R. c. Turbide-Labbé, 2006 QCCQ 2776 (CanLII)
[28] Selon la jurisprudence actuelle, les peines de voies de fait varient énormément, passant d'une absolution inconditionnelle à plusieurs années de pénitencier en raison de l'éventail très grand de ce que peut comprendre une agression.
[29] On peut se retrouver aussi bien devant un cas de bousculade par un jeune homme sans antécédents que devant des voies de fait fort graves commises par un psychopathe récidiviste.
[30] Dès lors, les peines fixées ont tenu compte de certains facteurs dont les auteurs Clewley et McDermott ont fait état. Les facteurs objectifs suivants ont été considérés aggravants:
- la préméditation,
- le degré de violence qui a présidé l'attaque,
- la nature des blessures, à savoir leur gravité et leur permanence,
- la possession ou non d'une arme
- la sorte d'arme et son utilisation ou non,
- la conduite après le crime.
[31] D'autres facteurs subjectifs ont été pris en considération, à savoir
- l'âge,
- la personnalité,
- les condamnations antérieures, particulièrement celles pour agression,
- les condamnations antérieures pour armes ou possession d'armes,
- l'éventualité probable ou non d'une réhabilitation.
[32] On a tenu compte comme facteurs mitigeants:
- du remords de l'accusé,
- de la réparation qu'il aurait effectuée particulièrement à la victime, ses regrets sincères, le fait d'avoir fait des excuses, etc.
[33] Ces mêmes propos ont été repris par l'auteur Clayton c. Ruby qui a institué aussi la même sorte de grille d'analyse quant à la gravité du crime de voies de fait.
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lundi 24 août 2009
La personne grièvement blessée, coincée dans un véhicule automobile, peut-elle avoir la garde ou le contrôle de ce véhicule au sens de 253?
R. c. Guy, 2007 QCCQ 11126 (CanLII)
[24] Rappelons d'abord, d'entrée de jeu, que, même si elles sont créées par la même disposition législative (en l'occurrence l'article 253 du Code criminel), la conduite d'un véhicule en état d'ébriété et la garde ou le contrôle d'un véhicule en état d'ébriété constituent deux infractions distinctes. En outre, bien que l'infraction de garde ou de contrôle soit moindre et incluse dans celle de conduite, l'inverse n'est pas vrai, de telle sorte que quelqu'un peut avoir distinctement commis l'une ou l'autre, mais pas simultanément l'une et l'autre des deux infractions, vu la portée de la règle prohibant les condamnations multiples (règle de l'arrêt Kienapple).
[25] Dans la Collection de droit 2007-2008 (Droit pénal: Infractions, moyens de défense et peine; Volume 12, École du Barreau, Les Éditions Yvon Blais, Cowansville, 2007), Me Diane Labrèche et Me Christian Jarry s'expriment en effet dans les termes suivants sur le sujet, à la page 141:
«Avant de définir ces expressions, il faut préciser qu'au regard d'un véhicule à moteur, l'article 253 a) et b) C.cr. créent chacun deux infractions distinctes, l'une étant commise par la conduite et l'autre par la garde ou le contrôle. Par conséquent, on ne peut accuser un individu d'avoir conduit et eu la garde ou le contrôle d'un véhicule. Par contre, l'infraction de garde ou contrôle est incluse dans celle de conduite et le fait de la garde ou du contrôle ne constitue qu'une seule infraction, ces deux termes ayant sensiblement le même sens.»
[26] Cela dit, voici comment les auteurs décrivent l'état du droit quant à la notion de garde ou de contrôle et quant au fonctionnement de la présomption édictée en faveur du Poursuivant pour l'aider à faire la preuve de la commission de l'infraction, aux pages 141 à 143 du même ouvrage:
«Lorsqu'il s'agit de garde ou de contrôle, on se réfère à la responsabilité, gérance, supervision et surveillance qu'exerce une personne sur le véhicule. Il s'agit essentiellement d'une question de faits. Il est possible d'avoir la garde ou le contrôle d'un véhicule sans être dans l'automobile bien que la garde ou le contrôle suppose la présence physique dans le véhicule ou près de celui-ci. […]
Dans l'affaire R. c. Toews [ 1985 CanLII 46 (C.S.C.), [1985] 2 R.C.S. 119], la Cour suprême du Canada, après avoir statué que la garde ou le contrôle a trait à un élément autre que la conduite, a toutefois précisé qu'elle suppose «des actes qui comportent une certaine utilisation du véhicule ou de ses accessoires, ou une conduite quelconque à l'égard du véhicule qui comporterait le risque de le mettre en mouvement de sorte qu'il puisse devenir dangereux». […]
[…]
À l'article 258(1) a) C.cr., le législateur a édicté une présomption afin de faciliter, en certaines circonstances, la preuve de la garde ou du contrôle. Ainsi, lorsque l'accusé occupait la place ordinairement occupée par le conducteur, il est réputé avoir eu la garde ou le contrôle à moins qu'il n'établisse qu'il n'occupait pas cette place dans le but de mettre le véhicule en marche.
Lorsque l'article 258(1)a) C.cr. reçoit application, le juge des faits est lié et la notion de garde ou de contrôle n'est plus une question de faits. […]
[…]
En vertu de l'arrêt R. c. Appleby [ 1971 CanLII 4 (C.S.C.), [1972] R.C.S. 303], l'accusé peut annuler l'effet de la présomption en faisant une preuve prépondérante du fait qu'il n'avait pas l'intention de mettre le véhicule en marche. […]
[…]
L'article 258(1)a) C.cr. n'est pas une disposition qui définit la notion de garde ou de contrôle. Il ne fait qu'en faciliter la preuve. Par conséquent, comme le décidait la Cour suprême du Canada dans l'arrêt R. c. Ford [ 1982 CanLII 16 (C.S.C.), [1982] 1 R.C.S. 231], pour avoir la garde ou le contrôle d'un véhicule, il n'est pas nécessaire d'avoir l'intention de le mettre en marche. Cette intention n'est pertinente que si la poursuite désire se prévaloir de la présomption de l'article 258(1)a) C.cr.»
[27] Et les auteurs de poursuivre, sur la question spécifique du véhicule qui n'est pas en état de fonctionner, aux pages 143 et 144:
«[…] Dans l'arrêt R. c. Saunders [ 1967 CanLII 56 (S.C.C.), [1967] R.C.S. 284], la Cour suprême du Canada a statué qu'il n'est pas nécessaire que le véhicule soit en état de fonctionner pour que l'infraction soit commise. Ainsi, dans cette perspective, il pourrait y avoir culpabilité même si la voiture est en panne d'essence, est enlisée dans la neige, ou doit être extirpée d'un fossé par une remorqueuse. Malgré la définition du concept de garde ou de contrôle formulée postérieurement par la Cour suprême du Canada dans l'affaire R. c. Toews, cette approche semble toujours prévaloir. Dans une décision récente, la Cour d'appel de l'Ontario a exprimé l'avis que les arrêts Saunders et Toews pouvaient être réconciliés et qu'un risque potentiel demeure un élément de l'infraction bien qu'elle puisse être commise au moyen d'un véhicule inopérable. Ainsi, si le véhicule est inopérable, alors qu'il est sur la chaussée par temps sombre et lors d'une tempête de neige, il y a un risque qu'une personne intoxiquée éteigne les phares du véhicule de sorte qu'il devienne invisible et, par conséquent, dangereux. Dans cette perspective, la définition de garde ou contrôle doit plutôt s'entendre «d'une série de gestes qui comporte une certaine utilisation du véhicule ou de ses accessoires, ou une conduite quelconque à l'égard du véhicule qui comporte le risque que le véhicule devienne dangereux, soit en étant mis en marche ou de quelque autre façon». Il s'ensuit que, sauf si la présomption prévue à l'article 258(1)a) C.cr. s'applique, le seul fait de trouver une personne dans une voiture ou près de celle-ci alors qu'elle pourrait le mettre en marche est insuffisant. Une preuve du risque de danger doit exister. Celui-ci peut découler du fait que (1) le véhicule soit mis en marche intentionnellement, (2) le véhicule soit mis en marche non intentionnellement, ou (3) que le véhicule devienne dangereux autrement qu'en étant mis en marche.» [sauf dans la citation, les soulignements sont du soussigné].
