Canada (Procureur général) c. Vaillancourt, 2006 QCCQ 21215 (CanLII)
[38] La doctrine de l’objet bien en vue permet de saisir légalement, sans mandat, des éléments de preuve découverts. Trois exigences doivent être remplies pour que la saisie soit légale :
1) la présence sur les lieux est légale ;
2) la découverte des objets se fait par inadvertance,
3) les objets saisis sont de nature à prouver l’infraction reprochée.
[39] Les agents peuvent manipuler les objets pouvant découvrir le caractère illégal. Cependant, cela ne permet pas une expédition de pêche, tel que l’a précisé la juge Jackson dans l’arrêt Spindloe:
« The plain view doctrine confers a seizure power not a search power. It does not permit an exploratory search to find other evidence. »
[40] Si le Tribunal en vient à la conclusion que les exigences de l’article 489 C.cr. ou de la théorie du « plain view » ne sont pas respectées, c’est-à-dire, que les documents ont été saisis en violation de l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés, il faut alors déterminer si ces éléments de preuve doivent être exclus en vertu de l’article 24(2) de la Charte et ce, selon une liste de facteurs à considérer établis par notre Cour suprême dans l’arrêt Collins
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samedi 18 juillet 2009
La légalité d'une arrestation - Le critère des motifs raisonnables lorsque les renseignements proviennent d'un informateur
R. c. Beaupré, 2000 CanLII 6071 (QC C.A.)
[20] Dans l'arrêt R. c. Storrey, 1990 CanLII 125 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 241, la Cour suprême a développé les critères permettant d'évaluer la légalité d'une arrestation sans mandat. Le juge Cory écrivait au sujet de l'application de l'article 450 (1), [maintenant 495(1)] du Code criminel, aux pages 250-251:
En résumé donc, le Code criminel exige que l'agent de police qui effectue une arrestation ait subjectivement des motifs raisonnables et probables d'y procéder. Ces motifs doivent en outre être objectivement justifiables, c'est-à-dire qu'une personne raisonnable se trouvant à la place de l'agent de police doit pouvoir conclure qu'il y avait effectivement des motifs raisonnables et probables de procéder à l'arrestation. Par ailleurs, la police n'a pas à démontrer davantage que l'existence de motifs raisonnables et probables. Plus précisément, elle n'est pas tenue, pour procéder à l'arrestation, d'établir une preuve suffisante à première vue pour justifier une déclaration de culpabilité.
[21] L'existence de motifs raisonnables doit se justifier au-delà des simples soupçons qu'un agent de la paix peut avoir au sujet d'une personne. (R.c. Kokesh, 1990 CanLII 55 (C.S.C.), [1990] 3 R.C.S. 3; Hunter c. Southam, 1984 CanLII 33 (C.S.C.), [1984] 2 R.C.S. 145; R. c. Bennett 1996 CanLII 6344 (QC C.A.), (1996), 108 C.C.C. (3d) 175 (C.A. Qué.)) L'agent de la paix doit croire - personnellement - qu'un crime a été commis ou est sur le point de l'être en se fondant sur des informations fiables et convaincantes sans toutefois nourrir une complète certitude relativement à l'exactitude de ces informations. Bref, le portrait factuel dont bénéficie l'agent de la paix, préalablement à son intervention, doit être sérieux et consistant.
[22] Une fois démontrée la croyance subjective du policier, la Cour doit encore se demander si les exigences relatives au critère objectif proposé dans R. c. Storrey, précité, sont remplies. La Cour doit alors déterminer si une personne raisonnable se trouvant dans la même situation que le policier aurait cru à l'existence de motifs raisonnables justifiant l'arrestation de la personne sans mandat. Dans l'arrêt R. c. Collins, 1987 CanLII 84 (C.S.C.), [1987] 1 R.C.S. 265, la Cour suprême a déterminé que le concept de «personne raisonnable» se rapportait à une personne de type moyen évoluant au sein de la société.
[24] Dans l'arrêt R.c. Debot, 1989 CanLII 13 (C.S.C.), [1989] 2 R.C.S. 1140, la juge Wilson examine le concept de raisonnabilité des motifs en regard d'une fouille policière et propose, à la page 1168, de répondre à trois questions:
Premièrement, les renseignements permettant de prévoir la perpétration d'une infraction criminelle étaient-ils convaincants ? Deuxièmement puisque ces renseignements reposaient sur un tuyau provenant d'une source extérieure à la police, cette source était-elle fiable ? Enfin, l'enquête de la police confirmait-elle ces renseignements avant que les policiers procèdent à la fouille ? Je n'affirme pas que chacune de ces questions constitue un critère distinct. Je me range plutôt à l'avis du juge Martin d'après lequel (TRADUCTION) «l'ensemble des circonstances» doit satisfaire au critère du caractère raisonnable. La valeur des renseignements sous deux aspects peut, dans une certaine mesure, compenser leur faiblesse sous le troisième.
[25] Dans l'arrêt Debot, il s'agissait d'évaluer la légalité d'une fouille sans mandat plutôt qu'une arrestation sans mandat. Toutefois, ces principes s'appliquent chaque fois qu'un agent de la paix agit sur la foi d'éléments fournis par un informateur (R. c. Plant, 1993 CanLII 70 (C.S.C.), [1993] 3 R.C.S. 281, à la p. 297).
