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vendredi 12 novembre 2010

Les conditions pour que la réticence et le défaut d'information de l'accusé deviennent des facteurs dolosifs

R. c. Schmouth, 2004 CanLII 27557 (QC C.Q.)

[271] Madame la juge McLachlin reprenait ainsi, sous une autre forme, les propos de M. le juge en chef Dickson formulés quelques années auparavant dans R. c. Olan lorsqu'il écrivait:

Les mots "autres moyens dolosifs" couvrent les moyens qui ne sont ni des mensonges, ni des supercheries; ils comprennent tous les autres moyens qu'on peut proprement qualifier de malhonnêtes.

[272] Une personne raisonnable - qui n'est même pas comptable - n'aurait jamais eu une conduite aussi grossière et laissé dans l'ignorance le bailleur de fonds, la Cour d'appel dans la cause Émond c. R. soutient:

Le mensonge peut consister en un acte positif, mais aussi parfois en une simple réticence, c'est-à-dire en une situation où, par son silence, un individu cache à l'autre un élément capital et essentiel. C'est ce que Madame la juge Beverley McLachlin appelle, dans l'arrêt Théroux c. R. 1993 CanLII 134 (C.S.C.), [1993] 2 R.C.S.5, la "dissimulation de faits importants". Je renvoie sur ce point à l'excellente analyse doctrinale de GAGNÉ et RAINVILLE dans leur ouvrage, Les infractions contre la propriété: le vol, la fraude et certains crimes connexes, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1996, p. 164 à 167.

Encore faut-il toutefois que ce silence ou cette réticence ait été de nature à induire en erreur une "personne raisonnable".

[273] C'est aussi l'opinion de l'auteur dans The Law of Fraud and Related Offences, Brenda L. Nightingale qui rapporte dans la foulée de la Cour suprême à la suite de l'arrêt Mackrow v. R. que le fait de non divulguer des informations importantes doit être compris comme moyen dolosif au sens de l'article 380.

[274] L'auteure Nightingale précise à quelles conditions la réticence et le défaut d'information de l'accusé deviennent des facteurs dolosifs:

(1) If the accused is under a duty to disclose a fact which is material, the failure to do so can be characterized as "other fraudulent means";

(2) A duty to disclose will arise when:

a) the nature of the relationship between the parties is a relationship of trust, quasi-trust, or confidence;

b) the duty is created through the operation of legislation or regulation;

c) the circumstances are such that the complainant is entitled to infer from the accused's silence that certain matters do not exist; or

d) material qualifications of an absolute statement are known to exist.

(3) A fact will be considered to be a material fact if it is one which can be seen, objectively, to operate as an effective, though not necessarily exclusive inducement to conduct.

Le silence d'un individu ne devient généralement dolosif que si une personne "raisonnable" eût elle-même été induite en erreur

R. c. Schmouth, 2004 CanLII 27557 (QC C.Q.)

[260] Les auteurs Gagné et Rainville précisent:

Le silence d'un individu ne devient généralement dolosif que si une personne "raisonnable" eût elle-même été induite en erreur.

On ne doit pas reprocher à un individu d'avoir dissimulé un renseignement lorsque la victime n'était pas fondée de tirer une conclusion à partir de ce silence. Il y a manifestement danger à prononcer une condamnation en raison de la seule perception erronée qu'a eue la victime du fait du silence de l'accusé.

[…]

[261] Ils précisent:

Autrement dit, il faut que la victime ait été en droit de croire en un état de fait en raison du silence de l'inculpé sur ce sujet. Il s'agit de s'assurer que l'erreur de a victime fut légitime. Le critère est donc cumulatif: la victime doit avoir été induite en erreur du fait du silence de l'accusé – sans quoi la preuve du lien de causalité n'est pas satisfaite – et cette erreur doit être également légitime.

La vérification de la légitimité de l'erreur de la victime s'impose afin de ne pas étendre indûment la répression criminelle. Il faut que l'accusé ait pu prévoir que son silence serait répréhensible. Il y a lieu de s'inspirer des arrêts Skoke-Graham et Lohnes de la Cour suprême. Dans ces deux affaires, la Cour a insisté sur la nécessité de privilégier une interprétation du Code criminel qui permette à l'accusé d'anticiper le caractère répréhensible de son geste. Il n'est pas nécessaire qu'il ait su que son geste constituait un crime; mais il est préférable de donner du Code criminel une interprétation restrictive lorsqu'une personne raisonnable ne se douterait pas elle-même qu'elle adopte un comportement blâmable.

