R. c. Lapointe, 2005 CanLII 33594 (QC C.Q.)
[8] Dans l'affaire Appleby, la Cour suprême a statué que pour réfuter cette présomption, l'accusé devait faire plus que de soulever un doute raisonnable : il se doit d'établir selon la balance des probabilités qu'il n'occupait pas cette place dans le but de mettre en marche le véhicule.
[9] Or, s'il était possible de disculper l'accusé dès qu'il convainc le tribunal qu'il n'avait pas l'intention de conduire, le tout serait simple. Mais il est clair en droit qu'on peut aussi avoir la garde et le contrôle d'un véhicule sans le conduire et sans avoir l'intention de le conduire. Telle est la conclusion que l'on doit tirer des décisions Saunders et Ford.
[10] Dans l'affaire Saunders (précitée), l'accusé, en état d'ébriété, était au volant de son véhicule immobilisé dans un fossé, et ne pouvait sortir de là qu'à l'aide d'une remorque. On aurait pu penser, le véhicule étant inutilisable (temporairement), que les risques disparaissant, qu'on ne puisse trouver l'accusé coupable ni de conduite, ni de garde. Mais le plus haut tribunal décrète que la définition de « véhicule à moteur » à l'article 2 renvoie à un genre de véhicule et non à sa faculté de se déplacer et de fonctionner normalement. L'infraction de « garde et contrôle » était donc commise.
[11] Dans l'affaire Ford (précitée), l'accusé avait été trouvé au volant de son véhicule dans un champs lors d'une fête, alors qu'il était en état d'ébriété. Il avait convenu avec un tiers que ce dernier conduirait le véhicule en quittant les lieux. Mais par une décision majoritaire (7-2), la Cour suprême statuait que l'article 237(1)a) (maintenant 258(1)a)) ne fait pas de l'intention de conduire un élément de l'infraction de garde. « La preuve que l'accusé n'a pas pris place dans le véhicule dans l'intention de le mettre en marche n'entraîne pas en soi l'acquittement lorsqu'un accusé accomplit un acte ou une série d'actes ayant trait à l'utilisation du véhicule ou de ses accessoires, qui indiquent que l'accusé avait la garde du véhicule. »
[12] Dans l'affaire Toews le juge McIntyre s’exprime ainsi :
« L'infraction qui consiste à avoir la garde ou le contrôle d'un véhicule à moteur alors que ses facultés sont affaiblies est distincte de celle de conduire avec facultés affaiblies et on peut la commettre que le véhicule soit en mouvement ou non. La mens rea est l'intention d'assumer la garde ou le contrôle d'un véhicule après avoir volontairement consommé de l'alcool ou une drogue et l'actus reus est l'acte d'en assumer la garde ou le contrôle L'absence d'intention de conduire ne constitue pas un moyen de défense. (les soulignés sont de nous ).
[13] On a souvent cité l’affaire Toews (précitée) comme signifiant que si l’accusé se sert de son véhicule pour dormir, l’acquittement s’impose. Telle lecture, en tout respect, nous semble inexacte. Monsieur Toews a été acquitté parce que la présomption ne s’appliquait pas, l’accusé n’étant pas assis au volant. Or, le reste de la preuve sur laquelle se basait la poursuite n’établissait aucun geste de « garde ou de contrôle ». La police avait trouvé l'accusé endormi dans un sac de couchage sur le siège avant d'un camion, la tête près de la portière du côté du passager. La clef de contact était en place et la musique jouait, mais le moteur du camion ne tournait pas et les phares étaient éteints. La preuve n’indiquait pas qui avait mis la clef dans le contact, mais révélait qu’un ami de l'accusé avait été le dernier à conduire le camion. De là l’acquittement.
[14] Ces arrêts ont servi à notre Cour d'appel dans les affaires Nicole Hamel, Alain Rousseau et Francis Rioux. On doit comprendre de chacune de ces décisions que dès que l'accusé exécute certaines opérations sur le véhicule, pose un geste susceptible de mettre en marche le véhicule, ou se place dans une position où il « peut » aisément le mettre en marche, il commet alors l'infraction. Dans l’affaire Rousseau (précitée) le juge Letarte écrira :
« Lorsque l'appelant refuse de remettre à madame Tremblay les clés de sa voiture, il sait qu'il n'est pas en état de conduire, mais décide tout de même de s'y mettre à l'abri. Il pose alors des actes de garde et de contrôle: il déverrouille la portière, s'assoit sur le banc du conducteur, ferme la portière, baisse les glaces latérales par crainte du monoxyde de carbone, s'assure que le levier d'embrayage est à la position « park », lève le levier du frein d'urgence et démarre le moteur et l'appareil de chauffage. Autant d'opérations conscientes et de gestes de sa part qui s'inscrivent dans une certaine logique et qui démontrent que, non seulement il avait la garde du véhicule, mais qu'il exerçait aussi le contrôle de certaines opérations. Qu'il ait sombré dans le sommeil, espérant éliminer l'alcool dans les heures suivantes, cela n'empêche pas qu'il ait exercé la garde et le contrôle de son véhicule alors que ses facultés étaient affaiblies. ».
[15] Une situation semblable à la nôtre est survenue dans l’affaire R. c. Pilon. Monsieur Pilon, à la sortie d’un bar, avait décidé de dormir dans son véhicule un certain temps. Le juge de première instance accepte le témoignage de l'accusé qui explique ne pas être entré dans son véhicule dans l'intention de le conduire, mais « on the appellant's evidence this meant the immediate intention of driving ». L'accusé avait soutenu qu'il voulait dormir un certain temps pour pouvoir se rendre directement à son logis, puis à son travail lorsqu'il se réveillerait vers cinq heures du matin. La Cour d’appel n’en demandait pas plus pour accepter la thèse du Ministère public :
« The facts as found by the trial judge and admitted by the appellant, show some course of conduct associated with the vehicle which would involve a risk of putting the vehicle in motion so that it could become dangerous. »
[16] Une décision de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse ira encore plus loin. On confirme le verdict de culpabilité de Monsieur Lockerby. Ce dernier était assis sur le siège du passager, un autre conducteur ayant conduit jusque-là son véhicule. Mais lorsque ce conducteur quitte le véhicule et entre dans un restaurant pour aller chercher d’autres amis du groupe, après un certain temps, l’accusé prend la place du conducteur, ferme le moteur, enlève la clef de l’interrupteur d’allumage dans le but d’entrer au restaurant (naturellement l’intention de conduire était absente).
[17] Par ailleurs certaines décisions des Cours d’appel de d’autres provinces, invoquant le commentaire du juge Lamer dans l’affaire Penno prétendront que si tout risque que le possesseur du véhicule le mette en marche est écarté, qu’alors un acquittement sous l’accusation de garde et contrôle devrait être ordonné (voir liste en bas de page). Avec respect, ces décisions nous semblent irréconciliables avec les décisions Ford et Saunders (précitées) (véhicule inutilisable), et le commentaire plus haut mentionné du juge Lamer n’avait pas d’après nous cette signification, ou cette portée.
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samedi 12 septembre 2009
Garde et contrôle - Utilisation du véhicule uniquement comme abris dans l’attente du conducteur désigné
R. c. Summers, 2005 CanLII 8883 (QC C.Q.)
[11] L’article 253 du Code criminel établit que l’accusé peut se retrouver dans l’une des trois situations suivantes :
a) Il conduit ;
b) Aide à conduire ;
c) A la garde ou le contrôle.
[12] Quant au véhicule moteur il peut :
a) Être en mouvement ;
b) Ne pas être en mouvement.
[13] Finalement pour qu’une accusation soit portée, il faut :
a) Que la capacité de conduire de la personne soit affaiblie par l’alcool ou une drogue, ou ;
b) Que son taux d’alcoolémie dépasse la limite légale permise.
[14] C’est donc dire que les scénarios qui peuvent se présenter sont multiples et cette multiplicité est abondamment illustrée par la jurisprudence.
[15] Dans la présente affaire :
a) Le véhicule moteur était immobilisé;
b) L’accusé avait un taux d’alcoolémie supérieur à la limite permise, (1er test 94mg/100ml et 2e test 89mg/100ml) ce qui n’est pas contesté;
c) Il ne conduisait pas, il n’aidait pas à conduire et même s’il était assis à l’intérieur, côté passager et que le moteur était en marche, la défense avance qu’il n’avait pas la garde ou contrôle de son véhicule.
[16] Puisqu’il ne prenait pas place sur le siège du conducteur, la poursuite ne peut pour faire sa preuve, bénéficier de la présomption de l’article 258 (1) du Code criminel.
