R. c. Gauthier, 2004 CanLII 58331 (QC C.M.)
[56] Tels que définies à l’article 265(1) du Code criminel, les voies de fait peuvent être catégorisés sous trois rubriques : les voies de fait par application de la force, les menaces d’appliquer la force et le port d’une arme afin d’importuner une autre personne.
265 (1) [Voies de fait] Commet des voies de fait, ou se livre à une attaque ou une agression, quelconque, selon le cas
a) d'une manière intentionnelle, emploie la force, directement ou indirectement, autre une autre personne sans son consentement.
b) tente ou menace, par un acte ou un geste, d'employer la force contre une autre personne, s'il est en mesure actuelle, ou s'il porte cette personne à croire, pour des motifs raisonnables, qu'il est alors en mesure actuelle d'accomplir son dessein.
c) en portant ostensiblement une arme ou une imitation, aborde ou importune une autre personne ou mendie.
[57] Premièrement, les voies de fait par application de la force impliquent l’emploi intentionnel de la force sur une autre personne sans son consentement.
[58] Le degré de la force qui doit être employée n’est pas précisé explicitement dans la loi. Selon la jurisprudence, un simple toucher de la main peut constituer une agression (R. c. Burden, reflex, (1984) 64 C.C.C. (2d) 68 (C.A. C.-B.). A la page 70, le juge McFarlane appuie sa position sur le passage suivant du « Taschereau’s Criminal Code of the Dominion of Canada (1893) » :
Battery seemeth to be when any injury whatsoever, be it ever so small, is actually done to a person of a man in an angry or avengful or rude or insolent manner… For the law can not draw the line between different degrees of violence, and therefore, totally prohibits the first and lowest of it, every man’s person being sacred, and no other having a right to meddle with it in any, the slightest manner.
[59] Le tribunal note l’arrêt R. c. Bernier, 119, C.C.C. (3d) p. 467, C.A.Q. où la juge Marie Deschamps, rendant le jugement unanime de la Cour, s’exprimait ainsi aux pages 473 et 474 :
Section 265(1) a) stipulates that the intentional application of force whether directly or indirectly is necessary in order to constitute an assault. However, the term force is vague. What degree or force is necessary in order to constitute an assault? Does it have to be extreme force or can it just be slight. In this regard, the common Law has adopted a flexible approach to defining force. The authors Smith and Hogan adopted the notion of “intentional touching… without consent and lawful excuse.
An assault is an act by which one, intentionally or recklessly, causes… to apprehend immediate and unlawful personal violence (…) But violence here includes any unlawful touching of another, however slight, for, as Blackstone wrote:
For the law cannot draw the line between different degrees of violence, and therefore prohibits the first and lowest of it: every man’s person being sacred, and no other having a right to meddle with it, in any the slightest manner.
As Lane L.C.J. put it:
An assault is any intentional touching of another person without the consent of that person and without lawful excuse. It need not necessarily be hostile, or rude, or aggressive, as since of the cases seem to indicate.
[60] Pointer quelqu’un du doigt sur sa poitrine à deux ou trois reprises dans le cadre d’une dispute verbale entre deux étrangers (R. c. Racicot, [1999] J.Q. no. 2888), tout comme l’acte de cracher sur quelqu’un (R. c. Stewart, reflex, [1998] R.J.Q. 1123), constituent tout autant des voies de fait.
[61] Puisque l’infraction de voies de fait est d’intention générale, une personne pourrait commettre ce crime par insouciance si elle est consciente que son comportement risque d’entraîner l’application de la force sur une personne sans le consentement de cette dernière.
Voir : R. c. Starratt, (1972) 5 C.C.C. (2D) 32 (C.A. Ont.);
R. c. Wolfe, (1974) 20 C.C.C. (2d) 382 (C.A. Ont)- (notre ajout -- Un geste réflexe n’est pas une infraction de voies de fait, car sans intention volontaire);
R. c. Lepage, reflex, (1989) 74 C.R. (3d) 368).
[62] La manière intentionnelle est supportée par la présomption de fait que toute personne est censée avoir voulu les conséquences naturelles et probables de ses acte. Il s'agit d’une infraction d'intention générale. Il suffit que l'accusé ait eu l'intention de poser l'acte constitutif de l’infraction. Il n'est nullement nécessaire de faire la preuve de l'intention d'en rechercher les conséquences.
[63] Il n’est donc pas essentiel que l’accusé projette de blesser sa victime pour que des voies de fait soient commises.
[64] Deuxièmement, des voies de fait sont commises si une personne tente ou menace d’employer la force, selon l’article 265 (1)b) du Code. La menace doit se manifester par des actes ou des gestes (R. c. Nabis, 1974 CanLII 179 (C.S.C.), [1975] 2 R.C.S. 485; R. c. Byrne, [1968] 3 C.C.C. 179, 189 (C.A.C.-B.)).
[65] Un contact physique entre l’accusé et sa victime n’est pas nécessairement requis pour que le crime de voies de fait soit commis (R. c. Horncastle, (1972) 8 C.C.C. (2d) 253).
[66] Par exemple, menacer une personne de lui rompre le cou constitue en soi des voies de fait (R. c. Martineau, [1997] A.Q. no. 4593).
[67] Aussi, le fait de s’approcher de quelqu’un en vociférant peut constituer le geste par lequel une menace se manifeste conformément à l’article 265(1)b) (R. c. Côté, [2000] J.Q. no. 1012 (C.S)).
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jeudi 6 août 2009
En quoi consiste la force mentionnée à l'article 265 1) a) du Code criminel?
R. c. Robert, 2000 CanLII 21499 (QC C.M.)
Dans l'affaire R. c. Jacques Bernier, la juge Marie Deschamps de la Cour d'appel du Québec s'est posé la question suivante :
« Une agression suppose-t-elle nécessairement le recours à la force physique ou à une forme quelconque d'hostilité physique? N'existe-t-il pas des situations où un agresseur n'a pas besoin d'utiliser sa force pour porter atteinte à l'intégrité physique ou sexuelle de sa victime? »
La réponse a été :
« Le sous-paragraphe 265(1)a) stipule que l'emploi intentionnel de la force, directement ou indirectement est nécessaire pour commettre une agression. Toutefois, le terme force souffre d'imprécision. Quel degré de force est requis pour constituer une agression? S'agit-il d’une force physique extrême ou négligeable?
À cet égard, la Common law a adopté une approche souple pour définir la force. Les auteurs Smith et Hogan adoptent la notion de "Intentional touching... without consent and lawful excuse":
An assault is an act by which D, intentionally or recklessly, causes P to apprehend immediate and unlawful personal violence (...). But "violence" here includes any unlawful touching of another, however slight for, as Blackstone wrote:
"the law cannot draw the line between different degrees of violence, and therefore prohibits the first and lowest stage of it; Every man's person being sacred, and no other having a right to meddle with it, in any the slightest manner."
As Lane LCJ put it:
"An assault is any intentional touching of another person without the consent of that person and without lawful excuse. It need not necessarily be hostile, or rude, or aggressive, as some of the cases seem to indicate." »
Selon cette définition, la juge Deschamps conclut que tout toucher intentionnel sans excuse légitime est une agression.
Dans l'affaire Arciresi mentionnée ci-dessus, le juge André Massé ajoute au sujet de la force utilisée :
« Lorsque le Code criminel réfère à l'emploi de la force, on doit comprendre que le mot force est employé dans le sens technique de contact personnel. Ce contact peut être exercé directement ou indirectement. Le degré de violence n'entre pas en ligne de compte. La loi interdit la violence à son moindre degré. Toute personne humaine revêtant un caractère sacré, nulle autre n'a le droit d'y porter atteinte (cf. Fagan c. Metropolitan Police Commissioner, (1969) 1 Q.B. 439 (U.K.)). Le seul fait de poser la main sur la cuisse d'une autre personne contre son consentement constitue une agression (cf. R. c. Burden, 64 C.C.C. (2d) 68). »
Le juge Denis Laliberté de la Cour municipale de Montréal a suivi le même raisonnement dans l'affaire R. c. Gilles Racicot, et réfère à la décision de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, R. c. Burden :
« Est-ce que pointer du doigt quelqu'un sur sa poitrine à deux ou trois reprises dans le cadre d'une dispute verbale entre deux étrangers constitue des voies de fait au sens du Code criminel ? La réponse, c'est oui. »
La description des événements faite par les témoins, Stéphane Dion, André Lamarre et Patrick Robert, ne laisse aucun doute qu'une certaine force a été exercée dans le geste posé, même si Patrick Robert veut donner l'impression que le tout s'est fait en douceur.
Patrick Robert s'exprimant ainsi :
« Ce que j'ai fait, c'est que je me suis approché et que je lui ai glissé la main un peu derrière le cou afin qu'il n'ait aucun choc lorsque la tarte lui arriverait en plein visage, donc nous sommes à portée de main, ses lunettes n'ont pas été déplacées et je lui ai tenu la tête afin qu'il n'ait même pas un mal de cou. Donc nous agissons à chaque fois d'une façon extrêmement pacifique. »
La conduite de l'accusé dans la présente n'est pas insignifiante « trifling nature » comme ce fut le cas dans plusieurs décisions mentionnées par la défense et, de plus, notre cour d'appel n'a pas reconnu ce principe en matière de voies de fait.
