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jeudi 12 juin 2014

Le mandat visé ne permet pas de détenir ou d'interroger le prévenu

Laflamme c. R., 2010 QCCS 5621 (CanLII)


[85]           Le mandat autorisé par le juge de paix décrète l'arrestation immédiate du prévenu pour qu'il soit amené devant lui ou tout autre juge de paix du district de Beauce. Le visa qu'il a émis sous l'autorité de l'article 507(6), autorise la mise en liberté du prévenu moyennant qu'il s'engage conformément aux dispositions de l'article 499 C.cr. Compte tenu des termes clairs de cette ordonnance, il n'existait aucune autre alternative aux agents de la paix. Ils se devaient de procéder à l'arrestation du prévenu pour le libérer immédiatement après qu'il ait souscrit à l'un ou plusieurs des engagements énoncés à l'article 499 du Code criminel. Rien ne pouvait les autoriser à transporter monsieur Laflamme à Québec, rien ne les autorisait à le détenir, rien ne les autorisait même à procéder à son interrogatoire.

[86]           Il aurait été facilement possible d'exécuter le visa à Sainte-Marie de Beauce, lieu de l'arrestation ou encore de conduire monsieur Laflamme au Palais de justice de Saint-Joseph comme l'indiquait le mandat, pourvu qu'il soit immédiatement libéré.

[87]           Les témoignages du sergent Harvey et de madame Boivin me convainquent qu'un plan avait été structuré afin de tenter, encore une fois, d'obtenir des aveux de monsieur Laflamme, en dépit de l'ordre précis émanant du juge de paix.

[88]           Pis encore, ceux-ci ont candidement avoué qu'il s'agissait d'une pratique courante de procéder à l'interrogatoire d'un prévenu après avoir obtenu un mandat d'arrestation visé.

[89]           Il s'agit, à nos yeux, d'une pratique illégale, empreinte d'une insouciance marquée en regard de la loi, qui ne saurait être tolérée et qui doit, à plus d'un égard, être dénoncée.

[90]           L'arrestation de monsieur Laflamme, à Sainte-Marie de Beauce, était autorisée par la loi. Son transport au quartier général de la Sûreté du Québec, sa détention à cet endroit, ainsi que l'interrogatoire auquel on l'a soumis allaient clairement à l'encontre de l'ordre donné par le juge de paix. Cette façon de faire allait, aussi, clairement à l'encontre de la directive émise par le Directeur des poursuites criminelles et pénales, en semblable matière.

[91]           Nous sommes d'avis que cette façon de faire et de penser, constitue un abus qui contrevient carrément au droit constitutionnel reconnu à toute personne par l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, ainsi qu'à la protection contre la détention ou l'emprisonnement arbitraire édictée à l'article 9 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Il revient au Procureur général du Québec de payer les honoraires d'un ami de la Cour

Directeur des poursuites criminelles et pénales et Shérif de la Chambre criminelle et pénale, 2010 QCCA 1909 (CanLII)

Lien vers la décision

[14]           Quatrièmement, il est vrai qu'il ne revient pas au DPCP de payer les honoraires de l'avocat indépendant, mais à l'État, en l'espèce, la couronne provinciale représentée par le Procureur général du Québec (Québec (Procureur général) c. B.S., 2007 QCCA 1756 (CanLII), [2008] R.J.Q. 114 (C.A.) 2007 QCCA 1756). Le DPCP est un organisme indépendant du gouvernement (art. 1Loi sur le Directeur des poursuites criminelles et pénales, L.R.Q., ch. D-9.1.1) qui ne dispose que de ressources limitées. Il ne lui revient pas de payer les honoraires d'un avocat indépendant. Dans ces circonstances, l'ordonnance à son égard de voir au paiement des honoraires et frais de l'avocat indépendant ne signifie pas qu'il doit les payer, mais uniquement qu'il doit faire des démarches auprès du Procureur général. Il aurait sans doute été préférable que l'ordonnance soit dirigée contre le Procureur général directement, mais il demeure qu'une telle obligation revient à l'État, ici dans son émanation provinciale. Cela ne justifie pas une permission d'appeler, mais un simple rappel de ma part au Procureur général d'assumer de bonne foi son obligation à cet égard.

