mardi 30 novembre 2010

Une contrainte physique minimale peut constituer l'actus reus du crime de séquestration

Francillon c. R., 2010 QCCA 2033 (CanLII)

[53] Il est reconnu par les tribunaux qu'une contrainte physique minimale peut constituer l'actus reus du crime de séquestration : R. c. B.(S.J.) 2002 ABCA 143 (CanLII), (2002), 166 C.C.C. (3d) 537, paragr. 41 (C.A. Alb.). Notre Cour a analysé l'infraction de séquestration au sens du paragr. 279 (2) C.cr. dans l'arrêt R. c. Tremblay 1997 CanLII 10526 (QC C.A.), (1997) 117 C.C.C. (3d) 86; [1997] J.Q. no 1816 (QL), où le juge LeBel, alors juge de cette Cour, écrit ;

Il semble donc que la définition de l'infraction dans l'arrêt Gratton représente bien l'état du droit au Canada (voir aussi R. c. Lemaigre, [1987] S.J. No. 78 (jugement oral de la Cour d'appel de Saskatchewan; R. c. Doan, [1994] B.C.J. No. 2685 (B.C. S.C.), R. c. Hagen, [1992] N.W.T.J. No. 139 (Northwest Territories Territorial Court), R. c. S.A.M., [1993] O.J. No. 1368 (Ont. G.d.); R. c. K.B.V., [1995] O.J. no. 1431 (Ont. C.A.). L'infraction de séquestration implique ainsi une restriction physique des mouvements d'une personne contre sa volonté, qui l'empêche de se déplacer d'un endroit à l'autre. Elle exige un élément intentionnel, soit l'intention de séquestrer qui peut se dégager de l'ensemble des actes posés par le prévenu. Si la victime accepte de sa pleine volonté une limitation à sa liberté de mouvements, on ne retrouve pas un état de séquestration au sens du Code criminel (voir McIlwaine c. R., 1996 CanLII 5884 (QC C.A.), [1996] R.J.Q. 2529, p. 2537 (C.A.).

Illustration jurisprudentielle d'une inexécution contractuelle qui devient un vol par détournement

R. c. Côté, 1990 CanLII 3010 (QC C.A.)

Si la victime s'est adressée à la justice pénale, c'est parce qu'elle ne pouvait retracer ni le véhicule-automobile loué à l'appelant ni son débiteur qui se trouvait en défaut aux termes de son contrat.

La victime était en droit d'estimer que son véhicule avait été détourné.

L'accusation en est une de vol suivant la notion que comportait l'ancien article 283, maintenant l'article 322.

Il est acquis au débat que ce crime en est un d'intention spécifique.

La preuve doit révéler que l'inculpé possédait l'intention frauduleuse de détourner le véhicule à son usage, privant ainsi le propriétaire de son bien.

En bref, le 2 avril 1986, l'appelant loue une voiture d'un concessionnaire Ford à Ste-Anne-de-la-Pérade.

Le contrat est pour une période de quarante-huit mois avec des paiements mensuels de 357,96 $. L'appelant fait un dépôt pour cette somme et fait quelques paiements mensuels. A compter de l'automne 1986, le créancier demeure sans nouvelles et de la voiture et du débiteur, ce dernier n'ayant qu'une case postale à Ste-Anne-de-la-Pérade.

Le 21 janvier 1987, le propriétaire rapporte la voiture volée. Ses paiements des 2 novembre, 2 décembre et 2 janvier n'ont pas été faits.

La voiture est retrouvée à Longueuil le 10 mars, en face du Bar New Yorker. Dans l'intervalle, l'appelant était allé en Ontario.

Face au départ de l'appelant de la région de Ste-Anne-de-la-Pérade sans donner une nouvelle adresse à son créancier, eu égard au défaut de l'appelant de communiquer avec le propriétaire du véhicule alors qu'il avait cessé ses paiements et en présence du fait que l'appelant a continué à utiliser le véhicule, je ne peux me convaincre que le premier juge n'avait pas devant lui quelque élément de preuve qui lui permettait de conclure de façon raisonnable que l'appelant avait l'intention frauduleuse de détourner la voiture à son propre usage et d'en priver le propriétaire, se rendant ainsi coupable de vol.

lundi 29 novembre 2010

Une personne qui ne comprend pas son droit à l'avocat n’est pas en mesure de l’exercer

R. c. Stabile, 2010 QCCQ 10118 (CanLII)

[34] Dans l’arrêt Evans, précité, la juge McLachlin, au paragr. 31, rappelle que :

31 Le droit d’être informé dans les plus brefs délais des motifs de son arrestation énoncé à l’al. 10a) de la Charte découle fondamentalement de la notion que personne n’est tenu de se soumettre à une arrestation [page 887] dont il ne connaît pas le motif : R. v. Kelly reflex, (1985), 17 C.C.C. (3d) 419 (C.A. Ont.), à la p. 424. Un second aspect de ce droit découle de son rôle complémentaire à l’égard du droit à l’assistance d’un avocat que confère l’al. 10b) de la Charte. Comme le juge Wilson le dit dans l’arrêt R. c. Black, 1989 CanLII 75 (C.S.C.), [1989] 2 R.C.S. 138, aux pp. 152 et 153 ” [u]ne personne ne peut valablement exercer le droit que lui garantit l’al. 10b) que si elle connaît l’ampleur du risque qu’elle court ”. Pour interpréter l’al. 10a) en tenant compte de son objet, il faut prendre en considération le double fondement de ce droit.

[35] Dans l’évaluation d’une violation de l’al. 10a) de la Charte, la juge McLachlin spécifie, au paragr. 35, que « c’est la substance de ce qu’on peut raisonnablement supposer que [le détenu] a compris qui est déterminante plutôt que le formalisme des mots exacts utilisés. »

[37] On peut donc conclure que l’accusé « a été mis au courant des faits susceptibles de lui permettre de décider s’il devait continuer de se soumettre à la détention » : R. c. Evans, précité, paragr. 36.

[41] Tel que mentionné par la Cour d’appel du Québec, dans l’arrêt R. c. Reber, [1990] J.Q. No 302 (C.A.), EYB 1990-57300, au paragr. 22, « une attitude semblable constituait dès le départ un accroc au droit à l’avocat ».

[42] Il est évident que les policiers n’ont pas respecté les dispositions de l’al. 10b) de la Charte au moment initial de l’arrestation. L’accusé n’a été avisé de son droit à l’assistance d’un avocat qu’une fois amené devant l’alcootest, et ce, dans une langue qu’il ne connaissait pas.

[43] Incapables de lui expliquer en français l’étendue de ce droit quand il leur a mentionné qu’il ne les comprenait pas, les policiers lui ont remis une carte des droits bilingue afin qu’il puisse s’auto-informer.

[44] Dans l’arrêt Evans, précité, la Cour suprême énonce, au paragr. 44, ceci :

44 […] Une personne qui ne comprend pas son droit n’est pas en mesure de l’exercer. L’objet de l’al. 10b) est d’exiger des policiers qu’ils fassent connaître à la personne détenue son droit à l’assistance d’un avocat. […] Mais lorsque, comme en l’espèce, il y a des signes concrets que l’accusé ne comprend pas son droit à l’assistance d’un avocat, les policiers ne peuvent se contenter de la récitation rituelle de la mise en garde relative à ce droit de l’accusé; ils doivent prendre des mesures pour faciliter cette compréhension.

[45] « L’obligation d’informer un citoyen arrêté de son droit à l’avocat comporte nécessairement celle de s’assurer qu’il comprend la portée de son droit, ce qui lui permet de décider s’il veut se prévaloir de son droit ou y renoncer en toute connaissance de cause » : R. c. Reber, précité, paragr. 24.

[46] Remettre une carte bilingue à une personne arrêtée ou détenue pour qu’elle en prenne connaissance par elle-même n’est pas un moyen acceptable permettant de s’assurer qu’elle est en mesure de bien comprendre la portée de son droit.

[47] La procédure appropriée aurait été de solliciter l’aide d’un autre agent « peacekeeper », s’exprimant convenablement en français, pour l’informer de ses droits. À cette étape, si personne ne pouvait intervenir efficacement, il fallait requérir les services d’un interprète toujours disponible en cas d’arrestation ou de détention d’une personne de langue étrangère.

[49] Lorsqu’un détenu saisit le contenu et la portée des informations transmises, il peut alors en toute connaissance de cause renoncer à l’exercice du droit à l’avocat. « [T]oute renonciation volontaire doit se fonder sur une appréciation véritable des conséquences de la renonciation à ce droit » : R. c. Clarkson, 1986 CanLII 61 (C.S.C.), [1986] 1 R.C.S. 383, p. 396. « Il s’ensuit qu’une renonciation ne vaut pas si l’accusé n’a pas compris qu’il avait droit à l’assistance d’un avocat sans délai » : R. c. Reber, précité, paragr. 26.

[50] Quelle compréhension l’accusé avait-il des informations inscrites sur cette carte des droits? Les policiers n’en savent rien. L’accusé comprenait-il qu’il avait la possibilité de s’entretenir avec l’avocat de son choix ou avec un avocat du service de garde de l’aide juridique ou de la pratique privée sans égard à ses moyens financiers? Même si l’accusé n’a pas témoigné au soutien de sa requête, il ne ressort de la preuve qu’une forme d’incompréhension ou une absence d’informations à ce sujet.

dimanche 28 novembre 2010

La fourchette des peines concernant l'infraction de fraude lorsque celle-ci est d'une valeur de plusieurs centaines de milliers de dollars, voire de millions

R. c. Lloyd, 2010 QCCQ 9170 (CanLII)

[59] Mais ce n'est pas une fraude de grande envergure qu'il s'agit de sanctionner ici. Ces précédents ne sont dès lors utiles que pour fermer la fourchette sentencielle envisageable : si la fraude de plusieurs centaines de milliers de dollars, voire de millions, mérite habituellement une peine d'emprisonnement ferme variant de 12 mois à 5 ans, avec une moyenne oscillant entre 18 mois et 3 ans, la fraude de 18 000 $ pour laquelle monsieur Lloyd doit être sanctionné mérite forcément une peine significativement inférieure, avec ou sans sursis.

L'effet des amendements conférant un effet rétrospectif à la nouvelle version de l’article 258 (1) C.cr

R. c. Loiseau, 2010 QCCA 1872 (CanLII)

[10] L'effet des amendements a été très bien décrit par un juge de la Cour de justice d'Ontario dans R. c. Mariano, cité avec approbation par le juge MacPherson de la Cour d'appel d'Ontario dans R. c. Dineley :

At the time that this offence allegedly occurred, section 258 of the Criminal Code enabled the prosecution to establish certain facts by way of presumptions. In particular, once certain preconditions were met, section 258(1)(c) and (d.1) provided Crown counsel with a statutory shortcut by deeming that, where the lower result of the two breath samples taken from an accused exceeded the legal limit, her blood alcohol concentration at the time the offence alleged occurred was presumed to be at the same level. By this means the prosecutor avoided having to call expert evidence to relate the results of the accused's breath tests back to the time that she was driving or in care and control of a motor vehicle. This is known as the presumption of identity.

The presumption of identity was available to the Crown in the absence of "evidence to the contrary" namely evidence capable of raising a reasonable doubt about the accused's blood alcohol level at the time of the offence. In the past, evidence to the contrary typically consisted of testimony from the accused, and sometimes other witnesses, about her pattern of drinking prior to driving, along with evidence from a toxicologist indicating that, if the accused had consumed the amount she claimed, her blood alcohol level at the time of the offence would have been below the legal limit.

Pursuant to the Tackling Violent Crime Act, S.C. 2008, c. 6 (Bill C-2), which was enacted on July 2, 2008, section 258(1)(c) now provides that the result of the accused's lowest breath test is conclusive proof of her blood alcohol concentration at the time of the offence, in the absence of evidence tending to show:

● the approved instrument malfunctioned or was improperly operated;

● the malfunction or error resulted in the "over 80" result; and

● the accused's blood alcohol concentration would not have exceeded 80 milligrams of alcohol in 100 millilitres of blood at the time she was driving or in care and control of a motor vehicle.

In addition, section 258(d.01) precludes testimony with respect to the accused's alcohol consumption or her rate of elimination or a calculation of the accused's blood alcohol concentration premised on those factors from being advanced as evidence tending to show a problem with either the breath testing equipment or the testing procedure.

Where no challenge is being made to the accuracy of the results of the accused's breath tests, the amended section 258(d.1) permits the introduction of evidence that gives rise to the possibility that something, apart from normal biological processes, happened between the time of the alleged offence and the time of the breath tests that could have affected the accused's blood alcohol concentration. As an example, an accused person can still rebut the presumption of identity by leading evidence of bolus drinking or post-offence drinking.

vendredi 26 novembre 2010

Quand l’accusé peut obtenir l’autorisation de retirer un plaidoyer de culpabilité selon la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick

Monteith c. R., 2010 NBCA 77 (CanLII)

[3] Pour que l’appelant puisse obtenir l’autorisation de retirer un plaidoyer de culpabilité particulier, il doit établir l’existence d’au moins un des facteurs suivants : 1. il ne connaissait pas la nature des allégations soulevées contre lui dans l’accusation connexe; 2. il ne connaissait pas les effets et les conséquences possibles de son plaidoyer; 3. le plaidoyer en question n’avait pas été fait volontairement; 4. le plaidoyer était équivoque.

