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dimanche 18 novembre 2018

Le résumé des témoignages par le juge à l'attention du jury

Boucher c. R., 2006 QCCA 668 (CanLII)

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[160]      Comme c'est l'usage, surtout après une longue instruction, le juge a voulu résumer les témoignages.
[161]      Il est relativement facile de faire un résumé d'un interrogatoire principal.  Il est beaucoup plus difficile de faire voir qu'une réponse donnée en contre-interrogatoire constitue une contradiction avec une autre réponse du témoin ou avec la version d'un autre témoin; ou de faire voir une incohérence ou quelque chose non plausible.  Souvent une telle réponse peut être une incohérence, une contradiction, une chose non plausible, une exagération ou une imprécision pour un avocat alors qu'elle ne le sera pas pour son adversaire ou pour le juge.
[162]      C'est pourquoi, en résumant les témoignages, un juge n'a pas l'obligation de faire une analyse en détail de chaque incohérence, contradiction ou chose non plausible en rappelant l'argumentation pour ou contre des parties sur chaque élément.  À cet égard on peut se référer aux arrêts suivants : Devillers c. R.2005 QCCA 660 (CanLII)J.E. 2005-1406 (C.A.)Savard c. R.J.E. 2005-1729 (C.A.)Binette c. R.J.E 2005-97 (C.A.)R. c. Rochon (2002), 2002 CanLII 23616 (QC CA)167 C.C.C. (3e) 257 (C.A.Q.)R. c. Laflamme, [2002] J.Q. n° 26 (C.A.).

La pertinence des questions posées en contre-interrogatoire doit s’apprécier sous l'éclairage de la procédure (requête ou contre-interrogatoire au fond)

Boucher c. R., 2006 QCCA 668 (CanLII)

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[135]      L’appelant plaide que le juge a erré en limitant indûment l’interrogatoire de certains témoins par la défense au cours du voir-dire dont il est question dans notre étude du 11e moyen.
[136]      L’appelant ne démontre pas en quoi le juge aurait limité son droit à l’interrogatoire.
[137]      C’est dans le contexte d’une requête bien précise que ces interrogatoires ont été conduits.  La pertinence de certaines questions doit donc s’apprécier sous l'éclairage des objectifs de cette requête.  Or, le juge a largement permis à l’avocat de l’appelant d’interroger les témoins même si, à première vue, la pertinence de certaines questions paraissait ténue.
[138]      Par ailleurs, le droit en cause est celui d’interroger les témoins et non de les contre-interroger.  Même si les règles de l’interrogatoire peuvent parfois être partiellement relâchées compte tenu de la qualité des témoins en cause ou de la nature de la procédure dans laquelle l’interrogatoire s’inscrit, il est nécessaire de noter la distinction lorsqu'on apprécie les décisions qui ont limité les interrogatoires.

Consentir un privilège ou un avantage à un témoin collaborateur de justice est acceptable

Boucher c. R., 2006 QCCA 668 (CanLII)

