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mardi 28 septembre 2010

La défense d’apparence de droit exposée par le juge Cournoyer

R. c. Gaudreau, 2010 QCCS 4351 (CanLII)

[22] La question de l’apparence de droit a été examinée par la Cour d'appel du Québec dans R. c. Investissements Contempra Ltée, qui mettait en cause l'entreprise Remorquage québécois à vos frais, accusée de vol et de méfait.

[23] Dans cette affaire, le juge Proulx écrit ce qui suit :

Avec beaucoup d'égard pour le premier juge, je ne crois pas qu'il était essentiel pour la solution du litige de déterminer si l'appelante avait réussi à démontrer qu'en droit civil elle pouvait prétendre non seulement à un droit de remorquage mais de rétention. En premier lieu, la question ultime à trancher était celle de la responsabilité pénale de l'appelante en regard des éléments essentiels de l'accusation et cette cour, dans le cadre de cet appel, n'est pas plus justifiée de se prononcer sur cette question quand ce n'est pas le forum approprié. En second lieu, comme j'entends le développer ci-après, la notion de l'apparence de droit ne s'appuie pas sur la prémisse que le droit, dont on veut se prévaloir, a été démontré mais plutôt sur la croyance honnête en un droit, fut-elle mal fondée en droit.

Une prise de position par le juge du procès était d'autant plus à éviter que, comme nous le verrons plus loin, il y avait en Cour provinciale (division des Petites créances) des jugements contradictoires sur la question du droit de rétention.

i) L'apparence de droit

En matière de vol, l'apparence de droit se situe au niveau de l'actus reus de l'infraction, qui est ainsi libellée :

(...)

D'une part, l'actus reus du vol consiste dans la prise ou le détournement, acte qui doit être posé à la fois frauduleusement et sans apparence de droit. La mens rea du vol, d'autre part, se distingue par la volonté de poser l'acte constituant l'actus reus, mais en plus par l'intention spécifique ou additionnelle décrite à l'un des sous-paragraphes a), b), c) ou d) de cet art. 322.

Je dois insister au départ sur cet aspect car le premier juge, comme je l'ai souligné ci‑haut, a limité le débat à la seule question de l'apparence de droit, sans s'interroger en plus sur l'intention spécifique, qui constitue également un élément essentiel de l'accusation qui doit être établi par la poursuite.

Il en est autrement quant à l'infraction de méfait (art. 430 C.cr.), dont l'appelante était également inculpée. En effet, le méfait défini à l'art. 430 C.cr. n'exige comme élément intentionnel que l'aspect "volontaire" de l'acte tandis qu'au par. (2) de l'art. 429 C.cr., il est expressément prévu que nul ne peut être déclaré coupable de méfait « s'il prouve qu'il a agi avec une justification ou une excuse légale et avec apparence de droit ». Cet élément constitue donc ici un moyen de défense à la charge d'un inculpé tandis qu'en matière de vol, c'est le poursuivant qui doit établir, au niveau de l'actus reus, l'absence de l'apparence de droit au moment de la prise ou du détournement.

La notion d'apparence de droit se présente sous deux volets, soit (1) la croyance honnête en un état de fait qui, s'il eût existé, aurait en droit justifié ou excusé l'acte reproché et (2) une croyance honnête mais erronée en un droit légal (et non moral). Le professeur Stuart, dans son traité, exprime son accord avec cette nuance faite par le juge Martin dans l'arrêt R. c. Demarco (arrêt qui incidemment fait maintenant jurisprudence sur la question) :

One who is honestly asserting what he believes to be an honest claim cannot be said to act 'without colour of right', even though it may be unfounded in law or in fact. ...The term 'colour of right' is also used to denote an honest belief in a state of facts which, if it actually existed would at law justify or excuse the act done. ...The term when used in the latter sense is merely a particular application of the doctrine of mistake of fact.

L'apparence de droit peut donc découler d'une erreur de fait ou d'une erreur de droit et là-dessus, le premier juge a bien fait ressortir cette distinction. Toutefois, et je reviens sur ce que j'ai amorcé antérieurement, il s'agira d'une croyance en un droit sincère et honnête, et peu importe donc que ce droit soit fondé ou non, il suffira que le droit invoqué ait une vraisemblance, une apparence, soit un "honest claim". Ce serait assez paradoxal d'exiger, quant à l'"apparence" de droit, la "reconnaissance" de ce droit[5].

