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lundi 7 septembre 2009

Les fouilles et saisies accessoires à l'arrestation

Teuritahar Moeino c. R., 2007 QCCS 648 (CanLII)

[19] Il ne fait aucun doute, dans l'esprit du Tribunal, que les policiers étaient justifiés d'arrêter, sans mandat, le requérant, compte tenu du fait qu'il avait manifestement violé l'une de ses conditions de remise en liberté.

[21] Cette arrestation a été faite en conformité avec l'article 495(1)a) du Code criminel qui prévoit ce qui suit :

« Un agent de la paix peut arrêter sans mandat :

a) une personne qui a commis un acte criminel ou qui, d'après ce qu'il croit pour des motifs raisonnables, a commis ou est sur le point de commettre un acte criminel. »

[22] Au moment où les policiers s'apprêtent à confier le requérant aux geôliers, ils remarquent sur ses vêtements des traces de sang, il était tout à fait approprié qu'ils procèdent à la saisie desdits vêtements.

[23] La Cour suprême, dans les arrêts Caslake et Cloutier, a clairement établi que la fouille incidente à une arrestation est un pouvoir de common law qui ne nécessite pas un mandat de perquisition.

[24] Comme l'écrit le juge Freedman, de la Cour d'appel du Manitoba, dans l'arrêt Sinclair :

« Provided that three circumstances exist, a warrantless search incident to arrest is not a violation of s. 8. Those circumstances are :

1. the search power does not impose a duty; it is discretionary and must be recognized as such;

2. the search must be for a valid objective, e.g., obtaining evidence; and

3. the search must not be conducted in an abusive fashion. »

[25] Dans Caslake, précité, le juge en chef Lamer écrit :

« Étant donné que la fouille accessoire à une arrestation est un pouvoir de common law, il n'y a pas de limites facilement constatables à son étendue. Il appartient donc aux tribunaux de fixer les bornes à l'intérieur desquelles l'État peut poursuivre la réalisation de ses intérêts légitimes, tout en protégeant vigoureusement le droit à la vie privée des particuliers. » par. 17

« À mon avis, toutes les limites imposées à une fouille accessoire à une arrestation découlent de la justification du pouvoir de la common law même : les fouilles dont la légalité dépend de l'arrestation même doivent être vraiment accessoires à l'arrestation en question. Le pouvoir de procéder à la fouille ne découle pas d'une attente moins grande en matière de vie privée chez la personne arrêtée. Il découle plutôt du besoin des autorités, chargées d'appliquer la loi de mettre la main sur des objets ou des renseignements, besoin qui l'emporte sur le droit à la vie privée de la personne en cause. Voir le rapport 24 de la Commission de réforme du droit du Canada, intitulé Les fouilles, les perquisitions et les saisies (1984), à la p. 40 » par. 17

[26] Le juge Lamer affirme ensuite au paragraphe 19 ce qui suit :

« Comme le juge L'heureux-Dubé l'a dit dans Cloutier, les trois objectifs principaux d'une fouille accessoire à une arrestation sont d'assurer la sécurité des policiers et du public, d'empêcher la destruction d'éléments de preuve par la personne arrêtée ou d'autres personnes, et de découvrir des éléments de preuve qui pourront être utilisés au procès de la personne arrêtée. »

[27] La condition que la fouille soit « vraiment accessoire à l'arrestation » signifie que les policiers doivent tenter de réaliser un objectif valable lié à l'arrestation.

[28] L'existence d'un tel objectif dépendra de ce que les policiers cherchaient et des raisons pour lesquelles ils le faisaient.

[29] Cette question comporte à la fois un aspect subjectif et un aspect objectif et, les policiers doivent avoir à l'esprit l'un ou l'autre de ces objectifs lorsqu'ils procèdent à la fouille accessoire à une arrestation.

[30] En outre, la conviction du policier que la fouille permettra de réaliser cet objectif doit être raisonnable.