[263] Les auteurs Gagné et Rainville indiquent:

Les sources du devoir imposant à l'accusé de rompre son silence peuvent être multiples. Ce devoir peut trouver son expression dans la législation, le droit privé, un engagement contractuel voire même le code de conduite de la compagnie au sein de laquelle œuvre l'accusé.

Il y a des dissimulations coupables qui prouvent la malhonnêteté de l'accusé ou qui s'assimilent à des comportements malhonnêtes

R. c. Schmouth, 2004 CanLII 27557 (QC C.Q.)

[257] Il y a des dissimulations coupables qui prouvent la malhonnêteté de l'accusé ou qui s'assimilent à des comportements malhonnêtes, tel que l'indiquent les auteurs Jacques Gagné et Pierre Rainville:

L'arrêt Olan rendu en 1978 ne porte pas sur la réticence comme telle. La Cour suprême y affirme pourtant que l'article 380(1) C.cr. interdit tout comportement malhonnête sans égard à la forme qu'il revêt. La jurisprudence ultérieure s'est inspirée de ces propos afin de sévir contre des silences malhonnêtes. La répression criminelle de la réticence frauduleuse est donc admise dans son principe depuis l'arrêt Olan encore qu'il reste à préciser les silences qui suffisent à mettre en œuvre l'article 380(1) C.cr. Le juge LeBel s'exprime ainsi dans l'affaire Champagne:

J'écarterai […] un premier moyen […] voulant que la simple réticence ne tombe pas sous le coup des manœuvres frauduleuses visées par l'article 338 (1) C.cr. (dorénavant 380(1) C.cr.) L'arrêt Olan exclut cette solution […] La Cour suprême a insisté sur la diversité des formes que pouvaient prendre les manœuvres frauduleuses dans l'article 338(1) C.cr. L'objectif de l'article 338(1) C.cr. est d'atteindre un ensemble de manœuvres dolosives, actives ou passives, le cas échéant.

La Cour suprême couronnera cette thèse en 1993 dans l'arrêt Théroux. Elle rappelle compendieusement que "la dissimulation de faits importants" entre dans les comportements qu'interdit l'article 380(1) C.cr. Ce passage devrait faire taire les quelques réserves qu'émettaient encore à ce propos de rares arrêts. Le principe et les nuances qu'il faut y apporter ressortent du passage suivant d'un arrêt saskatchewannais:

Mere negligence or inadvertence in failing to mention a material fact is not fraud, but where the failure to mention a material fact is deliberate or intended to mislead or defraud the victim, such failure to mention constitutes deceit or other fraudulent means.

En ce qui concerne la mens rea, pour commettre une fraude par un «autre moyen dolosif», il n'est pas nécessaire que l'accusé saisisse subjectivement la malhonnêteté de ses actes

R. c. Zlatic, [1993] 2 R.C.S. 29

En ce qui concerne la mens rea, pour commettre une fraude par un «autre moyen dolosif», il n'est pas nécessaire que l'accusé saisisse subjectivement la malhonnêteté de ses actes. Il doit sciemment, c'est‑à‑dire subjectivement, adopter la conduite qui constitue l'acte malhonnête, et il doit comprendre subjectivement que cette conduite peut entraîner une privation au sens de faire perdre à une autre personne l'intérêt pécuniaire qu'elle a dans un certain bien ou de mettre en péril cet intérêt. (...)

