Morin c. R., 2009 QCCA 1131 (CanLII)
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[61] S'il est vrai que le rôle spécifique de l'appelant dans ce complot n'était pas déterminé, la jurisprudence ne requiert pas une telle preuve :R. c. O'Brien, 1954 CanLII 42 (SCC), [1954] R.C.S. 666. De surcroît, l'accord peut être tacite et la preuve de l'entente peut être circonstancielle :Regina c. Moore reflex, (1985), 15 C.C.C. (3d) 541, 552 (C.A. Ont.). En l'espèce, tenant compte de la culture de l'organisation et de la pratique voulant qu'il y ait riposte lors d'un meurtre commis dans le cadre de la guerre des motards, l'adhésion de l'appelant au complot pouvait être déduite par le jury. Sa participation active à la recherche d'une victime après avoir assisté à une conversation non équivoque rend plausible sa participation à ce complot.
*** voir Fortin c. R., 2009 QCCA 1133 (CanLII) & Whissel c. R., 2009 QCCA 1132 (CanLII) au même effet ***
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mardi 5 août 2014
Exposé du droit exhaustif relativement au complot
R. c. Borris, 2013 QCCQ 1825 (CanLII)
[30] Le complot peut être défini comme une entente entre plusieurs personnes d'agir ensemble dans la poursuite d'un but commun. Dans le cas d'une accusation de complot, il s'agit donc de déterminer si "les actes des accusés visaient une fin criminelle qu'ils poursuivaient ensemble":
46 Le mot "conspirer" vient de deux mots latins "con" et "spirare" qui signifient "souffler ensemble". Conspirer c'est s'entendre. L'essence du complot criminel est la preuve de l'entente. Dans une accusation de complot, l'entente en soi est la substance de l'infraction […]. L'actus reus est le fait de l'entente […]. L'entente à laquelle parviennent les conspirateurs peut envisager plusieurs actes ou infractions. Le nombre de participants n'est pas limité. De nouvelles personnes peuvent se joindre au projet en cours alors que d'autres peuvent l'abandonner. Aussi longtemps qu'il existe un plan général ininterrompu, des changements peuvent intervenir quant aux méthodes, aux conspirateurs ou aux victimes, sans que le complot prenne fin. L'enquête importante ne porte pas sur les actes accomplis conformément à l'entente, mais plutôt sur la question de savoir s'il existe vraiment une entente commune dont les actes découlent et à laquelle participent tous les présumés responsables. Dans R. v. Meyrick and Ribuffi, (1929), 21 Cr. App. R. 94 (C.C.A.), à la p. 102, il s'agissait de savoir si [TRADUCTION] "les actes des accusés visaient une fin criminelle qu'ils poursuivaient ensemble", et dans 11 Halsbury (4e éd.), à la p. 44, on lit:
[TRADUCTION] Il ne suffit pas que deux ou plusieurs personnes poursuivent le même objet illégal, en même temps ou au même endroit; il faut démontrer qu'il y a eu accord des volontés, un consensus visant une fin illégale.
La preuve doit établir, hors de tout doute raisonnable, que les conspirateurs présumés ont agi de concert pour atteindre un but commun.
(Mes soulignements)
[31] Dans l'arrêt États-Unis d'Amérique c. Dynar, la majorité de la Cour suprême formule les éléments requis pour qu'il y ait complot: (1) une intention de s'entendre; (2) la conclusion d'une entente et (3) un projet commun:
86 Dans l'arrêt R. c. O'Brien, 1954 CanLII 42 (SCC), [1954] R.C.S. 666, aux pp. 668 et 669, notre Cour a fait sienne la définition du complot énoncée dans l'arrêt anglais Mulcahy c. The Queen (1868), L.R. 3 H.L. 306, à la p. 317:
[Traduction] Un complot ne réside pas seulement dans l'intention de deux ou plusieurs personnes, mais dans l'entente conclue entre deux ou plusieurs personnes en vue de commettre un acte illégal, ou d'accomplir un acte légal par des moyens illégaux. Tant qu'un tel projet reste au stade de l'intention, il ne peut faire l'objet de poursuites. Lorsque deux personnes conviennent de le mettre à exécution, le projet lui-même devient un acte distinct, et l'acte de chaque partie [...] devient punissable s'il vise un but criminel.
L'intention de conclure une entente, la conclusion d'une entente et l'existence d'un projet commun sont essentiels. Dans l'arrêt O'Brien, précité, le juge Taschereau a ajouté, à la p. 668:
[Traduction] Il n'est pas nécessaire qu'un acte manifeste soit accompli pour mettre le complot à exécution et commettre le crime, mais j'ai la certitude qu'il doit exister une intention de mettre le projet commun à exécution. Un projet commun implique nécessairement une intention. Ce sont des synonymes. L'intention ne peut consister qu'en la volonté de réaliser l'objet de l'entente.
