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vendredi 26 août 2011

Comment le Tribunal doit gérer le jeune âge de l'accusé et l'absence d'antécédent judiciaire lors de la détermination de la peine

R. c. Martel, 2011 QCCQ 8819 (CanLII)

[90] Le Tribunal considère les circonstances atténuantes suivantes :

1) L'accusé avait 20 ans au moment de l'accident ;

Tel que le citait l'honorable Beaulieu, dans l'affaire Perry:

S'il est vrai que jeunes et vieux ont les mêmes responsabilités lorsqu'ils sont au volant d'un véhicule et qu'ils sont égaux devant la loi, il y a cependant lieu de tenir compte de l'âge lorsque vient le temps de déterminer la peine. On ne peut exiger de la part d'un jeune adulte la même maturité que celle d'un contrevenant plus âgé, plus expérimenté. En espèce, l'immaturité attribuable au jeune âge de l'accusé a directement contribué à la conduite téméraire qui a occasionné le présent délit.

Sous un autre angle, la Cour d'appel, à maintes occasions et notamment dans R. c. Glaude, rappelle l'importance du facteur de réhabilitation lorsqu'il s'agit d'un jeune délinquant qui en est à un premier délit :

… les juges, dans l'examen de la peine la plus adéquate, tiendront compte du fait que fréquemment les très jeunes gens sont facilement influençables et font preuve d'un manque de maturité. Or dans cette perspective, les tribunaux, dans le but d'assurer la réhabilitation de ces jeunes adultes délinquants, se montrent cléments et évitent généralement de les placer dans un milieu carcéral où les détenus purgent de longues peines et sont souvent lourdement criminalisés.

2) L'absence d'antécédents judiciaires ;

Ce motif doit demeurer un facteur atténuant, tel que le reconnaît la Cour d'appel dans Camiré c. R.:

Même si la jurisprudence reconnaît que ce genre d'infraction est souvent perpétré par des citoyens sans antécédents judiciaires, cela ne signifie pas, d'une part, qu'ils sont «plus susceptibles» que d'autres de la commettre et que, d'autre part, ils ne méritent pas, pour cette raison, de bénéficier de cette circonstance atténuante. L'absence d'antécédents judiciaires, conjuguée au jeune âge de l'appelant, constitue certes une circonstance que le juge ne pouvait ignorer et dont il devait faire bénéficier l'appelant…

Revue de la jurisprudence concernant l'infraction d'homicide involontaire coupable

R. c. Brassard, 2011 QCCQ 8719 (CanLII)

[39] Les principes que nous venons d'énoncer, plus particulièrement ceux retenus par notre Cour d'appel dans Salamé, précité, s'appliquent également à l'infraction d'homicide involontaire coupable.

[40] Les arrêts Creighton et Gosset, précités, traitent plus précisément de l'homicide involontaire coupable. De ces deux arrêts, on peut dégager les exigences suivantes :

• il faut une conduite constituant un acte illégal ;

• que l'acte illégal a causé la mort de la victime ;

• que l'acte illégal n'est pas une infraction de responsabilité absolue ;

• que l'acte illégal est objectivement dangereux, c'est-à-dire de nature à causer des lésions corporelles;

• il faut une prévisibilité objective du risque de mort et que l'accusé avait une capacité de prévoir le risque de mort découlant de l'activité illégale.

[41] Dans Creighton, Madame la juge McLachlin décrit bien les questions à se poser en matière de négligence pénale :

On doit se demander en premier lieu si l'actus reus a été prouvé. Il faut pour cela que la négligence représente dans toutes les circonstances de l'affaire un écart marqué par rapport à la norme de la personne raisonnable. Cet écart peut consister à exercer l'activité d'une manière dangereuse ou bien à s'y livrer alors qu'il est dangereux de le faire dans les circonstances.

