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samedi 20 juin 2009

Effet de l'absolution VS le pardon

Montréal (Ville) c. Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse), 2008 CSC 48 (CanLII)

Résumé des faits
En 1991, N plaide coupable à une accusation de vol portée par voie de déclaration sommaire et reçoit une ordonnance d’absolution conditionnelle en vertu de l’art. 730 (alors 736) du Code criminel. En 1995, elle soumet sa candidature à un poste de policière auprès du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal mais sa demande est rejetée parce qu’elle ne satisfait pas au critère des « bonnes mœurs » prescrit par la Loi de police et son règlement sur les normes d’embauche. N informe l’agent du personnel qu’elle a fait l’objet d’une réhabilitation. En effet, l’art. 6.1 de la Loi sur le casier judiciaire accorde une réhabilitation automatique après un délai de trois ans suivant l’absolution conditionnelle. Le SPCUM maintient sa décision

Analyse
Les modifications de 1992 à la Loi sur le casier judiciaire concernant la réhabilitation en cas d’absolution furent dictées par le souci d’éliminer l’obligation, pour les personnes qui ont été absoutes, de devoir présenter une demande de réhabilitation au même titre que celles qui ont été condamnées. La loi tend à réaliser cet objectif en donnant à la réhabilitation des effets applicables aussi bien aux personnes absoutes qu’aux personnes condamnées : elle les aide à combattre les stigmates associés à la déclaration de culpabilité.

Les policiers peuvent bénéficier de la protection de l’art. 18.2 de la Charte puisque la fonction de policier s’exerce dans le cadre d’un emploi. Ils sont soumis à leurs supérieurs, au pouvoir exécutif de l’État et au pouvoir d’encadrement général de leur employeur.

Dans la Loi de police, les bonnes mœurs et les antécédents judiciaires constituent des critères distincts. Les seuls faits donnant lieu à la condamnation sont donc insuffisants pour écarter une candidature au motif que le candidat n’est pas de bonnes mœurs. Par contre, la réhabilitation n’efface pas le passé. Un employeur est donc en droit de prendre en considération les faits qui ont entraîné la déclaration de culpabilité lorsqu’il évalue le candidat. Il peut établir qu’une candidature n’a pas été retenue ou qu’un employé a été congédié parce que l’intéressé n’était pas de « bonnes mœurs ». Un tel moyen de défense requiert cependant une preuve distincte du seul lien de la déclaration de culpabilité avec l’emploi et ne peut être invoqué si l’unique reproche est fondé sur l’existence de la déclaration de culpabilité.

Le législateur a créé, par l’art. 18.2, un régime particulier pour les stigmates associés aux déclarations de culpabilité. Il ne s’agit pas d’un régime qui pourrait être écarté par suite de l’application du régime plus général de l’art. 20. La portée de l’art. 20, qui vise les exigences de l’emploi, est plus large à plusieurs égards que la protection de l’art. 18.2. Elle englobe des exigences professionnelles qui vont au‑delà de l’intégrité de la personne ou de sa réputation. Par ailleurs, l’employeur qui impose une exigence à première vue discriminatoire, doit faire la preuve qu’il subit une contrainte excessive si cette exigence n’est pas respectée. Une telle preuve n’est pas requise par l’article 18.2.

vendredi 19 juin 2009

L'utilisation de l'hypnose VS le témoignage

R. c. A. B., 2004 CanLII 41327 (QC C.Q.)

[24] (...) l'hypnose peut, à cause de son caractère suggestif, mener à la création de faux souvenirs.

[25] En effet, bien que généralement la mémoire autobiographique soit fiable, la recherche a permis de démontrer qu'il est possible, en manipulant différents facteurs, de modifier ou de créer des souvenirs.

[26] Plus une personne est hypnotisable, plus ses croyances et ses attentes face à la séance d'hypnose risquent de se concrétiser, plus un souvenir est vague, plus il sera facile de le modifier.