[17] La jurisprudence établit clairement avec les décisions dans les affaires Ford et Toews que l’intention de mettre le véhicule en mouvement ou en marche n’est pas, aux fins d’établir la garde ou le contrôle, un élément constitutif.
[18] Dans l’affaire Drakes le juge Fish référant entre autre à l’arrêt Ford reprend et écrit :
« The offence is complete if, with an excessive bood-alcohol level, the accused is shown to have been involved in some course of conduct associated with the vehicle which would involve a risk of putting the vehicle in motion so that it could become dangerous.»
[19] C’est donc dire qu’il doit être démontré que l’accusé a posé des gestes qui permettent d’inférer que vu son état, il y avait risque que le véhicule soit mis en mouvement, donc qu’il y avait potentiellement un danger pour la sécurité du public.
[20] Dans l’affaire Hamel le juge Proulx écrit :
« Even if he has no immediate intention of setting it in motion he can at any instant determine to do so, because his judgement may be so impaired that he cannot foresee the possible consequences of his actions.»
[21] Sauf circonstances exceptionnelles, lorsqu’une personne conduit elle a nécessairement la garde ou le contrôle du véhicule, alors que lorsque l’on a la garde ou le contrôle, on ne conduit pas nécessairement et il se peut même que l’on ne se trouve pas dans le véhicule. Par exemple, une personne avec les facultés affaiblies, décide de quitter la résidence, met son moteur en marche avec un démarreur à distance, avise sa conjointe qu’il quitte dans cinq minutes et cette dernière communique avec la police pour les aviser. Ceux-ci arrivent alors qu’il ferme la porte de la résidence pour se diriger vers son véhicule.
[22] Dans l’affaire Olivier la Cour d’appel réaffirme le principe de l’absence d’absolu et que ce sont les circonstances particulières à chaque cas qui doivent être analysées.
[23] Selon ce qui précède, la poursuite doit faire la preuve :
a) Des gestes posés par l’accusé;
b) Que ces gestes démontrent hors de toute doute, qu’à tout moment, l’accusé vu son état, pouvait mettre le véhicule en mouvement, d’où le risque;
[24] Cela peut sembler paradoxal si l’on fait une interprétation littérale de l’article 253, puisque cet article stipule clairement que la garde ou le contrôle n’exige pas que le véhicule soit en mouvement. Donc il suffirait par exemple de se retrouver en état d’ébriété dans un véhicule immobilisé sur lequel on a le contrôle ou la garde pour que l’infraction soit commise.
[25] À compter du moment où l’état de l’accusé est prouvé hors de tout doute raisonnable, il y aurait culpabilité, puisqu’on aurait démontré la possibilité vu son état, qu’il prenne à un moment donné la décision de mettre en mouvement le véhicule. Le risque viendrait de son état d’ébriété, non de l’interprétation de ses gestes, alors qu’il est en état d’ébriété.
[26] Ce qui à première vu n’est pas seulement en accord avec le libellé de l’article 253 mais en accord avec l’objectif visé par le législateur et qui repose sur la prémisse que toute personne qui a les facultés amoindries par l’alcool ou dont le taux d’alcoolémie dépasse la limite permise, représente un risque pour la sécurité du public et commet une infraction dès qu’existe la possibilité qu’elle mette le véhicule en mouvement, alors même qu’il est immobilisé.
[27] Il y a toujours possibilité qu’une personne qui conduit un véhicule avec les capacités affaiblies, porte atteinte à la sécurité du public, à un moment donné pendant qu’elle conduit. Même si elle conduit sans problème pendant 20 ou 30 minutes, existe la possibilité qu’à la trentième minute, elle fasse une manœuvre dangereuse. De même, il y a possibilité qu’une personne qui n’a pas l’intention de conduire, prenne place dans un véhicule, alors qu’elle a les capacités affaiblies par l’alcool et qu’elle change d’intention à un moment donné. Cette possibilité existe parce qu’une telle personne est réputée être une personne dont les facultés qui incluent notamment la décision, le discernement et l’évaluation sont amoindries.
[28] Dans ce contexte, comment concilier la jurisprudence qui lie la culpabilité à l’existence de risque que l’on dégage des circonstances ou gestes de l’accusé avec ce qui précède?
[29] Pour le Tribunal la garde ou le contrôle d’un véhicule est certes une question de faits propre à chaque situation mais si les acquittements reposent sur l’absence de risque que l’accusé mette en mouvement le véhicule, n’est-ce pas du même souffle sous-entendre que le risque n’existe pas ipso facto alors même que l’accusé a les facultés affaiblies et a la garde ou le contrôle du véhicule?
[30] En effet la jurisprudence semble lier garde ou contrôle au risque de mouvement du véhicule, alors que le législateur semble les lier à la consommation d’alcool qu’il associe au risque tout court.
[31] Comment fait-on pour conclure qu’un accusé propriétaire d’un véhicule, qui possède les clefs, qui quitte un restaurant dans le but de se rendre à son véhicule, qui ouvre la portière, qui démarre le moteur, qui prend place du côté passager, qui n’a pas l’intention de conduire et qui s’endort dans son véhicule n’a pas la garde ou le contrôle de son véhicule? Si l’accusé ne l’a pas parce qu’il est démontré qu’il n’y avait aucun risque de le mettre en mouvement, qui l’a?
[32] La seule façon pour un accusé de ne pas avoir, dans un tel contexte, la garde ou le contrôle de son véhicule c’est de déléguer à une tierce partie. Ce que l’accusé a partiellement fait dans la présente affaire, sauf qu’il s’est retrouvé dans son véhicule avant que la tierce partie n’en prenne le contrôle ou la garde.
[33] Le législateur associe le risque aux capacités affaiblies ou au taux d’alcoolémie car tel qu’explicité ci-haut, une personne avec les facultés amoindries par l’alcool est réputée inapte non seulement à conduire mais à assumer la garde ou le contrôle d’un véhicule. Si son taux d’alcoolémie dépasse la limite permise, elle est aussi réputée inapte peu importe ses facultés résiduelles.
[34] Dans la présente affaire, il est démontré que l’accusé n’a jamais changé d’idée et n’a jamais mis le véhicule en mouvement. On a dû faire appel à de l’aide extérieure pour ouvrir la portière car il était impossible de réveiller l’accusé?
[35] Avec ce qui précède comment peut-on concilier l’obligation de considérer les circonstances particulières qui confirme l’absence d’absolu en cette matière.
[36] Pour le Tribunal, la notion de garde ou contrôle ne peut se limiter à une définition restrictive qui aurait pour effet de faire abstraction complète de l’absence d’intention.
[37] Il faut, puisqu’il est question de garde et contrôle, faire la distinction entre avoir la garde et le contrôle et exercer la garde et le contrôle. Si la jurisprudence analyse les gestes et le comportement de l’accusé, ce n’est pas pour déterminer s’il a la garde mais plutôt comment il l’a exercée.
[38] Pour le Tribunal, la poursuite doit démontrer que l’accusé exerçait la garde et le contrôle aux fins de mettre le véhicule immobilisé en mouvement. Les faits et gestes de l’accusé doivent démontrer un actus reus qui fait ressortir une intention générale, même si minimale.
[39] Dans la présente affaire, les faits et gestes de l’accusé entre le départ du bar et son arrestation démontrent qu’il n’a posé aucun geste ou prononcé aucune parole qui démontre une manière d’exercer la garde et le contrôle de son véhicule à moteur de façon à le mettre en mouvement. Donc absence totale de risque.
[40] L’accusé qui avait entrepris toutes les démarches et posé tous les gestes nécessaires pour ne pas conduire ou exercer la garde et le contrôle de son véhicule, l’a utilisé uniquement comme abris dans l’attente du conducteur désigné.
[11] L’article 253 du Code criminel établit que l’accusé peut se retrouver dans l’une des trois situations suivantes :
a) Il conduit ;
b) Aide à conduire ;
c) A la garde ou le contrôle.
[12] Quant au véhicule moteur il peut :
a) Être en mouvement ;
b) Ne pas être en mouvement.
[13] Finalement pour qu’une accusation soit portée, il faut :
a) Que la capacité de conduire de la personne soit affaiblie par l’alcool ou une drogue, ou ;
b) Que son taux d’alcoolémie dépasse la limite légale permise.
[14] C’est donc dire que les scénarios qui peuvent se présenter sont multiples et cette multiplicité est abondamment illustrée par la jurisprudence.