mercredi 11 juin 2014

Lorsqu'il est possible de spéculer sur la signification d'un prétendu aveu, celui-ci ne peut pas être probant

R. v. Hunter, 2001 CanLII 5637 (ON CA)


[14] The appellant's first ground of appeal is that the trial judge erred in admitting the evidence of the appellant's utterance overheard by Mr. DiCecco. Relying on R. v. Ferris, 1994 CanLII 31 (SCC), [1994] 3 S.C.R. 756, 34 C.R. (4th) 26, affirming 1994 ABCA 20 (CanLII), (1993), 27 C.R. (4th) 141 (Alta. C.A.), the appellant argued that the utterance cannot meet the threshold of relevance required for admissibility because its meaning cannot be determined without its context or alternatively its meaning is so speculative that it ought to have been excluded because its prejudicial effect outweighed its tenuous probative value. I agree.

[16] Conrad J.A., writing for the majority in the Alberta Court of Appeal, turned first to whether, in the circumstances, it was possible to ascertain the meaning of these words so that they could be said to meet the relevance requirement for admissibility. She pointed out that the only possible relevance of these words was if they could be found to constitute an admission by the accused that he killed David. However, the Crown had no evidence of the words preceding or following the overheard phrases and Conrad J.A. cited examples of possible surrounding words that would make the full statement innocuous rather than an admission of guilt and hence not probative of any fact in issue. Given that there was a verbal context for the overheard phrases but no evidence of what that context was, Conrad J.A. found that a properly instructed jury could not determine from the fragmented utterance which was overheard the meaning either of the whole thought or of the overheard words themselves. Hence she concluded that t hese words could not be said to be probative of a fact in issue and were therefore irrelevant and inadmissible.

[17] Conrad J.A. went on to find that since the utterance "I killed David" had no probative value (given that the court did not know the words surrounding it) and since the utterance was extremely prejudicial its exclusion must be favoured. On this basis as well she found that the overheard words should not have been admitted.

[18] The Supreme Court of Canada dismissed the appeal from this judgment. The reasons of the court by Sopinka J. are as follows:
In our opinion, with respect to the evidence that the respondent was overheard to say "I killed David", if it had any relevance, by reason of the circumstances fully outlined by Conrad J.A. [reported at 1994 ABCA 20 (CanLII), (1994), 27 C.R. (4th) 141 (Alta. C.A.)], its meaning was so speculative and its probative value so tenuous that the trial judge ought to have excluded it on the ground its prejudicial effect overbore its probative value.
The appeal is therefore dismissed.

[19] In my view, Sopinka J.'s reasoning is anchored in the important role that context can play in giving meaning to spoken words. Where an overheard utterance is known to have a verbal context, but that context is itself unknown, it may be impossible to know the meaning of the overheard words or to otherwise conclude that those words represent a complete thought regardless of context. Even if the overheard words can be said to have any relevance, where their meaning is speculative and their probative value therefore tenuous yet their prejudicial effect substantial, the overheard words should be excluded.

[21] In my view, without the surrounding words, it would be impossible for a properly instructed jury to conclude that the overheard utterance was an admission or perhaps even what it meant. Clearly its meaning remains highly speculative. The trier of fact would have to guess at the words that came before and after to fix on a meaning. Since its meaning is highly speculative, its probative value is correspondingly tenuous. However, the substantial prejudicial effect is obvious. This balance clearly favours exclusion of the overheard utterance and, as in Ferris, that should have been the result.

