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mercredi 26 août 2009

L'APTITUDE À SUBIR SON PROCÈS

X, Re, 2002 CanLII 37204 (QC C.Q.)

[29] Toute personne est présumée apte à subir son procès (art. 672.22 C.cr.). Cette présomption s’applique aussi aux adolescents, bien qu’il soit généralement admis que leur degré de maturité et de compréhension soit moindre que celui des adultes et qu’ils sont souvent en situation de dépendance.

[30] L’aptitude d’un accusé à subir son procès porte sur l’évaluation de son état mental, non pas au moment de la commission de l’infraction reprochée, mais au moment où doit se tenir son procès.

[31] Dès que le juge a des motifs raisonnables de douter de la capacité de l’accusé à subir son procès, c’est-à-dire à répondre de manière adéquate à la procédure criminelle ou pénale diligentée contre lui, il doit tenter d’obtenir le maximum d’informations pour déterminer cette aptitude et tenir une audition à ce sujet. L’attitude et le comportement de l’accusé à l’audience peuvent être de bons indicateurs de cette capacité. Semble-t-il suivre le déroulement de l’audience ? Y manifeste-t-il une attention ?

[32] Le fardeau de prouver qu’un accusé est inapte à subir son procès est celui de la prépondérance des probabilités (art. 672.22); ce fardeau incombe à la partie qui soutient la demande (art. 672.23(2)).

[33] Le Code criminel a codifié, à l’article 2, les éléments que la common law avait retenus pour déterminer l’aptitude d’un accusé à subir son procès. L’inaptitude à subir son procès (ISP) s’entend de « L’incapacité de l'accusé en raison de troubles mentaux[6] d'assumer sa défense, ou de donner des instructions à un avocat à cet effet, à toute étape des procédures, avant que le verdict ne soit rendu », et plus particulièrement de l’incapacité de :

a) comprendre la nature ou l'objet des poursuites;

b) comprendre les conséquences éventuelles des poursuites;

c) communiquer avec son avocat.

[34] La capacité de comprendre et de communiquer sont donc des composantes essentielles de l’aptitude d’un accusé à subir son procès.

"La capacité de subir son procès tient du principe que l’accusé doit pouvoir participer à son procès, comprendre son déroulement, être capable de s’exprimer, de communiquer et de présenter une défense pleine et entière."

[35] Si l’adolescent est incapable de s’exprimer sur les circonstances de l’infraction reprochée, s’il est incapable de se souvenir ou que partiellement, s’il ne peut ou n’a pu évaluer les conséquences de ses gestes, s’il n’est pas en mesure de présenter à l’avocat ou à ses parents sa position face à l’infraction reprochée, il est certainement possible de douter de son aptitude à subir son procès et à y offrir une quelconque défense, sinon celle de la non-responsabilité criminelle (NRC), reconnue à l’article 16 C.cr.

[36] Il ne s’agit pas d’évaluer si l’adolescent (ou l’accusé) est en mesure de prendre les meilleures décisions, les plus rationnelles, quant à sa défense, ou celles qui soient dans son meilleur intérêt; il ne s’agit pas d’examiner la capacité analytique de l’accusé, mais plutôt sa capacité cognitive.

" (…) The autonomy of the accused in the adversarial system requires that the accused should be able to make such fundamental decisions and assume the risks involved.

The « limited cognitive capacity » test strikes an effective balance between the objectives of the fitness rules and the constitutional right of the accused to choose his own defence and to have a trial within a reasonable time."

[37] Ce critère de la « capacité cognitive limitée » a été repris dans R. v. Bain :

¶ 69 " Evidence that an accused does not act in his best interest (R. v. Taylor (D.R.M.) (1992), 59 O.A.C. 53) or fails to act with good judgment (R. v. Trecroce reflex, (1980), 55 C.C.C. (2d) 202) is not by itself sufficient to warrant a finding of unfitness."

[38] Ainsi que dans R. v. C.W.:

"(…) The test for fitness is whether the accused has sufficient (albeit limited) cognitive capacity to advise his or her counsel as to the relevant facts and circumstances such that defence counsel may prepare an adequate defence. See R. v. Taylor reflex, (1992), 77 C.C.C. (3d) 551 (Ont. C.A.)"

[39] Cette incapacité doit cependant résulter de l’existence de « troubles mentaux ». Les « troubles mentaux » seront établis par une preuve d’experts. En effet, seuls des experts en santé mentale ou en psychologie seront en mesure de déterminer si l’accusé souffre de désordre mental ou d’une maladie susceptible d’affecter sa capacité de comprendre les procédures ou de communiquer les faits dont il a eu connaissance, afin de guider son avocat dans la conduite, la préparation et la présentation de sa défense. Il appartient cependant au « juge des faits » de déterminer si cette maladie mentale rend l’accusé inapte à subir son procès (art. 672.27 C.cr.) et de rendre le verdict en ce sens.

[40] Ainsi, dans R. v. S.D., le tribunal a jugé un adolescent apte à subir son procès :

¶ 12 " The evidence indicates that S.D. is not much different than many other persons who appear in court. He does not have a sophisticated thought pattern nor an information base of an average person of his age. With sensitivity, thoughtful interpretation and patience, he has the ability to understand the charges against him, to converse with counsel and to participate with understanding, in the process involving these charges. In many ways, he is, in my view, in a situation similar to that of an accused from another country or culture. Interpreters are used to convey information and to aid with understanding. S.D. can manage his participation in a proper manner provided counsel and the court, exercise the patience and interpretive skills required to ensure he completes the exercise with understanding and proper participation.