[24] La Cour d'appel de Terre-Neuve examine la même question dans R. c. Watson. Le juge Cameron écrit ce qui suit :

The parties are agreed: (1) that s. 429(2) does not place a burden of proof upon the accused but rather it is for the Crown to establish the absence of legal justification or excuse and colour of right; and (2) that the section creates two (perhaps three) separate defences "legal justification or excuse" and "colour of right." In other words the "and" which precedes the words "colour of right" is read as "or." (See: R. v. Creaghan reflex, (1982), 1 C.C.C. (3rd) 449 (Ont C.A.) and R. v. Gamey reflex, (1993), 80 C.C.C. (3d) 117 (Man C.A.).) Neither party objects to the trial judge's instructions to the jury on these points.

Parenthetically, the trial judge also instructed the jury - as a matter of law - that the World Charter for Nature, did not constitute legal justification or excuse under s. 429(2). That instruction is not challenged in this appeal. A legal justification or excuse makes legal what would otherwise be a crime.

The most commonly used definition of colour of right is "an honest belief in a state of facts which, if it existed, would be a legal justification or excuse. (See: R. v. Johnson (1904), 8 C.C.C. 123 (Ont. H.C.)) As will be seen, this definition of colour of right, while accurate as far as it goes, does not really address whether colour of right extends to mistake of law which is at the heart of this appeal. However, certain characteristics of colour of right are well established and are not disputed by the parties. Those aspects are:

(1) that the defence is based on the honest belief of the accused that, at the time the offence was committed, he had a colour of right (Creaghan);

(2) that the test is a subjective one (R. v. Howson, [1966] 3 C.C.C. 348 (Ont. C.A.));

(3) that while the belief does not have to be a reasonable one the reasonableness of the belief is a factor for consideration by the jury in determining if there is an honest belief (R. v. Ninos and Walker, [1964] 1 C.C.C. 326 (N.S.S.C); see also Laskin J.A. in Howson); and

(4) that it is not sufficient that the accused had a moral belief in a colour of right (R. v. Hemmerly (1976), 30 C.C.C. (2d) 141 (Ont. C.A.) R. v. Cinq-Mars reflex, (1989), 51 C.C.C. (3d) 248 (Que. C.A.) and Gamey).

[25] Dans R. c. Manuel, la Cour d’appel de Colombie-Britannique applique les décisions de Howson et DeMarco, citées par le juge Proulx dans Investissements Contempra, de même que l'arrêt Watson. La juge Levine résume le critère en ces termes :

Both parties' arguments on appeal focused on the application of the defence of colour of right. There is no dispute concerning the definition of the defence: it is an honest belief in a state of facts or civil law which, if it existed, would negate the mens rea for the offence: see R. v. Watson 1999 CanLII 13906 (NL C.A.), (1999), 137 C.C.C. (3d) 422 at para. 23 (Nfld. C.A.); R. v. DeMarco (1973), 13 C.C.C. (2d) 369 at 372 (Ont. C.A.); R. v. Howson, [1966] 3 C.C.C. 348 at 356-57 (Ont. C.A.).

Section 429(2) of the Code provides that the defence of colour of right applies to offences under ss. 430 to 446. The Code does not expressly provide, however, that the defence applies to the charge of intimidation under s. 423, of which the appellants were convicted.

In written submissions following the hearing of the appeal, both parties clarified their positions on the defence claimed. They agree that the appellants' defence to the intimidation charge was "mistake of fact", and that for the purposes of this case, the definition of the defences of colour of right and mistake of fact are the same.

Mistake of fact is a common law defence preserved by s. 8(3) of the Code: see R. v. Roche reflex, (1985), 20 C.C.C. (3d) 524 at 532 (Ont. C.A.); R. v. Tolson (1889), 23 Q.B.D. 168 at 181, quoted in R. v. Pappajohn, 1980 CanLII 13 (S.C.C.), [1980] 2 S.C.R. 120 at 147.

The defence of mistake of fact is established if the accused has an honest belief in the existence of circumstances which, if true, would negate the mens rea of the offence: Pappajohn at 147-148; R. v. Davidson (1971), 3 C.C.C. (2d) 509 at 515 (B.C.C.A.). One aspect of the mens rea for intimidation is that the accused acted "for the purpose of compelling another person to abstain from doing anything that he or she has a lawful right to do" (s. 423(1)). The appellants argued that if they acted under the honest belief that they were entitled to block the road because the land belongs exclusively to their people, they would not have the required mens rea. They would not have been acting with the intent to compel the motorists to abstain from doing something the motorists had a lawful right to do.