Lors d’une analyse du caractère libre et volontaire des déclarations extrajudiciaires, un juge commet une erreur de droit s’il omet de se pencher sur l’absence d’enregistrement et sur la suffisance de la preuve de la poursuite pour pallier ce défaut, ces deux critères étant cumulatifs

R. v. Ahmed, 2002 CanLII 695 (ON CA)

Lien vers la décision

[22]         In R. v. Browne, [2002] O.J. No. 3882, released October 16, 2002, this Court, following the Supreme Court of Canada’s decision inSheppard, reiterated that the failure of a trial judge to deliver meaningful reasons is an error of law. In my view, by failing to analyze the evidence and give reasons for his crucial credibility findings on the voir dire, the trial judge did not adequately address the two issues required by Moore-McFarlane in order to satisfy the heavy onus on the Crown to prove the voluntariness of the confession beyond a reasonable doubt: first, whether in the circumstances of the case the failure to record the interrogation made it suspect; and if so, second, whether the Crown had provided a sufficient substitute for a recording.

Il n'existe pas une règle absolue exigeant que toutes les déclarations faites à une personne en autorité soient enregistrées

Caron c. R., 2007 QCCA 1569 (CanLII)


[56]           La règle des confessions vise uniquement à déterminer si la déclaration a été faite librement et volontairement indépendamment de leur véracité.
[57]           Dans l'arrêt R. c. Moore-McFarlane, la juge Charron ne crée pas une règle absolue qui exigerait que toutes les déclarations soient enregistrées sur vidéocassette.
[58]           Elle indique simplement que dans le cadre de l'analyse du contexte de la prise d’une déclaration extrajudiciaire, si les policiers décident volontairement de ne pas se servir du système audio‑vidéo disponible pour interroger un détenu, cela rend l'interrogatoire suspect. Elle écrit au paragraphe [65] de ses motifs :
[…] Indeed, it is my view that where the suspect is in custody, recording facilities are readily available, and the police deliberately set out to interrogate the suspect without giving any thought to the making of a reliable record, the context inevitably makes the resulting non‑recorded interrogation suspect. In such cases, it will be a matter for the trial judge on the voir dire to determine whether or not a sufficient substitute for an audio or videotape record has been provided to satisfy the heavy onus on the Crown to prove voluntariness beyond a reasonable doubt.
[Italiques ajoutés par la juge Charron]
[59]           Il est important de lire cette affirmation dans le contexte du dossier. Dans cette affaire, les deux accusés avaient témoigné dans le cadre du voir‑dire que les policiers avaient confisqué leurs vêtements pour effectuer des analyses et que l'interrogatoire s'était déroulé dans un climat d'oppression et même de violence à leur égard. Appliquant l'approche moderne d'analyse des confessions, où la fiabilité doit être prise en compte de façon contextuelle, elle a conclu que les déclarations n'auraient pas dû être admises en preuve.
[60]           Ainsi, ce n'est pas tous les interrogatoires qui deviendront suspects parce que non enregistrés par les policiers. D'ailleurs, le juge Iacobucci écrit pour la majorité, dans l'arrêt R. c. Oickle :
[…]
Cela ne veut pas dire que les interrogatoires qui ne sont pas enregistrés sont intrinsèquement suspects, mais simplement que, de toute évidence, l'existence d'un enregistrement peut grandement aider le juge des faits à apprécier la confession.
[61]           Cela dit, les propos de la juge Charron n'ont pas eu pour effet d'exiger que toutes les déclarations prises par les policiers doivent nécessairement être enregistrées sur vidéocassette, bien que cela soit largement préférable.

[64]           Il est certain que la fiabilité de la déclaration est un facteur d'appréciation du caractère libre et volontaire de celle‑ci. Comme en l'espèce, le policier a noté les propos tenus lors de la rencontre, sans avoir plus de détails sur l'enquête que ceux fournis par l'appelant, cela laisse croire au caractère volontaire de la déclaration. De plus, l'agent banalisé ne pouvait se servir ici de menaces ou de promesses. Son approche était plutôt celle d'un individu ayant besoin de conseils à l'égard de son arrestation.

