mercredi 31 octobre 2012

Les éléments à démontrer pour conclure en la possession sous le paragraphe 4(3) du Code criminel

Rochon c. R., 2011 QCCA 2012 (CanLII)

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[131] Dans l’arrêt R. c. Terrence, 1983 CanLII 51 (CSC), [1983] 1 R.C.S. 357, la Cour suprême rappelle les éléments à démontrer pour conclure en la possession sous le paragraphe 4(3) du Code criminel : connaissance, consentement et un certain contrôle du bien en cause. Ainsi, celui qui n’est qu’un simple passager à bord d’un véhicule qu’il sait volé n’en a pas la possession conjointe avec le voleur qui le conduit, car il n’a pas un certain contrôle sur le véhicule (R. c. Terrence). Par contre, la personne qui héberge quelqu'un dans son appartement et accepte que soit cachée de la drogue dans sa chambre à coucher sachant qu’il s’agit d’une substance interdite et alors qu’elle pouvait refuser, est coupable de possession conjointe (R. v. Chambers 1985 CanLII 169 (ON CA), (1985), 20 C.C.C. (3d) 440 (C.A. Ont.)).




mardi 30 octobre 2012

La déchirure du tympan est une blessure au sens de l'article 268 Ccr

R. v. Assiniboine, 2005 BCSC 1053 (CanLII)

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[40] In this case the fact that blood was seen coming from Mr. Hogue's nose and eye does not satisfy me that there was a breaking of the skin which the narrow definition of wounding requires. It has been held by at least one appellate court that breaking an eardrum constitutes wounding. I refer to R. v. Littletent, 1985 ABCA 22 (CanLII), (1985) 17 CCC (3d) 520 (Alta. C.A.). In the present case the paramedic testified Mr. Hogue was bleeding from his ear but the medical evidence does not satisfy me beyond a reasonable doubt that the bleeding from the ear resulted from the stomping or kicking and not from Mr. Hogue's head striking the pavement.




vendredi 26 octobre 2012

Le ouï-dire et sa règle générale d’inadmissibilité / admissibilité de message texte et de conversation téléphonique

R. c. Gervais, 2010 QCCQ 4390 (CanLII)

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[3]               Un second voir-dire a été tenu à la demande de la poursuite, me demandant d’admettre en preuve, le contenu de six conversations téléphoniques et d’un message texte en provenance d’un cellulaire qui se trouvait en possession de l’accusé au moment de son arrestation
[6] On cherche à mettre en preuve les propos d’un tiers par la bouche d’un témoin qui les a entendus. Par la suite, la poursuite entend se servir de ces déclarations afin que le Tribunal en tire des inférences quant à la commission des infractions qui sont reprochées à l’accusé. S’agit-il d’éléments de preuve admissible?

[7] Dans R c. Starr, après avoir réaffirmé la difficulté qu’il y a de définir le ouï-dire et la règle générale d’inadmissibilité, le juge Laccubucci résume ainsi :

Bref, les caractéristiques déterminantes essentielles du ouï-dire sont le but dans lequel la preuve est présentée et l’absence d’occasion utile de contre-interroger le déclarant en cour, sous la foi du serment ou d’une affirmation solennelle, relativement à la véracité du contenu de cette preuve.

[8] La préoccupation quant à l’introduction en preuve de ouï-dire concerne la fiabilité puisqu’il n’est pas possible de mettre à l’épreuve la perception de l’auteur de la déclaration, sa mémoire, sa sincérité. Il se peut que sa déclaration soit fausse ou qu’elle soit incorrectement rapportée sans que l’accusé puisse avoir l’occasion de demander à l’auteur de préciser, de rectifier ou d’expliquer ce qu’il voulait dire.

[9] D’où la règle générale de l’irrecevabilité de la preuve par ouï-dire assujettie toutefois à de nombreuses exceptions dont celle en cause ici, soit l’admissibilité en cas de nécessité et de fiabilité de la preuve. Cette exception s’ajoute aux exceptions traditionnelles de common law depuis l’arrêt Khan

[10] L’arrêt Khelawon s’inscrit dans la lignée de l’arrêt Khan en précisant l’état du droit quant à la mise en preuve de déclarations relatées à titre d’exception générale raisonnée à la règle du ouï-dire.

[11] La Juge Carron écrit au paragraphe 2 in fine :

…Lorsqu’il est nécessaire de recourir à ce type de preuve, une déclaration relatée peut être admise si son contenu est fiable en raison de la manière dont elle a été faite ou si les circonstances permettent, en fin de compte, au juge des faits d’en déterminer suffisamment la valeur. Si la partie qui veut présenter la preuve ne peut satisfaire au double critère de la nécessité et de la fiabilité, la règle générale l’emporte. Le juge du procès joue le rôle de gardien en effectuant cette appréciation du «seuil de fiabilité» de la déclaration relatée et laisse au juge des faits le soin d’en déterminer en fin de compte la valeur.

[12] L’arrêt Khelawon rompt avec une certaine jurisprudence, nommément l’arrêt Starr, sur la méthode d’analyse. La Juge Charron propose une approche fonctionnelle se détachant de l’approche visant à ranger les facteurs pertinents selon les catégories de seuil de fiabilité et de fiabilité en dernière analyse pour se concentrer sur les dangers particuliers que comporte la preuve par ouï-dire qu’on cherche à présenter, de même que les caractéristiques ou circonstances que la partie qui veut présenter la preuve invoque pour écarter ces dangers.

[13] Dans le cas présent, les conversations ainsi que le message texte dont on recherche la mise en preuve sont-elles du ouï-dire?

[14] Je suis d’avis qu’il s’agit de ouï-dire en fonction du but qui est recherché par la poursuite (...)

Le droit sur la règle du ouï-dire

R. c. St-Jacques, 2008 QCCS 6817 (CanLII)

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[18] L'arrêt Khelawon, rendu par la Cour suprême en 2006, est l'arrêt de base sur cette question de fiabilité d'une déclaration, tel qu'interprété plus récemment par cette Cour dans Blackman en 2008, deux décisions sous la plume de l'honorable Louise Charron. Il faut immédiatement préciser que Khelawon vient réviser la jurisprudence antérieure, surtout une partie de l'arrêt Starr quant à la preuve qu'il faut considérer lorsqu'on détermine le seuil de fiabilité d'une preuve par ouï-dire au stade d'un voir dire, comme ici.

[19] Commençons donc avec Khelawon, qui concernait des plaintes de plusieurs résidents d'une maison de retraite d'avoir été agressés par l'accusé. Le juge du procès avait admis une partie de la preuve par ouï-dire, malgré le décès d'un certain nombre de ces plaignants, dans une large mesure en raison de la similitude frappante des déclarations. La Cour d'appel de l'Ontario avait exclu toutes les déclarations et avait acquitté l'accusé, une conclusion confirmée par la Cour suprême.

[20] Dans son opinion, la juge Charron commence avec un rappel des règles de base en matière d'ouï-dire, aux paragraphes 2 et 3 :

[2] En général, tout élément de preuve pertinent est admissible. La règle excluant le ouï-dire est une exception bien établie à ce principe général. […] l'exclusion […] tient essentiellement à l'incapacité générale d'en vérifier la fiabilité. Si le déclarant n'est pas présent en cour, il peut se révéler impossible de mettre à l'épreuve sa perception, sa mémoire, sa relation du fait en question ou sa sincérité. […] Des erreurs, des exagérations ou des faussetés délibérées peuvent passer inaperçues et mener à des verdicts injustes. […] Dans certains cas, cette preuve présente des dangers minimes et son exclusion au lieu de son admission gênerait la constatation exacte des faits. C'est ainsi que les tribunaux ont établi, au fil du temps, un certain nombre d'exceptions à la règle. […] Si la partie qui veut présenter la preuve ne peut satisfaire au double critère de la nécessité et de la fiabilité (lorsqu'on sort des règles générales d'exclusion de preuve par ouï-dire), la règle d'exclusion générale l'emporte. Le juge du procès joue le rôle de gardien en effectuant cette appréciation préliminaire du « seuil de fiabilité » de la déclaration relatée et laisse au juge des faits le soin d'en déterminer en fin de compte la valeur.

[3] […] En tranchant la question du seuil de fiabilité (threshold reliability), le juge du procès doit être conscient que la preuve par ouï-dire est présumée inadmissible. Son rôle est de prévenir l'admission d'une preuve par ouï-dire qui n'est pas nécessaire pour trancher la question en litige ou dont la fiabilité ne ressort pas clairement de la véracité de son contenu ou ne peut, en dernière analyse, être vérifiée utilement par le juge des faits. Dans une affaire criminelle, l'incapacité de l'accusé de vérifier la preuve risque de compromettre l'équité du procès […] guident l'exercice du pouvoir discrétionnaire résiduel du juge du procès d'exclure des éléments de preuve même si leur nécessité et leur fiabilité peuvent être démontrées. […] le juge du procès a le pouvoir discrétionnaire d'exclure une preuve admissible lorsque son effet préjudiciable est disproportionné par rapport à sa valeur probante.

