Teuritahar Moeino c. R., 2007 QCCS 648 (CanLII)
[19] Il ne fait aucun doute, dans l'esprit du Tribunal, que les policiers étaient justifiés d'arrêter, sans mandat, le requérant, compte tenu du fait qu'il avait manifestement violé l'une de ses conditions de remise en liberté.
[21] Cette arrestation a été faite en conformité avec l'article 495(1)a) du Code criminel qui prévoit ce qui suit :
« Un agent de la paix peut arrêter sans mandat :
a) une personne qui a commis un acte criminel ou qui, d'après ce qu'il croit pour des motifs raisonnables, a commis ou est sur le point de commettre un acte criminel. »
[22] Au moment où les policiers s'apprêtent à confier le requérant aux geôliers, ils remarquent sur ses vêtements des traces de sang, il était tout à fait approprié qu'ils procèdent à la saisie desdits vêtements.
[23] La Cour suprême, dans les arrêts Caslake et Cloutier, a clairement établi que la fouille incidente à une arrestation est un pouvoir de common law qui ne nécessite pas un mandat de perquisition.
[24] Comme l'écrit le juge Freedman, de la Cour d'appel du Manitoba, dans l'arrêt Sinclair :
« Provided that three circumstances exist, a warrantless search incident to arrest is not a violation of s. 8. Those circumstances are :
1. the search power does not impose a duty; it is discretionary and must be recognized as such;
2. the search must be for a valid objective, e.g., obtaining evidence; and
3. the search must not be conducted in an abusive fashion. »
[25] Dans Caslake, précité, le juge en chef Lamer écrit :
« Étant donné que la fouille accessoire à une arrestation est un pouvoir de common law, il n'y a pas de limites facilement constatables à son étendue. Il appartient donc aux tribunaux de fixer les bornes à l'intérieur desquelles l'État peut poursuivre la réalisation de ses intérêts légitimes, tout en protégeant vigoureusement le droit à la vie privée des particuliers. » par. 17
« À mon avis, toutes les limites imposées à une fouille accessoire à une arrestation découlent de la justification du pouvoir de la common law même : les fouilles dont la légalité dépend de l'arrestation même doivent être vraiment accessoires à l'arrestation en question. Le pouvoir de procéder à la fouille ne découle pas d'une attente moins grande en matière de vie privée chez la personne arrêtée. Il découle plutôt du besoin des autorités, chargées d'appliquer la loi de mettre la main sur des objets ou des renseignements, besoin qui l'emporte sur le droit à la vie privée de la personne en cause. Voir le rapport 24 de la Commission de réforme du droit du Canada, intitulé Les fouilles, les perquisitions et les saisies (1984), à la p. 40 » par. 17
[26] Le juge Lamer affirme ensuite au paragraphe 19 ce qui suit :
« Comme le juge L'heureux-Dubé l'a dit dans Cloutier, les trois objectifs principaux d'une fouille accessoire à une arrestation sont d'assurer la sécurité des policiers et du public, d'empêcher la destruction d'éléments de preuve par la personne arrêtée ou d'autres personnes, et de découvrir des éléments de preuve qui pourront être utilisés au procès de la personne arrêtée. »
[27] La condition que la fouille soit « vraiment accessoire à l'arrestation » signifie que les policiers doivent tenter de réaliser un objectif valable lié à l'arrestation.
[28] L'existence d'un tel objectif dépendra de ce que les policiers cherchaient et des raisons pour lesquelles ils le faisaient.
[29] Cette question comporte à la fois un aspect subjectif et un aspect objectif et, les policiers doivent avoir à l'esprit l'un ou l'autre de ces objectifs lorsqu'ils procèdent à la fouille accessoire à une arrestation.
[30] En outre, la conviction du policier que la fouille permettra de réaliser cet objectif doit être raisonnable.