[26] Dans son traité, le professeur Stuart décrit la défense d'apparence de droit en ces termes :

In the case of offences in which the colour of right defence operates, the requirements of the defence are now reasonably clear. There must be a mistake rather than simple ignorance, advertence rather than not thinking at all. It is accepted that the belief must be as to a legal rather than a moral right. Since the offences for which the defence is available are full mens rea offences and none of the colour of right clauses import reasonableness, it is not surprising that the courts have, at least recently consistently required that the mistake be honest and not necessarily reasonable. Mistakes grounding successful claims of right have indeed involved mistakes as to civil law or, as it has been put, mistakes of private rather than public rights. This has been suggested to be a requirement of the English law of colour of right, and there are recent decisions to this effect in Canada. It has never been explained why this distinctions should be made. It is not sef‑evident why a belief based on an out‑of‑date criminal law text that it is not stealing to take another's title deeds without permission will not ground a claim of right, whereas a belief based on a misunderstanding of the law of property that another is witholding your title deeds, will. Greater receptivity to excusing mistakes as to private law might nevertheless account for the historical tendency in England, reflected in our Code, to allow colour of right defences almost exclusively in the area of property offences.

[27] Dans la quatrième édition de l'ouvrage Criminal Law par Manning, Mewett et Sankoff, les auteurs énoncent le critère subjectif qui doit être utilisé :

After this judgment, it became common to assert that there were two prerequisites for any successful claim of mistake: honesty and reasonableness. A bona fide or honest mistake merely means that it must be a mistake that the accused was actually labouring under. The reasonableness of the mistake is a totally different concern since it imposes an objective standard that deprives the accused of the ability to rely upon the mistake where it was an unreasonable one to make. As we discussed in an earlier chapter, this standard is highly objectionable, as it judges the accused's mental state on an objective basis, and has the potential to convict the accused in the absence of subjective knowledge of the relevant facts. It is now clear that, whatever the older cases said, a reasonableness test is not required. In Pappajohn, six of seven judges in the Supreme Court concurred in the view that while a mistake of fact had to be honest, there was no requirement for it to be reasonable.

This does not mean that the reasonableness of the accused's mistake is an irrelevant concern. As Cartwright J. stated in Beaver, it is for the trier of fact to determine whether the accused was honestly mistaken, which involves drawing inferences from all the evidence presented and considering one's experience, common sense and logic. The more unreasonable the inference the trier of fact is asked to draw, the less likely it is that it will be drawn. As a result, if the mistake is one that the ordinary reasonable person would not have made it is less likely that the jury will believe that the accused was mistaken. As a matter of law, however, it remains open for the jury to find that the accused was unreasonably mistaken, or at least have a doubt about the matter. What is essential is that jurors not be left with the impression that they cannot find of the accused unless they conclude that the mistake was reasonable.

It is not an error, however, to instruct the jury that the reasonableness of the mistake be taken into consideration. Indeed, section 265(4), which applies to all cases of assault, though it seems clear that it is directed specifically to sexual assault, mandates the following:

Where an accused alleges that he believed that the complainant consented to the conduct that is the subject‑matter of the charge, a judge, if satisfied that there is sufficient evidence and that, if believed by the jury, the evidence would constitute a defence, shall instruct the jury, when reviewing all the evidence relating to the determination of the honesty of the accused's belief, to consider the presence or absence of reasonable grounds for that belief.

samedi 25 septembre 2010

Les éléments constitutifs de l'infraction de leurre et certains paramètres à considérer

R. c. Levigne, 2010 CSC 25 (CanLII)

[23] L’article 172.1 interdit l’utilisation d’un ordinateur pour communiquer avec une personne n’ayant pas atteint l’âge fixé ou que l’accusé croit telle en vue de faciliter la perpétration à son égard des infractions sexuelles énumérées. Rappelons‑le, il est ici question des al. 172.1(1)a) et c), qui comportent tous deux trois éléments : (1) une communication intentionnelle au moyen d’un ordinateur; (2) avec une personne n’ayant pas atteint l’âge fixé « ou qu’il croit telle », (3) dans le dessein précis de faciliter la perpétration à son égard d’une infraction secondaire énumérée.

[32] Voici quel devrait être le résultat de l’effet combiné des par. (3) et (4), pris ensemble et interprétés à la lumière de l’objet général de l’art. 172.1 :

1. Lorsque la personne avec laquelle l’accusé communique au moyen d’un ordinateur (l’« interlocuteur ») lui a été présentée comme n’ayant pas atteint l’âge fixé, l’accusé est présumé l’avoir cru telle.

2. Cette présomption est réfutable : elle sera écartée par une preuve contraire établissant notamment que l’accusé a pris des mesures raisonnables pour s’assurer de l’âge réel de l’interlocuteur. Les mesures prises, considérées objectivement, doivent être raisonnables dans les circonstances.