La durée des sanctions au niveau de la SAAQ à la suite de condamnation pour des infractions de conduite prévues au Code criminel

La sanction prend effet dès le jour de la déclaration de culpabilité. Sa durée est établie selon le nombre de sanctions imposées à la suite de condamnations pour ces infractions au Code criminel au cours des 10 dernières années.

1re sanction
1 an (3 ans pour une alcoolémie supérieure à 160 mg/100 ml ou un
refus**, 4 ans pour une omission d’arrêter lors d’un accident ou d’une
poursuite policière)

2e sanction
3 ans (5 ans pour une alcoolémie supérieure à 160 mg/100 ml, un refus
ou une omission d’arrêter lors d’un accident ou d’une poursuite policière)

3e sanction et les suivantes

5 ans

Cependant, cette sanction imposée en vertu du Code de la sécurité
routière ne peut être inférieure à la durée de l’interdiction de conduire
imposée par le tribunal.

Tiré de:
http://www.saaq.gouv.qc.ca/publications/permis/infractions_code_criminel.pdf

mercredi 24 novembre 2010

Le droit applicable à l'infraction de voies de fait - Revue du droit exhaustive par le juge Salvatore Mascia

R. c. Doré, 2010 QCCQ 4568 (CanLII)

[29] À l’article 265 (1) a) et b) du Code criminel, le législateur a codifié les deux infractions prévues par la common law de « assault and battery ». Le « assault » de la common law correspond à l’alinéa b) de l’article 265 (1), c'est-à-dire la menace d’emploi immédiat de la force. Quant au « battery », ce crime correspond à l’alinéa a) de l’article 265 (1), c'est-à-dire, l’emploi illégal de la force. Dans la cause de R. v. Mackay, la Cour suprême, dans un court jugement sous la plume du juge Charon, explique que les alinéas 265 (1) a) et 265 (1) b) ne créent pas des infractions distinctes, mais décrivent simplement deux façons de commettre la même infraction.

[30] Le premier mode de perpétration des voies de fait consiste dans l'emploi de la force ou d'un contact physique contre une autre personne. Il y a lieu de noter que notre jurisprudence a reconnu que le simple fait d'effleurer une personne constituait des voies de fait. Dans la même veine, le juge Hinkson dans la cause de Cadden cite l'auteur Salmond, The Law of Torts, 17 ed., pour expliquer le principe voulant que l'emploi de la force à l'article 265 (1) du Code criminel ne requière pas de la violence ou de la puissance et peut inclure toute forme d'utilisation de la force sur une autre personne sans son consentement :

The application of force to the person of another without lawful justification amounts to the wrong of battery. This is so, however trivial the amount or nature of the force may be, and even though it neither does nor is intended nor is likely or able to do any manner of harm. Even to touch a person without his consent or some other lawful reason is actionable. (P. 120 dans Salmond; reproduit au par. 11 dans le jugement de Cadden)

The term “forcible” is used in a wide and somewhat unnatural sense to include any act of physical interference with the person … of another. To lay one’s finger on another without lawful justification is as much a forcible injury in the eye of the law, and therefore a trespass, as to beat him with a stick. (P. 5 dans Salmond; reproduit au par. 12 dans Cadden)

[31] Le second moyen de commettre des voies de fait ne vise pas l'application de la force physique. Au contraire, ce deuxième moyen consiste dans la tentative ou la menace de l'emploi immédiat de la force sur quelqu'un. Cette menace doit être faite au moyen d'un acte ou d'un geste comme brandir un couteau en direction d'une personne ou montrer le poing à une autre personne. De plus, l'agresseur doit être en mesure de mettre ses menaces à exécution sur-le-champ ou la victime doit avoir des motifs raisonnables de croire que tel est le cas.

[32] Dans l'arrêt Stephen v. Myres (1830), 172 E.R. 735, le tribunal a expliqué que tout acte de menace qui n'est pas accompagné de violence, ne constitue pas nécessairement des voies de fait. La loi requiert un élément additionnel : les moyens et la capacité de mettre à exécution les menaces. Ainsi, des menaces qui ne risquent pas de se concrétiser ne constituent pas des voies de fait.

[33] Quant à l'appréhension de violence, elle doit être raisonnable en plus d'être liée à l'anticipation imminente d'un assaut. L'élément « appréhension de violence » s'établit suivant un test objectif : est-ce que l'acte ou le geste reproché a provoqué dans l'esprit d'une personne raisonnable une crainte raisonnable d'assaut immédiat?

[34] Le caractère raisonnable de la crainte dépendra des faits particuliers de la cause. Ainsi, un accusé qui ne fait qu'enguirlander un plaignant ne crée pas chez ce dernier une appréhension raisonnable de violence. Invectiver quelqu'un de façon grossière et bruyante pour exprimer son mécontentement ne constitue pas des voies de fait.

[35] Toutefois, l'ajout de gestes, d'actes ou de propos menaçants aux invectives d'un accusé peut donner lieu à une appréhension raisonnable de violence. Ainsi, l'individu qui tend ses poings à la victime qu'il enguirlande est coupable de voies de fait selon l'article 265 (1) b) du Code criminel. Par son geste (exhiber ses poings) et par le contexte (il est verbalement abusif envers le plaignant), il crée une appréhension raisonnable de violence immédiate. De même, une appréhension raisonnable de violence est établie quand un accusé—alors qu'il est tout près du plaignant qu'il enguirlande—menace de le tuer ou de le blesser.

[36] Puisque la définition de voies de fait prévue à l'article 265 (1) b) exige la commission d'une action ou d'un geste, les simples paroles ne peuvent constituer une agression. Ce principe fut adopté par la Cour d'appel de Terre-Neuve dans la cause de R v. Byrne. Dans cette affaire, le défendeur s'est présenté au guichet d'un théâtre à Vancouver et il a répété à trois ou quatre reprises les propos suivants à la caissière : «J'ai une arme, donne-moi tout l'argent sinon je tire.» L'accusé avait un manteau sur le bras et aucune arme n'était visible. Le juge Tysoe de la Cour d'appel a infirmé le jugement de première instance en expliquant qu'il n'y a pas eu de voies de fait, car l'accusé n'a pas commis d'acte ou de geste. Dans son jugement, le juge Tysoe, s'est appuyé, entre autres, sur les autorités suivantes :

In 10 Hals. 3d ed., p. 740, para. 1423, is the following:

« Mere words can never amount to an assault. (1 Hawk. P.C. c. 15(2), s. 1). There must be some act indicating an intention of assaulting, or which an ordinary person might reasonably construe as indicating such an intention, or some act amounting to an attempt. »

And in the Encyclopedia of the Laws of England, 2nd ed., vol. 1 p. 530, assault is defined as a « threat, otherwise than by words, of using force to another, accompanied by a real or apparent capacity to carry out the threat. »

[37] Dans ce même jugement, le juge Robertson précise qu'avoir un manteau sur le bras ne constitue pas un « acte ou un geste » et qu'il n'y avait aucune preuve de mouvement significatif du bras de l'accusé. Il est arrivé, ainsi, aux mêmes conclusions que le juge Tysoe:

I think that the words « act or gesture » … were indented to preserve the common law rule that mere words can never amount to an assault. If a man standing within arm's length of another say to him «I am going to punch you in the nose» and does nothing, he does not thereby commit an assault; but, if he accompanies his words with the clenching of his fist an the drawing back of his arm, he does thereby commit an assault. The words are not an act or gesture; the cocking of his fist is. Further, how can a man by mere words « attempts … to apply force to another? »

[38] Dans la même veine, le juge Hinkson dans l'arrêt Cadden, supra, reprend le principe voulant que les simples paroles ne correspondent pas à un acte ou un geste et, de ce fait, ne peuvent constituer des voies de fait. De plus, il ajoute que l'acte ou le geste envisagé à l'article 265 (1) b) doit être compatible avec une tentative d'appliquer la force. Pour reprendre les propos du juge Hinkson :

Under the Criminal Code, it is clear that words alone cannot amount to an assault because s. 244(1)(b) requires an « act or gesture » by the accused. Further, this act or gesture must amount to an attempt to apply force. (Par. 16)

b) L'élément intentionnel

[39] Les voies de fait—qu'ils soient définis en vertu de l'alinéa a) ou de l'alinéa b) du Code criminel—sont essentiellement un crime d'intention. Dans son document de travail no 38, portant sur « Les voies de fait », la Commission de réforme du droit du Canada décrit l'élément intentionnel du crime de voies de fait ainsi :

Les dispositions de l'alinéa 244 (1) du Code criminel exigent expressément que la force ait été employée intentionnellement. D'autre part, bien que l'on ne trouve à l'alinéa 244 (1) aucune mention explicite de l'intention, les mots « tente ou menace » supposent l'existence d'une intention. En effet, comment peut-on « tenter » ou « menacer » accidentellement? (page 6)

[40] Dans l'arrêt Horncastle, ( 1972) 19 C.R.N.S. 362 (N.B.C.A.), la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick a défini la mens rea de voies de fait à l'article 265 (b) comme étant l'intention de menacer et non dans l'intention de mettre à exécution la menace:

It is not necessary to consitute the offence of assault that the accused actually apply force or even intend to do so. It is sufficient if he threatens to do so and the present ability to do so. Mens rea lies in the intention to threaten not in the intention to carry out that threat. (page 371)

[41] Dans la cause de Hurley v. Moore, 1993 CarswellNfld 73, dans le contexte d'une poursuite civile (tort law), la Cour d'appel de Terre-Neuve, au paragraphe 23, explique l'élément intentionnel d'un « assault » ainsi :

In tort law, therefore, intentionally causing another person to fear imminent contact of a harmful or offensive nature is an assault: the Dictionary of Canada law by Dukelow and Nose, p. 64.

[42] Dans la même veine, la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan dans R. v. Masden, reflex, (1991), 95 Sask. R. 290 Q.B. a maintenu que l'intention de menacer est un élément essentiel de voies de fait selon la définition prévue à l'article 265 (1) b) du Code criminel.

[43] Dans les juridictions de common law, la cause de Stephens v. Myers, supra, est souvent citée comme autorité voulant que l'intention de menacer est un élément essentiel d'un « assault ». Dans cette affaire, l'accusé avait exprimé son intention de battre une autre personne. Il s'est approché de la victime en montrant les poings et il affichait un comportement menaçant. Mais avant de pouvoir mettre à exécution ses menaces, il fut intercepté par d'autres personnes. Le juge Tindal, C.J. a conclu que les actions de l'accusé constituaient un « assault » :

It is not every threat where there is no actual personal violence, that constitutes an assault; there must, in all case, be the means of carrying the threat into effect. The question I shall leave to you will be, whether the defendant was advancing at the time, in a threatening attitude, to strike the chairman…; then, though he was not near enough at the time to have struck him, yet if he was advancing with that intent, I think it amount to an assault in law.

[44] La jurisprudence est à l'effet que les actes ou les gestes de l'accusé doivent clairement ou positivement démontrer l'intention hostile de menacer pour établir le crime de « assault ». Ainsi, le juge Killam dans la cause de Pockett v. Pool (1896) 11 Man. R. 275, aux pages 286-7, a écrit que :

The threats which constitute an assault must be accompanied by acts positively evidencing an intent to carry them out.

[45] Si les circonstances particulières ne démontrent pas hors de tout doute raisonnable que les gestes ou les actes reprochés étaient animés par une intention hostile, le défendeur doit être acquitté. Dans la cause de R. v. McGibney (note 10), l'accusé avait invité le plaignant à se battre. Cette invitation fut livrée par l'accusé alors qu'il avait un comportement agressif : il parlait fort et il gesticulait avec ses mains. L'accusé a même agrippé le plaignant par le collet en le traitant de menteur. Pour le juge A. Ross, en l'absence d'autres éléments factuels, tels les poings fermés, les actes ou les gestes de l'accusé ne constituaient pas une preuve convaincante d'une intention hostile. Pour reprendre les propos du juge Ross :

This, however, by itself is not convincing evidence of hostile intent. Many men in the course of an argument will involuntarily touch the person whom they are addressing.

[46] Finalement, le juge Ross explique que les gestes de l'accusé étaient inappropriés, peut-être même provocateurs, mais ne constituaient pas une intention d'appliquer la force contre une autre personne :

The assault, if any, under these circumstances must consist of threatening actions and, while I have found that the accused's conduct was provocative and unjustified, yet I can by no process however technical find any intent to apply violence, and therefore he is not guilty. (Para. 22)

[47] Les décisions de Boyd et de Jorden sont deux autres causes où le comportement agressif de l'accusé ne correspondait pas clairement à une intention de menacer ou à une intention d'appliquer la force. Pour les fins de ce jugement, ces causes sont particulièrement intéressantes, car dans chaque cas, les actes, les gestes ou les propos menaçants visent un agent de la paix.