[27] Une personne soumise à une séance d'hypnose devient profondément convaincue de la véracité du souvenir ravivé.

[28] C'est pourquoi, même si cette technique est reconnue et correctement appliquée, son utilisation à des fins particulières peut poser problème, notamment en ce qui concerne sa fiabilité.

[29] La fiabilité de l'hypnose afin de raviver la mémoire d'un témoin fait l'objet de controverse. Certains ordres professionnels se sont prononcés contre son utilisation dans le domaine légal, tandis que d'autres prônent une utilisation limitée accompagnée de conditions d'application strictes.

[30] Il est donc extrêmement important d'encadrer une intervention hypnotique menant à l'obtention d'une preuve qu'on entend utiliser dans des procédures judiciaires.

LE DROIT

A) La recevabilité d'une preuve par expert

[32] En droit canadien, la recevabilité d'une preuve qui se fonde sur une théorie dont l'exactitude n'est pas consacrée est soumise à un critère préliminaire de fiabilité.

[33] Dans R. c. J.-L.J., le juge Binnie précise le rôle du juge du procès dans les termes suivants:

«28. Dans Mohan et d'autres arrêts, la Cour a souligné que le juge du procès devrait prendre au sérieux son rôle de «gardien». La question de l'admissibilité d'une preuve d'expert devrait être examinée minutieusement au moment où elle est soulevée, et cette preuve ne devrait pas être admise trop facilement pour le motif que toutes ses faiblesses peuvent en fin de compte avoir une incidence sur son poids plutôt que sur son admissibilité.» (le tribunal souligne)

[34] Il confirme l'ouverture des tribunaux aux nouvelles théories ou techniques scientifiques en adoptant "le critère du fondement fiable" établi par la Cour suprême des Etats-Unis dans Daubert:

«29. En raison de sa fonction de gardienne, la Cour doit offrir aux parties la possibilité de soumettre la preuve la plus complète, conformément aux règles de la preuve. Comme l'a fait remarquer le juge McLachlin dans l'arrêt R. c. Seaboyer, 1991 CanLII 76 (C.S.C.), [1991] 2 R.C.S. 577, à la p. 611:

Les tribunaux canadiens, comme ceux de la plupart des ressorts de common law, ont beaucoup hésité à restreindre le pouvoir de l'accusé de présenter une preuve à l'appui de sa défense, cette hésitation tenant du principe fondamental de notre système judiciaire selon lequel une personne innocente ne doit pas être déclarée coupable.

Néanmoins, la recherche de la vérité exclut la preuve d'expert susceptible de «fausser le processus de recherche des faits» (Mohan, à la p. 21).»

B) La recevabilité d'un témoignage obtenu suite à l'utilisation de l'hypnose

[35] Selon nos recherches, aucune Cour d'appel au Canada ne s'est prononcée spécifiquement sur la fiabilité de l'hypnose comme technique pour raviver la mémoire d'un témoin, même si plusieurs décisions d'instance ont traité de la question.

[36] Certaines ont conclu que cette preuve était admissible et que l'hypnose comme technique pour rafraîchir la mémoire était un élément à considérer dans la valeur probante à accorder à une telle preuve, tandis que d'autres ont déterminé que cette preuve était inadmissible parce que non fiable.

[38] Dans Taillefer, le juge Proulx, bien qu'il n'ait pas tranché la question de fait de la fiabilité de la technique de l'hypnose, a fourni les paramètres pour décider de l'admissibilité d'une preuve obtenue par cette technique.

[39] Le voir-dire est la procédure appropriée pour déterminer:

­ la compétence de l'expert;

­ la fiabilité de l'hypnose comme technique pour raviver la mémoire et les garanties requises pour en assurer la fiabilité;

­ les conditions dans lesquelles la technique a été appliquée et le respect des garanties requises.

[40] Dans le cadre de cette procédure, la poursuite assume donc le fardeau d'établir que l'hypnose est une technique fiable, administrée par un expert compétent et dans le respect des garanties requises pour en assurer la fiabilité.