(Soulignements ajoutés)
[32] Afin de déclarer un accusé coupable de complot, il ne suffit donc pas pour la poursuite de prouver qu'il y a eu une entente, mais il faut de plus qu'il y ait une preuve que l'accusé a consenti à participer à l'achèvement du but illégal:
40 Prévu par l'article 465 C.cr., le crime de complot en est un d'intention dont l'essence est la preuve de l'entente […]. Les éléments matériel et moral de l'infraction se chevauchent, l'actus reus étant le fait de s'entendre alors que la mens rea est l'intention réelle de s'entendre pour mettre à exécution le projet criminel.
41 […] [P]our prouver l'intention d'adhérer à un complot existant, il ne suffit pas de prouver que l'accusé avait connaissance d'un plan illégal. Il faut démontrer qu'il l'a fait sien et a consenti à participer à son achèvement [...] :
Adhérer à un complot existant, c'est beaucoup plus qu'en avoir connaissance, en discuter, avoir un intérêt dans sa réalisation ou même y donner son approbation; un complot ne constitue pas seulement une entente, il doit se manifester par "consent ... and the agreement to co-operate in the attaining of the evil end" […]. Notre Cour, dans Regina v. Lessard reflex, (1982), 10 C.C.C. (3d) 61, sous la plume du juge Bisson, approuvait cette définition selon laquelle l'entente "... must be to participate together in the co-operative pursuit of a common object" (p. 87). […]
42 En lisant cet extrait, on constate que le crime de complot ne peut se commettre par simple insouciance quant à l'objet de l'entente […].
(Références omises et soulignements ajoutés)
[33] Tout d'abord, il convient de souligner que la participation de l'accusé à l'un des "segments" du complot ne le rend pas nécessairement partie au complot, puisqu'il est possible que celui-ci ignorait (ou ne souhaitait pas) réaliser l'objet principal du complot. Il peut toutefois être possible d'inférer une telle volonté:
8.320 Participation in a subsidiary object of a conspiracy does not make a person a party to the conspiracy to achieve the principal object specified in the indictment. Thus, participation in the transportation of narcotics once in Canada does not in itself render the transporter a party to a charge of conspiracy to import narcotics […]. However, involvement in events following the importation may lead to an inference that the person was a party to conspiracy to import, as where a person attends a meeting to discuss the police seizure of the drugs.
(Soulignements ajoutés)
[34] Toutefois, cela ne signifie pas que la Couronne doive démontrer que l'accusé connaissait tous les "segments" du complot. Il est suffisant qu'il soit mis en preuve que l'accusé connaissait la nature du plan et que ce dernier avait sciemment décidé d'y participer:
8.1280 The Crown is not required to prove that an accused had knowledge of all details or phases of a conspiracy. Rather, it is sufficient to show participation in the conspiracy with knowledge of the essential nature of the plan. […]
8.1360 It is also important to note that it is not necessarily true that a person who performs only one of several overt acts of a conspiracy is a party to the conspiracy: the primary question is whether he or she has agreed that effect be given to the objects or purposes of the conspiracy (so that the overt act gives partial effect to those objects or purposes), or wheter the person's agreement is limited to part only of those objects or purposes.[…]
8.1380 […] For the same reasons, the fact that an accused has knowledge of a conspiracy to import and an interest in its successful completion does not necessarily make the accused a party to that conspiracy; he or she may only be a party to a conspiracy to traffic the drug after it arrives […].
(Soulignements ajoutés)
[35] Le juge du procès doit donc décider s’il existe une preuve suffisante des éléments constitutifs du crime, à savoir :
a) Une entente entre une ou plusieurs personnes afin d’accomplir un objet illégal (l’existence du complot);
b) La connaissance par la personne accusée de la nature générale du complot;
c) L’intention de cette personne d’adhérer au complot pour en réaliser l’objet.
[36] L’infraction de complot est une infraction distincte du crime substantif que deux ou plusieurs personnes ont tenté de commettre ou commis. « Conspirer », c’est s’entendre pour commettre un crime et l’entente est l’élément déterminant. Il faut de plus que le ministère public établisse l’intention de la personne accusée de conclure une entente, d’y participer et de réaliser l’objet de cette entente.
[37] Un agent provocateur ou un agent d’infiltration qui tend un piège ne peut être partie à un complot; faute d’intention, la conspiration est impossible.