[15] Dans la présente affaire :
a) Le véhicule moteur était immobilisé;
b) L’accusé avait un taux d’alcoolémie supérieur à la limite permise, (1er test 94mg/100ml et 2e test 89mg/100ml) ce qui n’est pas contesté;
c) Il ne conduisait pas, il n’aidait pas à conduire et même s’il était assis à l’intérieur, côté passager et que le moteur était en marche, la défense avance qu’il n’avait pas la garde ou contrôle de son véhicule.
[16] Puisqu’il ne prenait pas place sur le siège du conducteur, la poursuite ne peut pour faire sa preuve, bénéficier de la présomption de l’article 258 (1) du Code criminel.
[17] La jurisprudence établit clairement avec les décisions dans les affaires Ford et Toews que l’intention de mettre le véhicule en mouvement ou en marche n’est pas, aux fins d’établir la garde ou le contrôle, un élément constitutif.
[18] Dans l’affaire Drakes le juge Fish référant entre autre à l’arrêt Ford reprend et écrit :
« The offence is complete if, with an excessive bood-alcohol level, the accused is shown to have been involved in some course of conduct associated with the vehicle which would involve a risk of putting the vehicle in motion so that it could become dangerous.»
[19] C’est donc dire qu’il doit être démontré que l’accusé a posé des gestes qui permettent d’inférer que vu son état, il y avait risque que le véhicule soit mis en mouvement, donc qu’il y avait potentiellement un danger pour la sécurité du public.
[20] Dans l’affaire Hamel le juge Proulx écrit :
« Even if he has no immediate intention of setting it in motion he can at any instant determine to do so, because his judgement may be so impaired that he cannot foresee the possible consequences of his actions.»
[21] Sauf circonstances exceptionnelles, lorsqu’une personne conduit elle a nécessairement la garde ou le contrôle du véhicule, alors que lorsque l’on a la garde ou le contrôle, on ne conduit pas nécessairement et il se peut même que l’on ne se trouve pas dans le véhicule. Par exemple, une personne avec les facultés affaiblies, décide de quitter la résidence, met son moteur en marche avec un démarreur à distance, avise sa conjointe qu’il quitte dans cinq minutes et cette dernière communique avec la police pour les aviser. Ceux-ci arrivent alors qu’il ferme la porte de la résidence pour se diriger vers son véhicule.
[22] Dans l’affaire Olivier la Cour d’appel réaffirme le principe de l’absence d’absolu et que ce sont les circonstances particulières à chaque cas qui doivent être analysées.
[23] Selon ce qui précède, la poursuite doit faire la preuve :
a) Des gestes posés par l’accusé;
b) Que ces gestes démontrent hors de toute doute, qu’à tout moment, l’accusé vu son état, pouvait mettre le véhicule en mouvement, d’où le risque;
[24] Cela peut sembler paradoxal si l’on fait une interprétation littérale de l’article 253, puisque cet article stipule clairement que la garde ou le contrôle n’exige pas que le véhicule soit en mouvement. Donc il suffirait par exemple de se retrouver en état d’ébriété dans un véhicule immobilisé sur lequel on a le contrôle ou la garde pour que l’infraction soit commise.
[25] À compter du moment où l’état de l’accusé est prouvé hors de tout doute raisonnable, il y aurait culpabilité, puisqu’on aurait démontré la possibilité vu son état, qu’il prenne à un moment donné la décision de mettre en mouvement le véhicule. Le risque viendrait de son état d’ébriété, non de l’interprétation de ses gestes, alors qu’il est en état d’ébriété.
[26] Ce qui à première vu n’est pas seulement en accord avec le libellé de l’article 253 mais en accord avec l’objectif visé par le législateur et qui repose sur la prémisse que toute personne qui a les facultés amoindries par l’alcool ou dont le taux d’alcoolémie dépasse la limite permise, représente un risque pour la sécurité du public et commet une infraction dès qu’existe la possibilité qu’elle mette le véhicule en mouvement, alors même qu’il est immobilisé.
[27] Il y a toujours possibilité qu’une personne qui conduit un véhicule avec les capacités affaiblies, porte atteinte à la sécurité du public, à un moment donné pendant qu’elle conduit. Même si elle conduit sans problème pendant 20 ou 30 minutes, existe la possibilité qu’à la trentième minute, elle fasse une manœuvre dangereuse. De même, il y a possibilité qu’une personne qui n’a pas l’intention de conduire, prenne place dans un véhicule, alors qu’elle a les capacités affaiblies par l’alcool et qu’elle change d’intention à un moment donné. Cette possibilité existe parce qu’une telle personne est réputée être une personne dont les facultés qui incluent notamment la décision, le discernement et l’évaluation sont amoindries.
[28] Dans ce contexte, comment concilier la jurisprudence qui lie la culpabilité à l’existence de risque que l’on dégage des circonstances ou gestes de l’accusé avec ce qui précède?
[29] Pour le Tribunal la garde ou le contrôle d’un véhicule est certes une question de faits propre à chaque situation mais si les acquittements reposent sur l’absence de risque que l’accusé mette en mouvement le véhicule, n’est-ce pas du même souffle sous-entendre que le risque n’existe pas ipso facto alors même que l’accusé a les facultés affaiblies et a la garde ou le contrôle du véhicule?
[30] En effet la jurisprudence semble lier garde ou contrôle au risque de mouvement du véhicule, alors que le législateur semble les lier à la consommation d’alcool qu’il associe au risque tout court.
[31] Comment fait-on pour conclure qu’un accusé propriétaire d’un véhicule, qui possède les clefs, qui quitte un restaurant dans le but de se rendre à son véhicule, qui ouvre la portière, qui démarre le moteur, qui prend place du côté passager, qui n’a pas l’intention de conduire et qui s’endort dans son véhicule n’a pas la garde ou le contrôle de son véhicule? Si l’accusé ne l’a pas parce qu’il est démontré qu’il n’y avait aucun risque de le mettre en mouvement, qui l’a?
[32] La seule façon pour un accusé de ne pas avoir, dans un tel contexte, la garde ou le contrôle de son véhicule c’est de déléguer à une tierce partie. Ce que l’accusé a partiellement fait dans la présente affaire, sauf qu’il s’est retrouvé dans son véhicule avant que la tierce partie n’en prenne le contrôle ou la garde.
[33] Le législateur associe le risque aux capacités affaiblies ou au taux d’alcoolémie car tel qu’explicité ci-haut, une personne avec les facultés amoindries par l’alcool est réputée inapte non seulement à conduire mais à assumer la garde ou le contrôle d’un véhicule. Si son taux d’alcoolémie dépasse la limite permise, elle est aussi réputée inapte peu importe ses facultés résiduelles.
[34] Dans la présente affaire, il est démontré que l’accusé n’a jamais changé d’idée et n’a jamais mis le véhicule en mouvement. On a dû faire appel à de l’aide extérieure pour ouvrir la portière car il était impossible de réveiller l’accusé?
[35] Avec ce qui précède comment peut-on concilier l’obligation de considérer les circonstances particulières qui confirme l’absence d’absolu en cette matière.
[36] Pour le Tribunal, la notion de garde ou contrôle ne peut se limiter à une définition restrictive qui aurait pour effet de faire abstraction complète de l’absence d’intention.
[37] Il faut, puisqu’il est question de garde et contrôle, faire la distinction entre avoir la garde et le contrôle et exercer la garde et le contrôle. Si la jurisprudence analyse les gestes et le comportement de l’accusé, ce n’est pas pour déterminer s’il a la garde mais plutôt comment il l’a exercée.
[38] Pour le Tribunal, la poursuite doit démontrer que l’accusé exerçait la garde et le contrôle aux fins de mettre le véhicule immobilisé en mouvement. Les faits et gestes de l’accusé doivent démontrer un actus reus qui fait ressortir une intention générale, même si minimale.
[39] Dans la présente affaire, les faits et gestes de l’accusé entre le départ du bar et son arrestation démontrent qu’il n’a posé aucun geste ou prononcé aucune parole qui démontre une manière d’exercer la garde et le contrôle de son véhicule à moteur de façon à le mettre en mouvement. Donc absence totale de risque.
[40] L’accusé qui avait entrepris toutes les démarches et posé tous les gestes nécessaires pour ne pas conduire ou exercer la garde et le contrôle de son véhicule, l’a utilisé uniquement comme abris dans l’attente du conducteur désigné.
