mardi 31 mars 2009

Suffisance de l'ordre relativement au prélèvement d’un échantillon de sang selon l'article 254 du Code criminel

R. c. Knox, [1996] 3 R.C.S. 199

Résumé des faits
À la suite d’un grave accident de la route, le policier chargé de l’affaire a estimé que l’accusé était en état d’ébriété et il lui a ordonné de fournir un échantillon de sang, conformément au par. 254(3) du Code criminel. (L’accusé était à l’hôpital et l’ivressomètre le plus proche se trouvait assez loin de là.) L’ordre type imprimé sur une carte, qui a été lu à l’accusé, ne comportait pas les garanties requises au par. 254(4) (et énoncées en détail dans l’arrêt R. c. Green), à savoir que les échantillons de sang ne seraient prélevés que par un médecin qualifié convaincu que ces prélèvements ne risqueraient pas de mettre en danger la vie ou la santé du suspect.

Analyse
Le ministère public n’est pas tenu de prouver que l’accusé a consenti au prélèvement d’un échantillon de sang en vertu du par. 254(3) du Code. C’est une disposition impérative et non consensuelle. Une personne qui en reçoit l’ordre est tenue de fournir un échantillon de sang et quiconque «refuse d’obtempérer» à un ordre de fournir un échantillon de sang commet une infraction distincte (par. 254(5)).

Il existe réellement une différence de sens entre «obtempérer» et «consentir». Consentir signifie être d’accord et coopérer, et connote une décision de permettre à la police de faire quelque chose qu’elle ne pourrait pas faire autrement. Obtempérer a un sens plus subtil qui comporte l’omission de s’opposer. Le fait d’acquiescer et d’obtempérer indique seulement l’omission de s’opposer et ne constitue pas un consentement.

La norme actuelle exige simplement que le ministère public prouve qu’il existait des motifs raisonnables et probables de croire que l’accusé avait commis l’infraction de conduite avec facultés affaiblies, qu’il était impossible d’obtenir un échantillon d’haleine et qu’un ordre de prélèvement d’échantillon de sang avait été donné. Cependant, personne ne peut être contraint, physiquement ou autrement, de fournir un échantillon de sang. Par ailleurs, le fait d’obtempérer peut être vicié dans certaines circonstances comme celles où il y a eu recours à la supercherie.

L’ordre type qui a été lu en l’espèce était insuffisant parce qu’il ne comportait pas les garanties prévues au par. 254(4), à savoir que les échantillons de sang ne seraient prélevés que par un médecin qualifié convaincu que ces prélèvements ne risqueraient pas de mettre en danger la vie ou la santé du suspect. Sans ces garanties, le prélèvement sanguin contrevenait aux art. 7 et 8 de la Charte canadienne des droits et libertés. Si l’ordre n’a pas été ainsi validement donné, l’accusé ne peut pas être déclaré coupable, en vertu du par. 254(5), de ne pas avoir obtempéré à cet ordre.

L’intégrité du régime d’échantillons de sang exige que le policier donne un ordre valide assorti des garanties prévues au par. 254(4), même si l’accusé avait obtempéré à l’ordre en l’absence des garanties médicales.

Pour appliquer le par. 24(2) de la Charte, il y a une différence importante entre le fait d’obtempérer et le fait de refuser. Si un accusé a obtempéré à un ordre de fournir un échantillon sanguin sans que ne lui soient données les garanties médicales prévues au par. 254(4), la production en preuve de cet échantillon n’est pas susceptible de «déconsidérer l’administration de la justice». Cela est d’autant plus vrai lorsque les conditions prescrites par la disposition ont été effectivement remplies. L’administration de la justice n’est pas déconsidérée par l’ordre insuffisant lorsqu’un accusé y a vraiment obtempéré dans ces circonstances, car un ordre régulier fondé sur le par. 254(4) ne servirait qu’à encourager davantage à y obtempérer.

lundi 30 mars 2009

La légitime défense ne s’applique pas dans une bagarre à coups de poing entre adversaires consentants

R. c. Paice, [2005] 1 R.C.S. 339, 2005 CSC 22

Résumé des faits
À la suite d’une bousculade à l’intérieur d’un bar, la victime a mis l’accusé au défi d’aller se battre dehors. Une fois à l’extérieur, ils se sont proféré des menaces, et la victime a poussé l’accusé à une ou peut‑être deux reprises. L’accusé a frappé la victime à la mâchoire. La victime est tombée à la renverse et s’est heurté la tête sur le pavé. L’accusé lui a alors assené deux autres coups à la tête. La victime est décédée des suites de ses blessures et l’accusé a été inculpé d’homicide involontaire coupable

Résumé des faits
Dans une bagarre à coups de poing entre adversaires consentants, la légitime défense prévue au par. 34(1) ne s’applique pas étant donné qu’en raison de son consentement à la bagarre aucun des adversaires ne peut prétendre avoir été la victime innocente d’une attaque qu’il n’a pas provoquée.

L’arrêt Jobidon précise que, pour que le consentement soit vicié, il faut que des lésions graves aient été à la fois voulues et causées.

Un accusé ne peut invoquer le par. 34(1) que s’il a été illégalement attaqué « sans provocation de sa part ». Aux termes de l’art. 36 du Code criminel, la provocation comprend « celle faite par des coups, des paroles ou des gestes ». La légitime défense prévue au par. 34(1) a un sens large et permet à la personne attaquée d’employer la force nécessaire pour se défendre, sans qu’aucune crainte préalable de mourir ou de subir des lésions corporelles graves soit nécessaire. La conduite adoptée est justifiée dans la mesure où la force employée n’a pas pour but de causer la mort ou des lésions corporelles graves. Le paragraphe 34(1) ne peut être invoqué que dans le cas où l’accusé est une victime innocente qui a été attaquée sans provocation de sa part. La personne qui décide de participer à un échange de coups ne peut pas, par la suite, affirmer qu’elle n’a pas provoqué l’attaque

dimanche 29 mars 2009

Fouilles, perquisitions et saisies à l’école

R. c. M. (M.R.), [1998] 3 R.C.S. 393

Résumé des faits
Des élèves ont donné au directeur adjoint d’une école secondaire des renseignements raisonnablement dignes de foi, selon lesquels un autre élève avait l’intention de vendre de la drogue lors d’une activité scolaire tenue à l’école. Le directeur adjoint a invité l’accusé à se rendre à son bureau où il a demandé s’il était en possession de drogue, en le prévenant qu’il le fouillerait. Un agent de la GRC en tenue civile, appelé par le directeur adjoint conformément à la politique de l’école, était présent mais est resté muet pendant que le directeur adjoint parlait aux élèves et les fouillait.

Analyse
La protection de la Charte contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives (art. 8) s’applique parce que les écoles font partie du gouvernement.

Le seul fait qu’il y ait eu coopération entre le directeur adjoint et la police et qu’un policier ait assisté à la fouille n’est pas suffisant pour indiquer que le directeur adjoint agissait en qualité de mandataire de la police.

L’attente raisonnable en matière de vie privée peut toutefois être réduite dans certaines circonstances. Dans le cas d’un élève à l’école, elle est moindre que celle qu’il aurait dans d’autres circonstances, car les élèves savent que leurs enseignants et autres autorités scolaires ont la responsabilité de procurer un environnement sûr et de maintenir l’ordre et la discipline dans l’école. Ils savent que cela peut parfois commander la fouille d’élèves et de leurs effets personnels de même que la saisie d’articles interdits.

L’une des façons dont les autorités scolaires peuvent être appelées à réagir raisonnablement consiste à fouiller des élèves et à saisir des articles interdits. En matière de droit criminel, la preuve découverte par un enseignant ou par un directeur ne devrait pas être écartée parce que la fouille aurait été abusive si elle avait été effectuée par la police.

Exiger un mandat ou une autre autorisation préalable pour procéder à la fouille serait clairement peu pratique et irréalisable dans l’environnement scolaire. Les enseignants et les directeurs doivent pouvoir répondre rapidement et efficacement aux problèmes qui surgissent à l’école, afin de protéger leurs élèves et procurer l’atmosphère ordonnée propice à l’acquisition de connaissances.

La fouille d’un élève par les responsables d’une école n’a pas à reposer sur des motifs raisonnables et probables. Au contraire, dans ces circonstances, ils peuvent effectuer cette fouille s’ils ont des motifs raisonnables de croire qu’une règle de l’école a été violée ou est en train de l’être, et que la preuve de cette violation se trouve dans les lieux ou sur la personne de l’élève fouillé. Les fouilles entreprises dans des cas où la santé et la sécurité des élèves est en cause peuvent bien nécessiter l’application d’autres facteurs. Pour déterminer si une fouille est raisonnable, il faut prendre en considération toutes les circonstances qui l’ont entourée.

Un enseignant ou un directeur ne devrait pas être tenu d’obtenir un mandat pour fouiller un élève, et, partant, l’absence de mandat dans ces circonstances ne crée pas de présomption de fouille abusive. L’enseignant ou le directeur qui a des motifs raisonnables de croire qu’une règle de l’école a été violée et que la preuve de cette violation peut être découverte sur l’élève même peut procéder légitimement à la fouille de ce dernier.

La fouille exécutée par les autorités scolaires doit elle‑même être raisonnable, autorisée par la loi et appropriée eu égard aux circonstances et à la nature du manquement au règlement de l’école, dont on soupçonne l’existence. L’étendue acceptable de la fouille variera selon la gravité de l’infraction dont on soupçonne l’existence. Le caractère raisonnable d’une fouille effectuée par des enseignants ou des directeurs à la suite de la communication de renseignements doit être examiné et apprécié en fonction de toutes les circonstances en cause, y compris la responsabilité qu’ils ont d’assurer la sécurité des élèves. Les circonstances à examiner devraient aussi comprendre l’âge et le sexe de l’élève.

Cette norme modifiée des fouilles raisonnables devrait s’appliquer aux fouilles d’élèves à l’école, effectuées par des enseignants ou des autorités scolaires conformément à leur responsabilité et à leur pouvoir de maintenir l’ordre, la discipline et la sécurité à l’école. Cette norme ne s’appliquera pas aux mesures qui excèdent l’autorité des enseignants ou des directeurs. En outre, la situation est différente si les autorités scolaires agissent en qualité de mandataires de la police, et, dans ce cas, les normes habituelles s’appliquent.

Cette affaire ne porte que sur une fouille d’élèves exécutée dans une école élémentaire ou secondaire. On ne s’est pas penché sur le cas des fouilles effectuées dans des établissements de niveau collégial ou universitaire.

Même si le fait pour un élève de devoir se présenter au bureau du directeur ou d’être assujetti à quelque autre forme de contrainte de la part d’une autorité scolaire pouvait être perçu comme correspondant aux termes stricts de la définition du mot «détention», il n’y a pas lieu de considérer cela comme de la «détention» aux fins de l’application de l’al. 10b).

samedi 14 mars 2009

La pertinence du test polygraphique

R. c. Oickle, [2000] 2 R.C.S. 3, 2000 CSC 38

1. Informer le suspect des utilisations possibles du test polygraphique
91 Je suis d’accord pour dire que le simple fait d’omettre d’indiquer au suspect que les résultats du test polygraphique sont inadmissibles en preuve n’a pas automatiquement pour effet de rendre la confession involontaire. Les tribunaux doivent appliquer une démarche en deux étapes. Premièrement, conformément aux arrêts Rothman et Collins, précités, la confession doit être écartée si le subterfuge des policiers choque la collectivité. Deuxièmement, même si le subterfuge n’atteint pas ce degré de gravité, l’utilisation du subterfuge est un facteur pertinent dans l’analyse globale du caractère volontaire. À ce stade‑ci, la démarche est similaire à celle applicable à l’égard de la preuve fabriquée, voir précédemment, quoique, évidemment, l’utilisation d’une preuve inadmissible soit intrinsèquement moins problématique que l’utilisation d’une preuve fabriquée. Le simple fait d’omettre de dire au suspect que les résultats du test polygraphique sont inadmissibles n’entraîne pas à lui seul l’exclusion de la confession. Tout au plus peut-il constituer un facteur dans l’analyse globale du caractère volontaire.