[48] Dans l'affaire Jorden, le policier avait arrêté l'accusé pour le motif que les papiers d'enregistrement du véhicule moteur conduit par ce dernier n'étaient pas conformes. Monsieur Jorden était agressif et semblait rechercher la confrontation. Au policier, il a émis les propos grossiers suivants « What the fuck do you want? » et « None of your fucking business.» Lorsque le policier lui a demandé de produire son permis de conduire et les enregistrements du véhicule, l'accusé les a sortis de son portefeuille et les a lancés sur le toit de son véhicule. Il a ajouté que le policier profitait de son uniforme et qu'autrement il (le policier) ne serait pas aussi courageux. Lorsque le policier a demandé à l'accusé d'ouvrir le coffre de l'auto, ce dernier a répondu par d'autres obscénités. De l'intérieur du coffre de l'auto, l'accusé a ramassé un marteau alors qu'il était de dos au policier. En soulevant légèrement le marteau, l'accusé a dit au policier : « I'll show you the fucking hammer. » Toutefois, quand le policier lui a demandé de laisser tomber le marteau, l'accusé a obtempéré immédiatement.

[49] Pour le juge Kolenick dans Jorden, il était clair que le but de l'accusé était d'être négatif, difficile et insultant à l'égard du policier. Toutefois, ce comportement était insuffisant, en soi, pour établir la preuve hors de tout doute raisonnable l'intention de menacer le policier. Comme l'explique le juge Kolenick, au paragraphe 18 de son jugement :

[W]hile his behavior was indeed unsavoury, I do not feel that it constituted a criminal assault. In my view, the evidence was not sufficient to establish beyond a reasonable doubt the necessary intention to threaten.

[50] Dans la cause de Boyd, l'accusé s'est approché du véhicule de patrouille de la GRC qui était stationné devant une pompe d'un poste d'essence. Le constable Tremblay était assis derrière le volant dudit véhicule. L'accusé (qui est à trois ou cinq pieds de l'auto-patrouille) pointe sa main en direction du policier et se met à l'engueuler et à l'injurier. Selon la preuve, l'accusé sautillait sur place lorsqu'il s'est adressé au constable. Toutefois, un doute subsistait sur le fait que l'accusé ait montré le poing et ait invité le constable Tremblay à sortir de son véhicule pour se battre.

[51] Le constable Tremblay s'est dit menacé par les propos et les gestes de l'accusé et il a rapidement monté la vitre de la portière du véhicule. Dans un premier temps, le constable s'est senti coincé et incapable de partir, car son véhicule était dans le processus de se ravitailler en carburant. Dans un deuxième temps, il ne croyait pas être capable de sortir de son véhicule sans devoir s'impliquer dans une altercation physique avec l'accusé : monsieur Boyd mesurait six pieds et pesait 240 livres alors que le constable Tremblay mesurait 5 pieds 10 pouces et pesait 165 livres.

[52] Pour le juge Duval, les actes ou les gestes de monsieur Boyd étaient certainement agressifs, belliqueux, infantiles et complètement inappropriés. Toutefois, les actes ou les gestes de l'accusé ne constituaient pas une menace d'appliquer la force. La situation aurait été tout autre, explique le juge Duval, si la preuve avait révélé d'autres éléments indiquant une intention de menacer. Ainsi au paragraphe 47 de son jugement, il écrit que :

If it had been established beyond a reasonable doubt that Mr. Boyd’s fists were clenched and that he told the officer to come out and fight, it would constitute proof of an essential element of the offence, namely, threatening, by an act or gesture, to apply force.

[53] Dans la même veine, au paragraphe 48 de son jugement, le juge Duval donne un autre exemple d'un acte ou d'un geste additionnel qui aurait pu établir hors de tout doute raisonnable l'intention de menacer :

I have also considered whether Mr. Boyd’s actions, in balancing back and forth on his feet, within three to five feet of the police vehicle, while raising his arm up and down, pointing at the officer and berating him for a period of at least three minutes, meets the definition of assault pursuant to s. 265 (1) b) of the Code. In the absence of a further act, such as approaching the police vehicle and attempting to open the door, I have concluded that these acts or gestures do not constitute an « attempt or threat to apply force to another person. »

[54] En somme, l'intention de menacer est un élément essentiel à l'accusation de voies de fait telle que définie à l'article 265 (1) b) du Code criminel. De plus, la jurisprudence est à l'effet que l'intention hostile de l'accusé doit être établie de façon claire et convaincante («convincing of hostile intent», R. v. McGibney, supra). Pour reprendre les propos du juge Killam dans Pockett v. Pool: « The threats which consitute an assault must be accompanied by acts positively evidencing an intent to carry them out. »

La règle générale est que tout amendement est permis, en autant que certains principes sont respectés

R. c. Roux, 2005 CanLII 18461 (QC C.S.)

[24] Le premier juge a d'ailleurs autorisé l'amendement en s'inspirant des arrêts Descôteaux c. La Reine et La Reine c. Emanuell Dihel.

[25] Après avoir fait état de la jurisprudence sur la question, et plus particulièrement après avoir référé aux arrêts R. v. Moore et R. v. Irving, Monsieur le juge Discepola dans l'affaire Dihel s'exprime comme suit :

"Donc la règle générale est que tout amendement est permis, incluant celui qui substitut (sic) une infraction par une autre, en autant que les principes suivants sont respectés:

o L'infraction initiale en est pas nulle; ne privant pas ainsi le juge de sa juridiction sur l'infraction;

o Absence de préjudice, un amendement sera refusé s'il y a préjudice irréparable qu'un ajournement ne peut y remédier ou si le défendeur est induit en erreur;

o La nouvelle infraction vise la même transaction afin que le contrevenant soit raisonnablement informé de la conduite qui lui est reprochée;

o La demande d'amendement est rendue nécessaire à cause d'une erreur de bonne foi, même s'il y a eu négligence de la part de la poursuite.

Dans le présent dossier, la nouvelle infraction proposée n'est pas nulle. Aucun préjudice n'est causé au défendeur et il n'est pas induit en erreur, étant donné que la divulgation de la preuve lui a permis de connaître la situation factuelle dès le début, et que l'amendement est proposé au début du procès. Une remise lui permettra de préparer sa défense à la lumière de la nouvelle infraction.

La nouvelle infraction vise exactement la même transaction que l'infraction initiale et de plus, l'amendement est requis suite à une erreur de bonne foi et non une tentative de la part de la poursuite de changer sa stratégie.

L'étape à laquelle est rendu le procès est aussi un facteur important à considérer pour déterminer si le préjudice affecte l'habilité à assumer une défense. La question qui devra être posée est la suivante : si la dénonciation avait été déposée à l'origine comme suggérée par l'amendement, est-ce que la défense a fait quelque chose qu'elle n'aurait pas fait ou quelque chose qu'elle n'a pas fait qu'elle aurait fait? Une réponse affirmative démontre une forte probabilité que l'amendement causera un préjudice."

[26] En l'espèce, même s'il s'agit de deux infractions distinctes, nous sommes d'avis que le premier juge était tout à fait bien fondé à autoriser l'amendement qui a été demandé avant que la preuve de la poursuite ne soit close et qui visait exactement la même transaction criminelle qu'à l'origine. Aucun préjudice n'a été causé à l'appelant qui n'a pas été induit en erreur étant donné que l'amendement ne faisait que rendre l'accusation conforme à la preuve qui avait été divulguée antérieurement. Aussi, afin de préparer sa défense, le procureur de l'appelant a sollicité et obtenu une remise de plus de quatre mois.

Comment tromper un témoin oculaire

(ASP) - Rien de plus facile que de tromper un témoin oculaire... et de le convaincre qu'il a identifié la bonne personne! Ce sont les conclusions d'une étude de deux psychologues de l'Iowa, à paraître dans la prochaine édition du Journal of Applied Psychology. Des conclusions quelque peu inquiétantes lorsqu'on sait que, pour un jury, rien ne vaut le témoignage d'un témoin oculaire qui a l'air sûr de lui.

Nos deux chercheurs ont testé 352 personnes, à qui ils ont fait regarder un vidéo de surveillance au cours duquel un assaillant, dont les traits sont difficiles à distinguer, tue un gardien de sécurité. On a ensuite présenté aux "cobayes" cinq photographies, parmi lesquelles ne figurait pas le tireur, mais qu'on a malgré tout demandé d'identifier. Un tiers des participants s'est ensuite fait dire: "Très bien. Vous avez identifié le bon suspect", le deuxième tiers, "Vous avez identifié le suspect X. Le suspect est Y" et le troisième tiers n'a reçu aucun commentaire.

Comme on s'y attendait, ceux qui avaient reçu un commentaire positif étaient plus confiants que les autres: prêts à aller témoigner en cour sans la moindre hésitation, capables de détailler en long et en large ce qui leur avait fait reconnaître le "bon" suspect, etc. Là où ça devient étonnant, c'est que ceux qui avaient reçu ce commentaire positif semblaient également avoir soudain développé une mémoire exceptionnelle: ils étaient convaincus d'avoir accordé une très grande attention au vidéo, et la vue qu'ils avaient du tireur semblait de loin supérieure à celle des autres. Autrement dit, "un commentaire positif a altéré le rapport des témoins sur presque tous les aspects du processus d'identification". Un excellent truc, concluent les chercheurs, pour fabriquer des témoins crédibles...

Tiré de :
http://www.sciencepresse.qc.ca/archives/cap080698.html

L’article 10 b) de la Charte canadienne des droits et libertés selon le juge Jacques Laverdure

R. c. Millette-Royer, 2007 CanLII 45017 (QC C.M.)

[18] L’une des raisons majeures d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat après avoir été placé en détention tient à la protection du droit de ne pas s’incriminer.

[19] La personne a alors immédiatement besoin de conseils juridiques, à cette étape initiale de la détention, afin de connaître l’existence du droit de garder le silence et d’être conseillée sur la façon d’exercer ce droit (R.c. Brydges [1990]
1 R.C.S 190)

[20] Il appartient à celui qui invoque l’alinéa 10 b) de prouver :

1.- soit qu’on ne lui a pas donné l’occasion de réclamer son droit;

2.- soit qu’il l’ait réclamé mais qu’on le lui a refusé;

3.- soit qu’il n’a pas compris lorsqu’on l’a informé de ce droit.

(R. c. Baig 1987 CanLII 40 (C.S.C.), [1987] 2 R.C.S. 537)

[21] Il incombe à la personne qui invoque que ses droits ont été violés de prouver, selon la balance des probabilités, qu’elle a droit à réparation demandée (R. c. Cobham 1994 CanLII 69 (C.S.C.), [1994] 3 R.C.S. 360).

[22] L’article 10 s’applique en cas d’arrestation ou de détention. Selon l’arrêt R. c. Feeney 1997 CanLII 342 (C.S.C.), (1997) 2 R.C.S. 13, il y a détention au sens de 10 b) lorsqu’un agent de la paix restreint la liberté d’action d’une personne au moyen d’une sommation ou d’un ordre. Manifestement, dans la présente cause, la défenderesse était détenue.

[24] La Cour suprême a eu à se prononcer, à maintes reprises, sur le droit à l’assistance d’un avocat et il se dégage de ces différents jugement que l’accusé bénéficie des garanties constitutionnelles qui obligent les agents de la paix :

• d’informer le détenu se son droit garanti d’avoir recours, sans délai, à l’assistance d’un avocat de son choix;

• d’informer le détenu de l’existence de tous les systèmes permettant l’accessibilité des servi-ces juridiques eu égard à sa situation financières, soit l’aide juridique ou le service de garde

R. c. Bartle 1994 CanLII 64 (C.S.C.), [1994] 3 R.C.S. 173

R. c. Matheson 1994 CanLII 67 (C.S.C.), [1994] 3 R.C.S. 328

R. c. Harper 1994 CanLII 68 (C.S.C.), [1994] 3 R.C.S. 343

R. c. Cobham 1994 CanLII 69 (C.S.C.), [1994] 3 R.C.S. 360

R. c. Pozniak 1994 CanLII 66 (C.S.C.), [1994] 3 R.C.S. 310

• d’accorder au détenu une possibilité raisonnable d’avoir recours à un avocat;

R. c. Black 1989 CanLII 75 (C.S.C.), [1989] 2 R.C.S. 138

• de cesser d’interroger ou de tenter d’obtenir des éléments de preuve tant qu’il n’aura pas eu une possibilité raisonnable de recourir à l’assistance d’un avocat.

R c. Mannimen 1987 CanLII 67 (C.S.C.), [1987] 1 R.C.S. 1233

[26] L’obligation d’informer relativement au service de garde n’est pas respectée par l’existence d’une affiche sur un mur qui indique un tel numéro de téléphone à moins qu’il ne soit prouvé que l’attention de la personne arrêtée ait été attirée sur l’affiche (Bendit c. R. R.J.Q. 1355 (C.S)). La preuve est muette à ce sujet.