[38] De plus, la commission d’un crime par plusieurs personnes n'entraîne pas nécessairement une conclusion de l’existence d’une entente. L’enquête importante ne porte pas sur les actes accomplis conformément à l’entente, mais plutôt sur la question de savoir s’il existe vraiment une entente.
[39] En matière de complot, la preuve d'actes manifestes est une exception à la règle du ouï-dire, puisqu'elle peut constituer une preuve incriminante, contre tous les membres du complot, et ce, même s'ils sont absents au moment du déroulement de ces actes. Dans l’arrêt R. c.Carter, la Cour suprême du Canada a élaboré une procédure en trois étapes encadrant la preuve d'actes manifestes, qui se résume comme suit:
En définitive, toutefois, pour que l'exception à la règle du ouï-dire puisse s'appliquer, la preuve relative à la question préliminaire de la participation de l'accusé au complot doit être présente. Dans son exposé au jury sur cette question, le juge du procès doit lui dire de décider si l'ensemble de la preuve le convainc hors de tout doute raisonnable de l'existence du complot reproché dans l'acte d'accusation. Si le jury n'en est pas convaincu, il doit alors acquitter l'accusé qui est inculpé d'avoir participé au complot. Si, toutefois, le jury conclut qu'il y a eu complot, comme on le prétend, il doit alors examiner la preuve et décider si, d'après la preuve directement recevable contre l'accusé, il est probable qu'il ait participé au complot. Si c'est là sa conclusion, le jury peut alors appliquer l'exception à la règle du ouï-direet considérer comme recevable contre l'accusé, relativement à la question de sa culpabilité, la preuve des actes posés et des déclarations faites par les coconspirateurs en vue de réaliser les objets du complot. Cette preuve, ajoutée aux autres éléments de preuve, peut suffire pour convaincre le jury hors de tout doute raisonnable que l'accusé a participé au complot et qu'il est donc coupable.
[Soulignements ajoutés]
[40] L’arrêt R. c. Carter propose la démarche analytique suivante pour déterminer la culpabilité d’une personne accusée à un complot :
a) Premièrement, existe-t-il une preuve hors de tout doute raisonnable de l’existence d’un complot?
b) Deuxièmement, si oui, existe-t-il une preuve directement recevable (c'est-à-dire exception faite des actes ou des déclarations des coconspirateurs) contre la personne accusée qui rend probable la participation de la personne accusée au complot?
c) Troisièmement, si oui, l’ensemble de la preuve établit-elle hors de tout doute raisonnable la culpabilité de la personne accusée à l’infraction qui lui est reprochée?
[41] Lorsqu’il existe une preuve directement admissible de l’existence d’un complot et du caractère probable que la personne accusée est l’un des conspirateurs, la preuve par ouï-dire devient admissible. Cela ne veut pas dire que, dans le but d’établir l’existence d’un complot ou le fait qu’un crime a été commis par deux ou plusieurs personnes, le ministère public ne peut pas faire la preuve d’un acte posé ou d’une parole prononcée par un tiers hors la présence de la personne accusée, si cet acte ou cette parole ne constitue pas du ouï-dire. Par ailleurs, les paroles prononcées par une personne impliquant directement ou nommément une autre personne accusée constituent du ouï-dire.
[42] À la première étape de l’analyse de type Carter, le ministère public doit prouver hors de tout doute raisonnable, l’existence du complot tel qu’énoncé au chef d’accusation. À cette étape, il ne s’agit pas de déterminer qui fait partie du complot, mais si l’ensemble de la preuve permet de conclure hors de tout doute raisonnable à l’existence du complot mentionné dans l’acte d’accusation. Toute preuve pertinente est admissible pour démontrer l’existence du complot, incluant les actes manifestes et les déclarations des conspirateurs.
[43] L’existence de l’entente peut être inférée de la preuve.
[44] À cette étape, il n’est pas nécessaire de connaître l’identité de tous les conspirateurs.
[45] De même, il n’est pas nécessaire que tous les membres du complot connaissent l’identité et le rôle joué par tous les autres membres du complot. Il suffit que les membres aient la connaissance de la nature générale du complot.
[46] Les actes et les déclarations de conspirateurs dans la poursuite du but commun, survenus avant que l’accusé ne joigne le complot, sont admissibles pour établir l’existence, la nature ou l’origine du complot, mais non sa participation.
[47] De la même manière, dans le cadre de la deuxième étape de l’arrêt Carter, le contenu d’une communication interceptée est admissible contre le déclarant alors que la connaissance de son contenu peut être imputée au récepteur.