3. La poursuite échouera si l’accusé a pris des mesures raisonnables pour s’assurer de l’âge de son interlocuteur et croyait que celui‑ci avait atteint l’âge fixé. À cet égard, le fardeau de présentation de la preuve incombe à l’accusé, mais le fardeau de persuasion repose sur le ministère public.

4. Ces éléments de preuve vont à la fois constituer une « preuve contraire » au sens du par. 172.1(3) et établir que les « mesures raisonnables » exigées au par. 172.1(4) ont été prises.

5. Lorsque l’accusé s’est déchargé de son fardeau, il doit être acquitté s’il subsiste un doute raisonnable dans l’esprit du juge des faits quant à savoir si l’accusé croyait en réalité que son interlocuteur avait atteint l’âge fixé.

Certaines décisions relatives à la détermination de la peine concernant l'infraction de leurre

R. c. Stone, 2010 QCCQ 7926 (CanLII)

[67] R. c. Jarvis 2006 CanLII 27300 (ON C.A.), [2006] O.J. No. 3242, 211 C.C.C. (3d) 20 (C.A.O.)

- Infraction à l'article 172.1(2) du Code criminel.

- Accusé 22 ans et jeune fille de 13 ans (policière under-cover).

- Plaidoyer de culpabilité.

- Discussions sur internet. Envoie de ses photos à caractère pornographique. Arrête une rencontre à laquelle il se rend muni d'un condom dans ses poches.

- Le juge a imposé une peine de six mois d'emprisonnement ferme et une probation de trois ans.

- Sentence maintenue en appel.

[68] R. v. Horeczy [2006] M.J. No. 444

- Infraction à l'article 172.1(2) du Code criminel. Sept chefs d'accusation.

- Accusé 42 ans et sept enfants entre 13 et 15 ans.

- L'accusé a menti sur son âge. Il a organisé des rencontres avec deux victimes.

- Plaidoyer de culpabilité. Absence d'antécédents judiciaires.

- Manque d'introspection face à ses problèmes personnels et prédisposition à la déviance.

- Le juge a imposé une peine de 15 mois d'emprisonnement et 3 ans de probation.

[69] R. c. Jepson [2004] O.J. No. 5521 (Cour supérieure de l'Ontario)

- Infraction à l'article 172.1 du Code criminel.

- Accusé 44 ans et jeune fille de 13 ans (policière under-cover).

- Discussions sur Internet pendant trois semaines. L'accusé donne un rendez-vous à un restaurant où il est arrêté.

- Absence d'antécédents judiciaires. Faible risque de récidive.

- Pédophilie légère. Thérapie entreprise.

- Le juge impose 12 mois d'emprisonnement ferme et une probation de trois ans.

[70] R. v. Folino 2005 CanLII 40543 (ON C.A.), [2005] O.J. No 4737, 202 C.C.C. (3d) 353 (Cour d'appel d'Ontario)

- Infraction à l'article 172.1 du Code criminel.

- Accusé 35 ans. Communication pendant trois semaines avec une jeune fille de 13 ans (policière under-cover).

- Envoie par l'accusé d'une de ses photos à caractère pornographique par Internet. Il fixe un rendez-vous où il est arrêté.

- Absence d'antécédents judiciaires. Démarche thérapeutique pour le stress, était en dépression majeure. Aucune déviance sexuelle notée. Risque de récidive négligeable.

- Peine de 9 mois d'emprisonnement ferme modifiée en appel à 18 mois à être purgée dans la collectivité.

[71] R. c. Gurr [2007] B.C.J. No. 2325 (British Columbia Supreme Court)

- Possession de pornographie juvénile (art. 163.1(4) C.cr.);

- leurre (art. 172.1(1)c) C.cr.);

- au moment de la sentence, l'accusé était âgé de 33 ans;

- l'accusé produisait et distribuait des "prospectus" à des jeunes filles dans lesquels il leur proposait de devenir mannequin;

- les jeunes filles pouvaient par la suite communiquer avec l'accusé par courriel;

- un des « prospectus » est tombé entre les mains de la police;

- une des policières s'est fait passer pour une jeune fille de 13 ans, a envoyé un courriel à l'accusé, lequel lui a demandé de le rencontrer dans une chambre de motel afin qu'il prenne des photos d'elle;

- à son arrivée au motel, l'accusé fut arrêté par la police en possession des clés de la chambre, de contrats de mannequin, une caméra, 3 condoms et du lubrifiant.