« En clair, il ne s'agit pas d'une norme de motifs raisonnables et probables, qui est la condition normale à laquelle il faut satisfaire pour pouvoir effectuer une fouille. Ici, la seule condition est qu'il existe un motif raisonnable de faire ce que le policier a fait. Par exemple, la norme des motifs raisonnables et probables exigerait qu'un policier démontre qu'il croyait raisonnablement que la personne arrêtée était munie d'une arme particulière avant de la fouiller. Par contre, selon la norme qui s'applique en l'espèce, le policier aurait le droit de fouiller une personne arrêtée afin de vérifier si elle porte une arme, si, dans les circonstances, il semblait raisonnable de vérifier si la personne est armée. Il y a évidemment une grande différence entre les deux normes. Un policier a, dans le cas d'une arrestation, une marge de manœuvre considérable qu'il n'a pas dans d'autres situations. En même temps, conformément aux critères de l'arrêt Cloutier, la fouille doit répondre à un « objectif valable ». Un objectif ne peut pas être valable s'il n'est pas raisonnable de le poursuivre dans les circonstances de l'arrestation…» par. 20

«… Exiger que la fouille soit vraiment accessoire à l'arrestation signifie que, si la raison d'être de la fouille est la découverte d'éléments de preuve, il doit y avoir des chances raisonnables de trouver des éléments de preuve « de l'infraction pour laquelle l'accusé est arrêté ». Par exemple, lorsque l'arrestation a trait à une infraction au code de la route, dès que les policiers ont fait ce qu'il faut pour assurer leur propre sécurité, rien ne peut justifier de fouiller davantage (voir Belnavis, précité) » par. 22

[31] Dans l'arrêt Cloutier précité, la Cour suprême cite, avec approbation, l'opinion de monsieur le juge Martin dans l'arrêt Rao :

« [TRADUCTION] En common law, il n'y a pas de pouvoir de perquisitionner des locaux sans mandat (ou avec un mandat sauf pour des biens volés) sauf accessoirement à une arrestation légitime. Après avoir effectué une arrestation légitime, un agent a le droit de fouiller le détenu et de lui enlever tout objet qu'il croit raisonnablement relié à l'infraction reprochée ou qui peut être utilisé à titre d'élément de preuve contre le détenu relativement à l'accusation, ou à tout instrument ou arme susceptible de permettre au détenu de commettre un acte violent ou de s'évader. » par. 41

[32] Dans la présente affaire, les policiers aperçoivent, sur les vêtements du requérant, des taches de sang. Or, celui-ci est soupçonné d'un meurtre pour lequel il a été arrêté. Comme l'écrit le juge Dubin, de la Cour d'appel d'Ontario, dans l'arrêt Morrisson :

« [TRADUCTION] Accessoirement à une arrestation légitime, un agent de la paix a le droit de fouiller la personne en état d'arrestation et lui enlever tout bien qu'il croit raisonnablement relié à l'infraction reprochée ou qui peut être utilisé à titre d'élément de preuve contre le détenu, ou tout instrument ou arme sur lui, mais il n'est pas nécessaire qu'il ait des motifs raisonnables de croire qu'il trouvera ces armes ou élément de preuve. C'est le fait que la fouille de la personne est accessoire à l'arrestation légitime qui donne à l'agent de la paix le pouvoir de fouiller le détenu. » p. 233

[33] La même Cour d'appel de l'Ontario dans l'arrêt Miller, reprend les principes énoncés à Rao, précité, fait une revue de la jurisprudence américaine relative au 4ème amendement et en vient à la conclusion que la saisie de vêtements lors d'une arrestation légale ne viole pas les droits garantis par l'article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés.

[34] Il est à noter qu'au paragraphe 58 de l'arrêt Cloutier, précité, la Cour suprême du Canada reprend avec approbation ces conclusions de la Cour d'appel de l'Ontario.

[35] Le Tribunal conclut que la saisie, à la centrale de police de Québec, par les policiers, des vêtements tachés de sang du requérant, a été faite dans le cadre d'une arrestation légale et que cette saisie découle d'une fouille incidente à ladite arrestation.