[21] Il s'agissait dans Khelawon (comme ici) d'une preuve par ouï-dire pour laquelle la nécessité était établie (le déclarant étant disparu ou mort). La Cour suprême a enseigné qu'il faut décider si la Couronne a établi qu'il s'agit d'une preuve pertinente - nécessaire pour trancher une question en litige - et si cette preuve a atteint le seuil de fiabilité, sur une balance des probabilités. Enfin, même s'il s'agit d'une preuve pertinente, nécessaire et fiable, il faut examiner son effet préjudiciable par rapport à sa valeur probante.

[22] Avant de quitter l'arrêt Khelawon, il faut préciser que la Cour suprême, aux paragraphes 93 et suivants, spécifie que les commentaires aux paragraphes 215 et 217 de l'arrêt Starr ne devraient plus être suivis, soit la limite imposée auparavant quant à la preuve soumise sur le seuil de fiabilité :

[93] […] Partant, certains des commentaires formulés aux par. 215 et 217 de l'arrêt Starr ne devraient plus être suivis. Les facteurs pertinents ne doivent plus être rangés dans des catégories de seuil de fiabilité et de fiabilité en dernière analyse. Le tribunal devrait plutôt adopter une approche plus fonctionnelle, comme nous l'avons vu précédemment, et se concentrer sur les dangers particuliers que comporte la preuve par ouï-dire qu'on cherche à présenter, de même que sur les caractéristiques ou circonstances que la partie qui veut présenter la preuve invoque pour écarter ces dangers. De plus, le juge du procès doit demeurer conscient du rôle limité qu'il joue lorsqu'il se prononce sur l'admissibilité – il est essentiel pour assurer l'intégrité du processus de constatation des faits que la question de la fiabilité en dernière analyse ne soit pas préjugée lors du voir-dire portant sur l'admissibilité.

[94] Je tiens à dire quelques mots sur un facteur décrit dans l'arrêt Starr, à savoir « la présence d'une preuve corroborante ou contradictoire ». […]

[100] Il s'est révélé difficile et parfois paradoxal de limiter l'enquête aux circonstances entourant la déclaration.

[23] Il faut toutefois souligner que la juge Charron dans Khelawon n'a aucunement rejeté l'approche ou la méthode de « principe » élaboré dans Starr et basé sur les arrêts Smith et Khan, tel qu'il appert des extraits suivants de Starr :

[192] Jusqu'à maintenant, l'application par notre Cour de la méthode fondée sur des principes en matière d'admissibilité de la preuve par ouï-dire s'est limitée, en pratique, à élargir la portée de l'admissibilité de la preuve par ouï-dire au-delà des exceptions traditionnelles. L'analyse et les observations de la Cour ont été axées sur la nécessité d'accroître la souplesse des exceptions existantes, et non pas particulièrement sur la nécessité de réexaminer les exceptions elles-mêmes. […]

[…]

[215] À cet égard, lorsque la fiabilité d'une déclaration est examinée selon la méthode fondée sur des principes, il importe d'établir une distinction entre le seuil de fiabilité et la fiabilité absolue. […] Le seuil de fiabilité ne concerne pas la question de savoir si la déclaration est véridique ou non; c'est une question de fiabilité absolue. Il concerne plutôt la question de savoir si les circonstances ayant entouré la déclaration elle-même offrent des garanties circonstancielles de fiabilité. Ces garanties pourraient découler du fait que le déclarant n'avait aucune raison de mentir (voir Khan et Smith, précités) […].
[24] En 2008, la juge Charron revient sur la question dans Blackman et répète que l'approche fonctionnelle et de « principe » élaborée, entre autre, dans Khelawon s'applique toujours. Elle souligne, aux paragraphes 30 et suivants, les critères de la pertinence de l'approche « raisonnée » en matière de ouï-dire (par. 33 et s.), la question d'un motif pour mentir de la part du déclarant lors de l'étude de fiabilité (par. 39 et s.) et les problèmes vis-à-vis du témoin qui rapporte des déclarations d'ouï-dire (par. 47 et s.), surtout lorsque la faible crédibilité ou fiabilité de la personne qui relate la déclaration extrajudiciaire prive la déclaration de toute valeur probante (par. 52). Dans ce cas (relativement rare précise-t-elle), le juge du procès pourrait conclure qu'en raison de la faible crédibilité ou fiabilité de la preuve fournie par le narrateur il doit, en vertu de son pouvoir discrétionnaire résiduel, écarter la déclaration relatée.

[25] Aux paragraphes 53 et suivants de Blackman, la juge Charron traite de la question de la corroboration, ou l'absence de corroboration - voire contradiction :

[53] Avant de terminer, j'aimerais dire quelques mots en réponse aux observations qui nous ont été soumises pendant l'audience sur la question de la corroboration. […] à la lumière des précisions apportées ultérieurement dans Khelawon sur la façon de tenir compte d'une preuve corroborante ou contradictoire lors du voir-dire sur l'admissibilité.

[54] Je tiens à souligner que Khelawon n'a pas élargi la portée de l'examen de l'admissibilité; il n'a fait que le mettre au point. La Cour a statué que les facteurs pertinents à considérer lors du voir-dire sur l'admissibilité ne devraient plus être rangés dans la catégorie du seuil de fiabilité ou celle de la fiabilité ultime. Elle a plutôt déclaré qu'il y avait lieu d'adopter une approche fonctionnelle.

[55] La Cour a donc précisé que, lorsque les circonstances s'y prêtent, il est possible de prendre en compte un élément de preuve corroborant pour apprécier le seuil de fiabilité d'une déclaration. Prenons l'exemple de la déclaration relatée d'une victime qui affirme avoir été poignardé à plusieurs reprises, mais qui ne porte aucune trace de blessure. L'absence de preuve corroborante pourrait jeter un doute sérieux quant à la véracité de la déclaration, voire porter un coup fatal à son admissibilité. À l'inverse, un élément de preuve corroborant peut aussi confirmer la véracité d'une déclaration.

[26] J'arrive donc maintenant à l'analyse des déclarations devant moi dans la présente cause. Selon l'approche de Khelawon et de Blackman, il faut répondre aux quatre questions suivantes :

1. Est-ce qu'il s'agit de ouï-dire? Ici, la réponse est oui.

2. Si oui, est-ce que cette preuve est pertinente aux accusations pour lesquelles l'accusé subit son procès?

3. Si oui, on applique l'approche « de principe », c'est-à-dire, on procède à l'analyse de chaque déclaration en se posant la question suivante : « Cette déclaration atteint-elle le seuil de fiabilité sur une balance des probabilités? », en appliquant l'approche fonctionnelle et en tenant compte de toute la preuve, non seulement des circonstances entourant la déclaration, mais également de la preuve corroborante ou contradictoire.

4. Enfin, et même si cette déclaration est jugée nécessaire, pertinente et fiable suite à ces analyses, il faut peser le risque de préjudice pour l'accusé si la déclaration est admise contre sa valeur probante, chaque déclaration étant prise de façon individuelle.

Il y a deux manières de satisfaire l'exigence de ce critère en ce qui concerne la fiabilité d'une preuve par ouï-dire

R. c. Moussali, 2012 QCCS 849 (CanLII)

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[22] Une déclaration extrajudiciaire constitue du ouï-dire si elle est présentée pour établir la véracité de son contenu et s’il y a impossibilité de contre-interroger le déclarant au moment précis où il fait cette déclaration. Or, une preuve par ouï-dire est présumée inadmissible. Effectivement, la règle du ouï-dire est par nature une règle d’exclusion générale. Il y a toutefois certaines exceptions traditionnelles de common law à cette règle.

[23] Par ailleurs, c'est dans l'arrêt Khan que la Cour suprême a adopté une exception de principe à la règle interdisant la preuve par ouï-dire. Est donc admissible une telle preuve lorsque sa production est nécessaire et qu’elle est fiable. Ainsi, avant d’admettre une déclaration relatée en vertu de l’exception raisonnée à la règle du ouï-dire, le juge du procès doit tenir un voir-dire dans lequel il doit décider si les critères de nécessité et de fiabilité ont été établis. La partie qui cherche à présenter cette preuve doit établir ces critères selon la prépondérance des probabilités.

[24] Dans le présent cas, la juge d'instance a conclu que le critère de nécessité avait été démontré. Il restait donc le débat sur le critère de fiabilité à faire. En effet, une preuve par ouï-dire ne sera pas déclarée admissible si l’on ne peut pas vérifier sa fiabilité. Cela étant et comme la juge l'affirme " il s’ensuit que, selon la méthode d’analyse raisonnée, l’exigence de fiabilité vise à déterminer les cas où cette difficulté est suffisamment surmontée pour justifier l’admission de la preuve à titre d’exception à la règle d’exclusion générale."

[25] En ce qui concerne la fiabilité, il y a deux manières de satisfaire l'exigence de ce critère. Les auteurs Béliveau et Vauclair mentionnent à ce sujet que:

" on peut envisager la fiabilité de deux manières distinctes, de façon intrinsèque ou extrinsèque. La fiabilité intrinsèque, que la Cour suprême a désignée comme offrant des garanties circonstancielles, est celle qui découle des circonstances de l’espèce. Dans un tel cas, " il n’y a pas de préoccupation réelle quant au caractère véridique ou non de la déclaration, vu les circonstances dans lesquelles elle a été faite ". La fiabilité extrinsèque est celle qui découle des garanties procédurales attachées à la prise de la déclaration. Dans un tel cas, " le seuil de fiabilité repose essentiellement sur l’existence de substituts adéquats aux garanties traditionnelles invoquées pour vérifier la preuve".