Le tribunal ordonne la sentence suivante :

- 3 mois d'emprisonnement pour possession de pornographie juvénile;

- 12 mois d'emprisonnement pour leurre, concurrents.

[72] R. c. Aubut [2008] J.Q. no 8647

- L'accusé a plaidé coupable à deux chefs d'accusation de leurre avec une personne de 15 ans sur une période de deux jours et un chef de contacts sexuels avec cette même personne.

- L'accusé se fait passer pour une fille de 20 ans et propose de travailler dans le domaine de la pornographie pour 800 $ à 2 000 $ par semaine.

- Il informe l'adolescente qu'elle devra rencontrer son patron soit lui-même.

- Lors de la rencontre dans un motel, il a deux relations sexuelles complètes et une fellation avec l'adolescente.

- Le Tribunal lui impose 12 mois d'emprisonnement sur le chef de leurre et 18 mois consécutifs sur le chef de contacts sexuels.

[73] Il s'agit d'une énumération non limitative des décisions en semblable matière. Chacune comporte son unicité comme cela doit être le cas de la présente décision puisqu'elle s'applique à la fois à des faits particuliers et à un individu particulier.

L'état du droit concernant la tentative

R. c. Savaresse-Belapatino, 2007 QCCQ 1251 (CanLII)

La tentative pour commettre une infraction peut se définir comme un acte criminel interrompu. C’est une infraction qui précède la perpétration réelle d’un crime.

L’Honorable juge E.G. Ewaschuk, Criminal Pleadings and Practices in Canada, Second Edition, The Cartwright Group Ltd., 2006, mis-à-jour jusqu’au 28 février 2007, para. 20 :001.

L’intention criminelle de la tentative est expressément énoncée à l’article 24(1) du Code criminel. L’article 24(1) C.cr. exige une intention spécifique de commettre une infraction.

L’article 24(1) C.cr. prévoit qu’une personne commet une tentative si elle « fait ou omet de faire quelque chose pour arriver à son but ». Le deuxième paragraphe de l’article précise que les actes préparatifs ou trop éloignés de la perpétration de l’infraction ne seront pas suffisants pour constituer l’actus reus de la tentative.

Dans l’arrêt États-Unis d’Amérique c. Dynar, la Cour suprême définie la tentative comme le suivant :

« À notre avis, le par. 24(1) est clair: le crime de tentative consiste en l'intention de commettre l'infraction, constituée dans tous ses éléments, jointe à l'accomplissement d'actes dépassant le stade des actes simplement préparatoires à l'infraction. Cette proposition s'appuie sur de nombreuses décisions. Voir, p. ex., R. c. Cline (1956), 115 C.C.C. 18 (C.A. Ont.), à la p. 29; R. c. Ancio, 1984 CanLII 69 (C.S.C.), [1984] 1 R.C.S. 225, à la p. 247; R. c. Deutsch, 1986 CanLII 21 (C.S.C.), [1986] 2 R.C.S. 2, aux pp. 19 à 26; R. c. Gladstone, 1996 CanLII 160 (C.S.C.), [1996] 2 R.C.S. 723, au par. 19. En l'espèce, suffisamment d'éléments de preuve ont été produits pour établir que M. Dynar avait l'intention de commettre l'infraction de recyclage des produits de la criminalité et qu'il a pris des moyens, qui ne sont pas simplement des actes préparatoires, pour concrétiser son intention. Cela suffit pour établir qu'il a tenté de recycler des produits de la criminalité en contravention du par. 24(1) du Code criminel. »

États-Unis d’Amérique c. Dynar, 1997 CanLII 359 (C.S.C.), [1997] 2 R.C.S. 462, para. 50.

L'état du droit concernant l'infraction de complot

R. c. Savaresse-Belapatino, 2007 QCCQ 1251 (CanLII)

«De façon générale, le complot peut être défini comme étant l’existence simultanée, chez au moins deux personnes, d’une entente pour réaliser un objet et de l’intention véritable d’atteindre cette fin.

L’Honorable juge Jean-Guy Boilard, Manuel de preuve pénal, Cowansville (Qc), Éditions Yvon Blais, mis-à-jour au 30 mars 2006, para. 7.010.

Il n’est pas nécessaire que tous les membres du complot connaissent l’identité et le rôle joué par tous les autres membres du complot. Il suffit que les membres du complot aient la connaissance de la nature du complot général. À cet égard, la Cour d’appel d’Ontario mentionne dans l’arrêt R. c. McNamara :

« …It was not, of course, necessary for the Crown to prove that the appellants knew the identities of other parties to the common design, or the precise details of the agreement. If the jury found that the requisite guilty knowledge was brought home to the appellants, the jury could readily draw the ultimate conclusion that the appellants were participants in the conspiracy.”