[26] Le juge Lamer, s'exprimant au nom de la majorité dans R.c. Greffe, 1990 CanLII 143 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 755, offre un éclairage intéressant quant aux principes pouvant guider la Cour dans son évaluation de la fiabilité des renseignements obtenus par un informateur. Il détermine que l'arrêt de principe sur l'évaluation des renseignements confidentiels est celui rendu par la Cour d'appel de l'Ontario dans R. c. Debot 1986 CanLII 113 (ON C.A.), (1986), 30 C.C.C. (3d) 207 (C.A. Ont.), sous la plume du juge Martin et confirmé par la Cour suprême (R. c. Debot, précitée). Le juge Martin écrivait aux pp. 218 et 219:
[TRADUCTION] Je suis d'avis que la simple affirmation non étayée par un informateur à un agent de police ne constitue pas un motif raisonnable de procéder à une fouille sans mandat. […] Parmi les questions très pertinentes […] il y a celles de savoir si le renseignement communiqué par l'informateur comporte suffisamment de détails pour assurer qu'il s 'appuie sur quelque chose de plus que de simples rumeurs ou racontars, si l'informateur a révélé la source ou l'origine des renseignements et s'il y a des indices de fiabilité de l'informateur, comme le fait d'avoir fourni, dans le passé, des renseignements sûrs ou la confirmation d'une partie de ses renseignements par la surveillance policière.
[27] Quant à la corroboration des renseignements fournis par l'informateur, soit la troisième question formulée par la juge Wilson, dans R. c. Debot précité, le juge Proulx souligne, dans l'arrêt R. c. Bennett, précité, en s'inspirant de la jurisprudence américaine, l'importance que doivent accorder les policiers à l'existence d'éléments de corroboration extrinsèques à l'informateur et qui permettent de confirmer l'information reçue avant de procéder à l'action policière.
[34] Dans ces circonstances, qu'il s'agisse de l'appréciation in concreto ou in abstracto du caractère raisonnable des motifs, il faut conclure que les agents, subjectivement, ou une personne raisonnable, objectivement, ne pouvaient conclure qu'il y avait effectivement les motifs raisonnables de procéder à l'arrestation sans mandat pour complot en vue de l'importation de stupéfiants. Conséquemment, le juge de première instance a eu raison de conclure au caractère illégal de l'arrestation.
[20] Dans l'arrêt R. c. Storrey, 1990 CanLII 125 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 241, la Cour suprême a développé les critères permettant d'évaluer la légalité d'une arrestation sans mandat. Le juge Cory écrivait au sujet de l'application de l'article 450 (1), [maintenant 495(1)] du Code criminel, aux pages 250-251:
En résumé donc, le Code criminel exige que l'agent de police qui effectue une arrestation ait subjectivement des motifs raisonnables et probables d'y procéder. Ces motifs doivent en outre être objectivement justifiables, c'est-à-dire qu'une personne raisonnable se trouvant à la place de l'agent de police doit pouvoir conclure qu'il y avait effectivement des motifs raisonnables et probables de procéder à l'arrestation. Par ailleurs, la police n'a pas à démontrer davantage que l'existence de motifs raisonnables et probables. Plus précisément, elle n'est pas tenue, pour procéder à l'arrestation, d'établir une preuve suffisante à première vue pour justifier une déclaration de culpabilité.
[21] L'existence de motifs raisonnables doit se justifier au-delà des simples soupçons qu'un agent de la paix peut avoir au sujet d'une personne. (R.c. Kokesh, 1990 CanLII 55 (C.S.C.), [1990] 3 R.C.S. 3; Hunter c. Southam, 1984 CanLII 33 (C.S.C.), [1984] 2 R.C.S. 145; R. c. Bennett 1996 CanLII 6344 (QC C.A.), (1996), 108 C.C.C. (3d) 175 (C.A. Qué.)) L'agent de la paix doit croire - personnellement - qu'un crime a été commis ou est sur le point de l'être en se fondant sur des informations fiables et convaincantes sans toutefois nourrir une complète certitude relativement à l'exactitude de ces informations. Bref, le portrait factuel dont bénéficie l'agent de la paix, préalablement à son intervention, doit être sérieux et consistant.
[22] Une fois démontrée la croyance subjective du policier, la Cour doit encore se demander si les exigences relatives au critère objectif proposé dans R. c. Storrey, précité, sont remplies. La Cour doit alors déterminer si une personne raisonnable se trouvant dans la même situation que le policier aurait cru à l'existence de motifs raisonnables justifiant l'arrestation de la personne sans mandat. Dans l'arrêt R. c. Collins, 1987 CanLII 84 (C.S.C.), [1987] 1 R.C.S. 265, la Cour suprême a déterminé que le concept de «personne raisonnable» se rapportait à une personne de type moyen évoluant au sein de la société.
[24] Dans l'arrêt R.c. Debot, 1989 CanLII 13 (C.S.C.), [1989] 2 R.C.S. 1140, la juge Wilson examine le concept de raisonnabilité des motifs en regard d'une fouille policière et propose, à la page 1168, de répondre à trois questions:
Premièrement, les renseignements permettant de prévoir la perpétration d'une infraction criminelle étaient-ils convaincants ? Deuxièmement puisque ces renseignements reposaient sur un tuyau provenant d'une source extérieure à la police, cette source était-elle fiable ? Enfin, l'enquête de la police confirmait-elle ces renseignements avant que les policiers procèdent à la fouille ? Je n'affirme pas que chacune de ces questions constitue un critère distinct. Je me range plutôt à l'avis du juge Martin d'après lequel (TRADUCTION) «l'ensemble des circonstances» doit satisfaire au critère du caractère raisonnable. La valeur des renseignements sous deux aspects peut, dans une certaine mesure, compenser leur faiblesse sous le troisième.
