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mardi 8 février 2011

Dans le cas d'une condamnation pour refus de subir le test de l'ivressomètre, le juge peut prononcer une interdiction de conduire si la preuve révèle que l'accusée avait eu dans les trois heures précédant l'infraction, la garde ou le contrôle du véhicule moteur

R. c. Doyon, 2000 CanLII 6922 (QC C.A.)

[15] Dans le cas d'une condamnation pour refus de subir le test de l'ivressomètre, donc sous l'article 254 du Code criminel, et malgré l'acquittement pour conduite avec faculté affaiblie sous l'article 253 du Code criminel, le juge peut prononcer une interdiction de conduire si la preuve révèle que l'accusée avait eu dans les deux heures précédant l'infraction, la garde ou le contrôle du véhicule moteur. C'est exactement ce que dit notre arrêt à la page 8 de son texte.

[16] Le jugement Thériault c. La Reine interprète correctement l'arrêt de notre Cour dans l'affaire Leblond. Le Juge de la Cour supérieure ajoute que l'article 180 du Code de la sécurité routière qui prévoit la confiscation du permis en cas de condamnation en vertu du paragraphe 5 de l'article 254 du Code criminel, contient les mots «commise avec un véhicule routier», ce qui exige également que la preuve soit faite que l'accusé avait le contrôle ou la garde d'un véhicule à moteur.

[17] Dans Leblond, la preuve n'avait pas été faite que l'accusée avait la garde ou le contrôle d'un véhicule moteur alors qu'en l'espèce, cette preuve a été faite.

Une condamnation pour refus de fournir un échantillon d'haleine ne suffit pas pour rendre une ordonnance d'interdiction de conduire

R. c. Leblond, 1997 CanLII 10313 (QC C.A.)

L'appelant plaide que, en l'absence de l'un ou l'autre des deux éléments, l'article 259(1) est inapplicable. Le juge du procès a émis l'ordonnance mais sans qu'il n'y ait aucune discussion, ni de la part des avocats, ni de la part du juge lui-même, sur la question. Le juge de la Cour supérieure, quant à lui, rejette la proposition de l'appelant en invoquant, d'une part, l'arrêt TARASCHUK c. LA REINE, mentionné ci-haut, et, d'autre part, le fait que les policiers avaient des motifs raisonnables d'exiger le test d'ivressomètre.

Avec égards, nous sommes d'avis qu'ils ont eu tort tous deux.

Il ressort du texte même précité de l'article 259(1) que la seule condamnation en vertu de l'article 254 ne suffit pas. Nous sommes d'avis qu'une distinction doit être faite entre les conditions d'applicabilité de l'article 254(5) et celles relatives à l'article 259(1). À notre avis, et ceci dit avec égards, ni l'arrêt TARASCHUK ni les arrêts de notre Cour mentionnés ci-haut n'ont d'application en l'espèce.

Ce que ces arrêts ont décidé, essentiellement, mais, à notre avis, uniquement, est que l'absence de preuve, sous l'article 253, de l'un ou de l'autre des éléments essentiels de l'infraction prévue par cet article, et quelle qu'en soit la cause, ne saurait suffire pour libérer un accusé de l'infraction prévue à l'article 254(5), les deux infractions étant distinctes.

Cette conclusion de nos tribunaux était d'une logique incontestable, tant en vertu des textes que de la philosophie du législateur. Le texte même de l'article 254 n'exige que la présence d'un motif raisonnable de la part du policier et l'acquittement ou l'absence de preuve concluante des faits justifiant ce motif ne lui enlève pas nécessairement le caractère de raisonnabilité. En d'autres mots, l'acquittement sous 253 n'exclut pas nécessairement la raisonnabilité des motifs en vertu de 254. Il est évident que la conséquence d'une interprétation contraire de l'article 254 serait qu'il suffirait à quiconque de refuser de se soumettre au test pour éviter toute infraction, en empêchant de ce fait la preuve de l'infraction sous l'article 253. C'est ce que le législateur voulait éviter.

Par ailleurs, dans chacune des affaires mentionnées ci-haut, la garde ou le contrôle du véhicule n'était pas en cause et c'est la preuve de l'état d'ébriété de celui qui avait cette garde ou ce contrôle qui constituait l'élément manquant.