Se pose ensuite la question de savoir si la mens rea a été établie. Comme c'est le cas des crimes comportant une mens rea subjective, la mens rea requise pour qu'il y ait prévision objective du risque de causer un préjudice s'infère normalement des faits. La norme applicable est celle de la personne raisonnable se trouvant dans la même situation que l'accusé. Si une personne a commis un acte manifestement dangereux, il est raisonnable, en l'absence d'indications du contraire, d'en déduire qu'elle n'a pas réfléchi au risque et à la nécessité de prudence. L'inférence normale peut toutefois être écartée par une preuve qui fait naître un doute raisonnable quant à l'absence de capacité d'apprécier le risque. Ainsi, si l'actus reus et la mens rea sont tous deux établis au moyen d'une preuve suffisante à première vue, il faut se demander en outre si l'accusé possédait la capacité requise d'apprécier le risque inhérent à sa conduite. Dans l'hypothèse d'une réponse affirmative à cette dernière question, la faute morale nécessaire est établie et un verdict de culpabilité peut à bon droit être rendu contre l'accusé. Dans l'hypothèse contraire, c'est un verdict d'acquittement qui s'impose.

(…)

Je conclus donc que la norme de diligence juridique pour tous les crimes de négligence est celle de la personne raisonnable. Les facteurs personnels n'ont aucune pertinence, si ce n'est relativement à la question de savoir si l'accusé avait la capacité requise pour apprécier le risque.

[42] Quant au caractère illégal de l'acte, la jurisprudence a déjà déterminé que cet acte ne doit pas être interprété littéralement de manière à comprendre toute violation d'une loi fédérale, provinciale ou municipale. Il doit s'agir d'un acte que toute personne raisonnable reconnaîtrait inévitablement comme étant susceptible de faire du tort à une autre personne

Revue de la jurisprudence concernant l'infraction d'usage négligent d'une arme à feu

R. c. Brassard, 2011 QCCQ 8719 (CanLII)

[43] L'article 86 C. cr. vise l'atteinte de l'objectif suivant :

Cette disposition vise à protéger les personnes contre les actes de négligence, susceptibles d'entraîner des lésions corporelles pour autrui. Parce que les armes à feu et les munitions peuvent occasionner des blessures graves ou une perte de vie, le législateur a reconnu qu'il importe que les personnes en possession de ces articles aient l'obligation de les utiliser, de les porter, de les manipuler, de les expédier ou de les entreposer d'une manière prudente et sûre.

[44] Dans l'arrêt Gosset, précité, la question posée par la Cour est la suivante : quel est le critère approprié pour déterminer ce en quoi consiste la «négligence» dans le contexte du par. 86(2) du Code criminel lorsqu'elle est l'infraction sous‑jacente de l'infraction d'homicide involontaire coupable résultant d'un acte illégal?

[45] L'analyse de la jurisprudence faite par le juge en chef Lamer l'amène à conclure que le critère à utiliser pour déterminer si la négligence a été établie ou non, doit être objectif. Dans l'arrêt Finlay, rendu le même jour, le juge en chef précise ce critère objectif. Il s'exprime ainsi :

Le critère objectif de la négligence est étudié dans l'arrêt R. c. Gosset, [1993] 3 R.C.S. 000, rendu simultanément. Dans cet arrêt, j'ai conclu que l'interprétation adéquate de l'élément de faute en vertu du par. 86(2) est la conduite qui constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu'observerait une personne raisonnablement prudente. S'il existe un doute raisonnable soit que la conduite en question ne constituait pas un écart marqué par rapport à la norme de diligence, soit que les précautions raisonnables ont été prises pour s'acquitter de l'obligation de diligence dans les circonstances, il faut prononcer un verdict d'acquittement. Dans Gosset, j'ai conclu que l'évaluation objective de la faute devait également prendre en considération la capacité d'un accusé de satisfaire à la norme de diligence requise dans les circonstances et sa possibilité de contrôler ou de compenser ses lacunes. Il n'y a toutefois pas d'«inversion de la charge de la preuve» qui imposerait à un accusé d'établir selon la prépondérance des probabilités qu'il a exercé une diligence raisonnable permettant d'écarter une imputation de faute en vertu du par. 86(2).