Les principes applicables à la fouille d'une automobile

R. c. Lachance, 2007 QCCQ 12507 (CanLII)

[28] Les propos du juge Lamer dans la décision de la Cour suprême du Canada dans R. c. Caslake s'appliquent au présent dossier :

« Il s’agit en l’espèce de déterminer si la fouille de l’automobile était compatible avec l’art. 8 de la Charte, qui garantit le droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives. Dans les affaires où il est question des droits garantis par l’art. 8, il convient de prendre comme point de départ l’arrêt de notre Cour Hunter c. Southam Inc., 1984 CanLII 33 (C.S.C.), [1984] 2 R.C.S. 145. Dans cet arrêt, le juge Dickson (plus tard Juge en chef) a établi le cadre fondamental d’analyse de l’art. 8. Il a conclu que cet article ne protégeait que l’attente raisonnable qu’une personne pouvait avoir en matière de vie privée, et qu’on devait évaluer le caractère raisonnable en soupesant ce droit à la vie privée en fonction de l’intérêt qu’a l’État dans l’application de la loi. Dans l’arrêt R. c. Collins, 1987 CanLII 84 (C.S.C.), [1987] 1 R.C.S. 265, ayant ces principes à l’esprit, j’ai énoncé trois conditions pour qu’une fouille ou perquisition ne soit pas abusive au sens de l’art. 8. Pour ne pas être abusive, une fouille ou perquisition doit être autorisée par la loi, la loi elle‑même doit n’avoir rien d’abusif, et la fouille ou perquisition ne doit pas être effectuée d’une manière abusive.

Ordinairement, c’est à la personne qui allègue une violation de droits garantis par la Charte qu’il incombe d’établir l’existence de cette violation. Toutefois, dans Hunter et Collins, précités, notre Cour a statué qu’une fouille ou perquisition sans mandat est abusive à première vue. Par conséquent, une fois que l’accusé a démontré que la fouille ou perquisition a été effectuée sans mandat, il appartient au ministère public de montrer qu’elle n’était pas abusive, selon la prépondérance des probabilités. En l’espèce, le ministère public ne l’a pas fait, comme je vais l’expliquer. »

[29] Dans le présent dossier, la fouille n'était ni autorisée par la loi, ni accessoire à une arrestation. Puisque la fouille a été effectuée sans mandat, il appartenait au ministère public d'établir qu'elle n'était pas abusive.

[30] Le Tribunal est d'avis, comme l'admet le procureur de la couronne et le plaide l'avocate de l'accusé, que la fouille du véhicule conduit par l'accusé le 25 octobre 2007 était abusive.

[31] Comme en a décidé le juge l'Heureux-Dubé dans Cloutier c. Langlois, une fouille à des fins d'inventaire n'est pas effectuée dans la poursuite d'un « objectif valable dans la poursuite des fins de la justice criminelle ».

[32] Le Tribunal conclut sur cette question en citant le juge Lamer dans l'arrêt Caslake précité quant à la nature d'une fouille à des fins d'inventaire.

« Son objectif a trait à des préoccupations étrangères au droit criminel. Si la police sent le besoin d’inventorier, pour ses propres fins, le contenu d’une automobile en sa possession, c’est une chose. Mais si elle souhaite utiliser les fruits de cette fouille à des fins d’inventaire comme éléments de preuve lors d’un procès criminel, la fouille doit être effectuée en vertu de quelque pouvoir légal. »

[33] La fouille étant abusive, les éléments de preuve en découlant doivent-ils être écartés en vertu du paragraphe 24 (2) de la Charte?

[34] Dans l'arrêt R c. Orbanski le juge LeBel, dans une dissidence partielle, mais sur un autre sujet, rappelle la méthode analytique fondamentale élaborée par le juge Lamer dans l'arrêt R c. Collins et qui consiste à prendre en considération trois facteurs, soit l'équité du procès, la gravité de la violation de la Charte et l'effet de l'exclusion de la preuve sur la considération, dont doit jouir l'administration de la justice.