Par conséquent, le Tribunal ne peut pas appliquer la maxime suivante :
« DE MINIMIS NON CURAT LEX : Des petites choses la loi - ne se soucie pas »
règle de droit qui empêche un demandeur de saisir le tribunal d'un litige dont l'enjeu est insignifiant.
Dans l'affaire R. c. Jacques Bernier, la juge Marie Deschamps de la Cour d'appel du Québec s'est posé la question suivante :
« Une agression suppose-t-elle nécessairement le recours à la force physique ou à une forme quelconque d'hostilité physique? N'existe-t-il pas des situations où un agresseur n'a pas besoin d'utiliser sa force pour porter atteinte à l'intégrité physique ou sexuelle de sa victime? »
La réponse a été :
« Le sous-paragraphe 265(1)a) stipule que l'emploi intentionnel de la force, directement ou indirectement est nécessaire pour commettre une agression. Toutefois, le terme force souffre d'imprécision. Quel degré de force est requis pour constituer une agression? S'agit-il d’une force physique extrême ou négligeable?
À cet égard, la Common law a adopté une approche souple pour définir la force. Les auteurs Smith et Hogan adoptent la notion de "Intentional touching... without consent and lawful excuse":
An assault is an act by which D, intentionally or recklessly, causes P to apprehend immediate and unlawful personal violence (...). But "violence" here includes any unlawful touching of another, however slight for, as Blackstone wrote:
"the law cannot draw the line between different degrees of violence, and therefore prohibits the first and lowest stage of it; Every man's person being sacred, and no other having a right to meddle with it, in any the slightest manner."
As Lane LCJ put it:
"An assault is any intentional touching of another person without the consent of that person and without lawful excuse. It need not necessarily be hostile, or rude, or aggressive, as some of the cases seem to indicate." »
Selon cette définition, la juge Deschamps conclut que tout toucher intentionnel sans excuse légitime est une agression.
Dans l'affaire Arciresi mentionnée ci-dessus, le juge André Massé ajoute au sujet de la force utilisée :
« Lorsque le Code criminel réfère à l'emploi de la force, on doit comprendre que le mot force est employé dans le sens technique de contact personnel. Ce contact peut être exercé directement ou indirectement. Le degré de violence n'entre pas en ligne de compte. La loi interdit la violence à son moindre degré. Toute personne humaine revêtant un caractère sacré, nulle autre n'a le droit d'y porter atteinte (cf. Fagan c. Metropolitan Police Commissioner, (1969) 1 Q.B. 439 (U.K.)). Le seul fait de poser la main sur la cuisse d'une autre personne contre son consentement constitue une agression (cf. R. c. Burden, 64 C.C.C. (2d) 68). »
Le juge Denis Laliberté de la Cour municipale de Montréal a suivi le même raisonnement dans l'affaire R. c. Gilles Racicot, et réfère à la décision de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, R. c. Burden :
« Est-ce que pointer du doigt quelqu'un sur sa poitrine à deux ou trois reprises dans le cadre d'une dispute verbale entre deux étrangers constitue des voies de fait au sens du Code criminel ? La réponse, c'est oui. »
La description des événements faite par les témoins, Stéphane Dion, André Lamarre et Patrick Robert, ne laisse aucun doute qu'une certaine force a été exercée dans le geste posé, même si Patrick Robert veut donner l'impression que le tout s'est fait en douceur.
Patrick Robert s'exprimant ainsi :
« Ce que j'ai fait, c'est que je me suis approché et que je lui ai glissé la main un peu derrière le cou afin qu'il n'ait aucun choc lorsque la tarte lui arriverait en plein visage, donc nous sommes à portée de main, ses lunettes n'ont pas été déplacées et je lui ai tenu la tête afin qu'il n'ait même pas un mal de cou. Donc nous agissons à chaque fois d'une façon extrêmement pacifique. »
La conduite de l'accusé dans la présente n'est pas insignifiante « trifling nature » comme ce fut le cas dans plusieurs décisions mentionnées par la défense et, de plus, notre cour d'appel n'a pas reconnu ce principe en matière de voies de fait.
Par conséquent, le Tribunal ne peut pas appliquer la maxime suivante :
« DE MINIMIS NON CURAT LEX : Des petites choses la loi - ne se soucie pas »
règle de droit qui empêche un demandeur de saisir le tribunal d'un litige dont l'enjeu est insignifiant.
Le rôle du juge et ses limites
R. c. Roy, 2002 CanLII 41133 (QC C.A.)
[9] Dans un procès pénal, l'équilibre dans le rapport de force entre le Ministère public et l'inculpé ne peut être atteint si le juge usurpe le rôle de l'une des parties. C'est à ce dernier qu'incombe le devoir de veiller au respect des droits fondamentaux de chacune d'elles, dont notamment le droit à une audition juste et impartiale qui nous concerne en l'espèce. Cette règle d'or a été affirmée par les tribunaux de temps immémorial: il ne suffit pas que justice soit rendue, encore faut-il qu'il paraisse indubitablement qu'elle le soit. C'est le critère d'équité qui exige du tribunal de tenir une audition en toute sérénité et sans préjugé ou apparence de préjugé, en donnant à chaque partie l'occasion d'exposer adéquatement sa cause: c'est une question d'éthique judiciaire.
[10] Il ne s'agit pas ici de remettre en question le pouvoir d'intervention du juge d'instance dans la conduite d'un débat judiciaire. Comme la Cour suprême l'a affirmé dans Brouillard dit Chatel, «non seulement acceptons-nous aujourd'hui que le juge intervienne dans le débat adversaire, mais croyons-nous aussi qu'il est parfois essentiel qu'il le fasse pour que justice soit effectivement rendue. Ainsi, un juge peut et, parfois, doit poser des questions aux témoins, les interrompre dans leur témoignage, et au besoin les rappeler à l'ordre.». Reste à déterminer si ces interventions «ont rompu l'équilibre qui doit exister entre les parties», «si elles ont eu ou pu avoir un impact sur le déroulement juste et équitable du procès». Comme l'affirmaient les juges Rousseau-Houle et Biron dans une opinion conjointe, «il y a cependant des limites au droit d'un juge de poser des questions. Pour assurer que l'accusé ait un procès équitable, les questions posées par le juge ne doivent pas perturber de façon sensible l'interrogatoire conduit par l'avocat ou laisser transparaître un parti pris.».
[11] Dans Dumas c. La Reine, cette Cour a reproché au premier juge «d'avoir agi comme procureur supplémentaire de la poursuite et comme un enquêteur qui prend le contrôle de toute l'enquête au lieu de laisser aux avocats le travail principal d'interroger les témoins». C'est ce même type d'intervention qui a été dénoncé et jugé portant atteinte à l'équité du procès dans plusieurs arrêts de cette Cour: R. c. Gagnon; R. c. Lalancette, 1987 CanLII 686 (QC C.A.), [1987] R.L. 522; Gaétan St-Pierre c. La Reine, C.A.Q. no 200-10-000138-821, 31 mai 1989, les juges LeBel, Mailhot et Frenette, ad hoc; R. c. Gagnon, [1992] 47 Q.A.C. 232; Vigneault c. La Reine, 1990 CanLII 2686 (QC C.A.), [1991] R.J.Q. 19; Denis c. La Reine, [1966] B.R. 404; Daniel Jr. Raymond c. La Reine, C.A.M. no 500-10-000188-936, 18 décembre 1996, les juges Deschamps, Forget et Biron, ad hoc; Denis Laroche c. La Reine, C.A.Q. no 200-10-000191-952, 20 décembre 1999, les juges Mailhot, Rousseau-Houle et Biron, ad hoc.
[12] C'est donc une question de mesure qui permet de tracer la ligne de démarcation entre la légalité et l'illégalité dans la conduite du procès (Denis c. La Reine, supra, p. 405). Quand un juge troque sa« toge contre celle d'un avocat» (Brouillard dit Chatel, supra, p. 44), «s'il donne l'impression de vouloir prendre le dossier en mains en ne laissant pas aux avocats le soin de procéder à l'interrogatoire de leur témoin» (Vigneault c. La Reine, supra, p. 24), ou encore lorsque «les nombreuses interventions du juge et le rôle actif qu'il s'est attribué ont manifestement gêné les avocats dans l'exercice de leurs fonctions et privé l'appelant du bénéfice d'un procès qui donne l'apparence de l'impartialité nécessaire au maintien du respect que doit susciter l'administration de la justice», ou encore qu'il «usurpe le rôle des avocats», l'équilibre est rompu et il en résulte une atteinte à l'équité de l'audience.