[27] Dans l’arrêt R. c. Brydges précité, la Cour suprême a jugé qu’il n’y avait pas eu de renonciation valide du droit à l’avocat du fait que le prévenu n’avait pas été informé de la disponibilité immédiate d’un avocat de garde.

[28] Les délais indiqués dans les rapports du policier démontrent que celui-ci n’a pas trop insisté sur l’importance pour la défenderesse de communiquer avec un avocat. Le policier doit prendre les mesures nécessaires afin de favoriser la compréhension du droit (R. c. Evans 1991 CanLII 98 (C.S.C.), [1991] 1 R.C.S. 869)

[33] L’arrêt Bartle précité nous enseigne que l’utilisation de la preuve de l’alcootest, si obtenue en violation des droits conférés par l’article 10b), compromet l’équité du procès puisqu’il s’agit d’une preuve qui ne peut être obtenue autrement qu’en mobilisant la défenderesse contre elle-même.

[34] La Cour suprême a également statué qu’une preuve obtenue en violation de l’alinéa 10b) doit être écartée à moins que le ministère public ne démontre, selon la balance des probabilités, que l’accusé n’aurait pas consulté d’avocat même s’il avait été bien informé de ses droits (R. C. Burlingham 1995] 2 R.C.S. 206). La preuve ne permet pas une telle inférence.

Décisions relatives à des situations où un policier était dans l'exercice de ses fonctions et a commis le crime de voies de fait, soit voies de fait simples ou voies de fait causant des lésions corporelles

R. c. Craig, 2000 CanLII 8039 (QC C.Q.)

L'arrêt La Reine c. Griffin, Cour suprême de 'Île‑du‑Prince‑Édouard, 10 janvier 75, rapportée à 1975, 23 C.C.C., deuxième édition, page 11, accusation de voies de fait causant des lésions corporelles lors d'une arrestation. Il s'agissait d'un jeune policier qui, suite à l'accusation, avait perdu son emploi. Une libération inconditionnelle fut accordée.

La Reine c. Botterel, 1981, 62 C.C.C., deuxième édition, page 45 de la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique. L'accusé avait été déclaré coupable de voies de fait causant des lésions corporelles sur un prisonnier. La sentence fut de quarante‑cinq (45) jours purgée les fins de semaine et ordonnance de probation.

La Reine c. Whelan, Cour d'appel d'Ontario, 13 janvier 1983, O.J. numéro 1360. L'accusé fut déclaré coupable de voies de fait simples, exercice d'une force excessive lors d'une arrestation; amende de cinq cents dollars (500$).

La Reine c. Rees, Cour du Banc de la Reine de Saskatchewan, 1982, Saskatchewan Report, page 381. L'accusé avait été déclaré coupable de voies de fait simples. La victime était un juvénile. Les voies de fait étaient survenues au poste de police lors de l'interrogatoire du juvénile. Le policier possédait treize (13) ans de service. Une amende de deux cent cinquante dollars (250$) fut imposée.

La Reine c. Wellingworth, Cour du Banc de la Reine de Saskatchewan, rapportée en 1983, 7 C.C.C., troisième édition, page 170. Il s'agit d'un cas de voies de fait sur un prisonnier. Le policier avait six (6) ans de service. Amende de deux cent cinquante dollars (250$) imposée.

La Reine c. Alain Messier, 19 septembre 1985, par monsieur le juge Jean Sirois qui, à l'époque, siégeait à la Cour des sessions de la paix, district de Montréal. Trois (3) chefs de voies de fait causant des lésions corporelles sur trois (3) personnes différentes exercées lors d'une arrestation. Ce policier avait déjà, dans le passé, bénéficié d'une libération inconditionnelle. La sentence fut, sur les deux (2) premiers chefs, quatre-vingt-dix (90) jours discontinus avec probation, et sur le troisième chef, sentence suspendue et probation avec exécution de travaux communautaires.

La Reine c. Williamson, Cour provinciale d'Ontario, rapportée à 1986, 17 W.C.B., page 200. Déclaré coupable de voies de fait causant des lésions corporelles lors d'une arrestation. Il était policier depuis onze (11) ans. Amende de mille dollars (1000$).

La Reine c. Putman, 4 décembre 1987, Cour suprême des Territoires du Nord‑Ouest, rapportée à 3 W.C.D., deuxième édition, à la page 250. Déclaré coupable de voies de fait simples. La sentence fut une libération conditionnelle assortie d'une ordonnance de probation pour une durée de trois (3) mois.

St-Amour c. La Reine, Cour d'appel du Québec, numéro 500-10-000119-865, 27 janvier 1988. L'accusé avait été déclaré coupable de voies de fait causant des lésions corporelles lors d'une arrestation. Sentence de cinq mille dollars (5000$) d'amende et probation de deux (2) ans.

La Reine c. McLain, 7 mars 1989, Cour suprême de l'Île‑du‑Prince‑Édouard, 1989, P.E.J.J., numéro 31. Déclaré coupable de voies de fait simples lors d'une arrestation. Libération conditionnelle, probation de six (6) mois et ordonnance de remboursement pour un montant de huit cent soixante et un dollars (861$). Ce remboursement visait les dommages qui avaient été causés à la motocyclette de l'accusé.

La Reine c. Thireau, Cour d'appel du Québec, 28 octobre 1988, numéro 500-10-000146-88. L'accusé avait été déclaré coupable de voies de fait causant des lésions corporelles. Les deux policiers avaient commis des voies de fait lors d'un interrogatoire afin de faire avouer le crime. Une sentence de deux (2) ans de pénitencier fut imposée. Je la cite, et on verra le pourquoi plus tard lors de ma décision, mais les circonstances étaient excessivement graves.

La Reine c. Caron, 23 février 1988, district de Saint‑Hyacinthe, monsieur le juge Yvan Mayrand. Le policier fut déclaré coupable de voies de fait. Lors de l'arrestation, il avait frappé la personne avec une tige métallique. Il avait un dossier disciplinaire chargé et la sentence fut une amende de six cents dollars (600$).

La Reine c. Klein, Cour provinciale d'Alberta, 1990 A.J., numéro 1200. Voies de fait causant des lésions corporelles. Il s'agit d'un cas de force excessive. La sentence fut de trente (30) jours de détention.

La Reine c. Taylor, Cour provinciale d'Alberta, 2 mai 1989, rapportée à 1989, A.J. numéro 456. Déclaré coupable de voies de fait simples. Une amende de mille dollars (1000$) fut imposée.

La Reine c. McKenzie, 7 W.C.B., deuxième édition, page 337. Il s'agit d'une décision de la Cour du comté de Colombie‑Britannique. Déclaré coupable de voies de fait simples sur un détenu. Absolution conditionnelle, probation de six (6) mois avec obligation d'exécuter des travaux communautaires.

La Reine c. Denis, 29 juin 1989, monsieur le juge Jean Filiatrault. L'accusé avait été déclaré coupable par un jury, d'accusation de voies de fait simples. Il s'agit d'actes commis lors d'une arrestation. Absolution conditionnelle, probation d'un an avec obligation d'effectuer un don de trois cents dollars (300$).

La Reine c. Nixon, décision rapportée à 1991, 64 C.C.C., troisième édition, à la page 428. Décision de la Cour d'appel de Colombie‑Britannique. Déclaré coupable de voies de fait causant des lésions corporelles sur un détenu au poste de police. La sentence fut de neuf (9) mois de détention.

La Reine c. Hooper, Banc de la Reine du Nouveau‑Brunswick, 21 octobre 1991, rapportée à 1991, 120 N.B.R., deuxième édition, à la page 271. Il s'agit d'une déclaration de culpabilité pour une accusation de voies de fait simples. Les voies de fait furent commises suite à une interception dans le cadre d'une infraction au Code de sécurité routière. Une absolution inconditionnelle fut accordée.

Tapp c. La Reine, 21 février 1992 de la Cour d'appel du Québec. L'accusé avait été déclaré coupable de voies de fait causant des lésions corporelles lors de l'arrestation d'une personne. L'amende fut de deux mille dollars (2000$) et probation assortie de deux cents (200) heures de travaux communautaires.

La Reine c. Rossignol, 1994, N.B.J. numéro 192, Banc de la Reine du Nouveau‑Brunswick. L'accusé avait plaidé coupable à une accusation de voies de fait simples. Ici, il s'agit évidemment de circonstances un peu particulières. L'accusé était de service et membre de la GRC. Il s'est rendu à une maison située près du poste de la GRC et a profité de la circonstance qu'une jeune fille s'y retrouvait seule. Il sonne à la porte, la jeune fille ouvre constatant qu'il s'agit d'un policier. Il la prend alors par l'épaule et tente de l'embrasser. Vu la résistance, il s'arrête immédiatement, s'excuse et quitte les lieux. Détention de deux (2) mois.

La Reine c. Jackman, Cour provinciale de Terre‑Neuve, 1994, N.J. numéro 237. C'est une décision du 6 juillet 1994. L'accusé avait plaidé coupable à des voies de fait simples. Ici, il s'agit d'un cas où on intervenait suite à une violation d'un règlement municipal et la personne refusait de s'identifier. Il y avait eu emploi d'une force excessive pour procéder à l'arrestation. Une absolution inconditionnelle fut accordée.

La Reine c. Kidd, 22 avril 1998, Cour de justice d'Ontario, division général, 1998 O.J. numéro 1739. L'accusé fut déclaré coupable de voies de fait causant des lésions corporelles lors de l'arrestation. La victime avait auparavant poussé une autre agente. L'agent est intervenu et a utilisé une force déraisonnable. D'ailleurs, il y avait eu des fractures. Suite au procès, il avait démissionné et il possédait vingt (20) ans de service. Libération conditionnelle avec probation et obligation d'effectuer cent (100) heures de travaux communautaires.

La décision La Reine c. Boudria, district judiciaire de Hull, numéro 500-01-003549-849, 9 octobre 1987 devant monsieur le Juge Mayrand. L'accusé Boudria avait plaidé coupable à une accusation de voies de fait simples commis lors de l'interrogatoire d'un suspect au quartier général de la Sûreté du Québec. Le policier possédait vingt-deux (22) ans de service, dont treize (13) à titre d'enquêteur auprès du Bureau des enquêtes criminelles. La sentence fut une amende de mille dollars (1000$).

La Reine c. Bergeron, Lapointe, Vadeboncoeur et Samson, sentence du 13 juillet 1995 rendue par monsieur le juge Benjamin Greenberg. Les accusés, suite à un procès devant jury, avaient été déclarés coupables de voies de fait causant des lésions corporelles. Il y avait évidemment eu des blessures très sérieuses. Actes commis suite à l'arrestation de Barnabé dans un bloc cellulaire au poste de la Communauté urbaine de Montréal. La sentence fut de quatre-vingt-dix (90) jours discontinus et ordonnance de probation.

mardi 23 novembre 2010

Est-ce que l'arrêt des procédures peut être ordonné si un agent des services correctionnels a rudoyé l'accusé?

R. c. Bellusci, 2010 QCCA 2118 (CanLII)

[16] Le juge conclut à une preuve prépondérante voulant que l'agent Asselin a rudoyé l'intimé. L'appelante ne formule aucun moyen d'appel à l'encontre de cette conclusion. Ce que l'appelante reproche toutefois au juge, c'est d'avoir conclu à tort à l'existence d'un préjudice réel et prospectif au système de justice et d'avoir mal exercé sa discrétion judiciaire en ordonnant l'arrêt des procédures alors que d'autres mesures de réparation auraient dû être considérées.

[17] La juge L'Heureux-Dubé dans l'arrêt R. c. O'Connor identifie une catégorie résiduelle d'abus de procédure qui, sans toucher à l'équité du procès, met toutefois en cause des circonstances diverses suffisamment graves au point d'être susceptibles de miner l'intégrité du processus judiciaire. Les agissements de l'agent Asselin appartiendraient à cette catégorie résiduelle.

[18] Le juge LeBel dans l'arrêt R. c. Regan, parlant de la doctrine de l'abus de procédure, écrivait à propos des mesures de réparations conséquentes à cette violation que :

[53] La suspension des procédures ne constitue qu’une forme de réparation à un abus de procédure, mais celle-ci présente le caractère le plus draconien : c’est « l’ultime réparation », comme l’a qualifiée notre Cour dans l’arrêt Tobiass, précité, par. 86. Elle est ultime en ce sens qu’elle est définitive. Les accusations suspendues ne pourront jamais faire l’objet de poursuites; la présumée victime ne sera jamais capable de se faire entendre en justice; la société sera privée à jamais de la possibilité de faire trancher l’affaire par le juge des faits. Pour ce motif, la suspension est réservée aux seuls cas d’abus qui satisfont à un test préliminaire très exigeant : « le test pour l’obtention d’un arrêt des procédures continue de relever des “cas les plus manifestes”, tant en vertu de la Charte que de la doctrine de l’abus de procédure en common law » (O’Connor, précité, par. 68).