¶ 13 I find S.D. is fit to stand trial. He does not suffer from a disease of the mind or is not unable on account of a mental disorder, to conduct a defence or instruct counsel to do so. I find he understands the nature and object of the proceedings, that he understands the possible consequences and that he is able to communicate with counsel. "

[41] Dans une autre affaire, la Cour a examiné la preuve d’experts (contradictoire sur la question de l’aptitude de l’adolescent à subir son procès) en tenant compte du contexte particulier des procédures criminelles :

¶ 43 "Finally, let me say that this decision rests upon my application of the test found in s. 2 of the Criminal Code in light of the practical realities of criminal proceedings including trial. It is my view that the psychologists have a much more realistic view of what is required in order to understand the nature or object of the proceedings, to understand the possible consequences and to communicate effectively with counsel. Dr. Matthews in his first report suggests that there will be no difficulty instructing counsel if court is held at the right time of day. How are counsel or the court to know the right time of day? Dr. Matthews did admit in that same report that he did not ask difficult or terribly demanding questions. He did seem to opine that J.A.P. would have difficulty with questions that came in a continuous stream, which of course is more akin to a formal test or testifying on the stand or following court testimony generally. It is not clear to me having read Dr. Matthews' two reports that he feels that anything more than a very superficial understanding of court proceedings is necessary in order to communicate with counsel so as to effectively martial one's defence. It is also noteworthy to me that Dr. Matthews made no reference to the intellectual testing scores found in the psychological reports.

¶ 44 Dr. Bennett contemplated a process of communication which while effective in her office, cannot be effective during court proceedings. She advises that in order to ensure that Jesse follows court proceedings, that everything will need to be explained to him very carefully. She said that he will need time to assimilate the information and to respond to questions. She cautioned that a first response may not be taken at face value and that the question needs to be repeated in different formats so as to improve our understanding of what Jesse actually understands. The difficulty with this approach is that unless she or another qualified person is present and able to provide a continuous discourse with J.A.P. and a running commentary to the court as to his understanding and the reliability of his responses, the court is at a loss to know whether he is receiving a fair trial. The court simply doesn't have this expertise and I am very doubtful that this is a reasonable limit on the requirements of s. 2 of the Criminal Code.

¶ 45 I find that the Defence has met the burden of proving and I find on a balance of probabilities that J.A.P. is unfit to stand trial on the aforementioned charges."

[42] La Cour d'appel de Nouvelle-Écosse a établi en 1994 que le tribunal peut s'appuyer sur la déclaration non assermentée de l'avocat de la défense à l'effet que l'accusé est incapable de communiquer avec lui.

[43] L'affirmation d'un avocat à l'effet que son client n'a pas la capacité de lui donner des instructions (instruct counsel) doit être examinée avec minutie. Cette déclaration d'avocat doit toutefois alerter le juge qui déterminera, avec les autres éléments de preuve, si l'accusé est apte à subir son procès.

Quelles conséquences tirer de l’inaptitude de l’accusé à subir son procès ?

X, Re, 2002 CanLII 37204 (QC C.Q.)

[44] L’accusé déclaré inapte à subir son procès (ISP) ne peut être assimilé à celui qui est trouvé NRC, au terme d’un procès ayant établi la commission de l’infraction. Un verdict d’ISP est en principe préalable à la détermination de la responsabilité. Il est également initialement perçu comme étant de nature temporaire ou momentanée, le fruit des circonstances propres au début du procès et qu’il est possible, qu’avec un traitement approprié, une personne peut redevenir apte à subir son procès. C’est ce que reconnaît l’article 672.32 C.cr. Il appartient cependant à la partie qui entend démontrer que l’accusé est devenu apte de le prouver selon la prépondérance des probabilités (art. 672.32(2) C.cr.).

[45] Au terme d’un verdict d’ISP, le tribunal peut, de sa propre initiative, tenir une audition relative à la décision à rendre à l’égard de l’adolescent. Cette audition a cependant un caractère mandatoire, si elle est demandée par l’accusé ou le poursuivant (art. 672.45(1) C.cr.)

[46] L’objet de cette audition est essentiellement d’évaluer la « dangerosité de l’accusé ». Il s’agit de pondérer les deux valeurs fondamentales au cœur de la Partie XX.1 du Code criminel, que sont :

- la protection de la société; et

- l’importance d’assurer un traitement juste et approprié du contrevenant qui souffre d’une maladie mentale.

[47] La procédure applicable pour cette audition a un caractère informel (art. 672.5(2) C.cr.). Elle requiert qu’un avis d’audition soit donné à toutes les parties (art. 672.5(5)) et, dans le cas des adolescents, cela inclut un avis à l’avocat qui représente l’adolescent, ainsi qu’au « père ou à la mère de celui-ci » (art. 13.2(2)b) L.J.C.). Le défaut d’envoyer un tel avis n’affecte pas la validité des procédures (art. 13.2(3) L.J.C.), sous réserve du par. (4). Selon ce par. 13.2(4), ce défaut annule les procédures subséquentes, sauf si le père ou la mère de l’adolescent est présent au tribunal (a) ou que le tribunal ajourne les procédures et ordonne que tel avis soit donné (b); ou qu’il accorde l’autorisation de ne pas donner cet avis, si compte tenu des circonstances, celui-ci n’est pas justifié (c).

[48] Selon l’article 672.45(2), le tribunal pourra rendre une décision (visée à l’art. 672.54) à l’égard de l’adolescent déclaré ISP, s’il est convaincu qu’il est en mesure de rendre la décision sans difficulté (suggérant qu’il a entre les mains les informations suffisantes et appropriées pour ce faire) et que cette décision devrait être rendue sans délai.