En l'espèce, c'est l'aspect garde ou contrôle qui constitue l'élément manquant alors que l'article 259(1), au contraire de l'article 254, exige non pas uniquement l'existence d'un motif raisonnable de croire à l'état d'ébriété et à la garde et contrôle du véhicule automobile mais exige la preuve de la garde et du contrôle, comme question de fait, et ce dans les deux heures de l'infraction, éléments constitutifs essentiels à l'application de cet article 259(1).

Les éléments constitutifs des infraction prévues aux articles 253 Ccr

R. c. Leblond, 1997 CanLII 10313 (QC C.A.)

En l'espèce, l'appelant n'a pas été déclaré coupable d'une infraction en vertu de l'article 253. Au contraire, il a été acquitté de cette accusation dont il importe de retenir que les éléments essentiels sont les suivants:

a)avoir la garde ou le contrôle d'un véhicule ...

b)lorsque sa capacité ... est affaiblie par l'effet de l'alcool ou d'une drogue; ou

c)lorsqu'il a consommé une quantité d'alcool telle ...

Les éléments précités sont essentiels à la commission de l'infraction et, par voie de conséquence, doivent être prouvé hors de tout doute raisonnable.

lundi 7 février 2011

Les principes de droit concernant la règle de la meilleure preuve dans le cas de preuve matérielle et documentaire

R. c. Deschênes, 2007 QCCS 6231 (CanLII)

[10] Les principes de droit qui suivent s’appliquent, croyons-nous, à l’objection à la preuve de la défense :

w la preuve documentaire et la preuve matérielle sont toutes deux soumises à la règle de la pertinence qui régit en premier lieu leur admissibilité;

w la règle de la meilleure a pour but d’assurer, dans la mesure du possible la production d’une pièce fiable ou la plus fiable;

w la preuve documentaire est celle faite au moyen d’un document dans le but de prouver la véracité des énoncés qu’il contient et non seulement son existence (Cassetta c. R. [2003] J.Q. no. 43 (C.A.Q.) par. 60);

w la preuve matérielle consiste en tout élément de preuve qui peut être directement produit au tribunal ou représenté au moyen d’une photographie, d’un film, d’un plan ou d’un croquis afin que le juge des faits puisse prendre connaissance de son existence et de ses caractéristiques. La preuve matérielle ne vise qu’à faire la preuve de l’existence de l’objet (Cassetta c. La Reine);

w ainsi, un document pourra constituer une preuve matérielle dans la mesure où sa production ne vise qu’à prouver l’existence d’un objet et non la véracité des énoncés qu’il contient. Ainsi, une photographie d’une objet est habituellement considérée comme une preuve matérielle, surtout si, comme en l’espèce, elle ne constitue pas la représentation d’inscriptions ou d’écrits;

w la règle de la meilleure preuve ne trouve désormais application qu’en relation avec la preuve documentaire. Dans Garton c. Hunter ([1969] 2 Q.B. 37 à la page 44 (C.A.), Lord Denning écrit, au sujet de la règle de la meilleure preuve :

« That old rule has gone by the board long ago. The only remaining instance of it that I know is that if an original document is available in your hands, you must produce it… Nowdays, we do not confine ourselves to the best evidence. We admit all relevant evidence. »

w Ce principe a été repris par notre Cour suprême dans R. c. Cotroni et Papalia. Ainsi, chez nous, lorsque l’original d’un document a été détruit ou perdu sans mauvaise foi, une copie de celui-ci pourra être produite en preuve;

w généralement, si l’original n’est pas disponible ou entre les mains d’un tiers ou de la partie adverse qui rend son obtention difficile, une preuve secondaire pourra en être faite (Documentary Evidence in Canada Ewart & Lomer, p. 29).

Exposé du juge Lévesque sur la portée de l'article 30 de la Loi sur la preuve au Canada

R. c. Laroche, 2005 CanLII 41273 (QC C.S.)

[25] Il convient de se demander si la situation, ainsi que les conclusions recherchées, peuvent permettre l'application des dispositions de l'article 30 L.P.C.