[28] On aura noté avec intérêt que les auteurs ne sont pas catégoriques quant à l'état du droit sur la question, l'utilisation de l'expression «semble toujours prévaloir» suggérant qu'il y a flottement à cet égard. Dans ces circonstances, l'analyse des arrêts pertinents semble incontournable.
[29] Cela dit, consciente que les enseignements découlant de l'arrêt Saunders, qui n'ont pas été répudiés par la Cour suprême, et de l'arrêt Toews, rendu postérieurement, paraissaient contradictoires, la Cour d'appel de l'Ontario a en effet tenté de les réconcilier dans son arrêt R. c. Wren, 2000 CanLII 5674 (ON C.A.), (2000) 144 C.C.C. (3d) 374 (C.A. Ont.).
[30] Faut-il rappeler d'abord, à ce stade-ci, que dans l'arrêt Saunders c. R., 1967 CanLII 56 (S.C.C.), [1967] R.C.S. 284, la Cour suprême avait effectivement conclu qu'une personne accusée d'avoir eu la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur alors que ses facultés étaient affaiblies par l'alcool pouvait être condamnée même si elle se trouvait au volant de son véhicule alors que celui-ci était immobilisé dans un fossé. Elle s'exprimait dans les termes suivants, à la page 290:
«[…] The definition of a motor vehicle is in plain and ordinary language. It contemplates a kind of vehicle, not its actual operability or functionning. Its application is not confined to a portion of the Code, it extends uniformly throughout. The definitions of the offences mentioned in ss. 222 and 223 are also couched in a language that is plain and simple and in which nothing, either expressed or implied, indicates an intent of Parliament to exact, in every case, as being one of the ingredients of the offences, the proof of the presence of some element of actual or potential danger or to accept, as a valid defense, the absence of any. On the contrary, these and the other related provisions of the Code manifest the determination of Parliament to strike at the very root of the evil, to wit: the combination of alcohol and automobile, that normally breeds this element of danger which this preventive legislation is meant to anticipate.» [soulignements ajoutés]
[31] Le Tribunal estime opportun, à ce stade-ci, de mettre l'accent sur les extraits soulignés de la citation qui précède, puisqu'ils contiennent déjà le germe de la solution proposée en 2000 par la Cour d'appel de l'Ontario. Le juge Fauteux, au nom d'une Cour unanime, précisait en effet déjà en 1967 qu'une preuve d'un élément de dangerosité actuelle ou potentielle ne constituait pas «in every case» un élément de l'infraction, laissant par là entendre qu'il y avait des cas où un tel risque de danger pouvait être requis pour que l'élément matériel de l'infraction soit prouvé. Mais, au-delà de cette ouverture, le message véhiculé par l'arrêt Saunders est à l'effet contraire: c'est la combinaison alcool et véhicule automobile qui crée en soi une situation potentiellement dangereuse. En suivant cette logique, ce n'est donc pas parce que le véhicule n'est momentanément pas en état de fonctionner que tout risque qu'il le soit ultérieurement est écarté, faut-il comprendre; ce qui revient à considérer que, dans le cas d'espèce dont la Cour suprême était alors saisie, la Cour estimait que la personne qui exerçait la garde ou le contrôle sur le véhicule embourbé dans le fossé pouvait ultimement l'en faire extirper et reprendre ensuite la route.
[32] Puis vint, en 1985, l'arrêt Toews, antérieurement cité. Au nom d'une Cour suprême de nouveau unanime, le juge McIntyre précisait dans les termes suivants l'élément matériel de l'infraction de garde ou de contrôle, à la page 126:
«[…] Cependant, la jurisprudence citée illustre le point et amène à conclure que les actes de garde ou de contrôle, hormis l'acte de conduire, sont des actes qui comportent une certaine utilisation du véhicule ou de ses accessoires, ou une conduite quelconque à l'égard du véhicule qui comporterait le risque de le mettre en mouvement de sorte qu'il puisse devenir dangereux. Chaque affaire sera décidée en fonction de ses propres faits et les circonstances où l'on pourra conclure qu'il y a des actes de garde ou de contrôle varieront beaucoup.» [soulignements ajoutés]
[33] Si, dans l'arrêt Saunders, la Cour mettait l'accent sur le fait qu'une personne pouvait avoir la garde ou le contrôle d'un véhicule inopérable ou non fonctionnel, elle précisait dans l'arrêt Toews que l'utilisation du véhicule ou de ses instruments ou encore le risque de le mettre en mouvement constituait un élément de l'infraction. D'où l'apparente contradiction.
[34] C'est dans ce contexte que, dans l'arrêt Wren, la Cour d'appel de l'Ontario fut appelée à clarifier la question: comme c'est le cas dans le présent dossier, elle était alors saisie d'une affaire dans laquelle un individu accusé de garde ou de contrôle d'un véhicule impliqué dans un accident avait été retrouvé assis dans le siège du conducteur, le véhicule étant inopérant en raison des dommages causés par l'accident et immobilisé en raison du fait qu'il avait terminé sa course dans un fossé; l'individu n'avait en outre aucune intention de conduire. La preuve révélait cependant que l'accusé avait précédemment tenté de déplacer lui-même son véhicule, ce qu'il n'avait pas réussi à faire, se résignant alors à faire appel à une remorqueuse. En attendant son arrivée, il avait regagné son véhicule pour se réchauffer.
[35] S'exprimant au nom d'une Cour unanime, le juge Feldman aborde quant à lui la question en litige dans les termes suivants, aux pages 379 et 380:
«[…] It is this repeated reference to conduct which involves the risk of «putting the vehicle in motion so that it could become dangerous» which has led to a debate as to whether the Supreme Court in Ford and Toews intended to overrule its decision in Saunders.
I agree that the three Supreme Court of Canada cases, on their face, are not easy to reconcile. […]
In my view, these cases can be reconciled. The apparent inconsistency stems from the facts with which the three courts were dealing. In Saunders the vehicle was inoperable, while in Ford and Toews, the vehicles were operable.
[…]
Although those courts referred to the danger in terms only of putting the vehicle in motion, this court has explained in its decision in R. v. Vansickle (Endorsement of the Ontario Court of Appeal dated December 17, 1990), that this risk should be read as an example only of how the combination of impaired person and motor vehicle can create the requisite potential for danger.
I am satisfied that the result of these cases and others that have followed them, is that in order to establish care or control of a motor vehicle, the act or conduct of the accused in relation to that motor vehicle must be such that there is created a risk of danger, whether from putting the car in motion or in some other way.
[…]
The requirement of some risk of danger in order to establish the actus reus of «care or control» is consistent with the basis for a finding of criminal liability under the impaired driving/care or control offences. As the Supreme Court stated in Saunders, supra, the object of the offence is to protect persons and property from danger. When the presumption has been rebutted and it has been shown that there is no potential danger either to any person or any property from the combination of the impaired person and the motor vehicle, there is no need for the protection which is the object of the offence.
[…]
In my view, the cases from the Supreme Court of Canada and from this court can be reconciled on the issue of the actus reus of care or control. The issue to be determined on the facts of each case is whether any acts by the accused could cause the vehicle to become a danger whether by putting it in motion or in some other way.» [soulignements ajoutés]
[36] En l'absence de précédents émanant de la Cour d'appel du Québec, c'est par ailleurs cette interprétation de la Cour d'appel de l'Ontario que privilégie aussi Me Karl-Emmanuel Harrison dans son ouvrage Capacités affaiblies: Principes et application (Publications CCH Ltée, Brossard, 2006), aux pages 229 et 230:
«Malgré une hésitation de la jurisprudence à le reconnaître dans certaines provinces canadiennes, dont la Nouvelle-Écosse, le risque de danger pour le public constitue un élément essentiel de l'infraction, comme suggéré par les cours d'appel de Saskatchewan, du Manitoba, d'Ontario et de Terre-Neuve-et-Labrador: […].