[48] À la seconde étape de l’analyse de type Carter, le ministère public doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, la participation de la personne accusée. La participation probable de la personne accusée est déterminée en regardant uniquement la preuve directement recevable contre l’accusé lui-même. Cette preuve doit cependant être examinée en considérant le contexte. À cet égard, la Cour d’appel de l’Île-du-Prince-Édouard a écrit :
13. […] It is also important to bear in mind that the words and actions of the accused ought to be interpreted and considered in the context of the surrounding circumstances in which they occur. Although an accused can only become a member of a conspiracy by his own acts or declarations, that does not mean that what he says or does is to be viewed in isolation or without reference to the milieu in which they occur or that they cannot be interpreted against the picture provided by the acts of the alleged co-conspirators. In order to give meaning or to gain a proper appreciation of an accused’s own acts and declarations, it is permissible for the trier of fact to consider them in the context of the interaction with and among others.
[49] Ainsi, les paroles et les gestes d’une personne accusée doivent être analysés en fonction des paroles et des gestes des autres personnes avec lesquelles elle interagissait. Les paroles et les gestes des autres servent à comprendre le sens de ceux de la personne accusée. De plus, les paroles des autres peuvent constituer une exception au ouï-dire dans la mesure où elles ont été prononcées en présence de la personne accusée et que celle-ci par son attitude et ses répliques adopte le contenu de ce que disent ces personnes. À ce titre, elles seraient admissibles contre la personne accusée à la deuxième étape de l’arrêt Carter.
[50] À la deuxième étape de l’analyse Carter, le contenu d’un document est admissible contre son auteur. Par ailleurs, la connaissance du contenu du document est admissible contre la personne l’ayant en sa possession.
[51] Enfin, à la troisième étape de l’analyse Carter, le ministère public doit prouver hors de tout doute raisonnable la participation de la personne accusée au complot. À cette étape, l’exception à la règle du ouï-dire s’applique et les actes posés et les déclarations faites par les coconspirateurs en vue de réaliser les objets du complot sont recevables contre la personne accusée. Il s’agit de l’exception communément connue sous le nom « l’exception au ouï-dire, les actes manifestes ».
[52] Pour déclarer un accusé coupable de complot, le Tribunal doit donc être convaincu hors de tout doute raisonnable que le complot a eu lieu et que l'accusé y a participé. L'exception au ouï-dire peut être invoquée seulement lorsqu'une preuve directement recevable contre l'accusé établit la probabilité de sa participation au complot.
[53] Un geste ou une déclaration fait par un conspirateur non accusé, appelé ou non comme témoin au procès, est admissible à la troisième étape de l’analyse Carter uniquement s’il est probable que ce dernier ait participé au complot tel qu’exigé par la deuxième étape de l’analyse Carter.
[54] À la troisième étape, un document, s’il a été confectionné en vue de réaliser un ou des objets du complot, est recevable contre tous les conspirateurs. À la troisième étape, la communication interceptée est admissible contre les conspirateurs n’ayant pas participé à la communication en tant que telle, pourvu que celle-ci ait été faite en vue de réaliser l’un des objets du complot.
[55] La confession que fait un coconspirateur, après son arrestation ne vaut qu’à son endroit. De même, l’exception du ouï-dire ne vaut pas pour la déclaration qui ne fait pas avancer la conspiration et qui est purement narrative d’un événement survenu durant l’existence du complot.
[56] Si une personne adhère à un complot existant, elle devra avoir la connaissance de la nature du complot et l’intention de réaliser l’objet illégal. Cependant, il n’est pas nécessaire qu’elle connaisse toutes les modalités d’exécution du projet.
[57] La poursuite doit prouver l’existence d’un accord entre les parties au complot. Les discussions préalables dans le but d’arriver à une entente criminelle sont donc insuffisantes pour constituer l’infraction, mais elles pourront contribuer à prouver l’entente intervenue subséquemment. De la même manière, la preuve qu’une personne connaît l’existence d’un complot et qu’elle accomplit certains actes ayant pour effet de le faire progresser est insatisfaisante pour entraîner une déclaration de culpabilité : on doit faire la preuve d’une entente.
L'accusé doit faire sien le complot et consentir à son achèvement
R. c. Cléroux, 2012 QCCQ 9890 (CanLII)
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[161] Comme l'écrivait le juge Dickson dans R. c. Cotroni :
Conspirer c'est s'entendre. L'essence du complot criminel est la preuve de l'entente. Dans une accusation de complot, l'entente en soi est la substance de l'infraction: […]
[162] Dans l'arrêt R. c. Campeau, le juge Proulx définissait ainsi le complot :
« Un complot se définit comme (1) une entente entre au moins deux personnes (2) qui ont l'intention de participer ensemble (3) à la poursuite d'une fin illégale».