[25] Dans l'arrêt Debot, il s'agissait d'évaluer la légalité d'une fouille sans mandat plutôt qu'une arrestation sans mandat. Toutefois, ces principes s'appliquent chaque fois qu'un agent de la paix agit sur la foi d'éléments fournis par un informateur (R. c. Plant, 1993 CanLII 70 (C.S.C.), [1993] 3 R.C.S. 281, à la p. 297).
[26] Le juge Lamer, s'exprimant au nom de la majorité dans R.c. Greffe, 1990 CanLII 143 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 755, offre un éclairage intéressant quant aux principes pouvant guider la Cour dans son évaluation de la fiabilité des renseignements obtenus par un informateur. Il détermine que l'arrêt de principe sur l'évaluation des renseignements confidentiels est celui rendu par la Cour d'appel de l'Ontario dans R. c. Debot 1986 CanLII 113 (ON C.A.), (1986), 30 C.C.C. (3d) 207 (C.A. Ont.), sous la plume du juge Martin et confirmé par la Cour suprême (R. c. Debot, précitée). Le juge Martin écrivait aux pp. 218 et 219:
[TRADUCTION] Je suis d'avis que la simple affirmation non étayée par un informateur à un agent de police ne constitue pas un motif raisonnable de procéder à une fouille sans mandat. […] Parmi les questions très pertinentes […] il y a celles de savoir si le renseignement communiqué par l'informateur comporte suffisamment de détails pour assurer qu'il s 'appuie sur quelque chose de plus que de simples rumeurs ou racontars, si l'informateur a révélé la source ou l'origine des renseignements et s'il y a des indices de fiabilité de l'informateur, comme le fait d'avoir fourni, dans le passé, des renseignements sûrs ou la confirmation d'une partie de ses renseignements par la surveillance policière.
[27] Quant à la corroboration des renseignements fournis par l'informateur, soit la troisième question formulée par la juge Wilson, dans R. c. Debot précité, le juge Proulx souligne, dans l'arrêt R. c. Bennett, précité, en s'inspirant de la jurisprudence américaine, l'importance que doivent accorder les policiers à l'existence d'éléments de corroboration extrinsèques à l'informateur et qui permettent de confirmer l'information reçue avant de procéder à l'action policière.
[34] Dans ces circonstances, qu'il s'agisse de l'appréciation in concreto ou in abstracto du caractère raisonnable des motifs, il faut conclure que les agents, subjectivement, ou une personne raisonnable, objectivement, ne pouvaient conclure qu'il y avait effectivement les motifs raisonnables de procéder à l'arrestation sans mandat pour complot en vue de l'importation de stupéfiants. Conséquemment, le juge de première instance a eu raison de conclure au caractère illégal de l'arrestation.
vendredi 17 juillet 2009
Nouveau cadre d’analyse élaboré par la CSC relativement à la détention et à l’exclusion d’éléments de preuve
R. c. Grant, 2009 CSC 32
La détention visée aux art. 9 et 10 de la Charte s’entend de la suspension du droit à la liberté d’une personne par suite d’une contrainte physique ou psychologique considérable. Il y a détention psychologique quand l’individu est légalement tenu d’obtempérer à une demande contraignante ou à une sommation, ou quand une personne raisonnable conclurait, compte tenu de la conduite de l’État, qu’elle n’a d’autre choix que d’obtempérer. En l’absence de contrainte physique ou d’obligation légale, il peut être difficile de savoir si une personne a été mise en détention ou non. Pour déterminer si une personne raisonnable placée dans la même situation conclurait qu’elle a été privée par l’État de sa liberté de choix, le tribunal peut tenir compte, notamment, des facteurs suivants :
a) les circonstances à l’origine du contact avec les policiers telles que la personne en cause a dû raisonnablement les percevoir;
b) la nature de la conduite des policiers; et
c) les caractéristiques ou la situation particulières de la personne, selon leur pertinence.
Pour répondre à la question de savoir s’il y a détention, il faut procéder à une évaluation réaliste de la totalité du contact tel qu’il s’est déroulé, et non à une analyse détaillée de chacun des mots prononcés et des gestes posés. Dans les cas où les policiers ne savent pas avec certitude si leur conduite a un effet coercitif, ils peuvent dire clairement à la personne visée qu’elle n’est pas tenue de répondre aux questions et qu’elle est libre de partir. C’est au juge du procès qu’il appartient de décider — en appliquant les principes de droit pertinents aux faits particuliers de l’espèce — si la police a franchi la limite entre une conduite qui respecte la liberté et le droit de choisir du sujet et une conduite qui porte atteinte à ces droits. S’il est vrai qu’il faut faire preuve de déférence à l’égard des conclusions de fait du juge du procès, l’application du droit aux faits constitue une question de droit. [32] [43‑44]
Une détention illégale est nécessairement arbitraire et interdite par l’art. 9. Les policiers ont reconnu au procès qu’ils n’avaient pas de motif juridique ou de soupçon raisonnable les autorisant à détenir l’accusé avant que celui‑ci fasse les déclarations incriminantes. La détention était donc arbitraire. En outre, les policiers ont omis d’informer l’accusé de son droit d’avoir recours à l’assistance d’un avocat avant l’interrogatoire qui a mené à la découverte de l’arme à feu. Le droit d’avoir recours à l’assistance d’un avocat prend naissance dès la mise en détention, que celle‑ci serve exclusivement ou non à des fins d’enquête. [11] [55] [57‑58]
Il faut clarifier les facteurs pertinents pour déterminer quand, « eu égard aux circonstances », l’utilisation d’éléments de preuve obtenus par suite d’une violation de la Charte serait « susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ».