Comme je l'indique dans l'arrêt Gosset, il faut faire une distinction entre la négligence civile et la négligence «pénale». Dans le contexte de la négligence pénale, où une conclusion d'insouciance peut entraîner une peine d'emprisonnement, l'évaluation de la responsabilité ne va plus, comme c'est le cas en matière civile, dans le sens de la répartition de la perte; cette évaluation se rattache plutôt à la sanction de la conduite moralement blâmable, afin d'éviter de punir les personnes qui n'auraient pu agir autrement.

Pour être conforme au principe de justice fondamentale voulant que la personne moralement innocente ne soit pas privée de sa liberté, l'évaluation objective de la faute en vertu du par. 86(2) doit permettre que l'existence d'un doute raisonnable quant à savoir si l'accusé a pris suffisamment de précautions pour éviter de créer des risques ou s'il avait la capacité de satisfaire à la norme de diligence qu'observerait une personne raisonnablement prudente dans les circonstances donne lieu à un acquittement.

[46] Dans Gosset, il ajoute :

En conséquence, on ne peut soutenir que le par. 86(2) du Code criminel vise à punir un état d'esprit; en fait, cette disposition crée plutôt une infraction de négligence, qui, comme l'intention et l'insouciance, peut constituer un fondement de faute valide en droit criminel. Pour déclarer une personne coupable en vertu de cette disposition, il faut établir qu'il y a eu une conduite qui constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu'observerait une personne raisonnablement prudente dans les circonstances. S'il existe un doute raisonnable que la conduite en question ne constitue pas un écart marqué par rapport à cette norme de diligence ou encore que des précautions raisonnables ont été prises pour s'acquitter de l'obligation de diligence dans les circonstances, un verdict d'acquittement doit être prononcé.

[47] De façon plus concrète, le juge Lamer propose au juge des faits une liste de contrôle aux fins de la détermination de la faute en vertu de l'article 86 C.cr. :

(1) La conduite de l'accusé constitue‑t‑elle un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu'observerait une personne raisonnable dans les circonstances de l'infraction?

Si la réponse est négative, l'accusé doit être acquitté puisqu'il n'a pas eu une conduite négligente par rapport à un critère objectif. Toutefois, si la réponse est affirmative, il faut alors indiquer au jury qu'il doit examiner la deuxième question:

(2) Est‑ce que la conduite de l'accusé constituait un écart marqué par rapport à la norme de diligence requise:

a) soit parce qu'il n'a pas réfléchi à l'obligation de diligence ni, par conséquent, au risque de préjudice que sa conduite comportait;

b) soit parce que, en raison de faiblesse humaines (sic), il n'avait pas la capacité de réfléchir à l'obligation de diligence?

Si c'est l'hypothèse a) qui est retenue, l'accusé doit être déclaré coupable puisque le droit criminel ne peut permettre que le fait de ne pas avoir été conscient d'une chose constitue une excuse à la responsabilité criminelle en cas de négligence. Si la réponse est b), il y a lieu de procéder à la troisième étape de l'examen et d'indiquer au jury d'examiner la troisième question:

(3) Dans le contexte de l'infraction en question, une personne raisonnable possédant les capacités de l'accusé aurait‑elle fait en sorte d'être conscient de l'obligation de diligence requise.

[48] Essentiellement, le juge d'instance doit d'abord établir si la conduite reprochée à l'accusé constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence puis, déterminer si l'accusé était en mesure de reconnaître qu'il n'avait pas satisfait à la norme de diligence requise dans les circonstances.

Les principes applicables à la négligence criminelle causant la mort

R. c. Brassard, 2011 QCCQ 8719 (CanLII)

[31] Comme le souligne notre Cour d'appel dans R. c. Salamé, les termes de l'article 219 C.cr. «font appel à une analyse comparative entre le manquement reproché et une norme objective, ou subjective pour certains, en vue de la qualification des agissements ou de l'omission de l'accusé». L'emploi de l'expression « insouciance déréglée ou téméraire » laisse entendre qu'un élément de l'infraction comprend un état d'esprit ou une certaine finalité morale dont est assortie la conduite qui entraîne les sanctions du droit criminel.

