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vendredi 19 septembre 2025

L’analyse à laquelle le juge doit se livrer face à une accusation d’usage négligent d’une arme à feu

R. c. Boivin, 2024 QCCQ 5477

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[34]      L’article 86 C.cr. prohibe l’usage négligent d’une arme à feu en interdisant à quiconque, sans excuse légitime, d’utiliser, de porter, de manipuler, d’expédier, de transporter ou d’entreposer une arme à feu, une arme prohibée, une arme à autorisation restreinte, un dispositif prohibé, des munitions ou des munitions prohibées d’une manière négligente ou sans prendre suffisamment de précautions pour la sécurité d’autrui.

[35]      Il s’agit d’une infraction de négligence pénale, pour laquelle l’état d’esprit de l’accusé n’est ainsi pas déterminant[24]. Selon la Cour suprême, l’élément essentiel de l’infraction est la conduite qui constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu’observerait une personne raisonnablement prudente, adoptée sans excuse légitime[25].

[36]      La Cour d’appel du Québec précise l’analyse à laquelle le juge doit se livrer face à une accusation d’usage négligent d’une arme à feu[26] :

[24] Les enseignements tirés de cet arrêt nous invitent à définir l’actus reus selon les termes de la disposition en cause. En l’espèce, l’aspect matériel de l’infraction prévue à l’article 86(1) C.crcomporte deux éléments, alors que la preuve d’un seul suffit pour établir l’infraction. Il s’agit pour le juge des faits de déterminer hors de tout doute raisonnable si d’un point de vue objectif l’accusé a utilisé l’arme à feu « [1] d’une manière négligente ou [2] sans prendre suffisamment de précautions pour la sécurité d’autrui ». À ce stade préalable, l’analyse doit porter sur l’appréciation objective du comportement de l’accusé ou, le cas échéant, sur l’insuffisance de ses précautions au moment de l’utilisation de l’arme à feu.

[25] En tenant compte de l’ensemble des circonstances, cette preuve repose essentiellement sur le comportement de l’accusé au moment d’utiliser l’arme à feu, du lieu de l’évènement et du risque que représente la situation.

[26] La mens rea de cette infraction, quant à elle, repose sur la preuve hors de tout doute raisonnable que la manière négligente d’utiliser l’arme à feu constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable placée dans la même situation que l’accusé. Encore une fois, le critère objectif constitue l’élément central pour trancher cette question.

[27] Je précise au passage que l’analyse de la mens rea en matière de négligence pénale ne repose pas seulement sur le comportement attendu de la personne raisonnable, ce qui nous rapprocherait trop de la norme de la conduite simplement imprudente, d’où l’importance du critère objectif « modifié » adopté par la Cour suprême dans Hundal. En fait, la preuve doit plutôt démontrer un écart marqué par rapport au comportement qu’aurait adopté en pareille situation la personne dite « raisonnable ». La preuve de l’écart marqué demeure une question de degré laissée à l’appréciation du juge des faits.

[28] Si le ministère public n’a pas l’obligation de démontrer que l’accusé avait l’intention subjective de manier de façon négligente l’arme à feu, la mens rea objective n’ignore pas pour autant son état d’esprit. Cette preuve, si elle existe, repose principalement sur la démonstration de son état mental de diligence au moment des évènements, c'est-à-dire celui de ne pas avoir accordé à l’activité en cause le degré de pensée et d’attention nécessaire. Une telle preuve peut résider dans les précautions insuffisantes prises par l’utilisateur au moment de s’adonner à l’activité dangereuse. […]

[33] Je résumerais donc de la manière suivante la tâche du juge des faits appelé à décider de la culpabilité d’une personne accusée de l’infraction prévue à l’article 86(1) C.cr. Il doit d’abord déterminer si les éléments matériels de l’infraction ont été objectivement démontrés, et ce, hors de tout doute raisonnable, c'est-à-dire un usage négligent ou des précautions insuffisantes. Dans la seconde étape de son analyse, avant de parvenir à un verdict de culpabilité, il doit être convaincu hors de tout doute raisonnable que le comportement en cause s’écarte de façon marquée par rapport à la norme de diligence qu’aurait observée une personne raisonnable placée dans des circonstances semblables à celles qui prévalaient au moment où l’accusé a fait usage de l’arme à feuPour conclure en ce sens, il doit toutefois prendre en considération toute excuse légitime qui pourrait ressortir de la preuve et capable de susciter un doute raisonnable.