« En clair, il ne s'agit pas d'une norme de motifs raisonnables et probables, qui est la condition normale à laquelle il faut satisfaire pour pouvoir effectuer une fouille. Ici, la seule condition est qu'il existe un motif raisonnable de faire ce que le policier a fait. Par exemple, la norme des motifs raisonnables et probables exigerait qu'un policier démontre qu'il croyait raisonnablement que la personne arrêtée était munie d'une arme particulière avant de la fouiller. Par contre, selon la norme qui s'applique en l'espèce, le policier aurait le droit de fouiller une personne arrêtée afin de vérifier si elle porte une arme, si, dans les circonstances, il semblait raisonnable de vérifier si la personne est armée. Il y a évidemment une grande différence entre les deux normes. Un policier a, dans le cas d'une arrestation, une marge de manœuvre considérable qu'il n'a pas dans d'autres situations. En même temps, conformément aux critères de l'arrêt Cloutier, la fouille doit répondre à un « objectif valable ». Un objectif ne peut pas être valable s'il n'est pas raisonnable de le poursuivre dans les circonstances de l'arrestation…» par. 20
«… Exiger que la fouille soit vraiment accessoire à l'arrestation signifie que, si la raison d'être de la fouille est la découverte d'éléments de preuve, il doit y avoir des chances raisonnables de trouver des éléments de preuve « de l'infraction pour laquelle l'accusé est arrêté ». Par exemple, lorsque l'arrestation a trait à une infraction au code de la route, dès que les policiers ont fait ce qu'il faut pour assurer leur propre sécurité, rien ne peut justifier de fouiller davantage (voir Belnavis, précité) » par. 22
[31] Dans l'arrêt Cloutier précité, la Cour suprême cite, avec approbation, l'opinion de monsieur le juge Martin dans l'arrêt Rao :
« [TRADUCTION] En common law, il n'y a pas de pouvoir de perquisitionner des locaux sans mandat (ou avec un mandat sauf pour des biens volés) sauf accessoirement à une arrestation légitime. Après avoir effectué une arrestation légitime, un agent a le droit de fouiller le détenu et de lui enlever tout objet qu'il croit raisonnablement relié à l'infraction reprochée ou qui peut être utilisé à titre d'élément de preuve contre le détenu relativement à l'accusation, ou à tout instrument ou arme susceptible de permettre au détenu de commettre un acte violent ou de s'évader. » par. 41
[32] Dans la présente affaire, les policiers aperçoivent, sur les vêtements du requérant, des taches de sang. Or, celui-ci est soupçonné d'un meurtre pour lequel il a été arrêté. Comme l'écrit le juge Dubin, de la Cour d'appel d'Ontario, dans l'arrêt Morrisson :
« [TRADUCTION] Accessoirement à une arrestation légitime, un agent de la paix a le droit de fouiller la personne en état d'arrestation et lui enlever tout bien qu'il croit raisonnablement relié à l'infraction reprochée ou qui peut être utilisé à titre d'élément de preuve contre le détenu, ou tout instrument ou arme sur lui, mais il n'est pas nécessaire qu'il ait des motifs raisonnables de croire qu'il trouvera ces armes ou élément de preuve. C'est le fait que la fouille de la personne est accessoire à l'arrestation légitime qui donne à l'agent de la paix le pouvoir de fouiller le détenu. » p. 233
[33] La même Cour d'appel de l'Ontario dans l'arrêt Miller, reprend les principes énoncés à Rao, précité, fait une revue de la jurisprudence américaine relative au 4ème amendement et en vient à la conclusion que la saisie de vêtements lors d'une arrestation légale ne viole pas les droits garantis par l'article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés.
[34] Il est à noter qu'au paragraphe 58 de l'arrêt Cloutier, précité, la Cour suprême du Canada reprend avec approbation ces conclusions de la Cour d'appel de l'Ontario.
[35] Le Tribunal conclut que la saisie, à la centrale de police de Québec, par les policiers, des vêtements tachés de sang du requérant, a été faite dans le cadre d'une arrestation légale et que cette saisie découle d'une fouille incidente à ladite arrestation.
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