L'actus reus de la fraude au sens de l'«autre moyen dolosif» / La question fondamentale qu'il faut se poser / Le détournement de fonds

R. c. Zlatic, [1993] 2 R.C.S. 29

La plupart des fraudes continuent de comporter une supercherie ou un mensonge. Tel que souligné dans Théroux, la preuve de la supercherie ou du mensonge suffit à établir l'actus reus de la fraude; aucune autre preuve d'un acte malhonnête n'est requise. Toutefois, la troisième catégorie de l'«autre moyen dolosif» a servi à justifier des déclarations de culpabilité dans un certain nombre de situations où il est impossible de démontrer l'existence d'une supercherie ou d'un mensonge. Ces situations incluent, à ce jour, l'utilisation des ressources financières d'une compagnie à des fins personnelles, la dissimulation de faits importants, l'exploitation de la faiblesse d'autrui, le détournement de fonds et l'usurpation de fonds ou de biens: (références omises)

La question fondamentale qu'il faut se poser en déterminant l'actus reus de la fraude au sens du troisième volet de l'infraction de fraude est de savoir si le moyen adopté pour commettre la prétendue fraude peut à juste titre être qualifié de malhonnête: Olan, précité. Pour déterminer cela, on applique la norme de la personne raisonnable. La personne raisonnable qualifierait‑elle l'acte de malhonnête? Évidemment, il n'est pas facile de définir avec précision la malhonnêteté. Elle implique cependant un dessein caché ayant pour effet de priver ou de risquer de priver d'autres personnes de ce qui leur appartient. Dans Criminal Fraud (1986), J. D. Ewart définit la conduite malhonnête comme étant celle [traduction] «qu'une personne honnête ordinaire jugerait indigne parce qu'elle est nettement incompatible avec les activités honnêtes ou honorables» (p. 99).

La négligence ne suffit pas, pas plus que le fait de profiter d'une chance au détriment d'autrui sans avoir adopté une conduite dénuée de scrupules, peu importe que cette conduite soit volontaire ou irréfléchie. La malhonnêteté de l'«autre moyen dolosif» tient essentiellement à l'emploi illégitime d'une chose sur laquelle une personne a un droit, de telle sorte que ce droit d'autrui se trouve éteint ou compromis. L'emploi est «illégitime» dans ce contexte s'il constitue une conduite qu'une personne honnête et raisonnable considérerait malhonnête et dénuée de scrupules.

Les affaires où l'«autre moyen dolosif» consistait à détourner des fonds sans y être autorisé offrent des exemples concrets de l'application de ces principes. Dans l'arrêt Olan, précité, il était question d'une opération compliquée de prise de contrôle au cours de laquelle le nouveau conseil d'administration, constitué après la prise de contrôle, a transféré le portefeuille de valeurs mobilières de premier ordre de la compagnie cible dans des moyens d'investissement qui étaient pratiquement sans valeur. Ce transfert avait pour objet ultime de permettre aux parties effectuant la prise de contrôle de la financer avec des sommes provenant du portefeuille de valeurs mobilières de la compagnie cible. Le ministère public a allégué que cette dernière avait été victime de fraude. En déclarant ceux qui avaient effectué la prise de contrôle coupables de fraude par un «autre moyen dolosif», notre Cour n'a pas considéré déterminant le simple fait que le portefeuille de la compagnie cible devait servir à financer la prise de contrôle. Notre Cour n'a pas non plus jugé suffisant que la décision de transférer le portefeuille dans de nouveaux moyens d'investissement ait été mauvaise. On jouissait d'une certaine latitude concernant les activités commerciales et le risque inévitable qui s'y rattache. La question cruciale était de savoir si le transfert des moyens d'investissement pouvait être considéré comme servant les véritables intérêts financiers de la compagnie cible ou s'il convenait davantage de le considérer comme étant destiné à servir les fins personnelles des parties qui l'ont effectué, sans égard aux objectifs véritables de l'entreprise. On a déduit que, compte tenu des circonstances de l'affaire, on ne pouvait pas raisonnablement considérer que la compagnie cible était disposée à se prêter à un détournement de ses fonds pour les fins personnelles des parties qui effectuaient la prise de contrôle. Notre Cour a conclu sans difficulté qu'il ne pouvait s'agir que d'un transfert à des fins personnelles, qui privait la compagnie cible d'une chose dans laquelle elle avait un intérêt.