[49] Selon l’article 672.46, à défaut de rendre une telle décision, il y aura maintien du statu quo, i.e. des ordonnances en vigueur à l’égard de l’accusé au moment où est prononcé le verdict d’ISP. Celles-ci resteront en vigueur jusqu’au moment où la Commission d’examen se penchera sur la situation de l’accusé, soit selon les termes de l’art. 672.47(1), dans les meilleurs délais, et au plus tard, dans un délai de 45 jours.

[50] La question qui se pose est donc de déterminer qui (du tribunal pour adolescents ou de la commission d’examen) est en meilleure position pour rendre cette décision, compte tenu des informations disponibles et de leur spécialisation respective.

[51] La Commission d’examen est constituée en vertu du droit provincial, aux conditions énoncées aux art. 672.38 et suiv. Notons que l’art. 672.4(1) précise que le président de la commission est un juge – ou un juge à la retraite – de la cour fédérale, d’une cour supérieure ou d’une cour de district ou de comté. Au Québec, les fonctions de la Commission d’examen sont exercées par la « section des affaires sociales » du Tribunal administratif du Québec. Rien n’indique cependant que des règles particulières s’appliquent à l’égard des adolescents.

[52] Ainsi, dans le cadre de l’audition sur les décisions à rendre à l’égard d’un accusé, l’avocat qui le représente et celui de la poursuite devraient faire valoir des motifs justifiant de modifier le statu quo. Si la nécessité lui en est démontrée, le tribunal peut, en vertu de l’art. 672.46(2), avant que la commission d’examen ne se prononce, annuler les ordonnances antérieures (en vigueur au moment du prononcé du verdict) et rendre une ordonnance de mise en liberté provisoire ou de détention, dans la mesure où il le juge indiqué, et même ordonner que l’adolescent soit détenu dans un hôpital. Dans le cas d’un adolescent, il doit s’agir d’un hôpital désigné par le ministre de la Santé de la province en vue de la garde, du traitement et de l’évaluation des adolescents (art. 13.2(11) L.J.C.)

[53] Les décisions que peut rendre le tribunal à l’égard d’un adolescent déclaré ISP sont énoncées à l’art. 672.54 :

- soit la libération sous conditions : « la libération de l’accusé sous réserve des modalités que le tribunal (…) juge indiquées » (art. 672.54b) »

- ou la détention dans un hôpital (pour adolescents) « la détention de l’accusé dans un hôpital sous réserve des modalités que le tribunal (…) juge indiquées » (art. 672.54c)).

[54] La libération inconditionnelle n’est pas une alternative possible pour l’accusé déclaré ISP; elle ne l’est seulement qu’à l’égard des personnes trouvées non-responsables criminellement (NRC) et ce, que dans la mesure où le tribunal est d’avis que cette personne « ne représente pas un risque important pour la sécurité du public » (art. 672.54a)).

[55] Cette différence de traitement (entre les ISP et les NRC) a fait l’objet de contestations constitutionnelles. Bien que les personnes souffrant de maladies mentales ne sont pas présumées dangereuses et que « la détention d’une personne qui n’a pas été déclarée coupable (ou qui attend la tenue du procès où il sera statué sur sa culpabilité) ne soit justifiée en application du droit criminel que si elle vise à assurer la protection du public », la différence de traitement repose principalement sur le potentiel que la personne déclarée ISP pourrait redevenir apte à subir son procès et ainsi, répondre éventuellement à l’accusation portée contre elle. En effet, le tribunal n’a pas encore statué sur son innocence ou sa culpabilité sur l’infraction reprochée.

[56] On reconnaît ainsi que l’inaptitude à subir son procès puisse être de nature temporaire ou momentanée (art. 672.32 C.cr.). Il reste néanmoins que certaines maladies mentales peuvent avoir un caractère permanent, ayant pour conséquence d’assujettir cette personne, tant que la Couronne sera en mesure de faire la preuve prima facie de la commission de l’infraction (art. 672.33), toute sa vie durant au régime criminel.

[57] Les facteurs à prendre en considération dans le choix de la mesure appropriée pour assurer le traitement de l’accusé et la protection de la société sont énoncés au par. (1) de l’art. 672.54 C.cr.

[58] Cette décision doit être « la moins sévère et la moins privative de liberté » et tenir compte de « la nécessité de protéger le public face aux personnes dangereuses, de l’état mental de l’accusé et de ses besoins, notamment de la nécessité de sa réinsertion sociale ». Cette disposition doit aussi se lire avec l’art. 13.2(6) L.J.C. qui précise qu’avant de rendre une décision, le tribunal pour adolescents doit prendre en considération l’âge et les besoins spéciaux de l’adolescent, ainsi que les observations que présente le père ou la mère de l’adolescent.

[59] En outre, une ordonnance de traitement peut aussi être rendue à l’égard d’une personne déclarée ISP. Des règles particulières s’y appliquent. Selon l’article 672.55(1), le tribunal ne peut prescrire de traitement, notamment un traitement psychiatrique ou ordonner qu’un accusé s’y soumette. La décision rendue sous l’article 672.54 peut cependant comporter une « condition relative à un traitement que le tribunal (…) estime raisonnable et nécessaire aux intérêts de l’accusé et à laquelle celui-ci consent ».

[60] L’article 672.58 C.cr. accorde en outre au poursuivant la possibilité de demander une ordonnance de traitement, dans le cas d’un verdict d’ISP à l’égard d’une personne qui n’est pas déjà détenue, si le tribunal ne rend pas de décision sous 672.54. Un tel traitement doit s’échelonner sur une période maximale de soixante jours et vraisemblablement permettre de rendre l’accusé apte à subir son procès. Les critères applicables à une telle décision sont prévus à l’article 672.59. Une telle décision ne peut être rendue sans que l’accusé ait été informé par écrit de la demande (art. 672.6 C.cr.), y compris, ses parents, dans le cas des adolescents (art. 13.2(2)b)). D’autres conditions s’appliquent à une telle décision (art. 672.62).