[163] Cette définition a été réitérée à maintes reprises par notre Cour d'appel. Dans l'arrêt Valcourt, la Cour d'appel rappelle que l'entente est l'élément déterminant. Il faut que la poursuite établisse l'intention de l'accusé de conclure une entente, d'y participer et de réaliser l'objet de cette entente. Pour paraphraser la Cour Suprême dans R. c. Déry, seule l'entente peut faire éclore le complot. Cette entente peut être expresse ou tacite. Il n'est pas requis qu'elle soit accompagnée d'actes commis dans le but de la réaliser. C'est la conclusion d'une décision commune pour la perpétration du crime qui engendrera la responsabilité criminelle d'un accusé. La Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt R. c. McNamara rappelle que la simple connaissance ou discussion d’un projet criminel ou encore l’acquiescement passif à un plan illégal, ne suffit pas pour qu’une entente commune naisse. Comme le font remarquer à juste titre les auteurs Annie-Claude Bergeron et Pierre Lapointe dans Collection de droit 2012-2013, [l]es discussions préalables dans le but d'arriver à une entente criminelle sont donc insuffisantes pour constituer l'infraction, mais pourront contribuer à prouver l'entente intervenue subséquemment. De la même manière, la preuve qu'une personne connaît l'existence d'un complot et qu'elle accomplit certains actes ayant pour effet de le faire progresser est insatisfaisante pour entraîner une déclaration de culpabilité : on doit faire la preuve d'une entente.
[164] L'accusé doit faire sien le projet et consentir à son achèvement.
[165] En appliquant les principes émis par la Cour Suprême dans R. c. Briscoe, notre Cour d'appel a récemment déterminé que la connaissance de l'objet d'un complot peut être fondée sur l'ignorance volontaire. L'ignorance volontaire d'un fait peut remplacer la connaissance réelle de ce fait chaque fois que la connaissance est un élément de la mens rea
[166] Une nuance à ces principes doit être apportée lorsqu'un agent provocateur est impliqué dans les discussions ou dans l'entente. Dans R. c. Giguère, la Cour d'appel du Québec rappelle le principe «bien connu en droit qu'un agent provocateur qui tend un piège ne peut être partie à un complot : faute d'intention, la conspiration est impossible (Rex c. Kotyszyn, [1949] 8 C.R. 246 (C.A.), juge Bissonnette; R. c. O'Brien, 1954 CanLII 42 (SCC), [1954] R.C.S. 666, à la p. 668, dans lequel la Cour suprême – juge Taschereau au nom de la majorité – approuve l'arrêt de notre cour dans Kotyszyn; dissident, le juge Fauteux prend soin, toutefois, de faire une distinction d'avec cet arrêt). Je note, d'ailleurs, que la poursuivante a pris soin de ne pas inclure le nom de Gaétan Gingras dans aucun des chefs de complot.». En l'espèce, la poursuite n'a pas inclus le nom de l'agent dans les chefs de complot.
[167] Pour établir la participation d'un accusé au complot, il peut être utile, sinon nécessaire, d'avoir recours à la procédure recommandée par la Cour suprême dans R. c. Carter à titre d'exception à la règle du ouï-dire. Notre Cour d'appel dans R. c. Couture résume ainsi ces étapes :
[109] L'étape initiale de la méthode d'analyse raisonnée énoncée dans l'arrêt Carter est celle où le juge des faits doit décider si l'ensemble de la preuve le convainc hors de tout doute raisonnable de l'existence du complot allégué dans l'acte d'accusation. Si tel est le cas, la deuxième étape consiste à se demander s'il est probable, en tenant compte de la preuve directement admissible contre l'accusé, que ce dernier a participé au complot. Si la réponse est positive, le juge des faits peut, à la troisième étape, appliquer l'exception à la règle d'exclusion du ouï-dire et tenir compte, dans la détermination de la culpabilité de l'accusé, des actes posés et des paroles prononcées par les coconspirateurs dans la poursuite du but commun.
[168] Il est à noter que les parties n'ont pas abordé cet aspect en plaidoirie ou lors du procès. Ainsi, le Tribunal n'élaborera pas davantage sur le sujet.
Une personne devient un participant à une infraction si elle aide ou encourage un des auteurs principaux à la commettre
R. c. J.F., [2013] 1 RCS 565, 2013 CSC 12 (CanLII)
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Le fait d’être un participant à un complot constitue une infraction qui existe en droit canadien. Contrairement à la tentative de complot, cette infraction ne découle pas de la superposition de deux formes de responsabilité inchoative et ne souffre pas d’absence de proximité.
