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dimanche 25 juillet 2010

La fourchette des peines infligées en matière de voies de fait armées ou graves

R. c. Côté-Boucher, 2010 QCCQ 6313 (CanLII)

[70] Dans une décision récente, notre collègue le juge Pierre Bélisle fait une revue intéressante de la jurisprudence :

« Après avoir passé en revue la jurisprudence pertinente rendue au Québec et dans les provinces anglaises (14 décisions), tant en première instance que par différentes cours d’appel, mon collègue le juge J.F. Dionne, J.C.Q., dans une décision du 6 avril 2006 (R. c. Turbide-Labbé, 2006 QCCQ 2776 (CanLII), 2006 QCCQ 2776), s’exprime ainsi relativement à la fourchette des peines infligées en matière de voies de fait armées ou graves :

[43] Si l’on analyse les cas en tenant compte qu’il s’agit d’un récidiviste, les peines pour des voies de fait armées ou voies de fait graves ayant causé de très sérieuses blessures à la victime varient entre 3 et 6 ans de pénitencier.

[44] Si la préméditation est absente et que l’accusé ne présente pas de profil constant de violence, les peines varient selon l’état de gravité des blessures et le casier judiciaire entre 18 mois et 3 ans. »

Il est fondamentalement inéquitable et dérogatoire aux droits garantis par la Charte de mentir à des individus ou de les tromper sur leurs droits constitutionnels

R. c. Cook, [1998] 2 R.C.S. 597

60 Au cours d’une enquête, les policiers doivent parfois mentir. Dans bien des situations, cela peut non seulement être convenable mais également nécessaire et c’est de toute évidence tout à fait acceptable. Toutefois, il est fondamentalement inéquitable et dérogatoire aux droits garantis par la Charte de mentir à des individus ou de les tromper sur leurs droits constitutionnels. De fait, approuver une telle conduite déconsidérerait l’administration de la justice.

61 Il faut souligner que cette atteinte très grave s’est produite au moment où l’appelant était le plus vulnérable. Il était détenu et avait été privé de la possibilité de recourir à l’assistance d’un avocat. L’importance de la vulnérabilité d’une personne en pareil cas a été reconnue dans l’arrêt Bartle. Le juge en chef Lamer écrit, à la p. 191:

Cette possibilité [d’être informée de ses droits et d’obtenir des conseils] lui est donnée, parce que, étant détenue par les représentants de l’État, elle est désavantagée par rapport à l’État. Non seulement elle a été privée de sa liberté, mais encore elle risque de s’incriminer. Par conséquent, la personne «détenue» au sens de l’art. 10 de la Charte a immédiatement besoin de conseils juridiques, afin de protéger son droit de ne pas s’incriminer et d’obtenir une aide pour recouvrer sa liberté: Brydges, à la p. 206; R. c. Hebert, 1990 CanLII 118 (C.S.C.), [1990] 2 R.C.S. 151, aux pp. 176 et 177; et Prosper. L’alinéa 10b) habilite la personne détenue à recourir de plein droit à l’assistance d’un avocat «sans délai» et sur demande. Comme l’a dit notre Cour dans l’arrêt Clarkson c. La Reine, 1986 CanLII 61 (C.S.C.), [1986] 1 R.C.S. 383, à la p. 394, le droit à l’assistance d’un avocat prévu à l’al. 10b) vise à assurer le traitement équitable dans le processus pénal des personnes arrêtées ou détenues.

jeudi 22 juillet 2010

Les règles régissant le huis clos

Société Radio-Canada c. Nouveau-Brunswick (Procureur général), [1996] 3 R.C.S. 480

69. Ces directives aident également le juge du procès à exercer son pouvoir discrétionnaire de manière compatible avec la Charte lorsqu’il est saisi d’une demande d’exclusion du public en vertu du par. 486(1). Dans le contexte d’une telle ordonnance, le juge du procès doit donc suivre les directives suivantes:

a) le juge doit envisager les solutions disponibles et se demander s'il existe d’autres mesures de rechange raisonnables et efficaces;

b)il doit se demander si l’ordonnance a une portée aussi limitée que possible; et

c) il doit comparer l'importance des objectifs de l’ordonnance et de ses effets probables avec l’importance de la publicité des procédures et l’activité d’expression qui sera restreinte, afin de veiller à ce que les effets positifs et négatifs de l’ordonnance soient proportionnels.

70. En outre, je tiens à donner les indications suivantes relativement à la procédure à suivre en cas de demande d’ordonnance fondée sur le par. 486(1).

71. C’est à la partie qui présente la demande qu’incombe la charge de justifier la dérogation à la règle générale de la publicité des procédures. Comme dans l’arrêt Dagenais, précité, la partie qui sollicite l'ordonnance doit prouver les éléments suivants: l’ordonnance demandée est nécessaire pour assurer la bonne administration de la justice; l’ordonnance a une portée aussi limitée que possible; et il y a proportionnalité entre les effets bénéfiques de l’ordonnance et ses effets préjudiciables. Pour ce qui est de la question de la proportionnalité, si l’ordonnance a pour but de protéger un droit constitutionnel, ce fait doit être pris en considération.

