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mardi 4 août 2009

Symptômes d'alcoolémie peu nombreux et perceptibles

Pagé c. La Reine, C.Q. Ville Marie, 610-01-004271-072, 4 février 2008, j. Laflamme.

Toutefois, lorsque les symptômes sont peu nombreux et perceptibles comme en l'espèce, la durée de l'observation prend une importance accrue, notamment quant à la détermination de la sincérité de la croyance subjective du policier. Il en est de même sur le plan de l'analyse en vue de s'assurer que cette croyance est objectivement fondée sur des motifs raisonnables.

lundi 3 août 2009

Étendue du pouvoir de procéder à une fouille accessoire à une arrestation / Prélèvement de substances corporelles

R. c. Stillman, 1997 CanLII 384 (C.S.C.)

Résumé des faits
L’accusé était âgé de 17 ans lorsqu’il a été arrêté, en 1991, pour le meurtre brutal d’une adolescente. Au poste de police, les avocats de l’accusé ont remis aux policiers une lettre les informant que l’accusé refusait de fournir quelque échantillon de substance corporelle que ce soit, comme des cheveux et des poils, et des empreintes dentaires, ou de faire une déclaration. Une fois les avocats partis, les policiers ont prélevé des échantillons de cheveux de l’accusé après avoir menacé de recourir à la force, et ils l’ont forcé à s’arracher des poils pubiens. Des empreintes à la plasticine ont également été prises de sa dentition. Un policier a ensuite interrogé l’accusé pendant une heure dans le but d’obtenir une déclaration. L’accusé a sangloté pendant tout l’interrogatoire et, après qu’on lui eut permis de téléphoner à son avocat, il est allé aux toilettes, escorté d’un policier, où il a utilisé un papier‑mouchoir pour se moucher. Il a jeté le papier‑mouchoir dans la poubelle. Le policier a saisi le papier‑mouchoir contenant des mucosités, qui a été utilisé pour effectuer une analyse d’empreintes génétiques.

Analyse
Le prélèvement d’échantillons de cheveux et de poils, la prise d’empreintes dentaires et les prélèvements faits dans la bouche contrevenaient à l’art. 8 de la Charte. Les échantillons de substances corporelles et les empreintes n’ont pas été saisis conformément au Code criminel qui, au moment de l’arrestation de l’accusé, n’autorisait pas la fouille d’une personne ni la saisie de parties du corps d’une personne. Ils n’ont pas été saisis non plus conformément au pouvoir de common law de procéder à une fouille accessoire à une arrestation légale. L’arrestation de l’accusé était légale étant donné que les policiers avaient subjectivement l’impression d’avoir des motifs raisonnables de croire que l’accusé avait commis le meurtre, et que, d’un point de vue objectif, ils avaient des raisons sérieuses et suffisantes d’en arriver à cette conclusion.

Toutefois, le pouvoir de common law de procéder à une fouille accessoire à une arrestation ne va pas au‑delà de l’objectif de protection des policiers qui effectuent une arrestation contre des suspects armés ou dangereux, ou de préservation des éléments de preuve qui autrement pourraient être détruits ou perdus. La fouille effectuée en l’espèce est allée bien plus loin que la fouille sommaire qui accompagne habituellement une arrestation. Le prélèvement d’échantillons de substances corporelles et la prise d’empreintes dentaires étaient des actes très envahissants. De plus, en dépit des exigences de la Loi sur les jeunes contrevenants qu’un parent ou un avocat assiste à l’interrogatoire d’un adolescent soupçonné d’avoir commis une infraction, et en l’absence de tout conseiller adulte et contrairement aux directives explicites des avocats de l’accusé, la police a longuement interrogé ce dernier et a, en menaçant de recourir à la force, prélevé des échantillons de substances corporelles et pris des empreintes dentaires. Elle s’est ainsi livrée à un exercice abusif de force physique brute.

Le pouvoir de common law de procéder à une fouille accessoire à une arrestation ne peut pas être large au point de viser la saisie d’échantillons de substances corporelles effectuée sans autorisation légale valide et malgré un refus de les fournir. Ces échantillons ne risquent pas habituellement de disparaître. Si ce pouvoir est large à ce point, alors la règle de common law elle‑même est abusive parce qu’elle est trop générale et ne pondère pas adéquatement les droits qui s’opposent. Il est clair qu’en l’espèce il y a eu violation grave du droit de l’accusé à la protection contre les fouilles, perquisitions ou saisies abusives. Étant donné que la fouille et la saisie des échantillons de substances corporelles n’étaient autorisées ni par une loi ni par la common law, elles ne pouvaient qu’être abusives.