Il existe deux écoles de pensée au Canada sur la question de savoir comment, et dans quelles circonstances, une personne peut être jugée responsable comme participant à l’infraction de complot. L’approche restrictive (le modèle dégagé dans Trieu) limite l’application de cette forme de responsabilité à ceux qui fournissent aide ou encouragement à la formation de l’entente. L’approche large (le modèle dégagé dans McNamara) étend cette responsabilité à ceux qui fournissent aide ou encouragement à la poursuite de la fin illégale visée par le complot. L’approche qui doit être suivie est celle prévue dans Trieu et non celle dégagée dansMcNamara. L’application de la notion de responsabilité comme participant se limite aux cas où l’accusé fournit aide ou encouragement à la formation initiale de l’entente ou encore aide ou encourage de nouveaux membres à se joindre à une entente préexistante.
Le modèle dégagé dans Trieu représente un fondement légitime permettant de conclure à la responsabilité comme participant à l’infraction de complot. Une personne devient un participant à une infraction si elle aide ou encourage un des auteurs principaux à la commettre. Il s’ensuit que la responsabilité comme participant est établie lorsque l’accusé a fourni aide ou encouragement à l’égard de l’actus reus du complot, c’est‑à‑dire l’acte consistant pour les conspirateurs à s’entendre.
Le modèle dégagé dans McNamara n’est pas un fondement permettant de conclure à la responsabilité comme participant à l’infraction de complot. Des actes accomplis dans la poursuite de la fin illégale visée par le complot ne constituent pas un élément de l’infraction de complot. Le fait de fournir aide ou encouragement à la poursuite de la fin illégale ne prouve pas que l’accusé a aidé ou encouragé l’auteur principal à commettre quelque élément constitutif de l’infraction de complot, et il ne saurait justifier une conclusion de responsabilité comme participant au complot. Toutefois, le fait qu’une personne ayant connaissance d’un complot accomplit ou omet d’accomplir une chose dans la poursuite de la fin illégale, et ce, au su et avec le consentement d’un ou de plusieurs des conspirateurs existants, constitue une solide preuve circonstancielle permettant d’inférer que cette personne est membre du complot.
Bien que la notion de responsabilité comme participant à un complot s’applique aux personnes qui aident à la formation d’une nouvelle entente (le modèle dégagé dans Trieu), elle vise également celles qui fournissent aide ou encouragement à l’égard d’une entente préexistante. Le fait de fournir une aide ou un encouragement de cette nature facilite la perpétration par le nouveau membre de l’infraction de complot — c’est‑à‑dire l’acte consistant à s’entendre.
L'état du droit en matière de complot
R. c. Lagacé, 2013 QCCQ 4482 (CanLII)
[7] Dans le jugement du 1er mars, le Tribunal a résumé l'état du droit en matière de complot. Cependant, ce même jour, la Cour suprême a rendu un important arrêt dans l'affaire R. c. J.F. Cet arrêt vient préciser les règles de responsabilité comme participant à une infraction de complot. Le Tribunal croit essentiel de reproduire ici certains principes enseignés par le plus haut tribunal du pays.
[8] Après avoir rappelé la définition d'un complot tel que précisée dans R. c. O'Brien, le juge Moldaver pose la question suivante:
(…) La responsabilité comme participant devrait-elle être réservée aux personnes qui fournissent aide ou encouragement à l'égard de l'entente à la base du complot, ou cette forme de responsabilité s'applique-t-elle aussi aux personnes qui fournissent aide ou encouragement à la poursuite de la fin illégale visée par le complot?
[9] Dans un premier temps, après analyse, le juge Moldaver se dit "convaincu que le fait d'être un participant à un complot constitue une infraction qui existe en droit".
[10] Puis, il aborde une question plus difficile à trancher, à savoir comment et dans quelles circonstances une personne peut être jugée responsable comme participant à l'infraction de complot.
[11] Après avoir exposé les deux écoles de pensée existant jusqu'alors au Canada, soit l'approche restrictive, dont l'arrêt de principe est l'affaireTrieu et l'approche large inspirée de l'affaire McNamara, le juge Moldaver élabore sur l'approche qui doit prévaloir dorénavant, soit l'approche restrictive. Voici comment il s'exprime:
[42] J’en viens maintenant à l’approche large retenue dans McNamara et à la question centrale de la présente espèce — soit celle de savoir si la responsabilité comme participant peut être imputée à une personne qui a connaissance du complot et qui accomplit (ou omet d’accomplir) une chose en vue de la poursuite de la fin illégale visée par le complot.
[43] Avec égards pour ceux qui sont d’avis différent, j’estime que cette responsabilité ne saurait être imputée à une telle personne. La responsabilité comme participant devrait être réservée aux comportements apportant aide ou encouragement à la formation de l’ententequi constitue l’essence même du crime de complot. Dans tous les autres cas, l’accusé ne sera pas déclaré coupable de complot en l’absence de preuve qu’il était membre de celui‑ci.