[Références omises et caractères gras ajoutés]

[37]      D’autre part, dans l’arrêt Batty, la Cour d’appel de l’Ontario considère qu’en l’absence de preuve que la manipulation de l’arme cause un risque pour la sécurité d’autrui ou pour la propriété, un juge ne peut condamner une personne pour l’usage négligent d’une arme à feu[27].

Une preuve circonstancielle peut permettre de conclure qu’une arme non expertisée est une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte

R. c. Boivin, 2024 QCCQ 5477 

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[23]      En lien avec tous ces éléments, lorsque la qualification d’une arme non expertisée est l’objet d’un litige, comme en l’espèce, le test de l’œil de cochon ne s’applique pas. Dès lors, la jurisprudence et la doctrine enseignent qu’une preuve circonstancielle peut permettre de conclure qu’une arme non expertisée est une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte[12]. Voici le résumé de quelques décisions analysant une preuve circonstancielle au soutien de telles qualifications :

         Dans l’arrêt St-Pierre[13], notre Cour d’appel conclut que la preuve circonstancielle ne démontre pas la fonctionnalité d’une arme à titre d’arme à feu prohibée. Toutefois, elle réitère que le comportement d’un accusé à l’égard d’une arme à feu alléguée peut, en certaines circonstances, permettre de conclure qu’elle est fonctionnelle. Ainsi, dit-elle, la façon dont l’accusé manipule une arme lors de la commission d’une infraction, les propos qu’il tient en présence de témoins et sa participation à des activités criminelles sont autant d’éléments qui sont retenus par les tribunaux au moment de conclure au bon fonctionnement d’une arme à feu[14];

         Dans l’arrêt Robbie[15], la Cour d’appel d’Alberta renverse un verdict d’acquittement à l’égard d’une infraction reprochant l’utilisation d’une arme à feu durant la perpétration d’une autre infraction. Elle conclut que l’arme utilisée répond à la définition d’arme à feu, selon une preuve circonstancielle prima facie, non démentie, en recensant les indices qui suivent. L’accusé séquestre sa conjointe et place d’abord un couteau sous sa gorge. Il récupère ensuite un fusil, puis des munitions, et le charge. Laissant de côté le couteau, il utilise ensuite le fusil pour intimider sa conjointe, pendant plusieurs heures. Après avoir chargé l’arme, il discute de ses préarrangements funéraires, ce qui permet d’inférer que le fusil est fonctionnel;

         Dans l’arrêt Lay[16], la Cour d’appel d’Alberta conclut que l’arme pointée vers des agents correctionnels dans le contexte d’une extorsion est une arme de poing, s’agissant de la seule inférence logique émanant de la preuve, en raison des circonstances suivantes : d’abord, les agents croient avoir vu une véritable arme à feu; de plus, lors d’une conversation enregistrée entre l’accusé et sa conjointe pour planifier son évasion d’une prison, il lui demande si elle a vu son « boom stick »; sa conjointe répond positivement, ajoutant que l’arme est comme celle qu’elle a vue au club de tirs;

         Dans l’arrêt Abdoulkader[17], la Cour d’appel de l’Ontario conclut que l’arme braquée lors d’un vol qualifié dans une banque est une arme de poing véritable, et non une imitation, puisqu’une employée l’a cru, la décrivant comme étant noire lustrée et en métal, puis ayant entendu l’accusé charger l’arme (« rack the gun »);