La Cour d'appel du Québec ne s'est jamais prononcée formellement sur la question de la nécessité de l'existence d'un risque de danger pour le public. Toutefois, l'arrêt R. c. Olivier, [1998] A.Q. no 1954 (QL) (C.A.) soutient le second courant jurisprudentiel en notant la souplesse que confère le texte de loi aux juges d'instance. […]
Selon cette jurisprudence majoritaire actuelle, la garde ou le contrôle s'entend d'une série de gestes comportant une certaine utilisation du véhicule ou de ses accessoires ou d'une conduite quelconque à l'égard du véhicule, qui présente le risque que le véhicule devienne dangereux, soit en étant mis en mouvement ou de quelque autre façon. […]» [soulignements ajoutés]
[37] On est dès lors en mesure de préciser l'état du droit, sur la question du véhicule non fonctionnel, de la façon suivante. D'abord, quant à la méthodologie, lorsqu'une personne est trouvée comme c'est le cas ici à la place habituellement occupée par le conducteur, il faut s'attarder, dans une première étape, à l'enjeu de l'application de la présomption de garde ou de contrôle édictée par l'article 258(1) a) C.cr.. Si la personne trouvée dans le siège du conducteur ne peut repousser la présomption, celle-ci s'applique et emporte tous ses effets: la personne qui se trouve à la place habituelle du conducteur sera réputée avoir la garde ou le contrôle du véhicule.
[38] Ce ne sera par ailleurs que lorsque la présomption aura été repoussée que, dans une seconde étape, l'on s'intéressera aux actes et aux gestes posés par cette personne à l'égard du véhicule, c'est-à-dire à son comportement à l'égard du véhicule: il s'agira alors d'évaluer si, à la lumière de ces actes ou de ces gestes, il existait un risque potentiel que le véhicule représente un danger à l'égard de quelqu'un ou à l'égard d'un bien, soit activement en étant mis en mouvement, soit passivement en demeurant stationnaire. Si, en raison de ces actes ou de ces gestes, le risque de danger – c'est-à-dire la dangerosité – existe, il faudra conclure que cette composante de l'élément matériel de l'infraction est prouvée. Au cas contraire, l'on estimera plutôt qu'un des éléments essentiels de l'infraction n'est pas prouvé.
[24] Rappelons d'abord, d'entrée de jeu, que, même si elles sont créées par la même disposition législative (en l'occurrence l'article 253 du Code criminel), la conduite d'un véhicule en état d'ébriété et la garde ou le contrôle d'un véhicule en état d'ébriété constituent deux infractions distinctes. En outre, bien que l'infraction de garde ou de contrôle soit moindre et incluse dans celle de conduite, l'inverse n'est pas vrai, de telle sorte que quelqu'un peut avoir distinctement commis l'une ou l'autre, mais pas simultanément l'une et l'autre des deux infractions, vu la portée de la règle prohibant les condamnations multiples (règle de l'arrêt Kienapple).
[25] Dans la Collection de droit 2007-2008 (Droit pénal: Infractions, moyens de défense et peine; Volume 12, École du Barreau, Les Éditions Yvon Blais, Cowansville, 2007), Me Diane Labrèche et Me Christian Jarry s'expriment en effet dans les termes suivants sur le sujet, à la page 141:
«Avant de définir ces expressions, il faut préciser qu'au regard d'un véhicule à moteur, l'article 253 a) et b) C.cr. créent chacun deux infractions distinctes, l'une étant commise par la conduite et l'autre par la garde ou le contrôle. Par conséquent, on ne peut accuser un individu d'avoir conduit et eu la garde ou le contrôle d'un véhicule. Par contre, l'infraction de garde ou contrôle est incluse dans celle de conduite et le fait de la garde ou du contrôle ne constitue qu'une seule infraction, ces deux termes ayant sensiblement le même sens.»
[26] Cela dit, voici comment les auteurs décrivent l'état du droit quant à la notion de garde ou de contrôle et quant au fonctionnement de la présomption édictée en faveur du Poursuivant pour l'aider à faire la preuve de la commission de l'infraction, aux pages 141 à 143 du même ouvrage:
«Lorsqu'il s'agit de garde ou de contrôle, on se réfère à la responsabilité, gérance, supervision et surveillance qu'exerce une personne sur le véhicule. Il s'agit essentiellement d'une question de faits. Il est possible d'avoir la garde ou le contrôle d'un véhicule sans être dans l'automobile bien que la garde ou le contrôle suppose la présence physique dans le véhicule ou près de celui-ci. […]
Dans l'affaire R. c. Toews [ 1985 CanLII 46 (C.S.C.), [1985] 2 R.C.S. 119], la Cour suprême du Canada, après avoir statué que la garde ou le contrôle a trait à un élément autre que la conduite, a toutefois précisé qu'elle suppose «des actes qui comportent une certaine utilisation du véhicule ou de ses accessoires, ou une conduite quelconque à l'égard du véhicule qui comporterait le risque de le mettre en mouvement de sorte qu'il puisse devenir dangereux». […]
[…]
À l'article 258(1) a) C.cr., le législateur a édicté une présomption afin de faciliter, en certaines circonstances, la preuve de la garde ou du contrôle. Ainsi, lorsque l'accusé occupait la place ordinairement occupée par le conducteur, il est réputé avoir eu la garde ou le contrôle à moins qu'il n'établisse qu'il n'occupait pas cette place dans le but de mettre le véhicule en marche.
Lorsque l'article 258(1)a) C.cr. reçoit application, le juge des faits est lié et la notion de garde ou de contrôle n'est plus une question de faits. […]
[…]
En vertu de l'arrêt R. c. Appleby [ 1971 CanLII 4 (C.S.C.), [1972] R.C.S. 303], l'accusé peut annuler l'effet de la présomption en faisant une preuve prépondérante du fait qu'il n'avait pas l'intention de mettre le véhicule en marche. […]
[…]
L'article 258(1)a) C.cr. n'est pas une disposition qui définit la notion de garde ou de contrôle. Il ne fait qu'en faciliter la preuve. Par conséquent, comme le décidait la Cour suprême du Canada dans l'arrêt R. c. Ford [ 1982 CanLII 16 (C.S.C.), [1982] 1 R.C.S. 231], pour avoir la garde ou le contrôle d'un véhicule, il n'est pas nécessaire d'avoir l'intention de le mettre en marche. Cette intention n'est pertinente que si la poursuite désire se prévaloir de la présomption de l'article 258(1)a) C.cr.»
[27] Et les auteurs de poursuivre, sur la question spécifique du véhicule qui n'est pas en état de fonctionner, aux pages 143 et 144:
«[…] Dans l'arrêt R. c. Saunders [ 1967 CanLII 56 (S.C.C.), [1967] R.C.S. 284], la Cour suprême du Canada a statué qu'il n'est pas nécessaire que le véhicule soit en état de fonctionner pour que l'infraction soit commise. Ainsi, dans cette perspective, il pourrait y avoir culpabilité même si la voiture est en panne d'essence, est enlisée dans la neige, ou doit être extirpée d'un fossé par une remorqueuse. Malgré la définition du concept de garde ou de contrôle formulée postérieurement par la Cour suprême du Canada dans l'affaire R. c. Toews, cette approche semble toujours prévaloir. Dans une décision récente, la Cour d'appel de l'Ontario a exprimé l'avis que les arrêts Saunders et Toews pouvaient être réconciliés et qu'un risque potentiel demeure un élément de l'infraction bien qu'elle puisse être commise au moyen d'un véhicule inopérable. Ainsi, si le véhicule est inopérable, alors qu'il est sur la chaussée par temps sombre et lors d'une tempête de neige, il y a un risque qu'une personne intoxiquée éteigne les phares du véhicule de sorte qu'il devienne invisible et, par conséquent, dangereux. Dans cette perspective, la définition de garde ou contrôle doit plutôt s'entendre «d'une série de gestes qui comporte une certaine utilisation du véhicule ou de ses accessoires, ou une conduite quelconque à l'égard du véhicule qui comporte le risque que le véhicule devienne dangereux, soit en étant mis en marche ou de quelque autre façon». Il s'ensuit que, sauf si la présomption prévue à l'article 258(1)a) C.cr. s'applique, le seul fait de trouver une personne dans une voiture ou près de celle-ci alors qu'elle pourrait le mettre en marche est insuffisant. Une preuve du risque de danger doit exister. Celui-ci peut découler du fait que (1) le véhicule soit mis en marche intentionnellement, (2) le véhicule soit mis en marche non intentionnellement, ou (3) que le véhicule devienne dangereux autrement qu'en étant mis en marche.» [sauf dans la citation, les soulignements sont du soussigné].
