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mercredi 14 août 2024

La défense d’intoxication involontaire en matière d'infraction de conduite avec les capacités affaiblies

Garneau c. R., 2023 QCCA 131

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[26]      La mens rea de l’infraction de conduite avec capacité affaiblie « réside dans le fait de s’intoxiquer volontairement »[12]. L’accusé doit être acquitté lorsque sa défense d’intoxication involontaire est retenue, c’est-à-dire « si une preuve soulève un doute raisonnable sur la capacité qu’avait cette personne, au moment où elle a décidé de conduire, de réaliser le caractère sérieux et inadéquat de son état sans une faute de sa part »[13].

[27]      Dans l’arrêt The Queen c. King, la Cour suprême, sous la plume du juge Ritchie, est venue préciser que la démonstration des éléments de l’infraction de conduite avec capacité affaiblie donne lieu à une présomption d’intoxication volontaire pouvant être réfutée par le biais d’une preuve soulevant un doute raisonnable :

The existence of mens rea as an essential ingredient of an offence and the method of proving the existence of that ingredient are two different things, and I am of opinion that when it has been proved that a driver was driving a motor vehicle while his ability to do so was impaired by alcohol or a drug, then a rebuttable presumption arises that his condition was voluntarily induced and that he is guilty of the offence created by s. 223 [now s. 320.14(1)a) of the Criminal Code] and must be convicted unless other evidence is adduced which raises a reasonable doubt as to whether he was, through no fault of his own, disabled when he undertook to drive and drove, from being able to appreciate and know that he was or might become impaired.[14]

[28]      Ainsi, lorsqu’un accusé soulève une défense d’intoxication involontaire, il assume un fardeau de présentation pour démontrer que sa défense satisfait le critère de vraisemblance. Il ne s’agit pas d’un fardeau de persuasion, puisqu’il revient au ministère public d’établir les éléments de l’infraction, dont l’intention coupable hors de tout doute raisonnable. L’accusé pourra ainsi être acquitté si la preuve soulève un doute raisonnable sur le caractère volontaire de son intoxication[15]. Il n’aura toutefois pas à faire la démonstration par preuve prépondérante d’une intoxication involontaire. Si, sur la base de l’ensemble de la preuve, le tribunal entretient un doute raisonnable quant au caractère volontaire de l’intoxication, l’accusé devra alors être acquitté.

Les conditions d'admissibilité d'une preuve photographique

Dejala c. R., 2021 QCCA 248

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[151]   Pour être admissible, une preuve photographique doit être exacte et fidèle à la réalité, ne pas avoir été modifiée dans le but de tromper, et être authentifiée d’une quelconque manière par une preuve sous serment[122]. L’amélioration de la qualité d’une telle preuve par « rehaussement » est permise dans la mesure où son exactitude et sa fidélité à la réalité sont préservées[123] et, comme le juge de première instance le souligne, le rehaussement est un fait qui doit être prouvé comme tous les autres faits qu’une partie veut établir.

Les conditions d'admissibilité d'une preuve audiovisuelle

R. c. Paul, 2017 QCCS 905

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[40]        Il reste à déterminer l’admissibilité des images eu égard au rehaussement de celles-ci effectué par un photographe judiciaire.

[41]        Pour être admissible, une preuve audiovisuelle doit être exacte et fidèle à la réalité, ne pas avoir été modifiée dans le but de tromper et être authentifiée d’une quelconque manière par une preuve sous serment (R. c. Nikolovski1996 CanLII 158 (CSC)[1996] 3 RCS 1197, par. 28R. c. Murphy2011 NSCA 54, par 48R. c. Andalib-Goortani2014 ONSC 4690, par. 24 à 34).