[61] Si le tribunal ne rend pas de décision en vertu de l’article 672.54, il appartiendra à la commission d’examen de le faire (art. 672.47). Elle devra alors réexaminer la question de l’aptitude de l’accusé à subir son procès (art. 672.48); si elle détermine qu’il est apte, elle ordonne le renvoi devant le tribunal qui devra décider de nouveau de cette aptitude. Elle pourra alors prévoir que l’accusé soit détenu dans un hôpital dans l’intervalle (art. 672.49).

[62] La révision périodique de l’accusé jugé ISP consiste d’abord à déterminer si cette inaptitude continue d’exister et si les décisions visées à l’art. 672.54 et les modalités de celles-ci doivent être modifiées. Cette révision par la commission d’examen doit avoir lieu à tous les ans (art. 672.81). Il s’agit dans chaque cas d’évaluer l’état mental de l’accusé, l’évolution de sa situation, son aptitude à subir son procès et des décisions relatives à sa détention ou aux conditions de sa libération.

[63] Parallèlement, une révision périodique de la suffisance de la preuve eu égard à l’infraction reprochée (ayant enclenché le processus criminel à l’égard de l’accusé) est prévue à l’art. 672.33 C.cr. Celle-ci doit avoir lieu à tous les deux ans dans le cas des contrevenants adultes et à tous les ans dans le cas des adolescents (art. 13.2(10) L.J.C.). La question de savoir à qui incombe cette obligation de révision périodique est nuancée.

[64] Dans l’affaire R.v.J.I., il a été retenu que cette obligation incombe à la Cour plutôt qu’à la Couronne; « a mandatory obligation is placed on the court to hold the inquiry under s. 672.33 ». Interprétant les différentes dispositions de cette Partie XX.1, le juge Loo, de la Cour supérieure estime que si le Parlement avait voulu que la Couronne ait telle obligation de présenter une telle demande d’audition sous l’art. 672.33, il aurait pu s’exprimer clairement. En outre, le fait de dépasser le délai d’un an (dans le cas des adolescents) n’entraîne pas une perte de compétence du tribunal pour adolescents, en application de l’article 485(1) du Code criminel, une mesure curative qui opère pour corriger des irrégularités procédurales lorsque il y a eu défaut de la cour d’exercer sa compétence (ou juridiction) à l’intérieur d’un délai particulier, à moins que l’accusé ne puisse démontrer un préjudice souffert en raison de ce défaut (art. 485(4)), ce qui ne fut pas le cas en l’espèce. Le juge reprend l’extrait suivant de K. Roach, Criminal Law in Canada, 1997 :

"If the accused is found unfit to stand trial, the Crown is required to establish a prima facie case against the accused every two years until the accused is either found fit to be tried or is acquitted because the Crown cannot establish a prima facie case. These safeguards are designed to ensure that a factually innocent accused is not subject to detention in the same manner as an accused who committed the criminal act, but was found guilty by reason of mental disorder."

[65] Ainsi, le défaut pour la Cour de tenir l’audition prévue à l’art. 672.33 C.cr., un an après le verdict, ne lui fait pas perdre sa compétence. Le remède à une telle erreur est la tenue d’une audition, dans les meilleurs délais. Le juge de la Cour supérieure n’a pas vu d’erreur de la part du premier juge justifiant son intervention ; lequel avait conclu :

¶ 41 " I find that this Court should have held an inquiry within the year following the unfit to stand trial verdict but that the failure to do so does not deprive this Court of jurisdiction.

¶ 42 We should fix an early date for the hearing."

[66] Mentionnons cependant que dans Martin’s Criminal Code 2002, on semble plutôt imputer cette responsabilité à la Couronne; on peut lire sous cet art. 672.33 :

"This provision imposes a continuing obligation on the Crown, with respect to an unfit accused, to demonstrate its case every two years such that no individual declared unfit to stand trial may continue to be held where the Crown is unable to prove the charge against the accused if required to do so. "

[67] En outre, le défaut pour la Couronne de se présenter devant le tribunal périodiquement, pourra donner lieu à une ordonnance de la Cour supérieure. Dans R. c. Demers, le juge Richard Grenier a en effet ordonné au Procureur général qu'il amène le requérant devant un juge de la Cour du Québec afin qu'il soit statué s'il existe toujours suffisamment d'éléments de preuve pour ordonner que l'accusé subisse son procès (art. 672.33(1) et (6)).

[68] À tout le moins, pourrait-on dire qu’il s’agit d’une obligation conjointe pour le tribunal, pour le procureur de la Couronne, ainsi que pour l’avocat qui représente l’accusé de s’assurer que cette audience ait lieu.

[69] Cette audition sous l’art. 672.33 devra être reprise périodiquement, jusqu’à ce que l’une des deux alternatives suivantes surviennent :

- en l’absence de preuve prima facie, l’accusé sera acquitté (art. 672.33(6)

- s’il devient apte, et que cette preuve suffisante existe, il sera envoyé pour subir son procès.

lundi 24 août 2009

La défense basée sur les dispositions de l'art. 41 du Code criminel relatives à la défense de la maison ou du bien immeuble

R. c. Lamoureux, 2006 QCCQ 2079 (CanLII)

[10] Dans l'arrêt Gunning, [2005] A.C.S. no 25 (19 mai 2005), au par. 25, la Cour Suprême du Canada fixe la grille d'analyse suivante. Le moyen de défense invoqué au terme de l'art 41(1) du Code criminel comporte quatre volets :

(1) le défendeur doit avoir été en possession de la maison d'habitation [et/ou du bien immeuble];

(2) sa possession devait être paisible;

(3) l'autre personne doit avoir été un intrus;

(4) la force employée pour expulser l'intrus doit avoir été raisonnable dans les circonstances.