Le prélèvement d’échantillons de cheveux et de poils, la prise d’empreintes dentaires et les prélèvements faits dans la bouche contrevenaient aussi à l’art. 7 de la Charte, étant donné qu’ils violaient le droit à la sécurité de la personne d’une manière non conforme aux principes de justice fondamentale. Ils constituaient l’atteinte la plus grave à la vie privée de l’accusé et violaient l’intégrité du corps, qui est essentielle à la dignité humaine. Les actions policières qui sont accomplies sans consentement ni autorisation et qui portent une atteinte plus que minimale au corps d’une personne violent l’art. 7.

La saisie du papier‑mouchoir jeté contrevenait à l’art. 8 de la Charte. Lorsqu’un accusé qui n’est pas détenu se défait d’un objet qui peut constituer un élément de preuve utile pour établir son profil génétique, la police peut normalement recueillir cet objet et le faire analyser, sans avoir à se soucier d’obtenir un consentement, étant donné que, dans les circonstances, l’accusé a abandonné cet objet et a cessé d’avoir une attente raisonnable en matière de vie privée à son sujet. La situation est toutefois différente lorsqu’un accusé est détenu. La question de savoir si la situation est telle que l’accusé a abandonné un objet et renoncé à tout droit à ce qu’il demeure confidentiel devra être tranchée en fonction des faits particuliers de chaque affaire. En l’espèce, l’accusé avait fait savoir par ses avocats qu’il ne consentirait pas au prélèvement d’échantillons de ses substances corporelles. Les policiers étaient au courant de cette décision, mais en dépit de cela, ils se sont emparés du papier‑mouchoir que l’accusé avait jeté alors qu’il était détenu. Dans ces circonstances, la saisie était abusive. En l’espèce, l’attente de l’accusé en matière de vie privée, bien qu’elle ait diminué à la suite de son arrestation, n’était pas faible au point de permettre la saisie du papier‑mouchoir. Cette attente ne devrait pas être réduite au point de justifier les saisies d’échantillons de substances corporelles effectuées sans consentement, particulièrement dans le cas des personnes qui sont détenues alors qu’elles sont encore présumées innocentes.

Le but premier de l’examen du facteur de l’équité du procès dans l’analyse fondée sur le par. 24(2) est d’empêcher qu’un accusé, dont les droits garantis par la Charte ont été violés, soit mobilisé contre lui‑même ou forcé de fournir, au profit de l’État, des éléments de preuve sous forme de confessions, de déclarations ou de substances corporelles. Ainsi, pour examiner le facteur de l’équité du procès, il est nécessaire de qualifier la preuve soit de preuve obtenue en mobilisant l’accusé contre lui‑même, soit de preuve non obtenue en mobilisant l’accusé contre lui‑même, selon la manière dont elle a été obtenue.

Si l’accusé n’a pas été forcé de participer à la constitution ou à la découverte de la preuve, la preuve sera qualifiée de preuve non obtenue en mobilisant l’accusé contre lui‑même. Son utilisation ne rendra pas le procès inéquitable et le tribunal passera à l’examen de la gravité de la violation et de l’incidence de l’exclusion de cette preuve sur la considération dont jouit l’administration de la justice. Si la preuve a été obtenue dans des conditions qui violent la Charte, en forçant l’accusé à s’incriminer lui‑même par une déclaration ou par l’utilisation en preuve de son corps ou de ses substances corporelles, elle sera qualifiée de preuve obtenue en mobilisant l’accusé contre lui‑même. L’utilisation non autorisée du corps d’une personne ou de ses substances corporelles constitue, tout autant qu’une déclaration forcée, un «témoignage» forcé susceptible de rendre le procès inéquitable. La sécurité du corps mérite donc tout autant que les déclarations d’être protégée contre les atteintes de l’État visant à obtenir de force une auto‑incrimination. Si l’on conclut que la preuve a été obtenue en mobilisant l’accusé contre lui‑même, ce qui, dans le cas de déclarations, comprend la preuve dérivée, et si le ministère public démontre, suivant la prépondérance des probabilités, qu’elle aurait été découverte par un autre moyen non fondé sur la mobilisation de l’accusé contre lui‑même -- lorsque la preuve peut être tirée d’une source indépendante ou lorsque sa découverte était inévitable --, son utilisation ne rendra alors généralement pas le procès inéquitable.