72. Le juge du procès doit disposer d’une preuve suffisante pour être en mesure d’apprécier la demande et d’exercer son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire. Dans les cas où les faits ne sont pas contestés, la déclaration de l’avocat suffira. Si la preuve présentée au juge est insuffisante ou s’il y a divergence de vues sur les faits pertinents, le plaideur qui sollicite l’ordonnance devrait demander que la preuve soit entendue à huis clos. Cela peut se faire au moyen d’un voir‑dire, procédure au cours de laquelle le public est exclu. En l’espèce, par exemple, un voir‑dire aurait pu être tenu afin de permettre au ministère public de communiquer au juge Rice de la Cour provinciale les fait qu’il ne connaissait pas, afin qu’il dispose d’un dossier plus complet pour rendre sa décision. La décision de tenir un voir‑dire dépend de ce qui est nécessaire, dans un cas donné, pour que le juge du procès dispose de suffisamment d’éléments de preuve au dossier pour agir de manière judiciaire.

Ce que la poursuite doit établir aux termes du paragr. 254(2) du Code criminel / éléments devant être prouvé par la poursuite pour obtenir une déclaration de culpabilité

R. c. Garcia, 2009 QCCQ 2159 (CanLII)

[18] Aux termes du paragr. 254(2) du Code criminel, la poursuite doit établir que :

a) l’agent de la paix a des raisons de soupçonner la présence d’alcool dans l’organisme de la personne qui conduit un véhicule à moteur;

- la preuve démontre que l’agent de la paix avait des raisons de soupçonner la présence d’alcool dans l’organisme de l’accusé. En le fouillant, l’agent a perçu une odeur d’alcool provenant de son haleine. Il avait un langage clair, mais répétitif, les yeux rouges, vitreux et injectés de sang. Il avait eu auparavant une conduite erratique.

b) l’agent de la paix lui a ordonné de lui fournir, immédiatement, un échantillon d’haleine;

- la preuve établit que dès que l’agent a perçu l’odeur d’alcool et les symptômes ci-dessus mentionnés, il a ordonné à l’accusé de lui fournir un échantillon d’haleine en lui expliquant les conséquences d’un refus de s’y soumettre;

c) l’agent de la paix estimait nécessaire que cet échantillon d’haleine soit fourni aux fins d’analyse à l’aide d’un appareil de détection approuvé;

- la preuve révèle que l’appareil de détection utilisé en était un de marque Alco-Sensor IV DWF. Il n’est pas contesté que cet instrument est conforme à l’Arrêté sur les appareils de détection approuvés.

[19] Pour obtenir une déclaration de culpabilité, la poursuite doit prouver les éléments essentiels de l’infraction prévue par le paragr. 254(5) du Code criminel, soit : (1) l’existence d’une sommation valide; (2) le défaut ou le refus d’obtempérer à l’ordre donné par l’agent de la paix; et (3) l’intention de l’accusé de faire défaut ou de refuser de fournir l’échantillon d’haleine requis.

[20] Une fois la preuve de ces trois éléments établie hors de tout doute raisonnable, l’accusé est présumé avoir commis l’infraction, à moins qu’il ne présente une défense ou une excuse raisonnable : R. c. Lewko, 169 CCC (3d) 359, p. 366-367 (C.A. Sask.).

Les éléments essentiels de l'infraction de refus de fournir un échantillon d'haleine

Bourbonnais c. R., 2007 QCCS 2819 (CanLII)

[22] Il est utile ici de reproduire le passage pertinent de l'arrêt Lewko, lequel a établi les éléments essentiels de l'infraction de refus. On lit l'énoncé suivant dans cette décision:

«8. The subsection constituting the offence is as follows:

254(5) Every one commits an offence who, without reasonable excuse, fails or refuses to comply with a demand made to him by a peace officer under this section.

There are three types of demands that can be made under s. 254. The requirements of those demands are set forth in subsections (2) and (3), respectively, of the section.

9. The elements of the offence that the Crown must prove beyond a reasonable doubt are three. First, the Crown must prove the existence of a demand having the requirements of one of the three types mentioned in ss. (2) and (3). Second, the Crown must prove a failure or refusal by the defendant to produce the required sample of breath or the required sample of blood (the actus reus). Third, the Crown must prove that the defendant intended to produce that failure (the mens rea).»

[23] On constate à la lecture de l'arrêt Lewko que la preuve que la Poursuite doit établir, lorsqu'elle reproche une infraction de refus, variera selon que le refus concerne celui de fournir un échantillon d'haleine dans un ADA, ou un refus de fournir un échantillon d'haleine dans un ivressomètre. En conséquence, la trame factuelle sur laquelle doit reposer la preuve de la Poursuite est différente selon de quel refus il s'agit.