[32] Après une analyse poussée des principes édictés par la Cour Suprême dans Tutton, Hundal et Beatty, la Cour d'appel résume ainsi l'approche à adopter au moment de statuer sur le mérite d'une accusation de négligence criminelle :

Il faut d'abord garder à l'esprit que l'analyse doit être contextuelle et que le comportement de l'accusé doit révéler un écart de conduite marqué, ce qui distingue la faute criminelle de la faute civile. Cette analyse du comportement doit être conduite en fonction d'un critère objectif, ce qui signifie que le juge doit être satisfait hors de tout doute raisonnable que la conduite de l'accusé est entièrement et à tous égards hors norme et constitue donc cet écart marqué de comportement. Le juge doit donc apprécier cette conduite par rapport à celle de la personne raisonnable et décider si cette personne raisonnable, placée dans la même situation que l'accusé, aurait connu le risque que le comportement de l'accusé aurait entraîné pour la vie ou la sécurité d'autrui. Les caractéristiques personnelles de l'accusé comme son âge, son degré d'instruction, ne sont pas pertinentes, mais le juge « devra considérer la preuve relative à l'état d'esprit véritable de l'accusé – si une telle preuve a été présentée – pour déterminer si elle permet de douter raisonnablement qu'une personne raisonnable, placée dans la même situation que l'accusé, aurait été consciente du risque créé par ce comportement ».

[33] Ces principes sont conformes aux enseignements de la Cour Suprême dans R. c. Morrisey. Le juge Gonthier, pour la majorité, établit clairement la norme applicable aux fins d'obtenir une déclaration de culpabilité sous l'article 220a) C. cr. :

19 La norme à respecter pour obtenir une déclaration de culpabilité à l’infraction prévue à l’al. 220a) est donc plus élevée que celle applicable en matière de négligence au civil. Pour être condamné sous le régime de cette disposition, l’accusé doit avoir eu une conduite constituant une dérogation marquée par rapport à la norme: R. c. Anderson, 1990 CanLII 128 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 265, à la p. 270. Lorsque le risque de préjudice est très grand, comme c’est le cas dans les affaires de négligence criminelle causant la mort où il y a eu usage d’une arme à feu, il est souvent facile de conclure que l’accusé doit avoir prévu les conséquences: Anderson, à la p. 270. Il n’en demeure pas moins que, dans tous les cas, le ministère public doit prouver davantage que le simple fait qu’une arme a été déchargée, causant la mort. L’alinéa 220a) ne crée pas une infraction de responsabilité absolue. Il exige la preuve d’une conduite constituant une dérogation à ce point marquée par rapport à la conduite d’une personne raisonnablement prudente qu’elle témoigne d’une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. (Nos soulignements)

[37] Comme nous le verrons plus loin quant aux autres chefs d'accusation, les principes énoncés par la Cour Suprême dans les arrêts Creighton, Gosset et Finlay peuvent s'appliquer à l'accusation de négligence criminelle, en faisant les adaptations nécessaires, puisque la Cour réfère à la nécessité de prouver que la conduite constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence raisonnable qu'observerait une personne raisonnable dans les circonstances.

[38] Lors de son analyse contextuelle de l'affaire, le Tribunal peut considérer la preuve d'une violation à une disposition réglementaire ou législative. Toutefois, la Cour Suprême, dans R. c. Leblanc, nous rappelle que la simple violation d'une obligation imposée par une loi ou un règlement ne démontre pas en soi une insouciance déréglée ou téméraire à l'égard de la vie d'autrui. Cette insouciance doit toujours être prouvée hors de tout doute raisonnable par la poursuite.