Collusion -- La question des discussions entre des témoins avant la tenue du procès ou durant le déroulement d'un procès est une question importante
Prasakis c. R. 2007 QCCS 4316 (CanLII)
Lien vers la décision
[24] La juge d'instance s'exprime ainsi sur cette question :
D'autre part, il a discuté avec son frère de son témoignage avant de venir à la Cour et il y a admission de la part de l'accusé qu'il n'a jamais fourni aux policiers qui l'ont arrêté cette explication qu'il avait un chauffeur désigné.
[25] La question des discussions entre des témoins avant la tenue du procès ou durant le déroulement d'un procès est une question importante. Si on est en mesure d'établir une collusion entre les témoins, il s'agit d'un facteur qui affectera considérablement la crédibilité des témoins. Toutefois, la seule existence d'une discussion, sans plus, n'est pas un facteur qui peut affecter la crédibilité d'un témoin.
[26] La question de la collusion a souvent été analysée dans le contexte de la preuve de faits similaires. Lorsque l'admissibilité d'une telle preuve se pose, «[s]i la preuve ne révèle rien de plus qu’une possibilité [de collusion], il est habituellement préférable de laisser au jury le soin de trancher cette question».
[27] La jurisprudence a reconnu qu'une distinction s'impose entre la fabrication de preuve et la collaboration entre les témoins par opposition au simple contact entre les témoins.
[28] La Cour d'appel de l'Ontario a eu l'occasion de discuter de cette nuance, toujours dans le contexte de l'admissibilité d'une preuve de faits similaires dans R. v. R.L..
[29] La Cour d'appel analyse la question de la collusion entre les témoins de la poursuite ainsi:
If the trial judge's statement is taken as a statement relating to the entire proceeding it is incorrect. The complainant acknowledged that she and her sister discussed the allegations on several occasions until the preliminary inquiry when they were told they were not allowed to do so as they were both witnesses. If, however, the trial judge's statement is taken as a reference to the trial evidence he had just heard, it would have been open to him to make this statement. In any event, collusion connotes more than the fact that two witnesses have discussed their evidence; it connotes an understanding to work together to subvert the appellant's right to a fair trial. Collusion can also occur innocently, such as when an unintentional infection results from discussing the case with another witness or a third party: John Sopinka, Sidney N. Lederman and Alan W. Bryant, The Law of Evidence in Canada, 2nd ed. (Markham: Butterworths, 1998) at 587. However, as explained by Alan W. Mewett and Peter J. Sankoff, Witnesses, looseleaf (Scarborough: Carswell, 2004) at 6-41:
Witnesses in criminal proceedings will often know each other and it is inevitable that discussion of the case at hand will occur in some situations. It is unreasonable to suggest, however, that such discussion [prior to trial and the judge's warning] should automatically give rise to a presumption of frailty in the witnesses' evidence.
See also R. v. McMath (1997), 121 C.C.C. (3d) 174 (B.C.C.A.). The trial judge was entitled to reject the defence theory of collusion after having carefully considered and referred to the inconsistencies in the evidence of S.M. and G.M.
[30] Même si la situation soumise à la Cour d'appel de l'Ontario met en cause les témoins de la poursuite, la même règle s'applique à tous les témoins.
[31] L'existence d'une discussion entre des témoins n'est pas un facteur qui donne automatiquement naissance à une inférence négative susceptible d'affecter la crédibilité d'un témoin. Le contact entre les témoins n'est pas la même chose que la fabrication d'une preuve ou la collaboration dans le but de le faire. Contact et collusion ne doivent pas être confondus.
[32] En l'espèce, la preuve établit seulement qu'une discussion entre les frères Prasakis a lieu. Si la juge d'instance souligne que M. Prasakis discute de son témoignage avec son frère comme un facteur qui affecte négativement l'évaluation de sa crédibilité, il s'agit, compte tenu de la preuve sommaire entendue sur cette question, d'une erreur. La preuve en l'espèce est insuffisante pour affecter négativement la crédibilité des frères Prasakis.
Lien vers la décision
[24] La juge d'instance s'exprime ainsi sur cette question :
D'autre part, il a discuté avec son frère de son témoignage avant de venir à la Cour et il y a admission de la part de l'accusé qu'il n'a jamais fourni aux policiers qui l'ont arrêté cette explication qu'il avait un chauffeur désigné.
[25] La question des discussions entre des témoins avant la tenue du procès ou durant le déroulement d'un procès est une question importante. Si on est en mesure d'établir une collusion entre les témoins, il s'agit d'un facteur qui affectera considérablement la crédibilité des témoins. Toutefois, la seule existence d'une discussion, sans plus, n'est pas un facteur qui peut affecter la crédibilité d'un témoin.
[26] La question de la collusion a souvent été analysée dans le contexte de la preuve de faits similaires. Lorsque l'admissibilité d'une telle preuve se pose, «[s]i la preuve ne révèle rien de plus qu’une possibilité [de collusion], il est habituellement préférable de laisser au jury le soin de trancher cette question».
[27] La jurisprudence a reconnu qu'une distinction s'impose entre la fabrication de preuve et la collaboration entre les témoins par opposition au simple contact entre les témoins.
[28] La Cour d'appel de l'Ontario a eu l'occasion de discuter de cette nuance, toujours dans le contexte de l'admissibilité d'une preuve de faits similaires dans R. v. R.L..
[29] La Cour d'appel analyse la question de la collusion entre les témoins de la poursuite ainsi:
If the trial judge's statement is taken as a statement relating to the entire proceeding it is incorrect. The complainant acknowledged that she and her sister discussed the allegations on several occasions until the preliminary inquiry when they were told they were not allowed to do so as they were both witnesses. If, however, the trial judge's statement is taken as a reference to the trial evidence he had just heard, it would have been open to him to make this statement. In any event, collusion connotes more than the fact that two witnesses have discussed their evidence; it connotes an understanding to work together to subvert the appellant's right to a fair trial. Collusion can also occur innocently, such as when an unintentional infection results from discussing the case with another witness or a third party: John Sopinka, Sidney N. Lederman and Alan W. Bryant, The Law of Evidence in Canada, 2nd ed. (Markham: Butterworths, 1998) at 587. However, as explained by Alan W. Mewett and Peter J. Sankoff, Witnesses, looseleaf (Scarborough: Carswell, 2004) at 6-41:
Witnesses in criminal proceedings will often know each other and it is inevitable that discussion of the case at hand will occur in some situations. It is unreasonable to suggest, however, that such discussion [prior to trial and the judge's warning] should automatically give rise to a presumption of frailty in the witnesses' evidence.
See also R. v. McMath (1997), 121 C.C.C. (3d) 174 (B.C.C.A.). The trial judge was entitled to reject the defence theory of collusion after having carefully considered and referred to the inconsistencies in the evidence of S.M. and G.M.
[30] Même si la situation soumise à la Cour d'appel de l'Ontario met en cause les témoins de la poursuite, la même règle s'applique à tous les témoins.
[31] L'existence d'une discussion entre des témoins n'est pas un facteur qui donne automatiquement naissance à une inférence négative susceptible d'affecter la crédibilité d'un témoin. Le contact entre les témoins n'est pas la même chose que la fabrication d'une preuve ou la collaboration dans le but de le faire. Contact et collusion ne doivent pas être confondus.
[32] En l'espèce, la preuve établit seulement qu'une discussion entre les frères Prasakis a lieu. Si la juge d'instance souligne que M. Prasakis discute de son témoignage avec son frère comme un facteur qui affecte négativement l'évaluation de sa crédibilité, il s'agit, compte tenu de la preuve sommaire entendue sur cette question, d'une erreur. La preuve en l'espèce est insuffisante pour affecter négativement la crédibilité des frères Prasakis.
Confronté à une question d'identification directe ou circonstancielle, le Tribunal doit être très prudent dans l'analyse de la preuve
R. c. Jacobs 2008 QCCQ 3615 Nº : 760 01-033238-053 DATE : 13 mai 2008
Lien vers la décision
[82] Dans Benoît Proulx c. La Reine, déjà citée, les juges Gendreau, Proulx et Fish de la Cour d'appel ont rappelé que:
"de tous les cas de preuves, c'est l'identification par témoin oculaire qui est la plus susceptible d'entraîner une erreur judiciaire".
[83] La preuve d'identification doit être suffisante. Le propos est tiré de R c. Le [1992] A.Q. no. 2035 et énonce:
"Le juge doit se mettre en garde contre les difficultés de l'identification interraciale: pour le caucasien moyen, tous les asiatiques, tous les noirs sont de prime abord identiques par les traits dominants propres à chaque race et aussi étonnant que cela puisse nous sembler, l'inverse serait tout aussi vrai."