[9] Dans un procès pénal, l'équilibre dans le rapport de force entre le Ministère public et l'inculpé ne peut être atteint si le juge usurpe le rôle de l'une des parties. C'est à ce dernier qu'incombe le devoir de veiller au respect des droits fondamentaux de chacune d'elles, dont notamment le droit à une audition juste et impartiale qui nous concerne en l'espèce. Cette règle d'or a été affirmée par les tribunaux de temps immémorial: il ne suffit pas que justice soit rendue, encore faut-il qu'il paraisse indubitablement qu'elle le soit. C'est le critère d'équité qui exige du tribunal de tenir une audition en toute sérénité et sans préjugé ou apparence de préjugé, en donnant à chaque partie l'occasion d'exposer adéquatement sa cause: c'est une question d'éthique judiciaire.
[10] Il ne s'agit pas ici de remettre en question le pouvoir d'intervention du juge d'instance dans la conduite d'un débat judiciaire. Comme la Cour suprême l'a affirmé dans Brouillard dit Chatel, «non seulement acceptons-nous aujourd'hui que le juge intervienne dans le débat adversaire, mais croyons-nous aussi qu'il est parfois essentiel qu'il le fasse pour que justice soit effectivement rendue. Ainsi, un juge peut et, parfois, doit poser des questions aux témoins, les interrompre dans leur témoignage, et au besoin les rappeler à l'ordre.». Reste à déterminer si ces interventions «ont rompu l'équilibre qui doit exister entre les parties», «si elles ont eu ou pu avoir un impact sur le déroulement juste et équitable du procès». Comme l'affirmaient les juges Rousseau-Houle et Biron dans une opinion conjointe, «il y a cependant des limites au droit d'un juge de poser des questions. Pour assurer que l'accusé ait un procès équitable, les questions posées par le juge ne doivent pas perturber de façon sensible l'interrogatoire conduit par l'avocat ou laisser transparaître un parti pris.».
[11] Dans Dumas c. La Reine, cette Cour a reproché au premier juge «d'avoir agi comme procureur supplémentaire de la poursuite et comme un enquêteur qui prend le contrôle de toute l'enquête au lieu de laisser aux avocats le travail principal d'interroger les témoins». C'est ce même type d'intervention qui a été dénoncé et jugé portant atteinte à l'équité du procès dans plusieurs arrêts de cette Cour: R. c. Gagnon; R. c. Lalancette, 1987 CanLII 686 (QC C.A.), [1987] R.L. 522; Gaétan St-Pierre c. La Reine, C.A.Q. no 200-10-000138-821, 31 mai 1989, les juges LeBel, Mailhot et Frenette, ad hoc; R. c. Gagnon, [1992] 47 Q.A.C. 232; Vigneault c. La Reine, 1990 CanLII 2686 (QC C.A.), [1991] R.J.Q. 19; Denis c. La Reine, [1966] B.R. 404; Daniel Jr. Raymond c. La Reine, C.A.M. no 500-10-000188-936, 18 décembre 1996, les juges Deschamps, Forget et Biron, ad hoc; Denis Laroche c. La Reine, C.A.Q. no 200-10-000191-952, 20 décembre 1999, les juges Mailhot, Rousseau-Houle et Biron, ad hoc.
[12] C'est donc une question de mesure qui permet de tracer la ligne de démarcation entre la légalité et l'illégalité dans la conduite du procès (Denis c. La Reine, supra, p. 405). Quand un juge troque sa« toge contre celle d'un avocat» (Brouillard dit Chatel, supra, p. 44), «s'il donne l'impression de vouloir prendre le dossier en mains en ne laissant pas aux avocats le soin de procéder à l'interrogatoire de leur témoin» (Vigneault c. La Reine, supra, p. 24), ou encore lorsque «les nombreuses interventions du juge et le rôle actif qu'il s'est attribué ont manifestement gêné les avocats dans l'exercice de leurs fonctions et privé l'appelant du bénéfice d'un procès qui donne l'apparence de l'impartialité nécessaire au maintien du respect que doit susciter l'administration de la justice», ou encore qu'il «usurpe le rôle des avocats», l'équilibre est rompu et il en résulte une atteinte à l'équité de l'audience.
Application de l'article 12 de la Loi sur la preuve au Canada (condamnations antérieures) devant un juge siégeant seul
R. c. Gervais, 2004 CanLII 15674 (QC C.Q.)
La prise de connaissance du casier judiciaire
[50] Par ailleurs et avec égard pour l'opinion contraire, nous croyons que le procureur de l'accusé s'est mal dirigé en droit relativement à l'objection d'une preuve de condamnation antérieure.
[51] En effet, l'arrêt Corbett établit la constitutionnalité de l'article 12 de la Loi de la preuve au Canada permettant la preuve de condamnations antérieures dans la mesure où celle-ci se rapporte à la crédibilité:
L'article 13 de la Loi sur la preuve au Canada ne viole pas la garantie contenue à l'article 11(d) de la Charte. L'article 12 a pour seul effet de permettre au ministère public de produire en preuve les condamnations antérieures dans la mesure où celles-ci se rapportent à la crédibilité.
[52] C'est d'ailleurs la mesure et la façon habituelles de "tester" la crédibilité des témoins qu'ont fait valoir les auteurs Béliveau et Vauclair:
Comme le prévoit l'article 12 de la Loi sur la preuve au Canada, l'accusé qui choisit de témoigner s'expose, comme tout autre témoin et sans qu'il soit nécessaire qu'il ait préalablement fourni une quelconque preuve de son honorabilité, à être contre-interrogé par le poursuivant sur ses antécédents judiciaires.
[53] Le fait d'écarter les condamnations antérieures n'est pas un "a priori" mais une forme de sauvegarde des droits de l'accusé dans le cas d'exception où serait compromis son droit à un procès équitable.
La pertinence du casier judiciaire
[54] L'article 12 de la Loi sur la preuve au Canada s'applique habituellement car l'accusé qui choisit de témoigner, sans même tenter d'établir sa bonne réputation, doit s'attendre à être contre-interrogé sur ses antécédents judiciaires. Toutefois, le juge peut écarter cette preuve d'antécédents dans des cas exceptionnels où cela rendrait le procès inéquitable.
[55] L'Honorable juge Laforest dans l'arrêt Corbett et l'Honorable juge Brossard dans la cause Trudel c. R. ont fait état des critères permettant l'irrecevabilité de l'antécédent judiciaire.
[56] À l'étude des cas de jurisprudence, il semble impossible de définir une liste exhaustive des facteurs pertinents, mais les lignes de force et les conclusions qui s'en dégagent ont trait à l'effet préjudiciable de la mise en preuve de ces condamnations sur l'équité du procès en regard de la valeur probante que cette preuve pourrait amener.
[57] Mais il ressort une constante que le préjudice résultant de l'existence d'une preuve d'antécédents, même en semblable matière, est grandement diminué par le fait que l'accusé attaque la crédibilité des témoins à charge. Comme la question à trancher ne repose, comme c'est le cas en l'espèce, que sur la crédibilité des témoins, la valeur probante de la preuve de condamnations antérieures l'emportera.
[58] Il est bien sûr que cette preuve et l'interrogatoire ne peuvent pas servir à fournir des informations établissant un mode de vie ou à prouver une mauvaise réputation et les principes régissant l'admissibilité d'une preuve relative aux condamnations antérieures de l'accusé s'appliquent que l'on soit en présence d'un juge siégeant seul ou avec un jury.
[59] En pratique, cet examen s'avère beaucoup plus impérieux devant jury en raison de la "fausse impression" que pourrait provoquer la connaissance par le jury d'un casier judiciaire. Ainsi, un jury pourrait être fortement impressionné par la connaissance de l'existence d'un casier judiciaire et en déduire illégalement une propension de l'accusé à commettre ce crime.
[60] Me Allen C. Edgar commente la juste façon de traiter cette information:
En informant le juge du fait que l'accusé a un casier judiciaire, on risque que ce dernier y accorde une importance démesurée. Cependant, en dissimulant ce fait au juge, on lui cache des renseignements se rapportant à la crédibilité et on court le risque que sa perception de la situation soit faussée. La meilleure façon de réaliser l'équilibre et d'atténuer ces risques est de fournir au juge des faits des renseignements complets mais de lui donner en même temps des directives claires quant à l'usage limité qu'il peut faire de ces renseignements. Ils ne peuvent servir qu'à évaluer la crédibilité du témoignage de l'accusé.
[61] Les arrêts Underwood et Vaillancourt précisent que, devant jury, la demande de la défense est préalable à l'audition de l'accusé pour balancer les intérêts contradictoires et éviter une exclusion de la preuve "ex post facto":
Au motif de la recherche de la vérité versus "la possible contamination" du jury qui serait impressionné trop défavorablement par le casier judiciaire.
Au motif de protéger l'institution du jury à qui on ne doit rien cacher en principe (saine administration de la justice) versus le tort trop grand que l'admission de cette preuve pourrait engendrer.
