R. c. Lachance, 2007 QCCQ 12507 (CanLII)
[28] Les propos du juge Lamer dans la décision de la Cour suprême du Canada dans R. c. Caslake s'appliquent au présent dossier :
« Il s’agit en l’espèce de déterminer si la fouille de l’automobile était compatible avec l’art. 8 de la Charte, qui garantit le droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives. Dans les affaires où il est question des droits garantis par l’art. 8, il convient de prendre comme point de départ l’arrêt de notre Cour Hunter c. Southam Inc., 1984 CanLII 33 (C.S.C.), [1984] 2 R.C.S. 145. Dans cet arrêt, le juge Dickson (plus tard Juge en chef) a établi le cadre fondamental d’analyse de l’art. 8. Il a conclu que cet article ne protégeait que l’attente raisonnable qu’une personne pouvait avoir en matière de vie privée, et qu’on devait évaluer le caractère raisonnable en soupesant ce droit à la vie privée en fonction de l’intérêt qu’a l’État dans l’application de la loi. Dans l’arrêt R. c. Collins, 1987 CanLII 84 (C.S.C.), [1987] 1 R.C.S. 265, ayant ces principes à l’esprit, j’ai énoncé trois conditions pour qu’une fouille ou perquisition ne soit pas abusive au sens de l’art. 8. Pour ne pas être abusive, une fouille ou perquisition doit être autorisée par la loi, la loi elle‑même doit n’avoir rien d’abusif, et la fouille ou perquisition ne doit pas être effectuée d’une manière abusive.
Ordinairement, c’est à la personne qui allègue une violation de droits garantis par la Charte qu’il incombe d’établir l’existence de cette violation. Toutefois, dans Hunter et Collins, précités, notre Cour a statué qu’une fouille ou perquisition sans mandat est abusive à première vue. Par conséquent, une fois que l’accusé a démontré que la fouille ou perquisition a été effectuée sans mandat, il appartient au ministère public de montrer qu’elle n’était pas abusive, selon la prépondérance des probabilités. En l’espèce, le ministère public ne l’a pas fait, comme je vais l’expliquer. »
[29] Dans le présent dossier, la fouille n'était ni autorisée par la loi, ni accessoire à une arrestation. Puisque la fouille a été effectuée sans mandat, il appartenait au ministère public d'établir qu'elle n'était pas abusive.
[30] Le Tribunal est d'avis, comme l'admet le procureur de la couronne et le plaide l'avocate de l'accusé, que la fouille du véhicule conduit par l'accusé le 25 octobre 2007 était abusive.
[31] Comme en a décidé le juge l'Heureux-Dubé dans Cloutier c. Langlois, une fouille à des fins d'inventaire n'est pas effectuée dans la poursuite d'un « objectif valable dans la poursuite des fins de la justice criminelle ».
[32] Le Tribunal conclut sur cette question en citant le juge Lamer dans l'arrêt Caslake précité quant à la nature d'une fouille à des fins d'inventaire.
« Son objectif a trait à des préoccupations étrangères au droit criminel. Si la police sent le besoin d’inventorier, pour ses propres fins, le contenu d’une automobile en sa possession, c’est une chose. Mais si elle souhaite utiliser les fruits de cette fouille à des fins d’inventaire comme éléments de preuve lors d’un procès criminel, la fouille doit être effectuée en vertu de quelque pouvoir légal. »
[33] La fouille étant abusive, les éléments de preuve en découlant doivent-ils être écartés en vertu du paragraphe 24 (2) de la Charte?
[34] Dans l'arrêt R c. Orbanski le juge LeBel, dans une dissidence partielle, mais sur un autre sujet, rappelle la méthode analytique fondamentale élaborée par le juge Lamer dans l'arrêt R c. Collins et qui consiste à prendre en considération trois facteurs, soit l'équité du procès, la gravité de la violation de la Charte et l'effet de l'exclusion de la preuve sur la considération, dont doit jouir l'administration de la justice.
[35] Le même juge insiste cependant sur l'évolution de la jurisprudence de laquelle il ne faut en aucune façon conclure que le paragraphe 24 (2) de la Charte a établi une règle d'exclusion pure et simple, notamment à l'occasion d'une preuve illégalement obtenue en mobilisant l'accusé contre lui-même.
[36] Appliquant ces principes au présent dossier, le Tribunal est d'avis que la preuve découlant de la fouille du coffre du véhicule conduit par l'accusé n'a pas été obtenue en mobilisant l'accusé contre lui-même et détermine en conséquence qu'il n'en découle aucune incidence sur l'équité du procès.
[37] Quant à la gravité de la violation, comme le mentionne le juge Lamer dans l'arrêt Caslake précité, le Tribunal est d'avis qu'une fouille d'un véhicule, comme dans les circonstances du présent dossier, n'est pas particulièrement envahissante et que les agents ont procédé à une telle fouille en se fondant sur une politique du Service de police de Sherbrooke.
[38] Par conséquent, la gravité de la violation en soi, ne justifie par l'exclusion de la preuve.
[39] La troisième étape de l'arrêt Collins est de déterminer si l'exclusion de la preuve résultant de la fouille aurait une incidence plus grave que son utilisation sur la considération dont doit jouir l'administration de la justice.
[40] L'essentiel de la preuve repose sur l'admission des éléments découlant de la fouille et compte tenu de la gravité objective de l'accusation, le Tribunal conclut que l'application de ce troisième critère favorise l'utilisation de ces éléments de preuve.
*** Note de l'auteur de ce blog - La Cour Suprême a changé le test de l'arrêt Collins dans l'arrêt R. c. Grant, 2009 CSC 32***
Aucun commentaire:
Publier un commentaire