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[106]      Bien sûr, toute personne citée comme témoin doit déposer et dire la vérité.  Mais le délateur, qui a bien souvent participé aux activités criminelles qui sont reprochées à l’accusé, est dans une situation fort différente du témoin ordinaire.
[107]      En conséquence, on ne peut permettre qu'un délateur témoigne sans protection.  Comme cette protection ne peut être assurée par un privilège protégeant son identité, l’État doit recourir à d'autres mesures comme l'octroi d'une nouvelle identité, le relogement, etc.
[108]      Dans R. c. Thresh, [2003] J.Q. n° 11326 (C.A.), la Cour, sous la plume du juge Proulx, approuve le dépôt en preuve d’une telle entente afin, notamment, que le tribunal puisse veiller à la bonne administration de la justice dans le cadre d’un exercice qui doit être transparent :
[28] Appliquant ce principe au cas à l’étude, j’estime que c’est fondamentalement une question de transparence dans le traitement des témoins-délateurs qui légitime la preuve du contrat de délation en interrogatoire principal.  Il n’y a pas si longtemps, les conditions de l’entente entre l’État et le délateur étaient gardées secrètes, si bien que toutes les spéculations sur l’intérêt du témoin étaient possibles.  Pourtant, comme l’avait souligné le juge McIntyre dans l’arrêt Palmer c. La Reine 1979 CanLII 8 (CSC)[1980] 1 R.C.S. 759, p. 779, il est de la responsabilité des tribunaux de s’assurer qu’en accordant une protection à ce type de témoin, on ne fera rien qui puisse influencer les témoins à charge, nuire de quelque façon au procès ou entraîner un déni de justice.  Pour ma part, je crois qu’il serait assez paradoxal d’exiger du ministère public une totale transparence dans ses ententes avec les délateurs et de ne pas lui permettre de mettre cartes sur table si ce délateur témoigne.  Le contraire laisserait croire au juge des faits, si seule la défense pouvait y référer, que la transparence est à sens unique.
[29] Au Québec, il semble que le dépôt en preuve de ce contrat par le ministère public est une pratique courante.  L’article 9 de la directive TEM-3 du 9 octobre 1991 oblige même les substituts du Procureur général à le faire; l’article 2 de la même directive indique que le substitut ne peut recourir au témoignage d’un témoin repenti que s’il existe une entente écrite conclue entre ce témoin et le comité de contrôle.  […]
[31] Pour conclure sur ce premier volet de la discussion, j’estime que le dépôt en preuve du contrat de délation lors de l’interrogatoire principal ne visait qu’indirectement à rehausser la crédibilité du délateur Bastien et se justifiait par d’autres objectifs légaux : 1) faire la preuve de transparence à l’égard des ententes prises avec le témoin, 2) anticiper toute question en contre-interrogatoire de nature à mettre en doute cette transparence, 3) éviter de présenter au jury une image déformée du témoin.
[109]      L’entente en cause prévoit par ailleurs des obligations qui ne visent pas spécifiquement la protection de Gagné, singulièrement l’engagement du procureur général d’ordonner l'arrêt de la procédure concernant une accusation de meurtre et de  faire au tribunal certaines observations en faveur de Gagné.  Il ne s'agit pas d'obligations qui visent à assurer la protection du témoin; elles visent plutôt à assurer sa collaboration.
[110]      De tels engagements ne sont pas pour autant illégaux et de nature à ternir l'administration de la justice.  La protection de la société requiert que le ministère public fasse des choix pour le bien commun.  Les tribunaux doivent évidemment demeurer vigilants afin de détecter toute tentative par la poursuite d’influencer un témoignage.  (R. c. Palmer, précité)
[111]      Dans R. c. Heng, [1995] A.Q. n° 427 (C.A.), le juge Rothman écrit :
[29] It is clear that Turcotte received very favourable treatment for his cooperation with the police and for the evidence he was to give at appellant’s trial.  Tacitly at least, the police accepted his refusal to identify the 3 men who hired him.  And in the end, after giving his evidence at appellant’s trial, Turcotte himself received a suspended sentence.
[30] There is no doubt that, in certain cases, the Crown must rely on informers and co-conspirators to provide evidence implicating an accused person in the commission of a crime.  Sometimes this involves an agreement of favourable treatment for a witness; it may also involve arrangements for the protection of the witness and his or her family.  The courts must, however, be vigilant to assure that these arrangements do not influence the evidence of witnesses or undermine the integrity of the trial.
[112]      Consentir un privilège ou un avantage à un témoin est donc acceptable mais les tribunaux doivent veiller à ce que ces avantages ne constituent pas une incitation directe au parjure comme, notamment, la promesse d’une rémunération à la condition que le témoignage entraîne une condamnation.  (R. c. Xénos, [1991] A.Q. n° 2200, (C.A.))