[62] Cependant, devant juge seul, ce dernier doit connaître le casier judiciaire afin de statuer sur le mérite de celui-ci. En conséquence, on ne peut cacher, comme on l'aurait souhaité en l'espèce, le casier judiciaire sous prétexte d'une possible contamination du juge seul.
[63] D'ailleurs, après étude de la jurisprudence, aucun exemple n'a pu être trouvé dans lequel une situation exceptionnelle rendant le procès sans jury inéquitable n'a été retracé.
[64] Nous considérons donc que nous avons à prendre connaissance de cette condamnation antérieure pour faire ensuite la détermination de sa pertinence.
[65] Sans en faire une règle pour toutes les causes de facultés affaiblies, force est d'admettre que le débat s'articule la plupart du temps autour des témoignages des policiers et du résultat de l'ivressomètre qui sont contestés, alors que l'accusé apporte en défense une consommation adéquate d'alcool dont l'expert déduit le taux, c'est précisément le cas en l'espèce.
[66] Si on appliquait la théorie exposée par Me Mélançon dans les cas de facultés affaiblies, le tribunal ne pourrait prendre connaissance – ce que nous avons déjà rejeté – ni accepter comme pertinente la preuve de condamnation antérieure pour ce genre de crime aux motifs soulignés par les arrêts Corbett et Trudel, surtout, comme en l'espèce, si la condamnation pouvait être rapprochée dans le temps.
[67] Cette lecture des arrêts précités nous semble mécanique et faussée.
[68] En l'espèce, l'accusé a attaqué la crédibilité des policiers, notamment:
- sur la distance où ils ont pu observer la conduite de l'accusé
- sur l'endroit de l'interception.
et a de plus affirmé qu'il se souciait de sa consommation d'alcool lorsqu'il avait à conduire son véhicule:
- en appliquant un ratio bière-temps lorsqu'il consomme
- en limitant l'utilisation de son véhicule lorsqu'il prend un verre.
[69] Dès lors, la preuve de ces antécédents judiciaires est pertinente quant à l'évaluation de sa crédibilité. D'ailleurs, la présente cause amènerait le tribunal non seulement à ne pas découvrir la vérité, mais aurait eu la conséquence fâcheuse d'induire le tribunal en erreur, ce qui a motivé notre intervention.
[70] Dans notre affaire, le fait de ne pas connaître l'antécédent judiciaire de l'accusé aurait pu faire croire erronément que l'accusé était un "citoyen modèle" qui avait des rapports avec l'alcool au-dessus de tout soupçon: la présence d'un antécédent permettait à tout le moins l'examen de cette question.
[71] En somme, le casier judiciaire de l'accusé peut donc être un fait pertinent sur l'appréciation de sa crédibilité car le juge des faits "a le droit de savoir quel est le type de personne qui lui demande d'ajouter foi à ses propos.
[72] Enfin, l'objection de Me Mélançon sur les condamnations à l'effet qu'il s'agissait d'une condamnation en semblable matière ne peut tenir pour les motifs liés à la crédibilité (tel que déjà exposé). Encore faut-il ajouter que la règle d'exclusion de cette preuve pour ce motif est discrétionnaire et qu'au contraire, la mise en preuve est souvent acceptée parce que digne d'intérêt.
[73] Donc, nous croyons en la pertinence de cette preuve pour évaluer la crédibilité de l'accusé et le tribunal en tiendra compte.
La prise de connaissance du casier judiciaire
[50] Par ailleurs et avec égard pour l'opinion contraire, nous croyons que le procureur de l'accusé s'est mal dirigé en droit relativement à l'objection d'une preuve de condamnation antérieure.
[51] En effet, l'arrêt Corbett établit la constitutionnalité de l'article 12 de la Loi de la preuve au Canada permettant la preuve de condamnations antérieures dans la mesure où celle-ci se rapporte à la crédibilité:
L'article 13 de la Loi sur la preuve au Canada ne viole pas la garantie contenue à l'article 11(d) de la Charte. L'article 12 a pour seul effet de permettre au ministère public de produire en preuve les condamnations antérieures dans la mesure où celles-ci se rapportent à la crédibilité.
[52] C'est d'ailleurs la mesure et la façon habituelles de "tester" la crédibilité des témoins qu'ont fait valoir les auteurs Béliveau et Vauclair:
Comme le prévoit l'article 12 de la Loi sur la preuve au Canada, l'accusé qui choisit de témoigner s'expose, comme tout autre témoin et sans qu'il soit nécessaire qu'il ait préalablement fourni une quelconque preuve de son honorabilité, à être contre-interrogé par le poursuivant sur ses antécédents judiciaires.
[53] Le fait d'écarter les condamnations antérieures n'est pas un "a priori" mais une forme de sauvegarde des droits de l'accusé dans le cas d'exception où serait compromis son droit à un procès équitable.
La pertinence du casier judiciaire
[54] L'article 12 de la Loi sur la preuve au Canada s'applique habituellement car l'accusé qui choisit de témoigner, sans même tenter d'établir sa bonne réputation, doit s'attendre à être contre-interrogé sur ses antécédents judiciaires. Toutefois, le juge peut écarter cette preuve d'antécédents dans des cas exceptionnels où cela rendrait le procès inéquitable.
[55] L'Honorable juge Laforest dans l'arrêt Corbett et l'Honorable juge Brossard dans la cause Trudel c. R. ont fait état des critères permettant l'irrecevabilité de l'antécédent judiciaire.
[56] À l'étude des cas de jurisprudence, il semble impossible de définir une liste exhaustive des facteurs pertinents, mais les lignes de force et les conclusions qui s'en dégagent ont trait à l'effet préjudiciable de la mise en preuve de ces condamnations sur l'équité du procès en regard de la valeur probante que cette preuve pourrait amener.
[57] Mais il ressort une constante que le préjudice résultant de l'existence d'une preuve d'antécédents, même en semblable matière, est grandement diminué par le fait que l'accusé attaque la crédibilité des témoins à charge. Comme la question à trancher ne repose, comme c'est le cas en l'espèce, que sur la crédibilité des témoins, la valeur probante de la preuve de condamnations antérieures l'emportera.
[58] Il est bien sûr que cette preuve et l'interrogatoire ne peuvent pas servir à fournir des informations établissant un mode de vie ou à prouver une mauvaise réputation et les principes régissant l'admissibilité d'une preuve relative aux condamnations antérieures de l'accusé s'appliquent que l'on soit en présence d'un juge siégeant seul ou avec un jury.
[59] En pratique, cet examen s'avère beaucoup plus impérieux devant jury en raison de la "fausse impression" que pourrait provoquer la connaissance par le jury d'un casier judiciaire. Ainsi, un jury pourrait être fortement impressionné par la connaissance de l'existence d'un casier judiciaire et en déduire illégalement une propension de l'accusé à commettre ce crime.
[60] Me Allen C. Edgar commente la juste façon de traiter cette information:
En informant le juge du fait que l'accusé a un casier judiciaire, on risque que ce dernier y accorde une importance démesurée. Cependant, en dissimulant ce fait au juge, on lui cache des renseignements se rapportant à la crédibilité et on court le risque que sa perception de la situation soit faussée. La meilleure façon de réaliser l'équilibre et d'atténuer ces risques est de fournir au juge des faits des renseignements complets mais de lui donner en même temps des directives claires quant à l'usage limité qu'il peut faire de ces renseignements. Ils ne peuvent servir qu'à évaluer la crédibilité du témoignage de l'accusé.
[61] Les arrêts Underwood et Vaillancourt précisent que, devant jury, la demande de la défense est préalable à l'audition de l'accusé pour balancer les intérêts contradictoires et éviter une exclusion de la preuve "ex post facto":
Au motif de la recherche de la vérité versus "la possible contamination" du jury qui serait impressionné trop défavorablement par le casier judiciaire.
Au motif de protéger l'institution du jury à qui on ne doit rien cacher en principe (saine administration de la justice) versus le tort trop grand que l'admission de cette preuve pourrait engendrer.
[62] Cependant, devant juge seul, ce dernier doit connaître le casier judiciaire afin de statuer sur le mérite de celui-ci. En conséquence, on ne peut cacher, comme on l'aurait souhaité en l'espèce, le casier judiciaire sous prétexte d'une possible contamination du juge seul.
[63] D'ailleurs, après étude de la jurisprudence, aucun exemple n'a pu être trouvé dans lequel une situation exceptionnelle rendant le procès sans jury inéquitable n'a été retracé.
[64] Nous considérons donc que nous avons à prendre connaissance de cette condamnation antérieure pour faire ensuite la détermination de sa pertinence.
[65] Sans en faire une règle pour toutes les causes de facultés affaiblies, force est d'admettre que le débat s'articule la plupart du temps autour des témoignages des policiers et du résultat de l'ivressomètre qui sont contestés, alors que l'accusé apporte en défense une consommation adéquate d'alcool dont l'expert déduit le taux, c'est précisément le cas en l'espèce.