[26] L'appelante soutient que les garanties procédurales des notes de l’agent Graveley ne suffisent pas à satisfaire au critère de fiabilité, d’où la nécessité de s’appuyer sur les indices de fiabilité intrinsèque. Elle mentionne également que malgré le fait que les notes aient été rédigées en mode télégraphique et contiennent des abréviations, elles sont compréhensibles et intelligibles. De plus, la précision des détails contenue dans les notes de l’agent des services frontaliers, tend à démontrer l’exactitude et la véracité de ses notes et ne laisse pas de place à l’interprétation. Par conséquent, les notes de l’officier Graveley sont fiables.

[27] Pour déterminer si cette preuve rencontre le critère de fiabilité ou si elle offre suffisamment de garanties circonstancielles de fiabilité, il faut analyser, selon la jurisprudence, les circonstances dans lesquelles les notes ont été écrites.

Les principes de la preuve par ouï-dire

R. c. Nicolas, 2011 QCCQ 5702 (CanLII)

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[14] Conséquemment, il importe au stade de la recevabilité de se concentrer sur les dangers inhérents à la preuve par ouï-dire concernée et sur les caractéristiques ou circonstances invoquées par la partie qui veut s'en prévaloir.

[15] Il y a lieu donc de retenir :

- la preuve par ouï-dire est présumée inadmissible;

- il incombe à celui qui cherche à présenter la preuve d'en établir les critères de nécessité et de fiabilité selon la prépondérance des probabilités;

- la nécessité et la fiabilité doivent être interprétées de façon souple;

- il faut distinguer entre « fiabilité en dernière analyse » et « seuil de fiabilité ». L'examen de la recevabilité de la preuve par ouï-dire se limite au « seuil de fiabilité ». C'est au terme du procès que le juge des faits décide de s'en remettre ou non à la preuve par ouï-dire pour trancher les questions en litige au regard de l'ensemble de la preuve;

- le « seuil de fiabilité » s'entend d'une preuve qui comporte des indices et des garanties circonstanciels suffisants de nature à parer les dangers propres au ouï-dire. Bien qu'au stade de la décision portant sur la recevabilité de la preuve son rôle demeure limité et ne doit pas empiéter sur celui du juge du fond à qui revient « la fiabilité en dernière analyse », le tribunal peut tenir compte de tous les éléments de preuve pertinents.

Les critères de la res gestae

Alexandre c. R., 2012 QCCA 935 (CanLII)

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[54] Ici, seule la res gestae serait susceptible d'application. Les conversations téléphoniques de l'appelant avec V... ne constituent pas de la res gestae. Les critères de la res gestae sont les suivants : la déclaration doit être contemporaine à l’événement en question, et doit être spontanée; de plus, le déclarant doit subir une contrainte ou une intensité émotive, découlant des événements en litige, qui garantit la fiabilité de la déclaration. La Cour suprême enseigne ce qui suit :

Je suis convaincue qu'en appliquant les critères traditionnels des déclarations spontanées le juge du procès a rejeté à juste titre la déclaration de la mère. La déclaration n'était pas contemporaine puisqu'elle a été faite quinze minutes après leur départ du cabinet du médecin et probablement une demi-heure après la perpétration de l'infraction. Elle n'a pas été faite non plus sous la contrainte ou l'intensité émotive qui fournirait la garantie de fiabilité sur laquelle se fonde traditionnellement la règle des déclarations spontanées

[55] Dans le présent cas, les déclarations ont été faites une quinzaine de minutes après l’incident, et ainsi l’on pourrait difficilement les qualifier de contemporaines aux événements, si l’on considère leur contexte. Selon les auteurs Casey Hill et al., :

There must be a sufficient link between the event giving rise to the statement, and the statement, in the sense that the statement must be a product of the state of surprise or shock following on the event

mercredi 24 octobre 2012

La définition de maison d'habitation

R. v. Higgs, 2006 CanLII 10380 (MB PC)

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[12] This issue was decided in Manitoba by Justice McKelvey of the Manitoba Court of Queen’s Bench on the 29th of March 2005 in the case of R v. Bolczak.5 In essence, Justice McKelvey considered whether the sleeper berth of a semi was a dwelling house in a case that involved possession of marihuana for the purposes of trafficking. The marihuana was found in the sleeper part of the cab. Justice McKelvey indicated in her decision,

The term dwelling has been broadly interpreted by the Courts as it was said in a dissenting opinion in R v. Grant 1992 CanLII 5996 (BC CA), (1992), 14 C.R. (4th) 260 (CA) (an appeal to the Supreme Court of Canada did not consider the definition of a “dwelling house”) (at paragraph 70):

“Dwelling house” in that section is not an architect’s term. On the one hand, a boat is the “dwelling house” of one who lives aboard it and so may a packing case in which a “homeless” person sleeps and keeps his few pitiful belongings. On the other hand, a building which would be called a house in a real estate advertisement is not a “dwelling house” if no one dwells within it.

Mr. Bolczak testified he slept and ate most of his meals in the berth area during the course of his journey. He had a berth, fridge and a table in this confined area. It’s where he lived, albeit on a temporary basis while on the road. Section 2 of the Criminal Code defines a “dwelling house”, in part, as being a structure which is occupied on a temporary basis and includes a mobile unit.

I find the sleeper berth area is a “dwelling” within the meaning of the Act

mardi 23 octobre 2012

Le résumé des principes généraux à appliquer à l’examen auquel le juge du procès soumet le mandat de perquisition pour statuer sur sa validité

Arsenault c. R., 2009 NBCA 29 (CanLII)

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[5] Au départ de son analyse, le juge du procès s’est reporté à l’arrêt que notre Cour a rendu dans R. c. Allain (S.) (1998), 205 R.N.‑B. (2e) 201, [1998] A.N.‑B. no 436 (QL). Le juge d’appel Drapeau (aujourd’hui juge en chef) y formulait des principes généraux à appliquer à l’examen auquel le juge du procès soumet le mandat de perquisition pour statuer sur sa validité. Le résumé de ces principes proposé ci‑dessous puise largement dans cet arrêt :

1) L’examen que mène le juge du procès doit être entrepris en partant du point de vue que le mandat de perquisition et la dénonciation contestés sont présumés valides.

2) Il incombe à la personne qui en conteste la validité de convaincre le juge qui siège en révision que la dénonciation n’est pas conforme aux exigences de fond établies par la loi.

3) Lorsqu’il évalue la qualité de fond de la dénonciation, le tribunal de révision ne doit pas s’en tenir à la preuve qui y est explicitement mentionnée. Il doit se rappeler le pouvoir incontestable dont jouit le juge qui a décerné le mandat de tirer des déductions raisonnables de cette preuve explicite.

4) Dans son évaluation, le tribunal de révision doit prendre en considération la totalité de la dénonciation et en interpréter les différentes parties en contexte.

5) Une interprétation trop étroite des mots utilisés dans la dénonciation n’est pas justifiée par la jurisprudence ni par l’art. 8 de la Charte, mais le tribunal de révision doit rester vigilant et ne pas faire en sorte que sa tolérance à l’égard des erreurs ou des faiblesses de rédaction ne s’étende à des omissions importantes concernant les exigences de fond.

6) En définitive, si la dénonciation ne donne pas explicitement ou implicitement les motifs raisonnables requis, on ne peut pas dire que le mandat qui en découle a été décerné à bon droit.

7) Lorsque le dossier de la preuve soumis au juge siégeant en révision est essentiellement le même que celui qui a été présenté au juge qui a décerné le mandat, le critère à appliquer en révision consiste à déterminer si le juge qui a décerné le mandat disposait d’une preuve sur laquelle, agissant de façon judiciaire, il pouvait se fonder pour décerner le mandat de perquisition.

8) Par contre, lorsque le dossier soumis au juge siégeant en révision est essentiellement différent de celui qui a été présenté au juge qui a décerné le mandat, par exemple lorsque des parties importantes ont été retranchées de la dénonciation, le critère à appliquer en révision consiste à déterminer si le mandat aurait été décerné sur la foi de la preuve qui reste.

9) Lorsque le dossier de la preuve soumis au tribunal de révision est sensiblement moins important que le dossier présenté au juge qui a décerné le mandat, la question de la déférence n’a plus de justification de principe et il incombe au ministère public de convaincre le juge siégeant en révision que le mandat aurait été décerné sur le fondement de la preuve qui reste. [par. 10 à 19]

Le dénonciateur doit exposer les faits de façon complète et sincère, sans chercher à tromper le juge

Cossette c. R., 2011 QCCA 2368 (CanLII)

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[20] Pour être considérée non abusive aux termes de l’article 8 de la Charte, une fouille ou une perquisition doit être autorisée par la loi, cette loi doit n’avoir rien d’abusif et la fouille ou la perquisition ne doit pas être effectuée d’une manière abusive.