[11] Quant au fardeau de persuasion, la Cour y énonce que "si le moyen de défense peut être invoqué d'après les faits (where the defence arises on the facts), il incombe alors au ministère public de prouver hors de tout doute raisonnable que [le défendeur] n'a pas agi pour défendre son bien." (par.25).

[14] Les principes pertinents au présent litige qui se dégagent du texte de l'article 41, de la jurisprudence et de la doctrine relativement à ce quatrième volet m'apparaissent être les suivants.

[15] Nous traiterons d'abord de l'usage de la force permise pour éloigner l'intrus [par. 41(1)] et ensuite de l'usage de la force permise lorsque l'intrus résiste à la force utilisée pour l'éloigner [par. 41(2)] .

La force utilisée devra d'abord avoir été utilisée pour éloigner l'intrus.

[16] Ce principe se dégage à la lecture même du par. 41(1): "est fondé à employer la force… pour en éloigner un intrus" . J'ajouterai, pour le bénéfice des faits de la présente espèce, que même un geste qui ne serait pas en soi un geste d'entraînement vers l'extérieur de la propriété mais qui serait partie intégrante d'une tentative d'expulsion et dont le but aurait été de faire comprendre à l'intrus qu'il devait quitter demeurerait un geste posé "pour en éloigner un intrus"; ainsi le fait d'empoigner quelqu'un au collet et de lui parler sévèrement pour lui faire comprendre qu'il doit quitter sur le champs pourrait, suivant les circonstances propres à un cas particulier, être raisonnable et partie intégrante des gestes nécessaires.

La force utilisée pour éloigner un intrus ne sera justifiée que si son usage aura été nécessaire pour atteindre cette fin.


[17] Ce principe apparaît au par. (1) de l'art. 41: " est fondé à employer la force … pour en éloigner un intrus, s'il ne fait usage que de la force nécessaire ". D'emblée, le législateur reconnaît le droit à la jouissance du droit de propriété et le droit d'éloigner l'intrus en légitimant le recours à la force nécessaire pour ce faire.

[18] Un court survol de la jurisprudence et de la doctrine sur le sens à donner à l’expression « la force nécessaire » s’impose.

[19] Au sujet de la défense de la propriété, l'auteur Todd Kathol , dans un article écrit en 1993 intitulé "Defence Of Property In The Criminal Code" et rapporté à 35 Criminal Law Quartely p. 553, faisait les observations suivantes quant aux origines et à l'état du droit relatifs à l'art. 41 du C. cr., (citations omises) ( et les soulignements sont nôtres):

Our Code is, of course, largely founded on the English Draft Code of 1879. The English Draft Code was, in turn, primarily the work of Sir James Stephen. In 1863, he published A General View of the Criminal Law in England. This work was followed by his Digest of the Criminal Law of England in 1878. Stephen undertook to distill "true principles" of criminal law from the common law, the Acts of Parliament, and the case law. He was of the opinion that these sources "hold in suspense an admirable criminal code". The Digest provided the framework for the English Draft Code and, 14 years later, our own Criminal Code.

Stephen was one of four Criminal Code Commissioners who, in their 1889 Report on the English Draft Code, said the following with respect to the defence of possession generally:

But the defence of possession either of goods or land against a mere trespass, not a crime, does not, strictly speaking, justify even a breach of the peace. The party in lawful possession may justify gently laying his hands on the trespasser and requesting him to depart. If the trespasser resists, and in so doing assaults the party in possession, that party may repel the assault and for that purpose may use any force which he would be justified in defence of his person. As is accurately stated in 1 Rolle's Abt Trespass G.8, " a justification of a battery in defence of possession, though it arose in the defence of the possession, yet in the end it is the defence of the person."

Stephen and the commissioners agreed that the mere infringement of an individual's possessory rights did not justify a breach of the peace. What it did justify was no more than the touching or holding of the trespasser-taker by the lawful possessor (hereafter the "defender"). The justifiable force used by the defender then escalates in proportion to the degree of resistance of the taker.

England's criminal law remains uncodified. Stephen's groundwork did come to fruition in Canada with the enactment of our Criminal Code in 1892. The defence of property sections remain substantially unchanged since that time. There is no argument to support any allegation that parliament has altered the application or the scope of these sections since that time.

[20] La jurisprudence postérieure à cet article écrit en 1993 apporte certaines nuances. En effet le droit de recourir à l'emploi de la force pour éloigner un intrus n'exige pas nécessairement de passer par le "gently laying his hands on the trespasser and requesting him to depart": j'estime qu'on ne peut en effet s'attendre à ce que la personne âgée et frêle commence par poser délicatement la main sur l'épaule d'un intrus costaud et rébarbatif qui refuse de quitter la résidence de cette personne âgée; la menace à l'aide d'un bâton ou même d'une arme pourrait être conforme aux paramètres fixés au par. 41(1) [voir entre autres les faits de l'arrêt Gunning (précité) où le défendeur, dans l'espoir d'intimider ou d'effrayer l'intrus et de l'inciter ainsi à quitter la maison avait pointé une arme à feu en sa direction; et, dit la Cour, bien que "le caractère raisonnable de la force employée, était plus litigieux ", le juge du procès se devait dans les circonstances de l'espèce de la soumettre aux jurés.] [ voir également l'auteur Don Stuart dans son Canadian Criminal Law, A Treatise, fourth edition (en 2001) en page 493 :

In Dixon 1993 CanLII 5402 (NB C.A.), (1993) 26 C.R. (4th) 173 (N.B.C.A.), the legal standard of care held to be applicable to a section 41(1) defence was " what would the reasonable prudent person have done in all the circumstances". The de facto or applied standard of care varied with the activity in question and the circumstances. Here the circumstances were held to include that the accused was a single parent intervening to protect his daughter when he returned home to find her drunk and partying with strange young men. When they had ignored his order to leave they had become trespassers and his menacing gestures with a broken bottle was using no more force than necessary under section 41(1).