Cependant, il faudra examiner la gravité de la violation de la Charte et l’incidence de l’exclusion de cette preuve sur la considération dont jouit l’administration de la justice. Si la preuve a été obtenue en mobilisant l’accusé contre lui‑même et que le ministère public ne démontre pas, suivant la prépondérance des probabilités, qu’elle aurait été découverte par un autre moyen non fondé sur la mobilisation de l’accusé contre lui‑même, son utilisation rendra alors le procès inéquitable. En règle générale, le tribunal écartera la preuve sans examiner la gravité de la violation ni l’incidence de son exclusion sur la considération dont jouit l’administration de la justice. Il doit en être ainsi puisqu’un procès inéquitable déconsidérerait nécessairement l’administration de la justice.

En l’espèce, en examinant comment l’utilisation de la preuve compromettrait l’équité du procès, le juge du procès a conclu à tort que les échantillons de cheveux et de poils et les empreintes dentaires existaient indépendamment de toute violation de la Charte et qu’ils étaient donc admissibles en preuve. Les échantillons de substances corporelles et les empreintes de l’accusé constituaient des éléments de preuve «matérielle», mais les policiers, par leurs paroles et leurs actions, ont contraint l’accusé à fournir des éléments de preuve provenant de son corps. Ces éléments de preuve ont été obtenus en mobilisant l’accusé contre lui‑même. La preuve contestée n’aurait pas été découverte si l’accusé n’avait pas été mobilisé contre lui‑même en violation de ses droits garantis par la Charte et il n’y avait aucune source indépendante d’où la police aurait pu tirer la preuve. Il s’ensuit que son utilisation rendrait le procès inéquitable. Cette conclusion suffit pour répondre à la question du par. 24(2), étant donné que la preuve doit être écartée.

De toute façon, les violations de la Charte qui ont permis d’obtenir la preuve en question sont de nature très grave. La police a fait preuve d’un mépris flagrant pour les droits fondamentaux de l’accusé. Malgré le refus explicite de ce dernier de fournir des échantillons de substances corporelles ou de faire une déclaration, les policiers ont délibérément attendu le départ de ses avocats pour commencer, en recourant à la force, aux menaces et à la contrainte, à prélever des échantillons de ses substances corporelles et à l’interroger dans le but d’obtenir une déclaration. La police savait également que l’accusé était à l’époque un jeune contrevenant et qu’il avait droit à la protection spéciale de la Loi sur les jeunes contrevenants. Finalement, le fait que la police se soit moquée du refus d’un jeune contrevenant de fournir des échantillons de ses substances corporelles choquerait sûrement la conscience de tous les citoyens équitables. L’utilisation de la preuve serait donc susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

Cependant, le papier‑mouchoir contenant les mucosités ne devrait pas être écarté. La police n’a pas forcé l’accusé à fournir un échantillon de ses mucosités, et ne lui a même pas demandé de le faire. Bien que la police ait agi subrepticement, au mépris du refus explicite de l’accusé de lui fournir des échantillons de substances corporelles, les droits que la Charte garantissait à ce dernier relativement au papier‑mouchoir n’ont pas été gravement violés. La saisie n’a pas porté atteinte à l’intégrité physique de l’accusé et ne lui a fait perdre sa dignité d’aucune manière. De toute façon, la police pouvait obtenir et aurait obtenu le papier‑mouchoir jeté. Il pouvait être découvert et l’administration de la justice ne serait pas déconsidérée si la preuve constituée par l’échantillon de mucosités était utilisée.