[35] Le même juge insiste cependant sur l'évolution de la jurisprudence de laquelle il ne faut en aucune façon conclure que le paragraphe 24 (2) de la Charte a établi une règle d'exclusion pure et simple, notamment à l'occasion d'une preuve illégalement obtenue en mobilisant l'accusé contre lui-même.

[36] Appliquant ces principes au présent dossier, le Tribunal est d'avis que la preuve découlant de la fouille du coffre du véhicule conduit par l'accusé n'a pas été obtenue en mobilisant l'accusé contre lui-même et détermine en conséquence qu'il n'en découle aucune incidence sur l'équité du procès.

[37] Quant à la gravité de la violation, comme le mentionne le juge Lamer dans l'arrêt Caslake précité, le Tribunal est d'avis qu'une fouille d'un véhicule, comme dans les circonstances du présent dossier, n'est pas particulièrement envahissante et que les agents ont procédé à une telle fouille en se fondant sur une politique du Service de police de Sherbrooke.

[38] Par conséquent, la gravité de la violation en soi, ne justifie par l'exclusion de la preuve.

[39] La troisième étape de l'arrêt Collins est de déterminer si l'exclusion de la preuve résultant de la fouille aurait une incidence plus grave que son utilisation sur la considération dont doit jouir l'administration de la justice.

[40] L'essentiel de la preuve repose sur l'admission des éléments découlant de la fouille et compte tenu de la gravité objective de l'accusation, le Tribunal conclut que l'application de ce troisième critère favorise l'utilisation de ces éléments de preuve.

*** Note de l'auteur de ce blog - La Cour Suprême a changé le test de l'arrêt Collins dans l'arrêt R. c. Grant, 2009 CSC 32***

Les fouilles au sens de l'article 8 de la Charte

Alvarez c. R., 2006 QCCQ 13546 (CanLII)

[5] Depuis l'arrêt de la Cour suprême du Canada Hunter c. Southam, une fouille effectuée sans mandat de perquisition est réputée abusive et la partie qui désire la justifier doit réfuter cette présomption.

[6] Depuis les arrêts R. c. Belnavis et R. c. Caslake, il est établi que l'atteinte en matière de vie privée est moins grande dans une automobile que dans une maison d'habitation ou un bureau. L'arrêt Caslake nous apprend que le policier doit avoir subjectivement un motif lié à l'arrestation pour procéder à la fouille du véhicule et ce motif doit être objectivement raisonnable, comme par exemple découvrir des éléments de preuve.

[7] La Cour suprême a aussi établi dans l'arrêt R. c. Mann que les policiers pouvaient détenir une personne aux fins d'enquête s'ils ont des motifs raisonnables de soupçonner, à la lumière de toutes les circonstances, que cette personne est impliquée dans un crime donné et qu'il est nécessaire de la détenir.

[8] Dans plusieurs décisions, les tribunaux ont exclu la preuve saisie illégalement, certaines de ces décisions ont été soumises par la défense. Il est clair de ces décisions que les policiers n'avaient aucun motif raisonnable de procéder aux fouilles.

[9] Lorsqu'un tribunal conclut à l'illégalité d'une saisie, il doit, avant d'exclure la preuve ou de l'inclure, considérer les trois critères retenus par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt R. c. Collins, soit l'influence sur l'équité du procès, la gravité de la violation et l'effet de l'exclusion de la preuve sur la déconsidération de l'administration de la justice.

[10] Quant à la gravité de l'atteinte, la Cour suprême du Canada dans l'arrêt R. c. Buhay a statué qu'il fallait tenir compte du caractère envahissant de la fouille, de l'atteinte de vie privée de la personne à l'égard du lieu où s'effectue la fouille et de l'existence de motifs raisonnables et probables. On y fait état aussi de la bonne foi des policiers et du caractère délibéré et flagrant de la violation. On a conclu dans cette affaire qu'une fouille dans un casier de la consigne d'une gare, dont l'accusé avait la clé, n'était pas particulièrement envahissante. On a aussi souligné, dans cet arrêt, l'importance de l'existence de motifs raisonnables comme source d'atténuation de la gravité de l'atteinte.