[26] Force est de constater que cet article se retrouve dans une partie de la loi qui traite spécifiquement de la preuve documentaire (art. 19 à 36).

[27] Monsieur Jacques Fortin, traitant de « document et preuve matérielle », écrit ce qui suit :

« 1004. – L'écrit pertinent en tant que preuve matérielle est admissible en vertu des règles de fond régissant le litige. Par exemple, dans les inculpations de vol de document, de faux ou de libelle, le document faisant l'objet de l'inculpation est produit à titre d'objet, de « corpus delicti ». De la même manière, les documents préparés pour le procès à titre de preuves démonstratives (v.g. photographies des lieux ou de la victime, plan des lieux du crime) n'entrent pas dans la catégorie de la preuve documentaire pour la raison qu'ils s'offrent aux constatations directes du tribunal sans reposer sur la crédibilité d'un témoin. Toutefois, tant la preuve matérielle que la preuve démonstrative exigent que les documents soient présentés par un témoin qui est capable, en fonction de ses connaissances personnelles, d'en établir la pertinence dans le litige. Cela suppose, dans le cas de l'écrit, qu'il puisse le relier à l'accusé (v.g. par une comparaison d'écritures ou de signatures) ou établir qu'il a trouvé le document en possession de l'accusé, et dans le cas d'enregistrements ou de photographies, qu'il puisse en établir la fiabilité. Ce sont les fins auxquelles le document est produit qui permettent de déterminer son utilisation dans le procès. Par exemple, les enveloppes utilisées par la police pour conserver un stupéfiant ayant fait l'objet d'une saisie peuvent être produites comme de simples objets destinés à montrer la conservation de la substance ou, encore, comme de véritables documents destinés à faire preuve des mentions qu'ils comportent. Dans le premier cas, leur admissibilité dépend de leur pertinence dans le litige ; dans le second cas, leur admissibilité repose en plus sur la satisfaction des règles relatives à la preuve documentaire. »

[28] Les auteurs Bellemare et Viau, lorsqu'ils traitent de la preuve matérielle affirment pour leur part :

« ___ La preuve matérielle consiste en la prise de connaissance par le tribunal de l'état d'un objet ou d'une personne.

[…]

. Il peut s'agir de l'apparence d'une personne, vivante ou morte, présente à la Cour ou représentée au moyen d'une photographie, d'un film ou d'un croquis.

[…]

. Un document peut également, dans certaines circonstances, être considéré comme une preuve matérielle.

___ Le tribunal peut être invité à faire ses propres constatations à partir d'une représentation d'une personne ou d'un objet (ex.: une photographie, un plan, un croquis).

[…] »

[29] Les auteurs reconnaissent que l'article 30 s'applique aux registres d'affaires ou aux pièces établies dans le cours ordinaire des affaires.

[30] Notre collègue, le juge Béliveau, s'exprime ainsi à ce sujet:

« 652. De même, le paragraphe 30(1) prévoit que, lorsqu'une preuve orale concernant une chose serait admissible dans une procédure judiciaire, une pièce établie dans le cours ordinaire des affaires et qui contient des renseignements sur cette chose est admissible en preuve. La loi définit le terme « affaire » comme englobant les activités gouvernementales, de sorte que cette disposition vise les documents publics et privés. Ces règles complètent la common law en ce qu'il n'est pas nécessaire que l'auteur du document ait agi dans l'exécution de son devoir. Cela étant, il faut noter que le paragraphe 30(10) prévoit spécifiquement certaines exclusions, notamment le cas où le document a été établi dans le cours d'une enquête. Ainsi, un rapport de police ou d'un enquêteur du service du commissaire aux incendies ne peut être recevable en vertu de cette disposition. On peut également, en vertu du paragraphe 30(2), inférer un fait de l'absence de renseignements. Ainsi, le registre des clients tenu par un hôtelier fera preuve qu'une personne a séjourné dans son établissement et même, le cas échéant, qu'elle n'y a pas séjourné. De même, la Cour suprême a jugé qu'une lettre de transport constitue une « pièce établie dans le cours ordinaire des affaires ». Il faut noter qu'il n'est pas nécessaire que l'auteur du document ait lui-même constaté le fait qu'il y a consigné. En d'autres termes, l'article 30 permet ce qu'on appelle fréquemment le « double ouï-dire », sujet bien entendu au poids que peut avoir une telle preuve. Il est également possible de joindre un affidavit pour expliquer le contenu de la pièce si nécessaire. »