La négligence criminelle VS le comportement téméraire des chasseurs

R. c. Brassard, 2011 QCCQ 8719 (CanLII)

[34] Plus loin, le juge Gonthier précise que la disposition relative à la négligence criminelle s'applique également au comportement téméraire des chasseurs. Il fournit plusieurs exemples jurisprudentiels à cet égard dont R. c.Stewart. Il en tire le principe suivant :

23 (…) Essentiellement, le fait de tirer sans avoir au préalable déterminé adéquatement la nature de la cible constitue une dérogation marquée par rapport à la conduite d'un chasseur prudent. Lorsqu'une personne agit ainsi et cause la mort d'autrui, elle engage sa responsabilité criminelle sous le régime de l'al. 220a).

[35] Le juge Gonthier résume ainsi la jurisprudence en matière de chasse :

25 (…) En outre, il s’est établi une jurisprudence détaillée en matière de chasse, formée de décisions dans lesquelles les juges ont exonéré des personnes qui croyaient raisonnablement qu’elles tiraient sur un animal et non sur un être humain. Le fait qu’un chasseur portait du camouflage aux couleurs d’un orignal a permis d’établir une telle croyance raisonnable dans l’affaire Stewart, précitée, par exemple. Dans cette affaire, le chasseur avait pris ses précautions et commis une erreur raisonnable. La chasse donne lieu à des accidents raisonnables et déraisonnables, tout comme l’usage d’armes à feu peut donner lieu à des accidents raisonnables et déraisonnables dans d’autres contextes. Chacun de ces accidents est tragique, mais ils ne sont pas tous sources de responsabilité criminelle.

[36] La majorité est d'avis que lorsque des personnes chassant avec des armes à feu se tiennent à proximité l’une de l’autre, chacune d’elles doit redoubler de prudence pour éviter de causer du tort aux autres. Par conséquent, lorsqu’ils chassent, les chasseurs ne doivent appuyer sur la détente de leur arme que s’ils ont la conviction raisonnable que leur cible n’est pas un autre être humain. Les personnes qui utilisent des armes à feu doivent faire preuve d’une vigilance accrue (…)

La notion d'affaiblissement des facultés, incluant celle qui découle de l’état de fatigue d’un individu sur sa capacité de conduire

R. c. Beaudry-Bédard, 2011 QCCQ 8853 (CanLII)

[56] Le risque de danger doit donc s’évaluer en tenant compte du jugement de l’accusé, dont les capacités sont affaiblies par l’effet de l’alcool.

[57] L’auteur Harrison écrit avec justesse quant à la notion d'affaiblissement des facultés :

« […] Or, bien qu’une odeur d’alcool et des yeux rougis puissent permettre d’en déduire un affaiblissement de la capacité d’un individu, ce sont plutôt les constatations relatives à la conduite erratique du véhicule, à une démarche chancelante, à une précarité de l’équilibre, à la difficulté à produire les documents exigés par la loi ou à un langage difficile qui permettent de conclure hors de tout doute raisonnable à un affaiblissement de la capacité de conduire un véhicule. […] »

[59] Dans Stellato, la Cour suprême conclut que la quantité d’alcool n’est pas déterminante et ne constitue pas un élément de l’infraction.

[60] Dans l’arrêt Blais, la Cour d’appel du Québec écrit :

« […] De toute façon, la quantité d’alcool consommé n’est pas d’une importance déterminante. Certaines personnes peuvent être affectées par une petite quantité tandis que d’autres peuvent consommer une quantité plus importante avant d’éprouver des symptômes de facultés affaiblies. Il y a également des éléments comme la fatigue et le stress qui peuvent influencer l’effet de la consommation d’alcool. »

[61] Dans Laplante, le juge Chabot de la Cour supérieure s’exprime ainsi quant à l’état de fatigue d’un individu sur sa capacité de conduire :

« Par ailleurs, lorsqu’une personne se trouve dans une condition de fatigue, peu importe la raison, la consommation d’alcool, qui pourrait être dans d’autres circonstances inoffensives (sic) peut résulter chez cette personne en un affaiblissement de sa capacité de conduire un véhicule automobile :

"[…] the trial judge dit not err in concluding that where alcohol could be found to be the triggering event in the unusual driving, whether or not it was accompanied by lack of sleep, lack of food or other substance, the offence was complete. At p. 173, Issue 13, June, 1987, R. v. Campbell, 5 W.C.B. 468, February 25, 1981, B.C. Co. Ct. held that :

‘If as result of lack of rest the accused finds himself in a fatigued condition as a result of which consumption of alcohol which might not otherwise cause him to become impaired, causes in that instance his ability to drive to become impaired, then the Crown has proven the case beyond a reasonable doubt.’