[66] Si on appliquait la théorie exposée par Me Mélançon dans les cas de facultés affaiblies, le tribunal ne pourrait prendre connaissance – ce que nous avons déjà rejeté – ni accepter comme pertinente la preuve de condamnation antérieure pour ce genre de crime aux motifs soulignés par les arrêts Corbett et Trudel, surtout, comme en l'espèce, si la condamnation pouvait être rapprochée dans le temps.
[67] Cette lecture des arrêts précités nous semble mécanique et faussée.
[68] En l'espèce, l'accusé a attaqué la crédibilité des policiers, notamment:
- sur la distance où ils ont pu observer la conduite de l'accusé
- sur l'endroit de l'interception.
et a de plus affirmé qu'il se souciait de sa consommation d'alcool lorsqu'il avait à conduire son véhicule:
- en appliquant un ratio bière-temps lorsqu'il consomme
- en limitant l'utilisation de son véhicule lorsqu'il prend un verre.
[69] Dès lors, la preuve de ces antécédents judiciaires est pertinente quant à l'évaluation de sa crédibilité. D'ailleurs, la présente cause amènerait le tribunal non seulement à ne pas découvrir la vérité, mais aurait eu la conséquence fâcheuse d'induire le tribunal en erreur, ce qui a motivé notre intervention.
[70] Dans notre affaire, le fait de ne pas connaître l'antécédent judiciaire de l'accusé aurait pu faire croire erronément que l'accusé était un "citoyen modèle" qui avait des rapports avec l'alcool au-dessus de tout soupçon: la présence d'un antécédent permettait à tout le moins l'examen de cette question.
[71] En somme, le casier judiciaire de l'accusé peut donc être un fait pertinent sur l'appréciation de sa crédibilité car le juge des faits "a le droit de savoir quel est le type de personne qui lui demande d'ajouter foi à ses propos.
[72] Enfin, l'objection de Me Mélançon sur les condamnations à l'effet qu'il s'agissait d'une condamnation en semblable matière ne peut tenir pour les motifs liés à la crédibilité (tel que déjà exposé). Encore faut-il ajouter que la règle d'exclusion de cette preuve pour ce motif est discrétionnaire et qu'au contraire, la mise en preuve est souvent acceptée parce que digne d'intérêt.
[73] Donc, nous croyons en la pertinence de cette preuve pour évaluer la crédibilité de l'accusé et le tribunal en tiendra compte.
L'intervention "proprio motu" du tribunal
R. c. Gervais, 2004 CanLII 15674 (QC C.Q.)
[44] Mentionnons que le tribunal s'est permis cette intervention à la suite d'une décision préalable sur l'avis de récidive; de là, me semble-t-il, la réticence de la Couronne à poursuivre le contre-interrogatoire sur les antécédents judiciaires.
[45] Précisément, la question du tribunal a été posée à la fin du contre-interrogatoire afin de ne pas gêner le travail de quiconque et de ne pas laisser la fausse impression d'appuyer l'une ou l'autre des thèses en présence.
[46] Cette méthode est éprouvée, comme le souligne Allen E. Edgar.
"Généralement, le juge ne devrait pas interrompre. Il devrait poser les questions à la fin de l'interrogatoire. Le témoin ne devrait pas être contre-interrogé par le juge durant l'interrogatoire principal".
[47] Par devoir et souci d'équité, le tribunal a posé cette question afin d'avoir en preuve les condamnations, car il était à la recherche de la vérité. Selon nous, l'omission de le faire pouvait amener une vision tronquée de l'évaluation de la preuve.
[48] En effet, le tribunal a posé une question non pas pour prendre charge de l'enquête, mais parce qu'il avait conscience que le mutisme sur cette question pouvait amener le juge des faits à évaluer erronément la crédibilité de l'accusé. Nous reviendrons sur cette question lors de l'étude de la pertinence dans la mise en preuve des condamnations antérieures.
[49] Suite à l'objection, le tribunal n'a pas posé d'autres questions, se limitant à recevoir la preuve que l'accusé avait déjà été condamné pour conduite avec les facultés affaiblies.
[44] Mentionnons que le tribunal s'est permis cette intervention à la suite d'une décision préalable sur l'avis de récidive; de là, me semble-t-il, la réticence de la Couronne à poursuivre le contre-interrogatoire sur les antécédents judiciaires.
[45] Précisément, la question du tribunal a été posée à la fin du contre-interrogatoire afin de ne pas gêner le travail de quiconque et de ne pas laisser la fausse impression d'appuyer l'une ou l'autre des thèses en présence.
[46] Cette méthode est éprouvée, comme le souligne Allen E. Edgar.
"Généralement, le juge ne devrait pas interrompre. Il devrait poser les questions à la fin de l'interrogatoire. Le témoin ne devrait pas être contre-interrogé par le juge durant l'interrogatoire principal".
[47] Par devoir et souci d'équité, le tribunal a posé cette question afin d'avoir en preuve les condamnations, car il était à la recherche de la vérité. Selon nous, l'omission de le faire pouvait amener une vision tronquée de l'évaluation de la preuve.
[48] En effet, le tribunal a posé une question non pas pour prendre charge de l'enquête, mais parce qu'il avait conscience que le mutisme sur cette question pouvait amener le juge des faits à évaluer erronément la crédibilité de l'accusé. Nous reviendrons sur cette question lors de l'étude de la pertinence dans la mise en preuve des condamnations antérieures.
[49] Suite à l'objection, le tribunal n'a pas posé d'autres questions, se limitant à recevoir la preuve que l'accusé avait déjà été condamné pour conduite avec les facultés affaiblies.
Énumération des facteurs dont doit tenir compte le tribunal dans l'exercice de sa discrétion relativement à la preuve d'antécédent judiciaire
R. c. Trudel, 1994 CanLII 5397 (QC C.A.)
La Cour suprême, dans l'arrêt R. c. Corbett, fait la synthèse, à la lumière de la jurisprudence et de la doctrine antérieures, des conditions, limites et paramètres d'une preuve d'antécédent judiciaire, en vertu de l'article 12 de la Loi sur la preuve. Bien que dissident sur le fond, le juge La Forest obtient néanmoins l'accord des juges Dickson, Beetz et Lamer dans l'énumération qu'il fait des facteurs dont doit tenir compte le juge du procès dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire d'accueillir ou de refuser une telle preuve. Il est intéressant de constater que bon nombre de ces facteurs se retrouvent d'ailleurs en matière d'admissibilité de preuve d'actes similaires. Pour les fins du présent appel, je retiens essentiellement les éléments suivants:
-Il y aura ouverture possible à une telle preuve dans tous les cas où la crédibilité d'un accusé est mise en cause, soit de façon directe dans le cadre de son propre témoignage, soit dans les cas où lui-même, dans son témoignage, attaque la crédibilité des témoins à charge;
-Il y aura lieu, cependant, de peser la valeur probante de cette preuve en regard du préjudice qu'elle est susceptible de causer à l'accusé relativement à la nature de l'infraction qui lui est reprochée. Il faut garder à l'esprit, à ce sujet, que l'objet de cette preuve est d'attaquer la crédibilité de l'accusé et non de faire une preuve de caractère visant à établir que l'accusé est un individu qui a la personnalité voulue pour commettre un crime de la nature de celui qui lui est reproché;
-La valeur probante et l'effet préjudiciable de la condamnation antérieure découlent donc directement de la nature de cette dernière. Comme le souligne le juge La Forest, «plus l'infraction qui a donné lieu à la condamnation antérieure ressemble à la conduite pour laquelle l'accusé subit son procès, plus le préjudice résultant de son admission en preuve risque d'être grand.» Par ailleurs, un antécédent «de fraude, de tromperie, ou de tricherie, indiquant un manque d'honnêteté ou d'intégrité, vise directement la crédibilité du témoignage de l'accusé,» ainsi que le disait la Court of Appeal, du district de Columbia, dans l'arrêt Gordon v. The United States, auquel réfère avec approbation le juge La Forest;
-Le Tribunal doit donc être fort réticent à admettre en preuve une condamnation pour un crime antérieur similaire, dont la nature n'a rien à voir avec la crédibilité ou la véracité possible du témoignage de l'accusé;
-La pertinence de la preuve ayant comme contrepoids la nature du préjudice possible, il y a donc lieu pour le juge du procès d'écarter tout élément de preuve dont la valeur probante se révèlerait nettement inférieure à l'effet préjudiciable possible;
-C'est donc la connexité entre la crédibilité et la nature de l'antécédent judiciaire qu'il faut considérer et non la connexité entre la nature de cet antécédent et la nature du crime en l'instance;
-La proximité dans le temps entre les deux infractions constitue également un facteur susceptible d'affecter soit sa pertinence, soit le degré de préjudice causé à l'accusé;
-Enfin, la preuve de cet antécédent constitue-t-elle un élément de preuve nécessaire ou utile à la Couronne au point que la résolution du litige peut en dépendre.