93 Il ressort clairement de cet échange que l’intimé comprenait que, à eux seuls, les résultats du polygraphe n’étaient pas pertinents, que c’est plutôt l’opinion qu’en tire le technicien qui compte. Comme le sergent Taker a clairement dit à l’intimé que son interprétation des résultats n’était pas admissible, je souscris à l’opinion du juge MacDonald de la Cour provinciale qu’[traduction] «[i]l n’y a absolument aucun élément de preuve établissant que M. Oickle était confus sur ce point».


2. L’exagération de la validité des tests polygraphiques


95 Je reconnais que les policiers ont exagéré la fiabilité du polygraphe. Comme de nombreux auteurs l’ont démontré, les polygraphes sont loin d’être infaillibles: (...) De même, dans R. c. Béland, [1987] 2 R.C.S. 398, notre Cour a reconnu que les résultats des tests polygraphiques ne sont pas suffisamment fiables pour être admis devant les tribunaux.

96 Dans R. c. Amyot, [1991] R.J.Q. 954, à la p. 962, la Cour d’appel du Québec a jugé que le fait de dire que le polygraphe est infaillible rend une confession involontaire. Dans cette affaire, le polygraphiste a dit à l’accusé que «le test lui démontre qu’il ne dit pas la vérité». La cour a estimé que ces propos étaient inappropriés, et ce pour les raisons suivantes:

. . . c’est pousser beaucoup trop dans l’absolu ce en quoi cet examen consiste: c’est présenter à l’appelant le résultat comme une certitude qui va évidemment l’ébranler et lui faire dire: «Mais que va‑t‑il se passer maintenant?» Il me semble qu’ainsi l’appelant est induit en erreur sur l’infaillibilité du test, et cette façon de procéder peut naturellement inciter le sujet à «passer aux aveux».

Voir également l’arrêt Fowler, précité. Dans Amyot, la Cour d’appel a insisté de façon particulière sur le fait que le suspect avait fait une confession presque immédiatement après avoir été informé des résultats du test polygraphique, ce qui tendait à indiquer que sa volonté avait été subjuguée lorsqu’on l’avait mis en présence de cette preuve accablante, censément irréfutable.

97 Sans me prononcer sur le bien‑fondé la décision rendue dans Amyot, je souligne que les faits de cette affaire diffèrent considérablement de ceux du présent cas. Comme le démontre l’échange suivant, l’intimé a à maintes reprises rejeté l’exactitude des résultats du test polygraphique:

L’intimé n’a pas été atterré par les résultats du test polygraphique. Quoiqu’il soit clair que les policiers se sont fondés de façon importante sur ces résultats pour soutirer une confession à l’intimé, il ne s’agissait pas d’une situation comme celle de l’affaire Amyot, où l’aveu a presque immédiatement suivi la communication des résultats.

98 D’autres tribunaux ont écarté des confessions obtenues par l’utilisation d’un polygraphe seulement lorsqu’il s’était écoulé un certain temps avant que le suspect finisse par faire une confession. Par exemple, dans Ollerhead, précité, le tribunal a cité le passage suivant de R. c. Romansky (1981), 6 Man. R. (2d) 408 (C. cté), à la p. 421:

[traduction] [L]es tactiques psychologiques utilisées ont créé une atmosphère d’oppression. L’accusé a rapidement perdu toute volonté lorsqu’il s’est effondré sur le plan émotif. Comme en témoigne sa docilité et/ou susceptibilité concomitantes aux suggestions, sa volonté a été vaincue et subjuguée par celle de la personne en situation d’autorité.

Divers tribunaux de juridiction inférieure ont donc adopté des approches très différentes pour déterminer si les polygraphes créent une atmosphère oppressive. Les approches différentes retenues dans des affaires comme Amyot et Ollerhead démontrent que le moment de la confession par rapport à celui de l’administration du test polygraphique ne saurait être décisif. Il s’agit plutôt d’un élément de preuve qu’il appartient au juge du procès de considérer lorsqu’il détermine si la confession était volontaire.

99 Bien que les policiers aient effectivement induit l’intimé en erreur relativement à l’exactitude du polygraphe, il reste quand même à décider si, eu égard à l’ensemble des circonstances de l’interrogatoire, ce fait a rendu les confessions inadmissibles. À mon avis, ce ne fut pas le cas. Comme nous l’avons vu plus tôt, il n’y a pas eu d’effondrement émotionnel en l’espèce. Le simple fait qu’un suspect se mette à pleurer lorsqu’il fait finalement une confession, comme l’a fait l’intimé, ne témoigne pas d’un «effondrement émotionnel complet»; on peut s’attendre à des larmes lorsque l’auteur d’un crime avoue finalement qu’il l’a commis — surtout lorsque le suspect est un citoyen généralement respectueux de la loi comme l’intimé.

100 Comme nous l’avons vu précédemment, je n’estime pas non plus que les policiers ont créé une atmosphère oppressive. Le simple fait de mettre le suspect en présence d’un élément de preuve qui lui est défavorable, comme les résultats d’un test polygraphique, ne constitue pas un motif d’exclusion: voir Fitton, précité. Cette constatation vaut même dans le cas d’un élément de preuve inadmissible: voir Alexis, précité. En outre, le fait que les policiers exagèrent la fiabilité ou l’importance d’une preuve ne rend pas nécessairement une confession inadmissible. Les déclarations de témoins oculaires ne sont nullement infaillibles; pourtant, dans l’arrêt Fitton, notre Cour a jugé admissible une déclaration faite après que les policiers ont dit à un suspect qu’ils ne croyaient pas ses dénégations puisque plusieurs témoins oculaires l’avaient dénoncé. Bref, le simple fait de mettre un suspect en présence d’un élément de preuve défavorable — même en exagérant l’exactitude et la fiabilité de cet élément — ne rend pas à lui seul la confession involontaire.


3. Tromper l’accusé sur la durée de l’entrevue


101 (...) Puisque notre Cour a jugé dans Béland, précité, que les résultats de tests polygraphiques ne sont pas admissibles en preuve, [traduction] «l’administration du test doit donc être clairement séparée de l’interrogatoire mené en vue d’obtenir des déclarations» (Nugent, précité à la p. 212). Suivant la Cour d’appel, une déclaration faite tout de suite après un test polygraphique ne devrait pas être admissible parce que la défense ne peut pas expliquer adéquatement le contexte dans lequel la déclaration a été faite — ce qu’elle souhaiterait peut‑être faire en vue d’en contester le poids devant le jury — sans indiquer au jury que l’accusé a échoué au test polygraphique.

102 Il est vrai que les procédures policières offrent à la défense un choix désagréable: soit essayer d’expliquer la confession sans faire état du polygraphe, soit admettre que l’accusé a échoué au test. Cependant, cela se produit chaque fois qu’un suspect fait une confession après avoir été mis en présence d’un élément de preuve inadmissible, et cela ne rend pas nécessairement la confession involontaire. Le fait que la défense subisse un désavantage d’ordre tactique n’est pas pertinent pour ce qui est du caractère volontaire des confessions; tout au plus suggère‑t‑il plutôt l’existence d’un effet préjudiciable. Cependant, vu l’immense valeur probante d’une confession volontaire, je ne peux accepter que l’exclusion soit une solution appropriée.

103 Le dernier argument en faveur de la séparation de l’interrogatoire du test polygraphique est lié à l’«abus de confiance» qu’on reproche et dont j’ai déjà traité. On soutient que le lien d’intimité qui est établi à l’entrevue préliminaire perdure indûment au cours de l’interrogatoire qui suit le test. Que cela soit vrai ou non, je n’estime pas qu’il s’agit là d’un motif justifiant d’écarter la confession. Sur ce point, je souscris aux propos suivants de la Cour d’appel de l’Ontario dans R. c. Barton (1993), 81 C.C.C. (3d) 574, à la p. 575:

[traduction] Il ne fait aucun doute que la procédure est attentatoire et entend mettre à profit une expertise en psychologie en vue d’établir, entre l’interrogateur et l’«interrogé» un rapport propre à rendre l’analyse technique plus exacte. Il est également vrai que l’apparence d’intimité perdure jusqu’à la troisième étape, au cours de laquelle, dans la présente affaire, la déclaration inculpatoire a été faite. Pourtant, tout interrogatoire policier peut présenter ces caractéristiques, sous une forme ou une autre. Le «numéro du gentil policier et du méchant policier» est le plus connu.

Par conséquent, tout lien d’intimité qui aurait été créé pendant l’entrevue préliminaire ne peut avoir entraîné les confessions de l’intimé.


F. Résumé sur le caractère volontaire

104 En résumé, plusieurs aspects de l’interrogatoire de l’intimé par les policiers étaient susceptibles d’être pertinents en ce qui concerne le caractère volontaire des confessions de celui-ci, notamment les remarques faites au sujet de Mme Kilcup, les suggestions qu’«il vaudrait mieux» pour l’intimé qu’il fasse une confession et l’exagération de l’exactitude du polygraphe. Il s’agit certainement de considérations pertinentes pour statuer sur le caractère volontaire. Cependant, je souscris à l’opinion du juge du procès que ces divers facteurs — que ce soit individuellement ou ensemble avec les autres circonstances des confessions de l’intimé — ne soulèvent pas de doute raisonnable quant au caractère volontaire des confessions de l’intimé. Ce dernier n’a jamais été maltraité, il a été interrogé de façon extrêmement amicale et affable et aucun encouragement assez important pour soulever un doute raisonnable quant au caractère volontaire des confessions en l’absence de tout mauvais traitement ou d’oppression ne lui a été donné. Puisque je ne constate la présence d’aucune erreur dans les motifs du juge du procès, la Cour d’appel n’aurait pas dû infirmer ses conclusions.

L’abus de confiance / accusé interrogé d’une façon si douce et rassurante qu’ils ont obtenu sa confiance

R. c. Oickle, [2000] 2 R.C.S. 3, 2000 CSC 38

85 Essentiellement, la Cour d’appel reproche aux policiers d’avoir interrogé l’intimé d’une façon si douce et rassurante qu’ils ont obtenu sa confiance. Cela ne rend pas une confession inadmissible. Conclure autrement enverrait le mauvais message aux policiers, car cela reviendrait à leur dire de mener des interrogatoires accusateurs et agressifs afin d’éviter de gagner la confiance du suspect, de crainte que toute la confession obtenue par la suite soit écartée.

Les menaces qui auraient été faites à l’endroit de la fiancée de l’accusé

R. c. Oickle, [2000] 2 R.C.S. 3, 2000 CSC 38

81 Comme nous l’avons vu dans l’examen de l’arrêt Jackson, précité, les menaces ou promesses visant un tiers pourraient constituer des encouragements inacceptables. La Cour d’appel a affirmé, au par. 128, que les policiers ont effectivement dit à l’intimé que [traduction] «s’il faisait une confession, il ne serait pas nécessaire de poursuivre l’enquête ou de soumettre sa fiancée à un long interrogatoire».

82 Dans la majorité des cas où les policiers ont fait mention de la fiancée de l’intimé, Tanya Kilcup, au cours de l’interrogatoire, leurs remarques portaient sur le fait que l’intimé comptait sur elle, comme témoin pour établir un alibi: voir, par exemple, D. A., à la p. 570. Cependant, la Cour d’appel a eu raison de conclure qu’il y avait eu des moments où les policiers avaient laissé entendre qu’il pourrait être nécessaire d’interroger Mme Kilcup pour s’assurer qu’elle n’était pas impliquée du tout dans les incendies, soit seule, soit en collaboration avec l’intimé

83 Le lien qui existait entre l’intimé et Mme Kilcup était, à mon avis, suffisamment fort pour inciter ce dernier à faire une fausse confession si elle était menacée de subir un préjudice. Cependant, je n’estime pas qu’une telle menace ait jamais été faite. Il ne pesait contre Mme Kilcup aucune accusation que les policiers offraient de laisser tomber; ils n’ont jamais menacé de porter des accusations contre elle; de fait, les policiers n’ont jamais vraiment laissé entendre qu’elle était un suspect. Ils ont tout au plus promis qu’ils ne lui feraient pas subir de test polygraphique si l’intimé faisait une confession. Compte tenu de l’ensemble du contexte, j’estime que la raison la plus probable de lui faire subir le test polygraphique n’était pas en tant que suspect, mais plutôt comme témoin susceptible d’établir un alibi. À mon avis, il ne s’agit pas d’un encouragement suffisamment important pour soulever un doute raisonnable en ce qui concerne le caractère volontaire des confessions de l’intimé.