La détention aux fins d'enquête

R. c. Bournival, 2008 QCCQ 5539 (CanLII)

[18] Dans l'arrêt Mann, rendu en 2004, la Cour suprême reconnaît l'existence d'un pouvoir de détention aux fins d'enquête, qui émane de la common law, lorsque les policiers ont des motifs raisonnables de soupçonner (motifs précis et concrets), à la lumière de toutes les circonstances, que la personne visée est impliquée dans un crime et qu'il est raisonnablement nécessaire de la détenir, suivant une considération objective, pour mener l'enquête et ainsi veiller à la protection du public.

[19] En 2007, dans l'arrêt Clayton, la Cour suprême réitère que la règle de droit autorisant la détention aux fins d'enquête doit respecter la Charte et elle précise davantage les paramètres dont le juge doit tenir compte dans l'analyse :

L'examen tiendra compte de la nature de la situation, y compris la gravité de l'infraction, des renseignements sur le suspect ou sur le crime dont disposaient les policiers et de la mesure dans laquelle la détention était une mesure raisonnablement adaptée à ces éléments, notamment en ce qui a trait à l'emplacement et au moment. Il faut donc mettre en balance l'importance du risque pour la sécurité du public en général ou d'une personne en particulier avec le droit à la liberté des citoyens, pour déterminer si l'interception n'a porté atteinte à la liberté que dans la mesure raisonnablement nécessaire pour faire face au risque.

[20] La Cour suprême nous indique, dans l'arrêt Mann que pour déterminer si la détention contrevient aux droits garantis par l'article 9 de la Charte, l'étude de la conduite du policier se fait en deux volets :



▪ D'abord, il faut examiner si le policier a agi conformément aux pouvoirs que lui confère la loi ou la common law. L'arrêt Dedman de la Cour suprême a reconnu que les pouvoirs des policiers découlent de leurs devoirs ce qui comprend « le maintien de la paix, la prévention du crime, et la protection de la vie des personnes et des biens ». La symétrie n'est cependant pas parfaite entre les devoirs et les pouvoirs des policiers.

▪ Lorsque la condition préliminaire est respectée, il faut établir un équilibre entre les devoirs du policier et le droit à la liberté qui est en jeu. Pour ce faire, la Cour suprême propose d'évaluer si l'«atteinte aux droits individuels est nécessaire à l'accomplissement du devoir des agents de la paix, et si elle est raisonnable, compte tenu des intérêts d'ordre public servis par, d'un côté, la répression efficace des agissements criminels, et de l'autre, le respect de la liberté et de la dignité fondamentale des individus ».

[21] Les tribunaux ont, de plus, énoncé de façon constante que pour respecter les droits garantis dans la Charte, le pouvoir de détention aux fins d'enquête doit être fondé sur des motifs qui ne reposent pas que sur la foi d'une intuition du policier.

[22] Dans un jugement récent, le juge Cournoyer exprime ainsi la règle :

Il ne faut pas confondre l'intérêt légitime que peuvent avoir des policiers de s'intéresser à une situation en vertu de leur devoir de prévenir la commission d'un crime et une intervention policière qui, pour être une atteinte justifiable à la liberté individuelle en vertu du pouvoir de détention aux fins d'enquête, doit respecter les paramètres énoncés plus haut. L'intérêt légitime n'est source d'aucun pouvoir légal d'intervention.

[23] Ainsi, le profil d'une personne et les éléments circonstanciels qui le composent ne sont rien de plus qu'une intuition ou un pressentiment qui ne peut constituer un fait objectif donnant ouverture à des motifs raisonnables suffisants de soupçonner qu'elle est impliquée dans un crime.

[24] En l'espèce, lors de l'interception du requérant accusé, les seuls éléments dont disposait le policier pour fonder ses motifs raisonnables étaient le jeune âge des occupants d'un véhicule utilitaire sport récent, d'une grande valeur, ce qui pouvait concorder, selon lui, avec les informations transmises lors d'une réunion d'information concernant la prévalence des vols de ce type de véhicules dans la région, au cours des derniers temps.

