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jeudi 11 juillet 2013

Deux éléments doivent être examinés pour décider si l'élu municipal est dans l'exercice de ses fonctions

Beaulieu c. Packington (Municipalité de), 2008 QCCA 442 (CanLII)


[43]           La Cour a conclu que le conseiller municipal était dans l'exercice de ses fonctions municipales même si celles-ci n'ont pas été exercées lors d'une séance du conseil, à la condition que l'acte posé résulte de son mandat :
Les fonctions municipales, comme les autres fonctions publiques, ne s'exercent pas seulement autour d'une table de délibérations. Elles suivent l'officier public dans tous les actes qu'il pose, en tant qu'officier public, et ses actes revêtent et gardent le même caractère d'autorité ou de responsabilité lorsqu'ils sont faits en raison même des fonctions qu'il exerce ou, si l'on veut, lorsqu'ils sont posés ou exercés dans l'intérêt public. Ainsi le maire d'une municipalité, quelles que soient les circonstances de lieu, de temps et de personnes, n'abdique nullement son caractère d'officier public, lorsqu'il prend une initiative ou accomplit un devoir inhérent à sa fonction. Il en est de même d'un conseiller municipal, d'un commissaire d'écoles ou d'un syndic de fabrique. En d'autres termes, pour déterminer le caractère de ces fonctions publiques, il suffit de se demander si l'acte accompli résulte du mandat confié à cet officier ou si ce dernier n'a fait qu'agir en une qualité purement personnelle.
[…]
Je dirai davantage. Si le maire d'une municipalité va rencontrer chez lui un conseiller, ou si encore, un conseiller municipal va rencontrer un de ses collègues pour connaître ses vues sur un problème municipal, j'estime que ce conseiller garde toujours son caractère d'officier public et qu'il est, dans une telle occurrence, dans l'exercice de ses fonctions publiques.
Je conclus donc en disant que le barème qui doit nous guider dans une telle matière est celui-ci : si la personne dans l'intérêt de la municipalité, fait, étant un officier municipal, une communication qu'elle a intérêt à faire et qu'elle la fait à une personne qui a un intérêt correspondant à la recevoir, il y a, par la coexistence de ces divers éléments, une preuve que la personne a agi dans l'exercice de ses fonctions.
(Je souligne).
[44]           Dans son article « Le traitement juridique de l'acte individuel fautif de l'élu municipal, source d'obligations délictuelles ou quasi délictuelles. Un essai de systématisation critique du droit positif québécois », l'auteur Jean-François Gaudreault-Desbiens fait remarquer que chaque cas constitue un cas d'espèce. Il dégage cependant un cadre d'analyse qui me paraît valable :
[…] il faut retenir de cette étude de la notion d'exercice des fonctions que le critère de base de cette notion est le bénéfice ou l'intérêt que la municipalité tire de l'acte posé par l'élu municipal. Ceci impose, d'une part, d'examiner la finalité de l'acte et, d'autre part, d'en étudier la pertinence au regard des affaires municipales. Ainsi, l'acte posé pour des motifs strictement personnels à l'élu et n'ayant aucun lien de pertinence avec les affaires municipales sera le plus souvent posé hors de l'exercice des fonctions. L'examen consiste en fait à vérifier l'existence d'un lien logique entre l'acte posé et l'intérêt ou le bénéfice que la municipalité en retire. Pour établir ce lien, il sera évidemment utile, sinon nécessaire, de voir si l'acte posé peut se rattacher à un devoir inhérent aux fonctions de l'élu, de façon à en identifier la justification juridique. C'est donc d'abord et avant tout en fonction de l'acte lui-même qu'est résolue la question de savoir si l'élu agissait dans l'exercice de ses fonctions. Dans ce contexte, le forum où est posé l'acte ne revêt pas une importance déterminante.
(Je souligne).
[45]           Suivant ce cadre d'analyse, deux éléments doivent être examinés pour décider si l'élu municipal est dans l'exercice de ses fonctions : 1º la finalité de l'acte posé par l'élu municipal et 2º la pertinence de l'acte au regard des affaires municipales.

