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mercredi 12 août 2009

Le droit concernant la notion de garde et contrôle

R c. Drouin; 2007 QCCQ 3263; numéro de dossier 755-01-019843-066; DATE : Le 12 avril 2007

[41] Lorsqu’il est question de la garde ou le contrôle d'un véhicule automobile, la Poursuivante bénéficie d'une présomption édictée à l'article 258(1)a) du Code criminel qui se lit ainsi :

Lorsqu'il est prouvé que l'accusé occupait la place ou la position ordinairement occupée par la personne qui conduit le véhicule à moteur, le bateau, l'aéronef ou le matériel ferroviaire ou qui aide à conduire un aéronef ou du matériel ferroviaire, il est réputé en avoir eu la garde ou le contrôle à moins qu'il n'établisse qu'il n'occupait pas cette place ou position dans le but de mettre en marche ce véhicule, ce bateau, cet aéronef ou ce matériel ferroviaire, ou dans le but d'aider à conduire l'aéronef ou le matériel ferroviaire, selon le cas.

[42] La Cour Suprême, dans l’arrêt R. c. Ford, traite ainsi de la présomption :

…l'al. 237(1)a) porte exclusivement sur le mode de preuve applicable à une accusation portée en vertu de l'art. 236 et n'a d'incidence que sur la preuve, sans toucher à l'infraction créée par l'art. 236. Il est certain que si l'accusation repose uniquement sur la preuve que l'accusé occupait la place ordinairement occupée par le conducteur, il n'est pas réputé avoir eu la garde du véhicule s'il peut établir qu'il n'y a pas pris place afin de le mettre en marche. La présomption de l'al. 237(1)a) est alors réfutée et la poursuite ne peut plus s'en prévaloir. En pratique, lorsque l'accusé réussit à établir qu'il n'a pas pris place dans ou sur le véhicule afin de le mettre en marche, il en résulte seulement que la poursuite doit assumer le fardeau de la preuve sans pouvoir invoquer la présomption. (soulignés du soussigné)

[43] L’intention de conduire ne représente pas un élément essentiel dont la Poursuivante doit faire la preuve pour que soit prononcée une déclaration de culpabilité en vertu de l’article 253 du Code criminel. C’est ce qui ressort des passages suivants de l’arrêt R. c. Ford, précité, où le juge Ritchie, parlant au nom de la majorité commente ainsi :

42. En l'espèce, il a été établi que l'appelant est le propriétaire du véhicule en question, qu'il y a pris place à plusieurs reprises au cours de la soirée et, en outre, qu'il a mis en marche le moteur à plusieurs reprises afin de faire fonctionner la chaufferette. Ce sont là des éléments supplémentaires qui tentent à établir la garde de sorte que, compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, la réfutation de la présomption crée par l'al. 237(1)a) n'a aucune valeur concluante en ce qui concerne la culpabilité ou l'innocence de l'appelant.

43. Il n'est pas non plus nécessaire, à mon avis, que la poursuite fasse la preuve de l'intention de mettre le véhicule en marche pour que soit reconnu coupable une personne accusée, en vertu du par. 236(1) d'avoir eu la garde d'un véhicule à moteur alors que son taux d'alcoolémie dépassait 80 milligrammes d'alcool par 100 millilitres de sang. Il peut y avoir garde même en l'absence de cette intention lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, un accusé accomplit un acte ou une série d'actes ayant trait à l'utilisation du véhicule ou de ses accessoires, qui font que le véhicule peut être mis en marche involontairement, créant le danger que l'article vise à prévenir. (Soulignés du soussigné)

[44] Puis, dans l'arrêt R. c. Toews, la Cour Suprême a eu l'occasion de revenir sur la notion de garde ou contrôle d'un véhicule à moteur alors que les facultés sont affaiblies. Les faits de cette affaire sont les suivants :

2 La police a trouvé l'accusé endormi sur le siège avant de son camion, vers 5 h 15 le matin du 20 juillet 1980. Le véhicule était sur un terrain privé, à huit ou dix pieds de la route. L'intimé était couché sur le siège avant, la tête près de la portière du côté du passager, enveloppé jusqu'à la ceinture dans un sac de couchage étendu jusque sous le volant et avait les pieds pendants ou touchant le plancher. La clef de contact était en place, l'appareil stéréo jouait fort, mais le moteur du camion était arrêté et les phares étaient éteints. Les policiers ont réveillé l'intimé et remarqué des signes d'ébriété. Il est admis que le taux d'alcoolémie de l'intimé se situait entre 0,16 et 0,17 et que sa capacité de conduire était affaiblie. La preuve révèle de plus, ce qui n'est pas contesté, que l'intimé avait été conduit par un ami de chez lui à Endako à une maison à Fraser Lake où son camion était stationné et où la soirée avait lieu. L'intimé a quitté la soirée vers 1 h 30 du matin parce qu'il était fatigué; il est monté dans son camion pour se coucher et attendre son ami qui était resté à la soirée. Les policiers sont arrivés vers 5 h 15 du matin répondant à un appel relativement à autre chose et ont trouvé l'intimé profondément endormi dans le camion. L'intimé a juré qu'il n'avait pas l'intention de conduire le camion lorsqu'il y est monté, ce que semblent avoir cru les cours d'instance inférieure.

[45] Sous la plume du juge McIntyre, la Cour Suprême énonce ainsi le droit applicable à cette question d’intention de conduire et définit la notion d’actus reus et de mens rea requises pour cette infraction:

7 …Pour ce motif, il est clair, comme cette Cour l'a décidé dans l'arrêt Ford que la preuve de l'intention de conduire - - c'est-à-dire de mettre le véhicule en mouvement - - n'est pas un élément essentiel de la preuve de l'accusation d'avoir la garde ou le contrôle d'un véhicule…



Je suis d'avis que l'intention qu'a un accusé inculpé en vertu du par. 234(1) est pertinente pour autant qu'elle peut contribuer à établir la présence ou l'absence de la mens rea exigée pour l'infraction. La mens rea de l'infraction de conduite avec facultés affaiblies est l'intention de conduire un véhicule à moteur après avoir volontairement consommé de l'alcool ou une drogue. L'actus reus est l'acte qui consiste à conduire alors que la consommation volontaire d'alcool ou d'une drogue a affaibli la capacité de conduire. De même la mens rea de l'infraction d'avoir la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur et l'intention d'assumer la garde ou le contrôle après avoir volontairement consommé de l'alcool ou une drogue. L'actus reus est l'acte qui consiste à assumer la garde ou le contrôle du véhicule alors que la consommation volontaire d'alcool ou d'une drogue a affaibli la capacité de conduire. …l'élément de garde ou de contrôle peut être prouvé soit par recours à la présomption du par. 237(1), lorsqu'elle est applicable, ou par démonstration qu'il y a eu effectivement garde ou contrôle sans invoquer la présomption.

[46] Lorsque la Poursuivante ne peut invoquer la présomption prévue au Code criminel, il s'ensuit qu'elle doit soumettre des éléments de preuve qui démontrent des actes de garde ou de contrôle du véhicule à moteur.

[47] L'infraction de garde ou contrôle d'un véhicule à moteur peut être commise que le véhicule soit en mouvement ou non.

[48] Il s'agit donc de déterminer en quoi consiste la garde ou le contrôle d'un véhicule si on ne le conduit pas.

[49] Sur cette question, la Cour Suprême énonce que :

…les actes de garde ou de contrôle, hormis l'acte de conduire, sont des actes qui comportent une certaine utilisation du véhicule ou de ses accessoires, ou une conduite quelconque à l'égard du véhicule qui comporterait le risque de le mettre en mouvement de sorte qu'il puisse devenir dangereux.

[50] Et la Cour Suprême de conclure, s’appuyant sur les faits propres au dossier qu’elle étudiait :

…En l'espèce, le véhicule se trouvait sur un terrain privé et l'intimé n'occupait pas le siège du conducteur. Il était inconscient et n'avait clairement pas le contrôle réel du véhicule. L'utilisation d'un sac de couchage vient appuyer son affirmation qu'il utilisait le véhicule simplement comme un endroit pour dormir. Reste que la clef était dans le contact et que le stéréo fonctionnait. Assez curieusement cependant, il n'y a pas de preuve directe que l'intimé ait mis la clef dans le contact ou mis le stéréo en marche mais, selon la preuve, c'est son ami qui a été le dernier conducteur du véhicule et qui l'a conduit à la réception et devait le ramener chez lui. À partir de tous ces faits, je considère qu'on ne peut tirer de conclusion défavorable en l'espèce uniquement à cause de la preuve relative à la clef de contact. Il n'a donc pas été démontré que l'intimé a accompli des actes de garde ou de contrôle et il n'a donc pas accompli l'actus reus.

[51] La Cour Suprême a confirmé la décision de la Cour d’Appel qui avait annulé la déclaration de culpabilité prononcée contre Toews.

[52] Dans l'arrêt R. c. Penno, les faits sont les suivants :

2 Deux personnes non identifiées ont volé une automobile aux petites heures du matin, le 27 avril 1985, dans le canton de Michipicoten, en Ontario. Environ vingt minutes plus tard, les policiers ont retrouvé le véhicule dans lequel ils ont découvert l'appelant à la place du conducteur et une autre personne assise à ses côtés. L'agent qui a procédé à l'enquête n'est pas sûr que le véhicule était en mouvement quand il l'a retracé. Cependant, il a témoigné qu'au moment de sortir de la voiture de patrouille et de s'approcher du véhicule il a vu l'appelant faire un geste comme pour mettre le véhicule en marche arrière et il a constaté que le véhicule a reculé d'environ un pied. Les clés étaient dans le contact et le moteur tournait. Le passager avait en sa possession un autre jeu de clés qui se trouvait dans sa poche. L'appelant et le passager ont tout de suite été mis en état d'arrestation.

3 Il est reconnu que l'accusé avait consommé une grande quantité d'alcool dans les heures qui ont précédé son arrestation. L'accusé a témoigné qu'il ne se souvenait pas des événements qui se sont déroulés entre minuit et son réveil, en cellule, tard dans la matinée.