R. c. McNamara reflex, (1981) 56 C.C.C. (2d) 193, p. 453, (Ont. C.A.), p. 209 sur 244 de la version imprimée de Quicklaw, confirmé par la Cour suprême. 1985 CanLII 32 (C.S.C.), [1985] 1 R.C.S. 662.

L’arrêt R. c. Carter propose la démarche d’analyse suivante pour déterminer la culpabilité d’un accusé à un complot :

(1) Premièrement, existe-t-il une preuve hors de tout doute raisonnable de l’existence d’un complot?

(2) Deuxièmement, si oui, existe-t-il une preuve directement recevable (i.e. exception faite des actes ou des déclarations des co-conspirateurs) contre l’accusé qui rend probable la participation de l’accusé au complot?

(3) Troisièmement, si oui, l’ensemble de la preuve établit-elle hors de tout doute raisonnable la culpabilité de l’accusé à l’infraction qui lui est reprochée ?

R. c. Carter, 1982 CanLII 35 (S.C.C.), [1982] 1 S.CR. 938, para. 11.

1. L’existence d’un complot hors de tout doute raisonnable.

À la première étape de l’analyse Carter, la poursuite doit prouver hors de tout doute raisonnable, l’existence du complot tel qu’énoncé au chef d’accusation. Toute preuve pertinente est admissible en preuve pour démontrer l’existence du complot, incluant les actes manifestes et les déclarations des conspirateurs.

R. c. Carter, 1982 CanLII 35 (S.C.C.), [1982] 1 S.CR. 938.

L’existence de l’entente peut être inférée de cette preuve, tel que le déclare madame le juge Charron dans R. c. Gassyt :

"[…] I would think it would have been the rare case where direct evidence would be available that the conspirators met, discussed and actually agreed to carry out a common unlawful purpose. A conspiracy is more likely to be proven by evidence of overt acts and statements by the conspirators from which the prior agreement can be logically inferred.”

R. c. Gassyt, 1998 CanLII 5976 (ON C.A.), (1998) 127 C.C.C. (3d) 546 (Ont. C.A), para. 17, permission d’appeler à la Cour suprême refusée.

À cette étape, il n’est pas nécessaire de connaître l’identité de tous les conspirateurs. À cet effet, le juge McIntyre, pour la Cour suprême mentionne dans l’arrêt R. c. Barrow :

"[…] Il est tout à fait possible et loin d’être rare que l’on soit convaincu hors de tout doute raisonnable, d’après l’ensemble de la preuve soumise, qu’un complot, pour les fins alléguées dans l’acte d’accusation, a existé, tout en demeurant dans l’incertitude quant à l’identité de toutes les personnes qui y ont participé. Une fois qu’on a compris cela il devient évident que l’argument de l’appelant est sans fondement. Au cours de cette première étape, ce qui est examiné, c’est l’existence du complot, et non pas l’identité de ceux qui y ont participé. […]”

R. c. Barrow, 1987 CanLII 11 (C.S.C.), [1987] 2 R.C.S. 694, para. 74; décision des juges McIntyre et LeDain, dissidents sur d’autres points.

(2) La participation de l’accusé au complot.

À la seconde étape de l’analyse Carter, la poursuite doit prouver la participation probable de l’accusé au complot. Le fardeau de preuve est celui de la balance de probabilité.

R. c. Carter, 1982 CanLII 35 (S.C.C.), [1982] 1 S.CR. 938.

La participation probable de l’accusé est déterminée en regardant la preuve recevable contre l’accusé-même; cette preuve doit être examinée en considérant le contexte. À cet effet, la cour d’appel de l’Île-du-Prince-Édouard affirme dans l’arrêt R. c. Doucette :

«[…]It is also important to bear in mind that the words and actions of the accused ought to be interpreted and considered in the context of the surrounding circumstances in which they occur. Although an accused can only become a member of a conspiracy by his own acts or declarations, that does not mean that what he says or does is to be viewed in isolation or without reference to the milieu in which they occur or that they cannot be interpreted against the picture provided by the acts of the alleged co-conspirators. In order to give meaning or to gain a proper appreciation of an accused’s own acts and declarations, it is permissible for the tier of fact to consider them in the context of the interaction with and among others.”

R. c. Doucette, (2003) P.E.I.J. No. 27, para. 13

Voir aussi R. c. Filiault and Kane, reflex, (1981) 63 C.C.C. (2d) 321 (Ont. C.A.), p. 5 et 6 de la version imprimée de Quicklaw, confirmé par la Cour suprême 1984 CanLII 72 (S.C.C.), [1984] 1 S.C.R. 387.