[42]         Une modification qui rehausse la qualité d’une preuve audiovisuelle, tout en préservant son exactitude et sa fidélité, est permise (R. c. Bulldog2015 ABCA 251, par. 26 à 33R. c. Smith-Wilson2016 SKQB 33, par. 107 à 114R. c. Crawford2013 BCSC 2402, par. 47 à 49R. c. Pasqua2008 ABQB 124, par. 9 et 10R. c. Cooper2000 BCSC 342, par. 76 et 77).

mardi 13 août 2024

L'admissibilité en preuve d'un document électronique

Caron c. R., 2024 QCCA 436

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[4]         Rappelons qu’au stade de l’admissibilité de la preuve, le juge du procès « doit d’abord déterminer si la partie voulant déposer un document électronique en preuve a fait la démonstration de son authentification »[1]. Ce fardeau est « relativement bas » et peut être rempli au moyen d’éléments de preuve directe et circonstancielle permettant de conclure que « le document est bien ce qu’il paraît être »[2]. C’est lors de l’évaluation finale de la preuve que « l’authenticité du document et le poids à y accorder, y compris la question de savoir si on peut s’y fier, seront ultimement déterminés »[3].

Les éléments constitutifs de l'infraction d'harcèlement criminel

J.A. c. R., 2024 QCCA 754

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[11]      L’actus reus de l’infraction de harcèlement criminel causé par une conduite menaçante (par. 264(1) et al. 264(2)d) C.cr.se compose de trois éléments : (1) l’accusé s’est comporté d’une manière menaçante à l’égard du plaignant ou d’un membre de sa famille, (2) cela a eu pour effet de faire raisonnablement craindre au plaignant – compte tenu du contexte – pour sa sécurité ou celle d’une de ses connaissances et (3) le plaignant a été harcelé[3].

[12]      Pour déterminer si la conduite de l’accusé était menaçante, il faut examiner son comportement à la lumière du contexte et tenir compte de la personne qu’il vise. Il s’agit de déterminer si ce comportement serait de nature à susciter un sentiment de crainte chez son destinataire, aux yeux d’une personne raisonnable consciente du contexte[4]. L’expression « se comporter d’une manière menaçante » doit recevoir une interprétation souple afin de couvrir tout comportement qui est objectivement intimidant et qui ferait peur à une personne raisonnable, placée dans la situation de la victime[5]. L’état d’esprit de l’accusé n’est pas pertinent dans le cadre de l’analyse de l’actus reus[6].

[13]      Il doit ensuite être démontré que le plaignant a subjectivement craint pour sa sécurité ou celle de l’une de ses connaissances, et que cette crainte était objectivement raisonnable, compte tenu du contexte[7]. Cette crainte « s’étend non seulement à la sécurité physique, mais également à la sécurité psychologique ou émotionnelle »[8].

[14]      Finalement, le plaignant doit avoir été harcelé par la conduite interdite, par exemple, avoir été tourmenté, troublé, angoissé de façon constante et chronique, rongé, affligé ou persécuté[9]. Cet état dépasse le simple fait d’être contrarié ou agacé[10].

[15]      L’infraction de harcèlement criminel résultant d’une conduite visée à l’al. 264(2)d) C.cr. peut être commise à l’occasion d’un seul incident[11].

[16]      La mens rea de l’infraction requiert que le juge des faits soit convaincu hors de tout doute raisonnable que l’accusé savait que le plaignant se sentait harcelé par sa conduite ou ne se souciait pas qu’il se sente harcelé[12]. Cet élément de faute ne requiert pas que l’accusé ait l’intention spécifique de susciter de la crainte chez le plaignant[13]. Bien entendu, une telle volonté établira la mens rea de l’infraction, mais il suffit que l’accusé ait connaissance du sentiment de harcèlement que suscite sa conduite ou fasse preuve d’insouciance à cet égard[14]. Cette analyse de l’état d’esprit subjectif de l’accusé peut s’effectuer à la lumière de l’ensemble des circonstances, notamment la conduite passée de l’accusé et l’historique de sa relation avec le plaignant[15].

vendredi 9 août 2024

La corrélation entre le déficit dans la prise de notes et la fiabilité du témoignage d’un policier n’est pas systématique

Éthier c. R., 2022 QCCS 535

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[37]        L’appelant plaide que l’agent Vigneault n’a pas respecté les principes relatifs à l’obligation générale des policiers de prendre des notes, comme établie par la Cour suprême dans l’arrêt Wood c. Schaeffer[9].

[38]        Il signale que le rapport d’événement a été rédigé tardivement – le 19 janvier 2020 – et qu’il manque des détails dans le calepin de l’agent Vigneault dont les notes débutent à 1h58 alors qu’il a été intercepté à 1h40.