[28] On aura noté avec intérêt que les auteurs ne sont pas catégoriques quant à l'état du droit sur la question, l'utilisation de l'expression «semble toujours prévaloir» suggérant qu'il y a flottement à cet égard. Dans ces circonstances, l'analyse des arrêts pertinents semble incontournable.
[29] Cela dit, consciente que les enseignements découlant de l'arrêt Saunders, qui n'ont pas été répudiés par la Cour suprême, et de l'arrêt Toews, rendu postérieurement, paraissaient contradictoires, la Cour d'appel de l'Ontario a en effet tenté de les réconcilier dans son arrêt R. c. Wren, 2000 CanLII 5674 (ON C.A.), (2000) 144 C.C.C. (3d) 374 (C.A. Ont.).
[30] Faut-il rappeler d'abord, à ce stade-ci, que dans l'arrêt Saunders c. R., 1967 CanLII 56 (S.C.C.), [1967] R.C.S. 284, la Cour suprême avait effectivement conclu qu'une personne accusée d'avoir eu la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur alors que ses facultés étaient affaiblies par l'alcool pouvait être condamnée même si elle se trouvait au volant de son véhicule alors que celui-ci était immobilisé dans un fossé. Elle s'exprimait dans les termes suivants, à la page 290:
«[…] The definition of a motor vehicle is in plain and ordinary language. It contemplates a kind of vehicle, not its actual operability or functionning. Its application is not confined to a portion of the Code, it extends uniformly throughout. The definitions of the offences mentioned in ss. 222 and 223 are also couched in a language that is plain and simple and in which nothing, either expressed or implied, indicates an intent of Parliament to exact, in every case, as being one of the ingredients of the offences, the proof of the presence of some element of actual or potential danger or to accept, as a valid defense, the absence of any. On the contrary, these and the other related provisions of the Code manifest the determination of Parliament to strike at the very root of the evil, to wit: the combination of alcohol and automobile, that normally breeds this element of danger which this preventive legislation is meant to anticipate.» [soulignements ajoutés]
[31] Le Tribunal estime opportun, à ce stade-ci, de mettre l'accent sur les extraits soulignés de la citation qui précède, puisqu'ils contiennent déjà le germe de la solution proposée en 2000 par la Cour d'appel de l'Ontario. Le juge Fauteux, au nom d'une Cour unanime, précisait en effet déjà en 1967 qu'une preuve d'un élément de dangerosité actuelle ou potentielle ne constituait pas «in every case» un élément de l'infraction, laissant par là entendre qu'il y avait des cas où un tel risque de danger pouvait être requis pour que l'élément matériel de l'infraction soit prouvé. Mais, au-delà de cette ouverture, le message véhiculé par l'arrêt Saunders est à l'effet contraire: c'est la combinaison alcool et véhicule automobile qui crée en soi une situation potentiellement dangereuse. En suivant cette logique, ce n'est donc pas parce que le véhicule n'est momentanément pas en état de fonctionner que tout risque qu'il le soit ultérieurement est écarté, faut-il comprendre; ce qui revient à considérer que, dans le cas d'espèce dont la Cour suprême était alors saisie, la Cour estimait que la personne qui exerçait la garde ou le contrôle sur le véhicule embourbé dans le fossé pouvait ultimement l'en faire extirper et reprendre ensuite la route.
[32] Puis vint, en 1985, l'arrêt Toews, antérieurement cité. Au nom d'une Cour suprême de nouveau unanime, le juge McIntyre précisait dans les termes suivants l'élément matériel de l'infraction de garde ou de contrôle, à la page 126:
«[…] Cependant, la jurisprudence citée illustre le point et amène à conclure que les actes de garde ou de contrôle, hormis l'acte de conduire, sont des actes qui comportent une certaine utilisation du véhicule ou de ses accessoires, ou une conduite quelconque à l'égard du véhicule qui comporterait le risque de le mettre en mouvement de sorte qu'il puisse devenir dangereux. Chaque affaire sera décidée en fonction de ses propres faits et les circonstances où l'on pourra conclure qu'il y a des actes de garde ou de contrôle varieront beaucoup.» [soulignements ajoutés]
[33] Si, dans l'arrêt Saunders, la Cour mettait l'accent sur le fait qu'une personne pouvait avoir la garde ou le contrôle d'un véhicule inopérable ou non fonctionnel, elle précisait dans l'arrêt Toews que l'utilisation du véhicule ou de ses instruments ou encore le risque de le mettre en mouvement constituait un élément de l'infraction. D'où l'apparente contradiction.
[34] C'est dans ce contexte que, dans l'arrêt Wren, la Cour d'appel de l'Ontario fut appelée à clarifier la question: comme c'est le cas dans le présent dossier, elle était alors saisie d'une affaire dans laquelle un individu accusé de garde ou de contrôle d'un véhicule impliqué dans un accident avait été retrouvé assis dans le siège du conducteur, le véhicule étant inopérant en raison des dommages causés par l'accident et immobilisé en raison du fait qu'il avait terminé sa course dans un fossé; l'individu n'avait en outre aucune intention de conduire. La preuve révélait cependant que l'accusé avait précédemment tenté de déplacer lui-même son véhicule, ce qu'il n'avait pas réussi à faire, se résignant alors à faire appel à une remorqueuse. En attendant son arrivée, il avait regagné son véhicule pour se réchauffer.
[35] S'exprimant au nom d'une Cour unanime, le juge Feldman aborde quant à lui la question en litige dans les termes suivants, aux pages 379 et 380:
«[…] It is this repeated reference to conduct which involves the risk of «putting the vehicle in motion so that it could become dangerous» which has led to a debate as to whether the Supreme Court in Ford and Toews intended to overrule its decision in Saunders.
I agree that the three Supreme Court of Canada cases, on their face, are not easy to reconcile. […]
In my view, these cases can be reconciled. The apparent inconsistency stems from the facts with which the three courts were dealing. In Saunders the vehicle was inoperable, while in Ford and Toews, the vehicles were operable.
[…]
Although those courts referred to the danger in terms only of putting the vehicle in motion, this court has explained in its decision in R. v. Vansickle (Endorsement of the Ontario Court of Appeal dated December 17, 1990), that this risk should be read as an example only of how the combination of impaired person and motor vehicle can create the requisite potential for danger.
I am satisfied that the result of these cases and others that have followed them, is that in order to establish care or control of a motor vehicle, the act or conduct of the accused in relation to that motor vehicle must be such that there is created a risk of danger, whether from putting the car in motion or in some other way.
[…]
The requirement of some risk of danger in order to establish the actus reus of «care or control» is consistent with the basis for a finding of criminal liability under the impaired driving/care or control offences. As the Supreme Court stated in Saunders, supra, the object of the offence is to protect persons and property from danger. When the presumption has been rebutted and it has been shown that there is no potential danger either to any person or any property from the combination of the impaired person and the motor vehicle, there is no need for the protection which is the object of the offence.
[…]
In my view, the cases from the Supreme Court of Canada and from this court can be reconciled on the issue of the actus reus of care or control. The issue to be determined on the facts of each case is whether any acts by the accused could cause the vehicle to become a danger whether by putting it in motion or in some other way.» [soulignements ajoutés]
[36] En l'absence de précédents émanant de la Cour d'appel du Québec, c'est par ailleurs cette interprétation de la Cour d'appel de l'Ontario que privilégie aussi Me Karl-Emmanuel Harrison dans son ouvrage Capacités affaiblies: Principes et application (Publications CCH Ltée, Brossard, 2006), aux pages 229 et 230:
«Malgré une hésitation de la jurisprudence à le reconnaître dans certaines provinces canadiennes, dont la Nouvelle-Écosse, le risque de danger pour le public constitue un élément essentiel de l'infraction, comme suggéré par les cours d'appel de Saskatchewan, du Manitoba, d'Ontario et de Terre-Neuve-et-Labrador: […].