[21] Ici, la loi autorisait-elle la perquisition ? Tout est affaire de circonstances. Dans l'arrêt Hunter c. Southam Inc., le juge Dickson résume les exigences minimales de l'article 8 de la Charte comme étant « l'existence de motifs raisonnables et probables, [dont l'existence est] établie sous serment, de croire qu'une infraction a été commise et que des éléments de preuve se trouvent à l'endroit de la perquisition ».

[22] Le dénonciateur doit exposer les faits de façon complète et sincère, sans chercher à tromper le juge. Les aspects tant favorables que défavorables doivent être divulgués, comme le rappelait récemment le juge Fish, au nom de la majorité de la Cour suprême :

[58] En omettant de fournir ces détails, le dénonciateur a manqué à l’obligation qui lui incombe en tant que policier d’exposer les faits de manière complète et sincère au juge. Lorsqu’il demande une autorisation ex parte, comme dans le cas d’un mandat de perquisition, un policier — en fait, tout dénonciateur — doit faire particulièrement attention de ne pas faire un tri des faits pertinents dans le but d’obtenir le résultat souhaité. Le dénonciateur est tenu de présenter tous les faits pertinents, favorables ou non. Il peut omettre des détails non pertinents ou sans importance au nom de l’objectif louable de la concision, mais il ne peut pas taire des faits essentiels. Le policier dénonciateur doit donc éviter de présenter un exposé incomplet des faits connus et veiller à ne pas orienter le juge vers une inférence ou une conclusion à laquelle ce dernier ne serait pas parvenu si les faits omis lui avaient été divulgués.

[Soulignement ajouté]

[23] En revanche, le travail des policiers ne doit pas être examiné au peigne fin, mais il demeure que leur conduite peut rendre injustifiable une intrusion dans la vie privée des gens.

[24] Des soupçons ne justifient pas l'émission d'un mandat de perquisition et il serait préférable, bien que non crucial, que les affidavits soient donnés par des personnes ayant la connaissance la plus directe possible des faits en cause. Dans l'arrêt Garofoli, une affaire d'écoute électronique dont les principes demeurent pertinents pour toute demande d'autorisation, le juge Sopinka écrivait pour la majorité :

Le juge qui siège en révision ne substitue pas son opinion à celle du juge qui a accordé l'autorisation. Si, compte tenu du dossier dont disposait le juge qui a accordé l'autorisation et complété lors de la révision, le juge siégeant en révision conclut que le juge qui a accordé l'autorisation pouvait le faire, il ne devrait pas intervenir. Dans ce processus, la fraude, la non-divulgation, la déclaration trompeuse et les nouveaux éléments de preuve sont tous des aspects pertinents, mais au lieu d'être nécessaires à la révision leur seul effet est d'aider à décider s'il existe encore un fondement quelconque à la décision du juge qui a accordé l'autorisation.

[Soulignement ajouté]

[25] Dit autrement, le juge qui siège en révision doit « se demander s'il y avait au moins quelque élément de preuve auquel le juge aurait pu raisonnablement ajouter foi pour faire droit à la demande ». Il peut donc confirmer une autorisation qui comporte des informations erronées :

[28] L'affidavit doit en second lieu être fiable. Il ne doit pas chercher à tromper. Certes, une erreur peut s'y être glissée, une information consignée peut être erronée, voire délibérément trompeuse. Cela n'a pas nécessairement pour effet d'invalider de manière automatique la demande d'autorisation si une fois ce renseignement ou cette affirmation retiré du document, l'affidavit satisfait toujours les conditions de la loi.

[Soulignement ajouté]

[26] Le juge doit alors faire abstraction des renseignements inexacts énoncés dans la dénonciation. Il est possible de recourir à l’« amplification » pour rétablir les faits, lorsque la police a commis une erreur de bonne foi

[27] Il revient enfin à l'accusé de persuader le juge, selon la prépondérance des probabilités, que la dénonciation ne justifiait pas la délivrance de l'autorisation recherchée

La nature et de l’étendue des obligations de l’auteur d’une dénonciation en vue d’obtenir un mandat de perquisition

Kelly c. R., 2010 NBCA 89 (CanLII)

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[51] On trouve un résumé fort juste de la nature et de l’étendue des obligations de l’auteur d’une dénonciation en vue d’obtenir un mandat de perquisition ainsi que des conséquences possibles d’un manquement à ces obligations dans l’ouvrage de James Fontana et David Keeshan, intitulé The Law of Search and Seizure in Canada, 7e éd. (Markham (Ont.) : LexisNexis Canada Inc., 2007) :

[TRADUCTION]

Le déposant a l’obligation d’exposer de manière complète, honnête et sincère tous les faits pertinents afin que le juge saisi de la demande de mandat puisse déterminer d’une façon judiciaire si les faits remplissent le critère applicable et justifient la délivrance du mandat […]

L’omission d’effectuer une divulgation complète de tous les faits pertinents dans la dénonciation en vue d’obtenir un mandat de perquisition peut constituer un facteur qui non seulement mène à l’annulation du mandat mais contribue aussi à déterminer l’issue d’une demande fondée sur le par. 24(2). […] [p. 103]

La démarche que doit suivre le juge réviseur

R. c. Baribeau, 2008 QCCQ 12295 (CanLII)

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[22] Dans l’affaire R. c. Araujo, le juge Lebel s’exprime ainsi en ce qui a trait à la déclaration assermentée au soutien d’une demande d’autorisation de mandat :

En plus d’être complet et sincère, l’affidavit ne devrait jamais viser à tromper le lecteur. Dans le meilleur des cas, le recours à un libellé standard ne fait qu’ajouter au verbiage et se révèle rarement utile. Dans le pire des cas, il peut inciter le lecteur à penser que l’affidavit a un sens qu’il n’a pas. Même si le recours à un libellé standard ne fait pas automatiquement obstacle à l’autorisation (après tout, aucune disposition ne l’interdit formellement), j’invite fortement les juges à le décourager. On ne peut reprocher au déposant — il faudrait plutôt l’en féliciter — d’énoncer les faits de manière sincère, complète et simple. Les avocats et les policiers qui présentent des documents à l’appui d’une demande d’autorisation d’écoute électronique devraient résister à la tentation d’induire le juge en erreur en utilisant certaines formules ou en omettant stratégiquement certains éléments.

[23] Un policier qui se présente devant un juge émetteur, avec une déclaration assermentée pour l’obtention d’un mandat, quelle qu’en soit la nature, doit être de bonne foi et sa déclaration doit être complète et sincère.

[24] Il ne s’agit pas d’imposer au policier l’obligation de tout dire, mais plutôt de dire tout ce qui est nécessaire à une prise de décision éclairée par le juge émetteur. Un policier pourrait donc se demander, lorsqu’il omet certains faits, si ces omissions sont de nature à vicier ou fausser le processus décisionnel. Autrement dit, est-ce que ces omissions augmentent ses chances d’obtenir l’autorisation?

[25] Si la réponse est positive, alors il est évident que ces faits doivent être inclus. Sinon nous entrons forcément dans le domaine des omissions stratégiques.

[26] Une fois établies les règles qui doivent gouverner la déclaration assermentée quelle doit être la démarche que doit suivre le juge réviseur?

[27] Cette démarche est fort bien explicitée par le juge de Pokemandy dans l’affaire Rouleau précédemment citée aux paragraphes 69 et 73 :

69 - La démarche d’examen consiste pour le juge en révision à s’interroger sur les conséquences de la non-divulgation, de la fraude ou d’une déclaration mensongère dans le processus d’émission du mandat. Il doit d’abord retrancher de la dénonciation les allégations qui sont viciées, pour ensuite reconsidérer la déclaration assermentée dans son reliquat, et se demander si malgré ce vice, mais sur la foi du reliquat, l’autorisation pouvait quand même être accordée

73 - Le Tribunal doit voir non seulement s’il y a des énoncés qui ont été portés à la connaissance du juge de paix par l’affiant qui n’auraient pas dû l’être, mais aussi s’il y a des faits qui auraient dû être portés à la connaissance de ce dernier et qui ne l’ont pas été

Les déclarations faites aux ambulanciers sont-elles souverts par la règle des confessions?

R c Anderson, 2011 NBBR 317 (CanLII)

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44. Ce ne sont pas toutes les déclarations faites par un accusé qui sont visées par la règle des confessions. Les seules déclarations dont il faut examiner le caractère volontaire sont celles qui sont faites à des personnes en autorité. En conséquence, la question préliminaire relative aux déclarations faites par l’accusée à Mme Aube et à Mme Wheelan consiste à savoir si, en tant qu’ambulancières, elles étaient des personnes en autorité. Je vais commencer par examiner les circonstances des déclarations faites aux ambulancières.