Prorogation de délai d'appel

Dunn c. R., 2008 QCCA 2477 (CanLII)

Dans l'arrêt R. c. Lamontagne, 1994 CanLII 6295 (QC C.A.), (1994) 95 C.C.C. (3d) 277, la Cour a décidé qu'une demande de prorogation de délai doit normalement établir :

1) que l'appelant avait l'intention d'appeler pendant le délai d'appel;

2) la diligence raisonnable dans l'exercice du droit d'appel pendant le délai prescrit;

3) des motifs d'appel sérieux;

Peine consécutives VS peines concurrentes

R. c. Aoun, 2008 QCCA 440 (CanLII)

[19] Il est bien établi qu’un tribunal d'appel doit faire preuve de retenue à l'endroit d'un jugement portant sur la détermination de la peine. Sauf erreur de principe, omission de prendre en considération un facteur pertinent ou insistance trop grande sur les facteurs appropriés, une cour d’appel ne devrait intervenir pour modifier la peine infligée que si elle n’est manifestement pas indiquée.

[20] Les peines peuvent être consécutives s'il s'agit de transactions criminelles distinctes ou s'il existe un élément aggravant qui justifie une peine consécutive. Inversement, lorsque les infractions présentent un lien étroit, découlant du même incident ou font partie d’une même opération criminelle, les tribunaux infligent des peines concurrentes les unes aux autres.

[21] Lorsque chaque infraction est passible d’une peine d’emprisonnement, la méthode adéquate peut consister à imposer pour chacune d’elles une peine appropriée et consécutive, à moins que le résultat soit excessif :

[27] En effet, si le juge qui impose des peines d'emprisonnement pour plusieurs infractions est d'avis que la personne doit, dans l'intérêt de la société, être incarcérée pour une période donnée, il verra, à l'intérieur des limites permises par la loi, à aménager les sentences de façon à atteindre ce qu'il considère comme un résultat juste et équitable. Il le fera par le biais du cumul des sentences si la loi le lui permet. S'il ne peut le faire en raison de ce qu'il pourrait, à juste titre, considérer comme une lacune de la loi due à des raisons purement techniques, il imposera cette non moins juste et souhaitable période d'incarcération par d'autres moyens tout aussi légaux. Compte tenu de la grande sévérité des sentences inscrites au Code, tout ce qu'il a alors à faire est d'imposer, relativement à la dernière déclaration de culpabilité, une sentence dont la durée correspondra au temps que l'accusé devrait, à son avis, purger pour ses infractions. Ne pouvant remplir ce qu'il considère à juste titre comme son devoir en imposant des sentences consécutives, pour des raisons qu'il considère comme purement techniques (et avec raison selon moi), c'est ainsi qu'il va procéder. Ce faisant, toutefois, le juge se trouvera à imposer pour la dernière infraction, en vue d'atteindre le résultat global juste et souhaitable, une sentence beaucoup plus sévère, même à ses yeux, que ce que mérite l'infraction prise isolément. Cela n'est pas souhaitable car chaque infraction devrait au départ être sanctionnée d'une manière individuelle et en fonction de sa gravité. Si chaque infraction commande sa propre période d'incarcération, la méthode appropriée pour atteindre ce résultat lorsqu'on impose en même temps les peines à un accusé n'est pas de sanctionner une des infractions d'une manière disproportionnée à sa gravité, mais plutôt d'imposer des sentences consécutives.

[22] C’est ce que le juge Proulx exprime, au nom de la Cour, dans l’arrêt R. c. Bélanger:

Aux termes de l'article 717(4)c)ii) C.cr., un juge peut rendre des sentences d'emprisonnement consécutives lorsqu'une personne (1) est déclarée coupable de plus d'une infraction devant le même tribunal, et (2) que des périodes d'emprisonnement sont imposées pour les infractions respectives: c'était le cas en l'espèce.

La jurisprudence a apporté deux tempéraments à cette règle, soit que (1) les peines devraient être concurrentes si les délits résultent d'un événement unique ou s'il s'agit d'actes criminels continus, sauf les cas où la loi prescrit que la sentence doit être consécutive ou encore, si le tribunal estime que l'une des infractions formant partie de l'événement unique comporte un élément aggravant qui justifie une peine consécutive, et (2) que l'effet cumulatif de la série des sanctions imposées ne doit pas résulter en une sentence disproportionnée par rapport à la culpabilité générale du délinquant. C'est le principe de la totalité des sentences qui assure une proportionnalité raisonnable aux infractions commises. (Références omises)

[23] Il semble que le juge a voulu mettre l’accent sur la gradation des peines. Il a tenu compte du fait que l’intimé ne s’était jamais, jusque-là, vu imposer de peines de prison plus lourdes que 60 jours de prison pour possession d'une carte de crédit criminellement obtenue. C’est pour cette raison qu’il a écarté l’idée d’une peine de pénitencier et qu’il a imposé des peines de moins de deux ans chacune, qu’il rend concurrentes.