La Cour d'appel du Québec ne s'est jamais prononcée formellement sur la question de la nécessité de l'existence d'un risque de danger pour le public. Toutefois, l'arrêt R. c. Olivier, [1998] A.Q. no 1954 (QL) (C.A.) soutient le second courant jurisprudentiel en notant la souplesse que confère le texte de loi aux juges d'instance. […]
Selon cette jurisprudence majoritaire actuelle, la garde ou le contrôle s'entend d'une série de gestes comportant une certaine utilisation du véhicule ou de ses accessoires ou d'une conduite quelconque à l'égard du véhicule, qui présente le risque que le véhicule devienne dangereux, soit en étant mis en mouvement ou de quelque autre façon. […]» [soulignements ajoutés]
[37] On est dès lors en mesure de préciser l'état du droit, sur la question du véhicule non fonctionnel, de la façon suivante. D'abord, quant à la méthodologie, lorsqu'une personne est trouvée comme c'est le cas ici à la place habituellement occupée par le conducteur, il faut s'attarder, dans une première étape, à l'enjeu de l'application de la présomption de garde ou de contrôle édictée par l'article 258(1) a) C.cr.. Si la personne trouvée dans le siège du conducteur ne peut repousser la présomption, celle-ci s'applique et emporte tous ses effets: la personne qui se trouve à la place habituelle du conducteur sera réputée avoir la garde ou le contrôle du véhicule.
[38] Ce ne sera par ailleurs que lorsque la présomption aura été repoussée que, dans une seconde étape, l'on s'intéressera aux actes et aux gestes posés par cette personne à l'égard du véhicule, c'est-à-dire à son comportement à l'égard du véhicule: il s'agira alors d'évaluer si, à la lumière de ces actes ou de ces gestes, il existait un risque potentiel que le véhicule représente un danger à l'égard de quelqu'un ou à l'égard d'un bien, soit activement en étant mis en mouvement, soit passivement en demeurant stationnaire. Si, en raison de ces actes ou de ces gestes, le risque de danger – c'est-à-dire la dangerosité – existe, il faudra conclure que cette composante de l'élément matériel de l'infraction est prouvée. Au cas contraire, l'on estimera plutôt qu'un des éléments essentiels de l'infraction n'est pas prouvé.
dimanche 23 août 2009
Les règles régissant la suspension des procédures
R. c. Regan 2002 CSC 12 (CanLII), [2002] 1 R.C.S. 297
53 La suspension des procédures ne constitue qu'une forme de réparation à un abus de procédure, mais celle-ci présente le caractère le plus draconien : c'est « l'ultime réparation », comme l'a qualifiée notre Cour dans l'arrêt Tobiass, précité. Elle est ultime en ce sens qu'elle est définitive. Les accusations suspendues ne pourront jamais faire l'objet de poursuites; la présumée victime ne sera jamais capable de se faire entendre en justice; la société sera privée à jamais de la possibilité de faire trancher l'affaire par le juge des faits. Pour ce motif, la suspension est réservée aux seuls cas d'abus qui satisfont à un test préliminaire très exigeant : « le test pour l'obtention d'un arrêt des procédures continue de relever des "cas les plus manifestes", tant en vertu de la Charte que de la doctrine de l'abus de procédure en common law. » (O'Connor, précité, par. 68).
54 Que le préjudice découlant de l'abus touche l'accusé, qui ne bénéficie pas d'un procès équitable, ou porte atteinte à l'intégrité du système de justice, l'arrêt des procédures s'avère approprié uniquement lorsque deux critères sont remplis :
(1) le préjudice causé par l'abus en question sera révélé, perpétué ou aggravé par le déroulement du procès ou par son issue;
(2) aucune autre réparation ne peut raisonnablement faire disparaître ce préjudice. (O'Connor, précité, par. 75, p. 465).
Dans l'arrêt Tobiass, précité, par. 91, notre Cour a souligné l'importance capitale du premier critère. Il reflète le caractère prospectif plutôt que rétroactif de la suspension des procédures. Cette mesure de réparation ne corrige pas simplement le préjudice causé, mais vise à empêcher que ne se perpétue une atteinte qui, faute d'intervention, continuera à perturber les parties et la société dans son ensemble à l'avenir.
55 Tel que mentionné plus haut, la plupart des cas d'abus de procédure causent un préjudice en rendant le procès inéquitable. En vertu de l'art. 7 de la Charte, il existe toutefois une petite catégorie résiduelle de conduite abusive qui ne touche pas l'équité du procès, mais qui n'en mine pas moins la justice fondamentale du système. (O'Connor, par. 73). Pourtant, même en pareil cas, l'importance du caractère prospectif de la suspension des procédures comme réparation doit être respectée : « [l]e simple fait que l'État se soit mal conduit à l'égard d'un individu par le passé ne suffit pas à justifier la suspension des procédures ». (Tobiass, par. 91). Lorsqu'il s'agit d'un abus relevant de la catégorie résiduelle, la suspension des procédures ne constitue généralement une réparation appropriée que lorsque l'abus risque de se poursuivre ou de se produire subséquemment. Ce n'est que dans des cas « exceptionnels », « relativement très rares », que la conduite passée reprochée est « si grave que le simple fait de poursuivre le procès serait choquant ». (Tobiass, par. 91, p. 428).
56 Tout risque d'abus qui continuera à se manifester au cas de poursuite du procès doit donc être évalué en regard des réparations potentielles moins draconiennes qu'une suspension. Une fois établi que l'abus continuera à miner le processus judiciaire et qu'aucune autre réparation que la suspension ne permettrait de corriger le problème, le juge peut exercer son pouvoir discrétionnaire d'ordonner la suspension.
57 Enfin, dans l'arrêt Tobiass, notre Cour a toutefois affirmé qu'il peut arriver, dans certains cas, que subsiste un degré d'incertitude, lorsqu'il faut évaluer si l'abus est suffisamment grave pour justifier la réparation draconienne que constitue la suspension. En pareils cas, le juge applique un troisième critère. À cette étape s'effectue la mise en équilibre traditionnelle des intérêts : « il sera approprié de mettre en balance les intérêts que servirait la suspension des procédures et l'intérêt que représente pour la société un jugement définitif statuant sur le fond. » En pareil cas, « une préoccupation publique passagère [ne pourrait] jamais l'emporter sur un acte apparenté à une conduite répréhensible grave [bien que ...] l'intérêt irrésistible de la société à ce qu'il y ait un débat sur le fond [puisse] faire pencher la balance en faveur de la poursuite des procédures » (Tobiass, par. 92).
53 La suspension des procédures ne constitue qu'une forme de réparation à un abus de procédure, mais celle-ci présente le caractère le plus draconien : c'est « l'ultime réparation », comme l'a qualifiée notre Cour dans l'arrêt Tobiass, précité. Elle est ultime en ce sens qu'elle est définitive. Les accusations suspendues ne pourront jamais faire l'objet de poursuites; la présumée victime ne sera jamais capable de se faire entendre en justice; la société sera privée à jamais de la possibilité de faire trancher l'affaire par le juge des faits. Pour ce motif, la suspension est réservée aux seuls cas d'abus qui satisfont à un test préliminaire très exigeant : « le test pour l'obtention d'un arrêt des procédures continue de relever des "cas les plus manifestes", tant en vertu de la Charte que de la doctrine de l'abus de procédure en common law. » (O'Connor, précité, par. 68).
54 Que le préjudice découlant de l'abus touche l'accusé, qui ne bénéficie pas d'un procès équitable, ou porte atteinte à l'intégrité du système de justice, l'arrêt des procédures s'avère approprié uniquement lorsque deux critères sont remplis :
(1) le préjudice causé par l'abus en question sera révélé, perpétué ou aggravé par le déroulement du procès ou par son issue;
(2) aucune autre réparation ne peut raisonnablement faire disparaître ce préjudice. (O'Connor, précité, par. 75, p. 465).
Dans l'arrêt Tobiass, précité, par. 91, notre Cour a souligné l'importance capitale du premier critère. Il reflète le caractère prospectif plutôt que rétroactif de la suspension des procédures. Cette mesure de réparation ne corrige pas simplement le préjudice causé, mais vise à empêcher que ne se perpétue une atteinte qui, faute d'intervention, continuera à perturber les parties et la société dans son ensemble à l'avenir.