         Dans l’affaire Alberts[18], une Cour de justice de l’Ontario conclut qu’une arme qui a toutes les apparences d’une arme à feu répond à la définition du Code, puisqu’elle est saisie en même temps que des munitions trouvées au même endroit, que l’accusée la décrit à un agent comme une petite arme à feu, et non comme une imitation ou une arme non fonctionnelle, qu’elle transporte pour sa protection. Le juge précise ceci : « Its protective value would be highly limited if it was not capable of discharging the ammunition that it was found in association with. »;

         Dans l’arrêt Carlson[19], la Cour d’appel de l’Ontario conclut que les éléments de la preuve supportent raisonnablement la qualification d’une arme de poing à titre d’arme à feu véritable, puisque durant le vol qualifié, l’accusé brandit l’arme, la braque derrière la tête du commis en criant « hold-up » et en demandant l’argent; plusieurs témoins la décrivent petite et noire, munie d’un canon de 6 à 8 pouces; enfin, selon un complice et son épouse, l’accusé avait accès à des armes;

         Dans l’arrêt Charbonneau[20], la Cour d’appel de l’Ontario conclut que l’arme utilisée par l’accusé est une arme à feu véritable, parce que la victime l’a cru, la décrit comme telle, en expliquant que l’accusé la tenait et se comportait comme s’il s’agissait d’une arme fonctionnelle, en la menaçant de tirer. De plus, la cour note l’absence d’une preuve contraire;

         Dans Ranieri[21], la Cour d’appel de l’Ontario conclut que l’arme pointée par l’accusé est une arme à feu, la preuve suffisant à l’inférer en raison de la description qu’en font les témoins, qui l’ont vu être chargée, de la violence de l’agression et des menaces proférées, dont celle voulant que l’accusé mentionne qu’il reviendra dans quelques jours les tuer dans leurs résidences;

         Dans l’arrêt O.A.[22], la Cour d’appel de l’Ontario, après avoir considéré une vidéo de surveillance montrant l’appelant pointer ce qui ressemble à une arme de poing vers un véhicule, la version d’un témoin qui affirme avoir entendu un bruit qui ressemble à un tir d’arme à feu, une vidéo montrant la foule se disperser rapidement par la suite et la découverte de marques sur le véhicule qui aurait été la cible du tir, cohérentes avec l’impact d’une balle de fusil, conclut que la seule inférence raisonnable possible dans les circonstances est la culpabilité de l’accusé au regard des infractions reliées aux armes à feu qui lui sont reprochées;

         Enfin, dans l’arrêt Gordon[23], la Cour d’appel de l’Ontario conclut que le juge peut inférer que l’accusé brandit une arme à feu lorsqu'au cours d’un vol qualifié, pour maîtriser les victimes, il pointe un objet qui ressemble à une arme à feu en leur direction et menace de tirer, puis que les victimes croient qu'il s'agit d'une vraie arme à feu et que les voleurs agissent comme si c'était le cas.

lundi 15 septembre 2025

Les facteurs pertinents pour évaluer le risque de récidive en matière d'emprisonnement dans la collectivité

R. c. Proulx, 2000 CSC 5

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(i)  Risque de récidive

 

70                              Divers facteurs sont pertinents pour évaluer le risque de récidive.  Dans Brady, précité, aux par. 117 à 127, le juge en chef Fraser de la Cour d’appel de l’Alberta suggère de vérifier si le délinquant a respecté les ordonnances des tribunaux dans le passé et, de manière plus générale, s’il a des antécédents judiciaires tendant à indiquer qu’il ne respectera pas les conditions de son ordonnance de sursis à l’emprisonnement.  Dans Maheu, précité, à la p. 418, Madame le juge Rousseau‑Houle a énuméré certains autres facteurs qui pourraient être pertinents:

 

. . . 1)  la nature de l’infraction, 2) les circonstances pertinentes de celle‑ci, ce qui peut mettre en cause les événements antérieurs et postérieurs, 3) le degré de participation de l’inculpé, 4) la relation de l’inculpé avec la victime, 5) le profil de l’inculpé, c’est‑à‑dire son occupation, son mode de vie, ses antécédents judiciaires, son milieu familial, son état mental, 6) sa conduite postérieurement à la commission de l’infraction, 7) le danger que représente pour la communauté particulièrement visée par l’affaire, la mise en liberté de l’inculpé.