Les cours d'appel ont adopté le même point de vue en se demandant si on pouvait raisonnablement considérer que le détournement de fonds en cause servait des intérêts personnels plutôt que les véritables intérêts de l'entreprise. Par exemple, dans l'arrêt R. v. Geddes, précité, un marchand de motocyclettes a accepté une somme d'un acheteur à titre d'avance pour un modèle particulier de motocyclette. Après avoir tenté sans trop de conviction d'obtenir la motocyclette désirée, le marchand a déposé l'argent dans son compte bancaire qui était alors à découvert. Il a immédiatement tiré des chèques sur son compte afin de payer ses dettes personnelles. L'accusé a prétendu qu'il comptait pleinement respecter son engagement d'obtenir la motocyclette et qu'il n'avait échoué que parce qu'il avait fait preuve de négligence dans l'exploitation de son commerce, en particulier en espérant obtenir sous peu un prêt qui lui permettrait finalement de respecter son engagement. La Cour d'appel du Manitoba a rejeté ce moyen de défense, soulignant que le marchand n'avait fait preuve d'aucune négligence ou inattention en se servant de l'argent de l'acheteur pour s'acquitter de ses obligations personnelles.

Dans l'arrêt R. c. Currie; R. c. Bruce, précité, la Cour d'appel de l'Ontario s'est prononcée de la même façon sur une situation semblable. Les accusés, dont l'entreprise consistait à investir de l'argent dans une certaine compagnie, la compagnie «Water‑Eze Products Ltd.», détournaient cet argent, sans aviser les investisseurs, dans une compagnie d'aviation appelée «Aerobec». Il n'était pas question de fausses déclarations. Aucune question ne se posait non plus quant à l'usage que les accusés pouvaient faire des fonds qui leur étaient versés. La Cour d'appel a conclu, par l'intermédiaire du juge Lacourcière, que le fait que les accusés aient utilisé les fonds d'une façon non autorisée suffisait pour conclure qu'ils avaient agi malhonnêtement.

On doit conclure qu'une peine d'incarcération s'impose «en principe» dans les cas de fraude de grande importance, ce qui n'exclut pas, dans des cas particuliers, de permettre que la peine soit purgée dans la collectivité

R. c. Coffin, 2006 QCCA 471 (CanLII)

[70] De l'examen de l'ensemble des arrêts des cours d'appel du pays, on doit conclure qu'une peine d'incarcération s'impose «en principe» dans les cas de fraude de grande importance, ce qui n'exclut pas, dans des cas particuliers, de permettre que la peine soit purgée dans la collectivité. Par ailleurs, les autres décisions de cette Cour citées par l'intimé peuvent également être distinguées du cas en l'espèce. Dans R. c. Toman, la Cour précise qu'«[e]n l'espèce, l'intimé n'a pas mis sur pied un système visant à frauder le public […]». Ensuite, dans R. c. Cantin, le juge Beauregard tient compte du fait que Cantin était de bonne foi, car «il croyait que ce qu'il faisait était une pratique commerciale astucieuse, mais pas véritablement frauduleuse». Il ne s'agit pas du cas de l'intimé. De plus, dans R. c. Alain, le juge Gendreau conclut que la fraude de Alain «ne peut pas se comparer à une autre où le bénéfice personnel est le seul objectif et la cupidité, l'unique motivation». Enfin, dans R. v. Verville, la juge Thibault précise que Verville avait utilisé une méthode peu sophistiquée pour commettre le crime et, en contribuant à la déconfiture de son entreprise, il était «la première victime de ses agissements malhonnêtes». Encore une fois, on est loin d'une telle situation en l'espèce; pour paraphraser les propos du juge Gendreau a contrario, on doit constater que la fraude de l'intimé avait pour seul objectif son bénéfice personnel et pour unique motivation sa cupidité.

jeudi 11 novembre 2010

Les objectifs de dénonciation et de dissuasion demeurent des facteurs d’une importance particulière dans les crimes d’agressions sexuelles sur des mineurs / une peine avec sursis devrait rarement être imposée lorsque l’agresseur est en position d’autorité et de confiance

R. c. N.L., 2010 QCCQ 629 (CanLII)

[34] Dans une décision rendue le 20 décembre 2004, soit R. c. Cloutier, A-Z. 50286554, J.E. 2005-161, 2004 CanLII 48297 (QC C.Q.), [2005] R.J.Q. 287, mon collègue le juge R. Sansfaçon, J.C.Q., a effectué une étude exhaustive des peines rendues en matière d’agressions sexuelles commises sur des enfants ou des adolescents. Aux paragraphes 76 et 77, il s’exprime de la façon suivante :