84 En outre, le moment où les remarques concernant Mme Kilcup ont été faites tend à indiquer qu’il n’y a pas de lien de causalité entre les encouragements des policiers et la confession faite subséquemment. Après les déclarations citées précédemment, le caporal Deveau a quitté la pièce et a dit à l’intimé qu’il avait l’intention de s’entretenir avec Tanya. L’intimé a donc fait sa confession environ deux heures après avoir commencé à croire que les policiers s’entretenaient déjà avec Tanya. En outre, peu après que l’agent Bogle a commencé à son tour à interroger l’intimé, ce dernier a clairement indiqué qu’il croyait que les policiers s’entretenaient avec Mme Kilcup seulement pour vérifier son alibi (D.A., à la p. 611

Les «encouragements» concernant la fiancée de l’intimé n’avaient ni l’importance, ni le lien de causalité requis pour justifier l’exclusion de la confession.

«Il vaudrait mieux»

R. c. Oickle, [2000] 2 R.C.S. 3, 2000 CSC 38

79 La transcription est effectivement truffée de telles remarques. Les policiers ont laissé entendre à l’intimé qu’il se sentirait mieux après avoir confessé ses crimes, que sa fiancée et les membres de la collectivité le respecteraient pour avoir admis qu’il avait un problème (par. 120) et qu’il pourrait plus facilement résoudre son problème évident de pyromanie s’il faisait une confession (par. 122). Cependant, compte tenu du contexte dans lequel elles ont été faites, aucune de ces déclarations ne comportait de menace ou promesse implicite. Il s’agissait plutôt de simples encouragements moraux suggérant à l’intimé qu’il se sentirait mieux s’il confessait ses crimes et commençait à résoudre ses problèmes. De fait, après la confession, le caporal Deveau a demandé à l’intimé [traduction] «[a]lors, comment te sens‑tu maintenant, Richard?» Ce dernier a répondu «[m]ieux».

80 Soutenir que les fréquentes suggestions des policiers que l’intimé se sentirait mieux s’il faisait une confession constituaient une menace ou un encouragement inacceptable équivaudrait à se lancer dans un formalisme dénué de sens. Les enregistrements révèlent clairement qu’il n’y avait pas de menace implicite dans ces paroles. L’intimé n’a jamais été maltraité. Il n’y a eu non plus aucune promesse implicite. Les policiers ont peut-être laissé entrevoir les avantages possibles d’une confession, mais ils n’ont jamais évoqué la possibilité d’une contrepartie. Par conséquent, je dois en toute déférence exprimer mon désaccord avec l’avis des juges de la Cour d’appel que ces remarques ont miné le caractère volontaire des confessions.

Les offres d’assistance psychiatrique

R. c. Oickle, [2000] 2 R.C.S. 3, 2000 CSC 38

78 (...) les policiers n’ont jamais laissé entendre à l’intimé qu’il obtiendrait de l’assistance uniquement s’il faisait une confession. La distinction qu’il faut faire ici est entre le fait pour les policiers de faire miroiter à l’intimé les avantages potentiels d’une confession et le fait de lui faire des offres conditionnelles à une confession. Le premier geste est tout à fait convenable, il ne s’agit pas d’un encouragement puisqu’il n’y a pas de contrepartie. Le second ne l’est pas. Toutefois, les policiers n’ont fait aucune offre de la sorte à l’intimé pendant qu’ils interrogeraient.

Minimisation de la gravité des crimes

R. c. Oickle, [2000] 2 R.C.S. 3, 2000 CSC 38

74 Dans la mesure où les policiers ne faisaient que minimiser la culpabilité morale liée à l’infraction, leurs actes ne posaient pas problème. Comme l’a elle‑même reconnu la Cour d’appel (au par. 126), [traduction] «le fait de minimiser la portée morale de l’infraction est un aspect courant et habituellement acceptable des interrogatoires policiers». La vraie question est plutôt de savoir si les policiers ont laissé entendre à l’accusé que [traduction] «la confession entraînera des conséquences juridiques minimales» (par. 126). Comme il a été expliqué plus tôt, un tel comportement est inapproprié.

Quoiqu’il soit vrai que les policiers ont minimisé la portée morale des crimes, ils n’ont jamais laissé entendre à l’intimé qu’une confession de sa part aurait pour effet d’atténuer les conséquences juridiques de ses crimes.

La règle des confessions contemporaine / Les autres ruses policières

R. c. Oickle, [2000] 2 R.C.S. 3, 2000 CSC 38

d) Les autres ruses policières
65 Le dernier élément dont il faut tenir compte pour déterminer si une confession est volontaire ou non est la question de savoir si les policiers ont utilisé des ruses en vue d’obtenir la confession. Contrairement aux théories qui ont fait l’objet des trois dernières rubriques, cette théorie établit une analyse distincte. Bien qu’elle soit elle aussi liée au caractère volontaire, elle vise plus précisément à préserver l’intégrité du système de justice pénale. Cette analyse a été introduite par le juge Lamer, dans les motifs concordants qu’il a exposés dans l’arrêt Rothman, précité. Dans cette affaire, la Cour a admis la déclaration qu’avait faite le suspect à un policier en civil qui partageait sa cellule. Dans ses motifs, le juge Lamer a souligné que la fiabilité n’était pas le seul aspect auquel s’attache la règle des confessions, car autrement la règle ne s’intéresserait pas à la question de savoir si l’encouragement a été donné par une personne en situation d’autorité. Il a résumé ainsi l’approche qu’il convient d’appliquer, à la p. 691:

[A]vant de permettre au juge des faits d’en examiner la valeur probante, une déclaration doit être soumise au voir dire en vue d’établir non pas si la déclaration est digne de foi, mais si les autorités ont fait ou dit une chose qui ait pu amener l’accusé à faire une déclaration qui soit ou qui puisse être fausse. Il importe au plus haut point de se rappeler que l’enquête ne porte pas sur la fiabilité mais sur la conduite des autorités relativement à la fiabilité.

66 Le juge Lamer s’est également empressé de souligner que les tribunaux doivent se garder de ne pas limiter indûment le pouvoir discrétionnaire des policiers (à la p. 697):

[U]ne enquête en matière criminelle et la recherche des criminels ne sont pas un jeu qui doive obéir aux règles du marquis de Queensbury. Les autorités, qui ont affaire à des criminels rusés et souvent sophistiqués, doivent parfois user d’artifices et d’autres formes de supercherie, et ne devraient pas être entravées dans leur travail par l’application de la règle. Ce qu’il faut réprimer avec vigueur, c’est, de leur part, une conduite qui choque la collectivité. [Je souligne.]

À titre d’exemples de comportement susceptibles de «choquer la collectivité», le juge Lamer a mentionné un policier qui soit se ferait passer pour un aumônier ou un avocat de l’aide juridique, soit donnerait une injection de penthotal à un suspect diabétique en prétendant lui administrer de l’insuline. L’analyse du juge Lamer sur ce point a été adoptée par notre Cour dans l’arrêt Collins, précité, aux pp. 286 et 287; voir également R. c. Clot (1982), 69 C.C.C. (2d) 349 (C.S. Qué.).

67 Dans l’arrêt Hebert, précité, notre Cour a renversé le résultat de l’arrêt Rothman en se fondant sur le droit au silence garanti par la Charte. Toutefois, je n’estime pas que cela rende inutile la règle du «choc de la collectivité». Il peut survenir des situations où, quoique la ruse utilisée par les policiers ne porte pas atteinte au droit au silence ni ne mine le caractère volontaire de la confession comme tel, elle soit si odieuse qu’elle choque la collectivité. Je suis donc d’avis que le critère énoncé par le juge Lamer dans Rothman et adopté par notre Cour dans Collins demeure un élément important de la règle des confessions.

La règle des confessions contemporaine / L’état d’esprit conscient

R. c. Oickle, [2000] 2 R.C.S. 3, 2000 CSC 38

c) L’état d’esprit conscient

63 Notre Cour a récemment traité de cet aspect de la règle des confessions dans l’arrêt Whittle, précité, et il n’est pas nécessaire que je le refasse. En résumé, le juge Sopinka a expliqué que la théorie de l’état d’esprit conscient «n’implique pas un degré de conscience plus élevé que la connaissance de ce que l’accusé dit et qu’il le dit à des policiers qui peuvent s’en servir contre lui» (p. 936). Je souscris à cette explication et j’ajouterais simplement que, tout comme l’oppression, la théorie de l’état d’esprit conscient ne doit pas être considérée comme une enquête distincte, complètement dissociée du reste de la règle des confessions. De fait, dans les motifs qu’il a exposés dans l’arrêt Horvath, précité, à la p. 408, le juge Spence a considéré que la théorie de l’état d’esprit conscient n’était qu’une application du principe plus large du caractère volontaire: la déclaration est inadmissible si elle «n’est [. . .] pas volontaire au sens ordinaire de ce terme en anglais parce qu’elle [a été provoquée] par d’autres circonstances comme c’est le cas en l’espèce».

64 De même, estimant que la règle des confessions ne saurait se limiter à une analyse négative, c’est-à-dire à déterminer si des menaces ou promesses explicites ont été faites, le juge Beetz a expliqué ainsi la règle, aux pp. 424 et 425:

En outre, le principe qui a inspiré la règle est positif; c’est le principe du caractère volontaire. Ce principe vaut dans tous les cas et peut justifier l’extension de la règle aux cas où l’extorsion d’une déclaration a une autre cause que les promesses, les menaces, l’espoir ou la crainte, si l’on estime que d’autres causes ont un effet aussi coercitif que les promesses ou les menaces, l’espoir ou la crainte et sont assez graves pour faire jouer le principe.

Comme l’indiquent clairement ces extraits, la théorie de l’état d’esprit conscient n’est qu’une application de la règle générale selon laquelle les confessions involontaires sont inadmissibles.

vendredi 13 mars 2009

La règle des confessions contemporaine / L’oppression

R. c. Oickle, [2000] 2 R.C.S. 3, 2000 CSC 38

b) L’oppression
58 Il est clair que l’existence d’un climat d’oppression est susceptible de produire de fausses confessions. Si les policiers créent des conditions suffisamment désagréables, il n’y a rien d’étonnant à ce que le suspect fasse une fausse confession induite par stress pour échapper à ces conditions. Par ailleurs, un climat oppressif pourrait ébranler la volonté du suspect au point de l’amener à douter de sa propre mémoire, à croire les accusations incessantes des policiers et à faire une confession induite.

59 L’arrêt récent de la Cour d’appel de l’Ontario R. c. Hoilett (1999), 136 C.C.C. (3d) 449, est un exemple frappant d’une situation oppressive. L’accusé, qui était inculpé d’agression sexuelle, avait été arrêté à 23 h 25 pendant qu’il était sous l’effet du crack et de l’alcool. Après avoir passé deux heures dans une cellule, deux agents lui ont retiré ses vêtements aux fins d’analyses médico-légales. On l’a laissé nu dans une cellule froide ne contenant qu’une couchette de métal où il pouvait s’asseoir. Cette couchette était si froide qu’il devait se tenir debout. Une heure et demie plus tard, on lui a fourni des vêtements légers — mais pas de sous‑vêtements — de même que des souliers qui ne lui faisaient pas. Peu de temps après, vers 3 h, on a réveillé l’accusé afin de l’interroger. Ce dernier s’est endormi au moins cinq fois pendant l’interrogatoire. Il a vainement demandé des vêtements plus chauds et un mouchoir pour s’essuyer le nez. Quoiqu’il ait reconnu qu’il savait qu’il n’était pas tenu de dire quoi que ce soit et que les agents ne lui avaient pas explicitement fait de menaces ni de promesses, il espérait qu’en parlant aux policiers ceux-ci lui donneraient des vêtements chauds et mettraient fin à l’interrogatoire.