50. L’analyse que doit effectuer un juge de première instance siégeant en voir-dire pour déterminer si une déclaration a été faite à une personne en autorité est expliquée dans l’arrêt R. c. Hodgson, 1998 CanLII 798 (CSC), [1998] 2 R.C.S. 449. Dans cet arrêt, la Cour suprême du Canada a déclaré, aux par. 36 et 37, que le juge du procès doit déterminer si l’accusé croyait raisonnablement que la personne qui a reçu la déclaration agissait pour le compte de la police ou des autorités chargées des poursuites. On doit résoudre cette question en considérant ce que l’accusé croyait subjectivement. Toutefois, il existe aussi un élément objectif en ce que l’accusé devait avoir un motif raisonnable de croire que la personne qui a reçu la déclaration était une personne en autorité (voir R. c. Hodgson, au par. 48).

51. L’aspect subjectif de cette recherche impose à l’accusé une charge de présentation. Dans l’arrêt R. c. Grandinetti, 2005 CSC 5 (CanLII), [2005] 1 R.C.S. 27, la juge Abella a affirmé, aux par. 37 et 38 :

Dans l’arrêt Hodgson, notre Cour a défini la procédure à suivre pour décider de la recevabilité d’un aveu. Premièrement, l’accusé a la charge de présentation concernant l’existence d’une véritable question en litige justifiant un examen quant à savoir si, au moment d’avouer, il croyait avoir affaire à une personne en situation d’autorité. Une « personne en situation d’autorité » s’entend généralement de celle qui participe à l’arrestation, à la détention, à l’interrogatoire ou à la poursuite de l’accusé. Il incombe ensuite au ministère public de prouver hors de tout doute raisonnable que l’accusé ne croyait pas raisonnablement que son interlocuteur était une personne en situation d’autorité ou, s’il le croyait, que la déclaration était volontaire. La question de savoir si l’aveu était volontaire ne se pose que si le tribunal conclut au préalable qu’il a été fait à une « personne en situation d’autorité ».

La notion de « personne en situation d’autorité » est très subjective et repose sur la perception qu’a l’accusé de la personne à qui il fait la déclaration. Il faut se demander si, compte tenu de sa perception du pouvoir de son interlocuteur d’influencer la poursuite, l’accusé croyait qu’il subirait un préjudice s’il refusait de faire une déclaration ou qu’il bénéficierait d’un traitement favorable s’il parlait.

52. L’accusée n’a pas témoigné en voir-dire. En conséquence, il n’existe aucune preuve directe de ce que croyait Mme Anderson. À mon avis, celle-ci ne s’est pas acquittée de sa charge de présentation préliminaire en montrant qu’elle croyait que les ambulancières étaient des personnes en autorité.

53. Même si elle avait établi qu’elle a cru subjectivement que les ambulancières étaient des représentantes de l’État, une telle croyance ne pouvait pas être raisonnablement entretenue. À mon avis, les circonstances dans lesquelles la déclaration a été faite ne permettent pas de conclure que Mme Anderson pouvait raisonnablement croire que l’une des ambulancières, ou les deux, agissaient de concert avec la police ou les poursuivants ou en étaient les représentantes. Je conclus que les questions posées à Mme Anderson par les ambulancières avaient pour but de favoriser son traitement médical. En particulier, j’accepte le témoignage des ambulancières quand elles disent qu’il est médicalement pertinent de déterminer qui conduisait le véhicule. Ni Mme Aube ni Mme Wheelan ne suivaient des instructions du caporal Dibblee ou de tout autre agent de police en posant les questions à Mme Anderson ou en faisant connaître les réponses à la police. J’accepte le témoignage du caporal Dibblee quand il dit ne pas avoir expressément demandé à Tracy Aube de charger l’infirmière de l’hôpital d’obtenir un échantillon de sang. En fait, la preuve indique qu’il n’a pas fait une telle demande. Même si on accepte le témoignage de Mme Aube voulant qu’une demande ait été faite par le caporal Dibblee, ce qu’il demandait était simplement de mentionner à l’infirmière de l’hôpital que la GRC demanderait un échantillon de sang. Cela ne suffit pas pour établir que Tracy Aube agissait comme représentante du caporal Dibblee lorsque Mme Anderson a fait les déclarations. Il n’y avait pas de procédure ni de plan convenu entre le caporal Dibblee et les ambulancières visant la communication de renseignements à la police. Vu l’ensemble des circonstances, je conclus que ni Tracy Aube ni Courtney Wheelan n’étaient des personnes en autorité au moment où Mme Anderson leur a fait les déclarations. En conséquence, ces déclarations sont admissibles.

Les principes généraux régissant la manière dont les juges de première instance doivent aborder l’examen des mandats de perquisition

R c Anderson, 2011 NBBR 317 (CanLII)

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18. Les principes généraux régissant la manière dont les juges de première instance doivent aborder l’examen des mandats de perquisition peuvent se résumer comme suit :

(1) Le mandat et la dénonciation en vue de l’obtenir sont présumés valides.

(2) C’est à celui qui conteste qu’il incombe de convaincre le juge saisi de la révision que la dénonciation en vue d’obtenir un mandat ne satisfait pas aux exigences substantielles prescrites par la loi.

(3) Le juge qui décerne le mandat a le pouvoir de faire toutes les déductions raisonnables et de tirer des inférences des éléments de preuve exposés dans la dénonciation.

(4) La dénonciation doit être considérée dans son contexte et dans son ensemble, sans que chacune de ses parties soit soumise à un examen microscopique.

(5) La norme à appliquer est celle de savoir s’il existait des éléments de preuve sur lesquels le juge, agissant de façon judiciaire, pouvait s’appuyer pour décerner le mandat.

(6) Le juge saisi de la révision ne peut pas substituer sa propre opinion concernant la suffisance de la preuve.

Quiconque demande une autorisation ex parte a l’obligation juridique d’exposer de manière complète et sincère les faits considérés

R. c. Araujo, 2000 CSC 65 (CanLII)

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46 D’un point de vue pratique et afin de tirer des enseignements pour l’avenir, il faut se demander quel genre d’affidavit la police devrait présenter à l’appui d’une demande d’autorisation d’écoute électronique. Quiconque demande une autorisation ex parte a l’obligation juridique d’exposer de manière complète et sincère les faits considérés: cf. Dalglish c. Jarvie (1850), 2 Mac. & G. 231, 42 E.R. 89; R. c. Kensington Income Tax Commissioners, [1917] 1 K.B. 486 (C.A.); Re Church of Scientology and The Queen (No. 6) 1987 CanLII 122 (ON CA), (1987), 31 C.C.C. (3d) 449 (C.A. Ont.), à la p. 528; United States of America c. Friedland, [1996] O.J. No. 4399 (QL) (Div. gén.), aux par. 26 à 29, le juge Sharpe. Tant que l’affidavit satisfait à la norme juridique applicable, il n’est pas nécessaire qu’il soit aussi long qu’À la recherche du temps perdu, aussi sémillant que le Kama Sutra ni aussi détaillé qu’un guide de réparation d’automobiles. Il doit simplement énoncer les faits de manière complète et sincère pour que le juge saisi de la demande d’autorisation puisse déterminer s’ils remplissent le critère juridique applicable et justifient l’autorisation. Idéalement, il devrait non seulement être complet et sincère, mais aussi clair et concis. Nul besoin de faire état par le menu de l’enquête policière menée jusqu’alors, depuis des mois ou même des années.

47 En plus d’être complet et sincère, l’affidavit ne devrait jamais viser à tromper le lecteur. Dans le meilleur des cas, le recours à un libellé standard ne fait qu’ajouter au verbiage et se révèle rarement utile. Dans le pire des cas, il peut inciter le lecteur à penser que l’affidavit a un sens qu’il n’a pas. Même si le recours à un libellé standard ne fait pas automatiquement obstacle à l’autorisation (après tout, aucune disposition ne l’interdit formellement), j’invite fortement les juges à le décourager. On ne peut reprocher au déposant — il faudrait plutôt l’en féliciter — d’énoncer les faits de manière sincère, complète et simple. Les avocats et les policiers qui présentent des documents à l’appui d’une demande d’autorisation d’écoute électronique devraient résister à la tentation d’induire le juge en erreur en utilisant certaines formules ou en omettant stratégiquement certains éléments.

48 Enfin, bien qu’il n’existe pas d’obligation juridique en ce sens, il serait bon d’obtenir des affidavits des personnes ayant la connaissance la plus directe des faits en cause, par exemple, les policiers qui mènent l’enquête criminelle ou qui sont responsables des indicateurs. Cela donnerait plus de poids aux documents du fait qu’ils seraient plus fiables. Si tel avait été le cas en l’espèce, on aurait pu éviter que l’affaire ne sombre dans l’impasse actuelle, toujours en appel, après des années de débats sur des questions préliminaires, sans qu’un jugement définitif n’ait été rendu quant à la culpabilité ou à l’innocence des appelants.

49 Cela m’amène à examiner la conclusion défavorable à la crédibilité du déposant en l’espèce. Sur le plan pratique, ces questions et une bonne partie du litige auquel elles ont donné lieu auraient pu être évitées dans une large mesure, si la police avait simplement demandé à chacun des responsables d’indicateurs de signer un affidavit portant sur les éléments dont il avait une connaissance particulière. Il en aurait presque certainement résulté une vérification plus rigoureuse des faits attestés par affidavit, ce qui aurait peut‑être permis d’éviter certaines des erreurs qui se sont retrouvées dans l’affidavit. De plus, la demande d’autorisation aurait été moins liée à la crédibilité de l’agent qui, en fin de compte, s’est porté garant de la véracité de tous les faits allégués.