Comment gérer le fait qu'une peine puisse être expirée lorsque l'appel est entendu

Savage c. R., 2013 QCCA 1183 (CanLII)


[23]        Demeure le problème suivant : l'appelant a commencé de purger sa peine en novembre 2012. Il bénéficiera, nous dit son avocat, d'une libération conditionnelle en décembre 2013 ou en janvier 2014. Il est peu probable, à cette date, que son appel ait été entendu, de sorte que si la Cour lui donnait en définitive gain de cause, il aurait purgé bien inutilement – et bien injustement – la totalité de sa peine. Cet élément est important. Cependant, ainsi que l'écrit le juge Delisle dans R. c. Garneau, J.E. 98-403, il n'est pas, à lui seul, déterminant :
36        Malgré l'importance de cet élément, il ne peut cependant à lui seul justifier une demande de mise en liberté. Tout en accordant à ce facteur la place qui lui revient, la demande doit s'apprécier en tenant également compte des autres éléments, dont l'absence permet de conclure que la détention n'est pas nécessaire dans l'intérêt public.

La question de savoir s'il y a eu entrave au cours de justice doit être déterminée sur la base d'une appréciation de l'ensemble des circonstances

R. c. Cecere   , 2013 QCCQ 1305 (CanLII)


[16]        L'infraction d'entrave au cours de la justice prévue à l'article 139 C. cr. est prouvée lorsqu'il est établi que l'accusé a volontairement accompli ou tenté d'accomplir un acte tendant à contrecarrer ou à entraver le cours de la justice. Il n'est pas nécessaire de prouver que l'accusé a atteint son objectif ou qu'il est parvenu à commettre l'acte en question. Comme il s'agit d'une infraction requérant une intention spécifique, la poursuite doit prouver hors de tout doute raisonnable que l'accusé avait l'intention d'adopter une conduite tendant à entraver, détourner ou contrecarrer le cours de la justice. Une simple erreur de jugement ne suffit pas.
[17]        La question de savoir s'il y a eu entrave au cours de justice doit être déterminée sur la base d'une appréciation de l'ensemble des circonstances. 

La limite qu’il convient d’imposer à l'infraction d'entrave à la justice se trouve dans l’obligation du ministère public de prouver l’élément mental

R. c. Barros, 2011 CSC 51 (CanLII), [2011] 3 RCS 368

Lien vers la décision

[46]                          L’accusation ne porte pas seulement sur le fait que l’appelant a tenté de découvrir le nom de l’indicateur de police, mais aussi sur le fait qu’il a agi[TRADUCTION] « dans le but de nuire aux procédures criminelles », c’est‑à‑dire de faire retirer les accusations portées contre M. Qureshi.  Si le bien‑fondé de cette allégation est établi, alors la cueillette de renseignements ne visait pas un objectif légitime.  Le crime prévu à l’art. 139 est considéré comme ayant été commis lorsqu’il est établi que l’accusé a tenté d’accomplir l’un ou l’autre des actes qui y sont décrits, et ce sans qu’il soit nécessaire de démontrer qu’il a atteint son objectif ou qu’il est parvenu à commettre l’acte en question : R. c. Hearn1989 CanLII 14 (CSC), [1989] 2 R.C.S. 1180.  L’infraction est définie de façon large.  La limite qu’il convient d’y imposer se trouve dans l’obligation du ministère public de prouver l’élément mental : R. c. Beaudry2007 CSC 5 (CanLII), 2007 CSC 5, [2007] 1 R.C.S. 190, par. 52.  Or, il existe des preuves contre M. Barros qui, si on leur ajoutait foi, établiraient l’intention d’entraver la justice.

L'appréciation de la crédibilité d'un accusé qui témoigne en regard de son statut d'inculpé et de la présomption d'innocence

Québec (Directeur général des élections) c. Pépin, 2012 QCCQ 6470 (CanLII)


[28]        Notamment, dans R. c. Viens, la Cour d'appel du Québec a reproché au juge de première instance son affirmation voulant que l'accusé avait évidemment un intérêt à cacher la vérité :
C'est là tenir une proposition difficilement compatible avec la présomption d'innocence. Un inculpé a sans doute un intérêt dans sa cause (d'ailleurs l'article 3 de la Loi de la preuve stipule que même s'il a un intérêt, cela ne le rend pas inhabile à témoigner): mais de là à conclure que son intérêt va jusqu'à "cacher la vérité", c'est présumer de sa culpabilité et ne lui donner aucune crédibilité en raison de son statut d'inculpé.