Our courts are as free in this context as in self-defence to insist upon flexibility. If the sole justification advanced is one of defence of property rather than self-defence, less force is likely to have been reasonable. ]

[21] La Cour d'Appel de l'Ontario dans l'arrêt George, 145 C.C.C. (3d) 405 (permission d'en appeler à la Cour Suprême refusée le 25 janvier 2001) adopte elle aussi cette approche:

¶ 49 Another element of a successful defence under s. 41(1) is that the amount of force used must be reasonable in the circumstances. In R. v. Baxter (1975), 27 C.C.C. (2d) 96 at 113 (Ont. C.A.), Martin J.A. stated that:

The sections of the Code authorizing the use of force in defence of a person or property, to prevent crime, and to apprehend offenders, in general, express in greater detail the great principle of the common law that the use of force in such circumstances is subject to the restriction that the force used is necessary; that is, that the harm sought to be prevented could not be prevented by less violent means and that the injury or harm done by, or which might reasonably be anticipated from the force used, is not disproportionate to the injury or harm it is intended to prevent.

[22] L'arrêt Gunning (précité) [2005] A.C.S. no 25, reprend ce dernier principe de façon concrète:

¶ 26 Les parties reconnaissent que l'homicide intentionnel d'un intrus ne saurait être justifié que si la personne en possession du bien est en mesure d'établir qu'elle a agi en état de légitime défense (is able to make out a case of self-defence): voir R. c. Baxter (1975), 27 C.C.C. (2d) 96 (C.A. Ont.), p. 114-115; R. c. Clark reflex, (1983), 5 C.C.C. (3d) 264 (C.A. Alb.), p. 272-273; R. c. Bacon, [1999] J.Q. no 19 (QL) (C.A.), par. 24.



¶ 43 (…) De toute façon, la défense d'un bien ne s'appliquerait pas à l'homicide intentionnel d'un intrus; seule la légitime défense pourrait justifier cet homicide: Baxter, p. 114.

[23] En résumé, et le recours à la force et son degré ne devra dépasser que ce qui est raisonnable dans les circonstances du cas d'espèce. Ce qui est raisonnable est fonction du fait que le droit que le possesseur veut protéger ne peut l'être par des moyens moins violents et que le mal infligé à l'intrus pouvant découler de l'emploi de cette force n'est pas disproportionné à l'importance du droit du possesseur. Tout dépendant des circonstances de chaque cas, ce degré variera également et pourra aller du "gently laying his hands on the trespasser" à la menace à l'aide d'une arme. De plus, j’estime que, un peu comme en matière de légitime défense (voir ci-après), l’on ne peut non plus s’attendre à ce que le possesseur soit en mesure d'évaluer à la perfection le moyen et le degré de force nécessaires pour éloigner l’intrus : un certain éventail de comportements seront qualifiables de « non déraisonnables ».

Escalade justifiable dans l'emploi de la force lorsque l'intrus résiste

[24] À son tour, le par. 41(2) prévoit que lorsque le possesseur paisible se sera prévalu de l'utilisation de la force raisonnablement nécessaire permise par. le par. 41(1) et que l'intrus y aura résisté activement [et non simplement passivement], le possesseur, aux seules fins de l’application des dispositions portant sur la légitime défense, sera alors légalement considéré comme victime de voies de fait. Ainsi dans l'arrêt Baxter (précité), le juge Martin, traitant du par. 41(2), énonce que:

… its effect is not to convert mere passive resistance into an assault but merely to provide that if any force is used by the wrongdoer in resisting an attempt to prevent his entry or to remove him, such force is unlawful, and hence an assault. The amount of force that may be used to prevent or defend against any assault actually committed by the wrongdoer depends upon the ordinary principles of self-defence as set out in s. 34 of the Code. So regarded s. 41(2) does not alter the common law as stated by Stephen who says:

For instance, he may put a trespasser out of his house, or out of his field by force, but he may not strike him, still less may he shoot or stab him. If the wrongdoer resists, the person who is on the defensive may overcome his resistance, and may proportion his efforts to the violence which the wrongdoer uses. If the wrongdoer assaults the person who is defending his property, that person is in the position of a man wrongfully assaulted, and may use whatever violence may become necessary for the protection of his person. (Stephen, History of the Criminal Law of England (1883), vol. 3, p. 15.)

In Pocket v. Pool (1896), 11 Man. R. 275, after referring to s. 53 of the then Code, (now s. 41) Killam, J., said at p. 286:

The latter part of the section does not, in my opinion, apply until there is an overt act in the direction of prevention or removal and an overt act in resistance. . . . . .

Similarly, in the present case, if the defendant had used force to remove the plaintiff and the latter had merely remained passive and allowed himself to be pushed or dragged out of the field, there would have been no assault.

[25] C'est donc dire que le possesseur a le droit de se prévaloir non seulement du droit continu d'employer la force raisonnablement nécessaire pour continuer d'éloigner l'intrus mais également du droit conféré par les dispositions de l'article 34 relatives à la légitime défense. Le tout, encore une fois, sans perdre de vue qu'on ne peut, dans le cas de l'utilisation d'une force autorisée, s'attendre, selon les circonstances qui varieront d'un cas à l'autre, à ce qu'une personne soit en mesure d'évaluer à la perfection l'étendue de la force utilisée [cette dernière proposition s'inférant de l'arrêt Bélanger de la Cour d'appel du Québec [2003] J.Q. no 18473 et autres arrêts y cités, dont l'arrêt Baxter (précité) dans lequel l'on retrouve également cet autre extrait: " The jury should also be instructed that the person defending himself against an attack, reasonably apprehended, cannot be expected to weigh to a nicety the exact measure of necessary defensive action."]