Une ordonnance de la Cour est présumée valide

R. v. Collins, 1989 CanLII 264 (ON CA)

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There is no doubt that the facts set forth in the information sworn in support of the application for a search warrant were sufficient to enable a justice of the peace to act judicially and properly issue a search warrant pursuant to the provisions of s.443 of the Criminal Code of Canada [now R.S.C. 1985 c. C-46 s.487]. There is, of course, a presumption of validity with respect to a search warrant and the sworn information supporting it. A motion may be made by way of certiorari to quash a search warrant but if it is desired to adduce evidence from the informant or other witnesses in support of such an application, there must be allegations of deliberate falsehood or omission or a reckless disregard for the truth with respect to the material used to obtain the issuance of the warrant. Such allegations must be made out, as to the facts, to the extent of a prima facie case which may be established by inspection of the material or by affidavit except in the most exceptional cases. (See Re Church of Scientology and the Queen (No. 4) reflex, (1985), 17 C.C.C. (3d) 499, per Osler J. at pp. 509-10.) The deliberate falsity, omission or reckless disregard alleged must be that of the affiant to the "information and not that of an informant who has provided him with the alleged facts

lundi 22 octobre 2012

L'absence d'antécédents judiciaires en matière de fraude n'est pas déterminante, car un profil de vie rassurant et parfois exemplaire dans la société devient l'arme offensive du fraudeur

 R. c. N'Drin Beugré, 2011 QCCS 5363 (CanLII)


[89]            Pour atténuer la durée d'incarcération de leurs clients, les procureurs des accusés soulignent les aspects positifs des parcours de vie de leurs clients respectifs. L'absence d'antécédents judiciaires et la poursuite d'emplois légitimes de façon continue sont des considérants importants à leurs yeux.
[90]            Encore une fois, le Tribunal fait siens les propos du juge Wagner lorsqu'il prononce la peine de Lacroix :

« En l'espèce, l'absence d'antécédents judiciaires en matière de fraude n'est pas déterminante. La bonne réputation ou l'absence d'antécédents d'un individu reconnu coupable de fraude n'a pas la même portée que si cette personne, sous le coup d'une émotion passagère, commet un autre acte criminel isolé.
La planification, la réputation, le savoir et l'utilisation des connaissances par l'auteur d'une fraude et la fabrication de faux documents à grande échelle ne permettent pas au Tribunal de retenir comme un facteur atténuant l'absence d'antécédents judiciaires. »

[91]            Un profil de vie rassurant et parfois exemplaire dans la société devient l'arme offensive du fraudeur. 

[92]            C'est pour cela que le passé apparemment sans tache et la bonne réputation de Beugré et de Cholette ne peut, en l'espèce, avoir un effet déterminant sur leurs peines. 

[93]            Les propos de l'auteur Clayton Ruby sont pertinents sur ce point :
« The high rate of "white-collar" crimes committed by persons of prior excellent reputation tends to blunt the otherwise mitigating effect of good background, and many first offenders have received high sentences for sophisticated frauds. »

[94]            Tout est une façade dans le dossier Norbourg et le profil rassurant des responsables de la fraude fait partie de l'illusion fictive qui a réussi à berner autant de gens. Cette criminalité se camoufle dans des apparences de normalité et de décence. 

[95]            Malgré le rôle de soutien qu'exerçaient les contrevenants auprès de Lacroix, la dissuasion générale et la dénonciation constituent des facteurs déterminants dans la fixation de leurs peines. 

[96]            Bien qu'ils n'occupent pas une position de premier plan dans l'élaboration d'un système frauduleux de transfert de fonds, leur participation était à tout le moins nécessaire à son fonctionnement. Leur participation était essentielle à la réussite des stratagèmes mis en place pour camoufler les détournements. Sans la complicité soutenue de Beugré et Cholette, Lacroix aurait échoué plus rapidement dans son œuvre maléfique.

[97]            L'aide apportée dure longtemps. Cette durée est la cause directe du nombre élevé

Le mode de participation à une infraction peut être un motif pertinent dans la détermination du degré de responsabilité d'un délinquant

R. c. N'Drin Beugré, 2011 QCCS 5363 (CanLII)

 Lien vers le jugement 

[83]            Le mode de participation à une infraction peut être un motif pertinent dans la détermination du degré de responsabilité d'un délinquant. Ainsi, la peine de l'auteur principal d'un crime peut être plus sévère que celle de la personne qui prête assistance à l'auteur principal. Chaque cas est unique. Le Tribunal a déjà expliqué cette distinction en référant au rôle exclusif d'instigateur de Lacroix lorsque comparé aux rôles d'exécutants de Beugré et de Cholette. 

[84]            Par contre, le Tribunal rejette l'argument qu'une connaissance des fraudes fondée sur l'ignorance volontaire correspond à un état d'esprit moins condamnable que si les contrevenants avaient eu une connaissance réelle que Lacroix détournait des fonds illégalement. 

[85]            Selon les enseignements de la Cour suprême du Canada, la connaissance imputée à l'ignorance volontaire est l'équivalent d'une connaissance réelle. L'ignorance volontaire opère en remplacement d'une connaissance réelle. L'ignorance volontaire ne définit pas la mens rearequise pour une infraction particulière. Ainsi, que l'infraction soit commise avec la connaissance réelle ou par ignorance volontaire, elle reste la même et la peine prévue par le législateur également. Il n'y a donc aucune distinction quant à la détermination de la culpabilité. 

[86]            Cependant, cela ne signifie pas que dans les circonstances particulières d'une affaire, que la distinction entre la connaissance réelle et l'ignorance volontaire n'aura aucun effet quant à la détermination de la peine à infliger.

[87]            De l'avis du Tribunal, dans la présente affaire, la connaissance des fraudes commises par Lacroix par une ignorance volontaire n'est pas un facteur atténuant quant à la détermination de la peine à infliger à Beugré et à Cholette. 

[88]            Plus un état d'esprit d'ignorance volontaire se prolonge dans le temps, plus cet état d'esprit devient condamnable et doit être dénoncé par les tribunaux. C'est une chose de commettre une infraction de façon ponctuelle par ignorance volontaire, c'en est une autre de poursuivre une activité criminelle pendant des années avec ce même état d'esprit d'ignorance volontaire. Il est difficile de concevoir qu'après une si longue période, l'ignorance volontaire ne se soit pas muée en connaissance réelle

Le calcul de la détention provisoire post-22 février 2010

R. c. Alonso, 2012 QCCQ 7919 (CanLII)

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[12] Le 22 février 2010 marque l’entrée en vigueur des articles 719(3) et (3.1) qui se lisent comme suit :

(...)

[13] Deux approches ont été considérées par les tribunaux dans l’analyse de l’exception prévue à l’article 719(3.1). Il s'agit des approches dites quantitative et qualitative.

[14] Les tenants de l'approche quantitative ont comparé des peines de durée équivalente qui seraient imposées à un accusé détenu provisoirement et à un autre qui aurait bénéficié d’une mise en liberté pendant les procédures.

[15] Ainsi, dans le cas d’une même peine prononcée le même jour, l’accusé détenu purgerait une peine plus longue que celui en liberté puisque la période de détention provisoire n’est pas prise en compte dans le calcul de la peine aux fins de la libération conditionnelle.

[16] Dans R. c. Gosselin, 2011 QCCQ 11688 (CanLII), 2011 QCCQ 11688, mon collègue Denis Lavergne, se basant sur plusieurs décisions, a procédé à une analyse de l’expression « si les circonstances le justifient » mentionnée au paragraphe 3.1. Pour lui, la méthode quantitative doit être écartée parce que l’exception prévue par le législateur deviendrait la règle s’il fallait accorder automatiquement le crédit d’un jour et demi aux accusés en détention provisoire parce que pour une même peine, ils purgeraient une peine plus longue que ceux remis en liberté en attendant l'issue des procédures.

[17] Cette règle quasi automatique n'a certainement pas été voulue par le législateur dont on doit présumer qu'il connaissait cette situation.

[18] Je partage l'opinion du juge Lavergne et je ne retiens pas l'approche quantitative. Mes collègues Provost et Marleau ont fait de même dans leur décision respective soit dans R. c. Beaudry, 505-01-090819-109, le 25 avril 2012 et dans R. c. Lefrançois, 2012 QCCQ 5655 (CanLII), 2012 QCCQ 5655.

[19] Le crédit majoré sur la base de cette approche n’est donc pas accordé.

[20] Dans l’approche qualitative, on considère les conditions et les divers aspects affairant à la période de détention provisoire et je cite mon collègue Lavergne dans l’affaire Gosselin, précitée :

[49] Ainsi le délai écoulé entre le plaidoyer de culpabilité et la détermination de la peine, l’indisponibilité du tribunal pour raison de maladie, l’éloignement de la famille du détenu, l’impossibilité financière du détenu de verser la caution exigée et les conditions difficiles représentent autant de circonstances dont les tribunaux ont tenu compte pour accorder un crédit d’un jour et demi.