Il faut s'en remettre aux éléments distinctifs des infractions pour déterminer si la commission d'infractions basées sur les mêmes faits peut donner ouverture à la requête en res judicata

R. c. Lacroix, 2009 QCCS 4004 (CanLII)


[67]            La Cour suprême dans l'arrêt Prince considère qu'il faut s'en remettre aux éléments distinctifs des infractions pour déterminer si la commission d'infractions basées sur les mêmes faits peut donner ouverture à la requête en res judicata.
[68]            Selon cet enseignement, il existe trois situations qui ne peuvent être assimilées à des éléments distinctifs suffisants. Ils sont :
a) l'existence d'un élément constituant la manifestation particulière d'un élément compris dans l'autre infraction;
b) l'existence de plus d'une méthode de commettre un même délit;
c) l'existence d'un élément réputé établi au moyen d'une preuve que ne commande pas la logique mais les considérations de politique sociale ou des difficultés qui se rattachent à la preuve.
[75]            Le Tribunal est d'avis que même si les deux types d'infraction sont basés sur les mêmes faits matériels, à savoir les 112 retraits irréguliers, le libellé des articles de la LVM crée des infractions distinctes alors que le libellé de l'art. 380 du Code criminel est de portée beaucoup plus générale.
[76]            En effet, la Loi sur les valeurs mobilières est une législation qui vise à encadrer et réglementer les agissements des intervenants dans le domaine commercial et financier, et plus précisément dans le domaine des valeurs mobilières.
[77]            Il y a certes des volets de cette législation de nature à créer des sanctions sévères pour prévenir les infractions et assurer le respect de la loi. Cependant, la portée de la législation est beaucoup plus restrictive que les dispositions du Code criminel qui visent à sanctionner un comportement moral délinquant qui englobe et dépasse les situations visées par la Loi sur les valeurs mobilières ou toute législation de même acabit.
[78]            Le Tribunal fait siens les propos du juge en chef Dickson de la Cour suprême qui s'exprimait comme suit :
J'insiste sur le fait qu'en appliquant les critères susmentionnés il importe de se garder de pousser la logique au point de contrecarrer l'intention du législateur ou de perdre de vue la question clé de savoir si les deux accusations sont fondées sur la même cause, la même chose ou le même délit.
[79]            Le Tribunal est d'avis que les chefs d'accusation en l'espèce ne sont pas fondés sur la même cause, la même chose ou le même délit.
[107]      Le Tribunal conclut que :
a)       le requérant a établi un lien factuel suffisant entre certaines des infractions pénales pour lesquelles il a été reconnu coupable pour avoir influencé ou tenté d'influencer le cours d'un titre ou d'une valeur et les chefs d'accusation auxquels il doit répondre pour fraude, selon l'art. 380 du Code criminel;
b)       au-delà du lien factuel suffisant, il n'a pas établi de lien juridique suffisant entre les deux législations puisqu'il existe des éléments distinctifs;
c)         le requérant doit répondre à des chefs d'accusation au criminel qui n'avaient pas d'équivalent lors de son procès au pénal;
d)       les objectifs de la Loi sur les valeurs mobilières sont spécifiques et distincts de ceux du Code criminel même s'ils concernent l'intérêt public.  Les objectifs du Code criminel sont beaucoup plus larges, généraux et créent des crimes qui subsistent indépendamment des dispositions pénales de la LVM;
e)        Les peines maximales déterminées par le législateur en vertu de la LVM sont bien inférieures à celles prévues par le législateur en vertu du Code criminel.  Cet élément n'est donc pas probant pour établir la similarité des infractions reprochées;
f)         les mêmes agissements basés sur une trame factuelle identique peuvent entraîner l'existence d'infractions distinctes selon leCode criminel.
[108]      Pour ces motifs, le Tribunal conclut que le requérant n'a pas établi les circonstances qui lui permettent de demander l'arrêt des procédures criminelles au motif de res judicata.