[54] Que le préjudice découlant de l’abus touche l’accusé, qui ne bénéficie pas d’un procès équitable, ou porte atteinte à l’intégrité du système de justice, l’arrêt des procédures s’avère approprié uniquement lorsque deux critères sont remplis :

(1) le préjudice causé par l’abus en question sera révélé, perpétué ou aggravé par le déroulement du procès ou par son issue;

(2) aucune autre réparation ne peut raisonnablement faire disparaître ce préjudice. [O’Connor, par. 75]

Dans l’arrêt Tobiass, par. 91, notre Cour a souligné l’importance capitale du premier critère. Il reflète le caractère prospectif plutôt que rétroactif de la suspension des procédures. Cette mesure de réparation ne corrige pas simplement le préjudice causé, mais vise à empêcher que ne se perpétue une atteinte qui, faute d’intervention, continuera à perturber les parties et la société dans son ensemble à l’avenir.

[19] En présence d'une conduite abusive de la part d'un agent de l'État qui, sans pour autant toucher à l'équité du procès, affecte tout de même l'intégrité du système de justice (catégorie résiduelle), ce n'est que dans les cas exceptionnels que la suspension des procédures sera ordonnée. Le juge LeBel souligne que :

[55] Tel que mentionné plus haut, la plupart des cas d’abus de procédure causent un préjudice en rendant le procès inéquitable. En vertu de l’art. 7 de la Charte, il existe toutefois une petite catégorie résiduelle de conduite abusive qui ne touche pas l'équité du procès, mais qui n’en mine pas moins la justice fondamentale du système (O’Connor, par. 73). Pourtant, même en pareil cas, l’importance du caractère prospectif de la suspension des procédures comme réparation doit être respectée : « [l]e simple fait que l’État se soit mal conduit à l’égard d’un individu par le passé ne suffit pas à justifier la suspension des procédures » (Tobiass, par. 91). Lorsqu’il s’agit d’un abus relevant de la catégorie résiduelle, la suspension des procédures ne constitue généralement une réparation appropriée que lorsque l’abus risque de se poursuivre ou de se produire subséquemment. Ce n’est que dans des cas « exceptionnels », « relativement très rares », que la conduite passée reprochée est « si grave que le simple fait de poursuivre le procès serait choquant » (Tobiass, par. 91).

[20] Il faut retenir de ce qui précède que la réparation consistant à la suspension des procédures est une mesure draconienne qui doit être considérée en dernier ressort. En cas d'incertitude à savoir si l'abus justifie l'arrêt des procédures, le tribunal doit, avant de trancher cette question, s'enquérir de l'intérêt de la société à ce que le jugement soit rendu au fond. Il doit pour cela considérer qu'« une préoccupation publique passagère [ne pourrait] jamais l’emporter sur un acte apparenté à une conduite répréhensible grave [bien que] [...] l’intérêt irrésistible de la société à ce qu’il y ait un débat sur le fond [puisse] faire pencher la balance en faveur de la poursuite des procédures ». Ce n'est généralement que lorsque les circonstances de l'affaire ne permettent pas de conclure que sans la suspension des procédures la situation dénoncée est susceptible de se continuer ou de se reproduire que cette mesure radicale sera justifiée.

[21] Pour paraphraser le juge Beauregard dans l'arrêt R. c. Serré, il y a ici un non sequitur entre les faits reprochés à l'agent Asselin et l'arrêt des procédures ordonné par le juge de première instance.

[22] Tout d'abord, au vu de la preuve, rien ne démontre que le préjudice causé par l'abus est susceptible de se perpétuer ou sera aggravé advenant le cas où l'intimé soit déclaré coupable de l'infraction qu'il a commis et qu'il se voit infliger une sanction juste et proportionnelle au degré de sa responsabilité (article 718.1 C.cr.).

[23] Tout en reconnaissant que la conduite de l'agent Asselin est hautement répréhensible, un public bien informé des circonstances de l'affaire ne serait pas choqué d'apprendre que les procédures pénales se continuent à l'égard de l'intimé, car ce même public doit normalement être au fait qu'il existe des mesures de réparation autre que celle consistant pour le système judiciaire à renoncer à sanctionner l'auteur d'un délit criminel. Le juge de première instance réfère lui-même à des constatations qui atténuent grandement la nécessité pour le tribunal de recourir à la suspension des procédures. Il écrit à ce sujet :

(...)

[24] En l'espèce, le juge aurait dû apporter une attention toute particulière à des mesures de réparation moins extrêmes que celle consistant en une ordonnance d'arrêt des procédures. Il pouvait considérer une peine moins lourde pour tenir compte du préjudice subi par l'intimé ou encore avoir à l'esprit le processus déontologique auquel l'agent Asselin devrait se soumettre en cas de plainte disciplinaire. Le juge Beauregard dans l'affaire Serré considère pour sa part que l'action en dommage contre l'auteur du préjudice est une « mesure de réparation de choix ». Finalement, on ne peut écarter l'idée voulant que l'agent Asselin réponde un jour de ses gestes devant un tribunal pénal.

L'imapct des violences infligées à un accusé par un agent des services correctionnels sur la gestion du dossier

R. c. Serré, 1999 CanLII 13858 (QC C.A.)

Pour sa part, si l'on met de côté les sévices qu'il avait reçus immédiatement après la tentative d'évasion, Desormeaux a, neuf mois plus tard, fait encore une fois l'objet de sévices de la part d'un agent.

Saisi des accusations contre les intimés à la suite de leur tentative d'évasion, le premier juge a conclu qu'en application de l'article 24.1 de la Charte, la meilleure façon de réparer la violation des droits des intimés par les représailles des agents était d'ordonner l'arrêt des procédures. C'était avant l'affaire Canada c. Tobiass, 1997 CanLII 322 (C.S.C.), [1997] 3 R.C.S. 391.

Avec déférence, je suis d'avis qu'il y a un non sequitur entre les crimes commis par les agents et la mesure de réparation choisie par le juge et que cette mesure heurte trop l'intérêt de la collectivité.

Si les intimés ont commis des crimes, ceux-ci ne doivent pas demeurés impunis du fait que les agents auraient eux aussi par la suite commis d'autres crimes. En continuant à instruire les accusations contre les intimés, le tribunal ne perpétuait pas ni n'aggravait les abus commis par les agents.

La mesure de réparation de choix est évidemment l'action en dommages que les intimés peuvent intenter aux agents qui leur ont causé des préjudices.

Mais, je ne mets pas de côté la possibilité qu'une peine allégée puisse également être une mesure de réparation en faveur d'un accusé qui a été déclaré coupable et qui a subi des préjudices dans des circonstances similaires à celles du présent dossier.

Évidemment les agents qui ont maltraité les intimés doivent eux-mêmes répondre de leurs actes devant le tribunal pénal.

En conséquence je propose d'accueillir le pourvoi, de casser la décision du premier juge et de renvoyer le dossier devant celui-ci afin que les procédures puissent être continuées.

lundi 22 novembre 2010

Le mensonge relatif à l'infraction de fraude

R. c. J.E., 1997 CanLII 10605 (QC C.A.)

Le mensonge peut consister en un acte positif, mais aussi parfois en une simple réticence, c'est-à-dire en une situation où, par son silence, un individu cache à l'autre un élément capital et essentiel. C'est ce que Madame la juge Beverley McLachlin appelle, dans l'arrêt Théroux c. R., 1993 CanLII 134 (C.S.C.), [1993] 2 R.C.S. 5, la «dissimulation de faits importants». Je renvoie sur ce point à l'excellente analyse doctrinale de GAGNÉ et RAINVILLE dans leur ouvrage, Les infractions contre la propriété: le vol, la fraude et certains crimes connexes, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1996, p. 164 à 167.

Encore faut-il toutefois que ce silence ou cette réticence ait été de nature à induire en erreur une «personne raisonnable».=

dimanche 21 novembre 2010

Création et diffusion de virus informatiques

Les virus, vers ou autres parasites informatiques sont aujourd’hui bien implantés dans l’univers cybernétique. Ces virus sont susceptibles de causer l’arrêt des ordinateurs, détruire des données et gêner les privilèges d’accès à l’ordinateur par les utilisateurs autorisés. Bien que combattu par des logiciels de détection tout aussi inventifs, ceux-ci exigent des mises à jour fréquentes et soulèvent de délicates questions de preuve.

Aucune prohibition spécifique ne réglemente la création ou la diffusion de virus informatiques. Néanmoins, une infraction est commise quand une personne utilise ces programmes à des fins malveillantes touchant des données, comme le prévoit le paragraphe 430(1.1) du Code criminel. La distribution d’un virus peut aussi être une infraction aux termes du paragraphe 430(5.1), même s’il n’a pas encore causé de dommages ou de tort. On retrouve donc les mêmes principes que pour le sabotage informatique.

Par ailleurs, il a été avancé que l’infraction de tentative pouvait à certains égards servir de fondement à la sanction. L’article 24(1) prévoit qu’une personne commet une tentative si elle « fait ou omet de faire quelque chose pour arriver à son but ». La tentative est donc un acte criminel interrompu qui nécessite la réunion d’un élément intentionnel et d’un « actus reus ». L’identification de ce dernier élément s’est révélée si délicate que le législateur a du intervenir pour en préciser les contours. Partant, il est clair aujourd’hui que les actes préparatifs ou trop éloignés de la perpétration de l’infraction ne seront pas suffisants pour constituer l’actus reus de la tentative.

Tout tourne donc autour de la notion d’éloignement. Celle-ci ne s’entend pas dans un sens quantitatif mais qualitatif en ce sens que l’élément déterminant réside essentiellement dans la qualité de l’acte et dans sa contribution à la réussite de l’infraction . Il s’agit en conséquence d’une question de fait laissée à l’appréciation du tribunal. La cour suprême a cependant encadré cette analyse dans l’arrêt Quinton où elle a considéré que l’infraction de tentative est constituée dans les cas où : « n’eut été son désistement involontaire ou l’intervention d’un tiers ou d’un événement quelconque l’infraction aurait été commise ».

Appliquée aux virus informatique, cette définition permet de considérer qu’au moment où une personne insert un virus dans un ordinateur, celle-ci a franchi l’étape des préparatifs et a commis l’infraction. En effet, cette personne n’a plus rien d’autre à faire ; seul le temps ou un autre événement activera le virus, selon le code programmé par cette personne.

Cette infraction pourrait donc le cas échéant servir de base à l’accusation dans certaines circonstances lorsque des dommages sont causés par une distribution de virus.

Tiré de: Ententes de sécurité.Code criminel et utilisation d’Internet
http://www.gautrais.com/Code-criminel-et-utilisation-d

samedi 20 novembre 2010

Les fouilles dans des ordinateurs en rapport avec l'expectative raisonnable de vie privée

R. c. Gauthier, 1999 IIJCan 10457 (QC C.Q.)

27 En effet, Stéphane Gauthier possédait pour ce qui était du contenu de ses ordinateurs, une expectative de vie privée.

28 Rare est la jurisprudence sur cet aspect particulier.

29 C'est à la lumière des arrêts la R. c. Edwards (1996) 1 RCS p. 128; la R. c. Silveira (1995) 2 RCS p. 297 et la R. c. Evans (1996) 1 RCS p. 8, qui parlent de l'expectative raisonnable de vie privée, que le présent Tribunal peut conclure que le contenu d'un ordinateur, particulièrement les courriels ou E-Mail, les images, les news group, les news rider, sont du domaine de la vie privée où il y a “a reasonable expectation of privacy”, selon les termes de l'arrêt Hunter c. Southam (1984) 2 RCS p. 145.

36 Ici, non seulement la fouille par le gendarme Gagnon était-elle illégale, parce que non autorisée, mais elle était aussi abusive parce qu'il n'avait pas besoin de tout ouvrir les fichiers “J Peg” qui avaient trait aux images; il s'est livré, de fait, à une expédition de pêche.

37 De plus, la lecture des courriels ou E-mail était un accroc flagrant et délibéré au droit qu'avait Stéphane Gauthier à une expectative raisonnable de vie privée.

40 Le Tribunal, faute de jurisprudence canadienne sur les fouilles dans des ordinateurs en rapport avec l'expectative raisonnable de vie privée, s'est inspiré d'une décision américaine rendue le 14 avril 1999 en matière de fouille dans un ordinateur: United States of America v. Patrick Carey # 98-3077 United States Court of Appeal Tenth Circuit:

Seizure of the computer was permitted by the consent to remove property that shall be essential to the proof of any crime, but the agreement did not permit the officer to open the files contained in the computer.