[69]           Dans Wilson, les policiers avaient délibérément omis d'enregistrer l'interrogatoire de l'accusé, alors qu'ils disposaient de tout le matériel nécessaire à cet effet, sans fournir de justification valable. Selon les policiers, l'accusé avait admis savoir qu'il transportait de la cocaïne dans ses bagages. De son côté, l'accusé niait avoir tenu de tels propos. Lors des discussions qui ont précédé les directives, le procureur de Wilson avait demandé au juge de mentionner au jury que l'absence d'enregistrement de l'interrogatoire est un facteur important à considérer sur la question de déterminer quelle version croire, ce qu'il refusa de faire. Sur l'opportunité d'émettre une telle directive, le juge Rosenberg écrit :
[20]   Most of the cases that have considered the issue of videotaping of statements have been concerned with the impact of the failure to videotape on admissibility. However, in my view, and for the reasons set out in Swanek, in appropriate circumstances, a special instruction should be given to the jury where the accused contests the accuracy of the non‑recorded statement. Over a decade ago, Carthy J.A. in his concurring reasons in R. v. Barrett 1993 CanLII 3426 (ON CA), (1993), 82 C.C.C. (3d) 266 (Ont. C.A.) at 270, noted the central feature a confession can play in a criminal case and the importance of having an accurate record of what occurred: and he said this: "On this determinative issue of conviction the police force has, by its own choice in this case, denied the court the opportunity of an undeniable record of what led to the 'conviction'. Given the modest cost of videotape equipment, such critical evidence should not, in fairness, be restricted to sworn recollection of two contesting individuals as to what occurred in stressful conditions months or years ago. The evidence is admissible under our present rules, but everyone involved in the criminal justice system should make reasonable efforts to better serve its ultimate ends."
[21]   These concerns do not relate solely to voluntariness; they also relate to the jury's task in attempting to decide whether the accused confessed as alleged by the police. Barrett was overturned on appeal to the Supreme Court of Canada 1995 CanLII 129 (SCC), (1995), 96 C.C.C. (3d) 319, on the basis that the failure of the trial judge to give reasons for admitting the statement did not amount to an error of law. That decision does not take away from the common sense identified by Carthy J.A.'s reasons.
[70]           Et il poursuit plus loin :
[23]   Thus, there must be other circumstances before a trial judge would be entitled to give the special instruction sought in this case. One set of circumstances was identified in R. v. Moore‑McFarlane at para. 65: "where the suspect is in custody, recording facilities are readily available, and the police deliberately set out to interrogate the suspect without giving any thought to the making of a reliable record, the context inevitably makes the resulting non‑recorded interrogation suspect". Admittedly, in that case, Charron J.A. was concerned with voluntariness, but for the reasons set out above the concern for accuracy that arises at the voluntariness stage also applies at the guilt or innocence stage.
[24]   In my view, it was open to the jury to find that the police deliberately set out to interrogate the appellant without giving any thought to the making of a reliable video or audio record. The jury should therefore have been instructed along the lines suggested in R. v. Swanek that this was an important factor to consider in deciding whether to rely on the officer's version of the statement.
[71]           Il y a lieu de distinguer les faits du présent dossier de ceux de l'arrêt Wilson. En l'espèce, les policiers n'ont pas délibérément omis d'enregistrer la discussion entre l'appelant et l'agent Savard. Il ne s'agissait pas d'un interrogatoire dans une salle prévue à cet effet disposant de l'équipement nécessaire pour procéder à l'enregistrement de la déclaration, mais plutôt d'une opération qui se voulait secrète par définition. Lorsque les policiers décident de ne pas enregistrer la déclaration d'un accusé alors qu'ils pouvaient le faire, et qu'ils n'expliquent pas cette omission, il est légitime de s'interroger sur la fiabilité du témoignage de celui qui rapporte la déclaration. En l'espèce, il s'agissait d'une opération d'infiltration et la cellule dans laquelle elle s'est déroulée n'était pas équipée d'un dispositif d'enregistrement audio et vidéo. Les policiers n'ont pas choisi délibérément de ne pas enregistrer la conversation et les circonstances ne rendaient pas le témoignage de l'agent Savard suspect.