La portée du principe de l'arrêt Kienapple

R. c. Prince, 1986 CanLII 40 (CSC), [1986] 2 RCS 480
(i)                Le lien factuel entre les accusations

17.              Il va de soi que l'arrêt Kienapple n'empêche pas la multiplicité des déclarations de culpabilité lorsque chacune se rapporte à des faits différents. Les contrevenants encourent toujours une responsabilité criminelle chaque fois qu'ils transgressent la loi, et l'arrêt Kienapple n'a nullement pour effet de modifier ce principe parfaitement valable. Il est donc essentiel, pour que s'applique la règle interdisant les déclarations de culpabilité multiples, que les infractions tirent leur origine de la même opération.

20.              J'estime que, dans la plupart des cas, on satisfait à l'exigence d'un lien factuel par une réponse affirmative à la question suivante: Chacune des accusations est‑elle fondée sur le même acte de l'accusé? Comme le démontre l'arrêt Côté cependant, il n'est pas toujours facile de déterminer quand un acte prend fin et un autre commence. Non seulement les infractions continues suscitent‑elles des problèmes qui leur sont particuliers, mais il y a aussi la possibilité d'obtenir des réponses différentes à cette question, suivant le degré de généralité de la définition d'un acte: voir Klinck, précité, à la p. 292, Leonoff et Deutscher, précité, à la p. 304, et Sheppard, précité, à la p. 638. Ces difficultés doivent être résolues une à une au fur et à mesure qu'elles surgissent, et ce, en fonction de facteurs comme le caractère éloigné ou la proximité des événements spatio‑temporels, la présence ou l'absence d'événements intermédiaires pertinents (comme la déclaration de culpabilité de vol qualifié dans l'affaire Côté), et la question de savoir si les actes de l'accusé étaient liés par un objectif commun. En même temps, on aurait tort d'insister sur les difficultés. Dans bien des cas, y compris en l'espèce, il est facile de déterminer si les accusations reposent sur le même acte.

(ii)               Le lien entre les infractions: est‑il nécessaire?

24.              Un bon nombre d'autres décisions peuvent être citées pour montrer qu'un seul acte de la part d'un accusé peut constituer deux délits ou plus contre la société, qui ont peu ou pas de rapport entre eux. Dans l'affaire R. v. Logeman (1978), 5 C.R. (3d) 219 (C.A.C.‑B.), il était question d'accusations d'avoir conduit alors que le permis de conduire était suspendu et de conduite avec facultés affaiblies; dans l'affaire R. v. Lecky (1978), 42 C.C.C (2d) 406 (C. cté N.‑É.), il était question d'incitation à la délinquance juvénile et de trafic d'un stupéfiant; dans l'affaire R. v. Earle (1980), 24 Nfld. & P.E.I.R. 65 (C.A.T.‑N.), il était question de violation d'engagement et de possession d'un stupéfiant; dans l'affaire R. v. Pinkerton (1979), 46 C.C.C. (2d) 284 (C.A.C.‑B.), il était question de manquement aux conditions d'une ordonnance de probation et de voies de fait simples; dans l'affaire R. v. Père Jean Grégoire de la Trinité reflex, (1980), 60 C.C.C. (2d) 542 (C.A. Qué.), il était question d'outrage au tribunal et de détention illégale d'enfants. Même si, dans chacun de ces cas, un seul acte de l'accusé semblait avoir donné lieu à deux accusations, l'arrêt Kienapple a été jugé inapplicable. À mon avis, ces affaires ont été tranchées correctement. Si un accusé se rend coupable de plusieurs méfaits, il n'y a rien d'injuste à ce que cette réalité se reflète dans son casier judiciaire. Bref, je suis d'accord avec les observations suivantes du juge Lambert dans l'arrêt R. v. Harrison (1978), 7 C.R. (3d) 32 (C.A.C.‑B.), à la p. 37:

[TRADUCTION]  Il ne suffit pas d'examiner les accusations et de se demander si une déclaration de culpabilité relative à l'une d'elles entraînera une déclaration de culpabilité relativement à une autre. Il ne suffit pas d'examiner les faits et de se demander si l'on se trouve en présence d'un seul acte. Les faits et les accusations doivent être examinés ensemble et en fonction des liens qui existent entre eux.