Once the trial judge in the instant case found impairment of the ability to drive due to the consumption of alcohol, his perception that the impairment might also partially have been caused because the appelant may have been suffering from fatigue, does not provide a defence to the charge." »

Revue de la jurisprudence concernant la présomption de garde et contrôle prévue l’article 258 (1) a)

R. c. Beaudry-Bédard, 2011 QCCQ 8853 (CanLII)

[40] L’infraction de garde et contrôle exige la preuve de l’intention d’avoir cette garde et contrôle du véhicule après avoir volontairement consommé de l’alcool ou une drogue.

[41] Pour réussir, le ministère public doit établir que la capacité de conduire de l’accusé est affaiblie par l’effet de l’alcool et, par la suite, établir que ce dernier a la garde et le contrôle du véhicule, soit par le biais de la présomption légale prévue à l’article 258 (1) c) du Code criminel ou par preuve directe que l’accusé a eu la garde et le contrôle de son véhicule.

[42] L’article 258 (1) a) du Code criminel édicte une présomption de garde et contrôle qui se lit ainsi :

(...)

[43] Le juge Philippon de la Cour d’appel dans l’arrêt Hamel, avec lequel le juge Proulx se dit d’accord avec l’exposé en droit et non avec ses conclusions, expose succinctement chacune des étapes quand vient le moment de statuer si nous sommes en présence d’une garde et contrôle :

« "[L]a means rea de l’infraction d’avoir la garde ou le contrôle d’un véhicule à moteur est l’intention d’assumer la garde ou le contrôle après avoir volontairement consommé de l’alcool ou une drogue. L’actus reus est l’acte qui consiste à assumer la garde ou le contrôle du véhicule alors que la consommation volontaire d’alcool ou d’une drogue a affaibli la capacité de conduire."

La jurisprudence a également établi que l’absence d’intention de mettre le véhicule en marche ne constitue pas un moyen de défense pour l’accusé. Cet élément est pertinent seulement lorsque la présomption prévue à l’alinéa 258(1)a) est invoquée. En effet, pour la renverser, l’accusé doit démontrer, selon la balance des probabilités, qu’il n’avait pas l’intention de mettre le véhicule en marche. Mais s’il réussit, il ne sera pas nécessairement acquitté, le ministère public pouvant établir autrement qu’il y a eu effectivement garde ou contrôle.

Pour ce faire, la Couronne doit prouver que l’accusé a posé des gestes comportant un élément de contrôle ou de garde du véhicule :

"[L]es actes de garde ou de contrôle, hormis l’acte de conduire, sont des actes qui comportent une certaine utilisation du véhicule ou de ses accessoires, ou une conduite quelconque à l’égard du véhicule qui comporterait le risque de le mettre en mouvement de sorte qu’il puisse devenir dangereux."

[…]

Enfin, il importe de souligner que la notion de garde ou de contrôle est une question de faits. Ainsi, "[c]haque affaire sera décidée en fonction de ses propres faits et les circonstances où l’on pourra conclure qu’il y a des actes de garde ou de contrôle varieront beaucoup." »

[44] La Cour d’appel dans l’arrêt R. c. Rousseau écrit :

« […] À mon avis, la poursuite devait présenter la preuve hors de tout doute raisonnable de l’utilisation consciente du véhicule ou de ses accessoires, ce qui peut se traduire par le risque de le mettre en mouvement et représenter le danger que le législateur a voulu éviter."

[45] Le Tribunal retient de la jurisprudence que « lorsque l’utilisation du véhicule à moteur ne comporte aucun risque de le mettre en marche et de le rendre dangereux, les cours de justice devraient conclure qu’il y a absence de l’actus reus ».