[26] Il est également opportun de rappeler les énoncés que la Cour d'Appel du Québec faisait dans l'arrêt Verrette [2004] J.Q. no 7564, ,énoncés qui fixent la portée de l'art. 41 du C.cr. en regard de la légitime défense:

12 L'alinéa 38(2) C.cr. s'applique lorsque la personne en possession du bien ou le bon samaritain - et non l'intrus - est accusé de voies de fait. Il permet à la personne en possession paisible d'un bien ou à quiconque lui prête légalement main-forte de plaider, en défense, qu'elle a été victime d'une "attaque sans justification ni provocation" de la part de l'intrus et qu'en conséquence, elle était en situation de légitime défense au sens de l'article 34 C.cr.

13 Dans Defence of Property in the Criminal Code , Todd Kathol écrit, à la page 454 :

Factual circumstances and the operation of the Code effectively channel disputes between individuals over real and personal property into defence of person situations. (...) This transition from defence of property to defence of person is encouraged, if not ensured, by the fact that an accused is permitted to employ a greater degree of force in defending his person than in defending property.

et à la page 462 :

Sections 38(2) and 41(2) deem the trespasser-taker of personal property and the trespasser to house or real property, respectively, to have committed an assault against the defender without justification or provocation. This puts the defender in the position of someone defending her or his person pursuant to S. 34 (Self-Defence Against Unprovoked Assault).

14 L'alinéa 38(2) C.cr. ne peut pas, à mon avis, constituer un mode de commission de l'infraction de voies de fait; il ne peut pas non plus être créateur d'une infraction distincte des infractions de voies de fait prévues aux articles 265 et suivants C.cr. [bien que ce dernier extrait de l'arrêt Verrette n'a pas d'impact dans la présente décision, il m'apparaît bon d’en rappeler le contenu compte tenu du contenu d'une des envolées oratoires à l'effet contraire du procureur de la défense.]

Dispense d'inscription au registre des renseignements sur les délinquants sexuels

R. c. M.C., 2008 QCCQ 5846 (CanLII)

[24] La poursuivante demande l’application de l’article 490.012 (1) C.cr., soit l’inscription au Registre des renseignements sur les délinquants sexuels. La défense demande plutôt l’application de l’exception, pour dispenser l’accusé de s’inscrire au Registre.

[25] La défense soumet deux décisions, où mes collègues les juges Denis Saulnier et Chantale Pelletier de la Cour du Québec ont décidé de ne pas ordonner à l’accusé de se conformer à la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels.

[26] Le Tribunal utilisera la grille d’analyse suggérée par l’honorable juge Chantale Pelletier :

1) l’effet de l’ordonnance sur l’accusé;

2) l’intérêt public;

3) la proportionnalité.

- Effet :

[27] Les formalités de l’inscription au Registre sont contraignantes et sévères. Elles peuvent mettre en péril la capacité de l’accusé de se rendre aux État-Unis, une fois par année, pour sa formation continue dans un domaine spécialisé, qui implique notamment la sécurité des utilisateurs des aéronefs. Il peut aussi être appelé à aller à l’extérieur du Canada pour l’exercice de ses fonctions. Dans le présent cas, cette inscription durerait 20 ans, avec possibilité d’une demande de révocation après 10 ans (article 490.015(1)b) C.cr.); sans cette inscription, le délinquant peut demander un pardon après 5 ans.

- Intérêt public :

[28] L’accusé n’est pas un prédateur sexuel; l’expert est d’avis que les risques de récidive sont faibles, le tout confirmé par les circonstances de la perpétration du crime. Le processus judiciaire a eu un effet dissuasif sur l’accusé. Il n’a aucun antécédent. En fait, il s’engage à suivre les séances de psychothérapie recommandées par l’expert Abel Edmond. Tous ces éléments amènent le Tribunal à considérer que l’accusé ne représente pas un danger pour la société.

- Proportionnalité :

[29] Le Tribunal est d’avis que le principal intéressé a établi qu’une ordonnance à son endroit aurait un effet démesuré par rapport à l’intérêt public pour la protection de la société, au sens de l’article 490.012 (4) du Code criminel. L’analyse qui précède amène donc le Tribunal à faire droit à la demande d’exemption présentée par l’avocat de l’accusé.

Analyse des faits pour déterminer la peine attribuable aux accusations relatives à la possession et à la production de pornographie juvénile

R. c. M. L., 2005 CanLII 32090 (QC C.Q.)

[45] L’honorable Normand Bonin fournit une grille d’analyse dans les affaires R. c. Chassé et R. c. Tremblay qui servira au Tribunal pour cerner les facteurs propres à la présente affaire.

1- La nature du matériel :

La collection de photographies comporte des albums contenant des découpures de revues illustrant des enfants et jeunes adolescents nus, qui ne réfèrent pas directement à l’exploitation sexuelle des enfants, mais qui prennent davantage de signification eu égard à la présente cause quand l’accusé y intercale certaines photos d’organes génitaux féminins et quelques photographies plus suggestives. Là où la situation s’aggrave, et de façon plus récente, c’est quand on retrouve des photographies prises sur une pellicule concernant d’autres jeunes adolescentes et enfin les 17 photographies extrêmement suggestives de la jeune victime.