Il doit y avoir des liens suffisamment étroits tout d'abord entre les faits, et ensuite entre les infractions, qui constituent le fondement d'au moins deux accusations à l'égard desquelles on cherche à invoquer la règle interdisant les déclarations de culpabilité multiples.

(iii)               Suffit‑il que les infractions aient un élément commun?

26.              Le principe qui interdit qu'un élément donné soit utilisé plus d'une fois paraît sous‑tendre plusieurs décisions judiciaires: voir, par exemple, R. v. Taylor reflex, (1979), 48 C.C.C. (2d) 523 (C.A.T.‑N.), aux pp. 537 et 538, et R. v. Allison, précité, aux pp. 339 et 340. Mais, tout comme le critère du "même acte", il n'explique pas un certain nombre de décisions comme McKinney et Logeman, qui, selon moi, sont fondées en droit.

27.              De toute manière, je constate que cette Cour a déjà étudié et rejeté le critère de l'élément commun. Dans l'arrêt Côté c. La Reine, précité, à la p. 310, le juge en chef Fauteux écrit:

Le fait que sa possession [celle du voleur] soit un élément commun aux deux infractions [c.‑à‑d. le vol et la possession illégale], ne justifie pas d'exclure de la question et d'ignorer ce qui, à la vérité, est le facteur vital qui les distingue l'une de l'autre et qui est le propre de leur nature respective.

La Cour à la majorité dans l'arrêt Côté a ainsi opté pour un critère fondé non pas sur la présence ou l'absence d'un élément commun, mais sur la présence ou l'absence d'éléments supplémentaires distinctifs.

32.              Je conclus donc qu'on ne satisfait à l'exigence d'un lien suffisamment étroit entre les infractions que si l'infraction à l'égard de laquelle on tente d'éviter une déclaration de culpabilité en invoquant le principe de l'arrêt Kienapple ne comporte pas d'éléments supplémentaires et distinctifs qui touchent à la culpabilité.

33.              Il y a toutefois un corollaire à cette conclusion. Dans le cas où les infractions sont de gravité inégale, l'arrêt Kienapple peut s'appliquer de manière à empêcher une déclaration de culpabilité relativement à une infraction moindre, même si l'infraction plus grave à l'égard de laquelle une déclaration de culpabilité a été inscrite comporte des éléments supplémentaires, pourvu toujours que l'infraction moindre ne compte pas d'éléments supplémentaires distincts. Par exemple, dans l'affaire R. c. Loyer1978 CanLII 194 (CSC), [1978] 2 R.C.S. 631, l'arrêt Kienapple a été appliqué de manière à empêcher des déclarations de culpabilité de possession d'une arme en vue de commettre une infraction dans le cas où des déclarations de culpabilité avaient été inscrites relativement à l'infraction plus grave de tentative de commettre un vol qualifié en se servant d'un couteau. Même si les accusations de vol qualifié contenaient l'élément de vol qui les distinguait des accusations relatives aux armes, ces dernières ne comportaient pas d'éléments qui venaient s'ajouter à ceux contenus dans les accusations de vol qualifié ou qui étaient distincts de ceux‑ci. Il convenait donc que la Cour applique l'arrêt Kienapple de manière à empêcher des déclarations de culpabilité relativement aux infractions moindres reliées aux armes plutôt que relativement aux accusations de vol qualifié.

(iv)             Quand un élément d’une infraction n’est‑il pas supplémentaire ou distinct?

34.              Maintenant, j'aborde brièvement la question de savoir quand un élément d'une infraction correspond à un autre élément au point de ne pouvoir être considéré comme supplémentaire ou distinct. Quand peut‑on dire que des éléments sont "fondamentalement les mêmes" ou qu'ils offrent un "choix" l'un par rapport à l'autre? Voilà une question qui n'admet pas de réponse précise. Les différences de degré sont souvent importantes et, comme l'a fait remarquer le juge La Forest, la logique abstraite doit être assortie d'une connaissance des considérations d'ordre pratique lorsqu'on vérifie l'intention qu'avait le législateur en créant différentes infractions: Krug, précité, à la p. 269. Sans prétendre en dresser une liste exhaustive, je crois qu'il y a au moins trois façons d'établir l'existence d'une correspondance suffisante entre des éléments, dont chacune demeure toujours assujettie à la manifestation de l'intention du législateur d'imposer une peine plus sévère dans le cas où il y a chevauchement de deux ou plusieurs infractions.