*** Voir au même effet Beaulieu c. R., 2007 QCCA 403 (CanLII) ***

Évaluation du risque de récidive

R. c. Maheu, 1997 CanLII 10356 (QC C.A.)

Le sursis ne peut être imposé que si le tribunal est convaincu que le fait pour le délinquant de purger sa peine au sein de la collectivité ne mettra pas en danger la sécurité de celle-ci. Le juge a l'obligation de s'assurer que cet objectif est rencontré.

Plusieurs facteurs peuvent être pris en compte pour décider de cette question. On pourrait à cet égard, s'inspirer des critères reconnus par notre Cour pour la mise en liberté provisoire d'un inculpé en faisant les adaptations nécessaires vu le contexte différent. Le juge Proulx, dans l'arrêt R. c. Rondeau, a énuméré, entre autres:

1) la nature de l'infraction,
2) les circonstances pertinentes de celle-ci, ce qui peut mettre en cause le évènements antérieurs et postérieurs,
3) le degré de participation de l'inculpé,
4) la relation de l'inculpé avec la victime,
5) le profil de l'inculpé, c'est-à-dire, son occupation, son mode de vie, ses antécédents judiciaires, son milieu familial, son état mental,
6) sa conduite postérieurement à la commission de l'infraction,
7) le danger que représente pour la communauté particulièrement visée par l'affaire, la mise en liberté de l'inculpé.

La responsabilité du juge, dans le cadre de l'article 742.1, est d'évaluer le risque de danger d'ordre moral et matériel et de s'assurer que non seulement l'accusé offre des garanties quant à sa réhabilitation mais que la peine assurera le respect de la loi et le maintien d'une société juste, paisible et sûre. Les conditions obligatoires et facultatives dont peut être assortie l'ordonnance de sursis servent d'encadrement pour diminuer le risque que prend le juge en ordonnant un sursis d'emprisonnement.

Le juge qui s'apprête à prononcer une ordonnance de sursis ne saurait toutefois, à mon avis, limiter son examen des principes et objectifs codifiés aux articles 718, 718.1 et 718.2 à la seule étape de la détermination de la peine d'emprisonnement pertinente tout comme il ne saurait considérer isolément un principe tel l'exemplarité ou encore la situation particulière d'un délinquant ou l'absence de circonstances exceptionnelles pour éluder une ordonnance de sursis qui aurait pu être justifiée, compte tenu des conditions posées à l'article 742.1. C'est globalement que devrait être examiné l'ensemble des principes et objectifs lorsqu'il s'agit de déterminer si l'emprisonnement avec sursis est une sanction adéquate. Le juge doit être convaincu que cette peine est suffisamment dissuasive et qu'elle offre au délinquant des garanties quant à sa réhabilitation. Il doit être également convaincu que cette peine est proportionnelle à la gravité de l'infraction ainsi qu'au degré de responsabilité du délinquant et qu'elle dénonce de façon satisfaisante le comportement illégal.

C'est à tort à cet égard que l'emprisonnement avec sursis peut sembler être une sanction clémente dont le seul gagnant serait le délinquant. Si l'on considère que ce dernier purgera la totalité de sa peine dans des conditions parfois très restrictives quant à sa liberté de sorties à l'extérieur de son domicile et astreignantes au plan des services que le délinquant peut être appelé à fournir à son entourage immédiat et à la communauté, si l'on considère surtout que la peine d'emprisonnement reste suspendue comme une épée de Damoclès dans l'éventualité où le délinquant manquerait à ses obligations, il peut s'agir d'une peine plus lourde qu'une brève période d'emprisonnement avec détention.

Par ailleurs, les effets bénéfiques de cette peine pour le délinquant qui doit activement s'impliquer dans un processus de réhabilitation et pour la société qui non seulement peut espérer voir décroître le coût de l'appareil carcéral mais peut exercer un contrôle sur l'exécution de la peine imposée au délinquant, font de cette peine nouvelle un outil privilégié dans la poursuite des buts proposés par le législateur au chapitre de la détermination de la peine.

dimanche 2 août 2009

Le retrait du complot

R. c. Lacoursière, 2002 CanLII 41284 (QC C.A.)

[21] À l'aide de cette distinction entre le complot en tant qu'infraction et comme mode de participation, on comprendra que le complot consommé, le refus d'y donner suite et le retrait n'absout pas le conspirateur pour son adhésion au complot: un crime selon l'art. 465 a été commis et les parties à ce complot peuvent en être inculpées.