 

71                              Cette liste est fort utile, mais elle ne doit pas être considérée comme exhaustive.  Le risque que pose un délinquant donné pour la collectivité doit être apprécié au cas par cas, selon les faits propres à chaque affaire.  De plus, les facteurs énumérés précédemment ne devraient pas être appliqués de façon mécanique. Comme a conclu le juge en chef Fraser dans Brady, précité, au par. 124:

 


[traduction]  Le fait qu’un délinquant a oublié de comparaître devant le tribunal une fois il y a dix ans ne le rend pas d’office inadmissible à l’octroi du sursis à l’emprisonnement.  Le simple fait de se présenter à son procès ne garantit pas non plus au délinquant l’obtention du sursis.  Le tribunal doit évidemment tenir compte de tous les aspects des manquements antérieurs aux ordonnances des tribunaux, notamment la fréquence des manquements, l’âge et la maturité du délinquant, le temps écoulé depuis les derniers manquements, leur gravité et leurs circonstances.

 

72                              Le risque de récidive devrait aussi être apprécié à la lumière des conditions assortissant l’ordonnance de sursis à l’emprisonnement.  Dans les cas où il y a un certain risque que le délinquant puisse mettre en danger la sécurité de la collectivité, il est possible de réduire ce risque au minimum en assortissant l’ordonnance de conditions appropriées:  voir Wismayer, précité, à la p. 32; Brady, précité, au par. 62Maheu, précité, à la p. 418.  De fait, une telle mesure est envisagée par l’al. 742.3(2)f), qui habilite le tribunal à imposer au délinquant l’obligation d’observer «telles autres conditions raisonnables que le tribunal considère souhaitables [. . .] pour assurer la bonne conduite du délinquant et l’empêcher de commettre de nouveau la même infraction ou de commettre d’autres infractions».  Par exemple, il est possible que le tribunal veuille prononcer, à l’endroit d’un délinquant souffrant d’une dépendance à la drogue, une condamnation à l’emprisonnement avec sursis assortie d’une ordonnance de participation à un programme de traitement, malgré le fait que le délinquant possède de nombreux antécédents judiciaires liés à cette dépendance, dans la mesure toutefois où il estime que les chances de réadaptation sont bonnes et que le degré de surveillance sera suffisant pour assurer l’observation par le délinquant des conditions de son ordonnance de sursis à l’emprisonnement.

Quant à la sécurité de la collectivité en matière d'emprisonnement dans la collectivité, il s’agit essentiellement du risque de récidive

Goyette c. R., 2023 QCCA 1657

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[20]      Jusqu’à récemment, l’emprisonnement dans la collectivité ne pouvait être envisagé lorsque l’infraction était punissable par une peine maximale d’emprisonnement à perpétuité[17]. L’article 742.1 C.crfut récemment modifié par le Parlement afin de l’élargir à une gamme beaucoup plus importante d’infractions, incluant l’invasion de domicile[18]. Cet article est maintenant ainsi rédigé :

742.1 Le tribunal peut ordonner à toute personne qui a été déclarée coupable d’une infraction de purger sa peine dans la collectivité afin que sa conduite puisse être surveillée — sous réserve des conditions qui lui sont imposées en application de l’article 742.3 —, si elle a été condamnée à un emprisonnement de moins de deux ans et si les conditions suivantes sont réunies :

742.1 If a person is convicted of an offence and the court imposes a sentence of imprisonment of less than two years, the court may, for the purpose of supervising the offender’s behaviour in the community, order that the offender serve the sentence in the community, subject to the conditions imposed under section 742.3, if

a) le tribunal est convaincu que la mesure ne met pas en danger la sécurité de la collectivité et est conforme à l’objectif essentiel et aux principes énoncés aux articles 718 à 718.2;