41 Voici l'histoire du cas Carey tel que récité dans le jugement américain:

The computers were taken to the police station and a warrant was obtained by the officers allowing them to search the files on the computers for “names, telephone numbers, ledger receipts, addresses, and other documentary evidence pertaining to the sale and distribution of controlled substances. Detective Lewis and a computer techniciansearched the contents of the computers, first viewing the directories of both computers' hard drives. They then downloaded onto floppy disks and printed the directories. Included in the directories were numerous files with sexually suggestive titles and the label “JPG”.

Undaunted, Detective Lewis continued to explore the directories and encountered some files he“was not familiar with.” Unable to view these files on the computer he was using, he downloaded them to a disk which he placed into another computer. He then was, “immediately” able to view what he later described as a “JPG file.” Upon opening this file, he discovered it contained child pornography.

42 Dans cet arrêt Carey, le policier n'a pas requis de nouveaux mandats de perquisition, et c'est ainsi que la Cour américaine a conclu:

Mr. Carey argues the search of the computers transformed the warrant into a “general warrant” and resulted in a general and illegal search of the computers and their files. The Fourth Amendment requires that a search warrant describe the things to be seized with sufficient particularity to prevent a general exploratory rummaging in a person'sbelongings.

43 Enfin la Cour américaine décide ainsi:

We infer from his testimony Detective Lewis knew he was expanding the scope of his search when he sought to open the JPG files. These circumstances suggest Detective Lewis knew clearly he was acting without judicial authority when he abandoned his search for evidence of drug dealing.

We must conclude Detective Lewisexceeded the scope of the warrant in this case. His seizure of the evidence upon which the charge of conviction was based was a consequence of an unconstitutional general search, and the district court erred by refusing to suppress it.

L'expectative de vie privée lors de l'utilisation d'un ordinateur

R. c. Tremblay, 2001 IIJCan 24412 (QC C.Q.)

14 Alors, les procureurs ont discuté de la notion d'expectative privée. Évidemment, cette notion est la clé de voûte de l'article 8 de la Charte qui traite des saisies et perquisitions.

15 Alors, l'arrêt-clé relativement à ce concept de l'expectative de vie privée est LA REINE versus EDWARDS.

L'article 8 de la Charte canadienne prèvoit que chacun a droit à la protection contre les fouilles et les perquisitions ou les saisies abusives.

Tel que le mentionnait le juge Dickon:

La garantie contre les fouilles, perquisitions et les saisies abusives ne visent qu'une attente raisonnable.

Donc, pour que l'article 8 de la Charte s'applique et que la personne jouisse d'une protection constitutionnelle il doit exister une expectative raisonnable de vie privée. Par conséquent, lorsqu'un accusé veut démontrer que l'état a violé par une loi ou par un de ses agents, l'article 8, il doit prouver:

1) Avait-il l'expectative de vie privée?

2) Si oui, la saisie, fouïlle ou perquisition est-elle effectuée de façon raisonnable par la police?

3) Est-ce que cette preuve doit être écartée en vertu de l'article 24 2?

16 Qu'est-ce que l'expectative de vie privée?

17 Comme il accorde un droit personnel, l'article 8, protège la vie privée des personnes et non des lieux. Selon les arrêts COLARUSSO et WONG, l'existence d'une attente raisonnable à la vie privée doit être déterminée selon l'ensemble des circonstances. Pour apprécier ces circonstances l'arrêt EDWARDS nous propose différents facteurs à prendre en considération:

1) La présence au moment de la perquisition.

2) La possession ou le contrôle du bien ou du lieu faisant l'objet de la fouille ou de la perquisition.

3) La propriété du bien ou de l'article.

4) L'habilité à régir l'accès au lieu, y compris le droit d'y recevoir ou d'en exclure autrui.

5) L'existence d'une attente subjective en matière de la vie privée.

6) Le caractère raisonnable de l'attente sur le plan objectif.

18 Donc, l'attente raisonnable de vie privée variera en fonction de la nature de la saisie et en fonction du type d'activité. Lorsque la personne exerce une activité hautement réglementée son attente à la vie privée sera moindre que lorsqu'elle se trouve à l'intérieur de son domicile, par exemple. Mais qu'en est-il de l'expectative de vie privée lors de l'utilisation d'un ordinateur? La jurisprudence canadienne n'est pas très abondante sur cette question. Les arrêts GAUTHIER et WEIR sont clairs à ce sujet: Le contenu d'un ordinateur, en particulier les courriels sont du domaine de la vie privée où il y a une attente raisonnable de vie privée. Mais ces arrêts traitent d'ordinateurs personnels. L'environnement dans lequel est situé l'ordinateur peut aussi avoir une influence sur l'expectative de vie privée au travail ou à la maison.

21 Alors, le requérant est un employé de la Sûreté municipale, il est le troisième plus haut gradé, il a à son usage un ordinateur, propriété de son employeur. Alors, il travaille dans un bureau fourni et propriété de son employeur, cet ordinateur évidemment doit servir pour son ouvrage. Et le requérant est censé avoir pris connaissance du contenu de P-2. C'est la directive de la ville là visant l'usage qu'on doit faire des ordinateurs.

22 Alors, monsieur Tremblay tolère et permet que d'autres employés se servent de son ordinateur, et ce, même en son absence. D'ailleurs, une preuve crédible et non contredite est à l'effet que sur les heures d'ouvrage son bureau est ouvert et son ordinateur est ouvert en permanence. Il est en preuve que mademoiselle Adam, monsieur Parent et le témoin apporté par la Défense, un policier là qui a été suspendu par après, ont pu avoir accès très librement à cet ordinateur. De plus, il est en preuve que monsieur René Caron, le technicien en informatique, a pu avoir accès à cet ordinateur par le billet de son propre ordinateur sans pénétrer dans le bureau de monsieur Tremblay.

23 Monsieur Parent, à de nombreuses occasions, a eu connaissance que durant des heures ouvrables de bureau monsieur Tremblay se servait de son ordinateur pour visionner de la pornographie et que à certaines occasions monsieur Tremblay s'en est aperçu et changeait de programme à ce moment-là.

24 Si on confronte ces éléments de preuve à l'arrêt EDWARDS précité, il en résulte que, dans le présent dossier, il n'y a absolument aucune place pour l'expectative de vie privée. Il faut se rappeler que c'est la personne qui a droit à ce privilège et non les biens en circonstances. L'accusé n'ayant pas l'expectative de vie privée les articles 8 et 24 de la Charte sont écartés et ne peuvent s'appliquer à monsieur Tremblay.

vendredi 19 novembre 2010

Les opérations d’infiltration virtuelles peuvent être permises, car l'État doit prendre les moyens d'enquêter les infractions informatiques

R. c. Tardif, 1998 IIJCan 10764 (QC C.Q.)

13 Avec l'arrivée des nouvelles méthodes de communication, l'État doit pouvoir aussi utiliser la technologie et si l'État réalise que l'Internet devient un endroit où des crimes sont commis, alors les policiers devraient être autorisés à créer des sites afin de décourager les personnes qui seraient désireuses deposséder du matériel de pornographie juvénile. Un problème cependant se pose si l'État est un état étranger. Dans notre cas, le fait que la Sûreté du Québec continue l'opération policière commencée par les douanes américaines fait en sorte que le problème de juridiction ne se pose plus.

14 On pourrait alléguer ici que les agents de l'État ont eux aussi commis une infraction en ayant en leur possession du matériel de pornographie juvénile l'ayant reçu des autorités américaines. Le tribunal, sans avoir à se pencher sur la légalité de la possession dans ces circonstances et même s'il décidait del'illégalité de la possession, en viendrait à la conclusion que cette illégalité ne peut être fatale dans les cas d'enquêtes sur la possession de matériel de pornographie juvénile.

15 La pornographie juvénile implique des enfants et qui dit enfants dit protection supplémentaire. En effet, comment peut-on penser sérieusement à protéger les enfants si la société ne peut permettre aux autorités de l'État de prendre les moyens nécessaires et raisonnables d'enquêter et de décourager ceux quiseraient tentés, par le biais de l'Internet, d'obtenir du matériel de pornographie juvénile.

L'article 328 du Code criminel prévoit des situations où il est juridiquement possible que le propriétaire puisse être trouvé coupable du vol de sa chose

R. c. Lefebvre, 1991 CanLII 3429 (QC C.A.)

Avec égards, le cas sous étude ne se situe pas dans les exceptions prévues à l'article 328 du Code criminel qui prévoit des situations où il est juridiquement possible que le propriétaire puisse être trouvé coupable du vol de sa chose. En l'espèce, le défaut de l'appelant d'honorer ses obligations de paiement ne donnait ouverture qu'à une réclamation civile.

L'actus reus du vol n'a même pas été établi puisque le propriétaire du véhicule-automobile a consenti, par la vente, à se départir de sa possession et de sa propriété.

De plus, la «dépossession frauduleuse» ultérieure, pour citer ici le premier juge, ne pouvait également survenir en droit car en tout temps depuis la vente la possession est demeurée celle de l'appelant, propriétaire de l'objet: il ne pouvait déposséder ce qu'il possédait depuis la vente. On ne saurait également, pour les mêmes raisons, considérer la notion de «détournement» d'une chose dont il était le propriétaire.

L'intimée a tenté de faire valoir qu'il s'agissait plutôt d'un vol par truc, mais comme cette Cour l'a rappelé récemment sous la plume de mon collègue Tyndale, un vol par truc requiert qu'il n'y ait pas consentement à se départir de la propriété de l'objet, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. L'appelant a sans doute choqué le premier juge en raison de son comportement dans cette affaire, mais cela ne pouvait suppléer à la carence de la preuve de la poursuite.

La tentative de complot en vue de commettre une infraction matérielle n’est pas une infraction en droit canadien

R. c. Déry, 2006 CSC 53, [2006] 2 R.C.S. 669

La tentative de complot en vue de commettre une infraction matérielle n’est pas une infraction en droit canadien. Personne n’engage sa responsabilité criminelle en participant à des discussions stériles concernant un crime matériel qui n’est jamais commis et qui ne fait pas même l’objet d’une tentative

51 Enfin, bien que M. Déry ait discuté du crime en espérant éventuellement le commettre avec d’autres personnes, ni lui ni ces autres personnes n’ont commis ni n’ont même convenu de commettre le crime dont ils ont parlé. Le droit criminel ne punit pas les mauvaises pensées de cette sorte qui sont abandonnées avant que les parties ne concluent d’entente ou ne tentent de passer à l’acte.

Accès non autorisé aux ordinateurs

Dans ce cas de figure, l’article 342.1(1)a) du code criminel servira de fondement à l’accusation d’obtention frauduleuse des services d’un ordinateur. En effet cet article punit qui « quiconque, frauduleusement et sans apparence de droit, directement ou indirectement, obtient les services d’un ordinateur ». Par « services d’ordinateur », sont visés notamment le « traitement de données de même que la mémorisation et le recouvrement ou le relevé de données ».

La difficulté résidait à l’origine dans la qualification de l’infraction. Il s’agissait de déterminer à quelle infraction criminelle pouvait être assimilée l’accès non autorisé à un ordinateur.

S’agissait-il d’une intrusion sur la propriété d’autrui ? La définition restrictive énoncée à l’article 177 du code criminel empêche toute analogie. Sous cet article le comportement prohibé implique qu’un individu : « …, sans excuse légitime, [...] flâne ou rôde la nuit [...] près d’une maison d’habitation » située sur une propriété est coupable d’une infraction.

Le même constat intervient également lorsqu’on souhaite recourir à l’infraction condamnant toute présence illicite dans une habitation ou à celle sanctionnant l’entrée par effraction dans un endroit. Ces deux infractions exigent qu’il y ait non seulement une : « intention de commettre un acte criminel », mais aussi une introduction ; c’est-à-dire qu’une partie de son corps ou une partie d’un instrument [que la personne] emploie se trouve à l’intérieur de toute chose qui fait l’objet de l’introduction ».

L’accès non autorisé à des ordinateurs peut avoir plusieurs conséquences autres que la perte ou la destruction possibles des données. Par exemple, un pirate informatique peut avoir pour objet la seule consultation de données ou encore le bénéfice d’une connexion. Un pirate informatique peut également utiliser une liaison de communication avec l’ordinateur au détriment d’un utilisateur autorisé, causant ainsi une perte de productivité.

Depuis 1985 une disposition spécifique sanctionne l’usage de "services d’ordinateurs" lorsque ces services sont acquis de façon malhonnête et sans apparence de droit.

Sous les termes de l’alinéa 342.1(1)c) du Code criminel, le crime d’utilisation non autorisée d’un ordinateur suppose qu’une personne agisse de façon frauduleuse et sans apparence de droit. Il est nécessaire d’établir un certain degré de turpitude morale afin de distinguer cette infraction de toute autre conduite répréhensible mais non criminalisée. L’expression « absence d’apparence de droit » permet en effet de se prévaloir d’un moyen de défense lorsqu’une personne croît honnêtement, mais à tort, avoir le pouvoir d’utiliser un ordinateur.