35.              Premièrement, un élément peut constituer une manifestation particulière d'un autre élément. Dans l'affaire Krug, la Cour était appelée à étudier non seulement le rapport entre l'al. 83(1)a) et l'al. 302d), décrit précédemment, mais aussi le rapport entre l'al. 83(1)a) et l'art. 84. L'article 84 crée l'infraction qui consiste à braquer une arme à feu sur une personne. Suivant l'al. 83(1)a), rappelons‑le, commet une infraction quiconque utilise une arme à feu lors de la perpétration d'un acte criminel. Le juge du procès a qualifié l'élément qui consiste à "braquer une arme à feu sur une personne" d'élément qui vient s'ajouter à l'"usage". Cette Cour a manifesté son désaccord en affirmant: "Il est évident que braquer un fusil est une façon de l'utiliser" (p. 268). En conséquence, la Cour a décrit le fait de braquer une arme à feu sur une autre personne comme une façon particulière de l'utiliser. Dans les circonstances, on pouvait difficilement croire que le législateur a voulu que "la même conduite répréhensible fasse automatiquement l'objet de deux infractions distinctes" (p. 270).

36.              En général, on ne doit pas considérer la mention particulière dans l'énoncé d'une infraction d'un élément constitutif d'une autre infraction comme un trait distinctif qui rend inapplicable l'arrêt Kienapple. Le Parlement peut créer des infractions de différents degrés de généralité, dans le but (en ce qui concerne l'infraction plus générale) d'assurer qu'une conduite criminelle n'échappe pas à toute sanction pour le motif que les rédacteurs de la loi n'ont pas envisagé chacune des situations dans lesquelles cette conduite peut se présenter, ou dans le but (en ce qui concerne l'infraction plus précise) de viser avec certitude une conduite particulière dans des circonstances particulières. En l'absence d'une indication quelconque que le législateur a voulu qu'il y ait des déclarations de culpabilité multiples ou une peine supplémentaire en cas de chevauchement, la mention particulière d'un élément donné ne doit pas être considérée comme une distinction suffisante pour empêcher l'application du principe énoncé dans l'arrêt Kienapple.

37.              Une seconde façon dont des éléments peuvent correspondre tient à l'existence de plus d'une méthode, comprise dans plus d'une infraction, d'établir un seul délit. Dans l'arrêt R. v. Gushue (1976), 32 C.C.C (2d) 189 (C.A. Ont.), confirmé pour d'autres motifs, 1979 CanLII 56 (CSC), [1980] 1 R.C.S. 798, l'accusé avait été inculpé en vertu de l'art. 124 d'avoir donné au cours de procédures judiciaires un témoignage contraire à sa propre déposition antérieure. On l'accusait en outre d'avoir commis un parjure contrairement à l'art. 121. La Cour est arrivée à la conclusion que ce serait faire une entorse au principe énoncé dans l'arrêt Kienapple que de rendre des verdicts de culpabilité relativement aux deux infractions. Je suis d'accord avec cela. Bien que les art. 121 et 124 comportent des éléments différents, cette différence ne traduit manifestement pas une intention du législateur d'ajouter une peine supplémentaire chaque fois qu'il est possible de prouver la perpétration des deux infractions. L'article 124 a simplement pour objet de faciliter la preuve d'un faux témoignage, même s'il est impossible d'établir la fausseté d'une déclaration en particulier. Le Parlement s'est simplement rendu aux impératifs de la logique: si deux déclarations contradictoires ont été faites, l'une d'elles doit être fausse et le délit qui consiste à rendre un faux témoignage doit avoir été commis à l'une des deux occasions.

