité. Plus précisément, le juge n'avait pas tenu compte dans son analyse des éléments de preuve importants concernant une question essentielle. La Cour a considéré que la combinaison de ces erreurs invalidait l’acquittement et conclu qu’un nouveau procès s'imposait.

[57]      Siégeant toujours en appel d’un acquittement, la Cour d’appel de l’Ontario, dans R. v. Knezevic[28], a infirmé un jugement et ordonné un nouveau procès au motif que le juge tirait des conclusions de fait conjecturales et avait omis de considérer la preuve dans son ensemble.

[58]      Plus récemment dans R. v. Tubongbanua[29], la Cour d’appel de l’Ontario a tranché que le juge avait erré en droit en tirant une conclusion de fait pour laquelle il n’y avait aucune preuve, en omettant d’examiner toute la preuve relative à une question centrale, soit la capacité de consentir de la plaignante, ainsi qu’en ayant fondé son doute raisonnable sur de pures conjectures.

[59]      Dans la présente affaire, le juge a également erré en droit en considérant de manière fragmentaire les différents éléments de preuve, ce qui justifie l'intervention de la Cour

Si l’absence de crédibilité d’un témoin peut rompre la confiance du décideur en amont, c’est bien de la fiabilité du témoignage dont on doit le plus se soucier au final

Gauthier c. R., 2020 QCCA 714

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[94]        L’appelant, à juste titre, souligne l’importance de la distinction entre les notions de crédibilité et de fiabilité. Si la première réfère aux caractéristiques personnelles du témoin, à sa sincérité ou à son intégrité et qu’elle peut se dégager non seulement du contenu de ses réponses, mais également de son comportement, la fiabilité réfère à la valeur du récit, à sa justesse dans la représentation des événements.

[95]        Si l’absence de crédibilité d’un témoin peut rompre la confiance du décideur en amont, c’est bien de la fiabilité du témoignage dont on doit le plus se soucier au final[78]. Comme le rappelait mon collègue François Doyon dans un article devenu une référence sur le sujet, la « […] crédibilité n’est donc que l’un des éléments à considérer. La fiabilité du témoignage est certainement plus importante et plus sûre que la crédibilité du témoin »[79]. Rappelons également les propos du juge Finlayson de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt R. c. Norman[80] :

I do not think that an assessment of credibility based on demeanour alone is good enough in a case where there are so many significant inconsistencies.  The issue is not merely whether the complainant sincerely believes her evidence to be true; it is also whether the evidence is reliable.  Accordingly, here demeanour and credibility are not the only issues.  The reliability of the evidence is what is paramount.

[96]        L’importance de s’assurer d’une fiabilité suffisante est d’autant plus grande dans des circonstances où, comme en l’espèce, les faits datent et où plusieurs témoins reviennent sur ce qu’ils ont vécu alors qu’ils étaient enfants[81].

L’abandon d'un bien est fatal à l’existence d’une attente raisonnable en matière de respect de la vie privée

R. c. Patrick, 2009 CSC 17



[22] Dans R. c. Dyment1988 CanLII 10 (CSC), [1988] 2 R.C.S. 417, le juge La Forest a considéré l’abandon comme fatal pour l’existence d’une attente raisonnable en matière de respect de la vie privée.  Le juge a conclu que lorsqu’un accusé abandonne une chose, il est « préférable de reprendre les termes de la Charte, en affirmant qu’il ne [peut] plus raisonnablement s’attendre à ce qu’on en préserve le caractère confidentiel » (p. 435).

 

[23] Dans R. c. Stillman1997 CanLII 384 (CSC), [1997] 1 R.C.S. 607, la juge McLachlin, dissidente mais non sur ce point, a affirmé que « [l]’article 8 a pour objet de protéger la personne et ses biens contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives.  Cet objet ne joue pas dans le cas de biens que l’accusé a jetés » (par. 223).  (Dans le même sens, voir le juge Cory, au nom de la majorité, au par. 62, et le juge Major, dans des motifs concourants en partie, au par. 274.)