Il ne faudrait pas attribuer aux questions énoncées dans W. (D.) un caractère sacré ou un degré de perfection immuable

R. c. J.H.S., [2008] 2 RCS 152, 2008 CSC 30 (CanLII)

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[13]                          Bref, il ne faudrait pas attribuer aux questions énoncées dans W. (D.) un caractère sacré ou un degré de perfection immuable que leur auteur n’a jamais revendiqué pour elles.  Le message transmis par W. (D.) — soit que le jury doit être informé de manière limpide que le ministère public n’est jamais libéré du fardeau de prouver tous les éléments de l’infraction hors de tout doute raisonnable — est d’une importance capitale; son application ne devrait toutefois pas laisser la forme l’emporter sur le fond.  Dans R. c. S. (W.D.)1994 CanLII 76 (CSC)[1994] 3 R.C.S. 521, le juge Cory a réitéré que les directives énoncées dans W. (D.) n’ont pas à être récitées « mot à mot comme une incantation » (p. 533).  Dans R. c. Avetysan[2000] 2 R.C.S. 7452000 CSC 56 (CanLII), le juge Major qui s’exprimait au nom des juges de la majorité a souligné que, dans toutes les causes où la question de la crédibilité revêt de l’importance, « [c]e qu’il importe vraiment de déterminer, c’est essentiellement si les directives du juge du procès ont donné au jury l’impression qu’il devait choisir entre les deux versions des événements » (par. 19).  L’essentiel c’est que le manque de crédibilité de l’accusé n’équivaut pas à une preuve de sa culpabilité hors de tout doute raisonnable.

La définition de la séquestration

Grey c. R., 2010 QCCA 1776 (CanLII)

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[64]           Selon la jurisprudence, si pendant un laps de temps assez long une personne est soumise à la contrainte physique ou forcée d’agir contre sa volonté de sorte qu’elle n’est pas libre de ses mouvements, il s’agit d’une séquestration au sens de l’article 279(2) C.cr.

La définition du doute raisonnable

R. c. Lifchus, [1997] 3 RCS 320, 1997 CanLII 319 (CSC)

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36                     Il serait peut‑être utile de résumer ce que la définition devrait et ne devrait pas contenir.  Les explications suivantes devraient être données:

∙     la norme de la preuve hors de tout doute raisonnable est inextricablement liée au principe fondamental de tous les procès pénaux, c’est‑à‑dire la présomption d’innocence;


∙     le fardeau de la preuve incombe à la poursuite tout au long du procès et ne se déplace jamais sur les épaules de l’accusé;

∙     un doute raisonnable ne peut être fondé sur la sympathie ou sur un préjugé;

∙     il repose plutôt sur la raison et le bon sens;

∙     il a un lien logique avec la preuve ou l’absence de preuve;

∙     la norme n’exige pas une preuve correspondant à la certitude absolue; il ne s’agit pas d’une preuve au-delà de n’importe quel doute; il ne peut s’agir non plus d’un doute imaginaire ou frivole;

∙     il faut davantage que la preuve que l’accusé est probablement coupable — le jury qui conclut seulement que l’accusé est probablement coupable doit acquitter l’accusé.

37                           Par contre, certaines mentions concernant la norme de preuve requise doivent être évitées.  Par exemple:

∙     le fait de décrire l’expression «doute raisonnable» comme étant une expression ordinaire, qui n’a pas de sens spécial dans le contexte du droit pénal;


∙     le fait d’inviter les jurés à appliquer la même norme de preuve que celle qu’ils utilisent, dans leur propre vie, pour prendre des décisions importantes, voire les plus importantes de ces décisions;

∙     le fait d’assimiler preuve «hors de tout doute raisonnable» à une preuve correspondant à la «certitude morale»;

∙     le fait de qualifier le mot «doute» par d’autres adjectifs que «raisonnable», par exemple «sérieux», «substantiel» ou «obsédant», qui peuvent induire le jury en erreur;

∙     le fait de dire aux jurés qu’ils peuvent déclarer l’accusé coupable s’ils sont «sûrs» de sa culpabilité, avant de leur avoir donné une définition appropriée du sens des mots «hors de tout doute raisonnable».