Le tribunal saisi d’une demande d’exclusion fondée sur le par. 24(2) doit évaluer et mettre en balance l’effet de l’utilisation des éléments de preuve sur la confiance de la société envers le système de justice en tenant compte de :
(1) la gravité de la conduite attentatoire de l’État,
(2) l’incidence de la violation sur les droits de l’accusé garantis par la Charte et
(3) l’intérêt de la société à ce que l’affaire soit jugée au fond.
Lorsqu’il se penche sur le cadre du premier volet, le tribunal examine la nature de la conduite de la police qui a porté atteinte aux droits protégés par la Charte et mené à la découverte des éléments de preuve. Plus les gestes ayant entraîné la violation de la Charte par l’État sont graves ou délibérés plus il est nécessaire que les tribunaux s’en dissocient en excluant les éléments de preuve ainsi acquis, afin de préserver la confiance du public envers le principe de la primauté du droit et de faire en sorte que l’État s’y conforme.
Le deuxième volet de l’examen impose d’évaluer la portée réelle de l’atteinte aux intérêts protégés par le droit en cause. Le risque que l’utilisation des éléments de preuve déconsidère l’administration de la justice augmente en fonction de la gravité de l’empiétement sur ces intérêts.
Dans le cadre du troisième volet, la cour se demande si la fonction de recherche de la vérité que remplit le procès criminel est mieux servie par l’utilisation ou par l’exclusion d’éléments de preuve. À ce stade, le tribunal prend en compte les facteurs telles la fiabilité des éléments de preuve et leur importance pour la preuve du ministère public. Il appartient chaque fois au juge du procès de soupeser et de mettre en balance ces questions. Lorsque le juge du procès a examiné les bons facteurs, les cours d’appel devraient faire preuve d’une retenue considérable à l’égard de la décision rendue. [71‑72] [76‑77] [79] [86] [127]
La détention visée aux art. 9 et 10 de la Charte s’entend de la suspension du droit à la liberté d’une personne par suite d’une contrainte physique ou psychologique considérable. Il y a détention psychologique quand l’individu est légalement tenu d’obtempérer à une demande contraignante ou à une sommation, ou quand une personne raisonnable conclurait, compte tenu de la conduite de l’État, qu’elle n’a d’autre choix que d’obtempérer. En l’absence de contrainte physique ou d’obligation légale, il peut être difficile de savoir si une personne a été mise en détention ou non. Pour déterminer si une personne raisonnable placée dans la même situation conclurait qu’elle a été privée par l’État de sa liberté de choix, le tribunal peut tenir compte, notamment, des facteurs suivants :
a) les circonstances à l’origine du contact avec les policiers telles que la personne en cause a dû raisonnablement les percevoir;
b) la nature de la conduite des policiers; et
c) les caractéristiques ou la situation particulières de la personne, selon leur pertinence.
Pour répondre à la question de savoir s’il y a détention, il faut procéder à une évaluation réaliste de la totalité du contact tel qu’il s’est déroulé, et non à une analyse détaillée de chacun des mots prononcés et des gestes posés. Dans les cas où les policiers ne savent pas avec certitude si leur conduite a un effet coercitif, ils peuvent dire clairement à la personne visée qu’elle n’est pas tenue de répondre aux questions et qu’elle est libre de partir. C’est au juge du procès qu’il appartient de décider — en appliquant les principes de droit pertinents aux faits particuliers de l’espèce — si la police a franchi la limite entre une conduite qui respecte la liberté et le droit de choisir du sujet et une conduite qui porte atteinte à ces droits. S’il est vrai qu’il faut faire preuve de déférence à l’égard des conclusions de fait du juge du procès, l’application du droit aux faits constitue une question de droit. [32] [43‑44]
Une détention illégale est nécessairement arbitraire et interdite par l’art. 9. Les policiers ont reconnu au procès qu’ils n’avaient pas de motif juridique ou de soupçon raisonnable les autorisant à détenir l’accusé avant que celui‑ci fasse les déclarations incriminantes. La détention était donc arbitraire. En outre, les policiers ont omis d’informer l’accusé de son droit d’avoir recours à l’assistance d’un avocat avant l’interrogatoire qui a mené à la découverte de l’arme à feu. Le droit d’avoir recours à l’assistance d’un avocat prend naissance dès la mise en détention, que celle‑ci serve exclusivement ou non à des fins d’enquête. [11] [55] [57‑58]
Il faut clarifier les facteurs pertinents pour déterminer quand, « eu égard aux circonstances », l’utilisation d’éléments de preuve obtenus par suite d’une violation de la Charte serait « susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ».
Le tribunal saisi d’une demande d’exclusion fondée sur le par. 24(2) doit évaluer et mettre en balance l’effet de l’utilisation des éléments de preuve sur la confiance de la société envers le système de justice en tenant compte de :
(1) la gravité de la conduite attentatoire de l’État,
(2) l’incidence de la violation sur les droits de l’accusé garantis par la Charte et
(3) l’intérêt de la société à ce que l’affaire soit jugée au fond.
Lorsqu’il se penche sur le cadre du premier volet, le tribunal examine la nature de la conduite de la police qui a porté atteinte aux droits protégés par la Charte et mené à la découverte des éléments de preuve. Plus les gestes ayant entraîné la violation de la Charte par l’État sont graves ou délibérés plus il est nécessaire que les tribunaux s’en dissocient en excluant les éléments de preuve ainsi acquis, afin de préserver la confiance du public envers le principe de la primauté du droit et de faire en sorte que l’État s’y conforme.
Le deuxième volet de l’examen impose d’évaluer la portée réelle de l’atteinte aux intérêts protégés par le droit en cause. Le risque que l’utilisation des éléments de preuve déconsidère l’administration de la justice augmente en fonction de la gravité de l’empiétement sur ces intérêts.