[24] Si les deux infractions sont distinctes, c'est que leurs composantes factuelles et légales sont différentes:

• Pour l'ADA, pour que l'ordre soit valable, le policier peut baser sa demande sur de simples soupçons de la présence d'alcool dans l'organisme du conducteur; pour l'ivressomètre, il lui faut avoir des motifs raisonnables et probables de croire qu'une infraction a été commise au cours des trois heures précédentes par suite d'absorption d'alcool;

• Pour un refus d'ADA, la Poursuite doit prouver que le défendeur conduisait ou avait la garde ou le contrôle du véhicule moteur au moment de l'ordre; pour un refus d'ivressomètre, l'ordre n'a pas à être concomitant avec la conduite ou la garde ou le contrôle pour être valable.

• Pour l'ADA, le policier n'est pas tenu de respecter le droit à l'avocat de la personne interceptée; pour l'ivressomètre, une violation du droit à l'avocat entraînera l'exclusion de la preuve recueillie y compris celle du refus.

Si une personne agit purement par réflexe, elle ne commet pas l’infraction de voies de fait

R. c. K.K., 2009 QCCQ 12471 (CanLII)

[26] Pour qu’une personne se livre à des voies de fait, il faut, selon l’art. 265 C.cr. qu’elle ait agi intentionnellement. Si une personne agit purement par réflexe, sans que son geste soit accompagné de l’intention d’employer la force de manière intentionnelle, elle ne commet pas l’infraction de voies de fait.

[27] Si le Tribunal entretient un doute raisonnable à l’effet que l’accusée a donné une gifle par réflexe, sous l’effet de la surprise en recevant un coup de talon dans le dos, ce doute doit bénéficier à l’accusée

Comment traiter un long délai entre l'arrestation et l'ordre de fournir les échantillons d’haleine? La notion du «dès que possible» prévue aux articles 254(3) et 258(1)c) C.cr.

R. c. Auclair, 2008 QCCQ 6638 (CanLII)

12. Il s’est écoulé un délai d’une heure et 22 minutes entre l’arrestation de l’accusé et l’ordre de fournir un échantillon d’haleine.

13. Ce délai est inexpliqué. Ce délai est-il justifiable eu égard à toutes les circonstances?

14. La Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt R. c. Squires 2002 CanLII 44982 (ON C.A.), 2002 CANLII 44982 (ON C.A.), (2002) 166 C.C.C. (3d) 65, rappelle que l’expression “as soon as practicable” a été interprétée comme voulant dire “within a reasonably prompt time” et non “as soon as possible”. Donc, la jurisprudence n’exige pas que l’ordre soit donné le plus tôt possible, mais bien dans un délai relativement court ou «dès que possible» eu égard aux circonstances.

15. Par conséquent, l’agent de la paix doit sommer une personne en état d’arrestation de lui fournir un échantillon d’haleine immédiatement ou dès que cela est raisonnablement possible eu égard aux circonstances, et ce, après qu’il ait acquis des motifs raisonnables et probables de croire que cette personne a commis au cours des trois heures précédentes une infraction à l’article 253 du Code criminel.

16. Ainsi, dans l’arrêt Squires, précité, un délai de 59 minutes entre l’arrestation et la sommation a été jugé raisonnable, car le policier était justifié d’attendre que l’accusé ait subi des examens médicaux à la suite d’un accident.

17. De plus, pour que la présomption d’identité prévue à l’art. 258(1)c) C. cr. puisse s’appliquer, il faut également que les échantillons d’haleine soient fournis «dès que possible» (art. 254(3) C. cr.) et que le premier échantillon soit prélevé pas plus de deux heures après le moment où l’infraction aurait été commise.

18. La poursuite doit démontrer que ce délai est raisonnable dans les circonstances. Or, nulle part dans la preuve, le policier n’indique les raisons qui l’ont amené à sommer l’accusé de fournir un échantillon d’haleine qu’une fois rendu devant l’appareil d’ivressomètre.

19. Les raisons invoquées par la poursuite m’apparaissent insuffisantes pour justifier un tel retard. Même si le policier devait attendre la venue d’un appareil pour prendre des photos des marques sur le véhicule de l’accusé ou que d’autres policiers aient à obtenir des déclarations de témoins, rien n’empêchait l’agent Ricard de sommer l’accusé conformément à l’art. 254(3) in fine C. cr., de le suivre au poste de police afin de prélever un échantillon d’haleine.

20. La Cour considère que l’ordre de fournir un échantillon d’haleine donné 1 heure 22 minutes après l’arrestation de l’accusé ne l’a pas été dans un délai relativement court ou «dès que possible» eu égard à toutes les circonstances de l’affaire.

21. EN CONSÉQUENCE, la poursuite perd le bénéfice de la présomption d’identité édictée par l’art. 258(1)c) du Code criminel. La Cour ne peut donc tenir compte des résultats mentionnés au certificat du technicien qualifié déposé en preuve.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Les déclarations d'un accusé à son complice ne sont pas du ouï-dire

R v Ballantyne, 2015 SKCA 107 Lien vers la décision [ 58 ]             At trial, Crown counsel attempted to tender evidence of a statement m...