[25] Bien plus, une vérification auprès du C.R.P.Q. avait confirmé que la camionnette n'était pas inscrite au registre des véhicules volés et qu'elle appartenait à une compagnie de location de Montréal. Ces indications auraient dû inciter le policier à recueillir davantage de renseignements probants avant de décider d'interpeller le véhicule en cause.

[26] Sans faire aucune autre démarche préliminaire, l'agent décide quand même de procéder à l'interception du véhicule dans le but d'interroger le conducteur, de vérifier ses papiers et d'examiner l'interrupteur de démarrage, malgré que les informations objectives obtenues vont à l'encontre de ses soupçons.

[27] Dans ces circonstances, le tribunal estime que le policier a agi uniquement sur la foi d'une intuition personnelle, ce qui est insuffisant pour fonder des motifs raisonnables justifiant une détention aux fins d'enquête, dans le respect de la Charte. Même une intuition qui s'avère ultérieurement fondée ne suffirait pas pour justifier une interception; ce qui n'est, d'ailleurs, pas le cas ici. Au contraire, les soupçons étaient dénués de tout fondement, selon la preuve.

[28] Les motifs soumis par le policier sont également insuffisants parce que l'infraction soupçonnée n'était pas d'une gravité telle que la détention constituait une mesure raisonnablement nécessaire, aux fins d'enquête, eu égard aux risques inhérents pour le public, dans les circonstances.

[29] De plus, la jurisprudence constante, enseigne qu'une allégation générale qu'un type de criminalité est fréquent dans une région n'est pas suffisante en soi pour fournir des motifs raisonnables de soupçonner la commission d'une infraction.

[30] À juste titre, ni le policier-enquêteur Lagacé, ni le procureur aux poursuites criminelles et pénales n'ont tenté de faire valider l'interception, à partir des observations faites sur la rue du Roi.

*** Note de l'auteur de ce blog - Cette décision doit être lu en gardant en tête le fait que la Cour Suprême (R. c. Suberu, 2009 CSC 33) a rendu une importante décision en 2009 sur les détentions aux fins d'enquête***

Les saisies sans mandat

R. c. Bournival, 2008 QCCQ 5539 (CanLII)

[36] La Cour suprême a décidé dans l'arrêt Hunter, qu'une fouille sans autorisation préalable est présumée abusive et contraire à l'article 8 de la Charte, à moins que la partie qui cherche à la justifier ne puisse réfuter cette présomption.

[37] Il appartient donc à la poursuite de démontrer, par la prépondérance des probabilités, que la saisie sans mandat, dans le véhicule conduit par le requérant accusé et sa fouille personnelle subséquente sont autorisées par la loi ou par une règle de common law et qu'elles se justifient en vertu de l'article 8 de la Charte.

[38] Le procureur du ministère public argumente que la saisie sans mandat dans le véhicule est justifiée, d'une part, par le pouvoir de common law des policiers d'effectuer une fouille accessoire à l'arrestation, pour des raisons de sécurité ou dans le but de découvrir des éléments de preuve ou d'en empêcher la destruction, et d'autre part, par les motifs acquis en raison de l'odeur de marihuana. Il plaide également que la fouille d'une personne est autorisée en common law, dans le cadre d'une arrestation.

[39] Dans l'arrêt Caslake, la Cour suprême prescrit que dans le cas d'une fouille sans mandat accessoire à une arrestation, il faut que la fouille soit véritablement accessoire à l'arrestation, et que celle-ci soit légale. Le policier doit avoir un motif lié à l'arrestation pour procéder à la fouille au moment où il l'a effectuée.

[40] En l'espèce, à cause de l'illégalité de l'arrestation, la couronne ne peut avoir recours aux pouvoirs de fouilles accessoires, pour justifier la saisie de drogue dans le véhicule et la fouille personnelle du requérant accusé.