[31] Il ne faut pas perdre de vue que l'article 30 L.P.C., tout comme les articles 29 et 31, constitue en quelque sorte une exception législative à la règle de la meilleure preuve. Le juge en chef Dickson exposait la règle suivante dans l'arrêt Schwartz :

« […] Avant qu'un document puisse être admis en preuve, il doit franchir deux obstacles. Premièrement, la partie qui désire se fonder sur lui doit l'authentifier. Cette authentification exige la déposition d'un témoin; un document ne peut être simplement déposé à l'audience devant le juge. En second lieu, pour que le document soit admis comme faisant preuve de l'exactitude de son contenu, il faut démontrer qu'il relève de l'une des exceptions à la règle du ouï-dire (Delisle, Evidence: Principles and Problems, aux pp. 103 à 105; Ewart, Documentary Evidence in Canada, aux pp. 12, 13 et 33; Wigmore on Evidence, vol. 7, 3rd ed., par. 2118 à 2135). Il s'agit là de deux questions distinctes et, à mon avis, le par. 106.7(2) ne répond qu'à la dernière. Un certificat d'enregistrement, une fois admis, fait preuve de son contenu, savoir que le titulaire qui y est nommé s'est conformé aux formalités d'enregistrement de l'arme à autorisation restreinte. Comment fait-on admettre ce document comme élément de preuve?

L'une des marques de la common law en matière de preuve est qu'elle a recours aux témoins pour faire produire des éléments de preuve devant le tribunal. En règle générale, rien ne peut être admis à titre d'élément de preuve devant le tribunal à moins d'être attesté de vive voix par un témoin. Même la preuve matérielle, qui existe indépendamment de toute déclaration d'un témoin, ne peut être prise en considération par le tribunal à moins qu'un témoin ne l'identifie et n'établisse son rapport avec les événements en cause. Contrairement à d'autres systèmes de droit, la common law n'envisage normalement pas la preuve par acte authentique.

Le législateur a édicté plusieurs exceptions législatives à la règle du ouï-dire dans le cas des documents, mais il est moins fréquent qu'il fasse une exception dans le cas de l'obligation de faire attester le document par un témoin. Par exemple, la Loi sur la preuve au Canada prévoit l'admission des pièces ou registres financiers et d'affaires comme faisant preuve de leur contenu, mais il est toujours nécessaire qu'un témoin vienne expliquer au tribunal comment les pièces ou registres ont été établis, avant que le tribunal puisse conclure que les documents peuvent être admis en vertu de ces dispositions législatives (voir les par. 29(2) et 30(6)). Le témoin peut fournir ses explications par affidavit, mais il est toujours nécessaire d'avoir un témoin. »

La règle de la meilleure preuve concernant la preuve documentaire et les bandes magnétiques

Papalia c. R., [1979] 2 R.C.S. 256

Halsbury commente ainsi la règle de la «meilleure preuve» (4e éd., vol. 17, à la p. 8):

«En plus d’être une question de simple prudence, c’est un principe établi de longue date que la preuve doit être la meilleure possible vu la nature de l’affaire. Cependant, toute interprétation rigoureuse de ce principe est, depuis longtemps, désuète et cette règle ne conserve son importance qu’en ce qui a trait à la meilleure preuve des documents privés. Il est évidemment logique d’exiger la production du document original lorsqu’il est disponible plutôt que de s’en remettre à des copies qui peuvent laisser à désirer ou aux souvenirs des témoins, bien que les techniques modernes affaiblissent les objections à la première solution.»