[53] L’accusé Penno a été acquitté de tous les chefs d’accusation portés contre lui, y compris celui d'avoir eu la garde ou le contrôle d'un véhicule alors que ses facultés étaient affaiblies par l’effet de l’alcool. La Poursuivante a interjeté appel seulement de l'acquittement concernant le chef relatif à l’infraction d'avoir eu la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur alors que les facultés de l'accusé étaient affaiblies.

[54] Le juge Lamer, après avoir souligné la prétention de l'appelant à l'effet que l'intention applicable à l'infraction de garde ou contrôle d'un véhicule à moteur alors que les capacités sont affaiblies devait être celle d'utiliser la voiture ou ses accessoires dans le dessein d'utiliser la voiture en tant que véhicule à moteur, souligne que cette prétention va à l'encontre d'une affirmation catégorique de la Cour Suprême à l'effet que l'intention de mettre le véhicule en marche n'est pas un élément de cette infraction.

[55] Il ajoute cependant :

Par contre, la loi ne manque pas totalement de souplesse et ne va pas jusqu'à punir la simple présence dans un véhicule à moteur d'une personne dont la capacité de conduire est affaiblie. En réalité, l'arrêt Toews consacre la règle que, lorsque l'utilisation du véhicule à moteur ne comporte aucun risque de le mettre en marche et de le rendre dangereux, les cours de justice devraient conclure qu'il y a absence d'actus reus. (soulignés du soussigné)

[56] La Cour d’Appel du Québec s’est aussi penchée sur cette notion dans l’affaire R. c. Hamel, où les faits étaient les suivants :

Les faits de cette cause sont particuliers. La preuve à charge fut constituée des témoignages de deux (2) policiers faisant état d'un événement survenu vers les 03h00 du matin dans le Rang 3 à Issoudun. Ces policiers constatèrent qu'un véhicule s'arrêtait à bonne distance à l'arrière du leur. Après quelques minutes de surveillance, ils décidèrent de procéder à vérification. Parvenus à la hauteur de cette voiture, ils constatèrent la présence de deux personnes sur la banquette avant qui s'avérèrent ultérieurement être l'appelante occupant la place du chauffeur et son ami, Serge Hamel, comme passager. Deux autres occupants étaient à l'extérieur, en train d'examiner un véhicule enlisé en bordure de la route.

Constatant chez l'appelante des signes apparents d'alcoolisme, celle-ci fut soumise à un test Alert qu'elle échoua ainsi qu'à des tests d'ivressomêtre qui furent de l'ordre de 140 et 150.

En contrepartie, la preuve à décharge fut composée des témoignages des quatre (4) personnes qui avaient pris place à bord de cette automobile et étaient descendues pour voir de plus près le véhicule accidenté. Elle est à l'effet qu'à l'approche de la voiture des policiers, le chauffeur Serge Hamel dont les facultés étaient affaiblies, revint en vitesse à l'automobile avec son amie et demanda à celle-ci de s'installer à l'arrière du volant craignant, d'une part, que l'on constate son état et d'autre part, invoquant la mansuétude pratiquée par les policiers à l'égard d'une personne de sexe féminin. Lors de l'arrêt, Serge Hamel avait laissé les lumières en fonction et enlevé la clé de l'ignition pour la mettre dans sa poche. À l'arrivée des policiers, il l'avait toujours en sa possession. Ces faits furent généralement confirmés par tous les témoins de la défense.

[57] Sous la plume du regretté juge Proulx, écrivant pour la majorité, la Cour d’Appel, qui a rétabli le verdict de culpabilité prononcé en première instance, interprète comme suit le sens des mots «garde» et «contrôle» :

29 L'arrêt R. v. Price (1978), 40 C.C.C. (2d) 378, p. 384 (C.A.N.-B.), cité avec approbation par la Cour Suprême dans l'arrêt La Reine c. Toews, (1985) 2 R.C.S. 119 , p. 126, interprète comme suit le sens des mots "garde" et "contrôle":

The word "care" is defined in The Oxford English
Dictionary as "having in charge or protection".
"Control" on the other hand is defined as "the fact of
controlling or of checking and directing action" also as
"the function or power of directing and regulating;
domination, command, sway" ....The mischief sought to be
prohibited by the section as expressed by the wording is
that an intoxicated person who is in the immediate
presence of a motor vehicle with the means of controlling
it or setting it in motion is or may be a danger to the
public. Even if he has no immediate intention of setting
it in motion he can at any instant determine to do so,
because his judgment may be so impaired that he cannot
foresee the possible consequences of his actions.

30 Dans Toews, on a cité également l'arrêt R. v. Thomson (1940), 75 C.C.C. 141 (C.A.N.-É.), duquel on peut dégager la proposition qu'une personne qui se trouve dans une voiture et a à sa portée les moyens de la mettre en marche en a le contrôle. Il n'est pas requis que cette personne ait l'intention immédiate de mettre le véhicule en marche puisque la disposition vise à empêcher qu'une personne en état d'ébriété qui est en présence immédiate d'un véhicule et qui a le moyen de le contrôler ou de le mettre en mouvement, ne devienne un danger pour le public. (soulignés du soussigné)

[58] Toujours en 1997, la Cour d’Appel se prononce de nouveau sur cette question dans l’affaire R. c. Rousseau où les faits sont les suivants :

5 … Vers 3h30, dans la nuit du 17 mars 1991, les policiers de Ste-Foy interceptaient l'appelant, endormi sur le siège du conducteur de son véhicule automobile, stationné derrière un bar. Le moteur était en marche, les glaces latérales légèrement baissées, le levier de vitesse à la position "park" et le frein d'urgence levé. L'appelant était affecté d'un taux d'alcoolémie 140 mg par 100 ml de sang et avait visiblement souffert de problèmes de digestion durant son sommeil.

6 Deux témoins ont été entendus en défense: l'appelant et une dame Tremblay qui, au hasard d'une rencontre, lui avait demandé de lui remettre ses clés puisqu'il était ivre. Il répondit qu'il allait se coucher dans sa voiture. L'appelant a confirmé cette version et a expliqué les gestes subséquents. Comme c'était au mois de mars et qu'il faisait froid, il a démarré le moteur pour mettre le système de chauffage en marche. Il a légèrement baissé les glaces latérales de la voiture, de crainte d'être incommodé par les gaz d'échappement. Il s'est assuré que le levier d'entraînement était à la position "park" et que le frein d'urgence était en fonction dans le but d'éviter tout danger que le véhicule ne constitue un risque pour qui que ce soit. Il affirme positivement n'avoir jamais eu l'intention de mettre sa voiture en mouvement:…

7 Dans la mesure où elle fut crue par le premier juge, parce que corroborée par Marie-Josée Tremblay, cette affirmation permettait à l'accusé de repousser la présomption édictée contre l'individu qui occupe le siège du conducteur d'un véhicule automobile, alors que ses facultés sont affaiblies... "à moins qu'il n'établisse qu'il n'occupait pas cette place dans le but de le mettre en marche" (art. 258(1) C.cr.).

8 Le débat a toutefois à peine effleuré l'effet de cette présomption puisque le ministère public a déclaré ne pas l'invoquer, s'en tenant à affirmer que les éléments constitutifs de l'infraction étaient prouvés hors de tout doute raisonnable.

[59] La Cour d’Appel constate que le juge de première instance :

11 …oublie que l'accusé doit être trouvé coupable si le tribunal retient contre lui des gestes conscients de garde et de contrôle, accompagnés de l'intention générale de les poser.

[60] Puis elle ajoute :

12 …Rien n'empêche le poursuivant de s'en remettre à une preuve hors de tout doute d'actes de garde et de contrôle qui imposent de conclure à la culpabilité, sans égard à la présomption.

[61] Comme la présomption de l’article 258(1)a) du Code criminel n’était pas invoquée, la Cour d’Appel indique ceci :

20 …À mon avis la poursuite devait présenter la preuve hors de tout doute raisonnable de l'utilisation consciente du véhicule ou de ses accessoires, ce qui peut se traduire par le risque de le mettre en mouvement et représenter le danger que le législateur a voulu éviter.

[62] Puis la Cour d’Appel définit ainsi la garde ou contrôle d’un véhicule automobile :

22 La garde ou le contrôle d'un véhicule automobile est l'exercice de fait d'une prérogative de droit. C'est l'utilisation d'un véhicule ou ses accessoires de la façon qu'en autorise la propriété ou la possession. L'élément de risque ou de danger public qui s'infère des articles pertinents du Code criminel résulte de la coexistence de deux facteurs: les facultés affectées par l'alcool ou la drogue et le fait que, consciemment, l'accusé se place dans une situation susceptible de devenir dangereuse.

[63] La Cour d’Appel poursuit ainsi son analyse :

23 Lorsque l'appelant refuse de remettre à madame Tremblay les clés de sa voiture, il sait qu'il n'est pas en état de conduire, mais décide tout de même de s'y mettre à l'abri. Il pose alors des actes de garde et de contrôle: il déverrouille la portière, s'assoit sur le banc du conducteur, ferme la portière, baisse les glaces latérales par crainte du monoxyde de carbone, s'assure que le levier d'embrayage est à la position "park", lève le levier du frein d'urgence et démarre le moteur et l'appareil de chauffage. Autant d'opérations conscientes et de gestes de sa part qui s'inscrivent dans une certaine logique et qui démontrent que, non seulement il avait la garde du véhicule, mais qu'il exerçait aussi le contrôle de certaines opérations. Qu'il ait sombré dans le sommeil, espérant éliminer l'alcool dans les heures suivantes, cela n'empêche pas qu'il ait exercé la garde et le contrôle de son véhicule alors que ses facultés étaient affaiblies.

[64] Et Elle rejette l’appel de l’accusé à l’encontre de la déclaration de culpabilité prononcée par la Cour Supérieure, siégeant en appel de la décision de juge de première instance qui avait acquitté l’accusé, pour la raison suivante :

24 Avec égards, ces éléments, suffisants pour constituer l'infraction, n'ont pas été considérés avec leurs conséquences juridiques par le premier juge; il s'agissait là d'une erreur d'appréciation des éléments de l'infraction reprochée à l'appelant justifiant la réformation en Cour supérieure.