(a) the court is satisfied that the service of the sentence in the community would not endanger the safety of the community and would be consistent with the fundamental purpose and principles of sentencing set out in sections 718 to 718.2;

b) aucune peine minimale d’emprisonnement n’est prévue pour l’infraction;

(b) the offence is not an offence punishable by a minimum term of imprisonment;

c) il ne s’agit pas d’une infraction prévue à l’une ou l’autre des dispositions suivantes :

(c) the offence is not an offence under any of the following provisions:

(i) l’article 239 (tentative de meurtre), pour laquelle une peine au titre de l’alinéa 239(1)b) est infligée,

(i) section 239, for which a sentence is imposed under paragraph 239(1)(b) (attempt to commit murder),

(ii) l’article 269.1 (torture),

(ii) section 269.1 (torture), or

(iii) l’article 318 (encouragement au génocide);

d) il ne s’agit pas d’une infraction de terrorisme ni d’une infraction d’organisation criminelle poursuivies par mise en accusation et passibles d’une peine maximale d’emprisonnement de dix ans ou plus.

(iii) section 318 (advocating genocide); and

(d) the offence is not a terrorism offence, or a criminal organization offence, prosecuted by way of indictment, for which the maximum term of imprisonment is 10 years or more.

[21]      Puisque l’infraction en cause dans cet appel ne tombe pas sous les exceptions énoncées aux paragraphes b), c) et d) de l’article 742.1 C.cr. précité, et que la peine d’emprisonnement imposée est de moins de deux ans, le juge pouvait permettre à l’appelant de purger sa peine dans la collectivité s’il était convaincu que cette mesure 1) ne met pas en danger la sécurité de la collectivité; et 2) qu’elle est conforme à l’objectif essentiel et aux principes applicables à la détermination de la peine énoncés aux articles 718 à 718.2 C.cr.  Or, dans ce cas-ci, le juge était convaincu que ni l’une ni l’autre de ces deux conditions n’était satisfaite.

[22]      Quant à la sécurité de la collectivité, il s’agit essentiellement du risque de récidive. À cet égard, deux facteurs doivent être pris en compte : 1) le risque que le délinquant récidive; et 2) la gravité du préjudice susceptible de découler d’une récidive. Si à la lumière de l’ensemble des circonstances, notamment les antécédents judiciaires et le respect passé des ordonnances judiciaires, le juge conclut que le risque de récidive est réel, le délinquant doit être incarcéré[19]. Si, au contraire, le juge estime que ce risque est minime, la gravité du préjudice susceptible de découler d’une récidive doit également être prise en considération[20].

Comment apprécier la raisonnabilité des délais au stade de la détermination de la peine et les remèdes possibles face à un accroc

Émond c. R., 2019 QCCA 317

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[37]        Le juge a rejeté la deuxième requête en arrêt des procédures parce que l’appelant n’avait pas démontré que les délais étaient déraisonnables. Il soutient maintenant que le juge a erré en ne considérant pas ces délais comme facteur atténuant dans la détermination de la peine. Cet argument est mal fondé.

[38]        Dans la détermination de la peine, l’objectif ultime est d’infliger au délinquant une peine juste, appropriée et indiquée. Pour atteindre ce résultat, toute peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant[19]. Un facteur aggravant ou atténuant est uniquement, par définition, un facteur qui est pertinent pour apprécier la gravité de l’infraction ou le degré de responsabilité du délinquant dans la commission de l’infraction[20]. La réflexion à ce sujet est une étape nécessaire à l’examen de la proportionnalité de la peine. Ces deux aspects circonscrivent nécessairement ce qui peut être considéré comme facteur aggravant ou atténuant. Toutefois, les facteurs aggravants et atténuants ne sont pas les seuls éléments pertinents qui peuvent être considérés lors de la détermination d’une peine.