La règle elle-même, dans sa formulation relativement moderne, n’exclut pas catégoriquement la preuve secondaire. Le Maître des rôles, lord Esher, l’énonce dans Lucas v. Williams & Sons, (1892) 2 Q.B. à la p. 116:-

«Voici ce que l’on entend par «meilleure» preuve et preuve «secondaire»: la meilleure preuve est celle dont la loi exige en premier lieu la production; la preuve secondaire est la preuve qui peut être produite en l’absence de la meilleure preuve dont la loi exige en premier lieu la production lorsque l’absence de la meilleure preuve est adéquatement expliquée.»

Lord Denning aurait sorti la question de la preuve secondaire du domaine de la recevabilité pour la placer dans celui de la force probante. Il dit, dans Garton v. Hunter, (1969) 2 Q.B. 37 à la p. 44:

«Il est évident que le lord juge Scott pensait à l’ancienne règle qu’une partie doit produire la meilleure preuve possible vu la nature de l’affaire et qu’il faut exclure toute preuve moins bonne. Cette règle ancienne est depuis longtemps périmée. Tout ce qui en reste est, je crois, l’obligation de produire un document original lorsqu’on l’a en sa possession. On ne peut en donner une preuve secondaire en produisant une copie. Aujourd’hui, on ne se limite pas à la meilleure preuve. Toute preuve pertinente est recevable. Sa qualité touche seulement sa force probante et non sa recevabilité.»

Cependant, le conseil de prudence donné par Halsbury va dans le même sens que le principe énoncé par McCormick on Evidence, 2e éd. à la p. 571:

«Si le document original a été détruit par la personne qui offre la preuve de son contenu, cette preuve est irrecevable à moins qu’en établissant que la destruction était accidentelle ou a été faite de bonne foi, sans vouloir empêcher son utilisation en preuve, elle réfute, à la satisfaction du juge du procès, tout soupçon de fraude.»

Le même principe doit s’appliquer aux bandes magnétiques.

En l’espèce, je crois que le ministère public a satisfait à l’obligation que mentionne McCormick. La destruction des bandes originales a été faite de bonne foi et les reproductions sont reconnues comme authentiques. Les appelants appuient leur prétention que seules les bandes magnétiques originales sont recevables en preuve sur les décisions rendues par un seul juge dans R. v. Stevenson, 55 Cr. App. R. 171 et R, v. Robson, 56 Cr. App. R. 450. Toutefois, dans ces deux affaires, l’authenticité des enregistrements produits était sérieusement contestée et les décisions sur leur recevabilité ne peuvent servir de guide vu les faits de la présente espèce. De même, les appelants ont cité plusieurs décisions de tribunaux d’États américains où la règle de la meilleure preuve a été appliquée strictement pour exclure les reproductions de bandes magnétiques. Je préfère, cependant, l’opinion que la Cour fédérale a exprimée dans United States v. Knohl, 379 F. 2d 427 (1967) à la p. 440:

«Lorsque la reproduction d’une conversation enregistrée sur bande est produite et que le juge du fond est d’avis qu’une bonne justification en a été donnée et que la reproduction est authentique et exacte, il est absurde et inutile d’appliquer la règle de la meilleure preuve de façon formaliste et rigoureuse. Johns v. United States, 323 F. 2d. 421 (5 Cir. 1963). L’analyse de la règle qu’a faite le juge Sutherland, siégeant comme juge de circuit au Deuxième circuit, dans United States v. Manton, 107 F. 2d. 834, 845 (2 Cir. 1939) est pertinente:

La règle n’est pas fondée sur l’opinion que ce qu’on appelle la preuve secondaire est irrecevable, puisque, s’il est impossible d’obtenir la meilleure preuve, elle devient aussitôt recevable. Et si, comme en l’espèce, il appert que la soi-disant preuve secondaire a manifestement la même valeur probante que la soi-disant meilleure preuve et qu’on ne peut raisonnablement craindre la fraude ni la supercherie, la règle de la meilleure preuve n’est plus justifiée et n’a plus lieu d’être dans ce cas, conformément à la maxime bien connue—si la raison d’être de la loi disparaît, la loi elle-même doit disparaître.

Une application trop formaliste et exagérée de la règle de la meilleure preuve ne fait qu’entraver la marche de l’enquête sans aucunement servir la vérité.»