[41] Comme le précise la Cour suprême, dans l'arrêt Stillman, «aucune fouille, si raisonnable soit-elle, ne peut être validée par ce pouvoir de common law, si l'arrestation qui y a donné lieu a été arbitraire ou par ailleurs illégale».

[42] La poursuite tente également de justifier la saisie sans mandat de la drogue découverte dans le véhicule, par la doctrine des objets « bien en vue » ou « détectés par l'odorat » qui permet de saisir sans mandat les éléments de preuve ainsi ostensiblement apparents lorsque l'intrusion est légale; la découverte des éléments de preuve est faite par inadvertance; et que les biens saisis sont de nature à prouver l'infraction.

[43] La détention illégale et arbitraire, en l'espèce, à l'origine de la découverte par inadvertance de la drogue, après la détection par l'odorat, ne permet donc pas non plus au poursuivant de bénéficier de ce pouvoir de common law.

[44] D'autre part, le paragraphe 11 (7) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances prévoit la possibilité pour les policiers de perquisitionner sans mandat dans un lieu lorsque les conditions pour la délivrance d'un mandat sont réunies et que l'urgence de la situation rend son obtention difficilement réalisable.

[45] En l'espèce, la couronne n'a pas établi l'urgence de la situation, ni la nécessité de prévenir la destruction de la preuve, ni que l'obtention d'un mandat était difficilement réalisable dans les circonstances.

L'article 636 du C.S.R

R. c. Bournival, 2008 QCCQ 5539 (CanLII)

[31] Pour justifier l'immobilisation du véhicule, le procureur du ministère public invoque, par ailleurs, l'article 636 du Code de la sécurité routière, tenant compte que l'agent Lagacé a mentionné qu'il voulait, aux fins de son enquête, entre autres, vérifier les documents que le conducteur a l'obligation d'avoir en sa possession en vertu de la Loi.

[32] La Cour suprême a déjà reconnu la légalité de l'interception au hasard de véhicules aux fins de la sécurité routière, tout en précisant ce qui suit :

Les policiers ne peuvent interpeller des personnes que pour des motifs fondés sur la loi, en l'espèce des motifs relatifs à la conduite d'une automobile comme la vérification du permis de conduire, des assurances et de la sobriété du conducteur ainsi que de l'état mécanique du véhicule. Lorsque l'interpellation est effectuée, les seules questions qui peuvent être justifiées sont celles qui se rapportent aux infractions en matière de circulation. Toute autre procédure plus inquisitoire ne pourrait être engagée que sur le fondement de motifs raisonnables et probables.

[33] Dans l'arrêt Mellenthin, la Cour suprême a rappelé que les programmes d'interpellation au hasard ne doivent pas permettre d'effectuer une enquête générale dénuée de tout fondement ou une fouille abusive.

[34] La Cour d'appel du Québec, dans l'arrêt Guénette, a explicitement mentionné qu'un policier ne peut se fonder sur cette disposition lorsque la preuve démontre que l'interception était motivée par une intuition pour effectuer une opération de sécurité relative à des vols.

dimanche 6 septembre 2009

Entrave au travail d'un agent de police

Bédard c. R., 2009 QCCA 1473 (CanLII)

[50] Pour être trouvé coupable d'entrave au travail d'un agent de la paix au sens de l'article 129 a) C.cr., la poursuite doit faire la preuve hors de tout doute raisonnable que l'accusé a volontairement entravé le travail d'un agent de la paix dans l'exécution de ses fonctions ou lui a résisté en pareil cas. Le mot « volontairement » a déjà été interprété par la Cour suprême comme exigeant la présence d'une intention en relation directe avec le but prohibé. Il faut donc, en conséquence, que le contrevenant ait eu ce but prohibé à l'esprit lorsqu'il a posé le geste reproché

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Les déclarations d'un accusé à son complice ne sont pas du ouï-dire

R v Ballantyne, 2015 SKCA 107 Lien vers la décision [ 58 ]             At trial, Crown counsel attempted to tender evidence of a statement m...