La 6e étape de Garofoli

R v. Reid, 2016 ONCA 524 (CanLII)

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[84]      In Garofoli, which involved a challenge to a conventional authorization under what is now Part VI of the Criminal Code, Sopinka J. set out a procedure to be followed when the Crown objects to disclosing part of the affidavit filed in support of an application for authorization: see Garofoli, at p. 1461.  The same procedure applies to an ITO relied upon to support issuance of a search warrant: R. v. Blake2010 ONCA 1 (CanLII)251 C.C.C. (3d) 4, at para. 15R. v. Rocha2012 ONCA 707 (CanLII)112 O.R. (3d) 742, at para. 56.
[85]      Step six of Garofoli may be invoked when the editing of the supportive affidavit or ITO to ensure compliance with the CI privilege rule renders the affidavit or ITO incapable of satisfying the conditions precedent for issuance of the warrant or authorization.  Step six is in these terms, at p. 1461:
6.    If, however, the editing renders the authorization insupportable, then the Crown may apply to have the trial judge consider so much of the excised material as is necessary to support the authorization.  The trial judge should accede to such a request only if satisfied that the accused is sufficiently aware of the nature of the excised material to challenge it in argument or by evidence.  In this regard, a judicial summary of the excised material should be provided if it will fulfill that function.  It goes without saying that if the Crown is dissatisfied with the extent of disclosure and is of the view that the public interest will be prejudiced, it can withdraw tender of the wiretap evidence.
The step six procedure attempts to balance conflicting interests.  On the one hand, the interests of law enforcement, including the duty to ensure the protection of informers and preserve the near-absolute sanctity of CI privilege.  On the other hand, the right of every person charged with a crime to make full answer and defence: see Garofoli, at p. 1458.  The balancing is not a weighing of absolutes for, as we have already seen, neither the right to make full answer and defence nor CI privilege is absolute.
[86]      Step six adopts a quid pro quo approach to this balancing process. This involves, on the one hand, permitting the Crown to rely upon the unredacted ITO, which has not been disclosed to the defence, to support the issuance of the warrant.  And on the other hand, permitting the defence to challenge the issuance of the warrant, and thus the reasonableness of the search, on the basis of the redacted ITO and a judicial summary of the nature of the redacted material.  The Crown may only invoke step six, however, where the summary makes the accused sufficiently aware of the nature of the excised material to challenge it in argument or by evidence: Crevier, at para. 43; Garofoli, at p. 1461.  A summary that fails to meet this standard disentitles the Crown to rely on the unredacted ITO to sustain the issuance of the warrant as the enabling search authority. 
[87]      Three points about the judicial summary are worthy of reminder.
[88]      First, what is provided is a summary.  By its very nature, a summary is general, not detailed.  Its predominant characteristics are conciseness and brevity.  A summary eschews detail.  Indeed, were a summary to contain the last detail, it would not only exceed what is required by step six but also, in all likelihood, breach CI privilege.
[89]      Second, and despite its general nature, the summary must provide an accused with a meaningful basis on which to challenge whether the author of the ITO made full and frank disclosure of the Debot factors relating to the CI: Crevier, at para. 83. 
[90]      Third, the summary need only make the accused aware of the nature of the redacted material, not its substance and not its details.  The summary must be sufficient to allow the accused to mount a challenge to the redacted material by argument or evidence.  But recall that the judicial summary is not the only means available to an accused to challenge the issuance of the warrant.  An accused may seek leave to cross-examine the author of the ITO, may rely on other information that has been the subject of Crown disclosure, or may adduce other evidence: Crevier, at paras. 72, 77 and 83. 

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Des paroles prononcées pour expliquer sa détresse ne constituent pas nécessairement des menaces au sens du Code criminel; il faut analyser ce type de confidence dans le contexte où les paroles sont prononcées

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