[50] Toutefois, dans R. c. Velez-Lau, 2011 ONSC 4805 (CanLII), 2011 ONSC 4805, le tribunal laisse entendre que les conditions difficiles de détention provisoire ne déclenchent pas un automatisme déterminant à tous coups un crédit d’un jour et demi. Les circonstances doivent être établies.

[21] Le juge Lavergne ajoute que la méthode qualitative exprimée dans l’affaire R. v. Morris, 2011 ONSC 5206 (CanLII), 2011 ONSC 5206, semble être majoritairement suivie par les tribunaux du pays malgré la décision de principe du juge Green de la Cour de justice de l'Ontario dans R. v. Johnson, 2011 ONCJ 77 (CanLII), 2011 ONCJ 77, où l’approche quantitative avait été retenue.

[22] Le 6 septembre dernier, dans l'affaire R. c. Mayers, 2011 BCCA 365 (CanLII), 2011 BCCA 365, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, en raison de l'absence de fondement factuel, a refusé de déterminer si les circonstances justifiaient le crédit majoré. La Cour a aussi conclu que l'accusé n'avait pas droit au crédit majoré. Cette décision, qui serait la seule d'une cour d'appel, n'apporte aucun éclairage sur les deux approches.

[23] Dans R. c. Bérubé, 2012 QCCS 1379 (CanLII), 2012 QCCS 1379, le juge Richard Grenier a conclu que les circonstances suivantes justifiaient l’application de l’exception prévue à 719(3.1). Je le cite :

[58] Au surcroît, le ministère public a, à l’origine, accusé monsieur Bérubé dans les districts de Longueuil et de Rimouski alors que tout cela aurait pu se faire dans le même district.

[59] Pendant un an et demi, on l’a transporté de Rimouski à Longueuil en passant par Québec et Trois-Rivières.

[60] À chaque occasion, il a dû interrompre ses activités intra-muros, être reclassé dans un nouveau secteur et subir différents préjudices qu’il a relatés dans son témoignage.

[61] Après le transfert à Rimouski du dossier de Longueuil et l’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité, le Tribunal a dû, à deux occasions, rendre des ordonnances, pour empêcher le transport de l’accusé à Longueuil, parce que la poursuite s’entêtait à ne pas faire rayer le dossier du rôle.

[24] En l’espèce, la défense allègue essentiellement la barrière linguistique pour appuyer sa demande de crédit majoré sans présenter de preuve des préjudices et des inconvénients occasionnés par cette situation.

[25] Même si je suis prêt à convenir que l’accusé a pu subir certains inconvénients inhérents à cette situation, cela ne relève pas de la connaissance judiciaire d’en mesurer l’ampleur ou d’en soupeser le poids sans élément de preuve sur lesquels s’appuyer.

[26] Il appartient à l’accusé de présenter une preuve afin d’obtenir le crédit majoré prévu à l’exception et il ne l’a pas fait.

[27] La simple demande basée sur la barrière linguistique n’est pas suffisante pour me permettre de conclure que les circonstances justifient l’exception du crédit majoré.

vendredi 19 octobre 2012

L’étranglement en droit criminel

Rapport du groupe de travail sur l’étranglement de la section du droit pénal

Lien vers le rapport en question

Les infractions principales applicables à cette conduite sont celles de voies de fait, voies de fait causant des lésions corporelles et voies de fait graves. L’infraction de tentative de meurtre pourrait également s’appliquer lorsque l’intention expresse peut être démontrée. D’autres infractions de tentative pourraient également être applicables.


L’infraction d’étouffement ou d’étranglement en vue de vaincre la résistance est évidemment aussi applicable. Il faut toutefois que la conduite s’accompagne de l’intention de rendre possible la perpétration d’un autre acte criminel ou d’y contribuer.

L’étranglement constituerait manifestement au moins des voies de fait simples. Compte tenu des circonstances, il pourrait bien aussi constituer des voies de fait causant des lésions corporelles ou une tentative de commettes de telles voies de fait selon la nature de la blessure résultante.

Cependant, étant donné les conséquences possiblement mortelles décrites plus précisément ci-dessous, l’accusation la plus appropriée pourrait être celle de voies de fait graves ou tentative de voies de fait grave. Ces infractions sont respectivement assorties de peines maximales de quatorze et de sept ans d’emprisonnement.

Les blessures consécutives à l’étranglement peuvent être suffisantes pour satisfaire aux définitions de blesser, mutiler ou défigurer, que l’on retrouve dans la jurisprudence; dans de nombreux cas, toutefois, l’étranglement constituera une infraction de mettre en danger la vie ou de tenter de le faire. Dans R. c. Williams, la Cour suprême a résumé ainsi la définition de cet élément :

Dans Godin, précité, le juge Cory a déclaré, à la p. 485 : « [l]e paragraphe se rapporte à des voies de fait qui ont pour conséquence de blesser, mutiler ou défigurer » (je souligne) ou (pour compléter la liste) de mettre la vie en danger. Le mot « danger » renvoi à la notion de péril ou de risque, tout comme le terme « endanger », utilisé dans la version anglaise et qui signifie « [p]ut in danger . . . put in peril . . . [i]ncur the risk » : New Shorter Oxford English Dictionary on Historical Principles (1993), vol. 1, p. 816.

Les lésions corporelles ne constituent pas une condition à l’infraction de mettre la vie en danger dans le cas de voies de fait graves. Cependant, les voies de fait commises doivent avoir réellement mis en danger la vie de la victime et non seulement avoir comporté la possibilité d’une telle conséquence.  Voici des exemples hypothétiques d’une telle conduite :

[TRADUCTION] Par exemple, si D. et V. se trouvent debout sur un balcon au vingtième étage d’un édifice et que D. pousse V. et fait passer V. de l’autre côté du garde-fou que V. réussit à s’accrocher miraculeusement jusqu’à ce qu’on vienne à son secours, peut-on douter que les voies de fait de D. ont mis en danger la vie de V. ? Dans cet exemple, D. a commis des voies de fait sur V. et ces voies de fait ont mis la vie de V. en danger même si V. n’a pas subi de lésion corporelle. On pourrait en dire autant si D. avait poussé V. dans un carrefour achalandé malgré la possibilité que des véhicules ne heurtent V. Même si un automobiliste attentif a été capable d’éviter de heurter V., peut-on douter que la vie de V. était en danger ?

Lorsque cet élément n’est pas démontré, une déclaration de culpabilité pour voies de fait graves peut néanmoins être prononcée si l’élément moral de l’infraction est établi et si les actions du délinquant dépassent la simple préparation

Tiré de : Rapport du groupe de travail sur l’étranglement de la section du droit pénal

http://www.ulcc.ca/fr/poam2/Strangulation_Rep_Fr.pdf

mardi 16 octobre 2012

Appréciation des délais (dé)raisonnables / Lorsqu'un délai découle d'un acte de l'accusé, il faut en tenir compte dans l'exercice de pondération et attribuer le délai en résultant à ce dernier et non au système

R. c. Jean-Jacques, 2012 QCCA 1628 (CanLII)

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[5] Les principes applicables sont bien connus. Dans l'arrêt Morin, la Cour suprême a pondéré sa jurisprudence relative à l'article 11 b) de la Charte, énoncée initialement dans les arrêts Smith et Askov. Par la suite, elle a interprété dans l'arrêt Godin les principes dégagés de l'arrêt Morin précité. Lues ensemble, ces décisions font ressortir trois constantes : la difficulté que pose l'évaluation du préjudice, l'importance à accorder à l'ensemble du dossier dans l'exercice de pondération requis ainsi que la nécessaire conciliation des intérêts de l'accusé avec ceux de la société :

[18] Notre Cour a établi le cadre juridique applicable en l'espèce dans Morin, aux p. 786-789. Pour déterminer si un délai est déraisonnable, il faut considérer la longueur du délai, déduction faite des périodes auxquelles la défense a renoncé, puis examiner les raisons du délai, le préjudice subi par l'accusé et les intérêts que l'al. 11b) vise à protéger. Par la force des choses, cette démarche demande souvent un examen minutieux de différentes périodes et d'une foule de questions factuelles concernant les raisons de certains retards. Toutefois, au cours de cet examen minutieux, il faut veiller à ce que l'attention que nous portons aux détails ne nous fasse pas perdre de vue l'ensemble de la situation.

[6] L'intimé prétend que la norme d'intervention applicable en pareille matière fait en sorte que les tribunaux d'appel doivent faire preuve d'une retenue considérable. Il a tort. À cet égard, il convient de citer la Cour d'appel de l'Ontario :

[5] Second, the respondent’s counsel submitted that the trial judge’s findings are findings of fact deserving of deference, absent palpable or overriding error. I do not agree. In R. v. Chatwell 1998 CanLII 3560 (ON CA), (1998), 122 C.C.C. (3d) 162 (Ont. C.A.), appeal to S.C.C. quashed 1998 CanLII 784 (SCC), (1998), 125 C.C.C. (3d) 433 (S.C.C.), this court applied the normal standard of review to the assessment of institutional delay. The court said (at para. 10):

The determination of whether certain factors constitute institutional delay for the purpose of an analysis pursuant to s. 11(b) of the Charter is one which, in our opinion, attracts the normal standard of appellate scrutiny. The adjudication of the s. 11(b) rights of an accused is not akin to the exercise of judicial discretion.