Cependant, nous ne sommes pas sans savoir que les enregistrements peuvent être altérés et qu’ils ont souvent un effet persuasif et parfois même spectaculaire sur le jury. Le gouvernement doit donc fournir des preuves claires et convaincantes de l’authenticité et de la fidélité pour fonder la recevabilité de ces enregistrements; lorsque la Cour reconnaît leur authenticité et leur fidélité mais que la preuve est contradictoire sur ces points, elle doit demander au jury de scruter minutieusement la preuve.»

samedi 5 février 2011

Détermination de la peine dans les cas d'infractions d'agressions sexuelles graves lorsque l'acusé, porteur du VIH, a des relations sexuelles non protégées

R. c. Mercier, 2011 QCCQ 198 (CanLII)

[42] Dans W.D. c. R. 2006 2006 QCCA 14 (CanLII), QCCA 14, la Cour d’appel du Québec maintient une peine globale de 11 ans à l’accusé porteur du virus VIH qui le cache à trois victimes, dont une qu’il fréquente durant plus d’un an.

[43] Dans R. c. Williams 2006 ONCJ 484 (CanLII), 2006 ONCJ 484 (CanLII) la Cour de justice de l’Ontario impose une peine globale de 38 mois à l’accusé porteur du virus VIH qui a eu des relations non protégées avec deux femmes qui ne seront pas infectées.

[44] Dans R. c. Lamirande (D.) 2006 MBCA 71 (CanLII), 2006 MBCA 71 (CanLII), la Cour d’appel du Manitoba rétablit la suggestion commune faite de deux ans moins un jour dans la collectivité pour l’accusé porteur du virus VIH qui a eu une seule relation non protégée où la Cour juge que l’accusé a commis « one isolated, unplanned, spontaneous act with none of the elements of will full intent or deceit present in some of the cases described above » (para. 24).

[45] Dans R. v. J.M. 2005 O.J. no 5649, la Cour supérieure de l’Ontario impose à l’accusée, porteuse du virus VIH qui a eu des relations sexuelles non protégées avec deux hommes sans le divulguer, une peine de 12 mois avec sursis, tenant compte d’une détention provisoire de 9 mois.

[46] Dans R. v. Booth 2005 A.J. no 792, l’accusé porteur du virus VIH, a eu six relations sexuelles non protégées avec la même victime sur une période d’une année. La victime supporte l’accusé et veut s’engager dans une relation à long terme avec lui et a clairement manifesté le souhait qu’il ne soit pas incarcéré. Le juge de la Cour provinciale d’Alberta rejette la suggestion commune du « temps fait » (deux mois et demi de détention provisoire) et en vient à la conclusion qu’une peine d’un an de détention est appropriée.

[47] Dans R. v. Smith 2004 BCCA 657 (CanLII), 2004 BCCA 657 (CanLII) la Cour d’appel de Colombie-Britannique maintient une peine de 42 mois à l’accusé « HIV positive and thus carrying the Aids Virus » qui a eu des relations sexuelles non protégées avec une victime sur plusieurs mois.

[48] Dans M.L. c. R. 2010 2010 QCCA 395 (CanLII), QCCA 395, la Cour d’appel du Québec maintient une peine de 10 ans pour un accusé séropositif qui a omis de divulguer à sa conjointe ce fait et qui abusera de la fille de cette dernière par la suite.

[49] Dans R. v. Eaton 2010 O.J. no 1747, la Cour d’appel d’Ontario maintient une peine de 10 ans pour voies de faits graves où l’accusé a sauvagement battu sa victime et l’a mordu en étant porteur du VIH et de l’hépatite B et C.

[50] Dans R. v. Kaonga 2009 M.J. no 185, la Cour d’appel du Manitoba maintient une peine de 4 ans consécutive à 68 mois de détention provisoire à l’accusé qui étant porteur du VIH a omis d’en informer deux partenaires et a eu des relations sexuelles non protégées avec elles.

[51] Dans R. v. Walken, 2007 O.J. no 186, la Cour supérieure d’Ontario impose une peine de 56 mois à l’accusé, qui porteur du virus VIH, a eu des relations non protégées avec deux partenaires sans les aviser. La première victime, âgée de 18 ans, contractera le virus. Il récidive avec la deuxième victime sachant qu’il avait infecté la première.