La Cour suprême, dans l'arrêt R. c. Corbett, fait la synthèse, à la lumière de la jurisprudence et de la doctrine antérieures, des conditions, limites et paramètres d'une preuve d'antécédent judiciaire, en vertu de l'article 12 de la Loi sur la preuve. Bien que dissident sur le fond, le juge La Forest obtient néanmoins l'accord des juges Dickson, Beetz et Lamer dans l'énumération qu'il fait des facteurs dont doit tenir compte le juge du procès dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire d'accueillir ou de refuser une telle preuve. Il est intéressant de constater que bon nombre de ces facteurs se retrouvent d'ailleurs en matière d'admissibilité de preuve d'actes similaires. Pour les fins du présent appel, je retiens essentiellement les éléments suivants:
-Il y aura ouverture possible à une telle preuve dans tous les cas où la crédibilité d'un accusé est mise en cause, soit de façon directe dans le cadre de son propre témoignage, soit dans les cas où lui-même, dans son témoignage, attaque la crédibilité des témoins à charge;
-Il y aura lieu, cependant, de peser la valeur probante de cette preuve en regard du préjudice qu'elle est susceptible de causer à l'accusé relativement à la nature de l'infraction qui lui est reprochée. Il faut garder à l'esprit, à ce sujet, que l'objet de cette preuve est d'attaquer la crédibilité de l'accusé et non de faire une preuve de caractère visant à établir que l'accusé est un individu qui a la personnalité voulue pour commettre un crime de la nature de celui qui lui est reproché;
-La valeur probante et l'effet préjudiciable de la condamnation antérieure découlent donc directement de la nature de cette dernière. Comme le souligne le juge La Forest, «plus l'infraction qui a donné lieu à la condamnation antérieure ressemble à la conduite pour laquelle l'accusé subit son procès, plus le préjudice résultant de son admission en preuve risque d'être grand.» Par ailleurs, un antécédent «de fraude, de tromperie, ou de tricherie, indiquant un manque d'honnêteté ou d'intégrité, vise directement la crédibilité du témoignage de l'accusé,» ainsi que le disait la Court of Appeal, du district de Columbia, dans l'arrêt Gordon v. The United States, auquel réfère avec approbation le juge La Forest;
-Le Tribunal doit donc être fort réticent à admettre en preuve une condamnation pour un crime antérieur similaire, dont la nature n'a rien à voir avec la crédibilité ou la véracité possible du témoignage de l'accusé;
-La pertinence de la preuve ayant comme contrepoids la nature du préjudice possible, il y a donc lieu pour le juge du procès d'écarter tout élément de preuve dont la valeur probante se révèlerait nettement inférieure à l'effet préjudiciable possible;
-C'est donc la connexité entre la crédibilité et la nature de l'antécédent judiciaire qu'il faut considérer et non la connexité entre la nature de cet antécédent et la nature du crime en l'instance;
-La proximité dans le temps entre les deux infractions constitue également un facteur susceptible d'affecter soit sa pertinence, soit le degré de préjudice causé à l'accusé;
-Enfin, la preuve de cet antécédent constitue-t-elle un élément de preuve nécessaire ou utile à la Couronne au point que la résolution du litige peut en dépendre.
mercredi 5 août 2009
Les problèmes de santé mentale du délinquant doivent être considérés lors de la détermination de la peine
Antonelli c. R., 2008 QCCA 1573, 500-10-004057-087
Lien vers la décision
[47] La jurisprudence reconnaît en effet qu'il doit, au stade de l'imposition de la peine, être tenu compte des problèmes de santé mentale du délinquant, du moins lorsque ces problèmes, même s'ils ne résultent pas en une déresponsabilisation pénale, ont affecté la commission du crime ou joué un rôle dans cette commission ou que, tenant compte de cette santé mentale, la peine serait d'une sévérité excessive.
[48] Dans R. v. Fraser, 2007 SKCA 113 ; [2007] 12 W.W.R. 615 , la Cour d'appel de la Saskatchewan résume ainsi l'état du droit sur la question :
32 The authors of Mental Disorder and the Law: A Primer for Legal and Mental Health Professionals (Hy Bloom & Richard D. Schneider (Toronto: Irwin Law, 2006)) note, at p. 230, that a mental disorder has been factored into sentencing in one of two ways (or a combination of): (i) it may have been operative in the commission of the offence but not to an extent sufficient to have an impact on the verdict; or (ii) the accused may have quite rationally elected not to raise the issue during the course of the trial, notwithstanding the potential success of the defence. Regardless, the court must take into consideration evidence of mental disorder during the sentencing process.
33 Clayton C. Ruby (Sentencing, 6th ed. (Markham: LexisNexis Butterworths, 2004) at p. 249) argues that mental illness can act as either a mitigating or aggravating factor in sentencing :
[...] To ignore relevant psychiatric evidence is to greatly increase the risk that a sentence will be utterly inappropriate. Not only does such evidence help judges determine whether an offender is fit to be sentenced, it ensures that the sentence imposed reflects the true circumstances of the offence and the offender. Where psychiatric material exists, it will inevitably be relevant to sentencing. Mental illness can act as either a mitigating or aggravating factor on sentencing.
34 Jurisprudential support for this proposition can be found in cases such as R. v. Knoblauch, 2000 SCC 58, [2000] 2 S.C.R. 780 ; R. v. Lenius, [2007] S.J. No. 276 , 2007 SKCA 65 ; R. v. Bartlett (1961), 131 C.C.C. 119 (Man. C.A.); R. v. Wallace (1973), 11 C.C.C. (2d) 95 (Ont. C.A.); R. v. Newby (1991), 84 Alta. L.R. (2d) 127 (C.A.); and R. v. Shahnawaz (2000), 149 C.C.C. (3d) 97 (Ont. C.A.), leave to appeal to S.C.C. refused, [2001] S.C.C.A. No. 24, [2001] 1 S.C.R. xvii.
35 A review of these cases raises two instances where a sentence could be reduced on psychiatric grounds:
(1) If the mental illness contributed to or caused the commission of the offence; or
(2) If the effect of imprisonment or any other penalty would be disproportionately severe because of the offender's mental illness.
The appellant implicitly raised both factors. Because there are only a few cases dealing directly with the relevance of mental illness in fashioning a fit sentence, I will discuss each case at greater length.
36 Although mental illness has been fairly consistently viewed as a mitigating factor by the courts, there is some disagreement as to whether it must be shown that the psychiatric condition contributed to the commission of the offence before evidence of such a condition can be reflected in the sentence. For example, in Bartlett, supra, the offender displayed signs of anxiety and emotional disturbance but no evidence of a major mental illness. The Manitoba Court of Appeal upheld the decision of the trial judge not to give much weight to the psychiatric report because the offender's mental health condition played no role in the offences to which he pled guilty.
37 Similarly, in Lenius, supra the offender's medical condition was not raised as a defence, nor did the accused ever contend that his illness contributed to or caused him to offend. Consequently, the Court refused to consider the illness to be a mitigating factor. In contrast, the Court in Wallace, supra took into consideration the fact that the offender was prone to depression and suicidal ideations because these conditions were found to have contributed to the commission of the offence.
38 The second instance where a sentence could be reduced on psychiatric grounds is if there is evidence that the effect of imprisonment or any other penalty would be disproportionately severe due to the offender's mental illness. In Newby, supra the offender committed a fraud while afflicted with chronic fatigue syndrome (rendering his mind with the capacity of a seven year old). Because the condition could only be treated in California and the evidence showed that if incarcerated the accused would likely commit suicide, his sentence was reduced on both grounds. (See also Wallace, supra.)
39 In contrast, the Ontario Court of Appeal in Shahnawaz, supra, refused to take into account psychiatric evidence that the offender was suffering from post-traumatic stress disorder, and more specifically, that his condition would deteriorate significantly if he was subject to incarceration. The Court accepted that imprisonment had and would probably continue to have an "extreme effect" on Mr. Shahnawaz, and noted that in some cases there may be a need to adjust the sentence imposed so that it does not become disproportionate to the crime. However, the Court ultimately refused to take into account Mr. Shahnawaz's post-traumatic stress disorder because: (i) it was too difficult to predict his future condition; (ii) there was no connection between the offender's disorder and his illegal activity; and (iii) Mr. Shahnawaz's future health while in custody was better left in the hands of correctional authorities.
40 The appellant contends that the sentencing judge failed to adequately consider Mr. Fraser's mental illness and substance dependence when imposing sentence, including Dr. Nicholaichuk's comments regarding the effect of incarceration on Mr. Fraser's mental instability. The Crown agrees that the offender's moral culpability is of critical importance in fashioning a fit sentence but argues that the sentencing judge took this into consideration when he imposed a sentence at the low end of the range suggested.
41 The appellant cited a portion of the judgment of Arbour J. in Knoblauch, supra, as evidence that a long term of incarceration is not appropriate when the offender has a mental illness:
16. [...] There is no mechanism in criminal law to remove dangerous people from society merely in anticipation of the harm that they may cause. The limit of the reach of the criminal sanction is to address what offenders have done. At that stage, dangerousness is but one factor to be considered in the assessment of the appropriate sentence. Even extreme dangerousness cannot, in and of itself, justify imposing the maximum punishment in order to elevate the protection of society above all other considerations.