[41] Les garanties énoncées dans deux décisions américaines et adoptées par le juge Proulx sont les suivantes:

a. La personne qui conduit la séance d'hypnose devrait être un professionnel qualifié en psychiatrie ou en psychologie clinique avec de l'expérience dans le domaine de l'hypnose;

b. La personne qui conduit la séance d'hypnose devrait être indépendante de la partie qui requiert ses services et libre de conduire la séance selon des normes professionnelles et non en fonction des besoins de la personne qui a requis ses services.

c. La personne qui conduit la séance d'hypnose devrait recevoir par écrit le minimum d'information nécessaire pour conduire son entrevue.

d. Toute l'entrevue entre le sujet hypnotisé et la personne qui conduit la séance devrait être enregistrée par vidéo.

e. Ne devraient être présents lors de l'entrevue que le sujet hypnotisé et la personne qui conduit la séance.

f. La personne qui conduit la séance d'hypnose devrait, avant la séance, dresser avec le sujet hypnotisé son historique médical, obtenir l'information sur l'utilisation passée ou présente de drogue ainsi qu'une évaluation de l'intelligence et du jugement du sujet.

g. Le sujet hypnotisé devrait, avant la séance d'hypnose, fournir une description détaillée de tout ce dont il se rappelle (par écrit ou enregistrement).

h. La personne qui conduit la séance d'hypnose devrait éviter dans le choix des mots et du type de questionnaire ainsi que dans son comportement toute suggestion ou tout ce qui pourrait être interprété comme une suggestion par le sujet hypnotisé.

­Qualification de l'hypnotiseur

[43] Les autorités semblent unanimes à ce sujet. Principalement parce qu'il s'agit d'une technique « ultra-sensible », l'hypnotiseur doit être un professionnel de la santé ou de la psychologie ayant reçu une formation particulière sur l'hypnose.

[45] Sur ce point, un tribunal a déjà décidé qu'un témoignage obtenu suite à une séance d'hypnose, conduite par un médecin anesthésiste, était inadmissible en preuve parce qu'il n'était pas l'expert compétent.

­Indépendance de l'hypnotiseur

[46] Il est très important que l'hypnotiseur soit complètement indépendant du sujet dont il a à raviver la mémoire, pour des raisons évidentes.

[48] La preuve démontre que l'objectif poursuivi par Mme Tchanderli est manifestement et exclusivement thérapeutique.

[49] Même si sa démarche est de bonne foi, Mme Tchanderli ne rencontre aucunement le critère d'indépendance requis.

­ Information transmise à l'hypnotiseur

[50] La transmission de l'information à l'hypnotiseur devrait se faire par écrit et cette information devrait être limitée au strict minimum, tout cela dans le but de s'assurer de la neutralité et de l'objectivité de l'hypnotiseur.

­L'enregistrement vidéo ou audio de la séance d'hypnose

[52] Enregistrer la séance d'hypnose a pour but d'établir de façon précise le contenu des échanges entre l'hypnotiseur et le témoin avant, pendant et après la séance d'hypnose. Afin d'examiner le comportement des parties, l'enregistrement vidéo est fortement recommandé.

­Passé médical et personnalité du témoin

[54] Afin d'établir clairement l'état physique et mental du sujet soumis à l'hypnose ainsi que sa suggestibilité face à cette technique, il est important de dresser son historique médical, de déterminer s'il a consommé des drogues récemment et d'évaluer sa personnalité.

­Le comportement de l'hypnotiseur durant la séance

[56] Sachant qu'il est possible et même facile pour l'hypnotiseur de manipuler les souvenirs, il est important d'établir non seulement ce qui a été dit durant les séances mais aussi le comportement de l'hypnotiseur.