[76] Les procureurs ont déposé un nombre imposant de décisions (environ 100) tant de la Cour du Québec, de la Cour supérieure que des cours d’appel. Une revue exhaustive de ces décisions sur la détermination de la peine nous permet de constater que les sentences en sont toutes de détention, certaines avec sursis et qu’elles s’échelonnent de 12 mois à 13 ans. Des sentences de 12 à 20 mois de détention ferme, (16 dossiers) nous retenons qu’elles concernent principalement des cas où il n’y a qu’une seule victime. De plus, dans ces cas les gestes sexuels posés sont les moins graves et/ou ne sont survenus qu’en de rares occasions et/ou sur une courte période de temps. (…) À l’opposé, les sentences de 7 à 13 ans ont été imposées en raison de circonstances particulières de violence, au-delà des gestes sexuels et/ou de la présence d’antécédents judiciaires et évidemment en relation avec des infractions comportant une gravité objective encore plus grave que dans le présent dossier.

[77] Les sentences variant de 2 ans moins 1 jour à 6 ans représentent la plus forte proportion lorsqu’il y a détention réelle, avec une concentration importante de 3 à 4 ans.

[35] Une peine d’emprisonnement avec sursis est totalement inappropriée dans les circonstances pour des infractions commises sur une aussi longue période par un accusé en situation de confiance ou d’autorité à l’égard de victimes adolescentes ou envers un jeune adulte ayant une déficience mentale.

[36] Par conséquent, une peine de détention ferme de plus de 2 ans s’impose dans cette affaire. D’ailleurs, à compter du 1er novembre 2005, le législateur a modifié le Code criminel pour infliger une peine minimale de 45 jours d’incarcération pour des infractions commises en vertu des articles 151 et 153.1(1) du Code criminel et, plus encore, à partir du 1er décembre 2007, a exclu l’emprisonnement avec sursis des peines susceptibles d’être infligées pour ce type d’infraction de nature sexuelle.

[37] Récemment, dans l’arrêt R. c. Dunn, 2009 QCCA 1223 (CanLII), 2009 QCCA 1223, rendu le 17 juin 2009, la Cour d’appel du Québec confirmait la justesse d’une peine de 38 mois d’emprisonnement infligée en première instance par mon collègue le juge D. Bouchard, J.C.Q., pour un accusé qui a, à une seule reprise, agressé sexuellement deux jeunes filles âgées de 11 et 12 ans venues passer la nuit chez lui à l’occasion du 12e anniversaire de naissance de sa fille.

[38] Dans l’arrêt R. c. Proulx, 2000 CSC 5 (CanLII), [2000] 1 R.C.S. 61, p. 128, le juge en chef Lamer énonce que :

Toutefois, il peut survenir des cas où la nécessité de dénoncer est si pressante que l’incarcération est alors la seule peine qui convienne pour exprimer la réprobation de la société à l’égard du comportement du délinquant ou pour décourager des comportements dans le futur.

[39] La peine constitue un châtiment infligé au délinquant pour sanctionner sa culpabilité morale sans toutefois devenir une vengeance à son égard : R. c. M. (C.A.), 1996 CanLII 230 (C.S.C.), [1996] 1 R.C.S. 500, p. 504-505.

[40] Dans l’arrêt R. c. L. (J.-J.), 1998 CanLII 12722 (QC C.A.), [1998] R.J.Q. 971, la Cour d’appel du Québec souligne clairement l’importance des objectifs de dissuasion et de dénonciation des crimes commis à l’encontre des enfants. Mme la juge Otis, à la p. 979, écrit ce qui suit :

Il est des crimes qui témoignent des valeurs protégées par une collectivité humaine à un moment déterminé de son histoire et qui, à la faveur de l’évolution des sociétés, deviennent finalement périmés. Il en va différemment des crimes d’ordre sexuel commis sur des enfants en bas âge. Même avant que des lois pénales répressives ne sanctionnent ces délits, la protection des enfants constituait l’une des valeurs essentielles et pérennisées par la plupart des sociétés organisées. La fragmentation de la personnalité d’un enfant à l’époque où son organisation naissante ne laisse voir qu’une structure défensive très fragile engendrera – à long terme – la souffrance, la détresse et la perte d’estime de soi. S’il est une intolérance dont une société saine ne doive jamais s’émanciper, c’est bien celle qui concerne les abus sexuels commis sur de jeunes enfants.