[44] Comme je l’ai expliqué plus tôt, l’entente est un élément central de l’infraction de complot. À l’inverse, un acte accompli dans la poursuite de la fin illégale ne constitue pas un élément de l’infraction de complot. Bien qu’un tel acte puisse être invoqué à titre de preuve circonstancielle pour démontrer l’existence d’un complot, il ne constitue pas en soi un élément constitutif de l’actus reus de cette infraction. D’ailleurs, il est possible de prouver le complot en l’absence de tout acte manifeste accompli dans la poursuite de la fin illégale visée par le complot. Autrement dit, [traduction] « [l]e crime de complot est complet lorsque l’entente est conclue » : Trieu, par. 31.
[45] Selon moi, il découle de ce qui précède que l’approche large, telle qu’elle a été retenue dans l’arrêt McNamara, doit être rejetée. Le fait de fournir aide ou encouragement à la poursuite de la fin illégale ne prouve pas que l’accusé a aidé ou encouragé l’auteur principal à commettre quelque élément constitutif de l’infraction de complot. Ce fait ne saurait justifier une conclusion de responsabilité comme participant au complot.
[Soulignements ajoutés]
[12] Une fois le principe juridique clairement arrêté, le juge Moldaver formule divers commentaires relatifs à la preuve circonstancielle permettant d'inférer qu'une personne est membre du complot:
[52] À mon avis, le fait qu’une personne ayant connaissance d’un complot (connaissance qui, par définition, emporte celle de la fin illégale recherchée) accomplit (ou omet d’accomplir) une chose dans la poursuite de la fin illégale, et ce, au su et avec le consentement d’un ou de plusieurs des conspirateurs existants, constitue une solide preuve circonstancielle permettant d’inférer que cette personne est membre du complot. Plus précisément, cela constituerait la preuve d’une entente, tacite ou expresse, tendant à la réalisation de la fin illégale. En fin de compte, il s’agit d’une question qui relève du juge des faits, qui doit décider s’il est raisonnablement possible de tirer de la preuve une autre inférence que l’existence d’une entente. Toutefois, comme je vais l’expliquer, la présente affaire illustre comment une accumulation de faits de ce genre peut rendre quasi certaine la conclusion qu’une personne est membre d’un complot.
[53] En tirant cette conclusion, je tiens à souligner que la preuve des complots est souvent circonstancielle. Les cas où l’on dispose d’une preuve directe de l’existence d’une entente tendent à être rares. Toutefois, il est courant que le fait qu’une personne est membre d’un complot puisse être inféré de la preuve d’une conduite aidant à la perpétration de la fin illégale. Le juge Rinfret a énoncé ce point fondamental dans l’arrêt Paradis c. The King (1933), 1933 CanLII 75 (SCC), [1934] R.C.S. 165, il y a quelque 80 ans de cela :
[traduction] Comme tous les autres crimes, le complot peut être établi par voie d’inférence à partir de la conduite des personnes en cause. Il ne fait aucun doute que l’entente intervenue entre elles constitue l’élément essentiel de l’infraction, mais ce n’est que dans de rares cas qu’il sera possible de l’établir au moyen d’une preuve directe. [p. 168]
[54] En outre, il n’est pas nécessaire que tous les membres d’un complot jouent, ou aient l’intention de jouer, des rôles égaux dans la perpétration ultime de la fin illégale. De fait, il n’importe pas qu’ils aient commis personnellement, ou aient eu l’intention de commettre personnellement, l’infraction dont la perpétration a été convenue par chacun d’entre eux : R. c. Genser reflex, (1986), 39 Man. R. (2d) 203 (C.A.), conf. par 1987 CanLII 5 (CSC), [1987] 2 R.C.S. 685. Toute assistance, quelle qu’en soit l’ampleur, fournie par une personne dans la poursuite de la fin illégale peut mener à la conclusion que cette personne est membre du complot, dans la mesure où l’existence d’une entente sur un projet commun peut être inférée et que la preuve de l’état mental requis a été établie.
[13] Puis, le juge Moldaver s'attarde à la situation où une ou des personnes aide ou encourage quelqu'un à devenir membre d'un complot pré-existant.
[14] Le juge Moldaver conclut comme suit:
[72] Le fait de fournir aide et encouragement à l’égard d’un complot est une infraction qui existe en droit canadien. L’infraction est prouvée lorsque l’accusé aide ou encourage une personne relativement à l’actus reus du complot, c’est‑à‑dire à l’acte de s’entendre. Il s’ensuit que l’approche adoptée dans Trieu est le seul fondement permettant de conclure à la responsabilité comme participant à l’infraction de complot. L’approche retenue dans McNamara est rejetée.