­En conclusion

[60] De toute façon, la poursuite n'a présenté aucune preuve quant à la fiabilité de la technique de l'hypnose pour raviver la mémoire d'un témoin, ce qui lui appartenait d'établir dans le cadre du présent voir-dire.

C) La recevabilité de la preuve existant avant les deux séances d'hypnose

[63] La plaignante n'a pas mis par écrit ce dont elle se rappelait avant les séances d'hypnose.

[67] Quels étaient les souvenirs qu'avait la plaignante de cette agression avant les séances d'hypnose? Il est absolument impossible pour le tribunal de le déterminer. Au surplus, ces souvenirs ont été fatalement contaminés par les deux séances d'hypnose mais aussi par les informations reçues de sa tante peu de temps avant.

[68] Vu l'impossibilité de déterminer ce dont la plaignante se souvenait avant les séances d'hypnose et les contaminations auxquelles cette dernière a été soumise, comment l'accusé pourra-t-il contre-interroger la plaignante à ce sujet dans le but de tester sa crédibilité?

[69] Le droit à une défense pleine et entière comprend le droit de contre-interroger de façon utile et efficace.

Indices de crédibilité et de fiabilité d'un témoignage

Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Berlinguette JD2398- Crédibilité., 2008 QCCQ 6454 (CanLII)

[24] De plus, il appert que le Tribunal doit prendre en considération toute la preuve et non seulement le témoignage de l'accusé, lorsqu'il évalue la crédibilité de l'accusé. C'est ainsi que le rappelle l'Honorable Juge L'Heureux-Dubé dans l'arrêt R. c. L. (D.O.) :[1993 CanLII 46 (C.S.C.)]

"La question de savoir si le récit fait par l'accusé pourrait raisonnablemement être vrai n'est pas le bon critère pour décider s'il y a lieu de rejeter la preuve du ministère public. Il s'agit simplement d'un facteur qui entre en ligne de compte dans l'appréciation de la valeur globale de la preuve dans son ensemble."

[25] Les indices de crédibilité sont l'honnêteté, la capacité d'observation, la qualité de la mémoire, la cohérence, les contradictions.

[26] Le Tribunal doit demeurer conscient du fardeau de la poursuite.

[27] Le Tribunal doit trancher les faits pour rechercher la vérité, par opposition à la spéculation ou l'hypothétique. La découverte de la vérité constitue un objectif du processus pénal qui doit s'harmoniser avec la présomption d'innocence

[28] Cela dit, la Cour d'appel du Québec [R. c. Beltran, 2007 QCCA 1014 (CanLII)] précise tout de même que:

"La présomption d'innocence n'a pas pour effet de soustraire les témoins de la défense à une analyse de leur crédibilité et il ne leur suffit pas de contredire la version de la poursuite pour que l'acquittement s'impose".

[29] Il importe de distinguer crédibilité et fiabilité. La crédibilité se rapporte au comportement du témoin alors que la fiabilité réfère au récit. Les avantages de la fiabilité sont d'être appuyés par la preuve, de fournir une démarche objective et de permettre la rationalisation des intuitions. On dit d'un témoignage fiable qu'il est digne de confiance.

mercredi 17 juin 2009

Raisonnabilité des moyens pour s’assurer de la présence du témoin dans le cadre d'une demande de remise

R. c. Mendoza, 2006 QCCQ 12234 (CanLII)

[8] Le pouvoir d’accorder ou de refuser une remise est discrétionnaire, mais les tribunaux supérieurs interviendront si cette discrétion n’a pas été exercée d’une manière judiciaire. Les critères sont bien connus. Dans l’arrêt Darville, la Cour suprême a défini trois conditions que doit satisfaire la partie qui demande une remise. Elle doit démontrer :

a) que la personne absente pourrait rendre un témoignage pertinent;

b) qu’elle a pris des moyens raisonnables pour s’assurer de la présence du témoin;

c) qu’on peut raisonnablement penser que le témoin absent se présentera ultérieurement devant le tribunal.