38.              La troisième situation dans laquelle il existe entre des éléments une correspondance suffisante pour justifier l'application du principe de l'arrêtKienapple est quelque peu semblable. Elle se présente lorsque le Parlement prévoit en fait que l'existence d'un élément donné est réputée être établie au moyen d'une autre sorte de preuve, non pas nécessairement parce que la logique commande cette conclusion, mais parce que des considérations de politique sociale ou des difficultés qui se rattachent à la preuve l'imposent. L'affaire Kienapple en est elle‑même un exemple. Dans cette affaire, comme nous l'avons vu, l'élément de l'âge de la victime a servi de remplacement à l'élément de l'absence de consentement. De l'avis du législateur, une jeune fille de moins de quatorze ans ne pouvait pas réellement consentir à des rapports sexuels. Un autre exemple se dégage de l'affaire Terlecki c. La Reine,1985 CanLII 16 (CSC), [1985] 2 R.C.S. 483. Bien que le litige ait porté principalement sur une question de procédure, la Cour a fondé sa décision sur l'applicabilité de l'arrêt Kienapple aux infractions de conduite avec facultés affaiblies contrairement à l'art. 234 et de conduite avec un taux d'alcoolémie "supérieur à 80 mg" contrairement à l'art. 236. Or, l'affaiblissement des facultés est quelque chose de difficile à prouver en soi et le Parlement a établi une présomption selon laquelle la présence d'une certaine concentration d'alcool dans le sang cause une diminution de la capacité de conduire. Les différences entre les éléments constitutifs de ces infractions s'expliquent par une tentative de faciliter l'arrestation par la police, ou la condamnation par les tribunaux, des personnes qui se rendent coupables essentiellement de la même conduite illégale: voir Leonoff et Deutscher, précité, à la p. 304. J'estime que des éléments qui servent uniquement à remplacer un autre élément en matière de preuve ne sauraient être considérés comme distincts ou supplémentaires aux fins de la règle interdisant les déclarations de culpabilité multiples.

39.              J'insiste sur le fait qu'en appliquant les critères susmentionnés il importe de se garder de pousser la logique au point de contrecarrer l'intention du législateur ou de perdre de vue la question clé de savoir si les deux accusations sont fondées sur la même cause, la même chose ou le même délit. Par exemple, il existe des infractions visant à réprimer un mal particulier, qui (dans certaines circonstances) comportent comme élément la perpétration d'une autre infraction créée en vue de réprimer un mal tout à fait différent. Tel était le rapport entre les infractions dont il était question dans les affaires Lecky,EarlePinkerton et Père Jean Grégoire. On pourrait prétendre que dans ces affaires une infraction matérielle précise était subsumée sous une infraction générique de portée plus large: Klinck, précité, aux pp. 301 et 302. Par exemple, l'infraction de manquement aux conditions d'une ordonnance de probation contient comme élément le non‑respect d'une ordonnance de probation qui, de par la loi, exige que l'accusé s'abstienne de troubler l'ordre public et qu'il ait une bonne conduite: par. 663(2). Le fait que le manquement aux conditions d'une ordonnance de probation constitue une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité (par. 666(1)) indique clairement que le Parlement n'a pas pu vouloir qu'une déclaration de culpabilité prononcée relativement à cette infraction ait pour effet d'empêcher une déclaration de culpabilité d'avoir commis l'infraction matérielle précise (laquelle risque d'entraîner une peine bien plus sévère) simplement parce que cette dernière infraction pourrait être considérée comme une manifestation particulière du fait d'avoir troublé l'ordre public et de ne pas avoir eu une bonne conduite. Manifestement, le manquement aux conditions d'une ordonnance de probation est une infraction destinée à assurer le fonctionnement efficace du système de justice criminelle et il s'agit‑là d'un intérêt public complètement différent de celui protégé par une infraction comme les voies de fait. En conséquence, l'arrêt Kienapple ne s'appliquait pas dans ces quatre affaires.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

L’accusé qui soulève un doute raisonnable sur le consentement de la victime à l’emploi de la force sera acquitté d'une infraction de voies de fait et cette détermination du consentement s’effectue selon un critère subjectif

Bérubé-Gagnon c. R., 2020 QCCA 1389 Lien vers la décision [ 22 ]        L’absence de consentement de la victime est un élément essentiel de ...