60 Dans ces circonstances, il n’est pas étonnant que la Cour d’appel ait conclu que la déclaration n’avait pas été volontaire. Dans des conditions inhumaines, on peut difficilement s’étonner qu’un suspect fasse une confession dans le seul but d’échapper à ces conditions. Une telle confession n’est pas volontaire. (...) Sans vouloir énumérer tous les facteurs susceptibles de créer un climat d’oppression, mentionnons le fait de priver le suspect de nourriture, de vêtements, d’eau, de sommeil ou de soins médicaux, de lui refuser l’accès à un avocat et de l’interroger de façon excessivement agressive pendant une période prolongée.

61 Une dernière source possible de conditions oppressives est l’utilisation, par les policiers, d’éléments de preuve inexistants. Comme il est ressorti de l’analyse qui a été faite des fausses confessions plus tôt, ce stratagème est très dangereux: voir Ofshe & Leo (1997a), loc. cit., aux pp. 1040 et 1041; Ofshe & Leo (1997), loc. cit., à la p. 202. L’utilisation de faux éléments de preuve est souvent un moyen crucial de convaincre le suspect que ses protestations d’innocence, même si elles sont vraies, sont futiles. Je ne veux d’aucune façon laisser entendre que le seul fait de mettre le suspect en présence d’éléments de preuve inadmissibles, ou même fabriqués, constitue nécessairement une raison d’écarter une déclaration. Cependant, lorsqu’elle s’ajoute à d’autres facteurs, cette considération est certes pertinente pour déterminer, dans le cadre d’un voir‑dire, si la confession était volontaire.

La règle des confessions contemporaine / Menaces ou promesses

R. c. Oickle, [2000] 2 R.C.S. 3, 2000 CSC 38

47 La règle des confessions de la common law offre une protection efficace contre les fausses confessions. Bien que cette règle s’attache principalement au caractère volontaire des confessions, ce concept chevauche celui de la fiabilité. Une confession non volontaire est souvent (mais pas toujours) peu fiable. L’application de la règle est, par nécessité, contextuelle. (...) Par conséquent, le juge du procès doit tenir compte de tous les facteurs pertinents lorsqu’il examine une confession.

a) Menaces ou promesses

48 (...)Il importe donc de définir précisément quels types de menaces ou de promesses soulèvent un doute raisonnable quant au caractère volontaire d’une confession. Bien que des menaces de torture clairement imminente rendent une confession inadmissible, la plupart des affaires ne sont pas aussi nettes.

49 Comme il a été souligné plus tôt, le Conseil privé a jugé, dans Ibrahim, que des déclarations sont inadmissibles si elles ont été obtenues «par crainte d’un préjudice ou dans l’espoir d’un avantage». L’exemple classique d’«espoir d’un avantage» est la perspective de clémence de la part du tribunal. Il est inacceptable qu’une personne en situation d’autorité laisse entendre à un suspect qu’elle fera des démarches pour obtenir une réduction de l’accusation ou de la peine si le suspect fait une confession. En conséquence, dans l’arrêt Nugent, précité, la cour a écarté la déclaration d’un suspect à qui l’on avait dit que, s’il faisait une confession, il serait accusé d’homicide involontaire coupable au lieu de meurtre. Aussi peu plausible que cela puisse intuitivement sembler, tant la jurisprudence que la doctrine confirment que la pression découlant d’un interrogatoire intense et prolongé peut convaincre un suspect que personne ne croira ses protestations d’innocence et qu’il sera inévitablement déclaré coupable. Dans de telles circonstances, faire miroiter à un suspect la possibilité d’une réduction de l’accusation ou de la peine en échange d’une confession soulèverait un doute raisonnable quant au caractère volontaire de l’aveu qui s’ensuivrait. Le fait pour les policiers d’offrir explicitement au suspect de lui obtenir un traitement clément en retour d’une confession est manifestement un encouragement très puissant et justifiera l’exclusion de la confession, sauf dans des circonstances exceptionnelles.

50 Un autre type d’encouragement pertinent en ce qui concerne le présent pourvoi est le fait d’offrir au suspect de l’assistance psychiatrique ou d’autres formes de counselling en échange d’une confession. Bien qu’il s’agisse clairement d’un encouragement, une telle offre n’a pas autant de poids qu’une offre de clémence et il faut, dans un tel cas, tenir compte de l’ensemble des circonstances. (...) bien que la conduite des policiers ait constitué un encouragement, ce facteur n’a pas joué dans la décision du suspect de faire une confession. L’arrêt Ewert reconnaît donc l’importance d’une approche contextuelle.

51 Il n’est pas nécessaire que les menaces ou les promesses visent directement le suspect pour avoir un effet coercitif. Par exemple, dans R. c. Jackson (1977), 34 C.C.C. (2d) 35 (C.A.C.‑B.), le juge McIntyre (plus tard juge de notre Cour) a examiné une confession obtenue dans une affaire où l’accusé et son ami Winn avaient volé et assassiné un auto‑stoppeur. Les policiers, qui soupçonnaient Jackson d’avoir commis le meurtre, l’ont exhorté à faire une confession, à défaut de quoi son ami Winn serait injustement déclaré coupable de meurtre. Le juge du procès avait tiré la conclusion suivante:

[traduction] [Les policiers] exerçaient une forme de pression subtile sur Jackson, faisant appel à son concept du bien et du mal. [. . .] Ils lui ont dit que s’ils ne parvenaient pas à faire la lumière sur l’affaire, il pourrait s’avérer nécessaire de porter des accusations contre les deux, et qu’il s’agissait d’une très forte possibilité. Les agents ont été très francs avec lui. Ils espéraient que Jackson, confronté avec les éléments de preuve qu’ils avaient et les conséquences de son silence, tirerait Winn d’affaire et passerait aux aveux. C’est exactement ce qu’il a fait. À mon avis, ils n’ont rien dit ni fait qui puisse être interprété par Jackson comme faisant miroiter la possibilité qu’il obtiendrait un avantage s’il faisait une confession.

Le juge McIntyre a lui aussi estimé qu’on n’avait pas fait miroiter à l’accusé l’espoir d’un avantage qui aurait rendu la confession inadmissible. Il a ensuite fait une analyse très utile du droit (à la p. 38):

[traduction] [Chaque affaire] doit être examinée à la lumière des faits qui lui sont propres. À mon avis, pour qu’un avantage promis à une personne autre que l’accusé vicie une confession, l’avantage doit être d’une nature telle que, envisagé à la lumière du lien qui existe entre cette personne et l’accusé, et de toutes les circonstances de la confession, il tendrait à amener l’accusé à faire une fausse déclaration, car c’est le danger qu’une personne puisse être incitée, par des promesses, à faire une telle déclaration qui est à l’origine de la règle de l’exclusion.

52 Le juge McIntyre a mentionné, à titre d’exemples d’encouragements inacceptables, le fait de dire à une mère que sa fille ne serait pas accusée de vol à l’étalage si la mère avouait avoir commis une infraction similaire ou le fait pour un sergent‑major d’avoir fait parader une compagnie de soldats jusqu’à ce qu’on lui dise qui était le responsable d’une agression à coups de couteau. Dans Jackson, par contraste, l’accusé avait rencontré Winn en prison et ne le connaissait que depuis un an. L’infraction avait été commise quelques jours après leur libération. Ni l’un ni l’autre n’a témoigné de l’existence entre eux d’une relation telle que [traduction] «l’immunité de l’un était d’une importance si cruciale aux yeux de l’autre qu’il ferait une fausse confession pour la préserver» (p. 39). La confession a donc été jugée admissible.

53 La règle de l’arrêt Ibrahim parle non seulement de «l’espoir d’un avantage», mais également de «la crainte d’un préjudice». Il va de soi que toute confession résultant de violence pure et simple est involontaire, non fiable et, par conséquent, inadmissible. Les menaces voilées, plus subtiles, qui peuvent être proférées contre des suspects sont plus répandues et posent un plus grand défi aux tribunaux. Dans la troisième édition de son ouvrage intitulé The Admissibility of Confessions (1979), l’honorable Fred Kaufman expose un point de départ utile, à la p. 230:

[traduction] Les menaces peuvent prendre toutes sortes de formes. Parmi les plus répandues, mentionnons les expressions comme «il vaudrait mieux» que tu te mettes à table, qui impliquent que le refus de le faire pourrait avoir des conséquences terribles. Le juge Maule a reconnu ce fait, et il a dit qu’«il ne fait pas de doute que de telles paroles, si elles sont prononcées par une personne en situation d’autorité, ont déjà justifié à au moins 500 reprises l’exclusion d’une confession»

Les tribunaux ont donc déjà écarté des confessions faites en réponse aux suggestions faites par les policiers aux suspects qu’il vaudrait mieux que ces derniers passent aux aveux.

54 Cependant, le fait que des expressions du genre «il vaudrait mieux que vous disiez la vérité» aient été utilisées ne doit pas d’office entraîner l’exclusion d’une confession. Dans de telles situations, le juge du procès doit plutôt, comme dans tous les cas, examiner le contexte global de la confession et se demander s’il existe un doute raisonnable que la confession qui en a résulté était involontaire. Le juge en chef Freedman du Manitoba a bien appliqué cette approche dans R. c. Puffer (1976), 31 C.C.C. (2d) 81 (C.A. Man.). Dans cette affaire, une personne soupçonnée de vol qualifié et de meurtre a demandé à rencontrer deux policiers qu’elle connaissait. Durant cette rencontre, un des agents a dit: [traduction] «La meilleure chose que tu puisses faire, c’est nous accompagner et nous dire la vérité» (p. 95). Le juge en chef Freedman a estimé que, quoique les paroles de l’agent aient été «mal choisies», elles n’entraînent pas l’exclusion (à la p. 95): [traduction] «McFall voulait parler, il voulait donner sa version des faits aux policiers, et il ne voulait surtout pas que Puffer et Kizyma se tirent d’affaire, le laissant ainsi seul pour faire face à la musique»

55 [traduction] Aussi risqué que puisse être le fait pour un policier d’utiliser des expressions du genre «il vaut mieux tout nous dire» — que les agents expérimentés et consciencieux éviteront comme la peste — les conséquences de ces expressions ne seront pas toujours fatales. Dans certains cas, de telles expressions ont été utilisées et, pourtant, l’aveu qui a suivi a été admis. Cela peut se produire lorsque le tribunal est convaincu que — bien que potentiellement périlleuses — les expressions attentatoires n’ont pas, dans les faits, amené l’accusé à parler. Autrement dit, il aurait fait une confession de toute façon, l’examen du tribunal ayant établi que sa déclaration était effectivement volontaire. Il est à peine besoin de souligner, cependant, que les affaires de ce type poseront une difficulté particulière aux avocats chargés des poursuites, car les expressions du genre «il vaut mieux dire la vérité» suggèrent à première vue un encouragement, et le procureur pourrait fort bien devoir lutter pour faire admettre une confession résultant de leur utilisation.

Je suis d’accord avec l’opinion selon laquelle les remarques du type «il vaudrait mieux» ne commandent l’exclusion de la confession que dans les cas où les circonstances révèlent une menace ou promesse implicite.

56 Un dernier type de menace ou de promesse pertinent dans le cadre du présent pourvoi est l’utilisation d’encouragements moraux ou spirituels. De tels encouragements ne donneront généralement pas lieu à un aveu involontaire, pour la raison bien simple que la concrétisation de l’objet de l’encouragement est indépendante de la volonté des policiers. Lorsqu’un policier dit «si vous ne confessez pas, vous passerez le reste de vos jours en prison. Dites‑moi ce qui s’est produit et je pourrai vous obtenir une peine moins lourde», il est clair qu’il encourage fortement et de façon inacceptable le suspect à faire une confession. En effet, l’agent offre une contrepartie, ce qui soulève la possibilité que le suspect confesse un crime non pas parce que, dans son for intérieur, il souhaite le faire, mais plutôt afin de tirer parti de l’avantage que lui offre l’interrogateur. Par contraste, dans le cas des encouragements spirituels, la réalisation de l’avantage évoqué est indépendante de la volonté de l’interrogateur. Le policier qui convainc un suspect qu’il se sentira mieux après avoir fait une confession n’offre rien à ce dernier. Je suis donc d’accord avec Kaufman, op. cit., qui a résumé ainsi la jurisprudence, à la p. 186:

[traduction] Nous pouvons donc conclure que, en règle générale, les aveux qui résultent d’exhortations spirituelles ou d’appels à la conscience et à la moralité sont admissibles en preuve, qu’ils aient été proférés par une personne en situation d’autorité ou par une autre personne.