[6] In R. v. Qureshi, 2004 CanLII 40657 (ON CA), (2004), 190 C.C.C. (3d) 453 at para. 27 (Ont. C.A.), Laskin J.A. stated that a trial judge’s accounting of the inherent time requirements is to be reviewed on a standard of correctness. In my view, this applies to the process of assessing the various periods of delay, ascribing legal character to them and allocating them to the various categories set out in R. v. Morin, 1992 CanLII 89 (SCC), (1992), 71 C.C.C. (3d) 1 (S.C.C.). For example, whether the Crown had produced documents by a certain date is a question of fact. However, the questions of whether the failure to produce those documents constitutes a failure of the Crown’s duty of disclosure and whether such failure makes the Crown responsible for ensuing delay, involve the application of legal principles. The questions raised by this appeal primarily involve alleged errors in the way the trial judge accounted for various time periods, which is reviewable on a standard of correctness.
[7] En somme, s'il est acquis qu'il faut faire preuve d'une grande déférence quant aux conclusions de fait du juge de première instance, il en va autrement de la qualification des délais. Quant à l'évaluation du préjudice, il s'agit d'une question pouvant donner lieu à une erreur mixte de fait et de droit.

[8] En l'espèce, bien que le juge de première instance ait correctement identifié les principes applicables, la Cour est d'avis qu'il a commis des erreurs révisables dans la qualification de certains délais et l'application de la grille d'analyse relative à l'évaluation du préjudice.

[9] Lorsqu'un délai découle d'un acte de l'accusé, il faut en tenir compte dans l'exercice de pondération et attribuer le délai en résultant à ce dernier et non au système. C'est le cas, notamment, de l'accusé qui change d'avocat, qui demande une remise pour mieux se préparer, qui demande une enquête préliminaire ce qui ne pourra que reporter la date de tenue du procès, qui demande un report du procès pour quelque raison que ce soit (ce qui entraînera, vraisemblablement, un nouveau délai institutionnel), etc. Il ne s'agit pas alors de blâmer l'accusé, mais de reconnaître que l'exercice d'un tel droit est susceptible d'engendrer des délais dont il ne peut ensuite légitimement se plaindre (dans la mesure où ceux-ci sont normaux dans le cas de délais institutionnels).

[13] En somme, une qualification correcte des délais donne le résultat suivant : délais inhérent : 6 mois, délais institutionnels : 21 mois, délais imputables à l'intimé : 15 mois. De plus, aucun n'est attribuable au ministère public. Des délais institutionnels de 21 mois peuvent sembler longs, mais ils s'expliquent par la procédure en deux étapes (enquête préliminaire (à la demande de l'accusé malgré la simplicité de l'affaire) et procès; nécessité de reporter le procès pour une circonstance imprévisible (maladie)).

[14] Quant à la question du préjudice subi par l'intimé, un examen de la preuve permet de conclure que la longueur du délai n'est pas ici une source d'un préjudice sérieux. La perte de l'emploi lucratif résulte de l'accusation et non des délais. Quant aux restrictions imposées lors de la remise en liberté, certes elles imposaient des contraintes sur la vie sociale de l'intimé, mais il demeure qu'il pouvait en demander la modification si elles l'empêchaient d'occuper un emploi, ce qu'il n'a fait que deux ans après leur imposition. Quant à la présomption qu'un délai excessif est susceptible d'entraîner un préjudice, rien ne démontre en l'espèce une possibilité d'une quelconque atteinte au droit à une défense pleine et entière. Il faut aussi souligner qu'en aucun moment l'intimé n'a manifesté un empressement quant à la tenue de son procès.

[15] Enfin, vu la gravité du crime reproché (que le juge reconnaît à deux reprises dans son jugement), les intérêts de l'intimé devaient être contrebalancés avec ceux de la société. Ceux qui sont accusés d'avoir transgressé la loi doivent être traduits en justice, sauf dans des circonstances incontestablement préjudiciables à un accusé. Les circonstances de la présente affaire ne sont pas de cet ordre.

[16] Si le juge de première instance avait correctement qualifié les délais et pris en considération tous les autres éléments mentionnés précédemment, il est manifeste qu'il aurait rejeté la requête en arrêt des procédures, une réparation exceptionnelle.

lundi 15 octobre 2012

Toute peine imposée pour un crime commis intra-muros doit être purgée de manière consécutive à toute autre peine

Anglehart c. R., 2012 QCCA 771 (CanLII)

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[9] Comme autre facteur aggravant, le juge retient que le crime a été perpétré à l'intérieur d'un établissement carcéral et exprime son accord avec l'opinion exprimée par la Cour supérieure dans R. c. Charette selon laquelle toute peine imposée pour un crime commis intra-muros doit être purgée de manière consécutive à toute autre peine purgée par le contrevenant.

[14]           Le juge de première instance a identifié correctement les facteurs atténuants et aggravants. Il a, de plus, avec raison, décidé que la peine serait purgée de manière consécutive parce que l'infraction a été commise alors que l'appelant était incarcéré. Il n'y a pas lieu pour la Cour de revenir sur cette partie de son jugement, étant entendu qu'il ne s'agit pas là d'une règle absolue ne pouvant souffrir d'exceptions

vendredi 12 octobre 2012

Le pouvoir de common law de la Cour de prononcer des ordonnances préventives en vertu de l'article 810 Ccr

Gouin c. R., 2012 QCCS 4457 (CanLII)

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[6] Les auteurs-juges Béliveau et Vauclair dans leur ouvrage Traité général de preuve et de Procédure pénales, 16e édition, nous enseigne que :

1464. Le Code criminel comporte des dispositions particulières qui autorisent l'intervention préventive du tribunal. En effet, les article 810 et suivants permettent, dans différents contextes, de rendre des ordonnances en vue de prévenir certaines infractions. Ces dispositions qui ne créent pas d'infraction sont néanmoins de nature pénale dans la mesure où elles visent la prévention du crime.

1465. L'article 810 du Code est la disposition générale qui permet à quiconque, ou à un tiers agissant en son nom, ayant des motifs raisonnables de craindre qu'une autre personne porte atteinte à sa sécurité, à celle de son conjoint, à celle de son enfant ou à ses biens, de déposer une dénonciation à cet effet devant un juge de paix en vue de forcer cette personne à signer un engagement de garder la paix et de se plier à certaines conditions…

1466. Pour trouver application, cette intervention de la cour doit être mise en œuvre par une dénonciation. Il ne s'agit donc pas d'une mesure de rechange offerte à un juge qui préside un procès ou d'une mesure que ce dernier peut invoquer proprio motu…

[…]

1474. Indépendamment des dispositions du Code, la common law semble reconnaître au juge le pouvoir de prononcer des ordonnances préventives. C'est ce qu'a évoqué le juge Lamer dans l'arrêt Parks…

1475. Toutefois, son opinion ne rallie pas la majorité de la Cour qui, néanmoins, nous indique que si ce pouvoir de common law n'a pas été codifié par l'article 810 du Code, il comporte plusieurs restrictions et, notamment, il devra respecter l'article 7 de la Charte. Entre autres, une telle ordonnance ne peut être prononcée sans une demande de la part de la poursuite et sans la tenue d'une audition. De même, elle doit être de durée déterminée et ne peut se fonder sur des spéculations. La preuve doit démontrer que les motifs de crainte sont raisonnables.

mardi 2 octobre 2012

L'État du droit concernant l'échantillon reçu directement & l'absence du mot directement

Lavoie c. R., 2012 QCCS 4456 (CanLII)

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[9] L'honorable Richard Grenier dans R. c. Karl Tanguay, 2011 QCCS 4152 (CanLII), 2011 QCCS 4152 a écrit aux paragraphes 22 et 23 :

[22] Si la poursuite n'a pas produit un certificat du technicien qualifié indiquant que « chaque échantillon a été reçu directement de l'accusé dans un contenant approuvé ou dans un alcootest approuvé, manipulé par lui » cela ne met pas nécessairement fin au débat.

[23] Le témoignage du technicien qualifié, pourrait, par exemple, faire la preuve, hors de tout doute raisonnable, que des échantillons d'haleine ont été reçus directement de l'accusé, dans les circonstances prévues à l'article 258(1)(g)(iii) du Code criminel.

[10] L'honorable Martin Vauclair dans R. c. Durand, 2011 QCCS 2595 (CanLII), 2011 QCCS 2595 a écrit aux paragraphes 13 et 14 :

[13] Le premier grief attaque la décision du juge sur le non-lieu. Outre le certificat du technicien qualifié, le témoignage du policier Paterson pouvait supporter les inférences que les échantillons avaient été reçus directement de M. Durand…

[14] Dans les circonstances, il n'y avait pas absence de preuve et le juge devait rejeter la requête. Ce n'était pas un cas où le certificat est le seul élément de preuve administré par la poursuite. Le juge doit, à défaut d'un certificat clair, évaluer si l'ensemble de la preuve permet de conclure que les échantillons ont été reçus directement par l'accusé : …