55 Tel que mentionné plus haut, la plupart des cas d'abus de procédure causent un préjudice en rendant le procès inéquitable. En vertu de l'art. 7 de la Charte, il existe toutefois une petite catégorie résiduelle de conduite abusive qui ne touche pas l'équité du procès, mais qui n'en mine pas moins la justice fondamentale du système. (O'Connor, par. 73). Pourtant, même en pareil cas, l'importance du caractère prospectif de la suspension des procédures comme réparation doit être respectée : « [l]e simple fait que l'État se soit mal conduit à l'égard d'un individu par le passé ne suffit pas à justifier la suspension des procédures ». (Tobiass, par. 91). Lorsqu'il s'agit d'un abus relevant de la catégorie résiduelle, la suspension des procédures ne constitue généralement une réparation appropriée que lorsque l'abus risque de se poursuivre ou de se produire subséquemment. Ce n'est que dans des cas « exceptionnels », « relativement très rares », que la conduite passée reprochée est « si grave que le simple fait de poursuivre le procès serait choquant ». (Tobiass, par. 91, p. 428).
56 Tout risque d'abus qui continuera à se manifester au cas de poursuite du procès doit donc être évalué en regard des réparations potentielles moins draconiennes qu'une suspension. Une fois établi que l'abus continuera à miner le processus judiciaire et qu'aucune autre réparation que la suspension ne permettrait de corriger le problème, le juge peut exercer son pouvoir discrétionnaire d'ordonner la suspension.
57 Enfin, dans l'arrêt Tobiass, notre Cour a toutefois affirmé qu'il peut arriver, dans certains cas, que subsiste un degré d'incertitude, lorsqu'il faut évaluer si l'abus est suffisamment grave pour justifier la réparation draconienne que constitue la suspension. En pareils cas, le juge applique un troisième critère. À cette étape s'effectue la mise en équilibre traditionnelle des intérêts : « il sera approprié de mettre en balance les intérêts que servirait la suspension des procédures et l'intérêt que représente pour la société un jugement définitif statuant sur le fond. » En pareil cas, « une préoccupation publique passagère [ne pourrait] jamais l'emporter sur un acte apparenté à une conduite répréhensible grave [bien que ...] l'intérêt irrésistible de la société à ce qu'il y ait un débat sur le fond [puisse] faire pencher la balance en faveur de la poursuite des procédures » (Tobiass, par. 92).
samedi 22 août 2009
Les difficultés de communications
«Entre
Ce que je pense,
Ce que je veux dire,
Ce que je crois dire,
Ce que je dis,
Ce que vous avez envie d'entendre,
Ce que vous croyez entendre,
Ce que vous entendez,
Ce que vous avez envie de comprendre,
Ce que vous croyez comprendre
Ce que vous comprenez
Il y a dix possibilités possibilités qu'on ait des difficultés à communiquer. Mais essayons quand même...»
[ Bernard Werber ] - Extrait de L’Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu
Ce que je pense,
Ce que je veux dire,
Ce que je crois dire,
Ce que je dis,
Ce que vous avez envie d'entendre,
Ce que vous croyez entendre,
Ce que vous entendez,
Ce que vous avez envie de comprendre,
Ce que vous croyez comprendre
Ce que vous comprenez
Il y a dix possibilités possibilités qu'on ait des difficultés à communiquer. Mais essayons quand même...»
[ Bernard Werber ] - Extrait de L’Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu
La suffisance des motifs raisonnables
R. c. St-Maurice, 2002 CanLII 42395 (QC C.Q.)
[7] Une fouille, perquisition ou saisie est raisonnable et ne sera pas considérée abusive si elle est autorisée par la loi, si la loi elle-même n'a rien d'abusif et si elle n'a pas été effectuée d'une manière abusive.
[8] Lorsque la fouille, perquisition ou saisie est exécutée en vertu d'un mandat délivré par un juge de paix ou un juge, elle est présumée raisonnable et ne sera pas considérée abusive à moins que celui qui en conteste la validité, n'établisse par prépondérance de preuve qu'il n'y avait aucun fondement justifiant la délivrance de l'autorisation.
[9] Selon le juge Dickson, «l'existence de motifs raisonnables et probables, établie sous serment, de croire qu'une infraction a été commise et que des éléments de preuve se trouvent à l'endroit de la perquisition, constitue le critère minimal, compatible avec l'art. 8 de la Charte, qui s'applique à l'autorisation d'une fouille, d'une perquisition ou d'une saisie».
[10] La suffisance des motifs raisonnables mentionnés dans la dénonciation présentée au juge de paix pour obtenir un mandat de perquisition s'apprécie conformément au test formulé dans l'arrêt Garofoli. Les critères applicables aux perquisitions régissent également les mandats généraux (art. 487.01(1) C. Cr.) et les interceptions de communications privées. Dans l'arrêt Garofoli, qui reprend les arrêts Greffe et Debot, le juge Sopinka écrit:
«Je ne vois aucune différence entre la preuve de la fiabilité d'un informateur présentée en vue d'établir l'existence de motifs raisonnables et probables de justifier une fouille sans mandat (les questions dans les arrêts cités par le juge Lamer) et la preuve de la fiabilité d'un informateur présentée en vue d'établir des motifs similaires en matière d'autorisation d'écoute électronique. En outre, je conclus que notre Cour dans les arrêts Debot et Greffe a accepté les propositions suivantes:
(i) Les déclarations d'un informateur qui constituent du ouï-dire peuvent établir l'existence de motifs raisonnables et probables justifiant une fouille ou une perquisition. Cependant, en soi, la preuve d'un renseignement provenant d'un informateur est insuffisante pour établir l'existence de motifs raisonnables et probables.
(ii) La fiabilité du renseignement doit être évaluée en fonction de «l'ensemble des circonstances». Il n'existe pas de formule structurée pour le faire. Au lieu de cela, la cour doit examiner divers facteurs dont:
a) le niveau de détail du renseignement;
b) les sources de l'informateur;
c) les indices de la fiabilité de l'informateur, comme son expérience antérieure ou la confirmation des renseignements par d'autres sources.
(iii) Les résultats d'une fouille ou d'une perquisition ne peuvent, ex post facto, apporter la preuve de la fiabilité des renseignements.»
[11] Le juge du procès, siégeant en révision d'une autorisation d'écoute électronique ou de la délivrance d'un mandat de perquisition ou mandat général, doit seulement constater s'il existe des faits qui permettaient au juge autorisant de rendre sa décision. Il ne peut pas et ne doit pas substituer son opinion à celle du juge qui a accordé l'autorisation ou délivré le mandat:
«Bien que le juge qui exerce ce pouvoir relativement nouveau ne soit pas tenu de se conformer au critère de l'arrêt Wilson, il ne devrait pas réviser l'autorisation de novo. La façon appropriée est établie dans les motifs du juge Martin en l'espèce. Il affirme, à la page 119:
[TRADUCTION] Si le juge du procès conclut, d'après les documents dont disposait le juge ayant accordé l'autorisation, qu'il n'existait aucun élément susceptible de le convaincre que les conditions préalables pour accorder l'autorisation existaient, il me semble alors que le juge du procès doit conclure que la fouille, la perquisition ou la saisie contrevient à l'art. 8 de la Charte.
Le juge qui siège en révision ne substitue pas son opinion à celle du juge qui a accordé l'autorisation. Si, compte tenu du dossier dont disposait le juge qui a accordé l'autorisation et complété lors de la révision, le juge siégeant en révision, conclut que le juge qui a accordé l'autorisation pouvait le faire, il ne devrait pas intervenir. Dans ce processus, la fraude, la non-divulgation, la déclaration trompeuse et les nouveaux éléments de preuve sont tous des aspects pertinents, mais au lieu d'être nécessaires à la révision leur seul effet est d'aider à décider s'il existe encore un fondement quelconque à la décision du juge qui a accordé l'autorisation.»
[12] Enfin, le juge siégeant en révision, lorsqu'il constate qu'il y a eu des omissions, erreurs ou inexactitudes ou des déclarations mensongères, doit en apprécier la portée en regard de la déclaration assermentée dans sa totalité. Dans l'arrêt Bisson de la Cour d'appel du Québec, le juge Proulx déclare:
«Puisque la démarche consiste pour le juge en révision à s'interroger sur les conséquences de la non-divulgation, de la fraude ou d'une déclaration mensongère, comment doit-on en apprécier la portée en regard de la déclaration assermentée dans sa totalité? L'élément trompeur qui est démontré lors de la révision peut très bien, comme c'est le cas en l'espèce, ne viser que certains des faits énoncés dans la déclaration assermentée; s'il était possible de remédier à ses effets lors de la révision, rien n'empêcherait que le reliquat de la déclaration assermentée qui subsiste indépendamment de la correction puisse s'avérer amplement suffisant pour conclure que le juge qui a accordé l'autorisation pouvait le faire. En accord avec les principes énoncés ci-haut, le reliquat doit être apprécié à la lumière du test Garofoli: Le juge pouvait-il accorder l'autorisation sur la base du reliquat, une fois la déclaration assermentée expurgée de ses éléments erronés?».