[84] Les procureurs ont produit plusieurs décisions que le Tribunal a analysées.
R. c. Langille 59 C.C.C. (3d) 544, paragraphe 24, on fait référence au volume Evidence où sir Rupert Cross écrit:
"It might be thought that in criminal cases there could not be better identification of the accused than that of a witness who goes into the box and swears that the man in the dock is the one he saw coming out of a house at a particular time, or the man who assaulted him. Nevertheless, such evidence is suspect where there has been no previous identification of the accused by the witness, and this is because its weight is reduced by the reflection that, if there is any degree of resemblance between the man in the dock and the person previously seen by the witness, the witness may very well think to himself that the police must have got hold of the right person, particularly if he has already described the latter to them, with the result that he will be inclined to swear positively to a fact of which he is by no means certain. It has therefore been held to be undesirable for the police to do nothing about the question of identification until the accused is brought before the magistrates, and then ask a witness for the prosecution some such question as "Is this the man?". The correct procedure is for them to hold an identification parade before the trial or preliminary examination, placing the accused with a sufficient number of other people, leaving the witness to pick him out if he can, without assistance. This latter requirement is most important, and the Court of Criminal Appeal may quash a conviction if there has been any attempt to point the accused out beforehand to someone who is then asked to identify him. These are essentially matters which go to the weight rather than the admissibility of evidence, and it has not been possible to lay down rules with regard to primary evidence of identification in civil cases. So far as criminal cases are concerned several branches of the law of evidence are devoted to ensuring the most scrupulously fair conduct on the part of the police, and this is why it is desirable to have something approximating to fixed rules on the subject of evidence of identification."
R. c. Grant 198 C.C.C. (3d) 376.
C'est une affaire d'identification d'un voleur dans un supermarché.
Trois témoins ont décrit l'auteur du vol, une parade photographique quant à l'un des témoins a eu lieu 3 mois après l'événement. La Cour d'appel d'Ontario a confirmé le verdict de culpabilité de l'accusé en statuant que le juge de première instance avait correctement analysé la preuve relativement à l'identification.
R. c. Mezzo [1986] 1 R.C.S. 802 concerne l'identification de l'auteur d'une agression sexuelle commise la nuit derrière un hangar. Il s'agit de vérifier la force probante du témoignage d'un individu quant aux possibilités qu'il a eues d'identifier un agresseur. La séance d'identification policière a été faite régulièrement selon les normes canadiennes.
Au paragraphe 24, on fait état de la distance, de l'éclairage, des obstacles à la vue, de la durée de l'observation, du temps écoulé entre l'événement et la description donnée aux policiers, de la parade photographique.
R. c. Burke [1996] 1 R.C.S. 474
Accusé d'attentat à la pudeur, c'est par la preuve d'une autre plaignante qu'on tente d'identifier l'auteur du délit. Les juges de la Cour Suprême au paragraphe 52 mettent en garde contre l'acceptation fortuite d'une preuve d'identification, même lorsque cette identification est faite par confrontation visuelle de l'accusé…On ajoute "la réalité psychologique selon laquelle l'observation et la mémoire humaines ne sont pas fiables."
R. c. Reitsma [1998] 1 R.C.S. 769
Suite à une introduction par effraction dans une maison d'habitation, le plaignant a retrouvé un homme dont il a décrit l'apparence, la taille et l'âge. Devant des photos, il a désigné l'accusé en disant qu'il était semblable, mais pas tout à fait, à la personne vue dans la maison. En salle d'audience, il l'identifie positivement. Le verdict de culpabilité a été cassé basé sur l'imprécision de la première identification.
R. c. Hibbert [2002] 2 R.C.S. 445
Il s'agit d'une accusation de tentative de meurtre sur une agente immobilière qui a fait visiter une maison à un individu. Celle-ci l'a identifié par une preuve circonstancielle portant sur des détails personnels de la vie de l'accusé et par une voisine qui a vu l'agresseur quitter la résidence.
Lien vers la décision
[82] Dans Benoît Proulx c. La Reine, déjà citée, les juges Gendreau, Proulx et Fish de la Cour d'appel ont rappelé que:
"de tous les cas de preuves, c'est l'identification par témoin oculaire qui est la plus susceptible d'entraîner une erreur judiciaire".
[83] La preuve d'identification doit être suffisante. Le propos est tiré de R c. Le [1992] A.Q. no. 2035 et énonce:
"Le juge doit se mettre en garde contre les difficultés de l'identification interraciale: pour le caucasien moyen, tous les asiatiques, tous les noirs sont de prime abord identiques par les traits dominants propres à chaque race et aussi étonnant que cela puisse nous sembler, l'inverse serait tout aussi vrai."
[84] Les procureurs ont produit plusieurs décisions que le Tribunal a analysées.
R. c. Langille 59 C.C.C. (3d) 544, paragraphe 24, on fait référence au volume Evidence où sir Rupert Cross écrit:
"It might be thought that in criminal cases there could not be better identification of the accused than that of a witness who goes into the box and swears that the man in the dock is the one he saw coming out of a house at a particular time, or the man who assaulted him. Nevertheless, such evidence is suspect where there has been no previous identification of the accused by the witness, and this is because its weight is reduced by the reflection that, if there is any degree of resemblance between the man in the dock and the person previously seen by the witness, the witness may very well think to himself that the police must have got hold of the right person, particularly if he has already described the latter to them, with the result that he will be inclined to swear positively to a fact of which he is by no means certain. It has therefore been held to be undesirable for the police to do nothing about the question of identification until the accused is brought before the magistrates, and then ask a witness for the prosecution some such question as "Is this the man?". The correct procedure is for them to hold an identification parade before the trial or preliminary examination, placing the accused with a sufficient number of other people, leaving the witness to pick him out if he can, without assistance. This latter requirement is most important, and the Court of Criminal Appeal may quash a conviction if there has been any attempt to point the accused out beforehand to someone who is then asked to identify him. These are essentially matters which go to the weight rather than the admissibility of evidence, and it has not been possible to lay down rules with regard to primary evidence of identification in civil cases. So far as criminal cases are concerned several branches of the law of evidence are devoted to ensuring the most scrupulously fair conduct on the part of the police, and this is why it is desirable to have something approximating to fixed rules on the subject of evidence of identification."
R. c. Grant 198 C.C.C. (3d) 376.
C'est une affaire d'identification d'un voleur dans un supermarché.
Trois témoins ont décrit l'auteur du vol, une parade photographique quant à l'un des témoins a eu lieu 3 mois après l'événement. La Cour d'appel d'Ontario a confirmé le verdict de culpabilité de l'accusé en statuant que le juge de première instance avait correctement analysé la preuve relativement à l'identification.
R. c. Mezzo [1986] 1 R.C.S. 802 concerne l'identification de l'auteur d'une agression sexuelle commise la nuit derrière un hangar. Il s'agit de vérifier la force probante du témoignage d'un individu quant aux possibilités qu'il a eues d'identifier un agresseur. La séance d'identification policière a été faite régulièrement selon les normes canadiennes.
Au paragraphe 24, on fait état de la distance, de l'éclairage, des obstacles à la vue, de la durée de l'observation, du temps écoulé entre l'événement et la description donnée aux policiers, de la parade photographique.
R. c. Burke [1996] 1 R.C.S. 474
Accusé d'attentat à la pudeur, c'est par la preuve d'une autre plaignante qu'on tente d'identifier l'auteur du délit. Les juges de la Cour Suprême au paragraphe 52 mettent en garde contre l'acceptation fortuite d'une preuve d'identification, même lorsque cette identification est faite par confrontation visuelle de l'accusé…On ajoute "la réalité psychologique selon laquelle l'observation et la mémoire humaines ne sont pas fiables."
R. c. Reitsma [1998] 1 R.C.S. 769
Suite à une introduction par effraction dans une maison d'habitation, le plaignant a retrouvé un homme dont il a décrit l'apparence, la taille et l'âge. Devant des photos, il a désigné l'accusé en disant qu'il était semblable, mais pas tout à fait, à la personne vue dans la maison. En salle d'audience, il l'identifie positivement. Le verdict de culpabilité a été cassé basé sur l'imprécision de la première identification.
R. c. Hibbert [2002] 2 R.C.S. 445
Il s'agit d'une accusation de tentative de meurtre sur une agente immobilière qui a fait visiter une maison à un individu. Celle-ci l'a identifié par une preuve circonstancielle portant sur des détails personnels de la vie de l'accusé et par une voisine qui a vu l'agresseur quitter la résidence.