[22] En sanctionnant cette conduite, le législateur veut éviter que soit réalisée la fin illégale: «The law punishes comspiracy so that the unlawful object is not attained.».

[23] Par ailleurs, c'est en considérant maintenant le complot comme mode de participation criminelle selon le par. 21(2) C.cr. en regard des infractions commises dans la réalisation de la fin illégale, que le retrait ou le désistement d'un des conspirateurs peut lui éviter d'être partie à ces infractions. Ceux et celles qui poursuivent la mise en œuvre de la fin illégale encourront une responsabilité pour les infractions commises.

[24] Le retrait du complot signifie que la personne se dissocie du but commun, avec la conséquence que dans l'application de l'art. 21(2) on ne saurait lui imputer une responsabilité pour les actes qu'elle a renoncé à poser. L'article 21(2) entre en jeu quand l'un des conspirateurs commet une infraction dans la réalisation de la fin commune: le retrait supprime donc la fin commune quant à celui-là. Dans une certaine mesure, les parties au complot sont encouragées à s'en désister pour éviter parfois le pire: le principe est bien ancré dans la jurisprudence.

[25] Déjà dans l'arrêt Henderson v. The King (1948) 91 C.C.C. 97, la Cour suprême du Canada affirmait qu'«it is settled law that a person who has been a party to prosecute a common illegal purpose, may dissociate himself with his original co-conspirators» (p. 107); voir également Miller et autre c. La Reine, 1997 CanLII 309 (C.S.C.), [1997] 2 R.C.S. 680 et R. v. Kirkness, 1990 CanLII 57 (C.S.C.), [1990] 3 R.C.S. 74.

[26] Le principe étant admis, reste à déterminer les conditions de recevabilité du retrait.

[27] À ce sujet, dans les arrêts Henderson et Miller, la Cour suprême du Canada a adopté les propos du juge Sloan dans R. v. Whitehouse, (1941), 75 C.C.C. 65, p. 67-68, qui, en résumé, a formulé les propositions suivantes. Le retrait demeure une question de fait: ce doit être (1) «more than a mere mental change of intention» (2) «where practicable and reasonable there must be timely communication of the intention to abandon the common purpose…», le but étant «to break the chain of causation and responsibility».

[28] En doctrine, les auteurs FORTIN et VIAU, «Traité de droit pénal général» (1982), Les Éditions Thémis Inc., résument ainsi les conditions de recevabilité du retrait:

Il consiste dans l'abandon de la part du co-conspirateur de la poursuite de l'objet du complot. Les tribunaux exigent, en pratique, que celui qui se désiste manifeste son désistement par ses paroles ou sa conduite et signifie d'une façon non équivoque à ses co-conspirateurs qu'ils ne peuvent plus compter sur son aide dans la perpétration de l'objet du complot. (p. 366)

[29] En résumé, le retrait doit (1) survenir en temps utile, soit avant la réalisation de l'objet du complot, (2) être définitif et non équivoque, et (3) être communiqué lorsque cela est possible et raisonnable (CÔTÉ-HARPER, RAINVILLE et TURGEON, «Traité de droit pénal canadien», 4e éd. (1998) Éditions Yvon Blais, p. 864 à 869).

Quand la peine doit être concurrente

R. c. Pichette, 2003 CanLII 25220 (QC C.A.)

[21] En général, lorsque les infractions présentent un lien étroit, découlent du même incident ou font partie d'une même opération criminelle, les tribunaux infligent des peines concurrentes les unes aux autres. Par ailleurs, la décision d'imposer une peine concurrente ou une peine consécutive relève entièrement de la discrétion du premier juge et une cour d'appel ne doit intervenir qu'exceptionnellement à ce sujet.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Il incombe à la défense de préciser ses demandes de communication de la preuve supplémentaires et cela doit être fait en temps opportun

R. v. Atwell, 2022 NSSC 304 Lien vers la décision [ 8 ]              The Crown has a duty to make disclosure of all relevant information to ...