57 En résumé, les tribunaux doivent avoir à l’esprit qu’il peut souvent arriver que les policiers offrent une certaine forme d’encouragement au suspect en vue d’obtenir une confession. Peu de suspects confesseront spontanément un crime. Dans la très grande majorité des cas, les policiers devront d’une façon ou d’une autre convaincre le suspect qu’il est dans son intérêt de faire une confession. Cela ne devient inacceptable que lorsque les encouragements — à eux seuls ou combinés à d’autres facteurs — sont importants au point de soulever un doute raisonnable quant à la question de savoir si on a subjugué la volonté du suspect. Sur ce point, j’estime particulièrement à propos le passage suivant de l’affaire R. c. Rennie (1981), 74 Cr. App. R. 207 (C.A.), à la p. 212:

[traduction] Très peu de confessions sont inspirées exclusivement par le remords. Il arrive souvent qu’un accusé soit animé par divers motifs, y compris l’espoir qu’un aveu hâtif puisse se traduire par une libération anticipée ou une peine moins sévère. Si, en droit, la règle était que la seule présence d’un tel motif, même s’il découle de paroles ou d’actes d’une personne en autorité, mène inexorablement à l’exclusion d’une confession, pratiquement toutes les confessions seraient jugées inadmissibles. Cela n’est pas le droit applicable. Dans certains cas, il se peut que l’espoir ait pris naissance chez l’accusé lui-même. Dans ces cas, il n’est pas pertinent, même s’il constitue le motif dominant pour lequel l’accusé a confessé le crime. La confession n’aura pas été obtenue par suite de quelque acte d’une personne en situation d’autorité. Il arrive plus souvent que la présence d’un tel espoir tire son origine, du moins en partie, d’actes ou de paroles d’une telle personne. Il y a peu de prisonniers auxquels il ne vient pas à l’esprit, au cours d’un interrogatoire serré mais équitable dans un poste de police, de mettre fin rapidement à leur interrogatoire et à leur détention en faisant une confession.

Dans tous les cas, la question la plus importante consiste à se demander si les interrogateurs ont offert une contrepartie, que ce soit sous forme de menaces ou de promesses.

Le problème des fausses confessions

R. c. Oickle, [2000] 2 R.C.S. 3

33 En définissant la règle des confessions, il est important d’avoir à l’esprit le double objectif de cette règle, qui est de protéger les droits de l’accusé sans pour autant restreindre indûment la nécessaire faculté de la société d’enquêter sur les crimes et de les résoudre.

Même si des interrogatoires policiers irréguliers peuvent, dans certaines circonstances, porter atteinte à la règle [des confessions] applicable, il est essentiel de se rappeler que les autorités policières sont incapables de mener des enquêtes sur des crimes sans interroger des personnes, que ces personnes soient ou non soupçonnées d’avoir commis le crime faisant l’objet de l’enquête. Un interrogatoire policier régulièrement mené est un outil légitime et efficace d’enquêtes criminelles. [. . .] Par contre, les déclarations faites à la suite de questions intimidantes ou d’un interrogatoire oppressant et destiné à subjuguer la volonté du suspect afin de lui soutirer une confession sont inadmissibles.

37 Dans Ofshe & Leo (1997), loc. cit., à la p. 210, les auteurs donnent une taxinomie utile des fausses confessions. Selon eux, il en existe fondamentalement cinq types: volontaires, induites par stress, induites par coercition, induites par persuasion sans coercition et induites par persuasion avec coercition.

38 Selon Ofshe & Leo (1997), loc. cit., à la p. 211, les fausses confessions induites par stress surviennent [traduction] «lorsque les pressions interpersonnelles aversives de l’interrogatoire deviennent à ce point intolérables que les [suspects] cèdent pour mettre fin à l’interrogatoire». Ces fausses confessions sont soutirées par [traduction] «une utilisation exceptionnellement marquée des facteurs de stress aversifs habituellement présents au cours d’interrogatoires», et elles [traduction] «sont faites sciemment dans le but de mettre fin à l’exténuante expérience que constitue l’interrogatoire» (en italique dans l’original). Voir également Gudjonsson & MacKeith (1990), loc. cit. Un autre facteur important est le fait de mettre le suspect en présence d’éléments de preuve fabriquée afin de le convaincre de la futilité de ses protestations d’innocence: voir ibid.; Ofshe & Leo (1997a), loc. cit., à la p. 1040.

39 Les fausses confessions induites par coercition diffèrent quelque peu de celles induites par stress, puisqu’elles sont le produit des [traduction] «techniques classiques de coercition (par exemple des menaces et des promesses)» qui sont l’objet de la règle de l’arrêt Ibrahim (Ofshe & Leo (1997), loc. cit., à la p. 214). Comme l’affirment Gudjonsson & MacKeith (1988), loc. cit., à la p. 191, [traduction] «la plupart des cas de fausses confessions dont les tribunaux sont saisis sont des confessions induites par coercition». Voir également White, loc. cit., à la p. 131.

40 Le troisième type de fausses confessions est la fausse confession induite par persuasion sans coercition. Dans ce scénario, les tactiques policières utilisées ont pour effet d’amener la personne innocente à [traduction] «devenir confuse, à douter de sa mémoire, à être temporairement persuadée de sa culpabilité et à confesser un crime qu’elle n’a pas commis»: Ofshe & Leo (1997), loc. cit., à la p. 215. Pour un exemple, voir Reilly c. State, 355 A.2d 324 (Conn. Super. Ct. 1976); Ofshe & Leo (1997), loc. cit., aux pp. 231 à 234. L’utilisation de preuve fabriquée peut également contribuer à convaincre un suspect innocent de sa culpabilité.

41 Le dernier type de fausses confessions est la fausse confession induite par persuasion avec coercition. Ces confessions sont semblables aux fausses confessions induites par persuasion sans coercition, sauf que l’interrogatoire comporte également les aspects classiques de coercition des fausses confessions induites par coercition: voir Ofshe & Leo (1997), loc. cit., à la p. 219.

42 Plusieurs thèmes se dégagent de cette analyse, notamment la nécessité d’être attentif aux particularités du suspect en cause. À titre d’exemple, White, loc. cit., à la p. 120, fait la remarque suivante:

[traduction] Des fausses confessions risquent particulièrement d’être faites lorsque les policiers interrogent certains types de suspects, notamment des suspects particulièrement vulnérables en raison de leur vécu, de caractéristiques spéciales ou de la situation, des suspects qui ont une personnalité complaisante et, dans de rares cas, des suspects qui de leur personnalité sont enclins à accepter et à croire les suggestions faites par les policiers pendant l’interrogatoire.

[traduction] La force d’esprit et la volonté de l’accusé, l’effet de la détention, de l’environnement, la portée des questions ou de la conversation, tout cela exige une analyse minutieuse de leur rôle dans l’aveu et sert à la Cour pour déterminer si la déclaration a été libre et volontaire, c’est-à-dire exempte de l’influence d’un espoir ou d’une crainte qu’ils auraient pu susciter.

Dans les arrêts Ward et Horvath, précités, on a également reconnu les circonstances particulières dans lesquelles se trouvaient les suspects, et qui les avaient rendus incapables de faire une confession volontaire: dans Ward il s’agissait de l’état de choc de l’accusé, alors que dans Horvath il s’agissait de la fragilité psychologique de l’accusé, fragilité qui avait précipité son hypnose et son «effondrement émotionnel complet» (p. 400).

43 Un autre thème est le danger que pose l’utilisation d’éléments de preuve qui n’existent pas. Présenter au suspect une preuve fabriquée de toutes pièces pourra le persuader, s’il est impressionnable, qu’il a effectivement commis le crime, ou à tout le moins que toute protestation d’innocence est futile.

44 Enfin, la littérature sur la question confirme l’importance que la règle des confessions de la common law attribue aux menaces et promesses. Les fausses confessions induites par coercition constituent le type le plus répandu de fausses confessions. Ces confessions sont habituellement le fruit de menaces ou de promesses qui convainquent le suspect que, malgré les conséquences que sa décision pourrait avoir à long terme, il est dans son intérêt, à court et à moyen terme, de faire une confession.

45 Heureusement, les fausses confessions découlent rarement de l’application de techniques policières régulières. Comme l’ont souligné Leo & Ofshe (1998), loc. cit., à la p. 492, les affaires de fausses confessions comportent presque toujours [traduction] «des pratiques policières répréhensibles, de la criminalité policière, ou les deux». De même, dans Ofshe & Leo (1997), loc. cit., aux pp. 193 à 196, les auteurs soutiennent que, dans la plupart des cas, [traduction] «pour soutirer une fausse confession il faut recourir à des mesures incitatives importantes, exercer une pression intense et mener un interrogatoire prolongé. [. . .] Ce n’est que dans de très rares circonstances que les stratagèmes d’un interrogateur persuaderont un suspect innocent qu’en fait il est coupable et qu’il s’est fait prendre».

46 Avant de voir comment la règle des confessions répond à ces dangers, j’aimerais commenter brièvement la pratique, de plus en plus répandue, qui consiste à enregistrer les interrogatoires policiers, de préférence sur bande vidéo. Comme l’ont souligné J. J. Furedy et J. Liss dans «Countering Confessions Induced by the Polygraph: Of Confessionals and Psychological Rubber Hoses» (1986), 29 Crim. L.Q. 91, à la p. 104, même si [traduction] «des notes rapportent avec précision la teneur de ce qui a été dit [. . .], ces notes ne peuvent refléter le ton des propos de même que le langage corporel qui a pu être utilisé» (en italique dans l’original). De même, White, loc. cit., aux pp. 153 et 154, avance quatre raisons pour lesquelles l’enregistrement des interrogatoires sur bande vidéo est une mesure importante:

[traduction] Premièrement, une telle mesure donne aux tribunaux un moyen de contrôler les pratiques en matière d’interrogatoire et, ainsi, de faire respecter les autres garanties. Deuxièmement, elle dissuade les autorités policières d’utiliser des méthodes d’interrogatoire susceptibles de donner lieu à des confessions qui ne sont pas dignes de foi. Troisièmement, elle permet aux tribunaux de rendre des jugements plus éclairés sur la question de savoir si des pratiques particulières en matière d’interrogatoire étaient susceptibles d’entraîner une confession qui n’est pas digne de foi. Enfin, le fait d’imposer cette garantie constitue une politique d’intérêt général judicieuse puisque, en plus de réduire le nombre de confessions qui ne sont pas dignes de foi, elle aura d’autres effets salutaires y compris des avantages nets pour les responsables de l’application de la loi.

Cela ne veut pas dire que les interrogatoires qui ne sont pas enregistrés sont intrinsèquement suspects, mais simplement que, de toute évidence, l’existence d’un enregistrement peut grandement aider le juge des faits à apprécier la confession.

Discrétion du procureur de la poursuite de déposer l'avis de récidive

R. c. Drouin, 2008 QCCQ 9953 (CanLII)

Résumé des faits
La dernière condamnation de monsieur Drouin pour conduite avec facultés affaiblies 253 a) du Code criminel (C.cr. )et refus 254 (5) C.cr. remonte au 3 août 1995. Monsieur Drouin a plaidé coupable aux présents chefs d'accusation pour conduite avec facultés affaiblies 253 a) et refus 254 (5) C.cr. remonte au 12 décembre 2005. Le Tribunal constate que monsieur Drouin a maintenant 10 condamnations en semblable matière, mais qu'il y a plus de 10 ans entre la dernière condamnation et les présents chefs d'accusation. L'accusé reproche le fait que le poursuivant possède un pouvoir discrétionnaire de donner ou non un avis de récidive

Analyse
La Cour suprême du Canada dans l'arrêt Beare reconnaît que le législateur peut octroyer à la poursuite par disposition législative un pouvoir discrétionnaire.

