mercredi 23 février 2011

Exposé des règles juridiques relative à l'entrave à un agent de la paix par le juge Claude Provost

R. c. Gusman, 2007 QCCQ 5110 (CanLII)

[20] La jurisprudence est unanime à l'effet que l'entrave est constituée d'un acte qui affecte le policier dans l'exécution de la fonction qu'il exécute, qui lui nuit, qui le dérange ou qui la rend plus difficile à exécuter.
(références omises)

[21] Par ailleurs, il est acquis qu'il n'est pas nécessaire que l'acte de l'accusé ait empêché le policier d'exercer sa fonction, non plus qu'il n'est nécessaire que la nuisance, le dérangement ou l'entrave ait été majeurs.
(référence omise).

[24] En fournissant une fausse identité alors que la loi l'obligeait à s'identifier, le défendeur a, en pleine connaissance de cause, volontairement contrecarré l'agent de la paix dans l'exécution de ses fonctions. Il a fait en sorte que l'enquête que le policier menait soit dirigée et orientée vers une autre personne, demeurant à une adresse différente de la sienne.

[27] Dans l'hypothèse où le défendeur serait tombé sur un policier le connaissant parfaitement et connaissant son adresse résidentielle, le fait de lui donner d'entrée de jeu une fausse identité ou une fausse adresse aurait constitué au moins une tentative d'entrave. Mais tel n'est pas le cas en l'espèce.

[28] Le défendeur a fourni de fausses informations à l'agent Roy dans le but manifeste de l'induire en erreur.

[30] Il y a donc entrave à l'exercice des fonctions d'un agent de la paix au sens de la loi et, à cet égard, le Tribunal concourt aux motifs énoncés par l'honorable juge Paul Robertson de l'Ontario Court of Justice dans l'affaire R. c. Walcott, 2006 ONJC 367.

[32] En effet, à l'arrêt Moore c. R. 1979 1 RCS 195, la Cour suprême du Canada a décidé à la majorité que le fait pour un cycliste intercepté par un agent de la paix pour avoir brûlé un feu rouge de refuser de s'identifier le rendait coupable d'avoir entravé un agent de la paix qui cherchait, dans l'exercice de ses fonctions, à mettre en branle une poursuite pénale.

[33] Ainsi, l'Honorable juge Spence écrivait à la page 204:

« Je suis d'avis que l'agent avait l'obligation d'essayer d'identifier le contrevenant et qu'en refusant de donner son identité, ce dernier a entravé un policier dans l'exécution de ses fonctions.

…..le refus de donner son identité dans de telles circonstances crée un inconvénient majeur et une entrave à la police dans l'exercice de ses devoirs légitimes ».

[34] Dans ce contexte, si un citoyen à qui un policier demande de s'identifier et qui refuse de le faire commet l'infraction criminelle d'entrave, à plus forte raison, ce même citoyen qui ment sur son identité commet lui aussi l'infraction d'entrave.

[35] Arriver à une décision contraire équivaudrait à envoyer le message pernicieux que lorsque confronté à l'obligation de donner son identité à un agent de la paix, il est préférable de mentir que de refuser de la donner.

Revue de la jurisprudence sur la garde ou le contrôle d’un véhicule à moteur par le juge Pierre Belisle

R. c. Brière, 2011 QCCQ 422 (CanLII)

[16] La preuve établit que l’accusé était assis à la place réservée au conducteur du véhicule. En vertu de l’al. 258(1)a) du Code criminel, il est réputé en avoir eu la garde ou le contrôle à moins qu’il n’établisse par prépondérance qu’il n’occupait pas cette position dans le but de le mettre en marche. L’on doit donner à ce dernier terme le sens de « mouvement » suivant l’expression anglaise “set in motion” utilisée à l’al. 258(1)a). Ainsi, lorsque le moteur tourne, le véhicule est en marche, mais il n’est pas encore en mouvement.

[18] Ainsi, en établissant qu’il n’a pas pris place dans le véhicule dans l’intention de conduire, l’accusé a repoussé la présomption édictée par l’al. 258(1)a) du Code criminel. Par conséquent, la poursuite doit présenter des éléments de preuve autrement que par l’effet de la présomption : R. c. Toews, 1985 CanLII 46 (C.S.C.), [1985] 2 R.C.S. 119, p. 125; R. c. Ford, [1987] 1 R.C.S. 231.

[19] Dans le cadre de cette infraction, la poursuite doit donc démontrer la présence d'actes comportant une certaine utilisation du véhicule ou de ses accessoires ou encore une conduite quelconque à l'égard de ce véhicule qui comporte un risque de danger, compte tenu de la possibilité qu'il soit mis en mouvement : voir R. c. Rousseau, J.E. 98-168(C.A.), AZ-98011040 (C.A.); R. c. Rioux, REJB 2000-19176 (C.A.).

[20] Dans R. c. Penno, 1990 CanLII 88 (C.S.C.), [1990] 2 R.C.S. 865, 877, le juge Lamer résumait ainsi la règle consacrée par l'arrêt Toews, précité :

Par contre, la loi ne manque pas totalement de souplesse et ne va pas jusqu'à punir la simple présence dans un véhicule à moteur d'une personne dont la capacité de conduire est affaiblie. En réalité, l'arrêt Toews consacre la règle que, lorsque l'utilisation du véhicule à moteur ne comporte aucun risque de le mettre en marche et de le rendre dangereux, les cours de justice devraient conclure qu'il y a absence d'actus reus.