[13] Dans l'arrêt Araujo, le juge LeBel résume le rôle du juge réviseur comme suit:
«Pour déterminer s'il existait des renseignements fiables à partir desquels le juge aurait pu accorder l'autorisation, il faut simplement se demander s'il y avait au moins quelque élément de preuve auquel le juge aurait pu raisonnablement ajouter foi pour faire droit à la demande».
[14] Enfin, lorsque les renseignements communiqués dans la déclaration assermentée sont inexacts ou incomplets et résultent d'une simple erreur et non d'une tentative délibérée de tromper le juge saisi de la demande d'autorisation, l'amplification peut être permise:
«Par conséquent, pour déterminer s'il existait des éléments de preuve auxquels le juge aurait pu raisonnablement ajouter foi pour accorder l'autorisation, le tribunal qui siège en révision doit faire abstraction des renseignements inexacts. Cependant, lorsque la police a commis une erreur de bonne foi, on peut avoir recours à l'amplification pour rétablir les faits».
[15] L'amplification permet au juge siégeant en révision de considérer les éléments de preuve recueillis lors de la révision pour rétablir la vérité et étayer les éléments inexacts ou incomplets de la déclaration assermentée.
[7] Une fouille, perquisition ou saisie est raisonnable et ne sera pas considérée abusive si elle est autorisée par la loi, si la loi elle-même n'a rien d'abusif et si elle n'a pas été effectuée d'une manière abusive.
[8] Lorsque la fouille, perquisition ou saisie est exécutée en vertu d'un mandat délivré par un juge de paix ou un juge, elle est présumée raisonnable et ne sera pas considérée abusive à moins que celui qui en conteste la validité, n'établisse par prépondérance de preuve qu'il n'y avait aucun fondement justifiant la délivrance de l'autorisation.
[9] Selon le juge Dickson, «l'existence de motifs raisonnables et probables, établie sous serment, de croire qu'une infraction a été commise et que des éléments de preuve se trouvent à l'endroit de la perquisition, constitue le critère minimal, compatible avec l'art. 8 de la Charte, qui s'applique à l'autorisation d'une fouille, d'une perquisition ou d'une saisie».
[10] La suffisance des motifs raisonnables mentionnés dans la dénonciation présentée au juge de paix pour obtenir un mandat de perquisition s'apprécie conformément au test formulé dans l'arrêt Garofoli. Les critères applicables aux perquisitions régissent également les mandats généraux (art. 487.01(1) C. Cr.) et les interceptions de communications privées. Dans l'arrêt Garofoli, qui reprend les arrêts Greffe et Debot, le juge Sopinka écrit:
«Je ne vois aucune différence entre la preuve de la fiabilité d'un informateur présentée en vue d'établir l'existence de motifs raisonnables et probables de justifier une fouille sans mandat (les questions dans les arrêts cités par le juge Lamer) et la preuve de la fiabilité d'un informateur présentée en vue d'établir des motifs similaires en matière d'autorisation d'écoute électronique. En outre, je conclus que notre Cour dans les arrêts Debot et Greffe a accepté les propositions suivantes:
(i) Les déclarations d'un informateur qui constituent du ouï-dire peuvent établir l'existence de motifs raisonnables et probables justifiant une fouille ou une perquisition. Cependant, en soi, la preuve d'un renseignement provenant d'un informateur est insuffisante pour établir l'existence de motifs raisonnables et probables.
(ii) La fiabilité du renseignement doit être évaluée en fonction de «l'ensemble des circonstances». Il n'existe pas de formule structurée pour le faire. Au lieu de cela, la cour doit examiner divers facteurs dont:
a) le niveau de détail du renseignement;
b) les sources de l'informateur;
c) les indices de la fiabilité de l'informateur, comme son expérience antérieure ou la confirmation des renseignements par d'autres sources.
(iii) Les résultats d'une fouille ou d'une perquisition ne peuvent, ex post facto, apporter la preuve de la fiabilité des renseignements.»
[11] Le juge du procès, siégeant en révision d'une autorisation d'écoute électronique ou de la délivrance d'un mandat de perquisition ou mandat général, doit seulement constater s'il existe des faits qui permettaient au juge autorisant de rendre sa décision. Il ne peut pas et ne doit pas substituer son opinion à celle du juge qui a accordé l'autorisation ou délivré le mandat:
«Bien que le juge qui exerce ce pouvoir relativement nouveau ne soit pas tenu de se conformer au critère de l'arrêt Wilson, il ne devrait pas réviser l'autorisation de novo. La façon appropriée est établie dans les motifs du juge Martin en l'espèce. Il affirme, à la page 119:
[TRADUCTION] Si le juge du procès conclut, d'après les documents dont disposait le juge ayant accordé l'autorisation, qu'il n'existait aucun élément susceptible de le convaincre que les conditions préalables pour accorder l'autorisation existaient, il me semble alors que le juge du procès doit conclure que la fouille, la perquisition ou la saisie contrevient à l'art. 8 de la Charte.
Le juge qui siège en révision ne substitue pas son opinion à celle du juge qui a accordé l'autorisation. Si, compte tenu du dossier dont disposait le juge qui a accordé l'autorisation et complété lors de la révision, le juge siégeant en révision, conclut que le juge qui a accordé l'autorisation pouvait le faire, il ne devrait pas intervenir. Dans ce processus, la fraude, la non-divulgation, la déclaration trompeuse et les nouveaux éléments de preuve sont tous des aspects pertinents, mais au lieu d'être nécessaires à la révision leur seul effet est d'aider à décider s'il existe encore un fondement quelconque à la décision du juge qui a accordé l'autorisation.»
[12] Enfin, le juge siégeant en révision, lorsqu'il constate qu'il y a eu des omissions, erreurs ou inexactitudes ou des déclarations mensongères, doit en apprécier la portée en regard de la déclaration assermentée dans sa totalité. Dans l'arrêt Bisson de la Cour d'appel du Québec, le juge Proulx déclare:
«Puisque la démarche consiste pour le juge en révision à s'interroger sur les conséquences de la non-divulgation, de la fraude ou d'une déclaration mensongère, comment doit-on en apprécier la portée en regard de la déclaration assermentée dans sa totalité? L'élément trompeur qui est démontré lors de la révision peut très bien, comme c'est le cas en l'espèce, ne viser que certains des faits énoncés dans la déclaration assermentée; s'il était possible de remédier à ses effets lors de la révision, rien n'empêcherait que le reliquat de la déclaration assermentée qui subsiste indépendamment de la correction puisse s'avérer amplement suffisant pour conclure que le juge qui a accordé l'autorisation pouvait le faire. En accord avec les principes énoncés ci-haut, le reliquat doit être apprécié à la lumière du test Garofoli: Le juge pouvait-il accorder l'autorisation sur la base du reliquat, une fois la déclaration assermentée expurgée de ses éléments erronés?».
[13] Dans l'arrêt Araujo, le juge LeBel résume le rôle du juge réviseur comme suit:
«Pour déterminer s'il existait des renseignements fiables à partir desquels le juge aurait pu accorder l'autorisation, il faut simplement se demander s'il y avait au moins quelque élément de preuve auquel le juge aurait pu raisonnablement ajouter foi pour faire droit à la demande».
[14] Enfin, lorsque les renseignements communiqués dans la déclaration assermentée sont inexacts ou incomplets et résultent d'une simple erreur et non d'une tentative délibérée de tromper le juge saisi de la demande d'autorisation, l'amplification peut être permise:
«Par conséquent, pour déterminer s'il existait des éléments de preuve auxquels le juge aurait pu raisonnablement ajouter foi pour accorder l'autorisation, le tribunal qui siège en révision doit faire abstraction des renseignements inexacts. Cependant, lorsque la police a commis une erreur de bonne foi, on peut avoir recours à l'amplification pour rétablir les faits».