 


[24] La situation était différente dans R. c. Law2002 CSC 10, [2002] 1 R.C.S. 227, où un coffre‑fort renfermant des documents confidentiels avait été volé (et non pas abandonné) et où l’accusé n’avait jamais agi de façon incompatible avec le maintien de l’affirmation d’un droit au respect de sa vie privée à l’égard des renseignements contenus dans les documents en question.  Quand, après avoir retrouvé le coffre‑fort, les policiers ont décidé d’examiner les documents qu’il contenait (et ont ensuite inculpé l’accusé d’infractions de nature fiscale), ils ont franchi la limite du raisonnable prévue par l’art. 8.

 

[25] L’abandon est donc une question de fait.  Il faut se demander si la façon dont la personne qui revendique la protection de l’art. 8 s’est comportée à l’égard de la chose faisant l’objet de sa revendication amènerait un observateur raisonnable et indépendant à conclure qu’il est déraisonnable pour cette personne, eu égard à l’ensemble des circonstances, de continuer à revendiquer le droit au respect de la vie privée.

L’ivresse peut constituer un moyen de défense à l’égard des crimes qui nécessitent une intention spécifique, ce qui inclut l’infraction créée par l’al. 348(1)a)

Holland c. R., 2013 NBCA 69

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[18]                                                           Qu’à cela ne tienne, le Procureur général reconnaît que « l’ivresse, suivant ce qui ressort de la preuve, constitue un moyen de défense à l’égard des crimes qui nécessitent une intention spécifique », en reprenant les propos de l’affaire R. c. Quin1988 CanLII 21 (CSC)[1988] 2 R.C.S. 825[1988] A.C.S. no 99 (QL) (par. 15). Cela dit, le Procureur général soutient que le degré d’intoxication entre en jeu lorsque la défense d’intoxication est opposée à un crime qui nécessite une intention spécifique et peut donc servir de preuve contraire.

 

[19]                                                           Le Procureur général invoque l’arrêt R. c. Daley2007 CSC 53[2007] 3 R.C.S. 523, pour faire valoir que l’intoxication « légère », ou ce qui a été décrit comme l’état où l’alcool provoque un relâchement des inhibitions et du comportement socialement acceptable, n’a jamais été reconnue comme excuse lorsqu’il s’agit de déterminer si un accusé avait l’intention coupable ou la mens rea requise. Il doit plutôt y avoir preuve d’une intoxication avancée, c’est-à-dire d’une intoxication telle que l’accusé n’a pas la capacité de prévoir les conséquences de ses actes. Selon le Procureur général, le simple fait pour un accusé de dire qu’il avait bu, sans plus, ne saurait constituer une preuve contraire. L’accusé doit présenter une preuve qui établit qu’il se trouvait dans un état d’intoxication tel qu’il ne pouvait avoir à l’esprit l’intention spécifique requise pour être déclaré coupable de l’infraction créée par l’al. 348(1)a).  Je partage cet avis.

 

[20]                                                           Le simple fait de dire que des éléments de preuve révèlent qu’il buvait et que, par conséquent, il ne pouvait avoir l’intention de commettre un acte criminel dans la maison où il s’est introduit par effraction, ne saurait être suffisant. Le degré d’intoxication d’un accusé doit être examiné à la lumière de l’ensemble des circonstances. Si les circonstances donnent à croire que l’accusé se trouvait dans un état d’intoxication avancé suffisant pour soulever un doute raisonnable que l’accusé ait été en mesure de prévoir les conséquences de son acte, alors l’intoxication peut constituer une preuve contraire. Voir R. c. Campbell1974 CanLII 1502 (ON CA)[1974] O.J. No. 351 (C.A.) (QL), au par. 9.  Autrement, elle ne le peut.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Le droit applicable à la preuve de la conduite postérieure à l’infraction

R. c. Cardinal, 2018 QCCS 2441 Lien vers la décision [ 33 ]             L’essentiel du droit applicable à la preuve de la conduite postérieu...