[52] Dans R. v. Smith, 2007 S.J. no 150 la Cour provinciale de Saskatchewan impose une peine de 6 ans à l’accusé qui infecté du VIH a menti délibérément à deux victimes à ce sujet et a eu de nombreuses relations non protégées avec une, et trois avec l’autre. L’accusé n’avait pas d’antécédents.

[53] Dans R. v. Nduwayo 2006 B.C.J. no 3418 la Cour supérieure de Colombie-Britannique impose une peine globale de 15 ans à un accusé séropositif qui a caché ce fait à de nombreuses victimes dont plusieurs seront infectées après des relations non protégées.

[54] Dans R. v. Williams 2004 N.J. no 140, la Cour d’appel de Terre-Neuve maintient les peines de 2 ans et 3 ans consécutives à l’accusé infecté du VIH qui aura caché cette information à trois victimes dont une sera infectée.

[55] Dans R. v. Miron 2000 M.J. no 500, la Cour provinciale du Manitoba impose une peine de 8 ans à l’accusé criminalisé qui, porteur du VIH, aura des relations non protégées avec 4 victimes, dont deux sont infectées sans que l’on puisse établir qu’elles ont été contaminées par l’accusé.

[56] Dans R. v. Mercev 1993 N.J. no 198, la Cour d’appel de Terre-Neuve impose une peine de 11 ans à l’accusé infecté du VIH qui aura des relations non protégées avec deux victimes de 16 et 22 ans qui seront infectées.

[57] Dans R. v. Winn 1998 O.J. no 393, la Cour d’appel d’Ontario maintient une peine de 12 ans à un accusé hautement criminalisé qui dans le cadre d’une sauvage agression sexuelle éjaculera dans la bouche, le vagin et une plaie ouverte au visage de la victime. L’accusé savait être infecté du VIH. La victime ne sera pas contaminée.

[58] Dans R. c. Dufresne 2009 J.Q. no 18054, la Cour du Québec impose une peine de 3 ans à l’accusé séropositif qui a omis de divulguer ce fait en ayant des attouchements sexuels avec une victime âgée de 12 ans.

[59] Dans R. v. Iamkhong 2009 O.J. no 2446, la Cour d’appel d’Ontario impose une peine de 2 ans moins un jour à une épouse qui a eu des relations sexuelles non protégées avec son mari alors qu’elle était porteuse du VIH, malgré que deux rapports médicaux étaient contradictoires à ce sujet.

[60] Dans R. c. McGregor, 2008 O.J. no 4939, la Cour d’appel de l’Ontario modifie la peine d’un an avec sursis imposée en 1re instance à une peine d’un an d’emprisonnement à l’accusé qui se sachant porteur du virus VIH depuis 15 ans a omis de le divulguer à sa copine et a eu deux relations non protégées durant l’année et demie de fréquentations. L’accusé se protégeait avec elle avec un condom le reste du temps. Il n’avait aucun antécédent.

[61] Dans R. v. Deblois, 2005 O.J. no 2267 la Cour provinciale d’Ontario impose une peine de 3 ans à l’accusé qui infecté du VIH a eu des relations non protégées avec la victime qui sera infectée. L’accusé avait des antécédents qui dataient, mais pas en semblable matière.

[62] Plusieurs de ces décisions comportent évidemment des facteurs beaucoup plus aggravants que dans le présent dossier ou encore des facteurs atténuants différents, tels qu’absence d’antécédents judiciaires, ou le nombre de relations non protégées pour n’en nommer que deux.

[64] On peut conclure que dans des circonstances se rapprochant des faits du présent dossier, la fourchette de peine se situe entre 1 an et 3 ans de détention.

[65] Cette revue de la jurisprudence, non exhaustive, rend pertinentes les prétentions de la poursuite voulant que les tribunaux doivent prioriser les principes de dénonciation et de dissuasion.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Les déclarations d'un accusé à son complice ne sont pas du ouï-dire

R v Ballantyne, 2015 SKCA 107 Lien vers la décision [ 58 ]             At trial, Crown counsel attempted to tender evidence of a statement m...