Dans le cadre du troisième volet, la cour se demande si la fonction de recherche de la vérité que remplit le procès criminel est mieux servie par l’utilisation ou par l’exclusion d’éléments de preuve. À ce stade, le tribunal prend en compte les facteurs telles la fiabilité des éléments de preuve et leur importance pour la preuve du ministère public. Il appartient chaque fois au juge du procès de soupeser et de mettre en balance ces questions. Lorsque le juge du procès a examiné les bons facteurs, les cours d’appel devraient faire preuve d’une retenue considérable à l’égard de la décision rendue. [71‑72] [76‑77] [79] [86] [127]
Droit à l’assistance d’un avocat — Détention aux fins d’enquête
R. c. Suberu, 2009 CSC 33
L’obligation des policiers d’informer une personne de son droit à l’assistance d’un avocat garanti par l’al. 10b) de la Charte s’applique dès le début d’une détention aux fins d’enquête. Les problèmes de l’auto‑incrimination et de l’entrave à la liberté auxquels cherche à répondre l’al. 10b) se posent dès qu’il y a détention. Par conséquent, à partir du moment où une personne est détenue, les policiers sont tenus d’informer cette personne de son droit à l’assistance d’un avocat. L’expression « sans délai » figurant à l’al. 10b) doit être interprétée comme signifiant « immédiatement ». Seules des raisons liées à la sécurité des policiers ou du public ou des restrictions raisonnables prescrites par une règle de droit et justifiées au sens de l’article premier de la Charte peuvent atténuer le caractère immédiat de cette obligation. [2] [41]
Tout contact avec les policiers ne constitue pas pour autant une détention pour l’application de la Charte, même lorsqu’une personne fait l’objet d’une enquête relativement à des activités criminelles, est interrogée ou est retenue physiquement par son contact avec les policiers. L’article 9 de la Charte n’empêche pas les policiers d’interagir avec un citoyen avant d’avoir des motifs précis de l’associer à la perpétration d’un crime. De même, tout contact entre un policier et un citoyen, même suspect, ne déclenche pas nécessairement l’application du droit à l’assistance d’un avocat garanti par l’al. 10b). Selon l’approche téléologique adoptée dans R. c. Grant, 2009 CSC 32, la détention, pour l’application des art. 9 et 10 de la Charte, s’entend de la suspension du droit à la liberté par suite d’une contrainte physique ou psychologique considérable. Il y a détention psychologique soit quand l’individu est légalement tenu d’obtempérer à la demande contraignante ou à la sommation, soit quand une personne raisonnable conclurait, compte tenu de la conduite de l’État, qu’elle n’a d’autre choix que d’obtempérer. C’est au plaignant de démontrer que, dans les circonstances, on l’a effectivement privé de sa liberté de choix. Le critère applicable est objectif et l’abstention du plaignant de témoigner sur sa propre perception de son contact avec les policiers ne porte pas un coup fatal à la demande. En revanche, la prétention du plaignant que le comportement des policiers l’a véritablement privé de sa liberté doit être étayée par la preuve. Il peut s’avérer difficile, dans certains cas, de tracer la ligne entre des questions d’ordre général et des questions ciblées correspondant à une détention. Il appartient au juge de première instance saisi d’une demande fondée sur la Charte d’apprécier les circonstances et de déterminer si la ligne de démarcation entre des questions d’ordre général et la détention a été franchie. [3] [23] [25] [28‑29]
Enfin, il n’a pas été établi qu’une suspension générale du droit à l’assistance d’un avocat pendant une courte détention « aux fins d’enquête » est nécessaire et justifiée au sens de l’article premier de la Charte. Comme la définition de la détention accorde aux policiers une marge de manoeuvre qui leur permet de poser des questions exploratoires aux citoyens, de manière non coercitive, sans nécessairement déclencher l’application des droits garantis par la Charte en cas de détention, il n’est pas nécessaire de recourir à l’article premier pour leur permettre de s’acquitter efficacement de leurs obligations en matière d’enquête. [43] [45]
L’obligation des policiers d’informer une personne de son droit à l’assistance d’un avocat garanti par l’al. 10b) de la Charte s’applique dès le début d’une détention aux fins d’enquête. Les problèmes de l’auto‑incrimination et de l’entrave à la liberté auxquels cherche à répondre l’al. 10b) se posent dès qu’il y a détention. Par conséquent, à partir du moment où une personne est détenue, les policiers sont tenus d’informer cette personne de son droit à l’assistance d’un avocat. L’expression « sans délai » figurant à l’al. 10b) doit être interprétée comme signifiant « immédiatement ». Seules des raisons liées à la sécurité des policiers ou du public ou des restrictions raisonnables prescrites par une règle de droit et justifiées au sens de l’article premier de la Charte peuvent atténuer le caractère immédiat de cette obligation. [2] [41]