[65] L’affaire R. c. Rioux de la Cour d’Appel du Québec s’intéresse également à cette notion. Dans cette affaire, les faits sont les suivants :

6 Le 24 août 1997, vers trois heures du matin, deux policiers de la Sûreté municipale de Donnacona interceptent l'intimé et un autre individu, Michel Langlois (Langlois), alors qu'ils se trouvent sur le stationnement d'un garage situé en face du bar d'où ils sortaient.

7 L'intimé, qui est visiblement en état d'ébriété, se dirige vers son véhicule, clés en main. Les policiers lui font ouvrir son véhicule afin de vérifier ses papiers et l'avisent de ne pas prendre le volant vu son état. L'intimé répond qu'il va laisser son véhicule dans le stationnement et qu'il s'en va, avec Langlois, coucher chez la sœur de celui-ci qui demeure à proximité. Par la suite, ils se dirigent vers le domicile de cette dernière, mais elle ne s'y trouve pas; ils reviennent donc au véhicule de l'intimé.

8 Une heure plus tard, les policiers retournent sur les lieux. Ils constatent que l'intimé et Langlois dorment à l'intérieur du véhicule. L'intimé occupe le siège du conducteur et Langlois celui du passager. Les portes sont verrouillées; le moteur n'est pas en marche.

9 Les policiers frappent au niveau de la portière du conducteur afin de réveiller l'intimé. Celui-ci, toujours en état d'ébriété, sort du véhicule. Il est alors arrêté pour avoir eu la garde et le contrôle d'un véhicule alors que ses capacités étaient affaiblies par l'alcool. Le test d'ivressomètre confirmera que l'intimé avait un taux d'alcoolémie de 250 milligrammes d'alcool par 100 millilitres de sang.

10 Après l'arrestation, les policiers fouillent l'intérieur du véhicule. Ils constatent qu'il y a une bière à demi pleine entre le siège du conducteur et celui du passager. Ils ne réussissent toutefois pas à trouver les clés du véhicule. L'intimé refuse de leur dire où elles se trouvent. Langlois se montre plus coopératif et indique aux policiers que l'intimé les a déposées derrière le garage, au sol, à une vingtaine de pieds du véhicule.

[66] La Cour d’Appel a rétabli le verdict de culpabilité prononcé par le juge de première instance pour les motifs suivants :

50 Comme la Cour suprême l'énonce dans Toews, la question de savoir si les actes de garde ou de contrôle ou une conduite quelconque d'un accusé à l'égard du véhicule comportent le risque de le remettre en mouvement repose sur l'analyse de la preuve :

Il y a, bien sûr, d'autres précédents qui portent sur la question. Cependant, la jurisprudence citée illustre le point et amène à conclure que les actes de garde ou de contrôle, hormis l'acte de conduire, sont des actes qui comportent une certaine utilisation du véhicule ou de ses accessoires, ou une conduite quelconque à l'égard du véhicule qui comporterait le risque de le mettre en mouvement de sorte qu'il puisse devenir dangereux. Chaque affaire sera décidée en fonction de ses propres faits et les circonstances où l'on pourra conclure qu'il y a des actes de garde ou de contrôle varieront beaucoup.

51 À mon avis, le juge du procès a appliqué judicieusement les principes énoncés par la Cour suprême à l'égard de l'infraction en cause. Conformément à ces enseignements, il s'est rattaché aux faits qui démontraient l'existence d'un danger que l'intimé mette son véhicule en marche. Même si ce dernier n'avait pas les clés du véhicule sur lui, celles-ci étaient tout de même à sa portée. Il avait donc les moyens de mettre son véhicule en marche alors que ses facultés étaient toujours affaiblies par l'alcool. (soulignés du soussigné)

[67] L’affaire R. c. Sergerie traite également de cette notion. La Cour d’Appel considère que :

2 Le juge de la Cour supérieure était justifié d'intervenir et d'accueillir l'appel puisque le juge de la Cour municipale de Montréal n'a pas considéré et analysé adéquatement le risque que le véhicule soit mis en mouvement, délibérément ou non, par l'appelant : R. c. Clarke, (1997) A.N.B. No 154, C.A., et n'a pas donné l'effet juridique requis à ses conclusions de fait : Rousseau c. R., AZ- 98011040; J.E. 98-168 , C.A.

[68] La Cour d’Appel considère les éléments suivants révélés par la preuve :

3 En l'espèce, la preuve démontre que l'appelant a accompli une série d'actes en rapport avec l'utilisation de son véhicule ou de ses accessoires (notamment, se rendre avec une amie vers son véhicule pour y récupérer son téléphone cellulaire, s'asseoir derrière le volant alors que son amie prend place du côté passager, prendre la clé de contact, mettre en marche le moteur et activer la climatisation) qui devaient nécessairement entraîner la conclusion qu'il existait un risque que le véhicule soit mis en mouvement et devienne dangereux, même involontairement, malgré que le juge de première instance ait conclu que l'appelant avait renversé la présomption de l'art. 258 (1) a) C.cr. : R. c. Ford, (1982) 1 R.C.S. 231 ; R. c. Toews, (1985) 2 R.C.S. 119 .

[69] Et la Cour d’Appel fait le constat suivant et confirme que c’est à bon droit que la Cour Supérieure a réformé le jugement rendu en première instance (la Cour Supérieure a déclaré l’accusé coupable de l’infraction) :

4 Le jugement rendu par le juge de la Cour municipale démontre que ce dernier a considéré essentiellement l'intention de l'appelant de ne pas mettre en marche le véhicule pour entretenir un doute raisonnable à l'égard de la notion de garde et de contrôle et de risque plutôt que de considérer l'ensemble des circonstances entourant l'utilisation du véhicule ou de ses accessoires. Il a erronément limité la question du risque à celle du "risque réaliste immédiat de mettre le véhicule en marche", en se fondant sur l'intention plutôt que sur la série d'actes posés par l'appelant, ce qui ne tenait pas compte d'autres aspects pertinents, tel que souligné par le juge Bastarache, alors à la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick, dans Clarke, précité, au paragr. 9 :

Pour le déclarer coupable, il n'est pas nécessaire de prouver que le délinquant créait un danger immédiat pour le public. Ce qui constitue un problème de sécurité publique, c'est la possibilité que le véhicule soit mis en mouvement, délibérément ou non, par une personne en état d'ébriété. (références omises)

5 En l'espèce, une telle possibilité existait vu la nature des actes accomplis par l'appelant et le niveau élevé de son état d'ébriété. Il faut souligner, à cet égard, qu'il était ivre au point de perdre pied et de reculer de deux pas en sortant de son véhicule et au point où les agents de police ont dû le soutenir pour l'emmener à leur propre voiture de patrouille, cet état étant susceptible d'affecter grandement son jugement : R. c. Pelletier, (2000) O.J. No 848 (C.A.).

[70] Ma collègue, Nathalie Aubry, dans l’affaire R. c. Sénéchal, a déclaré l’accusé coupable d’avoir eu la garde ou le contrôle d’un véhicule automobile en considérant les faits suivants :

2 En date du 24 décembre 2004, l'accusé Pierre Sénachal (sic) décide qu'il serait pratique et confortable, le lendemain matin, de pouvoir démarrer son véhicule à distance. Sénéchal a consommé de la boisson et va porter des bouteilles vides dans son véhicule par le fait même.

3 Sénéchal est propriétaire d'un véhicule à transmission manuelle. Pour activer le démarreur à distance, celui-ci doit tourner la clef, appuyer sur le frein, mettre l'embrayage au neutre, appuyer sur un bouton et c'est à ce moment que le démarreur à distance est activé. Par la suite, les lumières vont s'allumer et s'éteindre à quelques reprises afin de confirmer que la commande de démarrage à distance a été donnée.

4 L'accusé se rend à son véhicule, ouvre le coffre arrière, dépose ses bouteilles vides. Ensuite, il laisse le coffre ouvert et tente d'activer son démarreur à distance. Il met la clef sans (sic) l'ignition, pèse sur le frein et désembraye le véhicule. Sénéchal ne sait trop pourquoi les feux du véhicule clignotent mais le démarreur à distance n'est pas fonctionnel. Il tente donc la même manœuvre à quelques reprises.

5 Au même moment, le policier Simon Leblanc, qui patrouille dans le secteur, reçoit un appel qu'une alarme est déclenchée dans le secteur. Il patrouille donc afin de faire une vérification. Il aperçoit un véhicule stationné dans une entrée charretière. Les lumières de ce véhicule clignotent.

6 Leblanc qui est accompagné de l'agent Jean-Guy Canuel intervient sur le terrain de la résidence afin de vérifier si le véhicule ne fait pas l'objet d'un vol compte tenu de l'information à l'effet qu'un alarme a été déclenchée.

7 Il constate que l'individu, au volant du véhicule en marche, est en état d'ébriété et les résultats de l'alcootest donnent au plus bas 195 mg d'alcool par 100 ml de sang.

[71] Cette décision fut portée en appel et la Cour d’Appel s’est prononcée le 23 février 2007, rejetant l’appel pour les motifs suivants :

1 La Cour est d'avis que la Cour supérieure n'a pas erré en affirmant que la juge de première instance n'avait pas commis d'erreur en concluant que l'appelant avait la garde et le contrôle de son véhicule. La nature, la multiplicité et la fréquence des gestes posés par celui-ci en rapport avec l'utilisation du véhicule, compte tenu du taux élevé d'alcoolémie qu'il présentait, justifiaient de conclure à l'existence d'un risque que le véhicule soit mis en mouvement, délibérément ou non (R. c. Toews (1985) 2 R.C.S. 119 , p. 126).