(3)L'ensemble de la preuve établit-elle hors de tout doute raisonnable la culpabilité de l’accusé

À la troisième étape de l’analyse Carter, la poursuite doit prouver hors de tout doute raisonnable la participation de l’accusé au complot. A cette étape, l’exception à la règle du ouï-dire s’applique et les actes posés et les déclarations faites par les co-conspirateurs en vue de réaliser les objets du complot sont recevables contre l’accusé. Il s’agit de l’exception communément connue sous le nom « l’exception au ouï-dire, les actes manifestes ».

R. c. Carter, 1982 CanLII 35 (S.C.C.), [1982] 1 S.CR. 938, para. 11

Règles précises quant à l’admissibilité de documents et/ou de communications interceptées

À la deuxième étape de l’analyse Carter, le contenu d’un document est admissible contre son auteur. Par ailleurs, la connaissance du contenu du document est admissible contre la personne l’ayant en sa possession.

L’Honorable juge E.G. Ewaschuk, Criminal Pleadings and Practices in Canada, Second Edition, The Cartwright Group Ltd., 2006, mis-à-jour jusqu’au 28 février 2007, para. 19:4130.

À la troisième étape de l’analyse Carter, un document, s’il est fait en vue de réaliser un ou des objets du complot, est recevable contre tous les conspirateurs.

L’Honorable juge E.G. Ewaschuk, Criminal Pleadings and Practices in Canada, Second Edition, The Cartwright Group Ltd., 2006, mis-à-jour jusqu’au 28 février 2007, para. 19:4130.

De la même façon, dans le cadre de la deuxième étape de l’arrêt Carter, le contenu d’une communication interceptée est admissible contre le déclarant alors que la connaissance de son contenu peut être imputée au récepteur. Ce n’est qu’à la troisième étape de l’analyse Carter que la communication interceptée est admissible contre les conspirateurs n’ayant pas participé à la communication en tant que tel, pourvu que la communication soit faite en vue de réaliser un ou des objets du complot.

L’Honorable juge E.G. Ewaschuk, Criminal Pleadings and Practices in Canada, Second Edition, The Cartwright Group Ltd., 2006, mis-à-jour jusqu’au 28 février 2007, para. 19 : 4130.

Les gestes et déclarations des conspirateurs non-accusés

Un geste ou une déclaration fait par un conspirateur non-accusé, appelé ou non comme témoin au procès, est admissible à la troisième étape de l’analyse Carter uniquement s’il est probable que ce dernier ait participé au complot tel qu’exigé par la deuxième étape de l’analyse Carter.

R. v. Cloutier, [1940] S.C.R. 131, p. 5 de la version imprimée de Quicklaw.

R. v. Gassyt, 1998 CanLII 5976 (ON C.A.), (1998) 127 C.C.C. (3d) 546 (Ont. C.A.), para. 22, permission d’appeler à la Cour suprême refusée

Droit quant à la participation d’un conspirateur se joignant à un complot existant

Si une personne adhère à un complot existant, elle devra avoir la connaissance de la nature du complot et l’intention de réaliser l’objet illégal. Cependant, il n’est pas nécessaire qu’elle connaisse toutes les modalités d’exécution du projet.

Les États-Unis d’Amérique c. Tavormina, 1996 CanLII 5995 (QC C.A.), (1996) 112 C.C.C. (3d) 563 (C.A. Qué.), para. 13

Voir aussi R. c. Lamontagne, (1999) J.Q. no 5416 (C.A. Qué.), para. 41.

vendredi 24 septembre 2010

L'état du droit sur l’interpellation d’une personne pour des motifs reliés à la conduite automobile

R. c. Élie, 2010 QCCQ 7630 (CanLII)

[9] Dans une décision rendue le 16 février 2010, dans R. c. Vinet, 2010 QCCQ 1095 (CanLII), 2010 QCCQ 1095, mon collègue le juge S. Mascia, aux paragr. 12 à 17, résume bien l’état du droit sur l’interpellation d’une personne pour des motifs reliés à la conduite automobile. En voici quelques extraits :

[12] L'article 636 du Code de la sécurité routière (ci-après, C.s.r.) se lit comme suit :

Un agent de la paix, identifiable à première vue comme tel, peut, dans le cadre des fonctions qu'il exerce en vertu du présent Code, (…), exiger que le conducteur d'un véhicule routier immobilise son véhicule. Le conducteur doit se conformer sans délai à cette exigence.