Tout contact avec les policiers ne constitue pas pour autant une détention pour l’application de la Charte, même lorsqu’une personne fait l’objet d’une enquête relativement à des activités criminelles, est interrogée ou est retenue physiquement par son contact avec les policiers. L’article 9 de la Charte n’empêche pas les policiers d’interagir avec un citoyen avant d’avoir des motifs précis de l’associer à la perpétration d’un crime. De même, tout contact entre un policier et un citoyen, même suspect, ne déclenche pas nécessairement l’application du droit à l’assistance d’un avocat garanti par l’al. 10b). Selon l’approche téléologique adoptée dans R. c. Grant, 2009 CSC 32, la détention, pour l’application des art. 9 et 10 de la Charte, s’entend de la suspension du droit à la liberté par suite d’une contrainte physique ou psychologique considérable. Il y a détention psychologique soit quand l’individu est légalement tenu d’obtempérer à la demande contraignante ou à la sommation, soit quand une personne raisonnable conclurait, compte tenu de la conduite de l’État, qu’elle n’a d’autre choix que d’obtempérer. C’est au plaignant de démontrer que, dans les circonstances, on l’a effectivement privé de sa liberté de choix. Le critère applicable est objectif et l’abstention du plaignant de témoigner sur sa propre perception de son contact avec les policiers ne porte pas un coup fatal à la demande. En revanche, la prétention du plaignant que le comportement des policiers l’a véritablement privé de sa liberté doit être étayée par la preuve. Il peut s’avérer difficile, dans certains cas, de tracer la ligne entre des questions d’ordre général et des questions ciblées correspondant à une détention. Il appartient au juge de première instance saisi d’une demande fondée sur la Charte d’apprécier les circonstances et de déterminer si la ligne de démarcation entre des questions d’ordre général et la détention a été franchie. [3] [23] [25] [28‑29]
Enfin, il n’a pas été établi qu’une suspension générale du droit à l’assistance d’un avocat pendant une courte détention « aux fins d’enquête » est nécessaire et justifiée au sens de l’article premier de la Charte. Comme la définition de la détention accorde aux policiers une marge de manoeuvre qui leur permet de poser des questions exploratoires aux citoyens, de manière non coercitive, sans nécessairement déclencher l’application des droits garantis par la Charte en cas de détention, il n’est pas nécessaire de recourir à l’article premier pour leur permettre de s’acquitter efficacement de leurs obligations en matière d’enquête. [43] [45]
jeudi 16 juillet 2009
Ce que constitue des motifs raisonnables de la part des policiers
R. c. Bilodeau, 2004 CanLII 45922 (QC C.A.)
Avant d'appliquer ces principes aux faits de l'espèce, j'entends formuler quelques remarques préliminaires.
Premièrement: il est vrai qu'une intuition des policiers qui s'avère fondée par la suite n'a pas pour effet d'établir qu'ils avaient, avant d'agir, des motifs raisonnables; en contrepartie, les motifs des policiers ne cessent pas d'être raisonnables parce que la suite des événements ne confirme pas ce qu'ils croyaient au départ. Dans Mulligan, Legault et Cotnoir, on croyait empêcher un vol ou porter assistance à un conducteur en détresse et on a trouvé une personne ivre au volant.
Deuxièmement: on doit déterminer le caractère raisonnable des motifs en se plaçant dans les circonstances de temps, de lieu et d'urgence auxquels sont confrontés les policiers et non par une analyse sophistiquée que permet le recul du temps.
Troisièmement: les motifs raisonnables découlent souvent d'un ensemble de circonstances; il faut se garder de les disséquer et d'analyser chaque élément d'une façon séparée. Il peut arriver que chaque élément soit compatible avec une conduite innocente alors que l'ensemble pointe dans une toute autre direction.
Quatrièmement: il n'est pas toujours possible de déterminer avec une précision absolue à quel moment les agents de la paix estiment avoir des motifs raisonnables. Avec égards, il me semble que le juge de la Cour supérieure – par une analyse a posteriori – attache une importance indue au fait que les policiers auraient décidé d'intervenir avant que le véhicule ne pénètre dans la deuxième entrée alors qu'on sait que tous ces événements se déroulent en très peu de temps.
Cinquièmement: il ne faut pas perdre de vue que les policiers ont un devoir de prévention. L'avocat de l'intimé écrit dans son mémoire que les occupants du véhicule n'ont pas tenté de s'introduire dans la résidence au 161 rue Bilodeau. Le rôle des policiers ne se limite pas à procéder à l'arrestation des personnes qui commettent des crimes ou tentent d'en commettre. Cela est encore plus évident si on examine la situation du point de vue des citoyens qui résidaient au 161 rue Bilodeau. Comment les policiers auraient-ils pu justifier leur défaut d'intervenir si une tentative d'introduction par effraction dans leur résidence était survenue au cours de la nuit? Les résidants qui constatent la présence d'une automobile ou d'une camionnette stationnée dans leur entrée privée au cours de la nuit, tous feux éteints, ne peuvent-ils pas contacter les policiers? Ceux-ci seraient-ils alors empêchés de procéder à une vérification?
Avant d'appliquer ces principes aux faits de l'espèce, j'entends formuler quelques remarques préliminaires.
Premièrement: il est vrai qu'une intuition des policiers qui s'avère fondée par la suite n'a pas pour effet d'établir qu'ils avaient, avant d'agir, des motifs raisonnables; en contrepartie, les motifs des policiers ne cessent pas d'être raisonnables parce que la suite des événements ne confirme pas ce qu'ils croyaient au départ. Dans Mulligan, Legault et Cotnoir, on croyait empêcher un vol ou porter assistance à un conducteur en détresse et on a trouvé une personne ivre au volant.
Deuxièmement: on doit déterminer le caractère raisonnable des motifs en se plaçant dans les circonstances de temps, de lieu et d'urgence auxquels sont confrontés les policiers et non par une analyse sophistiquée que permet le recul du temps.
Troisièmement: les motifs raisonnables découlent souvent d'un ensemble de circonstances; il faut se garder de les disséquer et d'analyser chaque élément d'une façon séparée. Il peut arriver que chaque élément soit compatible avec une conduite innocente alors que l'ensemble pointe dans une toute autre direction.