Pour réaliser l’infraction, il faut en outre que l’ordinateur soit utilisé dans le but d’en faire un usage abusif ou de l’endommager. L’usage abusif ou les dommages comprennent la destruction d’un ordinateur, la destruction ou la modification des données, l’obstruction à l’utilisation licite d’un ordinateur ou de données, l’acquisition non autorisée de services d’ordinateur ou l’interception d’une fonction d’un ordinateur. L’accès ou une autre forme d’utilisation d’un ordinateur sans intention de causer les dommages mentionnés ci-dessus ne sera pas constitutif d’une infraction. Toutefois, le fait de croire honnêtement, même à tort, au droit d’utiliser un ordinateur annulera toujours la responsabilité criminelle.

Pour conclure sur cette question, il faut également relever que d’autres infractions d’application générale peuvent également servir de support à l’accusation. La fraude pourra par exemple être caractérisée lorsqu’une personne s’approprie sous de fausses représentations l’accès au compte d’un propriétaire légitime : article 380 du Code criminel. En effet en juin 1997, l’article 380 du code criminel a été modifié pour y ajouter le mot « service » à l’énumération des choses pouvant faire l’objet d’une fraude. Dés lors il est tout à fait possible aujourd’hui de qualifier de fraude le détournement d’une connexion Internet par exemple.

L’usurpation de l’identité de l’utilisateur légitime peut également dans certaines circonstances constituer un crime de supposition de personne sur la base de l’article 403 du Code criminel.

Tiré de: Ententes de sécurité.Code criminel et utilisation d’Internet
http://www.gautrais.com/Code-criminel-et-utilisation-d

Le fait qu'une personne possède des antécédents judiciaires n'est pas un motif de rejeter son témoignage mais sa crédibilité se trouve affectée par les antécédents judiciaires touchant son honnêteté

R. c. Marleau, 2007 QCCQ 16006 (CanLII)

[173] L'accusé possède des antécédents judiciaires très nombreux dont plusieurs sont relatifs à des crimes d'honnêteté.

[174] Le fait qu'une personne possède des antécédents judiciaires n'est pas un motif de rejeter son témoignage mais sa crédibilité se trouve affectée par les antécédents judiciaires touchant son honnêteté. Force est de constater que depuis 20 ans l'accusé a multiplié ce genre d'infractions.

La simple dissimulation de faits importants peut constituer un autre moyen dolosif au sens de la Loi

R. c. Marleau, 2007 QCCQ 16006 (CanLII)

[167] Dans l'arrêt THÉROUX, la Cour suprême a établi que la simple dissimulation de faits importants peut constituer un autre moyen dolosif au sens de la Loi.

[168] Ainsi, parfois une simple réticence, c'est-à-dire une situation ou par son silence, un individu cache à l'autre un élément capital et essentiel peut constituer un mensonge au sens de l'article 380 du Code criminel.

Le droit à un procès devant un juge impartial est d'une importance fondamentale pour notre système de justice / La charge d'établir la partialité incombe à la personne qui en allègue l'existence

R. c. Laroche, 1999 CanLII 13535 (QC C.A.)

L'intimée admet avec raison que l'appelant ne peut être forclos de soulever ce moyen car le droit à un procès devant un juge impartial est d'une importance fondamentale pour notre système de justice. Le droit à un procès devant un tribunal impartial a été élevé au rang de droit constitutionnel par l'art. 7 et l'al. 11 d) de la Charte canadienne des droits et libertés. Si les paroles ou les actes du juge qui a présidé le procès révèlent l'existence de partialité ou d'une crainte raisonnable de partialité, il y a alors eu violation d'un droit fondamental et la partialité dont il a été fait montre rend le procès inéquitable. Comme le mentionne le juge Proulx, dans Aflado c. R., le rôle d'une cour d'appel dans sa compétence de réviseur du procès vise précisément à s'assurer que l'appelant a subi un procès juste et équitable plutôt que de décider s'il est coupable ou non.

Depuis l'arrêt Committee for Justice and Liberty c. L'Office national de l'énergie, c'est le critère «de la personne raisonnable qui étudierait la question en profondeur eu égard aux circonstances de l'affaire» qui a été appliqué pour déterminer l'existence de partialité ou d'une crainte raisonnable de partialité.

Le simple soupçon de partialité n'est pas suffisant. Il doit y avoir une vraisemblance réelle ou une probabilité de partialité. À cet égard le juge Cory rappelle, dans l'arrêt R. c. S. (R.D.), que l'allégation de partialité doit être examinée soigneusement car elle met en cause un aspect de l'intégrité judiciaire. De fait précise-t-il:

L’allégation de crainte raisonnable de partialité met en cause non seulement l'intégrité personnelle du juge, mais celle de l'administration de la justice toute entière. Lorsqu'existent des motifs raisonnables de formuler une telle allégation, les avocats ne doivent pas redouter d'agir. C'est toutefois une décision qu'on ne doit pas prendre à la légère.

La charge d'établir la partialité incombe à la personne qui en allègue l'existence. Mais comme la partialité ou la crainte de partialité est fonction des faits et circonstances propres de l'affaire, les commentaires et la conduite reprochés ne doivent pas être examinés isolément mais bien en replaçant les gestes et paroles du juge dans l'ensemble de la procédure.

En l'espèce, l'appelant reproche au juge d'avoir usurpé les fonctions des avocats, aussi bien de la défense que de la poursuite; de s’être chargé des interrogatoires; d'être intervenu continuellement et quand bon lui semblait dans les interrogatoires et contre-interrogatoires au détriment du droit de l'appelant à un procès juste et équitable.

Lord Denning dans Jones c. National Coal Board décrit ainsi l’idéal de justice que doivent poursuivre les juges dans la conduite d'un procès:

... It is all very well to paint justice blind, but she does better without a bandage round her eyes. She should be blind indeed to favour or prejudice, but clear to see which way lies the truth: and the less dust there is about the better. Let the advocates one after the other put the weights into the scales - the "nicely calculated less or more" - but the judge at the end decides which way the balance tilts, be it ever so slightly.

The judge's part in all this is to hearken to the evidence, only himself asking questions of witnesses when it is necessary to clear up any point that has been overlooked or left obscure; to see that the advocates behave themselves seemly and keep to the rules laid down by law; to exclude irrelevancies and discourage repetition; to make sure by wise intervention that he follows the points that the advocates are making and can assess their worth; and at the end to make up his mind where the truth lies. If he goes beyond this, he drops the mantle of a judge and assumes the robe of an advocate; and the change does not become him well. Lord Chancellor Bacon spoke right when he said that: "Patience and gravity of hearing is an essential part of justice; and an over-speaking judge is no well-tuned cymbal".

Tout en ne remettant pas en cause le commentaire si bien énoncé par Lord Denning, en 1957, quant à l'idéal de justice qui doit guider les juges dans la conduite d'un procès, nous considérons que l'administration de la justice, à l'aube du 21e siècle, impose des impératifs plus aigus aux juges en matière de saine gestion des procès.

C'est ainsi que la Cour suprême dans Brouillard dit Chatel c. La Reine énonçait:

D'abord, il est clair que l'on n'exige plus du juge la passivité d'antan; d'être ce que moi, j'appelle un juge sphinx. Non seulement acceptons-nous aujourd'hui que le juge intervienne dans le débat adversaire, mais croyons- nous aussi qu'il est parfois essentiel qu’il le fasse pour que justice soit effectivement rendue. Ainsi, un juge peut et, parfois, doit poser des questions aux témoins, les interrompre dans leur témoignage, et au besoin les rappeler à l'ordre.

Le juge Lamer citait avec approbation la décision R. c. Darlyn, de la Cour d'appel de la Colombie Britannique. Le juge Bird écrivait:

[TRADUCTION] La nature et le degré de participation d'un juge à l'interrogatoire d'un témoin relèvent sans aucun doute de son pouvoir discrétionnaire, pouvoir qu'il doit exercer judiciairement. Selon moi, la fonction du juge consiste à tenir en équilibre la balance de la justice entre le ministère public et l'accusé. Il ne fait pas de doute dans mon esprit qu'un juge a non seulement le droit mais aussi le devoir d'interroger un témoin afin d'élucider une réponse obscure ou pour s'assurer qu'un témoin a bien compris une question, et même de corriger une omission de l'avocat en posant des questions qui, à son avis, auraient dû être posées pour expliquer ou faire ressortir certains points pertinents.

Dans Plante c. La Reine, le juge Philippon soulignait à cet égard:

[...] le juge n'est plus soumis à la passivité d'antan. Au contraire, Il est souvent nécessaire qu'il intervienne dans le débat afin d'assurer à l'accusé l'opportunité de présenter une défense pleine et entière et de protéger son droit à un procès juste et équitable. Ses interventions doivent toutefois être empreintes d'impartialité et ne doivent pas donner l'impression qu'il prend charge du procès ou usurpe le rôle des avocats.

[...]

La quantité des interventions importe moins que la manière d'y procéder. À l'occasion d'un tel pourvoi, il faut plutôt les évaluer dans leur ensemble et déterminer si elles ont eu ou pu avoir un impact sur le déroulement juste et équitable du procès. Autrement dit, il faut décider si elles ont rompu l'équilibre qui doit exister entre les parties. De plus, contrairement aux prétentions de l'intimée, le caractère raisonnable ou non du verdict n'a aucune incidence sur la question à trancher.

Mais, comme 1’a rappelé le juge Lamer dans 1’arrêt Brouillard dit Chatel c. La Reine, lorsqu'un juge troque sa toge contre celle d'un avocat, et a fortiori, lorsque cela se produit au détriment d'un accusé, il importe d'ordonner un nouveau procès, et ce quand bien même le verdict de culpabilité n'est pas déraisonnable en regard de la preuve, que le juge n'a commis aucune erreur quant au droit applicable en l'espèce, ou encore n'a pas mal apprécié les faits.

C’est, en effet, un principe fondamental de notre droit, qu'il est primordial que non seulement justice soit rendue, mais. que justice paraisse manifestement et indubitablement être rendue.

Or, ici, avec égards, il nous paraît manifeste que le juge a troqué la toge de juge pour celle de l'avocat, et que cela a nui au travail des avocats de la défense. En effet, il n'est pas contesté que le juge a posé 1 690 questions dans le cadre du procès qui a duré 20 jours, alors que l'avocat de la Couronne en a posé 1 282. Certes la quantité importe moins que la manière d'y procéder et le nombre seul des questions qu'un juge pose n'est pas décisif, mais à un moment donné, la force du nombre parle.

Il est bien reconnu qu'un juge a le pouvoir, voire le devoir de poser des questions en vue d'obtenir des éclaircissements sur une réponse obscure et d'en poser aussi lorsqu'il estime que le témoin a mal compris une question que lui a adressée l'avocat. Si, de l'avis du juge, il subsiste des doutes sur certains points ou s'il croit que certaines questions auraient dû être posées, il peut voir lui-même à combler la lacune. Il vaut mieux, en règle générale, que cela se fasse au moment où l'avocat a terminé son interrogatoire ou lorsqu'il est sur le point d'aborder un nouveau sujet.

Il y a cependant des limites au droit d'un juge de poser des questions. Pour assurer que l'accusé ait un procès équitable, les questions posées par le juge ne doivent pas perturber de façon sensible l'interrogatoire conduit par l'avocat ou laisser transparaître un parti pris. Comme le soulignent les auteurs Sopinka, Lederman et Bryant dans leur ouvrage The Law Evidence in Canada "The test to be applied is not one of bias or disruption in fact, but reasonable apprehension of unfairness". Les auteurs continuent en citant le passage suivant de l'arrêt R. c. Valley où le juge Martin affirme:

The ultimate question to be answered is not whether the accused was in fact prejudiced by the interventions but whether he might reasonably consider that he had not had a fair trial or whether a reasonable minded person who had been present throughout the trial would consider that the accused had not had a fair trial.

Revue par la Cour d'appel des principes applicables à l'infraction de fraude

Jean c. R., 2005 QCCA 17 (CanLII)

[51] La Cour suprême a donné une définition exhaustive de l'actus reus de la fraude dans R. c. Olan, 1978 CanLII 9 (C.S.C.), [1978] 2 R.C.S. 1175. Celle-ci compte deux éléments, l'acte malhonnête et une privation. Le premier est établi notamment par la preuve d'une supercherie, d'un mensonge ou d'un «autre moyen dolosif»; le second par la preuve qu'en raison de l'acte malhonnête, les intérêts pécuniaires de la victime ont subi un dommage ou un préjudice ou qu'il y a risque de préjudice à leur égard.

[52] L'acte malhonnête, y compris le moyen dolosif, est déterminé à partir des faits objectifs, c’est-à-dire selon ce qu'une personne raisonnable considérerait comme un acte malhonnête. Par ailleurs, la perte économique n'est pas essentielle à l'infraction. La mise en péril d'un intérêt pécuniaire est suffisante, même si aucune perte véritable n'en découle.