Aussi, dans l'arrêt Power la juge L'Heureux-Dubé de la Cour suprême parlant pour la majorité a conclu :

- les tribunaux ne devraient pas s'immiscer dans le pouvoir discrétionnaire de la poursuite afin de respecter le partage des pouvoirs et de la primauté du droit, de ne pas nuire à l'efficacité du système de justice criminelle et du fait que le pouvoir discrétionnaire de la poursuite se prête particulièrement mal au contrôle judiciaire (puisqu'une myriade de facteurs peuvent influer sur la décision de la poursuite de porter des accusations, d'intenter des poursuites, de négocier un plaidoyer, d'interjeter appel, etc., les tribunaux ne sont pas en mesure de bien évaluer ces décisions);

- toutefois, dans les affaires criminelles, les tribunaux ont un pouvoir discrétionnaire résiduel de remédier à un abus de la procédure de la cour, mais uniquement dans les « cas les plus manifestes », ce qui, à mon avis, signifie un comportement qui choque la conscience de la collectivité et porte préjudice à l'administration régulière de la justice au point qu'il justifie une intervention des tribunaux.

Le Tribunal constate dans le présent dossier mis à part que le poursuivant ne respecte pas intégralement une politique interne du Directeur des poursuites criminelles et pénales, il n'y a aucun autre reproche concernant l'exercice du pouvoir discrétionnaire du poursuivant sur sa décision d'envoyer à l'accusé l'avis de récidive. Le Tribunal estime que cet argument est insuffisant pour qualifier l'exercice du pouvoir discrétionnaire du poursuivant de cas d'abus de procédure des plus manifestes.

jeudi 12 mars 2009

Emprisonnement avec sursis

R. c. Proulx, [2000] 1 R.C.S. 61

1. Le projet de loi C‑41 en général et les dispositions créant la peine d’emprisonnement avec sursis en particulier ont été adoptés à la fois pour réduire le recours à l’incarcération comme sanction et pour élargir l’application des principes de la justice corrective au moment de la détermination de la peine.

2. L’emprisonnement avec sursis doit être distingué des mesures probatoires. La probation est principalement une mesure de réinsertion sociale. Par comparaison, le législateur a voulu que l’emprisonnement avec sursis vise à la fois des objectifs punitifs et des objectifs de réinsertion sociale. Par conséquent, une ordonnance de sursis à l’emprisonnement devrait généralement être assortie de conditions punitives restreignant la liberté du délinquant. Des conditions comme la détention à domicile devraient être la règle plutôt que l’exception.

3. Aucune infraction n’est exclue du champ d’application du régime d’octroi du sursis à l’emprisonnement à l’exception de celles pour lesquelles une peine minimale d’emprisonnement est prévue. De plus, il n’existe pas de présomption d’applicabilité ou d’inapplicabilité du sursis à l’emprisonnement à certaines infractions données.

4. L’exigence, à l’art. 742.1, que le juge inflige une peine d’emprisonnement de moins de deux ans ne signifie pas que celui‑ci doit d’abord infliger un emprisonnement d’une durée déterminée avant d’envisager la possibilité que cette même peine soit purgée au sein de la collectivité. Bien que le texte de l’art. 742.1 suggère cette démarche, elle n’est pas réaliste et pourrait entraîner des peines inappropriées dans certains cas. Il faut plutôt donner une interprétation téléologique à l’art. 742.1. Dans un premier temps, le juge appelé à déterminer la peine doit avoir conclu que ni l’emprisonnement dans un pénitencier ni des mesures probatoires ne sont des sanctions appropriées. Après avoir déterminé que la peine appropriée est un emprisonnement de moins de deux ans, le juge se demande s’il convient que le délinquant purge sa peine dans la collectivité.

5. Comme corollaire de l’interprétation téléologique de l’art. 742.1, il n’est pas nécessaire qu’il y ait équivalence entre la durée de l’ordonnance de sursis à l’emprisonnement et la durée de la peine d’emprisonnement qui aurait autrement été infligée. La seule exigence est que, par sa durée et les modalités dont elle est assortie, l’ordonnance de sursis soit une peine juste et appropriée.

6. L’exigence, à l’art. 742.1, que le juge soit convaincu que la sécurité de la collectivité ne serait pas mise en danger si le délinquant y purgeait sa peine est un préalable à l’octroi du sursis à l’emprisonnement, et non le principal élément à prendre en considération pour décider si cette sanction est appropriée. Pour évaluer le danger pour la collectivité, le juge prend en compte le risque que fait peser le délinquant en cause, et non le risque plus général évoqué par la question de savoir si l’octroi du sursis à l’emprisonnement mettrait en danger la sécurité de la collectivité en ne produisant pas un effet dissuasif général ou en compromettant le respect de la loi en général. Deux facteurs doivent être pris en compte: (1) le risque que le délinquant récidive; (2) la gravité du préjudice susceptible de découler d’une récidive. L’examen du risque que fait peser le délinquant doit inclure les risques créés par toute activité criminelle, et ne doit pas se limiter exclusivement aux risques d’atteinte à l’intégrité physique ou psychologique de la personne.

7. Dans tous les cas où les préalables prévus par l’art. 742.1 sont réunis, le tribunal doit envisager sérieusement la possibilité de prononcer l’emprisonnement avec sursis en se demandant si pareille sanction est conforme à l’objectif et aux principes de la détermination de la peine visés aux art. 718 à 718.2. Cette conclusion découle du message clair que le législateur a lancé au tribunaux, savoir qu’il faut réduire le recours à l’incarcération comme sanction.

8. L’emprisonnement avec sursis peut avoir un effet dénonciateur et dissuasif appréciable. En règle générale, plus l’infraction est grave, plus la durée de l’ordonnance de sursis devrait être longue et les conditions de celle‑ci rigoureuses. Toutefois, il peut survenir des cas où le besoin de dénonciation ou de dissuasion est si pressant que l’incarcération est alors la seule peine qui convienne pour exprimer la réprobation de la société à l’égard du comportement du délinquant ou pour décourager des comportements analogues dans le futur.

9. L’emprisonnement avec sursis est généralement plus propice que l’incarcération à la réalisation des objectifs correctifs de réinsertion sociale des délinquants, de réparation par ceux‑ci des torts causés aux victimes et à la collectivité et de prise de conscience par les délinquants de leurs responsabilités, notamment par la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité.

10. Lorsqu’il est possible de combiner des objectifs punitifs et des objectifs correctifs, l’emprisonnement avec sursis sera vraisemblablement une sanction plus appropriée que l’incarcération. Lorsque des objectifs tels que la dénonciation et la dissuasion sont particulièrement pressants, l’incarcération sera généralement la sanction préférable, et ce en dépit du fait que l’emprisonnement avec sursis pourrait permettre la réalisation d’objectifs correctifs. Cependant, selon la nature des conditions imposées dans l’ordonnance de sursis, la durée de celle‑ci et la situation du délinquant et de la collectivité au sein de laquelle il purgera sa peine, il est possible que l’emprisonnement avec sursis ait un effet dénonciateur et dissuasif suffisant, même dans les cas où les objectifs correctifs présentent moins d’importance.

11. Le sursis à l’emprisonnement peut être octroyé même dans les cas où il y a des circonstances aggravantes, quoique la présence de telles circonstances augmente le besoin de dénonciation et de dissuasion.

12. Aucune partie n’a la charge d’établir si l’emprisonnement avec sursis est une sanction appropriée ou non dans les circonstances. Le juge doit prendre en considération tous les éléments de preuve pertinents, peu importe qui les a produits. Toutefois, il est dans l’intérêt du délinquant de faire la preuve des éléments militant en faveur de l’octroi du sursis à l’emprisonnement.

13. Les juges disposent d’un large pouvoir discrétionnaire pour choisir la peine appropriée. Les cours d’appel doivent faire montre de beaucoup de retenue à l’égard de ce choix. Comme il a été expliqué dans M. (C.A.), précité, au par. 90: «Plus simplement, sauf erreur de principe, omission de prendre en considération un facteur pertinent ou insistance trop grande sur les facteurs appropriés, une cour d’appel ne devrait intervenir pour modifier la peine infligée au procès que si elle n’est manifestement pas indiquée».

Chaîne de possession

Dans le cadre d'une infraction relatives aux stupéfiants
La pratique a permis de développer des procédures qui facilitent cette preuve. En général, la substance est identifiée par des marques distinctives sur son contenant par celui qui l’a trouvée, placée dans un lieu dont l’accès est contrôlé jusqu’à son expédition à l’analyste dans une enveloppe sur laquelle des numéros d’identification distinctifs sont apposés. Une fois l’analyse complétée, les substances sont retournées au policier dans l’enveloppe d’expédition, accompagnées du certificat d’analyse.

La poursuite n’a pas l’obligation de faire entendre devant la cour toutes les personnes qui ont été en possession de la drogue afin d’établir la chaîne de possession. S’il n’existe rien dans la preuve qui permette de douter que les drogues analysées sont bien celles qui ont été saisies, la poursuite se sera déchargée de son fardeau même si elle ne présente pas comme témoin tous les intermédiaires qui sont intervenus dans le processus d’analyse
Tiré de Les infractions criminelles, Collection de droit,Volume 12 - Droit pénal : infractions, moyens de défense et peine


Dans le cadre d'infraction relative à l'informatique
La chaîne de possession désigne le suivi des éléments de preuve recueillis sur les lieux du crime jusqu’à la présentation de ceux-ci devant les tribunaux. L’entretien de la chaîne de possession est essentiel dans les cas qui reposent fortement sur des preuves numériques. Ce type de preuve peut facilement être modifié, et un bris dans la chaîne de possession peut compromettre la force probante d’une affaire pénale.

Il est essentiel de savoir où se sont trouvées les preuves en tout temps, du moment où elles ont été obtenues au moment où elles sont présentées devant les tribunaux. Les organismes d’application de la loi préfèrent toujours qu’on ne touche pas à la preuve avant leur arrivée sur les lieux. Cependant, cela n’est pas toujours possible, tel qu’il a été mentionné précédemment. Dans de tels cas, toutes les mesures prises par le personnel ne faisant pas partie des organismes d’application de la loi doivent entretenir la chaîne de possession et respecter les règles de preuve.
Tiré du Guide à l’intention des intervenants en cas d’incident de sécurité informatique
http://www.rcmp-grc.gc.ca/ts-st/pubs/it-ti-sec/g2-008-fra.pdf

mercredi 11 mars 2009

Preuve d'expert quant à la prédisposition

R. c. Mohan, [1994] 2 R.C.S. 9

Le ministère public ne peut produire une preuve d'expert quant à la prédisposition que si elle est pertinente et n'est pas utilisée comme simple preuve de la prédisposition.

L'accusé peut en revanche produire une preuve quant à la prédisposition, mais cette preuve se limite, en règle générale, à la preuve de la réputation de l'accusé au sein de la collectivité relativement aux traits de caractère concernés. L'accusé peut aussi invoquer dans son propre témoignage des actes particuliers de bonne conduite. L'accusé peut produire une preuve sur la prédisposition tant par son propre témoignage que par celui d'autres témoins. Le témoignage d'un expert indiquant qu'en raison de sa constitution mentale ou de son état mental, l'accusé serait incapable de commettre le crime ou ne pourrait être prédisposé à le commettre, ne correspond à aucune de ces catégories. Cependant, une autre exception de portée limitée a été créée. Bien que cette exception ait été appliquée à des comportements anormaux liés usuellement à une déviance sexuelle, sa raison d'être est le caractère distinctif.

Suivant la règle générale, la preuve de moralité se limite à la preuve de la réputation de l'accusé au sein de la collectivité relativement au trait de caractère concerné. L'accusé peut toutefois invoquer dans son propre témoignage des actes particuliers de bonne conduite. Le témoignage d'un expert indiquant qu'en raison de sa constitution mentale ou de son état mental, l'accusé serait incapable de commettre le crime ou ne pourrait être prédisposé à le commettre, ne correspond à aucune des catégories concernées. Une autre exception de portée limitée a toutefois été créée

Avant d'admettre en preuve l'opinion d'un expert sur la prédisposition, le juge du procès doit être convaincu, en droit, que l'auteur du crime ou l'accusé possède des caractéristiques de comportement distinctives de sorte que la comparaison de l'un avec l'autre aidera considérablement à déterminer l'innocence ou la culpabilité. Bien que cette décision repose sur le bon sens et l'expérience, elle n'est pas prise dans le vide. Le juge du procès devrait considérer, d'une part, l'opinion de l'expert et, d'autre part, si ce dernier exprime simplement une opinion personnelle ou si le profil de comportement qu'il décrit est couramment utilisé comme indice fiable de l'appartenance à un groupe distinctif. La conclusion que la profession scientifique a élaboré un profil type du délinquant qui commet ce genre de crime satisfera aux critères de pertinence et de fiabilité. La preuve sera considérée comme une exception à la règle d'exclusion relative à la preuve de moralité à condition que le juge soit convaincu que l'opinion proposée se situe dans le domaine d'expertise du témoin expert.