[39]        Selon l’appelant, l’agent Vigneault a principalement témoigné de mémoire compte tenu du « laxisme » dans la rédaction de ses notes ce qui a nécessairement eu un impact sur la fiabilité de son témoignage.

[40]        À l’instar du premier juge, je ne peux partager cet avis.

[41]        La corrélation entre le déficit dans la prise de notes et la fiabilité du témoignage d’un policier n’est pas systématique.

[42]        En effet, le défaut de respecter l’obligation de tenir des notes doit faire l’objet d’une évaluation propre aux circonstances de chaque affaire[10].

[43]        Il est donc erroné de conclure que des notes partielles, brèves, tardives ou absentes sur certains aspects de l’enquête font nécessairement obstacle à la fiabilité du témoignage d’un policier. Tout dépend de la pertinence de la question en litige et de l’analyse de la preuve dans sa globalité.

[105]     Dans la présente affaire, le premier juge a conclu que les multiples questions posées à l’agent Vigneault concernant des sujets qui ne se retrouvaient pas dans ses notes n’ont pas réussi à entacher sa version des faits.

Comment apprécier la pertinence d'une preuve / Les aveux émanant d’une partie ne deviennent pas inadmissibles parce que le témoin rend un témoignage équivoque

R. c. Schneider, 2022 CSC 34

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[39]                        Pour déterminer si un élément de preuve est pertinent, le juge doit se demander s’il tend à accroître ou à diminuer la probabilité de l’existence d’un fait en litige (R. c. Arp1998 CanLII 769 (CSC), [1998] 3 R.C.S. 339, par. 38). Outre cette question, il n’existe pas de [traduction] « critère juridique » en matière de pertinence (Paciocco, Paciocco et Stuesser, p. 35). Les juges doivent, dans l’exercice de leur rôle de gardiens du système judiciaire, évaluer la pertinence d’un élément de preuve « selon la logique et l’expérience humaine » (R. c. White2011 CSC 13, [2011] 1 R.C.S. 433, par. 44). Ce faisant, les juges doivent veiller à ne pas usurper le rôle du juge des faits, bien qu’il leur faille dans une certaine mesure soupeser la preuve, une fonction typiquement réservée au jury (Vauclair et Desjardins, p. 687, citant R. c. Hart2014 CSC 52, [2014] 2 R.C.S. 544, par. 95 et 98). Il n’est pas nécessaire que l’élément de preuve en cause « établisse fermement [. . .] la véracité ou la fausseté d’un fait en litige » (Arp, par. 38), bien qu’il soit possible que cet élément soit trop conjectural ou équivoque pour être pertinent (White, par. 44). Le seuil de pertinence requis est peu élevé, et les juges peuvent admettre un élément de preuve qui présente une faible valeur probante (Arp, par. 38R. c. Grant2015 CSC 9, [2015] 1 R.C.S. 475, par. 18). Dans l’examen par les juges de la pertinence, celle‑ci « ne tient nullement à l’existence d’une valeur probante suffisante », et « [o]n ne doit [. . .] pas confondre l’admissibilité de la preuve avec son poids » (R. c. Corbett1988 CanLII 80 (CSC), [1988] 1 R.C.S. 670, p. 715, le juge La Forest, dissident, mais non sur ce point, citant Morris c. La Reine1983 CanLII 28 (CSC), [1983] 2 R.C.S. 190, p. 192). Des concepts comme la fiabilité en dernière analyse, la vraisemblance et la valeur probante n’ont pas leur place lorsqu’il s’agit de décider de la pertinence. La question de savoir si un élément de preuve est pertinent est une question de droit susceptible de contrôle suivant la norme de la décision correcte (R. c. Mohan1994 CanLII 80 (CSC), [1994] 2 R.C.S. 9, p. 20‑21).