Avec égard pour la position de la défense qui est de reconnaître le caractère pornographique des seules photographies avec poses suggestives, soit 19 pièces seulement, le Tribunal est plutôt d’avis que l’ensemble du matériel saisi constitue de la pornographie juvénile. Il faut examiner l’ensemble de la collection assemblée pour situer les photographies d’enfants et d’adolescents dans leur contexte vu qu’elles sont rassemblées avec des photographies et images qui sont, quant à elles, suggestives sur le plan sexuel et avec d’autres qui représentent des organes sexuels et de la région anale. Ce ne sont pas quelques images, mais toute la collection qui stimulait sexuellement l’accusé dans ses séances de masturbation. Afin de décider si du matériel constitue de la pornographie juvénile, et s’inspirant de la jurisprudence en la matière, le Tribunal doit considérer le matériel à partir de la norme d’un observateur objectif et raisonnable, quant à sa caractéristique dominante. Ici, il ne fait aucun doute que l’accusé a possédé et produit du matériel dans un but sexuel et que ce matériel concernait des enfants âgés de moins de dix-huit ans, caractéristique dominante du matériel saisi. C’est d’ailleurs l’utilisation qu’en faisait l’accusé.

L’affaire R. c. Fontaine, où quatre photographies d’enfants sur 25 montraient des garçons nus photographiés de façon où l’on peut voir leurs organes sexuels, doit être distinguée de la présente affaire où plusieurs photographies et images mettent carrément l’accent sur les organes sexuels de personnes mineures.

2- La quantité du matériel en cause en relation avec la période requise pour accumuler un tel matériel :

L’accusé avait une collection de 407 photographies et images d’enfants provenant de revues, accumulées depuis environ 10 ans. Dans cette collection on retrouve une trentaine de photographies sur pellicules dont 17 prises par l’accusé lui-même en 2001 : ces dernières, carrément suggestives, sont le point culminant de la collection et au surplus, elles sont contemporaines aux attouchements reprochés à l’accusé sur la jeune victime qu’il a photographiée.

3- L’âge des enfants :

Les photographies montrent des enfants dont l’âge varie entre cinq ans et plus ou moins 14 ans, avec concentration sur le thème des jeunes filles et jeunes adolescentes de 11, 12 et 13 ans.

4- L’utilisation de propriété ou du nom d’un tiers :

Ce critère ne s’applique pas dans la présente affaire.

5- Le matériel retenu est-il sous forme suffisamment diffusable ou distribuable?


L’accusé utilisait et produisait le matériel uniquement pour son propre usage, les photographies qu’il a prises étaient avec un appareil de type « Polaroid » qui reproduit les photographies à un seul exemplaire. Ce matériel n’était pas diffusable et l’accusé l’a toujours conservé à son usage exclusif.

6- Les démarches et les coûts pour l’obtention du matériel pornographique juvénile :

L’accusé n’a pas acheté ni vendu de pornographie juvénile; les découpures provenaient cependant de revues où, en ce qui concerne notamment les photographies d’organes génitaux et les photographies suggestives impliquant des enfants, on peut quand même constater que des enfants ont été photographiés par quelqu’un quelque à part, à des fins de diffusion photographique.

7- L’utilisation visée du matériel pornographique :

L’accusé utilisait le matériel possédé ou produit à son usage exclusif. L’accusé a cependant utilisé ce matériel en sachant qu’il développait avec les années son attirance envers les jeunes adolescentes, mais sans se soucier qu’il entretenait sa propension sexuelle envers celles-ci et qu’il pouvait constituer un danger pour ces jeunes personnes.

8- Les autres éléments examinés s’il y a eu importation, distribution et production :

Les sept critères précédents ont cerné le contexte relié à la pornographie juvénile dans la présente cause. L’accusé n’a pas vendu ou distribué celle-ci.

Grille d’analyse concernant la conduite dangereuse / Écart marqué de la norme de diligence qu’aurait observée une personne raisonnable

R. c. Massé, 2006 QCCQ 6208 (CanLII)

[36] Afin de tenir compte de toutes les circonstances, permettant de mesurer l’écart de conduite de l’accusé par rapport à la conduite d’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances, le Tribunal utilisera la grille d’analyse proposée par l’honorable Guy Ringuet de la Cour du Québec dans l’affaire Québec (Procureur général) c. Sébastien Sirois.

1. Quant à l’accusé :

2. Quant au véhicule conduit par l’assuré :

3. Température :

4. État de la chaussée :

5. Configuration des lieux :

6. Présence d’obstacles pouvant nuire à la vision :

7. Le nombre de véhicules dans le secteur :

8. Les distances :

9. La vitesse des véhicules :

10. La conduite de l’accusé :

PRINCIPES ET OBJECTIFS DE LA DÉTERMINATION DE LA PEINE

R. c. Tremblay, 2001 CanLII 21977 (QC C.Q.)

L'honorable Lebel (alors à la Cour d'Appel du Québec) recommandait une grille d'analyse basée sur les éléments suivants :

"1- Le degré de préméditation de la part de l'accusé ;

2- Les circonstances entourant la commission de l'infraction ;

3- La gravité de l'infraction commise en se basant sur la peine prévue par le législateur ;

4- L'attitude de l'accusé après la commission de l'infraction comme facteur d'appréciation de sa criminalité et comme indication de son caractère ;

5- Les antécédents judiciaires de l'accusé ;

6- L'âge, le mode de vie, le caractère et la personnalité de l'accusé ;

7- Toute recommandation du juge du procès, tout rapport présentenciel ou autre et toute circonstance atténuante ou autre."

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

L’accusé qui soulève un doute raisonnable sur le consentement de la victime à l’emploi de la force sera acquitté d'une infraction de voies de fait et cette détermination du consentement s’effectue selon un critère subjectif

Bérubé-Gagnon c. R., 2020 QCCA 1389 Lien vers la décision [ 22 ]        L’absence de consentement de la victime est un élément essentiel de ...