[72] Voir au même effet la décision très récente de mon collègue Alain Morand qui procède a une analyse approfondie de la jurisprudence sur cette notion de garde ou contrôle et qui en vient à la conclusion, d’après les faits qui lui sont soumis, que l’accusé a commis l’infraction de garde ou contrôle

Analyse approfondie de la jurisprudence sur la notion de garde ou contrôle

R. c. Blanchet; 2007 QCCQ 2493; numéro de dossier 350-01-017390-060; DATE : le 22 mars 2007

[48] Le Code criminel ne contient pas de définition des éléments constitutifs de la notion de garde ou de contrôle, qui se rattache aux infractions prévues aux paragraphes 253 (a) et (b) du Code. Le législateur a ainsi choisi de laisser aux tribunaux, la tâche d'élaborer les composantes factuelles et juridiques de ce concept.

La Cour suprême du Canada

[49] La Cour suprême, dans les arrêts Ford, Toews, et Penno en a tracé les grands paramètres, tout en précisant qu'il s'agit, essentiellement, d'une question de fait, dont la détermination dépend des circonstances particulières de chaque affaire, et qu'elle ne répond pas, de façon stricte, à des critères fixes.

L'arrêt Ford, [1982] 1 R.C.S. 231

[50] Dans cette décision, le plus haut tribunal, indique certains comportements qui forment l'élément matériel de l'infraction lorsqu'ils créent le risque ou le danger que la disposition cherche à proscrire.

[51] Le juge Ritchie s'exprime ainsi:

«En l'espèce, il a été établi que l'appelant est le propriétaire du véhicule en question, qu'il y a pris place à plusieurs reprises au cours de la soirée et, en outre, qu'il a mis en marche le moteur à plusieurs reprises afin de faire fonctionner la chaufferette. Ce sont là des éléments supplémentaires qui tendent à établir la garde de sorte que, compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, la réfutation de la présomption créée par l'al. 237(1)a) n'a aucune valeur concluante en ce qui concerne la culpabilité ou l'innocence de l'appelant.

Il n'est pas non plus nécessaire, à mon avis, que la poursuite fasse la preuve de l'intention de mettre le véhicule en marche pour que soit reconnue coupable une personne accusée, en vertu du par. 236(1), d'avoir eu la garde d'un véhicule à moteur alors que son taux d'alcoolémie dépassait 80 milligrammes d'alcool par 100 millilitres de sang. Il [page 249] peut y avoir même en l'absence de cette intention lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, un accusé accomplit un acte ou une série d'actes ayant trait à l'utilisation du véhicule ou de ses accessoires, qui font que le véhicule peut être mis en marche involontairement, créant le danger que l'article vise à prévenir.»

[52] Pourtant, comme dans le présent dossier, il était en preuve que l'accusé avait pris des arrangements pour qu'un autre conducteur ramène son véhicule après la soirée.

L'arrêt Toews, [1985] 2 R.C.S. 119

[53] Dans cette cause, la Cour suprême réitère que l'absence d'intention de conduire ne constitue pas un moyen de défense et, elle conclut ainsi:

«Les actes de garde ou de contrôle, hormis l'acte de conduire, sont des actes qui comportent une certaine utilisation du véhicule ou de ses accessoires ou une conduite quelconque à l'égard du véhicule qui comporterait le risque de le mettre en mouvement de sorte qu'il puisse devenir dangereux.»

[…]

«En l'espèce, le véhicule se trouvait sur un terrain privé et l'intimé n'occupait pas le siège du conducteur. Il était inconscient et n'avait clairement pas le contrôle réel du véhicule. L'utilisation d'un sac de couchage vient appuyer son affirmation qu'il utilisait le véhicule simplement comme un endroit pour dormir. Reste que la clef était dans le contact et que la stéréo fonctionnait. Assez curieusement cependant, il n'y a pas de preuve directe que l'intimé ait mis la clef dans le contact ou mit la stéréo en marche, mais selon la preuve, c'est son ami qui a été le dernier conducteur du véhicule et qui l'a conduit à la réception et devait le ramener chez lui. À partir de tous ces faits, je considère qu'on ne peut tirer de conclusion défavorable en l'espèce uniquement à cause de la preuve relative à la clef de contact. Il n'a donc pas été démontré que l'intimé a accompli des actes de garde ou de contrôle et il n'a donc pas accompli l'actus reus.»

L'arrêt Penno, [1990] 2 R.C.S. 865

[54] Le juge en chef Lamer, rappelle, dans son opinion, que l'élément moral de cette infraction est l'intention d'assumer la garde ou le contrôle après avoir volontairement consommé de l'alcool ou une drogue; aucune autre intention n'étant requise. La preuve de l'absence d'intention de mettre le véhicule en marche joue seulement pour empêcher le ministère public de bénéficier de la présomption de l'alinéa 237 (1) (a).

[55] Il explique, plus loin, ce qui suit:

"…la prétention de l'appelant qui soutient que l'intention applicable à l'infraction devrait être celle d'utiliser la voiture ou ses accessoires dans le dessein d'utiliser la voiture en tant que véhicule à moteur va à l'encontre d'une affirmation catégorique de notre Cour que l'intention de mettre le véhicule en marche n'est pas un élément de cette infraction. Utiliser un véhicule à moteur en tant que véhicule à moteur est une autre façon de dire utiliser le véhicule à moteur pour le mettre en marche, puisque ce qui distingue un véhicule à moteur d'un autre objet ou endroit est sa capacité de servir de moyen de transport, c.-à-d. d'être mis en marche. Accepter cette proposition reviendrait à accepter que l'appelant doit avoir eu l'intention de mettre le véhicule à moteur en marche pour contrevenir à l'al. 234(1) et l'arrêt Ford a déjà rejeté cette proposition."

La Cour d'appel du Québec

[56] Voici maintenant les principales décisions de la Cour d'appel du Québec, sur le sujet, dont certaines présentent plusieurs ressemblances avec le présent débat.

L'arrêt Loubier, [1994] A.Q. N° 343

[57] Dans cette cause, l'accusé, un négociant de poisson, gare son camion dans le stationnement d'un bar. À la fin de la soirée, alors qu'il est en état d'intoxication, il s'assoit au volant de son véhicule et il démarre le moteur, seulement dans le but d'activer la réfrigération, pour conserver sa cargaison. C'est à ce moment que les policiers l'appréhendent, notamment, pour une infraction de garde ou contrôle avec les facultés affaiblies.

[58] La preuve au procès établit, de plus, qu'il n'avait aucune intention de circuler sur la route, puisqu'il avait pris une entente avec le propriétaire du commerce qui devait le ramener et l'héberger chez lui, pour la nuit.

[59] En confirmant la déclaration de culpabilité, rendue par le juge de la Cour supérieure, le juge Gendreau, au nom de la Cour d'appel, écrit ce qui suit:

À mon avis, la situation qui prévaut ici me semble être similaire à celle décrite dans Ford précité ou M. le juge Ritchie écrivait:

Il peut y avoir garde même en l'absence de cette intention lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, un accusé accomplit un acte ou une série d'actes ayant trait à l'utilisation du véhicule ou de ses accessoires, qui fait que le véhicule peut être mis en marche involontairement, créant le danger que l'article vise à prévenir.

L'arrêt Rousseau, [1997] A.Q. 3925

[60] Dans ce pourvoi, le juge Letarte, rédacteur de la décision, énonce ce qui suit:

"Lorsque l'appelant refuse de remettre à madame Tremblay les clés de sa voiture, il sait qu'il n'est pas en état de conduire, mais décide tout de même de s'y mettre à l'abri. Il pose alors des actes de garde et de contrôle: il déverrouille la portière, s'assoit sur le banc du conducteur, ferme la portière, baisse les glaces latérales par crainte du monoxyde de carbone, s'assure que le levier d'embrayage est à la position "park", lève le levier du frein d'urgence et démarre le moteur et l'appareil de chauffage. Autant d'opérations conscientes et de gestes de sa part qui s'inscrivent dans une certaine logique et qui démontrent que, non seulement il avait la garde du véhicule, mais qu'il exerçait aussi le contrôle de certaines opérations. Qu'il ait sombré dans le sommeil, espérant éliminer l'alcool dans les heures suivantes, cela n'empêche pas qu'il ait exercé la garde et le contrôle de son véhicule alors que ses facultés étaient affaiblies." (Nous soulignons)

L'arrêt Olivier, [1998] A.Q. N° 1954

[61] Dans ce dossier, l'accusé passe l'après-midi à consommer de l'alcool dans un débit de boisson et, en soirée, alors qu'il est en état d'ébriété, il appelle un ami qui accepte de venir le chercher, pour le ramener chez lui. Rendu sur place, le compagnon décide de prendre une ou deux bières, et l'accusé, qui n'est pas détenteur d'un permis de conduire, se rend l'attendre dans la voiture.

[62] Il insère la clé dans l'ignition, qu'il actionne à la fonction "accessoires", uniquement, pour écouter la radio. Des policiers en patrouille l'aperçoivent, endormi derrière le volant, et l'arrêtent pour avoir eu la garde ou le contrôle du véhicule.

[63] La Cour d'appel confirme le verdict d'acquittement maintenu par la Cour supérieure, en ces termes:

"La proposition de l'appelante suivant laquelle le fait pour un conducteur d'être assis derrière le volant d'une voiture, avec la clé dans le contact, entraîne nécessairement la conclusion que ce conducteur a le contrôle de la voiture est trop absolu: dans la très grande majorité des situations on pourra conclure que c'est le cas, mais, devant un jeu de circonstances donné, le tribunal pourra, sans errer en droit, conclure que ce n'est pas le cas;

En l'espèce, comme la crédibilité de l'intimé n'était nullement attaquée, les juges Caron et Hébert ont refusé de conclure mécaniquement à la culpabilité de l'intimé et, vu les circonstances, ont usé de cette souplesse que le texte de loi leur permettait;

L'arrêt Rioux, [2000] J.Q. N° 2274

(Permission d'appeler à la Cour suprême, rejetée, le 22 mars 2001)

[64] Dans cette affaire, l'accusé, en état d'ivresse, à la fin de la soirée, quitte le bar avec un ami, et ils se rendent à pied chez la sœur de ce dernier, pour aller s'y coucher.