[10] (...) Le juge Dalphond, pour la majorité, a conclu que toute demande de remise doit prendre en compte l’ensemble des circonstances et doit être conforme aux intérêts de la justice :

Briefly stated, the decision whether or not to grant the adjournment must be made in the light of the realities of each case and shall be consistent with the interests of justice.

[11] (...) Le juge Dalphond a conclu que l’assignation par courrier ordinaire était un moyen légal et qu’aucune présomption de négligence ne pouvait lui être associée. Le juge Dalphond a refusé de conclure que le ministère public a été négligent dans les circonstances de l’affaire, même si le témoin mineur était connu comme instable et sujet aux fugues. En effet, la preuve ne démontrait pas que la situation aurait été différente si le témoin avait été assigné par huissier.

[12] Notons au passage qu’une assignation envoyée par courrier ordinaire sans la vérification préalable de l’adresse constituerait vraisemblablement une négligence de la part du ministère public. Par ailleurs, en principe, l’assignation doit être signifiée dans un délai de cinq jours francs avant la date de la comparution, sauf en cas d’urgence alors que le délai peut être réduit à douze heures.

[13] Quant à la possibilité raisonnable que le témoin absent se présentera ultérieurement, le juge Dalphond a reconnu qu’il est normalement difficile de trancher la question sans donner l’occasion d’y répondre.

[14] L’important, écrit-il, est que si le juge n’entend pas donner suite à une demande de remise, il doit à tout le moins suspendre pour donner à la partie requérante, l’opportunité d’expliquer la situation et comment elle peut satisfaire aux conditions :

If the trial judge was unsatisfied with this recital of the facts, he should have said so and then ordered an adjournment to provide the Crown the opportunity to bring before him proper evidence of what really happened, such as an affidavit from the parents attesting that their daughter received the subpoena and ran away a few days before the scheduled date of the trial, the testimony of the police officer on the various steps undertaken before the trial, etc. He did not; so these facts stand.

[15] En outre, dans l’affaire G.(J.C.), le juge Dalphond a conclu que l’intérêt de la justice ne commandait pas un acquittement dans les circonstances, en raison notamment de la gravité des accusations, de l’absence de remise antérieure et de l’absence de préjudice démontré pour l’accusé.

[16] Deux possibilités s’offraient donc au juge, soit d’émettre un mandat ou de suspendre pour obtenir un complément de preuve :

In theses circumstances, the trial judge should not have refused the Crown's request for a postponement of the trial and should not have subsequently acquitted the respondent. Instead, he should have considered issuing a warrant, or if unsatisfied with the facts alleged by the Crown, he should have adjourned to give the Crown an opportunity to adduce proper evidence. (Je souligne.)

[17] Pour sa part, dans sa dissidence inscrite dans les deux arrêts, le juge Hilton a trouvé inacceptable le fait que le ministère public choisisse d’assigner ses témoins par courrier ordinaire. Il a reconnu que ce mode de signification est permis par la loi, en notant au passage que le ministère public ne pouvait même pas répondre aux exigences du Code de procédure pénale, lequel exige au minimum une attestation d’envoi.

[19] La position du juge Hilton a trouvé écho, dans la seconde opinion majoritaire de la Cour rédigée par le juge Dalphond, dans l’arrêt R. c. V.(M.), où ce dernier reconnaît que les avantages économiques du mode d’assignation par courrier ordinaire ne pourront le justifier sans l’instauration de mesures de suivi et qu’en l’absence de telles mesures, l’assignation par courrier ordinaire pourrait bien devenir l’équivalent d’une négligence institutionnelle

Conditions pour obtenir une remise au motif de l’absence d’un témoin

R. v. M.V., 2004 CanLII 60132 (QC C.A.)

[10] It is undisputed that whether an adjournment or a postponement should be granted or not is a discretionary matter for the trial judge (Manhas v. The Queen, 1980 CanLII 172 (S.C.C.), [1980] 1 S.C.R. 591; R. v. Barrette, 1976 CanLII 180 (S.C.C.), [1977] 2 S.C.R. 121; R. v. Darville, (1956) 116 C.C.C. 113 (S.C.C.); R. v. MacDonald, [1998] N.J. No. 340 (NFDL C.A.)).