[48] Pour réfuter cette présomption, l’accusé doit, par prépondérance des probabilités, convaincre le Tribunal qu’il n’a pas l’intention de mettre le véhicule en mouvement.

[49] Le moment où doit s’évaluer l’intention de l’accusé fait l’objet de nombreux débats au Canada.

[50] Or, le Tribunal est d’avis, comme l’expose la Cour d’appel de la Saskatchewan, que c’est au moment où l’accusé est trouvé assis derrière le volant qui doit faire l’objet d’une analyse quant à son intention, car comme l’écrit l'auteur Me Harrison : « La possibilité d’acquitter un conducteur ivre doit être ouverte pour récompenser la sagesse tardive et éviter qu’il ne s’endorme au volant ou ne sombre dans un coma profond en tentant de se rendre à son domicile ».

[51] Après avoir écouté les explications fournies par l’accusé et les constatations du policier qui intervient auprès de ce dernier, le Tribunal est d’avis que l’intention de l’accusé, au moment de son interception, est de dormir et qu’il n’a pas l’intention de mettre son véhicule en mouvement repoussant ainsi l’application de la présomption légale prévue à l’article 258 (1) c) du Code criminel.

[52] Puisque l’accusé a réfuté la présomption de garde et contrôle et le ministère public doit maintenant établir les éléments essentiels de l’infraction sans le bénéfice de la présomption.

[53] Dans l’arrêt Ford, le juge Ritchie de la Cour suprême écrit :

« Il peut y avoir garde même en l’absence de cette intention (de mettre le véhicule en mouvement) lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, un accusé accomplit un acte ou une série d’actes ayant trait à l’utilisation du véhicule ou de ses accessoires, qui font que le véhicule peut être mis en marche involontairement, créant le danger que l’article vise à prévenir. »

[54] Dans son ouvrage portant sur les capacités affaiblies, l’auteur Me Karl-Emmanuel Harrison écrit :

« Sans limiter la généralité de ce que peut constituer un acte comportant une certaine utilisation du véhicule ou de ses accessoires, la jurisprudence reconnaît les actes suivants : déverrouiller la portière, s’asseoir sur le banc du conducteur, fermer la portière, insérer la clé dans le contact, démarrer le moteur, baisser les vitres latérales par crainte du monoxyde de carbone, s’assurer que le levier d’embrayage est à la position "park", lever ou abaisser le levier du frein d’urgence, utiliser la chaîne stéréophonique afin d’écouter de la musique et mettre en marche l’appareil de chauffage. […]

Un historique de la jurisprudence révèle également que l’expression « la garde ou le contrôle » commande une interprétation restrictive de manière à viser les personnes qui sont susceptibles de mettre le véhicule en mouvement. […] La disposition vise donc à empêcher qu’une personne en état d’ébriété qui est en présence immédiate d’un véhicule et qui a le moyen de le contrôler ou de le mettre en mouvement, ne devienne un danger pour le public : R. c. Butler, [1939] 4 D.L.R. 592 (C.A. Alta.); R. c. Kennedy, [1964] 2 C.C.C. 94, 41 C.R. 274 (C.S. C.-B.). »

[55] Dans Hamel, le juge Proulx de la Cour d’appel écrit :

« Dans Toews, on a cité également l’arrêt R. c. Thomson (1940) 75 C.C.C. 141 (C.A. N.-É.), duquel on peut dégager la proposition qu’une personne qui se trouve dans une voiture et a à sa portée les moyens de la mettre en marche en a le contrôle. Il n’est pas requis que cette personne ait l’intention immédiate de mettre le véhicule en marche puisque la disposition vise à empêcher qu’une personne en état d’ébriété qui est en présence immédiate d’un véhicule et qui a le moyen de le contrôler ou de le mettre en mouvement, ne devienne un danger pour le public. »

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Les déclarations d'un accusé à son complice ne sont pas du ouï-dire

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