[41] Cet énoncé a été réitéré dans l’arrêt R. c. S.H., 2007 QCCA 998 (CanLII), 2007 QCCA 998, où la Cour d’appel du Québec énonçait, au paragr. 21, que « ce passage est tout aussi vrai aujourd’hui qu’à l’époque où il fut rédigé justifiant que l’on accorde une importance particulière aux facteurs aggravants ainsi qu’aux principes de dissuasion et de dénonciation » en matière d’agressions sexuelles commises sur des personnes mineures : voir, au même effet, G.L. c. La Reine, 2005 QCCA 597 (CanLII), 2005 QCCA 597.

[42] En outre, dans G.L. c. La Reine, 2008 QCCA 2401 (CanLII), 2008 QCCA 2401, cette même Cour d’appel, dans un arrêt du 8 décembre 2008 dont les motifs ont été déposés le 12 décembre, rappelait, au paragr. 22 in fine, que les objectifs de dénonciation et de dissuasion demeurent des facteurs d’une importance particulière dans les crimes de cette nature perpétrés contre des enfants.

[43] Par surcroît, dans l’arrêt R. c. R.D., 2008 QCCA 1641 (CanLII), 2008 QCCA 1641, au paragr. 44, la Cour d’appel du Québec fait sien l’énoncé de la Cour d’appel de l’Ontario qui a indiqué, à plusieurs reprises, qu’une peine avec sursis devrait rarement être imposée dans les cas d’agressions sexuelles sur des mineurs lorsque l’agresseur est en position d’autorité et de confiance : (références omises)

[44] Au paragr. 55 de sa décision, la Cour d’appel spécifie également que l’importance du facteur aggravant qu’est la relation d’autorité et de confiance entre la victime et l’accusé est bien notée par l’auteur renommé Clayton Ruby, qui, s’appuyant sur la jurisprudence, affirme que l’abus sexuel par un adulte en relation de confiance avec un enfant milite pour une peine d’au moins quatre ans d’incarcération : voir Clayton C. Ruby, Sentencing, 7e éd., LexixNexis, 2008, §23.315, aux p. 890-891.

[45] Il faut donc accorder une attention particulière aux objectifs de dénonciation et de dissuasion parce que le comportement de l’accusé constitue à la fois un mauvais traitement à l’égard de personnes âgées de moins de 18 ans (art. 718.01 et 718.2 a)ii.1) C.cr.) et un abus de confiance ou d’autorité vis-à-vis des victimes (art. 718.2 a)iii) C.cr.), dont l’une souffre de déficience intellectuelle.

[46] Les objectifs de dénonciation, dissuasion individuelle et collective et d’exemplarité doivent primer ici sur la réhabilitation et la réinsertion sociale de l’accusé même si les circonstances atténuantes contribuent à amoindrir quelque peu la peine. Les démarches thérapeutiques entreprises par l’accusé à la suite de son arrestation ne suffisent toutefois pas « à écarter ou atténuer l’importance et la gravité de ses gestes, ni à atteindre les objectifs de dénonciation et de dissuasion » compte tenu du nombre de victimes impliquées, de la longue période durant laquelle se sont déroulés les incidents et des dommages provoqués par les conséquences psychologiques à long terme sur leur développement. Sur ce dernier point, l’auteur Ruby, précité, à la p. 204, s’exprime ainsi :

§5.16 Tragic consequences should not distort considerations that would otherwise fix an appropriate sentence. The gravity of the consequences of a crime cannot be ignored. The aftermath of criminality must find appropriate expression in the sentence. This involves an assessment of the harm actually caused by the offence.

Courts and legislators acknowledge the harm actually caused by concluding that in otherwise equal cases a more serious consequence will dictate a more serious response.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

L’accusé qui soulève un doute raisonnable sur le consentement de la victime à l’emploi de la force sera acquitté d'une infraction de voies de fait et cette détermination du consentement s’effectue selon un critère subjectif

Bérubé-Gagnon c. R., 2020 QCCA 1389 Lien vers la décision [ 22 ]        L’absence de consentement de la victime est un élément essentiel de ...