En d'autres termes, la profession scientifique a‑t‑elle élaboré un profil type du délinquant qui commet ce genre de crime? Une conclusion affirmative sur ce fondement satisfera aux critères de pertinence et de fiabilité. Non seulement la preuve d'expert tendra à prouver un fait en litige, mais elle offrira aussi au juge des faits l'aide dont il a besoin. Une telle preuve aura satisfait au critère préliminaire de la fiabilité qui fera généralement en sorte que le juge des faits ne lui accorde pas plus de poids qu'elle ne le mérite. La preuve sera considérée comme une exception à la règle d'exclusion relative à la preuve de moralité à condition bien sûr que le juge du procès soit convaincu que l'opinion exprimée se situe dans le domaine d'expertise du témoin expert.

Rien dans le dossier ne permettait de conclure que le profil du pédophile ou du psychopathe a été normalisé au point où on pourrait soutenir qu'il correspond au profil présumé du délinquant décrit dans les accusations. Les profils de groupes décrits par l'expert n'ont pas été considérés suffisamment fiables pour être utiles. En l'absence de ces indices de fiabilité, on ne pouvait pas dire que la preuve serait nécessaire au sens où elle clarifierait utilement une question qui serait autrement inaccessible, ou que la valeur qu'elle pourrait avoir ne serait pas surpassée par la possibilité qu'elle induise le jury en erreur ou le détourne de ses tâches.

Les similitudes, expliquées par le juge, portaient sur le modus operandi de l'auteur des actes qui étaient l'objet de chefs spécifiques. La preuve d'expert ne visait pas ces questions. De plus, la question de savoir si le crime est commis d'une manière qui identifie l'auteur, en raison de similitudes frappantes dans la méthode utilisée pour perpétrer d'autres actes, peut être appréciée en général par un jury sans l'aide de la preuve d'expert.

Admissibilité de la preuve d'expert

R. c. Mohan, [1994] 2 R.C.S. 9

L'admission de la preuve d'expert repose sur l'application des critères suivants:

a) la pertinence;
b) la nécessité d'aider le juge des faits;
c) l'absence de toute règle d'exclusion; et
d) la qualification suffisante de l'expert.

a) la pertinence
La pertinence est une exigence liminaire déterminée par le juge comme question de droit. La preuve logiquement pertinente peut être exclue si sa valeur probante est surpassée par son effet préjudiciable, si elle exige un temps excessivement long qui est sans commune mesure avec sa valeur ou si son effet sur le juge des faits est disproportionné par rapport à sa fiabilité. Le facteur fiabilité‑effet revêt une importance particulière dans l'appréciation de l'admissibilité de la preuve d'expert. La preuve d'expert ne devrait pas être admise si elle risque d'être utilisée à mauvais escient et de fausser le processus de recherche des faits, ou de dérouter le jury.

b) la nécessité d'aider le juge des faits

Pour être nécessaire, la preuve d'expert doit, selon toute vraisemblance, dépasser l'expérience et la connaissance d'un juge ou d'un jury et être évaluée à la lumière de la possibilité qu'elle fausse le processus de recherche des faits. La nécessité ne devrait pas être jugée selon une norme trop stricte. La possibilité que la preuve ait un impact excessif sur le jury et le détourne de ses tâches peut souvent être contrecarrée par des directives appropriées. Les experts ne doivent toutefois pas pouvoir usurper les fonctions du juge des faits, ce qui pourrait réduire le procès à un simple concours d'experts.

c) l'absence de toute règle d'exclusion
La preuve d'expert peut être exclue si elle contrevient à une règle d'exclusion de la preuve, distincte de la règle applicable à l'opinion.

d) la qualification suffisante de l'expert
La preuve doit être présentée par un témoin dont on démontre qu'il ou elle a acquis des connaissances spéciales ou particulières grâce à des études ou à une expérience relatives aux questions visées dans son témoignage.

La preuve d'expert qui avance une nouvelle théorie ou technique scientifique est soigneusement examinée pour déterminer si elle satisfait à la norme de fiabilité et si elle est essentielle en ce sens que le juge des faits sera incapable de tirer une conclusion satisfaisante sans l'aide de l'expert. Plus la preuve se rapproche de l'opinion sur une question fondamentale, plus l'application de ce principe est stricte

mardi 10 mars 2009

Droit d'avoir recours à l'assistance d'un avocat et d'être informé de ce droit

R. c. Prosper, [1994] 3 R.C.S. 236

Résumé des faits
Une mise en garde conforme à l'al. 10b) de la Charte, imprimée sur un carton, a été lue à l'appelant l'informant de son droit de demander des conseils juridiques gratuits. L'appelant a dit vouloir parler à un avocat. La police lui a remis une liste des avocats de l'aide juridique et, les tentatives de l'appelant pour rejoindre un avocat s'étant révélées vaines, lui a fourni un bottin pour qu'il puisse continuer ses recherches. La police ne s'était pas rendu compte alors qu'un seul des avocats sur la liste continuait à recevoir les appels après les heures de bureau, mais en a informé l'appelant dès qu'elle a été mise au courant de cette situation. L'appelant a refusé de téléphoner à des avocats de cabinets privés parce qu'il n'avait pas les moyens de recourir à leurs services. Il a ensuite accepté de se soumettre aux alcootests.

Analyse
Il ne suffit pas, d'un point de vue constitutionnel, que les responsables de l'application de la loi répètent simplement les termes de la Charte quand ils informent les personnes détenues de leur droit «d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat». Deux nouveaux éléments s'ajoutent au volet information de l'al. 10b): (1) des renseignements sur l'accès sans frais aux services d'un avocat lorsque l'accusé répond aux critères financiers établis par l'aide juridique de la province, et (2) des renseignements sur l'accès aux services d'avocats de garde (qu'il s'agisse d'avocats salariés ou d'avocats de cabinets privés) qui fournissent des conseils juridiques immédiats, quoique temporaires, sans égard à la situation financière. Dans les renseignements qu'ils donnent aux personnes détenues, les policiers doivent mentionner les services existant dans la province ou le territoire en cause.

Dans les provinces et territoires où des services d'avocats de garde existent mais où la personne ne peut y recourir au moment précis de sa mise en détention, l'al. 10b) impose aux agents de l'État l'obligation de surseoir aux mesures visant à lui soutirer des éléments de preuve, si elle a manifesté l'intention de se prévaloir de son droit à l'assistance d'un avocat et fait preuve d'une diligence raisonnable dans l'exercice de ce droit. Autrement dit, la police doit donner à la personne détenue ce qui, dans les circonstances, constitue une possibilité raisonnable de communiquer avec un avocat de garde.

Il peut y avoir des circonstances pressantes et urgentes où la police n'est pas tenue de surseoir. Toutefois, lorsqu'il s'agit d'affaires de conduite avec facultés affaiblies, la présomption en matière de preuve à l'égard des échantillons pris dans les deux heures que peut invoquer le ministère public (en vertu du sous‑al. 258(1)c)(ii)) ne constitue pas en soi une circonstance pressante ou urgente. L'urgence ne naît pas de la seule recherche d'efficience en matière d'enquête et d'établissement de la preuve. Les droits garantis à une personne détenue par l'al. 10b) doit avoir préséance sur le droit d'origine législative qui permet au ministère public de se fonder sur une présomption en matière de preuve.

Il n'est ni opportun ni nécessaire de conclure que l'al. 10b) impose aux gouvernements une obligation positive d'assurer aux personnes détenues la disponibilité de services d'«avocats de garde selon Brydges», ou encore qu'il accorde à toutes les personnes détenues un droit analogue à de tels services. En premier lieu, l'al. 10b) ne constitutionnalise pas expressément le droit à des conseils juridiques gratuits et immédiats au moment de la mise en détention.

L'alinéa 10b) impose aux autorités qui arrêtent une personne ou la placent en détention des obligations en matière d'information et de mise en application. L'existence d'une période pendant laquelle il faut «surseoir» à l'enquête découle des obligations en matière de mise en application. Une fois qu'une personne détenue a exprimé le désir d'exercer son droit à l'assistance d'un avocat, l'État doit lui fournir une possibilité raisonnable de consulter un avocat, et les agents de l'État doivent s'abstenir de lui soutirer des éléments de preuve incriminants jusqu'à ce qu'on lui ait donné cette possibilité. Ce qui constitue une possibilité raisonnable dépend des circonstances de chaque espèce, notamment l'existence de services d'avocats de garde dans le ressort en cause. L'existence ou l'absence de services d'avocats de garde influe sur la durée de la période de sursis.

L'obligation des agents de l'État d'informer les personnes de leur droit à l'assistance d'un avocat ne prend pas effet tant que la personne n'a pas été détenue au sens de l'art. 10. La détention suppose de la part de l'État une certaine forme de coercition ou de contrainte qui entraîne une privation de liberté.

Les tribunaux doivent s'assurer qu'on n'a pas conclu trop facilement à la renonciation au droit à l'assistance d'un avocat. Il y a naissance d'une obligation d'information supplémentaire de la part de la police dès que la personne détenue, qui a déjà manifesté son intention de se prévaloir de son droit, indique qu'elle a changé d'avis et qu'elle ne désire plus obtenir de conseils juridiques. La police est tenue à ce moment de l'informer de son droit d'avoir une possibilité raisonnable de communiquer avec un avocat et de l'obligation de la police de surseoir à l'enquête au cours de cette période. La personne détenue doit indiquer explicitement qu'elle a changé d'avis et il appartient au ministère public d'établir qu'elle a clairement renoncé à son droit. La renonciation doit être libre et volontaire et elle ne doit pas avoir été donnée sous la contrainte, directe ou indirecte. La norme requise pour établir l'existence d'une renonciation au droit à l'assistance d'un avocat est très stricte. La personne qui renonce à un droit doit savoir ce à quoi elle renonce pour que la renonciation soit valide. Le droit à l'assistance d'un avocat garanti à l'al. 10b) ne doit toutefois pas se transformer en obligation pour les personnes détenues de demander l'assistance d'un avocat.

Dès qu'une personne détenue invoque son droit à l'assistance d'un avocat et fait preuve de diligence dans l'exercice de ce droit, donnant ainsi naissance à l'obligation de sursis de la police, la norme exigée pour qu'il y ait renonciation valide de ce droit sera stricte. Quand la personne détenue fait quelque chose qui indique qu'elle a changé d'avis et qu'elle ne souhaite plus communiquer avec un avocat, les policiers devront l'informer de son droit à une possibilité raisonnable de communiquer avec un avocat et de leur obligation de ne pas lui soutirer des éléments de preuve de nature incriminante.