[65] Voyant qu'elle est absente, ils reviennent dormir, pour la nuit, dans le véhicule laissé sur le stationnement de l'établissement. L'accusé, qui occupe le siège du conducteur, a déposé, auparavant, les clés de la voiture derrière le garage, à environ 20 pieds plus loin, pour montrer clairement son intention.. Les agents de la paix les trouvent endormis tous les deux, dans l'automobile.

[66] Sur un pourvoi de la poursuite, la Cour d'appel rétablit le verdict de culpabilité à l'infraction de garde ou contrôle, prononcé en première instance, et qui avait été infirmé par la Cour supérieure. Dans son opinion, la juge Thibault écrit, au nom de ses collègues, que l'accusé avait "…les moyens de mettre son véhicule en marche, alors que ses facultés étaient toujours affaiblies par l'alcool". Même s'il n'avait pas les clés sur lui, elles étaient tout de même à sa portée, souligne-t-elle.

L'arrêt Sergerie, 2005 QC CA 1227

[67] Les circonstances, mises en cause dans cet appel, se rapprochent tout à fait de la situation, en l'espèce, et la décision explicite de la Cour, ne laisse aucune ambiguïté.

[68] Le juge Dufresne formule ainsi, l'opinion unanime du Tribunal:

[3] En l'espèce, la preuve démontre que l'appelant a accompli une série d'actes en rapport avec l'utilisation de son véhicule ou de ses accessoires notamment, se rendre avec une amie vers son véhicule pour y récupérer son téléphone cellulaire, s'asseoir derrière le volant alors que son amie prend place du côté passager, prendre la clé de contact, mettre en marche le moteur et activer la climatisation qui devaient nécessairement entraîner la conclusion qu'il existait un risque que le véhicule soit mis en mouvement et devienne dangereux, même involontairement, malgré que le juge de première instance ait conclu que l'appelant avait renversé la présomption de l'art. 258 (1) a) C.cr.: R. c. Ford, [1982] 1 R.C.S. 231 ; R. c. Toews, [1985] 2 R.C.S. 119 .

[4] Le jugement rendu par le juge de la Cour municipale démontre que ce dernier a considéré essentiellement l'intention de l'appelant de ne pas mettre en marche le véhicule pour entretenir un doute raisonnable à l'égard de la notion de garde et de contrôle et de risque plutôt que de considérer l'ensemble des circonstances entourant l'utilisation du véhicule ou de ses accessoires. Il a erronément limité la question du risque à celle du "risque réaliste immédiat de mettre le véhicule en marche", en se fondant sur l'intention plutôt que sur la série d'actes posés par l'appelant, ce qui ne tenait pas compte d'autres aspects pertinents, tel que souligné par le juge Bastarache, alors à la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick, dans Clarke, précité, au paragr. 9:

Pour le déclarer coupable, il n'est pas nécessaire de prouver que le délinquant créait un danger immédiat pour le public. Ce qui constitue un problème de sécurité publique, c'est la possibilité que le véhicule soit mis en mouvement, délibérément ou non, par une personne en état d'ébriété. (références omises)

[5] En l'espèce, une telle possibilité existait vu la nature des actes accomplis par l'appelant et le niveau élevé de son état d'ébriété. Il faut souligner, à cet égard, qu'il était ivre au point de perdre pied et de reculer de deux pas en sortant de son véhicule et au point où les agents de police ont dû le soutenir pour l'emmener à leur propre voiture de patrouille, cet état étant susceptible d'affecter grandement son jugement: R. c. Pelletier, [2000] O.J. N° 848 (C.A.)

L'arrêt Sénéchal, 2007 QC CA 261

[69] Dans cet appel, l'accusé, qui possède un véhicule à transmission manuelle, se rend à sa voiture, dans le seul but d'activer le démarreur à distance, qu'il désire utiliser le lendemain matin, uniquement. Sans aucune autre intention, il s'assoit sur le siège du conducteur, met la clé dans l'ignition, pèse sur le frein, place l'embrayage au neutre et appuie sur le bouton de commande. Comme le mécanisme ne s'installe pas, il répète ces manœuvres, à quelques reprises.

[70] Des patrouilleurs, mandés dans le secteur, à la suite du déclenchement d'un système d'alarme, aperçoivent le véhicule dont les feux clignotent. Ils décident de vérifier si l'automobile n'est pas l'objet d'un vol relié à cet appel. Ils découvrent, par la suite, que l'accusé, au volant de sa voiture, dont le moteur est en marche, est en état d'ébriété et qu'il présente une alcoolémie de 195 mg par 100 ml de sang, selon le plus bas taux des deux échantillons d'haleine.

[71] La Cour d'appel confirme que le juge de la Cour supérieure et la juge de la Cour du Québec ont eu raison de conclure que l'appelant avait la garde et le contrôle de son véhicule, et qu'il existait un risque qu'il soit mis en mouvement, délibérément ou non, en raison de la nature, la multiplicité et la fréquence des gestes posés, compte tenu de son taux élevé d'alcoolémie.

[72] En résumé, la Cour d'appel, sans en dresser une liste rigide, considère, de façon constante, que la conjugaison d'un certain nombre de facteurs, liés à l'utilisation d'un véhicule ou de ses accessoires, et à l'état de l'accusé, constituent une situation de risque ou de danger, malgré certaines précautions prises par l'occupant du véhicule et l'absence, incontestée, d'intention de conduire.

Énonce de droit relatif à la fraude

Émond c. R; numéro de dossier 200-10-000115-951

C'est aux arrêts R. c. Olan, [1978] 2 R.C.S. 1125; R. c. Théroux, [1993] 2 R.C.S. 5 , et R. c. Zlatic, [1993] 2 R.C.S. 29 , qu'il convient de se référer pour analyser les éléments constitutifs de l'infraction de fraude prévue à l'article 380(1) C.cr..


1] L'élément matériel


L'élément matériel (actus reus) de l'infraction de fraude est constitué des trois composantes suivantes:

a) L'emploi de la supercherie, d'un mensonge ou d'un autre moyen dolosif.
b) L'existence d'une privation pour le public ou pour une personne déterminée.
c) L'existence d'un lien de causalité suffisant entre les deux.


a) Le moyen dolosif

L'article 380(1) C.cr. ne limite pas la fraude au seul mensonge et à la seule supercherie. Il vise aussi tout «...autre moyen dolosif.....» c'est-à-dire, selon l'arrêt R. c. Olan, [1978] 2 R.C.S. 1175 , tout moyen que l'on peut qualifier de malhonnête. Cette malhonnêteté consiste à cacher ou à taire les véritables intentions de son auteur.

Comme l'écrivait Madame la juge Beverley McLachlin dans R. c. Zlatic, [1993] 2 R.C.S. 29 :

La plupart des fraudes continuent de comporter une supercherie ou un mensonge. Tel que souligné dans Théroux, la preuve de la supercherie ou du mensonge suffit à établir l'actus reus de la fraude; aucune autre preuve d'un acte malhonnête n'est requise. Toutefois, la troisième catégorie de l'«autre moyen dolosif» a servi à justifier des déclarations de culpabilité dans un certain nombre de situations où il est impossible de démontrer l'existence d'une supercherie ou d'un mensonge. Ces situations incluent, à ce jour, l'utilisation des ressources financières d'une compagnie à des fins personnelles, la dissimulation de faits importants, l'exploitation de la faiblesse d'autrui, le détournement de fonds et l'usurpation de fonds ou de biens: (références omises).

Madame la juge McLachlin reprenait ainsi, sous une autre forme, les propos de M. le juge en chef Dickson formulés quelques années auparavant dans R. c. Olan, [1978] 2 R.C.S. 1175 , lorsqu'il écrivait:

Les mots «autres moyens dolosifs» couvrent les moyens qui ne sont ni des mensonges, ni des supercheries; ils comprennent tous les autres moyens qu'on peut proprement qualifier de malhonnêtes.

D'après l'arrêt Zlatic, précité, pour évaluer si le moyen utilisé peut être qualifié de malhonnête, il convient donc d'appliquer le test de la personne raisonnable. La conduite, selon un auteur, doit en être une

[...] which ordinary, decent people would feel discreditable as being clearly at variance with straightforward honourable dealings. (J. EWART, Criminal Fraud, Toronto, Carswell, 1986, p. 99.)

J'écarte résolument, en premier lieu, l'argument de l'appelant relatif à la possession d'un permis par la Commission des valeurs mobilières. Que l'appelant en ait ou non possédé un, que la Commission ait pu considérer légal ou illégal tel ou tel autre geste, sont des faits qui ne me paraissent pas pertinents à la solution du litige relativement à l'élément matériel. On peut, en effet, imaginer que l'appelant ait pu vendre des immeubles en indivision, sans permis, mais en toute honnêteté, tout en se rendant malgré tout coupable d'une infraction administrative ou technique à la Loi sur les valeurs mobilières, et sans, pour autant, commettre de fraude au sens du Code criminel.

Le mensonge peut consister en un acte positif, mais aussi parfois en une simple réticence, c'est-à-dire en une situation où, par son silence, un individu cache à l'autre un élément capital et essentiel. C'est ce que Madame la juge Beverley McLachlin appelle, dans l'arrêt Théroux c. R., [1993] 2 R.C.S. 5 , la «dissimulation de faits importants». Je renvoie sur ce point à l'excellente analyse doctrinale de GAGNÉ et RAINVILLE dans leur ouvrage, Les infractions contre la propriété: le vol, la fraude et certains crimes connexes, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1996, p. 164 à 167.

Encore faut-il toutefois que ce silence ou cette réticence ait été de nature à induire en erreur une «personne raisonnable».

L'appelant, lorsqu'il réunissait ses clients, leur expliquait le montage qu'il avait fait pour leur compte en leur faisant miroiter les avantages fiscaux qui en découlaient et le profit de capital qu'ils pourraient tirer de la transaction. Sur ce point, rien à reprocher. L'anticipation d'un gain en capital substantiel sur la plus-value de l'immeuble constituait donc avec la défiscalisation les éléments incitatifs et déterminants à effectuer l'investissement sollicité.