La détention provisoire
R. c. Poulin 2008 QCCQ 10903 DATE : Le 26 novembre 2008 N° : 565-01-000414-078
[167] Quant au calcul de la période passée sous garde avant l'imposition de la sentence, l'article 719 (3) du Code criminel en reconnaît le principe :
«Pour fixer la peine à infliger à une personne déclarée coupable d'une infraction, le tribunal peut prendre en compte toute période que la personne a passée sous garde par suite de l'infraction.»
[168] Monsieur le juge Laskin dans R. c. Rezaie [1997] 112 C.C.C. (3d) 97 (C.A. Ontario) l'explique et en résume les caractéristiques particulières à la page 104 :
«Although this section is discretionary, not mandatory, in my view a sentencing judge should ordinarily give credit for pre-trial custody. At least a judge should not deny credit without good reason. To do so offends one's sense of fairness. Incarceration at any stage of the criminal process is a denial of an accused's liberty. Moreover, in two respects, pre-trial custody is even more onerous than post-sentencing custody. First, other than for a sentence of life imprisonment, legislative provisions for parole eligibility and statutory release do not take into account time spent in custody before trial (or before sentencing). Second, local detention centres ordinarily do not provide educational, retraining or rehabilitation programs to an accused in custody waiting trial. For these reasons, pre-trial custody is commonly referred to as "dead time", and trial judges, in deciding on an appropriate sentence, frequently give credit for double the time an accused has served.»
[169] Bien que l'article 719 (3) énonce le pouvoir discrétionnaire de tenir compte de la période passée sous garde depuis l'arrestation ou l'incarcération, les tribunaux canadiens en ont fait un devoir :
· Lefebvre c. La Reine (1995) 67 Q.A.C. 236 (C.Q. Québec)
· R. c. Bertram (1990) 40 O.A.C. 317 (C.A. Ontario)
· R. c. M. (C.A.) 28 C.R. (4ed) 106 (C.A.C.B.)
· Masse c. La Reine, [1996] R.J.Q. 564
[170] Cependant, les tribunaux ont refusé d'attribuer automatiquement une valeur prédéterminée à cette période :
· R. c. Regan (1975) 4 W.W.R. 335 (C.S. Div. appel Alberta)
· R. c. Meilleur (1981) 22 C.S. (3d) 185 (C.A. Ontario)
· R. c. Cheichie (1983) 21 M.V.R., 221 (C.A. Manitoba)
· R. c. Tallman (1989) 48 C.C.C. 81 (C.A. Alberta)
· R. c. Balian (1988) 7 W.C.Bb. (2d) 107 (C.A. Ontario)
· R. c. Nelson (1992) 17 W.C.B. (2d) 561 (Y.T. C.A.).
[171] Il s'agit d'un principe également appliqué par notre Cour d'Appel:
· R. c. Marcoux et R. c. Vezeau, no. 10-000260-73 et 10-000261-73 décisions du 7 février 1974 de la C.A. Québec, non rapportées
· R. c. Dumas, no. 10-000348-73 et no. 10-000349-73, décision du 28 février 1974 de la C.A. du Québec, non rapportée
· R. c. Fafard, no. 10-000350-73 et no. 10-000351-73, décision du 26 avril 1974 de la C.A. Québec, non rapportée.
[172] Toutefois, on peut constater que la période de détention provisoire est généralement calculée comme valant le double du temps réellement passé sous garde.
· Borelli c. La Reine, (1988) R.J.Q. 2035 (C.A. Québec)
· R. c. Frew, J.E. 90-1625 (C.A.Québec)
· Houle c. La Reine, [1995] R.J.Q. 1012 (C.A. Québec)
· Lefebvre c. La Reine, précité
· Masse c. La Reine, précité.
[173] L'auteur Gilles Renaud, dans un ouvrage intitulé "Principes de la détermination da la peine, 2004, Éd. Yvon Blais, écrit à ce sujet:
“Ainsi, puisque le fait d’être détenu est en soi une punition, que les circonstances et les conditions d’une détention provisoire sont souvent beaucoup plus astreignantes que lors d’une peine d’emprisonnement eu égard aux carences au niveau des programmes de réadaptation, d’absences temporaires, de contact avec les parents et proches, et l’absence de libération conditionnelle, il est approprié de tenir compte de cette période conformément à l’article 719 (3), et d’accorder des crédits supplémentaires allant au « deux pour un » de façon générale.
Deux raisons principales expliquent donc cette pratique : les conditions de détention plus difficiles lors de la détention provisoire et l’impossibilité de bénéficier des règles de libération conditionnelle pendant cette période. C’est ainsi que l’on a qualifié la détention provisoire de temps mort ou dead time.
Comme le rappelle la juge Mailhot dans l’arrêt Masse, précité, les conditions de détention provisoire sont généralement difficiles non seulement à cause du lieu de détention et de l’absence fréquente de programmes adaptés mais également à cause de la situation particulière dans laquelle se trouve un prévenu :
[…] l’accusé qui bénéficie, à ce stade, de la présomption d’innocence est placé dans une situation d’incertitude face au résultat ultime de son procès et n’est pas alors toujours dans l’état mental requis pour entreprendre un processus de réhabilitation; […]
Par ailleurs, le rapport de 2 pour 1 ne peut être considéré comme un avantage pour l’accusé.
Je rappelle que le juge aura généralement identifié la peine appropriée avant d’en déduire la période de détention provisoire. Cette déduction a donc pour objectif d’imposer une peine juste eu égard à cette période de détention provisoire.
Cette détention provisoire ne compte pas, sauf exception, dans le calcul de la date d'admissibilité à la libération conditionnelle. Par conséquent, le prévenu qui passe une année en détention provisoire purge, en réalité, pendant cette période, l'équivalent d'une peine de 18 mois à trois ans (parfois même plus) puisque les règles en matière de libération conditionnelle prévoient que le contrevenant peut être libéré au tiers ou aux deux-tiers de sa peine (certaines mesures permettant toutefois de le libérer plus tôt ou plus tard). Il ne s'agit évidemment pas de règles immuables mais de considérations pertinentes à la question.
En établissant le rapport de 2 pour 1, les tribunaux ont donc tout simplement établi une pratique qui prend en compte cette difficulté afin que le prévenu ne soit pas puni davantage pour la seule raison que la peine ne fut pas imposée au début des procédures.»
[167] Quant au calcul de la période passée sous garde avant l'imposition de la sentence, l'article 719 (3) du Code criminel en reconnaît le principe :
«Pour fixer la peine à infliger à une personne déclarée coupable d'une infraction, le tribunal peut prendre en compte toute période que la personne a passée sous garde par suite de l'infraction.»
[168] Monsieur le juge Laskin dans R. c. Rezaie [1997] 112 C.C.C. (3d) 97 (C.A. Ontario) l'explique et en résume les caractéristiques particulières à la page 104 :
«Although this section is discretionary, not mandatory, in my view a sentencing judge should ordinarily give credit for pre-trial custody. At least a judge should not deny credit without good reason. To do so offends one's sense of fairness. Incarceration at any stage of the criminal process is a denial of an accused's liberty. Moreover, in two respects, pre-trial custody is even more onerous than post-sentencing custody. First, other than for a sentence of life imprisonment, legislative provisions for parole eligibility and statutory release do not take into account time spent in custody before trial (or before sentencing). Second, local detention centres ordinarily do not provide educational, retraining or rehabilitation programs to an accused in custody waiting trial. For these reasons, pre-trial custody is commonly referred to as "dead time", and trial judges, in deciding on an appropriate sentence, frequently give credit for double the time an accused has served.»
[169] Bien que l'article 719 (3) énonce le pouvoir discrétionnaire de tenir compte de la période passée sous garde depuis l'arrestation ou l'incarcération, les tribunaux canadiens en ont fait un devoir :
· Lefebvre c. La Reine (1995) 67 Q.A.C. 236 (C.Q. Québec)
· R. c. Bertram (1990) 40 O.A.C. 317 (C.A. Ontario)
· R. c. M. (C.A.) 28 C.R. (4ed) 106 (C.A.C.B.)
· Masse c. La Reine, [1996] R.J.Q. 564
[170] Cependant, les tribunaux ont refusé d'attribuer automatiquement une valeur prédéterminée à cette période :
· R. c. Regan (1975) 4 W.W.R. 335 (C.S. Div. appel Alberta)
· R. c. Meilleur (1981) 22 C.S. (3d) 185 (C.A. Ontario)
· R. c. Cheichie (1983) 21 M.V.R., 221 (C.A. Manitoba)
· R. c. Tallman (1989) 48 C.C.C. 81 (C.A. Alberta)
· R. c. Balian (1988) 7 W.C.Bb. (2d) 107 (C.A. Ontario)
· R. c. Nelson (1992) 17 W.C.B. (2d) 561 (Y.T. C.A.).