[11] Such judicial discretion can however be reviewed on appeal if it has not been exercised judicially (R. v. Darville, supra; R. v. Ash, [1993] N.S.J. No. 395 (N.S.C.A.); R. v. C. G., supra). The test for appellate review is whether the trial judge has given sufficient weight to all relevant considerations (Reza v. Canada, 1994 CanLII 91 (S.C.C.), [1994] 2 S.C.R. 394). Of course, if the judgment is based on reasons that are not well founded in law, a court of appeal may intervene.

[12] On the elements to be considered by a judge when asked to grant an adjournment of a criminal trial due to the absence of a witness, the Supreme Court of Canada provided some guidelines in 1956 in R. v. Darville, supra. They can be summarized as follows:

(a) That the absent witness is a material witness in the case;

(b) That the party applying for an adjournment has been guilty of no laches or neglect in omitting to endeavour to procure the attendance of this witness; and

(c) That there is a reasonable expectation that the witness can be procured at the future time to which it is sought to put off the trial.
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traduction

[a] que le témoin absent est en mesure de rendre un témoignage pertinent;

[b] que des moyens raisonnables ont été mis à exécution pour s’assurer de la présence physique de ce témoin;

[c] qu’il est probable, si la remise est accordée, que le témoin se présentera à la prochaine occasion devant le tribunal.
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[13] Moreover, as pointed out by Cartwright, J. in his concurring opinion in Darville, a trial judge errs in law by refusing a request for an adjournment without having given the party seeking it an opportunity to demonstrate that the conditions described above are met. I agree with this principle of law, which has been applied by numerous courts of appeal (see for examples: Regina v. A.T. reflex, (1991), 69 C.C.C. (3d) 107 (Alb. Q.B.); R. v. Ash, [1993] N.S.J. No. 395 (N.S.C.A.); R. v. Casey, [1987] N.S.J. No. 340 (N.S.C.A.); R. v. Fahey, [2003] B.C.J. No. 2331 (B.C.C.A.); R. v. MacDonald, [1998] N.J. No. 340 (Nfld. C.A.)). In other words, before concluding that a party has been negligent, the trial judge must give that party an opportunity to establish all the relevant facts.

[14] Finally, I believe that it is proper for a trial judge when asked for a postponement to consider other relevant circumstances such as the gravity of the charges, the number of previous postponements and the consequences of a postponement for the accused.

[15] Briefly stated, the decision whether or not to grant an adjournment must be made in the light of the realities of each case and must be consistent with the interests of justice.

mardi 16 juin 2009

Suspension de la libération conditionnelle

Loi sur le système correctionnel du Québec (Article 161)

Un membre de la Commission ou une personne que celle-ci désigne par écrit peut suspendre la permission de sortir ou la libération conditionnelle d'une personne contrevenante et, s'il y a lieu, décerner un mandat pour l'amener et ordonner sa détention dans les cas suivants:

1° il a un motif raisonnable de croire que la personne contrevenante a violé une condition de sa permission de sortir ou de sa libération conditionnelle ou qu'il est nécessaire d'intervenir pour prévenir une telle violation;

2° pour tout motif raisonnable invoqué par la personne contrevenante;

3° un fait nouveau est découvert qui, s'il avait été connu au moment d'octroyer la permission de sortir ou la libération conditionnelle, aurait pu justifier une décision différente ou lorsque survient un événement, non prévu par les paragraphes 1° et 2°, qui justifie la suspension.