Jusque-là encore, on ne peut rien reprocher à l'appelant puisque, grâce à la défiscalisation partielle des immeubles achetés en indivision, ces objectifs pouvaient effectivement être réalisés.

(...) l'appelant se représentait ici en quelque sorte comme le mandataire des investisseurs, tout en leur dissimulant qu'il avait fait un profit caché de plusieurs centaines de milliers de dollars sur l'achat-revente, profit qui restreignait ou annihilait la perspective d'un profit de capital, profit déjà empoché par l'appelant. Il les trompe donc sur la valeur réelle de l'immeuble qu'il leur vend, valeur artificiellement gonflée par le profit secret qu'il tire de la double transaction.

L'interprétation qu'il donne de ce texte dans son témoignage à l'effet que, puisque c'était lui qui vendait, peu importaient les profits substantiels qu'il faisait sur l'achat secret ne me paraît pas soutenable, eu égard au test de la personne raisonnable désirant investir. Il me semble, en effet, que l'investisseur raisonnable, à la lecture du prospectus, était inévitablement amené à conclure que l'appelant avait, par son habileté et ses talents de fin négociateur, effectué pour le compte de ses clients une bonne opération dont tout le profit allait à ces derniers. Ce d'autant plus que, comme nous l'avons vu, il trouvait son compte et sa compensation financière dans les montants, cette fois-ci, bien déclarés qu'il chargeait à chacun d'entre eux à titre de conseiller en placement. Les honoraires ainsi perçus ne pouvaient passer pour autre chose qu'une rétribution pour les démarches faites par lui, dans l'intérêt même du groupe.

L'appelant, en outre, ne mentionne pas comme il aurait dû le faire, à mon avis, pour éliminer toute ambiguïté, qu'il avait acquis l'immeuble et qu'il offrait à son tour de le revendre aux investisseurs, ce qui eut permis à ces derniers de connaître ou au moins de soupçonner la possibilité d'un écart substantiel entre le prix d'achat et le prix de revente.

Le premier moyen malhonnête me paraît donc être la dissimulation voulue et planifiée de la réalité objective de la transaction.

Le second moyen malhonnête réside, à mon avis, dans l'organisation répétée et systématique d'une transaction menée de telle façon que les investisseurs croient acquérir l'immeuble, grâce à la grande expertise de l'appelant, soit à un prix intéressant (je rappelle la phrase du prospectus «Nous avons négocié l'acquisition des immeubles»), soit au prix du marché, soit encore à un juste prix.

Ces trois possibilités de prix (l'aubaine, le juste prix, le prix du marché) sont indispensables à la réalisation de l'objectif économique proposé (défiscalisation intéressante, profit de capital). Or, dès le départ, les dés sont pipés et cette réalisation devient sinon impossible, du moins très difficile, vu le gonflement artificiel de la valeur de l'immeuble.

Je suis donc d'avis que la première condition de l'élément matériel existe selon les critères développés dans les arrêts de la Cour suprême précités.


b) La privation

Je n'insisterai pas longuement sur ce second élément. En agissant comme il l'a fait, l'appelant se trouvait à souffler artificiellement la valeur des immeubles revendus. Il privait ainsi les investisseurs d'un retour en gain de capital et d'une rentabilité des projets soumis.

Comme on le sait, la privation n'a pas besoin d'être réelle. Il suffit qu'elle soit potentielle, c'est-à-dire qu'elle puisse mettre en péril les intérêts pécuniaires des personnes envers lesquelles on a agi de façon malhonnête.

Dans l'arrêt Olan précité, en effet, la Cour pose en effet la règle suivante:

On établit la privation si l'on prouve que les intérêts pécuniaires de la victime ont subi un dommage ou un préjudice ou qu'il y a risque de préjudice à leur égard. Il n'est pas essentiel que la fraude mène à une perte pécuniaire réelle.

Comme l'écrivent J. GAGNÉ et P. RAINVILLE dans l'ouvrage précité, en citant d'ailleurs à ce propos l'arrêt de notre Cour dans l'affaire R. c. Rodrigue, Ares et Nantel, (1973) 17 C.C.C. (2d) 252:

L'investisseur à qui on promet faussement des profits est également victime d'une privation. La création d'une fausse certitude quant aux profits réalisables occasionne une privation du fait que la victime se dépossède en vain d'un bien qu'elle aurait pu faire fructifier ailleurs.

Or, ici, on cache à l'investisseur que l'immeuble a déjà pris sa plus-value et donc que l'autofinancement est donc devenu beaucoup plus aléatoire pour ne pas parler d'un éventuel profit de capital..


c) Le lien de causalité

La dernière composante de l'élément matériel de l'infraction est le lien de causalité entre l'emploi du moyen dolosif et la privation. Comme le premier juge, je pense qu'il est clair que les clients de l'appelant qui se fiaient à son expertise présumée, n'auraient pas consenti à investir dans les différents projets s'ils avaient su ou pu savoir que la valeur de l'immeuble qu'ils acquéraient était artificiellement soufflée et qu'au moins l'un des objectifs proposés ne pouvait être réalisé.

Il faut, selon la jurisprudence, que le lien de causalité soit clair. Il me semble, dans le présent dossier, lorsqu'on examine les témoignages des investisseurs, que celui-ci ne fait pas de doute.


2] L'élément moral

Deux caractéristiques constituent l'élément moral de l'infraction (mens rea) selon la tendance majoritaire de la Cour suprême dans l'affaire R. c. Zlatic, [1993] 2 R.C.S. 29 . L'accusé doit avoir eu la connaissance subjective qu'il utilisait le mensonge ou un autre moyen dolosif d'une part, et, d'autre part, la connaissance subjective que son acte pouvait causer une privation aux investisseurs.

En d'autres termes, l'accusé doit avoir agi sciemment et compris les conséquences de son geste (Voir: R. c. Théroux, [1993] 2 R.C.S. 5 ). Les faits que j'ai relatés plus haut ne laissent aucun doute possible sur l'existence de l'élément moral. Il est évident, quand on se rapporte au schéma de l'opération, que l'appelant agissait intentionnellement. Les multiples précautions prises par lui pour cacher les profits secrets qu'il réalisait le démontrent amplement. Elles révèlent, on ne peut plus clairement, son intention de cacher la vérité aux investisseurs.

Enfin, il est également clair que l'appelant avait une connaissance raisonnable de la privation qu'il entraînait pour les investisseurs.

Nous sommes loin ici de l'hypothèse de quelqu'un qui a agi par erreur, par bêtise, par inadvertance ou même par incompétence.

lundi 10 août 2009

La règle du précédent ou stare decisis

Allard c. R., 2008 QCCS 1362 (CanLII)

[19] Selon les auteurs Henri Brun et Guy Tremblay, «[l]e stare decisis signifie d'abord et avant tout que les cours canadiennes appelées à juger dans une matière de common law sont liées par les décisions de la Cour suprême et par les décisions des autres cours habiles à entendre un appel de leurs décisions. La hiérarchie des tribunaux, coiffée par la Cour suprême, est rigoureusement respectée.

[20] Dans les causes qui relèvent de la common law, la jurisprudence est l'outil primordial d'interprétation. Par conséquent, la règle du stare decisis est généralement respectée. Deux conceptions de la règle du stare decisis s'affrontent. La première qui est plus traditionnelle, est à l'effet que les tribunaux sont liés par leurs décisions antérieures ainsi que par celles des instances supérieures. En vertu de cette position, toute autre considération doit être exclue.

[21] Une autre conception plus contemporaine de la règle du stare decisis a été amorcée par l'arrêt Lefebvre et semble être suivie dans la plupart des pays de common law et en Angleterre. Celle-ci est à l'effet que bien qu'une cour soit liée par une décision antérieure, le tribunal peut tenir compte d'autres facteurs ou reconsidérer l'ensemble de la décision. La règle du stare decisis ne doit pas être appliquée de façon trop rigide mais bien de manière à faire évoluer le droit.

[22] En ce qui a trait aux décisions rendues dans une autre province, une cour n'est pas liée par une décision rendue par une cour d'une autre province d'une hiérarchie parallèle à la sienne. Le juge en chef Laskin a écrit alors qu'il était à la Cour suprême qu'une « cour d'appel provinciale n'est pas obligée, ni en droit ni en pratique, de suivre une décision de la cour d'appel d'une autre province, sauf si elle est persuadée qu'elle doit le faire d'après sa valeur intrinsèque ou pour d'autres raisons indépendantes.» Les décisions des Cours d'appel des autres provinces n'ont donc pas d'autorité contraignante au Québec.

[23] Par ailleurs, cette remarque s'applique aussi pour les tribunaux de première instance. Par contre, il est loisible pour une cour de s'inspirer de décisions rendues par une cour d'une autre province qui peuvent avoir une autorité persuasive. En effet, il arrive fréquemment que nos tribunaux citent et appliquent des décisions extra-provinciales.

[24] La règle du stare decisis varie en fonction du domaine du droit concerné. Dans la décision Ville de Longueuil c. Paiva, notre collègue Madame la juge Barrette-Joncas, expose les principes suivants relatifs à la règle du stare decisis en matière de droit criminel :

« Le très honorable Lamer (alors qu'il n'était pas encore juge en chef du Canada), a préparé en 1980 un texte sur le stare decisis à l'intention des juges de nomination provinciale nouvellement entrés en fonction. Il y émettait les propositions suivantes relativement à l'application de cette théorie en droit criminel :

1) Les tribunaux canadiens ne sont pas liés par les décisions anglaises, sauf par les décisions qui ont été rendues par le Conseil privé et la Chambre des Lords avant l'abolition des appels au Conseil privé, dans la mesure où la Cour suprême du Canada ne s'en est pas écartée.

2) Les décisions de la Cour suprême du Canada lient toutes les cours, quel que soit leur niveau.

3) Un juge d'une cour provinciale doit suivre une décision émanant de la Cour d'appel de sa province, même s'il est en désaccord avec cette décision et même s'il est convaincu que la Cour suprême la modifierait : R. c. Mankow (1959), 124 C.C.C. 337 (C.A. Alta); R. c. Derriksan, 20 C.C.C. (2d) 157, 52 D.L.R. (3d) 744 (C.S.C.-B.); R. c. Betesh (1975), 30 C.C.C. (2d) 233.