[39]        Il est d’ailleurs largement reconnu que des délais excessifs qui ne violent pas le paragraphe 11b) de la Charte peuvent tout de même constituer un facteur à prendre en compte pour réduire une peine afin de s’assurer que le résultat net est juste, approprié et indiqué.  Tout comme peuvent être considérées l’inconduite de l’État[21] et les conséquences collatérales de la peine[22]. Il ne s’agit toutefois pas de facteurs intrinsèques qui influent de quelque manière sur l’évaluation de la gravité de l’infraction et du degré de responsabilité du délinquant.  Ce sont plutôt des facteurs extrinsèques qui pourront s’avérer pertinents pour la détermination ultime d’une peine juste, appropriée et indiquée.

[40]        Aussi, même s’il est fréquent pour les tribunaux, ici et ailleurs au Canada, de référer à tout facteur qui mène à une peine plus ou moins sévère comme constituant un facteur «aggravant» ou «atténuant»[23], il demeure que l’emploi informel des termes « aggravants » ou « atténuants » pour qualifier des facteurs qui sont sans lien avec la gravité de l’infraction ou le degré de responsabilité du délinquant est techniquement inexact. Un tel usage n’est acceptable que dans la seule mesure où le facteur est considéré en rapport avec la détermination finale d’une peine juste, appropriée et indiquée.

[41]        Il importe d’insister sur cette distinction entre les facteurs aggravants et atténuants au sens strict par rapport au principe de proportionnalité et la vaste étendue des autres considérations et facteurs pertinents au résultat final d’une peine indiquée. Le respect du principe fondamental de la proportionnalité de la peine est essentiel à toute peine et une erreur à cet égard justifiera plus aisément l’intervention en appel puisqu’il s’agit alors d’une erreur de principe.  Les facteurs extrinsèques à l’évaluation de la proportionnalité entrent inévitablement dans la discrétion du juge qui impose la peine, car leur pertinence et pondération les prêtent moins à une évaluation objective. L’appréciation de ces facteurs dans la détermination d’une peine indiquée relève de la discrétion du juge qui impose la peine et mérite la déférence des cours d’appel à moins que la peine infligée ne soit manifestement non indiquée.

[42]        Comme ce n’est pas le cas en l’espèce, la décision du juge de ne pas réduire la peine pour tenir en compte la longueur des délais ne constitue pas une erreur qui justifierait l’intervention de la Cour.

Les trois principales considérations pour évaluer la gravité de l'infraction lors de la détermination de la peine

R v Merasty, 2023 SKCA 33

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[49]           The fundamental principle of sentencing is set out in s. 718.1 of the Criminal Code. Pursuant to that provision, a sentence “must be proportionate to the gravity of the offence and the degree of responsibility of the offender”. I would therefore begin the sentencing exercise by considering the gravity of the offence.

[50]           As explained by Kalmakoff J.A. in Bear, there are “three key considerations that define the gravity of an offence: (i) the nature and comparative seriousness of the offence; (ii) the circumstances of its commission; and (iii) the harm caused by it” (at para 119, citing R v Yuzicapi2011 SKCA 134 at para 28377 Sask R 133). I would reiterate that Mr. Merasty perpetrated a sexual assault against a helpless victim who trusted him enough to sleep in the same bedroom. The gravity of this offence is obvious. It was an offence against a sleeping, helpless victim with personal circumstances that Parliament has described as making her vulnerable, thus mandating a primary emphasis on deterrence and denunciation when constructing a fit sentence. It was also a violent crime which caused serious emotional and psychological harm to the complainant. The gravity of this was compounded by Mr. Merasty’s insistence that he had done nothing wrong and that she was either lying or exaggerating. While he did not engage in any additional violence, and while he did not persist after she resisted, these factors only serve to prevent the circumstances from being even worse than they were.

dimanche 14 septembre 2025

Le rôle joué dans la perpétration de l’infraction, le degré de participation, les comportements et attitudes adoptés, les risques sciemment encourus et leurs conséquences, la motivation sous-jacente et la volonté d’accomplir le dessein criminel sont tous des éléments qui influenceront le niveau de responsabilité morale d’un délinquant