Obligation de divulgation du ministère public -- Destruction d’éléments de preuve par un tiers

R. c. Carosella, [1997] 1 R.C.S. 80

Résumé des faits
En 1992, la plaignante s’est rendue à un centre d’aide aux victimes d’agression sexuelle afin d’obtenir des conseils sur la façon de porter plainte contre l’accusé pour des agressions sexuelles qui, prétendait-elle, étaient survenues en 1964, lorsqu’elle était une élève à l’école où enseignait l’accusé. Le centre reçoit des fonds gouvernementaux, conformément aux conditions d’une entente exhaustive en vertu de laquelle il doit notamment établir des liens étroits avec des organismes du domaine de la justice et protéger la sécurité et la confidentialité des documents qui sont sous son contrôle et qui ne doivent pas être divulgués sauf lorsque la loi l’exige. La plaignante s’est entretenue pendant une heure et quarante‑cinq minutes environ avec une travailleuse sociale. Celle‑ci a pris des notes durant l’entretien et a avisé la plaignante que tout ce qu’elle disait pourrait être requis en cour par voie de subpoena.

Lors de sa production, le dossier ne contenait pas les notes de l’entretien de la plaignante. Un voir‑dire a permis de découvrir que les notes avaient été détruites en avril 1994 conformément à la politique du centre de déchiqueter les dossiers ayant donné lieu à une intervention policière avant de recevoir signification d’une assignation relativement à des poursuites criminelles. La travailleuse sociale qui avait mené l’entretien et par la suite déchiqueté les notes ne se souvenait pas de la teneur des notes détruites.

Analyse
L’accusé qui allègue la violation de son droit de présenter une défense pleine et entière par suite de la non‑divulgation ou de la non‑production d’éléments de preuve n’est pas tenu de prouver qu’il a été lésé dans sa défense. L’ampleur du préjudice subi par un accusé n’est pas une question qui doit être prise en considération pour déterminer s’il y a eu violation d’un droit fondamental garanti par la Charte. La mesure dans laquelle la violation de la Charte a causé préjudice à l’accusé n’est examinée, dans le cadre de l’analyse fondée sur la Charte, qu’à l’étape concernant la réparation.

Le fondement de l’obligation du ministère public de produire les documents susceptibles d’avoir un effet sur le déroulement de la défense est que l’omission de le faire porterait atteinte au droit constitutionnel de l’accusé de présenter une défense pleine et entière. Le droit à la communication de documents qui satisfont au critère préliminaire établi dans Stinchcombe est l’un des éléments du droit de présenter une défense pleine et entière qui est lui un principe de justice fondamentale visé à l’art. 7 de la Charte. Le fait de manquer à cette obligation constitue une atteinte aux droits constitutionnels de l’accusé, sans qu’il soit nécessaire de prouver l’existence d’un préjudice additionnel. La violation de ce principe de justice fondamentale est préjudiciable en soi.

Il est sans importance que le droit à la communication ne soit pas mentionné expressément comme étant un élément des principes de justice fondamentale. Les éléments constitutifs d’un droit ne peuvent être séparés du droit lui‑même. L’obligation de prouver un préjudice additionnel ou concret concerne la réparation qui doit être déterminée en application du par. 24(1) de la Charte. Il s’ensuit que, si les documents qui ont été détruits satisfont au critère préliminaire de divulgation ou de production, il y a eu violation des droits garantis à l’accusé par la Charte, sans qu’il soit nécessaire de prouver l’existence d’un préjudice additionnel.

La présence de l’un ou de l’autre des deux facteurs suivants justifie l’exercice du pouvoir discrétionnaire pour accorder l’arrêt des procédures: aucune autre réparation ne corrigerait le préjudice causé à la capacité de l’accusé de présenter une défense pleine et entière, et la continuation de la poursuite causerait à l'intégrité du système judiciaire un préjudice irréparable.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Il incombe à la défense de préciser ses demandes de communication de la preuve supplémentaires et cela doit être fait en temps opportun

R. v. Atwell, 2022 NSSC 304 Lien vers la décision [ 8 ]              The Crown has a duty to make disclosure of all relevant information to ...