Quatrièmement: il n'est pas toujours possible de déterminer avec une précision absolue à quel moment les agents de la paix estiment avoir des motifs raisonnables. Avec égards, il me semble que le juge de la Cour supérieure – par une analyse a posteriori – attache une importance indue au fait que les policiers auraient décidé d'intervenir avant que le véhicule ne pénètre dans la deuxième entrée alors qu'on sait que tous ces événements se déroulent en très peu de temps.
Cinquièmement: il ne faut pas perdre de vue que les policiers ont un devoir de prévention. L'avocat de l'intimé écrit dans son mémoire que les occupants du véhicule n'ont pas tenté de s'introduire dans la résidence au 161 rue Bilodeau. Le rôle des policiers ne se limite pas à procéder à l'arrestation des personnes qui commettent des crimes ou tentent d'en commettre. Cela est encore plus évident si on examine la situation du point de vue des citoyens qui résidaient au 161 rue Bilodeau. Comment les policiers auraient-ils pu justifier leur défaut d'intervenir si une tentative d'introduction par effraction dans leur résidence était survenue au cours de la nuit? Les résidants qui constatent la présence d'une automobile ou d'une camionnette stationnée dans leur entrée privée au cours de la nuit, tous feux éteints, ne peuvent-ils pas contacter les policiers? Ceux-ci seraient-ils alors empêchés de procéder à une vérification?
L’article 27 du Code permet à un passant d’employer la force raisonnable nécessaire pour faire cesser une infraction en train d’être commise
R. c. Hebert, 1996 CanLII 202 (C.S.C.)
L'art. 27 justifie l'emploi de la force raisonnablement nécessaire pour empêcher la perpétration d'une infraction. C'est un article d'application générale et il n'est pas nécessaire que la personne qui invoque la justification soit un agent de la paix ou un fonctionnaire public, ou un membre d'une catégorie restreinte de personnes. Cependant, cet article vise nettement à permettre à un passant qui constate qu'une infraction est en train d'être commise ou sur le point de l'être d'employer la force pour en empêcher la perpétration. Placer une attaque personnelle dans la catégorie des infractions dont la perpétration déclenche l'application de l'art. 27 n'aurait aucun sens. Les articles 34 et 37 seraient alors redondants. Il est évidemment plus sensé que ce genre de conduite relève de la partie du Code intitulée «Défense de la personne», dans laquelle se trouvent les art. 34 à 37.
Traitant de l'art. 27 du Code, le juge du procès a interprété «la perpétration d'une infraction» comme s'appliquant à une attaque injustifiée. Il est exact qu'une attaque injustifiée est une infraction, mais le juge du procès n'a pas placé l'art. 27 dans son véritable contexte, savoir qu'il s'applique à la force employée dans l'exécution générale de la loi.
L'art. 27 justifie l'emploi de la force raisonnablement nécessaire pour empêcher la perpétration d'une infraction. C'est un article d'application générale et il n'est pas nécessaire que la personne qui invoque la justification soit un agent de la paix ou un fonctionnaire public, ou un membre d'une catégorie restreinte de personnes. Cependant, cet article vise nettement à permettre à un passant qui constate qu'une infraction est en train d'être commise ou sur le point de l'être d'employer la force pour en empêcher la perpétration. Placer une attaque personnelle dans la catégorie des infractions dont la perpétration déclenche l'application de l'art. 27 n'aurait aucun sens. Les articles 34 et 37 seraient alors redondants. Il est évidemment plus sensé que ce genre de conduite relève de la partie du Code intitulée «Défense de la personne», dans laquelle se trouvent les art. 34 à 37.
Traitant de l'art. 27 du Code, le juge du procès a interprété «la perpétration d'une infraction» comme s'appliquant à une attaque injustifiée. Il est exact qu'une attaque injustifiée est une infraction, mais le juge du procès n'a pas placé l'art. 27 dans son véritable contexte, savoir qu'il s'applique à la force employée dans l'exécution générale de la loi.
mardi 14 juillet 2009
Éléments de la légitime défense lorsque la victime décède
R. c. Pétel, [1994] 1 R.C.S. 3
La lecture du texte du par. 34(2) du Code fait ressortir les trois éléments constitutifs de la légitime défense, lorsque, comme en l'espèce, la victime est décédée: (1) l'existence d'une attaque illégale; (2) l'appréhension raisonnable d'un danger de mort ou de lésions corporelles graves, et (3) la croyance raisonnable qu'on ne peut s'en sortir autrement qu'en tuant l'adversaire.
Dans les trois cas, le jury doit chercher à déterminer quelle était la perception des faits pertinents par l'accusée et si cette perception était raisonnable. Il s'agit donc d'une évaluation objective. Quant aux deux derniers éléments, cette approche découle des termes employés dans le Code et a été confirmée par cette Cour dans l'arrêt Reilly c. La Reine, [1984] 2 R.C.S. 396, à la p. 404:
Ce paragraphe ne protège l'accusé que lorsque celui-ci appréhende la mort ou une lésion corporelle grave résultant de l'attaque qu'il repousse et lorsqu'il croit qu'il ne peut se soustraire à la mort ou à une lésion corporelle grave autrement que par la force qu'il a employée. Son appréhension doit néanmoins être raisonnable et sa croyance doit se fonder sur des motifs raisonnables et probables. En vertu du paragraphe, le jury doit se fonder sur ce qu'il croit, à la lumière de la preuve, être l'évaluation de la situation par l'accusé et sa perception quant à la réaction que cette situation exigeait, dans la mesure où on peut vérifier cette perception à partir d'un critère objectif. [Souligné dans l'original.]