[40]                        Cela nous amène à la question sur laquelle la juridiction inférieure s’est divisée : De quel contexte en ce qui a trait à la preuve peut tenir compte le juge présidant un procès afin de décider si un élément de preuve est capable de signification et peut de ce fait être pertinent? La juge Charron a examiné cette question dans l’affaire R. c. Blackman2008 CSC 37, [2008] 2 R.C.S. 298, par. 30 :

     Pour évaluer pleinement la pertinence d’un élément de preuve, il faut tenir compte des autres éléments présentés pendant le procès. Toutefois, en tant que critère d’admissibilité, l’appréciation de la pertinence est un processus continu et dynamique dont la résolution ne peut attendre l’issue du procès. Selon l’étape du procès, le « contexte » de l’appréciation de la pertinence d’un élément de preuve peut très bien être embryonnaire. Souvent, pour des raisons pragmatiques, il faut s’appuyer sur les observations des avocats pour décider de la pertinence d’un élément de preuve. Dans The Law of Evidence (4e éd. 2005), p. 29, les professeurs D. M. Paciocco et L. Stuesser expliquent pourquoi, en réalité, le critère préliminaire de la pertinence ne peut être un critère strict et, comme les auteurs le soulignent, les propos suivants du juge Cory dans R. c. Arp1998 CanLII 769 (CSC), [1998] 3 R.C.S. 339, par. 38, rendent bien compte de ce point de vue :

     Pour qu’un élément de preuve soit logiquement pertinent, il n’est pas nécessaire qu’il établisse fermement, selon quelque norme que ce soit, la véracité ou la fausseté d’un fait en litige. La preuve doit simplement tendre à [traduction] « accroître ou diminuer la probabilité de l’existence d’un fait en litige ». [Italique omis.]

[41]                        Comme l’a expliqué la juge Charron, les juges qui président des procès peuvent examiner la pertinence à la lumière des éléments de preuve que les parties ont présentés, ainsi que de ceux qu’une partie indique qu’elle entend présenter. Les juges peuvent admettre un élément de preuve litigieux sous réserve de l’engagement de l’avocat concerné quant aux éléments devant être présentés (Lederman, Fuerst et Stewart, ¶2.72). Compte tenu du lien qui existe entre la signification et la pertinence, les propos formulés par la juge Charron dans l’arrêt Blackman s’appliquent logiquement aux éléments de preuve susceptibles d’éclairer la signification.

[42]                        Cette proposition générale s’applique aux aveux émanant d’une partie. Rien ne justifie de traiter différemment ces aveux dans la détermination de la pertinence. À cette étape de l’analyse, il n’est pas nécessaire que les juges qui président des procès aient qualifié la preuve d’aveu émanant d’une partie. En circonscrivant à l’intérieur d’un cercle étroit les autres éléments de preuve pouvant être pris en compte pour déterminer la pertinence des aveux émanant d’une partie (la distinction entre « micro‑contexte » et « macro‑contexte »), les juges majoritaires de la Cour d’appel ont commis une erreur de droit.

[43]                        En formulant cette observation, je suis conscient qu’il n’est pas nécessaire que la preuve soit sans équivoque pour être pertinente. Dans l’arrêt R. c. Evans1993 CanLII 86 (CSC), [1993] 3 R.C.S. 653, le juge Sopinka a souligné que, bien que les questions d’admissibilité relèvent du juge du procès, c’est au juge des faits qu’il appartient de décider si une déclaration a été faite et si elle est véridique (p. 664‑666; voir aussi Vauclair et Desjardins, p. 865‑866). Les aveux émanant d’une partie, comme tout autre élément de preuve, ne deviennent pas inadmissibles parce que le témoin rend un témoignage équivoque. Il arrive souvent que les témoins aient un souvenir imparfait des circonstances et manifestent de l’hésitation lorsqu’ils déposent. Dans la mesure où de telles imperfections ou hésitations portent sur des points liés à l’admissibilité (plutôt qu’au poids que le juge des faits accorde à l’élément de preuve), il est approprié que le juge qui préside un procès les prenne en considération dans la mise en balance de la valeur probante et de l’effet préjudiciable. En conséquence, le fait qu’un témoin ne se souvienne pas des mots exacts qui ont été utilisés ne signifie pas que son témoignage n’est pas pertinent.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Il incombe à la défense de préciser ses demandes de communication de la preuve supplémentaires et cela doit être fait en temps opportun

R. v. Atwell, 2022 NSSC 304 Lien vers la décision [ 8 ]              The Crown has a duty to make disclosure of all relevant information to ...