dimanche 8 juin 2014

La déclaration à une personne en autorité VS les lacunes identifiées par la jurisprudence

César-Nelson c. R., 2014 QCCA 1129 (CanLII)


[67]        L'admission du caractère libre et volontaire des déclarations ne permet pas d'en déduire leur caractère probant :
The trial judge has a discretion to accept the waiver and dispense with the holding of a voir dire. If the trial judge accepts the waiver, the statement is admissible without a voir dire. In these circumstances, the waiver is not a acknowledgment of its evidential value, but is merely an acknowledgment of its voluntariness.
[renvois omis et je souligne]
[68]        Le caractère volontaire de la déclaration et la bonne foi des policiers ne rendent pas la déclaration d’un accusé telle que notée admissible, pertinente et probante :
[29]      McClung, J.A. suggests that because there was no deliberate editing or bad faith, it should be admissible if it is voluntary. I disagree. It is not the good faith of the police that is in issue but the meaning of the words. He further suggests that the accused could have clarified the meaning of the words by testifying or by calling his father to testify. This is not the accused's onus. It is the onus of the Crown to adduce words capable of meaning before the defence has anything to meet. An inference cannot be used to make words an admission when the evidence clearly indicates the words were an incomplete statement and therefore meaning could not be ascertained. The Crown must make a prima facie case for admission. An inference cannot be used to fill in holes in the evidence. […] 
[je souligne]
[69]        Le fait qu’une déclaration soit non enregistrée, tronquée et rapportée hors contexte peut influencer la décision d’un tribunal sur le caractère libre et volontaire de la déclaration, mais aussi sur sa fiabilité et sa valeur probante.
[70]        L'examen de la jurisprudence fait rapidement voir que de telles lacunes dans la preuve entraineront, selon leur importance, soit une simple diminution de la valeur probante, soit l'exclusion de la déclaration lorsque la valeur probante est surpassée par l'effet préjudiciable.
[71]        Plusieurs lacunes identifiées par la jurisprudence se retrouvent en l'espèce : (i) absence d'enregistrement, (ii) prise partielle de notes et (iii) absence de contexte.
L’absence d'enregistrement
[72]        Nous n'avons, en l'espèce, aucune explication ou preuve pour justifier l'absence d'enregistrement des appelants dans les salles d'interrogatoires.  La preuve offerte par la poursuite ne permet pas de pallier cette lacune et ne saurait justifier que le juge s’en soit remis aveuglément aux notes comme étant une transcription fiable des propos des accusés.  Certaines erreurs patentes se sont glissées dans les notes.  Par exemple, le prénom de la fille de César-Nelson n’est pas Mélina tel que la policière Pascale Jacques l’a noté.
La prise partielle de notes
[73]        La policière Jacques admet ne pas être une « sténo-dactylo » et dit essayer de « noter le plus possible […] de ce qui […] contient la réponse » de César-Nelson.  Il était donc admis que les déclarations n’ont pas été rapportées verbatim.  Malgré cela, le juge a tenu compte des choix de mots particuliers dans les notes de la policière pour reprocher à l’accusé César-Nelson de ne pas dire la vérité.  Il est dangereux de tirer de telles conclusions sur le choix des mots alors que les propos de l’accusé ne sont pas rapportés mot pour mot.
[74]        À tout le moins, le juge aurait dû se mettre en garde du fait que les mots notés ne sont pas ceux des appelants, mais plutôt ceux qui résultent de l'interprétation personnelle de la policière.
[75]        Qui plus est, en l'espèce, les notes ne rapportaient pas tous les échanges.  Elles ont fait l'objet d'un choix de la part de la policière.  On ne sait rien des questions et des réponses que la policière n'a pas jugé à propos de reproduire.  Comme notre Cour a eu l'occasion de le souligner, il appartient aux tribunaux et non aux policiers de décider de la pertinence des propos d'un accusé :
Dans la cause de R. c. Rosik, (1971) 13 C.R.N.S. 129, Monsieur le juge MacKay de la Cour d'Appel d'Ontario, en parlant de l'obligation de la Couronne de produire en preuve toute la déclaration de l'accusé, s'est prononcé comme suit à la page 137:
There is authority that if a statement is partly inculpatory and partly exculpatory and the Crown elects to adduce evidence of the statement, the whole of the statement must be put in and, in such case, it is received as evidence of its truth as to the exculpatory part as well as the inculpatory part.
Mon collègue Monsieur le juge Kaufman, dans son livre The Admissibility of Confessions, 3ième édition, 1979, à la page 139, en parlant d'une déclaration à la fois incriminante et disculpatoire, écrit:
When questions are asked, it is of the utmost importance to keep a complete record of all questions and answers, and to resist the temptation to reduce to writing only that part which inculpates the accused. Indeed, failure to recollect the complete conversation may jeopardize an otherwise acceptable confession, but once again this is a matter of appreciation for the judge.