Certains doutes ont pu subsister quant à savoir si ce passage de l'arrêt Reilly s'applique également à l'existence d'une attaque. Quant à moi, je crois que le terme "situation" réfère aux trois éléments du par. 34(2). L'erreur honnête mais raisonnable relativement à l'existence d'une attaque est donc permise. C'est d'ailleurs ce qu'a compris la Cour d'appel de l'Ontario dans R. c. Nelson (1992), 71 C.C.C. (3d) 449, à la p. 455.
Il faut éviter de faire de l'existence de l'attaque une sorte de condition préliminaire à l'exercice de la légitime défense qui doit s'apprécier en faisant abstraction de la perception de l'accusée. Ceci équivaudrait, en quelque sorte, à faire le procès de la victime avant celui de l'accusée. Dans le cadre de la légitime défense, c'est l'état d'esprit de l'accusée qu'il faut examiner, et c'est à l'accusée (et non à la victime) qu'il faut donner le bénéfice du doute raisonnable. La question que doit se poser le jury n'est donc pas "l'accusée a-t-elle été illégalement attaquée?" mais plutôt "l'accusée a-t-elle raisonnablement cru, dans les circonstances, qu'on l'attaquait illégalement?".
Par ailleurs, l'arrêt Lavallee, précité, a rejeté la règle exigeant que le danger appréhendé soit imminent. Cette supposée règle, qui n'apparaît nullement dans le texte du Code criminel, n'est en fait qu'une simple présomption fondée sur le bon sens. Comme l'a souligné le juge Wilson dans Lavallee, cette présomption tire sans doute son origine du cas paradigmatique de la légitime défense qu'est l'altercation entre deux personnes de force égale. On peut cependant présenter une preuve (notamment une preuve d'expert) pour réfuter cette présomption de fait.
Il n'y a donc pas d'exigence formelle que le danger soit imminent. L'imminence n'est qu'un des facteurs que le jury doit évaluer pour déterminer si l'accusée avait une appréhension raisonnable du danger et une croyance raisonnable de ne pas pouvoir s'en sortir autrement qu'en donnant la mort à l'agresseur.
La lecture du texte du par. 34(2) du Code fait ressortir les trois éléments constitutifs de la légitime défense, lorsque, comme en l'espèce, la victime est décédée: (1) l'existence d'une attaque illégale; (2) l'appréhension raisonnable d'un danger de mort ou de lésions corporelles graves, et (3) la croyance raisonnable qu'on ne peut s'en sortir autrement qu'en tuant l'adversaire.
Dans les trois cas, le jury doit chercher à déterminer quelle était la perception des faits pertinents par l'accusée et si cette perception était raisonnable. Il s'agit donc d'une évaluation objective. Quant aux deux derniers éléments, cette approche découle des termes employés dans le Code et a été confirmée par cette Cour dans l'arrêt Reilly c. La Reine, [1984] 2 R.C.S. 396, à la p. 404:
Ce paragraphe ne protège l'accusé que lorsque celui-ci appréhende la mort ou une lésion corporelle grave résultant de l'attaque qu'il repousse et lorsqu'il croit qu'il ne peut se soustraire à la mort ou à une lésion corporelle grave autrement que par la force qu'il a employée. Son appréhension doit néanmoins être raisonnable et sa croyance doit se fonder sur des motifs raisonnables et probables. En vertu du paragraphe, le jury doit se fonder sur ce qu'il croit, à la lumière de la preuve, être l'évaluation de la situation par l'accusé et sa perception quant à la réaction que cette situation exigeait, dans la mesure où on peut vérifier cette perception à partir d'un critère objectif. [Souligné dans l'original.]
Certains doutes ont pu subsister quant à savoir si ce passage de l'arrêt Reilly s'applique également à l'existence d'une attaque. Quant à moi, je crois que le terme "situation" réfère aux trois éléments du par. 34(2). L'erreur honnête mais raisonnable relativement à l'existence d'une attaque est donc permise. C'est d'ailleurs ce qu'a compris la Cour d'appel de l'Ontario dans R. c. Nelson (1992), 71 C.C.C. (3d) 449, à la p. 455.
Il faut éviter de faire de l'existence de l'attaque une sorte de condition préliminaire à l'exercice de la légitime défense qui doit s'apprécier en faisant abstraction de la perception de l'accusée. Ceci équivaudrait, en quelque sorte, à faire le procès de la victime avant celui de l'accusée. Dans le cadre de la légitime défense, c'est l'état d'esprit de l'accusée qu'il faut examiner, et c'est à l'accusée (et non à la victime) qu'il faut donner le bénéfice du doute raisonnable. La question que doit se poser le jury n'est donc pas "l'accusée a-t-elle été illégalement attaquée?" mais plutôt "l'accusée a-t-elle raisonnablement cru, dans les circonstances, qu'on l'attaquait illégalement?".
Par ailleurs, l'arrêt Lavallee, précité, a rejeté la règle exigeant que le danger appréhendé soit imminent. Cette supposée règle, qui n'apparaît nullement dans le texte du Code criminel, n'est en fait qu'une simple présomption fondée sur le bon sens. Comme l'a souligné le juge Wilson dans Lavallee, cette présomption tire sans doute son origine du cas paradigmatique de la légitime défense qu'est l'altercation entre deux personnes de force égale. On peut cependant présenter une preuve (notamment une preuve d'expert) pour réfuter cette présomption de fait.
Il n'y a donc pas d'exigence formelle que le danger soit imminent. L'imminence n'est qu'un des facteurs que le jury doit évaluer pour déterminer si l'accusée avait une appréhension raisonnable du danger et une croyance raisonnable de ne pas pouvoir s'en sortir autrement qu'en donnant la mort à l'agresseur.
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