R. c. Brisson, 2014 QCCA 1655

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[19]        Cela dit, le degré de responsabilité morale du délinquant est l’autre volet du principe de proportionnalité qui sert de contrepoids à la seule considération de la gravité objective du crime. L’auteur Ferris décrit ce concept comme suit :

“Degree of responsibility’’ covers whether a defendant played a major or a minor part in the offence. It also covers moral blameworthiness, for instance, what results the offender foresaw, and whether the harm that actually resulted was intended.[4]

[20]        Ainsi, le rôle joué dans la perpétration de l’infraction, le degré de participation, les comportements et attitudes adoptés, les risques sciemment encourus et leurs conséquences, la motivation sous-jacente et la volonté d’accomplir le dessein criminel sont tous des éléments qui influenceront le niveau de responsabilité morale d’un délinquant :

[…]      En contexte criminel, par contraste, le châtiment se traduit par la détermination objective, raisonnée et mesurée d'une peine appropriée, reflétant adéquatement la culpabilité morale du délinquant, compte tenu des risques pris intentionnellement par le contrevenant, du préjudice qu'il a causé en conséquence et du caractère normatif de sa conduite.[…][5]

[Je souligne.]

[21]        Peu importe le processus légal par lequel plusieurs délinquants sont reconnus coupables d’une même infraction, la culpabilité morale distincte de chacun sera examinée au stade de la détermination de la peine :

In Canada, any party to an offence and the principal offender are equally culpable, though different penalties are provided for accessories after the fact. But the offender’s actual conduct and its effect should be the primary determinant of sentence regardless of the method by which culpability in each case is achieved.

Where more than one offender is involved, the role played in the commission of the offence is a relevant factor in sentencing, as it enables the court to deal with an important consideration: assessing the offender’s personal responsibility pursuant to section 718.1 of the Criminal Code. A minor role will tend to produce a lower sentence, and the principal offender can expect to be dealt with more severely. […][6]

[Je souligne.]

[22]        Dans tous les cas où il y a plusieurs parties à une infraction, la responsabilité morale peut être distinguée de la responsabilité pénale selon les circonstances propres à chacune.

[23]        Un juge peut donc, à bon droit, tenir compte des différences entre la responsabilité morale de chacun des coaccusés selon leurs comportements respectifs, les risques engendrés par leurs comportements et leurs conséquences[7]. C’est précisément ce qu’a fait le juge de première instance.

Quels sont les critères d'évaluation du degré de responsabilité d'un délinquant?

R. v. Overacker, 2005 ABCA 150 

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[23]           The “degree of responsibility of the offender” concerns the role played by the offender in the commission of the offence. It requires an assessment of such factors as whether the offender’s participation was peripheral or integral to the offence, whether the offender had knowledge of the scope of the offence, and the offender’s motivation in committing the offence. Factors aggravating or mitigating the conduct of the offender must be taken into account.

La preuve de l'authenticité d’une pièce peut se faire par le biais d'un témoin expert ou d’un témoin de fait

Rochette c. R., 2022 QCCA 58

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[22]      Le fardeau de la preuve de l'authenticité des messages n'est pas exigeant. Il s'agit de déterminer si la preuve, directe ou circonstancielle, permet de conclure que le document présenté est ce qu'il paraît être, soit une série de messages transmis et reçus via l'appareil ayant fait l'objet de l'extraction[3]. Dans un second temps, il appartient au juge des faits d'apprécier la valeur probante du document en question.

[23]      La preuve de l'authenticité d’une pièce peut se faire par le biais d'un témoin expert ou d’un témoin de fait. Le juge de première instance a conclu que M. Tremblay ne donnait aucune opinion sur l'interprétation des données extraites. Il se contentait de décrire les démarches effectuées afin d'extraire les données et les vérifications faites pour s’assurer de la bonne marche de l’exercice. 

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Le droit applicable à la preuve de la conduite postérieure à l’infraction

R. c. Cardinal, 2018 QCCS 2441 Lien vers la décision [ 33 ]             L’essentiel du droit applicable à la preuve de la conduite postérieu...