4) Lorsque la Cour d'appel d'une province a tranché une question dans un sens, que d'autres Cours d'appel ont rendu des décisions à l'effet contraire et que la Cour suprême ne s'est pas prononcée sur cette question, un juge devrait adopter l'orientation de sa propre Cour d'appel.

5) Une Cour d'appel n'est pas tenue de suivre un arrêt d'une Cour d'appel d'une autre province, sauf si elle estime qu'elle devrait le faire pour des raisons qui tiennent au fond de l'affaire ou pour tout autre motif valable. Un tribunal de première instance n'est pas tenu de se conformer à la décision d'une Cour d'appel d'une autre province sur une question que n'a pas tranchée sa propre Cour d'appel. L'arrêt de cette autre Cour d'appel n'en conserve pas moins une autorité morale considérable.

6) Les propositions 3, 4 et 5 s'appliquent aux décisions émanant de la Cour supérieure lorsqu'elle exerce ses pouvoirs d'appel ou de surveillance. Un juge d'une cour provinciale doit s'y conformer, à moins que la Cour d'appel les ait cassées ou modifiées.

Toutefois, si deux juges de la Cour supérieure ont rendu des jugements contradictoires, le juge d'une cour provinciale peut choisir celui avec lequel il est d'accord. En revanche, si c'est la Cour d'appel qui a rendu deux décisions contradictoires, il convient de suivre la plus récente des deux.

7) Un juge de première instance n'est pas lié par la décision d'un autre juge siégeant en première instance dans une province différente ni par celle d'un juge oeuvrant au sein d'une cour de même niveau dans sa propre province.

8) Lorsqu'un tribunal doit suivre une décision, il n'est lié que par la partie essentielle de cette décision, i.e. par le principe juridique qu'elle énonce. »

[26] Par conséquent, en application des principes sur la règle du stare decisis en matière criminelle, la Cour supérieure du Québec ne sera pas tenue de se conformer à la décision d'une Cour d'appel d'une autre province sur une question que n'a pas tranchée sa propre Cour d'appel. La Cour suprême du Canada ne s'est jamais prononcée quant à l'application à donner à cet arrêt.

Énoncés de droit de la notion de la garde et du contrôle d'un véhicule en état de capacité / facultés affaiblies

R. c. Giroux, 2008 CanLII 71532 (QC C.M.)

[29] Pour établir qu'un accusé a la garde et le contrôle d'un véhicule automobile, la poursuite bénéficie de deux modes de preuve qu'elle peut cumuler : la preuve directe d'actes de garde et de contrôle et la présomption prévue à l'article 258(1)a) du Code criminel.

[30] En vertu de cette présomption, lorsqu'il est prouvé hors de tout doute raisonnable qu'une personne occupe le siège du conducteur, celle-ci sera considérée à toutes fins que de droit comme ayant la garde et le contrôle du véhicule automobile à moins qu'elle n'apporte une preuve prépondérante qu'elle n'occupait pas cette place dans le but de mettre le véhicule en mouvement (Références omises)

[31] On notera que la possession des clefs n’est pas une condition requise pour que la présomption s’applique. La preuve d'absence de moyen de mettre le véhicule en marche, comme l'absence de possession des clefs, ne suffit pas pour rencontrer ce fardeau de preuve. L'accusé doit convaincre que son intention n'était pas de mettre le véhicule en marche. Il doit établir une intention autre. Le seul fait de nier l'intention de mettre le véhicule en marche est insuffisant (MacAulay, précitée, par. 19 et 22; Paskimin c. R., [2006] S.J. n° 787, par. 4 (C.A. Sask.)).

[32] Tel que mentionné précédemment, la poursuite peut aussi présenter une preuve directe d'actes de garde et de contrôle. Cette preuve devra cependant permettre au Tribunal de conclure hors de tout doute raisonnable que l'accusé exerçait la garde et le contrôle du véhicule (Ford, précitée, p. 246; R. c. Toews, 1985 CanLII 46 (C.S.C.), [1985] 2 R.C.S. 119, 125).

[33] La définition la plus précise de ce qui constitue des actes de garde et de contrôle paraît avoir été donnée par la Cour d'appel de Colombie-Britannique dans l'arrêt R. c. Sinclair, [1990] B.C.J. no 2244 :

« Three different circumstances which, short of driving, could establish care and control of a vehicle :

a) Acts which would involve some use of the car, or

b) Acts which would involve some use of its fittings and equipment, or

c) Some course of conduct associated with the vehicle;

which would involve a risk of putting the vehicle in motion so that it could become dangerous. »

[34] De toute évidence, cette définition s'inspire des arrêts Ford (précité, p. 249) et Toews (précité, p. 125 et 126).

[35] En outre du comportement à l'égard du véhicule ou de ses équipements, l'élément déterminant est le risque de danger pour le public. La Cour suprême a fait référence à cette notion essentielle de risque actuel ou potentiel dans l'affaire Saunders c. R., 1967 CanLII 56 (S.C.C.), [1967] R.C.S. 284, 290 et dans l'affaire Toews (précitée, p. 126) où la Cour mentionnait plus précisément :

« Même si une personne n'a pas l'intention immédiate de le mettre (le véhicule) en mouvement, elle peut à tout instant décider de le faire parce que son jugement est si affaibli qu'elle ne peut prévoir les conséquences possibles de ses actes. »

[36] Dans l'arrêt Penno, 1990 CanLII 88 (C.S.C.), [1990] 2 R.C.S. 865, 877 à 885, le juge Lamer mentionnait :

« Lorsque l'utilisation du véhicule à moteur ne comporte aucun risque de le mettre en marche ou de le rendre dangereux, les cours de justice devraient conclure qu'il y a absence d'actus reus. »

[37] Cette notion de risque pour le public a été reprise maintes fois par la Cour d'appel du Québec (Références omises)

[38] Dans l'arrêt Drakes, Monsieur le juge Fish mentionnait :

« … The offence is complete if, with an excessive blood-alcohol level, the accused is shown to have been involved in « some course of conduct associated with the vehicle which would involve a risk of putting the vehicle in motion so that it could become dangerous » … »

[39] Dans l'arrêt Hamel, Monsieur le juge Proulx tirait des arrêts Toews (précité) et Thomson, (1940) 75 C.C.C. 141 le postulat suivant :

« Une personne qui se trouve dans une voiture et a à sa portée les moyens de la mettre en marche en a le contrôle. »

[40] Plus particulièrement dans l'affaire Olivier, précitée, la Cour d'appel mentionnait :

« La proposition de l'appelante suivant laquelle le fait pour un conducteur d'être assis derrière le volant d'une voiture, avec la clé dans le contact, entraîne nécessairement la conclusion que le conducteur a le contrôle de la voiture est trop absolu: dans la très grande majorité des situations on pourra conclure que c'est le cas, mais, devant un jeu de circonstances donné, le tribunal pourra, sans errer en droit, conclure que ce n'est pas le cas. »

[41] La Cour d'appel du Nouveau-Brunswick a ainsi cerné cette notion de risque potentiel dans R. c. Clarke, (1997) 27 M.V.R. (3d) 91, 95-96 :

« There is no necessity of proving that the offender was posing an immediate danger to the public in order to find him guilty. It is the possibility that the vehicle may be in motion, intentionally or unintentionnally, by a person who is intoxicated, that poses a problem for the public safety. »

[42] Cette citation a été retenue de façon déterminante par la Cour d'appel du Québec dans la décision Sergerie (précitée).

[43] Madame la juge Côté de la Cour d'appel a retenu cette notion de possibilité de danger dans la décision Miron c. R., REJB 2007-127610, par. 4.

[44] Dans R. c. Lockerby, (1999) 42 M.V.R. (3d) 54, 59, la Cour d'appel de Nouvelle-Écosse se prononçait sur ce point comme suit :

« When a person with more than the legal limit of alcohol in his or her blood has the present ability to make the car respond to his or her wish, there is a risk that the car may be placed in motion, even when the person's intentions are not to do so. »

[45] Le risque de danger ne se limite pas au risque immédiat. Il inclut le risque potentiel que le véhicule soit mis en mouvement accidentellement, non intentionnellement ou encore que l'accusé change d'avis (Références omises).

[46] L'état d'intoxication de l'accusé participe à l'évaluation du risque (Sergerie, précitée, par. 5; Cadieux c. R., [2004] O.J. no 197, par. 1 (C.A. Ont.); Mercer c. R., [2004] N.J. no 360, par. 9 (C.A. T.-N.); Buckingham c. R., [2007] S.J. no 138, par. 21 (C.A. Sask.)).

[47] La possession des clefs n'est pas un facteur absolu et nécessairement déterminant, bien que l'absence des clefs puisse soulever un doute raisonnable quant au risque de danger (Hamel, précitée; Paradis c. R., J.E. 2007-548 (C.A.Q.)). Ainsi, plusieurs décisions ont conclu à la culpabilité de l'accusé alors que les clefs n'étaient pas dans le contact, lorsque l'accusé occupait le siège du conducteur (Rioux, précitée; R. c. MacInnis, (1982) 16 M.V.R. 70 (S.C. I.P.E.); R. c. Pilon, (1999) 39 M.V.R. (3d) 1 (C.A. Ont.)).

[48] Plus particulièrement dans l'affaire Rioux (précitée), Madame la juge Thibault de la Cour d'appel s'exprimait comme suit :

« […]

[47] En l'espèce, la preuve a établi que l'intimé était assis derrière le volant de son véhicule et qu'il présentait un taux d'alcoolémie supérieur à celui permis par la loi. De plus, même si les clés n'étaient pas dans le véhicule, elles étaient facilement accessibles et l'intimé pouvait les reprendre à son gré.