[53] Dans des affaires subséquentes à l'arrêt Olan, nos tribunaux ont précisé le genre de conduite visée par les termes autre moyen dolosif. Celle-ci inclut, par exemple, l'utilisation des ressources financières d'une compagnie à des fins personnelles, la dissimulation de faits importants, l'exploitation de la faiblesse d'autrui, le détournement non autorisé de fonds et l'usurpation non autorisée de fonds ou de biens: (références omises)

[54] Ils ont réitéré qu’il n'est pas nécessaire que l'accusé ait tiré profit de la fraude: (références omises)

[55] Au regard de la mens rea, le ministère public doit démontrer que l'accusé a sciemment utilisé, par exemple un autre moyen dolosif, alors qu'il savait qu'une privation pouvait en résulter: R. c. Théroux, 1993 CanLII 134 (C.S.C.), [1993] 2 R.C.S. 5. Il s'agit de déterminer si l'accusé était subjectivement conscient des conséquences à tout le moins possibles de l'acte prohibé. Dans l'application de ce critère, la conscience subjective des conséquences peut être déduite de l'acte lui-même mais prendra en compte une explication mettant en doute cette déduction.

[56] Dans cette affaire Théroux, la juge McLachlin écrit encore, pour la majorité, à la page 20:

J'ai parlé de la connaissance des conséquences de l'acte frauduleux. Toutefois, rien ne paraît s'opposer à ce que l'insouciance quant aux conséquences entraîne également la responsabilité criminelle. L'insouciance présuppose la connaissance de la vraisemblance des conséquences prohibées. Elle est établie s'il est démontré que l'accusé, fort d'une telle connaissance, accomplit des actes qui risquent d'entraîner ces conséquences prohibées, tout en ne se souciant pas qu'elles s'ensuivent ou non.

[57] Par contre, on ne peut assimiler à une négligence ou à une erreur d'attention, le fait de se servir, en toute connaissance de cause, de l'argent d'une autre personne pour acquitter ses obligations personnelles: (références omises)

Fourchette des peines et exemples jurisprudentiels des peines rendues à travers le Canada en matière de capacité affaiblie causant la mort

R. v. Ruizfuentes, 2010 MBCA 90 (CanLII)

22 As a result of the recent amendments and the review of the case law, I conclude that the regular range of sentences for offenders who commit the crime of impaired driving causing death and who have no prior convictions for drinking and driving or serious personal injury offences should be increased to a range of two to five years. For those who are second or subsequent offenders, it moves upwards to a range of four to eight years. As for driving prohibitions, the cases show that for first offenders, the range is three to ten years and for second or subsequent offenders, from ten years to a lifetime ban. Of course, these ranges are but guidelines and, as was recently explained in R. v. McCowan (K.J.), 2010 MBCA 45 (CanLII), 2010 MBCA 45, 251 Man.R. (2d) 295 by Steel J.A. (at para. 11):

.... Sentencing ranges are useful in promoting consistency and parity because they provide guidelines to sentencing judges for the imposition of similar penalties for similar offences of a similar nature involving similar offenders. See R. v. McDonnell, 1997 CanLII 389 (S.C.C.), [1997] 1 S.C.R. 948. But they are nothing more than guidelines and are certainly not conclusive of the appropriate sentence in any given case. The Supreme Court of Canada recently confirmed this basic principle in R. v. Nasogaluak, 2010 SCC 6 (CanLII), 2010 SCC 6, [2010 SCC 6 (CanLII), [2010] 1 S.C.R. 206] 251 C.C.C. (3d) 293, when it repeated that a judge can order a sentence outside of a guideline range so long as it is in accordance with the principles and objectives of sentencing. Thus, a sentence falling outside the regular range of appropriate sentences is not necessarily unfit. See also, R. v. Sinclair (W.J.), 2009 MBCA 91 (CanLII), 2009 MBCA 91, 245 Man.R. (2d) 237 at para. 6.

First Offenders

R. v. Homer (L.), 2003 BCCA 15 (CanLII), 2003 BCCA 15, 179 B.C.A.C. 195: Three years of imprisonment for a 37-year-old who had a substance abuse problem. She lost control of her vehicle killing a teenage girl who was standing at an intersection. Her breathalyzer readings were .230 and .224.

R. v. Dalkeith-Mackie (J.D.), 2003 MBCA 144 (CanLII), 2003 MBCA 144, 180 Man.R. (2d) 175: Three years of imprisonment and a ten-year driving prohibition for a 19-year-old accused who pled guilty to two counts of impaired driving causing death and one count of impaired driving causing bodily harm. He was speeding and lost control of the vehicle. Two of his passengers died and one was injured. His breathalyzer readings were .100 and .090.

R. v. Shave (2005), 25 M.V.R. (5th) 285 (Man. P.C.): Two years less a day conditional sentence and a five-year driving prohibition for a 21-year-old who had no criminal record. His breathalyzer reading was over .200. He showed sincere remorse and had abstained from alcohol since the incident.

R. v. Bone, [2005] M.J. No. 75 (Q.B.) (QL): Two years less a day conditional sentence and a three-year driving prohibition for a 21-year-old accused who had no criminal record. Her breathalyzer reading was .200 and she was driving without a driver’s licence. Following the incident she enrolled in an alcohol treatment program.

R. v. Capuska (K.) 2005 CanLII 22806 (MB P.C.), (2005), 194 Man.R. (2d) 113 (P.C.): Two years less a day conditional sentence and a five-year driving prohibition for a 20-year-old accused who had no criminal record. Her breathalyzer reading was .150 and she was driving without a driver’s licence. Following the incident, she had not driven.

R. v. Munro, [2005] O.J. No. 3431 (C.A.) (QL): Three and one-half years’ imprisonment and a seven-year driving prohibition for a 37-year-old convicted of impaired driving causing death and impaired driving causing bodily harm. The accused had been drinking all day at a golf tournament and refused a ride home. The court noted that the accused’s blood alcohol reading exceeded 160 milligrams of alcohol in 100 millilitres of blood and that this is deemed to be an aggravating factor under s. 255(1) of the Code. The accused was an alcoholic and had a conviction for assault in 1986 and cultivating a narcotic in 1995.

R. v. Spence, [2006] M.J. No. 238 (P.C.) (QL): Two years less a day conditional sentence with an absolute curfew for the first 12 months of the sentence followed by a four-year driving prohibition for a 20-year-old accused who did not hold a driver’s licence and had double the legal blood alcohol content. The only matter on her criminal record was a discharge in 2003.

R. v. Howe (P.L.), 2007 NBCA 84 (CanLII), 2007 NBCA 84, 330 N.B.R. (2d) 204: Three years of imprisonment and a four-year driving prohibition for a 41-year-old who at first failed to stop at the scene, but 20 minutes after the collision called 911 and reported the accident. He pled guilty and was remorseful. The accused had a long-standing problem with alcohol.

R. v. LaChappelle, 2007 ONCA 655 (CanLII), 2007 ONCA 655, 226 C.C.C. (3d) 518: A 21-month period of imprisonment and a five-year driving prohibition for a 41-year-old police officer who lost his job as a result of the conviction. His blood alcohol was between 130 and 210 milligrams of alcohol in 100 millilitres of blood and there was some evidence of poor driving.

R. v. Gallant, 2008 PESCAD 1 (CanLII), 2008 PESCAD 1: An 18-month conditional sentence containing punitive conditions, plus two years’ probation and a two-year driving prohibition for a 39-year-old accused who pled guilty to the offence. A favourable pre-sentence report showed he was very remorseful and cooperative throughout. The victim impact statement was also generally favourable, noting his guilty plea and acceptance of responsibility. The accused had one prior conviction for common assault some 18 years earlier.

R. v. Ramage (R.), 2010 ONCA 488 (CanLII), 2010 ONCA 488: Four years of imprisonment and a five-year driving prohibition for an accused who was convicted of impaired driving causing death and dangerous driving causing death. An aggravating factor was that his blood alcohol level was very high, well beyond the blood alcohol level of .160 deemed by the Code to be an aggravating factor. There were many mitigating factors, including that he was an “outstanding member” of the community, was a dedicated husband and father, and was remorseful. The victim’s family had asked that he not be incarcerated. Doherty J.A., with some reluctance, affirmed a four-year sentence, writing (at para. 80):

... I was inclined to the view that the sentence appeal should be allowed on the basis that the appellant’s exemplary life, other than this event, entitled him to the lowest possible period of incarceration that would adequately reflect the need for general deterrence and denunciation. I thought that a penitentiary sentence of less than four years would achieve that purpose. Further consideration has, however, led me to conclude that were I to take that approach, I would not be giving the trial judge’s decision the deference it is due. There is no error in principle here. Nor, in light of McVeigh [R. v. McVeigh, 1985 CanLII 115 (ON C.A.), (1985), 22 C.C.C. (3d) 145 (Ont. C.A.)] and the relevant jurisprudence, can it be said that a four-year sentence is manifestly unreasonable. This court must yield to the trial judge’s determination as to the appropriate sentence absent an error in principle or a manifestly unreasonable decision. I would add that deferring is made much easier by the trial judge’s thorough reasons, which demonstrate a keen appreciation of all of the factors relevant to the determination of the appropriate sentence in this very difficult case.

R. v. Junkert (M.), 2010 ONCA 549 (CanLII), 2010 ONCA 549: Five years of imprisonment and a ten-year driving prohibition for an accused who was convicted of impaired driving causing death. He had no prior record. In affirming the sentence, O’Connor A.C.J.O. deferred to the sentencing judge’s decision because the sentence was not demonstrably unfit nor arrived at as a result of an error.

Second or Subsequent Offenders

R. v. Regnier (R.H.), 2002 SKCA 82 (CanLII), 2002 SKCA 82, 219 Sask.R. 316: Six years of imprisonment and a nine-year driving prohibition for criminal negligence in the operation of a motor vehicle causing death. While impaired, and with two and one-half times the legal limit, he drove on the wrong side of the road and was involved in a head-on collision. The accused had a lengthy record of alcohol-related driving offences.

R. v. Kaserbauer (P.), 2003 MBQB 28 (CanLII), 2003 MBQB 28, 171 Man.R. (2d) 230: One year of imprisonment, plus 18 months of probation followed by a three-year driving prohibition for an accused who had a prior drinking and driving conviction.

R. v. Hall 2007 ONCA 8 (CanLII), (2007), 83 O.R. (3d) 641 (C.A.): Four years’ and ten months’ imprisonment and a ten-year driving prohibition. As his breathalyzer tests were conducted more than two hours after the offence, his blood alcohol was estimated to be between 129 and 165 milligrams of alcohol in 100 millilitres of blood. He had a prior related record.

R. v. Rhyason (B.P.), 2007 ABCA 119 (CanLII), 2007 ABCA 119, 404 A.R. 191: Three years of imprisonment for impaired driving causing death. This was an increase from the 18-month sentence he had received from the trial judge. He was 21 years old at the time of the offence and was remorseful. He registered low breathalyzer readings of .120 and .100. He had one previous drinking and driving conviction.

R. v. Bear (C.C.), 2008 SKCA 172 (CanLII), 2008 SKCA 172, 320 Sask.R. 12: Six years of imprisonment and a lifetime driving prohibition for impaired driving causing death and impaired driving causing bodily harm. The accused was 31 years old and, amongst other prior offences, had three previous convictions for impaired driving. He drove through a stop sign while impaired. In his pre-sentence report he was rated as a high risk to reoffend, based primarily on his numerous failure-to-comply offences and his alcohol abuse. The trial judge noted that the accused had not accepted responsibility for the offence and, to the contrary, had attempted to shift blame to the other driver.

R. v. Richard (A.L.), 2009 MBQB 181 (CanLII), 2009 MBQB 181, 241 Man.R. (2d) 298: Six years of imprisonment and a 15-year driving prohibition. Although the 33-year-old accused had no prior drinking and driving convictions, he had a serious criminal record for violent crime and warrants were in existence at the time of the offence for his arrest for failure to appear in court and failure to report for bail supervision. His licence had been suspended and he was under recognizance to abstain from alcohol when he went to a party and drank to the point of impairment. He then got behind the wheel of a van he knew was stolen. He got into an accident resulting in the death of the victim. The Crown asked for six years; counsel for the accused submitted five years was appropriate.

R. v. Morneau, 2009 QCCA 1496 (CanLII), 2009 QCCA 1496: Six years of imprisonment and a 12-year driving prohibition for impaired driving causing death and impaired driving causing bodily harm for a 39-year-old accused who had breathalyzer readings of .247. He also had three prior drinking and driving convictions. Leave to appeal to S.C.C. refused, [2009] S.C.C.A. No. 408.

R. v. Niganobe (J.), 2010 ONCA 508 (CanLII), 2010 ONCA 508, 95 M.V.R. (5th) 175: Five years of imprisonment and a 15-year driving prohibition for impaired driving causing death and impaired driving causing bodily harm. The accused had a prior criminal record including a conviction for impaired driving in 2003. She did not have a driver’s licence and in fact had never been licensed to drive. The trial judge also found that the accused had not accepted responsibility for her conduct and therefore continued to pose a danger to the public.