La personne détenue a le droit, en vertu de l'al. 10b), d'être informée de l'existence de tout système lui permettant d'obtenir sans délai des conseils juridiques préliminaires gratuits dans la province ou le territoire, et des moyens à employer pour y avoir accès

dimanche 8 mars 2009

Violation du droit à l'avocat de son choix / 6 appels à différents avocats / messages laissés sur un répondeur

R. c. Mathieu Grégoire 550-01-024744-064

Résumé des faits
L'accusé a été mis en état d'arrestation pour y subir un test d'ivressomètre. Dans le véhicule du policier, l'accusé demande à parler à un avocat spécifique (Me Mendo). Il n'a pas été possible de joindre Me Mendo et le policier n'a laissé aucun message sur la boîte vocale de celui-ci. Il y a six tentatives pour contacter divers avocats. Deux minutes après avoir laissé un message à l'avocat que désirait consulter l'accusé, le policier place l'appel au service de garde de l'aide juridique. Pour se justifier, le policier a dit à l'accusé : tu réalises que l'on peut pas rejoindre personne. Quand un avocat ne répond pas la nuit, il est peu probable qu'ils rappellent en laissant des messages. Tu ferais peut-être mieux d'aller directement à l'aide juridique. Après la conversation, l'accusé a donné un échantillon d'haleine qui dépassait la limite légale

Analyse
L'al. 10b) de la Charte impose au moins deux obligations aux policiers en plus de celle d'informer le détenu de ses droits. D'abord, les policiers doivent donner à la personne accusée ou détenue une possibilité raisonnable d'exercer le droit de recourir à l'assistance d'un avocat, puis les policiers doivent s'abstenir de questionner la personne ou d'essayer de lui soutirer des éléments de preuve jusqu'à ce qu'elle ait eu cette possibilité raisonnable.

La deuxième obligation comporte notamment l'interdiction faite aux policiers de forcer la personne détenue à prendre une décision ou à participer à quelque chose qui pourrait finalement avoir un effet préjudiciable sur un éventuel procès, jusqu'à ce que cette personne ait eu une possibilité raisonnable d'exercer son droit à l'assistance d'un avocat

Il faut que l'accusé ait été proactif, il ne faut pas qu'il attende passivement la suite des événements.

L'accusé a en principe le droit de consulter l'avocat de son choix, sauf si cela est source d'un délai injustifié dans les circonstances. Ce sera notamment le cas si un long délai peut entraîner l'impossibilité d'obtenir une preuve.

Sur le plan pratique, le problème de la raisonnabilité du délai se pose surtout lorsque l'accusé est détenu pour y subir un test d'ivressomètre, le sous-alinéa 258 1) c) ii) prévoyant que le premier échantillon doit être prélevé dans les 2 heures de la commission de l'infraction si la poursuite veut bénéficier de la présomption d'identité de l'alcoolémie entre le moment de l'interception et celui de l'administration du test.

Dans l'arrêt Prosper, on a cependant précisé que ce délai en lui-même ne constitue pas une circonstance urgente ou pressante. Cela étant, dans l,arrêt richfiels de la cour d'appel de l'Ontario, celle-ci a décidé que l,accusé, après avoir veinement tenté de communiquer avec l'avocat de son choix, n,avait pas fait preuve de diligence en refusant de consulter l'avocat de garde disponible durant cette période

Moins d'une minute pour attendre un retour d'appel, ce n'est pas une possibilité raisonnable qui est donnée à quelqu'un de faire affaire avec l'avocat en lequel il a confiance

samedi 7 mars 2009

Communication du certificat d’utilisation prévu à l'article 4 du Règlement sur les appareils de détection d'alcool

R. c. Bouchard 2008 QCCQ 12214

Résumé des faits

Au début de l’audition, la défense présente une « requête en arrêt de procédure pour avoir fait défaut de divulguer toute la preuve pertinente à la préparation d’une défense pleine et entière » [la requête]. Essentiellement, elle prétend que la poursuite refuse de communiquer le certificat d’utilisation prévu à l'article 4 du Règlement sur les appareils de détection d'alcool

Analyse
Le ministère public doit divulguer à l'accusé tous les renseignements pertinents, qu'ils soient inculpatoires ou disculpatoires, sous réserve de l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministère public de refuser de divulguer des renseignements privilégiés ou encore manifestement non pertinents. La pertinence s'apprécie tant à l'égard de l'accusation elle-même que des défenses raisonnablement possibles. Les renseignements pertinents doivent être divulgués, que le ministère public ait ou non l'intention de les produire en preuve et ce, avant que l'accusé n'ait été appelé à choisir son mode de procès ou à présenter son plaidoyer […]. En outre, toute déclaration obtenue de personnes qui ont fourni des renseignements pertinents aux autorités devrait être produite, même si le ministère public n'a pas l'intention de citer ces personnes comme témoins à charge […].

Le juge LeBel souligne que la Cour suprême a largement défini la notion de pertinence dans l'arrêt R. c. Egger[15] : « Une façon de mesurer la pertinence d'un renseignement dont dispose le ministère public est de déterminer son utilité pour la défense : s'il a une certaine utilité, il est pertinent et devrait être divulgué […]. Le juge qui effectue le contrôle doit déterminer si l'accusé peut raisonnablement utiliser la communication des renseignements pour réfuter la preuve et les arguments du ministère public, pour présenter un moyen de défense ou autrement pour parvenir à une décision susceptible d'avoir un effet sur le déroulement de la défense comme, par exemple, de présenter ou non une preuve. »

Le juge LeBel ajoute que le concept de pertinence favorise la divulgation de preuve. Ainsi :

[60] Peu de renseignements seront soustraits à l'obligation de communication de la preuve imposée à la poursuite. Comme l'affirmait notre Cour dans l'arrêt Dixon […] "le critère préliminaire fixé pour la divulgation [de la preuve] est fort peu élevé. [...] L'obligation de divulguer du ministère public est donc déclenchée chaque fois qu'il y a une possibilité raisonnable que le renseignement soit utile à l'accusé pour présenter une défense pleine et entière" […]. "Si le ministère public pèche, ce doit être par inclusion. Il n'est toutefois pas tenu de produire ce qui n'a manifestement aucune pertinence".

[61] Ce droit a un caractère constitutionnel. Protégé par l'art. 7 de la Charte, il contribue à assurer l'exercice du droit de l'accusé à une défense pleine et entière; […]. Tel que l'écrivait le juge Cory, au nom de notre Cour […] :

... lorsqu'un accusé démontre l'existence d'une possibilité raisonnable que les renseignements non divulgués auraient été utilisés pour réfuter la preuve du ministère public, pour présenter un moyen de défense ou, par ailleurs, pour prendre une décision qui aurait pu avoir une incidence sur la façon de présenter la défense, il se trouve également à établir l'existence d'une atteinte au droit à la divulgation que lui garantit la Charte.

Dans R. c. Chaplin, le juge Sopinka précise que : « [d]ans les cas où l'existence de certains renseignements a été établie, le ministère public est tenu de justifier la non-divulgation en démontrant soit qu'il n'en a pas le contrôle soit qu'ils sont manifestement sans pertinence ou privilégiés »

Le pouvoir discrétionnaire de la poursuite peut faire l’objet d’un contrôle par le juge du procès

Dans la présente affaire, le renseignement demandé existe et n’est pas privilégié. Il revient donc au ministère public de justifier le refus de divulguer sur la base de la non-pertinence

Le Tribunal retient que le renseignement recherché par la défense existe et, dans les faits, s’inscrit dans la mécanique prévue par les articles 254 (2) [soupçons lors de l'interception] et 254 (3) [motifs lors de l'arrestation]. Dans cette mesure, l’argument constitutionnel soulevé par la poursuite ne s'avère pas pertinent.

En outre, la demande de la défense ne correspond pas à une « expédition de pêche », expression qui signifie, au sens figuré, une recherche au hasard, sans savoir ce qu’on cherche ni trouvera. Bref, l’incertitude, liée à la chance, dans l’espoir d’une prise miraculeuse. Dans le présent cas, le renseignement existe.

Probation intimant à l’accusé de s’abstenir de consommer de l’alcool et des narcotiques

R. c. Shoker, [2006] 2 R.C.S. 399

Résumé des faits
L’accusé est condamné à une peine d’emprisonnement suivie d’une période de probation. L’ordonnance de probation lui intime de s’abstenir totalement de consommer et de posséder de l’alcool et des narcotiques non vendus sur ordonnance et de se soumettre, à la demande d’un agent de la paix ou d’un agent de probation, à des analyses de sang, d’urine et d’haleine permettant de vérifier si la condition interdisant la consommation et la possession de ces substances est respectée. L’ordonnance précise également que tout résultat d’analyse positif constituera une violation de cette condition.

Analyse
Bien qu’une condition intimant de s’abstenir de consommer et de posséder de l’alcool et des narcotiques non vendus sur ordonnance soit autorisée par le Code criminel et qu’elle fût raisonnable compte tenu de la situation de l’accusé, les al. 732.1(3)c) et h) du Code n’habilitaient pas le juge chargé de la détermination de la peine à autoriser le prélèvement de substances corporelles dans le cadre d’une ordonnance de probation. Ce juge n’avait pas non plus compétence pour décider d’avance que tout résultat d’analyse positif constituerait une violation de l’ordonnance de probation

L’alinéa 732.1(3)h) confère au tribunal un vaste pouvoir de concevoir d’autres conditions raisonnables destinées à protéger la société et à faciliter la réinsertion sociale de l’accusé. Cependant, l’al. 732.1(3)h) n’a pas une portée illimitée et doit être interprété dans son contexte. Les conditions énumérées au par. 732.1(3) peuvent aider à circonscrire la portée de cette disposition résiduelle. Le respect de ces conditions, qui ont trait à un comportement ou à une abstention d’adopter un comportement, n’a aucune conséquence incriminante pour le probationnaire.

Une condition susceptible de présenter un risque, comme celle intimant de participer à un programme de traitement, ne peut être imposée qu’avec le consentement du probationnaire.

Du fait qu’elles ne permettent pas simplement de surveiller le comportement du probationnaire, les conditions obligeant à fournir des échantillons de substances corporelles dans le but de faciliter l’obtention d’éléments de preuve aux fins d’exécution sont différentes et soulèvent, à cause de leur effet potentiel, des questions d’ordre constitutionnel dans le cas où le probationnaire n’y a pas consenti.

Un tel libellé est intéressant non seulement en ce qui concerne les conditions conçues en vertu de ce pouvoir résiduel, mais également en ce qui a trait aux conditions facultatives énumérées au par. 732.1(3) : la condition imposée doit être « raisonnable » dans les circonstances et viser à assurer la protection de la société et à faciliter la réinsertion sociale du délinquant en question. Les conditions raisonnables sont généralement, mais pas nécessairement, liées à l’infraction en cause. Il doit y avoir un lien entre le délinquant, la protection de la société et la réinsertion sociale de ce délinquant.

La violation d’une ordonnance de probation est une infraction criminelle prévue par le Code criminel et, à ce titre, elle est sujette aux techniques d’enquête et au mode de preuve qui sont habituellement utilisés pour n’importe quelle autre infraction. Partant, le probationnaire surpris en train de consommer de l’alcool avec ses amis dans un débit de boissons peut être poursuivi sur la foi du témoignage de ceux qui l’ont vu faire. De même, le probationnaire qui montre des signes de facultés affaiblies en raison de la consommation d’alcool ou de drogue peut être poursuivi et l’infraction peut être prouvée au moyen d’une preuve testimoniale à peu près de la même façon qu’une infraction de conduite avec facultés affaiblies. Il ne fait aucun doute que le pouvoir de demander des échantillons de substances corporelles et les analyses qui en découleraient aideraient à exécuter une condition imposée en vertu de l’al. 732.1(3)c), mais cela n’est pas suffisant pour tout simplement conclure que ce pouvoir existe implicitement.

Il est possible d’imposer toute une série de conditions supplémentaires destinées à assurer le respect, par le probationnaire, de la condition interdisant la consommation et la possession de certaines substances.

Un juge chargé de la détermination de la peine pourrait interdire au délinquant de fréquenter les copains avec qui il aime prendre un verre ou tout endroit où de l’alcool est vendu ou servi, ou encore lui imposer un couvre‑feu. Toutes ces conditions pourraient être imposées pour assurer un meilleur respect de la condition interdisant la consommation et la possession d’alcool et ainsi faciliter la réadaptation du délinquant et protéger la société. En l’absence de circonstances particulières, on ne saurait sérieusement prétendre qu’une telle condition serait déraisonnable.

On peut raisonnablement inférer que des conditions supplémentaires imposées en vertu du pouvoir résiduel seraient du même genre que celles qui sont énumérées. Toutefois, du fait qu’elles ne permettent pas simplement de surveiller le comportement du probationnaire, les conditions destinées à faciliter l’obtention d’éléments de preuve aux fins d’exécution sont différentes et soulèvent, à cause de leur effet potentiel, des questions d’ordre constitutionnel dans le cas où le probationnaire n’y a pas consenti.