[15] L'amplification permet au juge siégeant en révision de considérer les éléments de preuve recueillis lors de la révision pour rétablir la vérité et étayer les éléments inexacts ou incomplets de la déclaration assermentée.
La nécessité de l’écoute électronique
R. c. Camillucie, 2002 CanLII 39327 (QC C.S.)
[10] En vertu de l’article 186(1), le juge autorisateur doit être convaincu ou satisfait (si l’on se réfère au texte anglais qui emploie le mot « satisfied ») que 1) l’interception servirait au mieux l’administration de la justice, en considérant les faits au soutien de cette demande et de l’existence d’une infraction, comme le prévoit l’alinéa c) de l’article 185(1), et en considérant les motifs invoqués, qui doivent être raisonnables, de croire que cette interception pourra être utile à l’enquête, comme l’énonce l’alinéa e) de cette disposition, et 2) que d’autres méthodes d’enquête ont échoué après essai ou ont peu de chance de succès, ce qui découle de l’alinéa h) de l’article 185(1). Depuis l’arrêt Araujo (2000 CSC 65 (CanLII), [2000] 2 R.C.S. 992), le mot « utile » doit se lire comme signifiant « nécessaire », et non simplement « opportun ». L’affiant doit établir des motifs raisonnables de croire que cette interception pourra être nécessaire à l’enquête.
[45] Voici ce qu’enseigne à ce sujet Araujo 2000 CSC 65 (CanLII), de façon générale :
1. Sur le plan pratique, il ne doit exister aucune autre méthode d’enquête raisonnable, dans les circonstances de cette enquête criminelle (par. 29 et 37);
2. Il faut tenir compte de la réalité et du bon sens (par. 33);
3. L’article 186 n’exige pas l’épuisement de toutes les méthodes alternatives. Cette technique d’enquête peut être employée non seulement lorsque les autres méthodes ont échoué, mais lorsqu’elles paraissent avoir peu de chances de succès, comme l’énonce l’article 186(1) b), (par. 34);
4. Elle ne doit pas constituer une simple expédition de pêche, fondée sur de purs soupçons. Le juge d’autorisation doit être convaincu de la nécessité du recours à cette technique d’enquête (par. 34);
5. La nécessité n’est pas l’opportunité discrétionnaire (par. 39);
6. Il s’agit de décider si les faits énoncés dans l’affidavit suffisent pour justifier l’octroi de l’autorisation (par. 40).
[10] En vertu de l’article 186(1), le juge autorisateur doit être convaincu ou satisfait (si l’on se réfère au texte anglais qui emploie le mot « satisfied ») que 1) l’interception servirait au mieux l’administration de la justice, en considérant les faits au soutien de cette demande et de l’existence d’une infraction, comme le prévoit l’alinéa c) de l’article 185(1), et en considérant les motifs invoqués, qui doivent être raisonnables, de croire que cette interception pourra être utile à l’enquête, comme l’énonce l’alinéa e) de cette disposition, et 2) que d’autres méthodes d’enquête ont échoué après essai ou ont peu de chance de succès, ce qui découle de l’alinéa h) de l’article 185(1). Depuis l’arrêt Araujo (2000 CSC 65 (CanLII), [2000] 2 R.C.S. 992), le mot « utile » doit se lire comme signifiant « nécessaire », et non simplement « opportun ». L’affiant doit établir des motifs raisonnables de croire que cette interception pourra être nécessaire à l’enquête.
[45] Voici ce qu’enseigne à ce sujet Araujo 2000 CSC 65 (CanLII), de façon générale :
1. Sur le plan pratique, il ne doit exister aucune autre méthode d’enquête raisonnable, dans les circonstances de cette enquête criminelle (par. 29 et 37);
2. Il faut tenir compte de la réalité et du bon sens (par. 33);
3. L’article 186 n’exige pas l’épuisement de toutes les méthodes alternatives. Cette technique d’enquête peut être employée non seulement lorsque les autres méthodes ont échoué, mais lorsqu’elles paraissent avoir peu de chances de succès, comme l’énonce l’article 186(1) b), (par. 34);
4. Elle ne doit pas constituer une simple expédition de pêche, fondée sur de purs soupçons. Le juge d’autorisation doit être convaincu de la nécessité du recours à cette technique d’enquête (par. 34);
5. La nécessité n’est pas l’opportunité discrétionnaire (par. 39);
6. Il s’agit de décider si les faits énoncés dans l’affidavit suffisent pour justifier l’octroi de l’autorisation (par. 40).
mercredi 19 août 2009
Il faut considérer l'état mental de l'accusé pour déterminer si les déclarations ont été faites librement et volontairement
Ward c. Sa Majesté La Reine, [1979] 2 R.C.S. 30
Résumé des faits
Il s'agit d'une situation où une confession a été obtenue dans une auto-patrouille de la part d'une personne qui, après un accident de voiture, venait tout juste de reprendre conscience et était en état de choc
Analyse
A mon avis, il faut en outre, même lorsqu’on ne peut établir qu’il y a eu espoir d’un avantage ou crainte d’un préjudice, se demander si les déclarations ont été faites librement et volontairement, compte tenu de l’état mental de l’accusé au moment où il les a faites pour déterminer si elles reflètent l’état d’esprit conscient de l’accusé.
A mon avis, le juge Manning a pris en considération l’état physique et mental de l’accusé tout d’abord pour décider si une personne dans son état pouvait être influencée par l’espoir d’un avantage ou la crainte d’un préjudice en faisant les déclarations, alors qu’une personne normale ne l’aurait peut-être pas été et, deuxièmement, pour décider si, vu l’état mental et physique, on peut vraiment reconnaître dans ces paroles les propos d’un esprit totalement conscient
(...) l’état d’esprit d’une personne est un des facteurs dont il faut tenir compte en décidant du caractère volontaire d’une déclaration. Le juge Lieberman s’est formellement rallié à la déclaration du juge Rand dans l’arrêt Fitton, précité, à la p. 962:
[TRADUCTION] Les cas de torture ou de menaces de torture ou de promesses éhontées sont clairs; la situation se complique lorsque des éléments beaucoup plus subtils doivent être évalués. La force d’esprit et la volonté de l’accusé, l’effet de la détention, de l’environnement, la portée des questions ou de la conversation, tout cela exige une analyse minutieuse de leur rôle dans l’aveu et sert à la Cour pour déterminer si la déclaration a été libre et volontaire, c’est-à-dire exempte de l’influence d’un espoir ou d’une crainte qu’ils auraient pu susciter
Résumé des faits
Il s'agit d'une situation où une confession a été obtenue dans une auto-patrouille de la part d'une personne qui, après un accident de voiture, venait tout juste de reprendre conscience et était en état de choc
Analyse
A mon avis, il faut en outre, même lorsqu’on ne peut établir qu’il y a eu espoir d’un avantage ou crainte d’un préjudice, se demander si les déclarations ont été faites librement et volontairement, compte tenu de l’état mental de l’accusé au moment où il les a faites pour déterminer si elles reflètent l’état d’esprit conscient de l’accusé.
A mon avis, le juge Manning a pris en considération l’état physique et mental de l’accusé tout d’abord pour décider si une personne dans son état pouvait être influencée par l’espoir d’un avantage ou la crainte d’un préjudice en faisant les déclarations, alors qu’une personne normale ne l’aurait peut-être pas été et, deuxièmement, pour décider si, vu l’état mental et physique, on peut vraiment reconnaître dans ces paroles les propos d’un esprit totalement conscient
(...) l’état d’esprit d’une personne est un des facteurs dont il faut tenir compte en décidant du caractère volontaire d’une déclaration. Le juge Lieberman s’est formellement rallié à la déclaration du juge Rand dans l’arrêt Fitton, précité, à la p. 962:
[TRADUCTION] Les cas de torture ou de menaces de torture ou de promesses éhontées sont clairs; la situation se complique lorsque des éléments beaucoup plus subtils doivent être évalués. La force d’esprit et la volonté de l’accusé, l’effet de la détention, de l’environnement, la portée des questions ou de la conversation, tout cela exige une analyse minutieuse de leur rôle dans l’aveu et sert à la Cour pour déterminer si la déclaration a été libre et volontaire, c’est-à-dire exempte de l’influence d’un espoir ou d’une crainte qu’ils auraient pu susciter
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