[73] Je tiens toutefois à signaler que le comportement visé par l’affaire McNamara peut fort bien étayer le dépôt d’une accusation de complot. Comme il a été indiqué plus tôt, le fait qu’une personne ayant connaissance d’un complot accomplit (ou omet d’accomplir) une chose dans la poursuite de la fin illégale, et ce, au su et avec le consentement d’un ou de plusieurs des conspirateurs existants, constitue une solide preuve circonstancielle indiquant que cette personne est membre du complot.
[74] L’approche que j’ai adoptée introduit une certaine mesure de simplicité et de clarté dans le droit applicable. L’application de la notion de responsabilité comme participant se limite aux cas où l’accusé fournit aide ou encouragement à la formation initiale de l’entente ou encore aide ou encourage de nouveaux membres à se joindre à une entente préexistante.
[Soulignements ajoutés]
Il ne suffit donc pas que deux personnes s'entendent pour qu'il y ait complot, encore doivent-elles avoir l'intention de poursuivre la fin illégale, car la simple connaissance d'un complot ou l'acquiescement passif à un plan illégal ne suffit pas
R. c. Aflalo, 1991 CanLII 2725 (QC CA)
En matière pénale, le complot se définit essentiellement comme une entente entre des personnes de poursuivre une fin illégale. Le professeur MacKinnon précise: «the agreement must be to participate together in the co-operative pursuit of a common object». L'entente étant l'actus reus, la mens rea sera établie si les participants ont eu l'intention de poursuivre la fin illégale.
Il ne suffit donc pas que deux personnes s'entendent pour qu'il y ait complot, encore doivent-elles avoir l'intention de poursuivre la fin illégale. À l'inverse, le fait que deux personnes poursuivent le même but illégal, donc qu'elles aient toutes les deux l'intention de le commettre ne font pas de ces personnes des conspirateurs s'ils n'ont pas formé une entente.
L'entente signifie un accord des volontés. Des individus peuvent avoir discuté, négocié, communiqué entre eux sans que pour autant une entente commune naisse.
Également, la simple connaissance d'un complot ou l'acquiescement passif à un plan illégal ne suffit pas. C'est ce qu'a rappelé la Cour d'appel d'Ontario dans l'arrêt R. c.McNamara et al (no 1).
L'infraction de complot étant constituée de l'entente et de l'intention des parties de poursuivre la fin illégale, le retrait ou le désistement subséquent ne change rien à la culpabilitéquant à l'infraction de complot. Restera à déterminer l'étendue de la responsabilité des conspirateurs si le but illégal est réalisé. Enfin, il n'est pas requis qu'il y ait entente formelle et expresse: l'on peut très bien considérer la formation d'une entente tacite dans le cas où les conspirateurs n'expriment pas ouvertement leur consentement à poursuivre la fin illégale mais où leurs actes démontrent clairement leur adhésion et leur intention de poursuivre une fin illégale.
Relativement à une accusation de complot, la preuve des communications entre les présumés complices revêt une grande importance
D'Avignon c. R., 2012 QCCA 1990 (CanLII)
[43] Relativement à une accusation de complot, la preuve des communications entre les présumés complices revêt une grande importance et retenir à tort que l'appelant a communiqué avec l'un d'eux après les appels faits chez les victimes et l'avertissement de Stéphane Benoît paraît très préjudiciable à l'appelant.
[44] Dans États-Unis d'Amérique c. Dynar, la Cour suprême expose ainsi les éléments essentiels de l'infraction de complot :
86. Dans l’arrêt R. c. O’Brien, 1954 CanLII 42 (SCC), [1954] R.C.S. 666, aux pp. 668 et 669, notre Cour a fait sienne la définition du complot énoncée dans l’arrêt anglais Mulcahy c. The Queen (1868), L.R. 3 H.L. 306, à la p. 317:
[TRADUCTION] Un complot ne réside pas seulement dans l’intention de deux ou plusieurs personnes, mais dans l’entente conclue entre deux ou plusieurs personnes en vue de commettre un acte illégal, ou d’accomplir un acte légal par des moyens illégaux. Tant qu’un tel projet reste au stade de l’intention, il ne peut faire l’objet de poursuites. Lorsque deux personnes conviennent de le mettre à exécution, le projet lui‑même devient un acte distinct, et l’acte de chaque partie [. . .] devient punissable s’il vise un but criminel …
L’intention de conclure une entente, la conclusion d’une entente et l’existence d’un projet commun sont essentiels.
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