Madame le juge Barrette Joncas de la Cour supérieure dans Regina v. Smithreflex, (1981) 60 C.C.C. (2d) 327, a refusé d'accepter une déclaration qui ne contenait pas tout ce que l'accusé avait dit.
Il appartient au juge du procès et non pas aux policiers de décider de la pertinence des questions et réponses. Dans le présent cas, les policiers auraient dû prendre par écrit tout ce qui touchait le sujet de leur enquête.
Avec égard, je suis d'opinion que le juge a fait une erreur grave en admettant en preuve la déclaration de l'appelant qui, selon  moi,  est  inadmissible  pour  les raisons ci-haut mentionnées.
[je souligne]
L’absence de contexte
[76]        Les tribunaux se sont également penchés sur l’importance du contexte, et ce, particulièrement dans les cas où la déclaration rapportée est amputée des mots qui ont pu être prononcés avant ou après les mots notés.  Ainsi, dans R. c. Ferris, la Cour suprême écrit :
À notre avis, quant à la preuve selon laquelle on a entendu l'intimé dire [Traduction] "J'ai tué David", si elle avait eu quelque pertinence que ce soit, en raison des circonstances exposées complètement par le juge Conrad, sa signification était si conjecturale et sa valeur probante si faible que le juge du procès aurait dû l'exclure pour le motif que son effet préjudiciable l'emportait sur sa valeur probante.
[je souligne]
[77]        Dans ce court arrêt, la Cour suprême valide la décision de la Cour d’appel de l’Alberta d’exclure la déclaration de l’accusé et d’ordonner un nouveau procès.  Alors que le caractère libre, volontaire et fiable de la déclaration « j’ai tué David » était acquis au débat, la Cour d’appel de l’Alberta a jugé que le sens de ces mots était trop équivoque pour constituer un aveu admissible :
[26]      In this case, however, it is not a question of whether the utterance was given. Here words were spoken. What is in issue here is whether or not the words were capable of meaning, for without meaning they have no relevance. The officer cannot testify as to the gist of Ferris' utterance, in this particular case it cannot be determined if "... I killed David ..." was in fact an admission he killed David. The onus rests on the Crown to prove the words have relevance.
[je souligne]
[78]        Comme l'a expliqué la Cour d'appel de l'Ontario dans l'arrêt R. c. Hunter, lorsqu'il est possible de spéculer sur la signification d'un prétendu aveu, celui-ci ne peut pas être probant.  Partant, si la déclaration est exempte de toute force probante, sa mise en preuve est forcément préjudiciable à l'accusé.
[79]        L'arrêt Ferris fait bien voir le danger d'admettre pareille déclaration :
[27]      […] If it was an admission, I agree with McClung, J.A. that it is highly probative. However, because the Crown case makes it clear words were spoken before and after, and the utterance was incomplete, it is impossible to ascertain the meaning of the words. Thus no weight can be given to it and the prejudice of its introduction is easy to contemplate. There is a real prejudice of forbidden reasoning here. There would be an enormous temptation for any trier of fact to look at the outside evidence that tends to implicate the accused in the murder, use those facts to conclude that the accused probably committed the murder, and that therefore he admitted that he did. That finding would then be used to raise the probability of guilt to a conclusion of guilt. The danger implicit in that type of circuitous reasoning is obvious.
[je souligne]
[80]        Eu égard aux faits de l'espèce, le juge de première instance ne pouvait utiliser les déclarations tronquées des appelants à titre d'assise principale pour juger de leur crédibilité.  À la limite, ces déclarations auraient dû être exclues de la preuve aux termes du pouvoir discrétionnaire résiduel qui lui appartenait.
[81]        En l’espèce, le juge n’a pas conclu à l’inadmissibilité des déclarations des accusés parce qu’il ne s’est penché ni sur leur fiabilité ni sur leur valeur probante.  Il en avait pourtant l'obligation si l'on considère les faits de la cause.
[82]        L’absence d’enregistrement alors que les accusés sont interrogés en salle d’interrogatoire, le manque de fiabilité dans la retranscription des propos et le caractère incomplet des notes qui prive le tribunal du contexte des déclarations sont tous des éléments importants qui méritaient l’attention du tribunal.
[83]        Les policiers n’ont pas non plus été en mesure d’éclairer le tribunal en comblant les lacunes dans la preuve.  Il en résulte des déclarations isolées, peu fiables et dont la signification est conjecturale.  Avec ces faits, le juge ne pouvait pas retenir que les propos des accusés, notés par les policiers, étaient de nature incriminante.
[84]        Ce faisant, le juge ne pouvait pas rejeter la version des faits disculpatoire des accusés au procès sur la base qu’une telle version était contraire à des déclarations incriminantes antérieures.  En raison de l’importance qu’ont eue ces considérations dans le verdict de culpabilité du juge, ce premier moyen justifie à lui seul une ordonnance d'un nouveau procès.