42 In Knoblauch, supra, the accused (who had a lengthy history of mental illness and of the dangerous handling of explosives) was found guilty of the unlawful possession of an explosive substance and possession of a weapon for a purpose dangerous to the public peace. At the sentencing hearing, the defence called in two forensic psychiatrists in support of its request for a conditional sentence (with a term requiring the accused to reside in a secure mental health institution). Thus, the question before the Court was: can a court require that a conditional sentence be served in a secure mental institution? In answering the question in the affirmative, the Court noted that the focus should always be on the risk posed by the individual offender while serving his sentence in the community.
43 Knoblauch, supra, has been cited in later decisions that focused on the question of dangerousness under a proposed conditional sentence. Thus, the focus of these decisions was on whether conditions can reasonably be crafted that would reduce the risk of re-offence to an acceptable level, and thereby reduce the danger to the offender's community. (See for example, R. v. J.W., [2007] O.J. No. 1573, 2007 ONCJ 178, where the Court chose to apply the "dangerousness test" from Knoblauch in respect of assessing risk in the context of a bail hearing). In R. v. Barnes, [2006] A.J. No. 965 (Prov. Ct.) (QL), aff'd, [2006] A.J. No. 1601, 2006 ABCA 295 , Knoblauch was distinguished on the basis the judge categorized the conditions imposed in Knoblauch as "extreme" (i.e., confining the accused to a locked psychiatric facility until such time he is released by doctors).
44 The above-mentioned excerpt from Knoblauch only serves to discourage imposition of a maximum punishment on account of extreme dangerousness or mental illness Arbour J. does not state that incarceration itself is never justified on account of these factors. Thus, I find that the comments of Arbour J. in Knoblauch are useful merely as an example of a situation in which mental illness is a relevant factor in sentencing.
45 I turn now to a consideration of the aforementioned sentencing principles regarding mental illness in light of the facts before this Court. Although mental illness is a recognized factor for consideration in the sentencing process, there is no suggestion in the case law that it is superior to any other mitigating or aggravating factors that may be present. Mr. Fraser pled guilty to the offences of which he was charged. Furthermore, the evidence indicates his substance abuse problem precipitated his violence and that in spite of a number of in-patient programs he previously participated in, he continues to abuse alcohol and drugs. Therefore, it appears that rehabilitative programming (in isolation and without a significant period of incarceration) is not sufficient to lower the risk of re-offending to an acceptable level.
46 In sum, I am satisfied that the sentencing judge adequately considered Mr. Fraser's mental health issues in the imposition of a sentence of seven years incarceration.
[49] Dans R. c. Lechasseur, 2008 QCCA 909 , B.E. 2008BE-675 , la Cour a transformé une peine d'incarcération en une peine d'emprisonnement dans la collectivité, estimant qu'en raison des déficiences psychologiques de l'appelant, le milieu carcéral n'était pas « le plus propre à être dissuasif » pour lui. Dans R. c. Chan, J.E. 93-347 , (1993) 54 q.a.c. 23, la Cour soulignait même qu'en cas de maladie mentale (il s'agissait en l'espèce d'une perte momentanée de contrôle due à une dépression majeure assortie d'éléments de psychose), « les critères usuels du sentencing ne sont pas d'une grande utilité; la jurisprudence révèle que dans ces cas, on s'est écarté beaucoup de la norme; les facteurs de l'exemplarité et de punition sont d'une importance beaucoup réduite ».
[50] Cela étant posé, le juge de première instance a-t-il ici ignoré les troubles mentaux de l’appelant? Il faut répondre à cette question par la négative.
[51] Le juge s'est en effet penché sur les troubles mentaux allégués par l’appelant, qu'il examine aux paragr. 32 à 38 de son jugement. Il conclut cependant que la preuve présentée à cet égard ne démontre pas que l'arrêt de la rispéridone, l'un des médicaments que prend l’appelant pour contrôler son trouble affectif bipolaire avec présence occasionnelle de symptômes psychotiques de type paranoïde, ait pu jouer un rôle dans la commission de l'infraction. Il note même que l'on ne sait pas, en réalité, si l’appelant a ou n'a pas cessé la rispéridone (voir le paragr. 33 du jugement) et, ajoute-t-il, « nous n'avons que sa parole qui fut rapportée par des tiers, dans les rapports produits » (paragr. 34 du jugement). Il note en outre que s'il a cessé de prendre la rispéridone, l’appelant l'a fait en toute connaissance de cause, sachant que cet arrêt pouvait accroître son impulsivité et son agressivité. Le juge écrit à ce propos que :
[36] À la page 2 de son rapport, monsieur Jean-François Bélair, m.d., FRCPC, écrit au sujet de monsieur Antonelli : « Il désire alors cesser cette médication; bien qu'il soit asymptomatique, je lui suggère de continuer compte tenu des problèmes d'agressivité antérieurs et des éléments d'impulsivité contenus dans sa personnalité de base. En juillet 2005, il décide d'arrêter la Rispéridone, mais continue de prendre les autres médicaments prescrits. »
[37] Monsieur Antonelli connaît ses problèmes d'agressivité et d'impulsivité. S'il a vraiment arrêté de prendre la Rispéridone, comme il le dit, c'est en toute connaissance de cause.
[52] Le juge conclut enfin que :
[38] Pour le Tribunal, il n'y a rien dans le dossier, qui démontre que le 19 août 2005, le jugement de monsieur Antonelli était altéré par autre chose que son désir de vengeance.
[53] On comprend de ce dernier paragraphe, placé dans le contexte de l'ensemble de la décision, que, selon le juge, la preuve ne suffit pas à démontrer que la commission de l'acte délictuel a pu être influencée par les problèmes de santé mentale de l’appelant et, plus précisément, par l'arrêt de la rispéridone. Il s'infère du jugement, par ailleurs, que le caractère délibéré et intentionnel de l'acte semble au juge peu compatible avec l'idée d'une impulsivité résultant d'un problème de santé mentale mal contrôlé.
Lien vers la décision
[47] La jurisprudence reconnaît en effet qu'il doit, au stade de l'imposition de la peine, être tenu compte des problèmes de santé mentale du délinquant, du moins lorsque ces problèmes, même s'ils ne résultent pas en une déresponsabilisation pénale, ont affecté la commission du crime ou joué un rôle dans cette commission ou que, tenant compte de cette santé mentale, la peine serait d'une sévérité excessive.
[48] Dans R. v. Fraser, 2007 SKCA 113 ; [2007] 12 W.W.R. 615 , la Cour d'appel de la Saskatchewan résume ainsi l'état du droit sur la question :
32 The authors of Mental Disorder and the Law: A Primer for Legal and Mental Health Professionals (Hy Bloom & Richard D. Schneider (Toronto: Irwin Law, 2006)) note, at p. 230, that a mental disorder has been factored into sentencing in one of two ways (or a combination of): (i) it may have been operative in the commission of the offence but not to an extent sufficient to have an impact on the verdict; or (ii) the accused may have quite rationally elected not to raise the issue during the course of the trial, notwithstanding the potential success of the defence. Regardless, the court must take into consideration evidence of mental disorder during the sentencing process.
33 Clayton C. Ruby (Sentencing, 6th ed. (Markham: LexisNexis Butterworths, 2004) at p. 249) argues that mental illness can act as either a mitigating or aggravating factor in sentencing :
[...] To ignore relevant psychiatric evidence is to greatly increase the risk that a sentence will be utterly inappropriate. Not only does such evidence help judges determine whether an offender is fit to be sentenced, it ensures that the sentence imposed reflects the true circumstances of the offence and the offender. Where psychiatric material exists, it will inevitably be relevant to sentencing. Mental illness can act as either a mitigating or aggravating factor on sentencing.
34 Jurisprudential support for this proposition can be found in cases such as R. v. Knoblauch, 2000 SCC 58, [2000] 2 S.C.R. 780 ; R. v. Lenius, [2007] S.J. No. 276 , 2007 SKCA 65 ; R. v. Bartlett (1961), 131 C.C.C. 119 (Man. C.A.); R. v. Wallace (1973), 11 C.C.C. (2d) 95 (Ont. C.A.); R. v. Newby (1991), 84 Alta. L.R. (2d) 127 (C.A.); and R. v. Shahnawaz (2000), 149 C.C.C. (3d) 97 (Ont. C.A.), leave to appeal to S.C.C. refused, [2001] S.C.C.A. No. 24, [2001] 1 S.C.R. xvii.
35 A review of these cases raises two instances where a sentence could be reduced on psychiatric grounds:
(1) If the mental illness contributed to or caused the commission of the offence; or
(2) If the effect of imprisonment or any other penalty would be disproportionately severe because of the offender's mental illness.
The appellant implicitly raised both factors. Because there are only a few cases dealing directly with the relevance of mental illness in fashioning a fit sentence, I will discuss each case at greater length.