[171] Il s'agit d'un principe également appliqué par notre Cour d'Appel:
· R. c. Marcoux et R. c. Vezeau, no. 10-000260-73 et 10-000261-73 décisions du 7 février 1974 de la C.A. Québec, non rapportées
· R. c. Dumas, no. 10-000348-73 et no. 10-000349-73, décision du 28 février 1974 de la C.A. du Québec, non rapportée
· R. c. Fafard, no. 10-000350-73 et no. 10-000351-73, décision du 26 avril 1974 de la C.A. Québec, non rapportée.
[172] Toutefois, on peut constater que la période de détention provisoire est généralement calculée comme valant le double du temps réellement passé sous garde.
· Borelli c. La Reine, (1988) R.J.Q. 2035 (C.A. Québec)
· R. c. Frew, J.E. 90-1625 (C.A.Québec)
· Houle c. La Reine, [1995] R.J.Q. 1012 (C.A. Québec)
· Lefebvre c. La Reine, précité
· Masse c. La Reine, précité.
[173] L'auteur Gilles Renaud, dans un ouvrage intitulé "Principes de la détermination da la peine, 2004, Éd. Yvon Blais, écrit à ce sujet:
“Ainsi, puisque le fait d’être détenu est en soi une punition, que les circonstances et les conditions d’une détention provisoire sont souvent beaucoup plus astreignantes que lors d’une peine d’emprisonnement eu égard aux carences au niveau des programmes de réadaptation, d’absences temporaires, de contact avec les parents et proches, et l’absence de libération conditionnelle, il est approprié de tenir compte de cette période conformément à l’article 719 (3), et d’accorder des crédits supplémentaires allant au « deux pour un » de façon générale.
Deux raisons principales expliquent donc cette pratique : les conditions de détention plus difficiles lors de la détention provisoire et l’impossibilité de bénéficier des règles de libération conditionnelle pendant cette période. C’est ainsi que l’on a qualifié la détention provisoire de temps mort ou dead time.
Comme le rappelle la juge Mailhot dans l’arrêt Masse, précité, les conditions de détention provisoire sont généralement difficiles non seulement à cause du lieu de détention et de l’absence fréquente de programmes adaptés mais également à cause de la situation particulière dans laquelle se trouve un prévenu :
[…] l’accusé qui bénéficie, à ce stade, de la présomption d’innocence est placé dans une situation d’incertitude face au résultat ultime de son procès et n’est pas alors toujours dans l’état mental requis pour entreprendre un processus de réhabilitation; […]
Par ailleurs, le rapport de 2 pour 1 ne peut être considéré comme un avantage pour l’accusé.
Je rappelle que le juge aura généralement identifié la peine appropriée avant d’en déduire la période de détention provisoire. Cette déduction a donc pour objectif d’imposer une peine juste eu égard à cette période de détention provisoire.
Cette détention provisoire ne compte pas, sauf exception, dans le calcul de la date d'admissibilité à la libération conditionnelle. Par conséquent, le prévenu qui passe une année en détention provisoire purge, en réalité, pendant cette période, l'équivalent d'une peine de 18 mois à trois ans (parfois même plus) puisque les règles en matière de libération conditionnelle prévoient que le contrevenant peut être libéré au tiers ou aux deux-tiers de sa peine (certaines mesures permettant toutefois de le libérer plus tôt ou plus tard). Il ne s'agit évidemment pas de règles immuables mais de considérations pertinentes à la question.
En établissant le rapport de 2 pour 1, les tribunaux ont donc tout simplement établi une pratique qui prend en compte cette difficulté afin que le prévenu ne soit pas puni davantage pour la seule raison que la peine ne fut pas imposée au début des procédures.»
La suggestion commune
R. c. Monterroso, 2009 CanLII 12646 (QC C.M.)
[40] La suggestion commune faite par les procureurs ne lie pas le Tribunal. Bien qu’il ne soit pas tenu d’accepter une suggestion commune faite par les parties, le Tribunal, s’il décide de ne pas l’accepter, doit expliquer les raisons de son refus (R. c. Proulx, C.A.Q. [2001] J.Q. 1485).
[41] Avant de la rejeter, la recommandation commune faite par les procureurs doit être sérieusement considérée par le tribunal. Elle ne devrait pas être mise de côté à la légère. Mais celle-ci ne lie toutefois pas le juge; prétendre le contraire équivaudrait à confier aux procureurs la prérogative de la détermination d’une peine juste et appropriée (R. c. Blumer, [1993] Q.J. 214 (décision du juge Morris Fish).
[42] Le Tribunal doit avoir plus particulièrement présent à l’esprit le souci de s’assurer qu’en refusant une telle suggestion, il ne sape pas le travail des procureurs au dossier.
[43] Ainsi, une telle suggestion qui pourrait lui paraître tantôt trop clémente, tantôt trop sévère, peut fort bien être la résultante d’un plaidoyer obtenu à l’arraché du défendeur. Ce dernier estime pourtant avoir une bonne défense à faire valoir, mais il est prêt à y renoncer vu l’aubaine que propose la poursuite sur la peine, un rabais qu’il ne pourra obtenir s’il devait être reconnu coupable suite à une audition au mérite. De même, une suggestion d’apparence sévère peut aussi découler, par exemple, de l’abandon de certains chefs à l’égard desquels la poursuite estimait pourtant avoir une preuve solide. D’autres situations, aussi nombreuses que variées, sont aussi possibles.
[44] Parfois, ce sont les circonstances mêmes de l’affaire qui ne peuvent être pleinement exposées devant le Tribunal, chacun des procureurs préférant garder pour lui les motifs qui lui sont propres. Un témoin essentiel pour une des parties est-il absent? Sa mémoire s’annonce-t-elle défaillante? Encore ici, les situations possibles sont multiples.
[45] Le Tribunal doit demeurer vigilant, et chercher à éviter de causer des distorsions allant à l’encontre de l’intérêt de la justice. L’intérêt de la justice commande que des affaires se règlent, et en grand nombre, ce à quoi oeuvrent efficacement les procureurs.
[46] Le Tribunal doit de plus éviter de miner la crédibilité des avocats qui sont, demeurent et doivent demeurer une ressource indispensable, entre autres, au règlement d’un grand nombre de dossier.
[40] La suggestion commune faite par les procureurs ne lie pas le Tribunal. Bien qu’il ne soit pas tenu d’accepter une suggestion commune faite par les parties, le Tribunal, s’il décide de ne pas l’accepter, doit expliquer les raisons de son refus (R. c. Proulx, C.A.Q. [2001] J.Q. 1485).
[41] Avant de la rejeter, la recommandation commune faite par les procureurs doit être sérieusement considérée par le tribunal. Elle ne devrait pas être mise de côté à la légère. Mais celle-ci ne lie toutefois pas le juge; prétendre le contraire équivaudrait à confier aux procureurs la prérogative de la détermination d’une peine juste et appropriée (R. c. Blumer, [1993] Q.J. 214 (décision du juge Morris Fish).
[42] Le Tribunal doit avoir plus particulièrement présent à l’esprit le souci de s’assurer qu’en refusant une telle suggestion, il ne sape pas le travail des procureurs au dossier.
[43] Ainsi, une telle suggestion qui pourrait lui paraître tantôt trop clémente, tantôt trop sévère, peut fort bien être la résultante d’un plaidoyer obtenu à l’arraché du défendeur. Ce dernier estime pourtant avoir une bonne défense à faire valoir, mais il est prêt à y renoncer vu l’aubaine que propose la poursuite sur la peine, un rabais qu’il ne pourra obtenir s’il devait être reconnu coupable suite à une audition au mérite. De même, une suggestion d’apparence sévère peut aussi découler, par exemple, de l’abandon de certains chefs à l’égard desquels la poursuite estimait pourtant avoir une preuve solide. D’autres situations, aussi nombreuses que variées, sont aussi possibles.
[44] Parfois, ce sont les circonstances mêmes de l’affaire qui ne peuvent être pleinement exposées devant le Tribunal, chacun des procureurs préférant garder pour lui les motifs qui lui sont propres. Un témoin essentiel pour une des parties est-il absent? Sa mémoire s’annonce-t-elle défaillante? Encore ici, les situations possibles sont multiples.