mardi 3 juin 2014

La communication avec un témoin dont l’interrogatoire a débuté

R. c. Peruta, 1992 CanLII 3597 (QC CA)


Quoi qu'il en soit, et même en l'absence d'une pareille mise en garde au témoin, le substitut devait ou aurait dû savoir qu'il est tout à fait inconvenant et contraire à la pratique (mon collègue a dit «highly improper») qu'un avocat communique ou rencontre le témoin qu'il a produit avant de procéder au ré-interrogatoire: cette prohibition débute au moment où le témoin est contre-interrogé par la partie adverse.  Mon collègue cite plusieurs sources réitérant cette règle.  Je me permettrai d'ajouter ce que Earl A. Cherniak en a dit:

It is commonly understood that counsel conducting examination-in-chief may communicate with a witness while he or she is being examined in chief with regard to matters that have not yet been dealt with and may communicate not at all with his witness during cross-examination or re-examination.  However, exceptions do occur.  For instance, suppose a medical witness, whose examination had concluded in chief the day before, approached counsel unsolicited the next morning saying that he made an error in the previous day's testimony and wished to correct it, without indicating what the error was.  It would probably be in order to bring the matter to the attention of the trial judge in open court.  Most judges would allow the witness to explain his error.

                                         (j'ai souligné)

Nous sommes ici bien loin de cette exception envisagée par Cherniak et des autres situations où une partie peut obtenir l'autorisation de la Cour pour communiquer, à ce stade, avec son témoin. 

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Le droit applicable à la preuve de la conduite postérieure à l’infraction

R. c. Cardinal, 2018 QCCS 2441 Lien vers la décision [ 33 ]             L’essentiel du droit applicable à la preuve de la conduite postérieu...