36 Although mental illness has been fairly consistently viewed as a mitigating factor by the courts, there is some disagreement as to whether it must be shown that the psychiatric condition contributed to the commission of the offence before evidence of such a condition can be reflected in the sentence. For example, in Bartlett, supra, the offender displayed signs of anxiety and emotional disturbance but no evidence of a major mental illness. The Manitoba Court of Appeal upheld the decision of the trial judge not to give much weight to the psychiatric report because the offender's mental health condition played no role in the offences to which he pled guilty.
37 Similarly, in Lenius, supra the offender's medical condition was not raised as a defence, nor did the accused ever contend that his illness contributed to or caused him to offend. Consequently, the Court refused to consider the illness to be a mitigating factor. In contrast, the Court in Wallace, supra took into consideration the fact that the offender was prone to depression and suicidal ideations because these conditions were found to have contributed to the commission of the offence.
38 The second instance where a sentence could be reduced on psychiatric grounds is if there is evidence that the effect of imprisonment or any other penalty would be disproportionately severe due to the offender's mental illness. In Newby, supra the offender committed a fraud while afflicted with chronic fatigue syndrome (rendering his mind with the capacity of a seven year old). Because the condition could only be treated in California and the evidence showed that if incarcerated the accused would likely commit suicide, his sentence was reduced on both grounds. (See also Wallace, supra.)
39 In contrast, the Ontario Court of Appeal in Shahnawaz, supra, refused to take into account psychiatric evidence that the offender was suffering from post-traumatic stress disorder, and more specifically, that his condition would deteriorate significantly if he was subject to incarceration. The Court accepted that imprisonment had and would probably continue to have an "extreme effect" on Mr. Shahnawaz, and noted that in some cases there may be a need to adjust the sentence imposed so that it does not become disproportionate to the crime. However, the Court ultimately refused to take into account Mr. Shahnawaz's post-traumatic stress disorder because: (i) it was too difficult to predict his future condition; (ii) there was no connection between the offender's disorder and his illegal activity; and (iii) Mr. Shahnawaz's future health while in custody was better left in the hands of correctional authorities.
40 The appellant contends that the sentencing judge failed to adequately consider Mr. Fraser's mental illness and substance dependence when imposing sentence, including Dr. Nicholaichuk's comments regarding the effect of incarceration on Mr. Fraser's mental instability. The Crown agrees that the offender's moral culpability is of critical importance in fashioning a fit sentence but argues that the sentencing judge took this into consideration when he imposed a sentence at the low end of the range suggested.
41 The appellant cited a portion of the judgment of Arbour J. in Knoblauch, supra, as evidence that a long term of incarceration is not appropriate when the offender has a mental illness:
16. [...] There is no mechanism in criminal law to remove dangerous people from society merely in anticipation of the harm that they may cause. The limit of the reach of the criminal sanction is to address what offenders have done. At that stage, dangerousness is but one factor to be considered in the assessment of the appropriate sentence. Even extreme dangerousness cannot, in and of itself, justify imposing the maximum punishment in order to elevate the protection of society above all other considerations.
42 In Knoblauch, supra, the accused (who had a lengthy history of mental illness and of the dangerous handling of explosives) was found guilty of the unlawful possession of an explosive substance and possession of a weapon for a purpose dangerous to the public peace. At the sentencing hearing, the defence called in two forensic psychiatrists in support of its request for a conditional sentence (with a term requiring the accused to reside in a secure mental health institution). Thus, the question before the Court was: can a court require that a conditional sentence be served in a secure mental institution? In answering the question in the affirmative, the Court noted that the focus should always be on the risk posed by the individual offender while serving his sentence in the community.
43 Knoblauch, supra, has been cited in later decisions that focused on the question of dangerousness under a proposed conditional sentence. Thus, the focus of these decisions was on whether conditions can reasonably be crafted that would reduce the risk of re-offence to an acceptable level, and thereby reduce the danger to the offender's community. (See for example, R. v. J.W., [2007] O.J. No. 1573, 2007 ONCJ 178, where the Court chose to apply the "dangerousness test" from Knoblauch in respect of assessing risk in the context of a bail hearing). In R. v. Barnes, [2006] A.J. No. 965 (Prov. Ct.) (QL), aff'd, [2006] A.J. No. 1601, 2006 ABCA 295 , Knoblauch was distinguished on the basis the judge categorized the conditions imposed in Knoblauch as "extreme" (i.e., confining the accused to a locked psychiatric facility until such time he is released by doctors).
44 The above-mentioned excerpt from Knoblauch only serves to discourage imposition of a maximum punishment on account of extreme dangerousness or mental illness Arbour J. does not state that incarceration itself is never justified on account of these factors. Thus, I find that the comments of Arbour J. in Knoblauch are useful merely as an example of a situation in which mental illness is a relevant factor in sentencing.
45 I turn now to a consideration of the aforementioned sentencing principles regarding mental illness in light of the facts before this Court. Although mental illness is a recognized factor for consideration in the sentencing process, there is no suggestion in the case law that it is superior to any other mitigating or aggravating factors that may be present. Mr. Fraser pled guilty to the offences of which he was charged. Furthermore, the evidence indicates his substance abuse problem precipitated his violence and that in spite of a number of in-patient programs he previously participated in, he continues to abuse alcohol and drugs. Therefore, it appears that rehabilitative programming (in isolation and without a significant period of incarceration) is not sufficient to lower the risk of re-offending to an acceptable level.
46 In sum, I am satisfied that the sentencing judge adequately considered Mr. Fraser's mental health issues in the imposition of a sentence of seven years incarceration.
[49] Dans R. c. Lechasseur, 2008 QCCA 909 , B.E. 2008BE-675 , la Cour a transformé une peine d'incarcération en une peine d'emprisonnement dans la collectivité, estimant qu'en raison des déficiences psychologiques de l'appelant, le milieu carcéral n'était pas « le plus propre à être dissuasif » pour lui. Dans R. c. Chan, J.E. 93-347 , (1993) 54 q.a.c. 23, la Cour soulignait même qu'en cas de maladie mentale (il s'agissait en l'espèce d'une perte momentanée de contrôle due à une dépression majeure assortie d'éléments de psychose), « les critères usuels du sentencing ne sont pas d'une grande utilité; la jurisprudence révèle que dans ces cas, on s'est écarté beaucoup de la norme; les facteurs de l'exemplarité et de punition sont d'une importance beaucoup réduite ».
[50] Cela étant posé, le juge de première instance a-t-il ici ignoré les troubles mentaux de l’appelant? Il faut répondre à cette question par la négative.
[51] Le juge s'est en effet penché sur les troubles mentaux allégués par l’appelant, qu'il examine aux paragr. 32 à 38 de son jugement. Il conclut cependant que la preuve présentée à cet égard ne démontre pas que l'arrêt de la rispéridone, l'un des médicaments que prend l’appelant pour contrôler son trouble affectif bipolaire avec présence occasionnelle de symptômes psychotiques de type paranoïde, ait pu jouer un rôle dans la commission de l'infraction. Il note même que l'on ne sait pas, en réalité, si l’appelant a ou n'a pas cessé la rispéridone (voir le paragr. 33 du jugement) et, ajoute-t-il, « nous n'avons que sa parole qui fut rapportée par des tiers, dans les rapports produits » (paragr. 34 du jugement). Il note en outre que s'il a cessé de prendre la rispéridone, l’appelant l'a fait en toute connaissance de cause, sachant que cet arrêt pouvait accroître son impulsivité et son agressivité. Le juge écrit à ce propos que :
[36] À la page 2 de son rapport, monsieur Jean-François Bélair, m.d., FRCPC, écrit au sujet de monsieur Antonelli : « Il désire alors cesser cette médication; bien qu'il soit asymptomatique, je lui suggère de continuer compte tenu des problèmes d'agressivité antérieurs et des éléments d'impulsivité contenus dans sa personnalité de base. En juillet 2005, il décide d'arrêter la Rispéridone, mais continue de prendre les autres médicaments prescrits. »
[37] Monsieur Antonelli connaît ses problèmes d'agressivité et d'impulsivité. S'il a vraiment arrêté de prendre la Rispéridone, comme il le dit, c'est en toute connaissance de cause.
[52] Le juge conclut enfin que :
[38] Pour le Tribunal, il n'y a rien dans le dossier, qui démontre que le 19 août 2005, le jugement de monsieur Antonelli était altéré par autre chose que son désir de vengeance.
[53] On comprend de ce dernier paragraphe, placé dans le contexte de l'ensemble de la décision, que, selon le juge, la preuve ne suffit pas à démontrer que la commission de l'acte délictuel a pu être influencée par les problèmes de santé mentale de l’appelant et, plus précisément, par l'arrêt de la rispéridone. Il s'infère du jugement, par ailleurs, que le caractère délibéré et intentionnel de l'acte semble au juge peu compatible avec l'idée d'une impulsivité résultant d'un problème de santé mentale mal contrôlé.
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