[48] La défense de l'intimé a consisté à démontrer qu'il n'était pas de son intention de mettre le véhicule en marche. À cet égard, il a déclaré qu'il voulait attendre jusqu'au lendemain après-midi ou encore jusqu'au moment où son état le lui permettrait avant de quitter les lieux:

[…]

[49] Manifestement, l'explication donnée par l'intimé n'a pas convaincu le premier juge de l'inexistence du danger qu'il remette le véhicule en marche. Pour ce dernier, l'astuce à laquelle l'intimé a eu recours en déposant ses clés en dehors du véhicule n'était pas de nature à enrayer le danger qu'il le mette en marche.

[…]

[50] Comme la Cour suprême l'énonce dans Toews, la question de savoir si les actes de garde ou de contrôle ou une conduite quelconque d'un accusé à l'égard du véhicule comportent le risque de le remettre en mouvement repose sur l'analyse de la preuve:

Il y a, bien sûr, d'autres précédents qui portent sur la question. Cependant, la jurisprudence citée illustre le point et amène à conclure que les actes de garde ou de contrôle, hormis l'acte de conduire, sont des actes qui comportent une certaine utilisation du véhicule ou de ses accessoires, ou une conduite quelconque à l'égard du véhicule qui comporterait le risque de le mettre en mouvement de sorte qu'il puisse devenir dangereux. Chaque affaire sera décidée en fonction de ses propres faits et les circonstances où l'on pourra conclure qu'il y a des actes de garde ou de contrôle varieront beaucoup. […]

[51] À mon avis, le juge du procès a appliqué judicieusement les principes énoncés par la Cour suprême à l'égard de l'infraction en cause. Conformément à ces enseignements, il s'est rattaché aux faits qui démontraient l'existence d'un danger que l'intimé mette son véhicule en marche. Même si ce dernier n'avait pas les clés du véhicule sur lui, celles-ci étaient tout de même à sa portée. Il avait donc les moyens de mettre son véhicule en marche alors que ses facultés étaient toujours affaiblies par l'alcool.

[…] »

[49] Il faut aussi noter que l’intention de mettre le véhicule en mouvement n’est pas pertinente en matière de preuve directe d’actes de garde et de contrôle (Ford, précitée, p. 248; Toews, précitée, p. 123-124; Whyte, précitée, p. 17; Penno, précitée, p. 875 à 877 (juge Lamer) et 895 (juge McLachlin); Dionne c. R., J.E. 91-213; Drakes, précitée; Loubier c. R., J.E. 94-776; Dupont, précitée; Hamel, précitée; Rousseau, précitée). La preuve de l’intention de mettre le véhicule en marche devrait mener à la conclusion qu’un risque de danger existait (Mallery, précitée, par. 52). L'intention requise en matière de garde et contrôle est celle d'assumer la garde et contrôle du véhicule après avoir volontairement consommé de l'alcool ou des drogues, selon le courant dominant de jurisprudence (Toews, précitée, p. 124; Penno, précitée, p. 891 et 893; Dionne, précitée; Drakes, précitée, p. 225; Loubier, précitée; Rousseau, précitée; Mallery, précitée, par. 23). L'élément moral est défini par un renvoi à l'acte. L'intention requise est minimale (White, précitée, p. 22; Docherty, précitée, p. 941 et 942; Penno, précitée, p. 876, 888 et 893). Pour d'autres juges, l'élément moral de l'infraction repose sur l'intoxication volontaire (Penno, précitée, p. 890, 896 et 904).

[50] Dans l'arrêt Hamel, Monsieur le juge Proulx écrivait :

« Il n'est pas requis que cette personne ait l'intention immédiate de mettre le véhicule en marche puisque la disposition vise à empêcher qu'une personne en état d'ébriété et qui est en présence immédiate d'un véhicule et qui a les moyens de le contrôler ou de le mettre en mouvement, ne devienne un danger pour le public. »

[51] Dans la décision Rousseau, la Cour d'appel s'exprimait comme suit quant à la notion de garde et contrôle, sous la plume de l'honorable juge Letarte :

« La garde ou le contrôle d’un véhicule automobile est l’exercice de fait d’une prérogative de droit. C’est l’utilisation d’un véhicule ou ses accessoires de la façon qu’en autorise la propriété ou la possession. L’élément de risque ou de danger public qui s’infère des articles pertinents du Code criminel résulte de la coexistence de deux facteurs : les facultés affectées par l’alcool ou la drogue et le fait que, consciemment, l’accusé se place dans une situation susceptible de devenir dangereuse. »

[52] Il n’est pas inutile de rappeler que les décisions de la Cour d’appel du Québec lient les tribunaux inférieurs qui relèvent de son autorité, comme les cours municipales.

[53] Chaque cas est un cas d’espèce où ces principes doivent être appliqués en fonction des faits propres à l’affaire (Toews, précitée, p. 126; Drakes, précitée, p. 227; Hamel, précitée; Olivier, précitée; Rioux, précitée; Mallery, précitée, par. 40 et 52).

Cooment déterminer s’il y a un risque de mettre le véhicule en marche et de le rendre ainsi dangereux

R. c. Coeurjoly, 2008 CanLII 57532 (QC C.M.)

[206] Déjà en 1991, dans l’arrêt « Drakes c. R. », CA mtl. 500-10-000331-874, 20 septembre 1991, le juge Fish mentionnait ce qui suit, à la page 9 de l’arrêt :

« … acts of care and control, short of driving, are acts that involve some use of the car or its fittings and equipment, or some course of conduct associated with the vehicle which would involve a risk of putting the vehicle in motion so that it could become dangerous…”

[207] Ainsi, dans un cas comme celui qui nous intéresse, c’est l’utilisation du véhicule ou de ses équipements qui doit être considérée pour déterminer s’il y a un risque de le mettre en marche et de le rendre ainsi dangereux.

[208] En 1994, dans l’arrêt « Loubier c. R. », CA Québec, 200-10-000041-926, 28 avril 1994, l’honorable juge Gendreau, rendant jugement au nom de la Cour, mentionnait ce qui suit à la page 4 :

« À mon avis, le juge de la Cour supérieure a eu raison de réformer la décision du premier juge. En effet, le Ministère public a démontré que l’appelant avait la garde et le contrôle du camion. À partir du moment où une personne accepte de monter dans une voiture et en mettre le moteur en marche alors que ses facultés sont affaiblies par l’alcool, elle a commis l’infraction de garde et contrôle et l’intention de conduire ce véhicule est non pertinente… »

[209] Dans l’arrêt « Sergerie c. R. », CA Mtl. 500-10-002884-033, 13 décembre 2005, la Cour d’appel mentionnait, au paragraphe 3 que :

« … la preuve démontre que l’appelant a accompli une série d’actes en rapport avec l’utilisation de son véhicule ou de ses accessoires (notamment, se rendre avec une amie vers son véhicule pour y récupérer son téléphone cellulaire, s’asseoir derrière le volant alors que son amie prend place du côté passager, prendre la clé de contact, mettre en marche le moteur et activer la climatisation) qui devaient nécessairement entraîner la conclusion qu’il existait un risque que le véhicule soit mis en mouvement et devienne dangereux, même involontairement, malgré que le juge de première instance ait conclu que l’appelant avait renversé la présomption de l’art. 258(1)a) C. cr…. »

[210] À la lumière de ma compréhension des principes énoncés dans les arrêts Saunders, Ford et Toews ainsi que de la position adoptée par notre Cour d’appel, je suis d’avis que les gestes posés par le défendeur à l’égard de son véhicule sont des gestes qui amènent nécessairement à conclure qu’il en avait la garde et le contrôle.

[211] Ces gestes que je retiens sont les suivants : S’asseoir à la place du conducteur, mettre le moteur en marche, faire fonctionner le chauffage, ouvrir la fenêtre à l’arrivée des policiers, éteindre le moteur et retirer les clés du contact.

jeudi 6 août 2009

Principes juridiques sur les voies de fait

R. c. C.T.-R., 2006 QCCQ 5222 (CanLII)

[41] Quant aux voies de fait, l’absence de consentement de la victime est un élément matériel de l’infraction. S’agissant d’un crime d’intention générale, l’application de la force doit être intentionnelle.

[42] La Poursuite doit démontrer hors de tout doute que :

a) l’accusé a employé la force intentionnellement;

b) la force a été appliquée directement ou indirectement;

c) sans le consentement de la victime.

[43] L’arrêt R. c. Arciresi JE 94-1183 détermine que la manière intentionnelle s’infère de la présomption de fait suivant laquelle toute personne est censée avoir voulu les conséquences naturelles et probables de ses actes. Il s’agit d’une infraction d’intention générale. Le mot « force » est employé dans le sens technique de contact personnel, exercé directement ou indirectement .

[44] Les moyens de défense disponibles portent sur le consentement, qui est une défense fréquemment utilisée à l’encontre de l’accusation de voies de fait. Dans l’arrêt Protection de la jeunesse 819 (J .E. 96-1407), ma collègue Nicole Bernier a analysé la notion de consentement suite à des accusations de voies de fait causant lésions suite à un match de hockey-floor.

[45] Elle explique que si les deux parties consentent à l’usage intentionnel de la force, l’infraction de voies de fait n’existe pas.

[46] Suite à l’analyse d’un autre moyen de défense qui consiste en de la provocation, elle conclut que celle-ci n’est pas reconnue en matière de voies de fait. Elle ne peut être invoquée que pour réduire la peine. Ainsi dans R. c. Francis (1989) 252 A.P.R. 34 (C.P. N.-B.) :

« La défense ne peut en aucun cas invoquer la provocation, ni l’ardeur au jeu, ni le feu de l’action, lorsque des actes de violence ont été commis sur la patinoire. Ce ne sont pas non plus des moyens de défense en common law, et ils ne doivent être pris en considération qu’à titre de facteurs de limitation de la peine infligée pour l’infraction ».

[47] Quant à la légitime défense, elle n’est limitée en vertu de l’article 34 C.Cr. qu’à une attaque illégale à laquelle on ne peut autrement se soustraire. Dans le présent cas, elle ne trouve aucune application.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Les déclarations d'un accusé à son complice ne sont pas du ouï-dire

R v Ballantyne, 2015 SKCA 107 Lien vers la décision [ 58 ]             At trial, Crown counsel attempted to tender evidence of a statement m...