[45] Le Tribunal doit demeurer vigilant, et chercher à éviter de causer des distorsions allant à l’encontre de l’intérêt de la justice. L’intérêt de la justice commande que des affaires se règlent, et en grand nombre, ce à quoi oeuvrent efficacement les procureurs.
[46] Le Tribunal doit de plus éviter de miner la crédibilité des avocats qui sont, demeurent et doivent demeurer une ressource indispensable, entre autres, au règlement d’un grand nombre de dossier.
Garde et contrôle - Accusé ne sachant pas conduire manuel et ayant prévu qu'il y ait conducteur désigné
R. c. Wu (DOSSIER No : 107-084-105 / DATE : Le 24 avril 2009 / Cour municipale de Monrtréal)
[ 43 ] Le défendeur avait-il la garde ou le contrôle du véhicule automobile?
IV- LE DROIT APPLICABLE
[ 44 ] En vertu de l’article 258 (1) a) du Code criminel, il y a présomption que le défendeur avait la garde ou le contrôle du véhicule dans lequel il prenait place du côté conducteur.
[ 45 ] L’accusé doit, pour repousser cette présomption, établir, par prépondérance de preuve, qu’il n’a pas pris place dans le véhicule dans le but de le mettre en marche.
[ 46 ] Si le défendeur réussit à renverser la présomption, la poursuite doit prouver, hors de tout doute raisonnable que le défendeur a eu la garde ou le contrôle du véhicule et cela, «en posant un acte ou une série d’actes ayant trait à l’utilisation du véhicule ou des ses accessoires.» ou, «une conduite quelconque à l’égard du véhicule qui comporterait le risque de le mettre en mouvement de sorte qu’il puisse devenir dangereux».
[ 47 ] Bref, la poursuite doit établir l’existence d’un risque réaliste que le défendeur mette, volontairement ou non, le véhicule en marche de façon à ce qu’il devienne dangereux.
V- ANALYSE DE L’ENSEMBLE DE LA PREUVE
[ 48 ] Dans la présente affaire, les faits ne sont pas, à toutes fins utiles, contestés.
[ 49 ] Le témoignage des policiers Goulet et Cortez sont détaillés, sans exagération. Ils sont crédibles et fiables.
[ 50 ] La version du défendeur est également plausible et il est crédible.
[ 51 ] Rien dans l’ensemble de la preuve ne permet au Tribunal d’écarter son témoignage.
[ 52 ] Le Tribunal retient, de l’ensemble de la preuve, les faits suivants :
1- le frère du défendeur est choisi pour être conducteur désigné et il doit conduire le véhicule pour l’aller et le retour;
2- il s’agit d’un véhicule à transmission manuelle et le défendeur ne sait pas le conduire;
3- c’est son frère qui a les jetons du vestiaire où se trouve son manteau;
4- le défendeur ne nie pas son état d’intoxication causé par une grande consommation d’alcool;
5- il admet avoir un comportement incorrect et être expulsé du bar;
6- le véhicule est mis en marche par télécommande et c’est un ami qui le place du côté conducteur pour s’y abriter et se reposer en attendant son frère;
7- le moteur s’éteint après 10 minutes et le défendeur démarre le véhicule pour mettre en marche le système de chauffage. Il incline le siège du véhicule pour se reposer en attendant son frère qui est en possession de son jeton de vestiaire où se trouve son manteau;
8- il n’a pas l’intention de conduire le véhicule, d’ailleurs il ne sait pas, tel que mentionné précédemment, conduire un véhicule à transmission manuelle;
9- le défendeur affirme à plusieurs reprises : «Je voulais juste…» et confirme que cela signifie : «Je voulais juste me reposer».
[ 53 ] Le défendeur a fait témoigner son frère, lequel est crédible et fiable. Il affirme qu’il ne consomme pas d’alcool et qu’il était le conducteur désigné.
[ 54 ] Il est assez responsable pour prendre les jetons du vestiaire pour les manteaux de son frère et de ses amis.
[ 55 ] Rien dans la preuve ne permet au Tribunal d’écarter les témoignages du défendeur et de son frère.
VI- CONCLUSION
[ 56 ] Le Tribunal croit, suite à l’analyse de l’ensemble de la preuve, que le défendeur a pris place dans le véhicule pour s’y réfugier, s’y abriter et pour s’y reposer en attendant son frère.
[ 57 ] Rien dans la preuve, eu égard aux faits et circonstances de la présente affaire, ne démontre qu’il y a eu un risque réaliste que le défendeur, même involontairement, mette le véhicule en marche de sorte qu’il devienne dangereux pour autrui.
[ 58 ] L’ensemble de la preuve soulève un doute raisonnable.
[ 43 ] Le défendeur avait-il la garde ou le contrôle du véhicule automobile?
IV- LE DROIT APPLICABLE
[ 44 ] En vertu de l’article 258 (1) a) du Code criminel, il y a présomption que le défendeur avait la garde ou le contrôle du véhicule dans lequel il prenait place du côté conducteur.
[ 45 ] L’accusé doit, pour repousser cette présomption, établir, par prépondérance de preuve, qu’il n’a pas pris place dans le véhicule dans le but de le mettre en marche.
[ 46 ] Si le défendeur réussit à renverser la présomption, la poursuite doit prouver, hors de tout doute raisonnable que le défendeur a eu la garde ou le contrôle du véhicule et cela, «en posant un acte ou une série d’actes ayant trait à l’utilisation du véhicule ou des ses accessoires.» ou, «une conduite quelconque à l’égard du véhicule qui comporterait le risque de le mettre en mouvement de sorte qu’il puisse devenir dangereux».
[ 47 ] Bref, la poursuite doit établir l’existence d’un risque réaliste que le défendeur mette, volontairement ou non, le véhicule en marche de façon à ce qu’il devienne dangereux.
V- ANALYSE DE L’ENSEMBLE DE LA PREUVE
[ 48 ] Dans la présente affaire, les faits ne sont pas, à toutes fins utiles, contestés.
[ 49 ] Le témoignage des policiers Goulet et Cortez sont détaillés, sans exagération. Ils sont crédibles et fiables.
[ 50 ] La version du défendeur est également plausible et il est crédible.
[ 51 ] Rien dans l’ensemble de la preuve ne permet au Tribunal d’écarter son témoignage.
[ 52 ] Le Tribunal retient, de l’ensemble de la preuve, les faits suivants :
1- le frère du défendeur est choisi pour être conducteur désigné et il doit conduire le véhicule pour l’aller et le retour;
2- il s’agit d’un véhicule à transmission manuelle et le défendeur ne sait pas le conduire;
3- c’est son frère qui a les jetons du vestiaire où se trouve son manteau;
4- le défendeur ne nie pas son état d’intoxication causé par une grande consommation d’alcool;
5- il admet avoir un comportement incorrect et être expulsé du bar;
6- le véhicule est mis en marche par télécommande et c’est un ami qui le place du côté conducteur pour s’y abriter et se reposer en attendant son frère;
7- le moteur s’éteint après 10 minutes et le défendeur démarre le véhicule pour mettre en marche le système de chauffage. Il incline le siège du véhicule pour se reposer en attendant son frère qui est en possession de son jeton de vestiaire où se trouve son manteau;
8- il n’a pas l’intention de conduire le véhicule, d’ailleurs il ne sait pas, tel que mentionné précédemment, conduire un véhicule à transmission manuelle;
9- le défendeur affirme à plusieurs reprises : «Je voulais juste…» et confirme que cela signifie : «Je voulais juste me reposer».
[ 53 ] Le défendeur a fait témoigner son frère, lequel est crédible et fiable. Il affirme qu’il ne consomme pas d’alcool et qu’il était le conducteur désigné.
[ 54 ] Il est assez responsable pour prendre les jetons du vestiaire pour les manteaux de son frère et de ses amis.
[ 55 ] Rien dans la preuve ne permet au Tribunal d’écarter les témoignages du défendeur et de son frère.
VI- CONCLUSION
[ 56 ] Le Tribunal croit, suite à l’analyse de l’ensemble de la preuve, que le défendeur a pris place dans le véhicule pour s’y réfugier, s’y abriter et pour s’y reposer en attendant son frère.
[ 57 ] Rien dans la preuve, eu égard aux faits et circonstances de la présente affaire, ne démontre qu’il y a eu un risque réaliste que le défendeur, même involontairement, mette le véhicule en marche de sorte qu’il devienne dangereux pour autrui.
[ 58 ] L’ensemble de la preuve soulève un doute raisonnable.
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