[13] Les tribunaux d'instance supérieure sont venus, à maintes reprises, affirmer le fait que les policiers ont le droit d'intercepter au hasard des véhicules automobiles. Par ailleurs, les agents de la paix doivent avoir un motif précis pour procéder à cette interception, lequel doit obligatoirement être relié à la sécurité routière. La vérification de la sobriété des conducteurs, de la validité du permis de conduire, de l'immatriculation, des assurances ainsi que de l'état mécanique du véhicule sont des motifs considérés comme étant valables.

[14] […]

[15] Par la suite, dans R. c. Ladouceur, le plus haut tribunal du pays a entendu une affaire similaire, mais contrairement à Hufsky où il était question d'un programme de contrôle routier structuré, il s'agissait ici de vérification de routine au hasard. La Cour [suprême] a reconnu, à l'unanimité, qu'il y avait eu violation de l'article 9 de la Charte. Cependant, les juges majoritaires ont considéré que l'article premier de ladite Charte justifiait la disposition ontarienne autorisant les policiers à intercepter les véhicules automobiles au hasard.

[16] Le Juge Cory, expliquant la légitimité du but poursuivi, indiquait :

La preuve révèle également une préoccupation urgente et réelle plus spécifique en ce qui concerne des aspects particuliers et précis de la conduite automobile.

[…] Le bon état mécanique du véhicule, la possession d'un permis de conduire valide et d'une preuve d'assurance appropriée ainsi que la sobriété du conducteur constituent les trois principaux sujets de préoccupation particuliers.

[…] Il s'agit donc d'un but très légitime à atteindre par voie législative de manière à contrôler et à éliminer ces facteurs dangereux et à réduire ainsi le nombre effroyable des victimes d'accidents de la route (paragraphe 44).

[17] Selon les principes émis dans Ladouceur, les policiers ne peuvent interpeller des personnes que pour des motifs fondés sur la loi, en l'espèce des motifs relatifs à la conduite d'une automobile comme la vérification du permis de conduire, des assurances et de la sobriété du conducteur ainsi que de l'état mécanique du véhicule.

[10] Dans R. c. Soucisse, [1994] J.Q. no 544, la Cour d’appel du Québec a reconnu la validité constitutionnelle de l’art. 636 du Code de la sécurité routière. L’auteur Karl-Emmanuel Harrison, dans son volume Capacités affaiblies : Principes et application, 2e éd., 2009, chap. 1, p. 4, au paragr. 7, résume la substance de cet arrêt de la façon suivante :

[7] […] [E]lle [La Cour d’appel] a indiqué que, pour procéder à une interception, il n’est pas nécessaire que l’agent de la paix ait des motifs de croire qu’une infraction à ce code [CSR] a été commise ou est sur le point de l’être. Bien que le pouvoir général d’interception, sans motif et en dehors de programmes structurés, entraîne une détention arbitraire, l’atteinte est justifiée dans le cadre d’une société libre et démocratique.

Ce que le tribunal doit évaluer pour apprécier la crédibilité et la fiabilité d’un témoin

R. c. J.C., 2010 QCCQ 7735 (CanLII)

[64] L’analyse de la version de la défense ne doit pas se faire dans l’abstrait, en ne considérant que cette version, mais à la lumière de l’ensemble de la preuve.

[65] En tentant d’apprécier la crédibilité et la fiabilité d’un témoin le Tribunal examine l’intégrité générale et l’intelligence du témoin ainsi que ses facultés d’observation, la capacité de sa mémoire et l’exactitude de sa déposition. Le témoin essaie-t-il de bonne foi de dire la vérité, est-il sincère et franc? A-t-il des préjugés? Est-il réticent, évasif ou répond-il de façon spontanée, sans calcul? Ses énoncés sont-ils improbables ou déraisonnables? S’est-il contredit ou existe-t-il des faits qui le contredisent? Sa crédibilité a-t-elle été attaquée? Sa conduite devant le Tribunal apporte-t-elle des indices pour croire qu’il dit des faussetés? Est-il hésitant, ses réponses sont-elles précises ou vagues, complètes ou parcellaires? Le témoin admet-il sans difficulté des éléments qui peuvent le discréditer ou son témoignage n’est-il qu’une attaque ininterrompue de la partie adverse? Y a-t-il des preuves qui confirment ou corroborent sa version?

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Les déclarations d'un accusé à son complice ne sont pas du ouï-dire

R v Ballantyne, 2015 SKCA 107 Lien vers la décision [ 58 ]             At trial, Crown counsel attempted to tender evidence of a statement m...