[21] Quant au fait que l'accusé n'avait pas l'intention de quitter les lieux avec son véhicule, il ne s'agit pas d'un moyen de défense. C'est la possibilité de quitter les lieux et de mettre en mouvement le véhicule, par une personne en état d'ébriété, qui établit la notion de garde et contrôle : voir R. c. Miron, [2007] QCCA 1783; R. c. Sergerie, [2005] QCCA 1227 et R. c. Rioux, précité, permission refusée à la Cour suprême à [2001] 1 R.C.S. xvii.

[22] Dans R. c. Olivier, [1998] J.Q.No 1954, la Cour d’appel du Québec, au paragr. 18, refuse de conclure mécaniquement à la culpabilité d’un individu assis derrière le volant en état d’ébriété avec la clef dans le contact :

18. La proposition de l’appelante suivant laquelle le fait pour un conducteur d’être assis derrière le volant d’une voiture, avec la clé dans le contact, entraîne nécessairement la conclusion que ce conducteur a le contrôle de la voiture est trop absolu : dans la très grande majorité des situations on pourra conclure que c’est le cas, mais, devant un jeu de circonstances donné, le tribunal pourra, sans errer en droit, conclure que ce n’est pas le cas;

[23] Dans R. c. Farcy, 2010 QCCQ 5764 (CanLII), 2010 QCCQ 5764, le juge Lacoursière a estimé qu’il n’y avait pas de risque réaliste qu’une dame mette son véhicule en mouvement de telle sorte qu’il puisse devenir dangereux lorsqu’elle a été retrouvée endormie en état d’ébriété avancé au volant d’une voiture située sous un abri d’auto attenant à sa résidence et dont le moteur était en marche après avoir été expulsée par le locataire des lieux où elle habitait.

[24] Dans R. c. Decker 2002 NFCA 9 (CanLII), (2002), 162 C.C.C. (3d) 503 (C.A.T.-N.), autorisation d’appel refusée à [2002] 4 R.C.S. vii, la Cour d’appel de Terre-Neuve a estimé que le juge du procès pouvait conclure à l’absence de risque de danger puisque l’accusé ne pouvait mettre le véhicule en mouvement qu’en accomplissant une série de manœuvres précises et non un simple geste. Dans cette affaire, l’accusé a été trouvé endormi au volant de son véhicule en état d’ébriété avancé pendant que le moteur tournait. Il avait l’habitude de se rendre en taxi chez un ami pour y passer la nuit et retourner chez lui le lendemain. Étant donné son absence, il s’est couché sur le siège du conducteur et s’est endormi après avoir démarré le moteur à l’aide d’un démarreur à distance. La Cour d’appel a statué qu’en règle générale, le danger est un élément essentiel de l’infraction et a accepté le moyen de défense fondé sur l’existence d’un projet bien arrêté.

[25] Après avoir effectué une revue exhaustive de la jurisprudence, la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick, dans R. c. Mallery, 2008 NBCA 18 (CanLII), (2008), 231 C.C.C. (3d) 203, 2008 NBCA 18, paragr. 33, a reconnu que le danger est un élément essentiel de l’infraction à une exception près :

46 […] Dans les cas où le ministère public invoque la présomption législative et où l’accusé est incapable de la réfuter, ce dernier est réputé avoir eu la garde ou le contrôle du véhicule conformément à l’alinéa 258(1)a) du Code criminel. Il est donc inutile de s’interroger sur l’existence d’un danger.

[26] La Cour d’appel du Nouveau-Brunswick ajoute, au paragr. 33, que finalement dans l’arrêt R. c. Shuparski, 2003 SKCA 22 (CanLII), 173 C.C.C. (3d) 97, 2003 SKCA 22, autorisation d’appel refusée, [2003] C.S.C.R. no 167, la Cour d’appel de la Saskatchewan a statué, au paragr. 18, que [TRADUCTION] “[t]out doute qui a pu être soulevé dans la jurisprudence en ce qui concerne la nécessité d’un élément de “danger” a, à mon humble avis, été dissipé par les arrêts [Wren, Decker et Burbella]”.

[27] Ainsi, « on peut tenir pour acquis, sans crainte de se tromper, que le danger est présent dès lors qu’il est établi qu’[un] accusé a été trouvé assis au volant pendant que le moteur tournait, compte tenu du risque que l’accusé change d’avis et décide de conduire », sauf s’il « a invoqué le moyen de défense fondé sur l’existence d’un projet bien arrêté » (Mallery, précité, paragr. 45).

[29] Il avait établi un plan bien précis, soit de quitter son véhicule à pied le matin pour se rendre au restaurant situé à 200 mètres du lieu où il a été arrêté. Sa crédibilité n’est pas en doute sur ce point. Il avait pris les mesures de sécurité nécessaires pour éviter d’être impliqué dans un accident. D’ailleurs, s’il avait voulu conduire en état d’ébriété, il aurait pu le faire en sortant du bar à 3 heures. Il a plutôt décidé qu’il était préférable, pour la sécurité publique, de passer la nuit dans son véhicule. Dans les circonstances, il n’y avait aucun danger qu’il change d’avis et qu’il parte au volant du véhicule. Il n’existait donc pas de possibilité réelle (par opposition à théorique) ou de risque véritable (par opposition à hypothétique) qu’il mette volontairement ou involontairement son véhicule en mouvement ou qu’un danger immédiat pour la sécurité publique soit créé d’une autre façon.

mardi 22 février 2011

Conséquence qu'a l'expiration du délai prévu par l'ordonnance de communication pour remise des documents

R. v. Christopher Goulbourne, 2011 ONSC 774 (CanLII)

[30] I agree with the submissions of the Applicant that the Production Orders once issued, continue to compel the third party (TELUS) to release all information sought even if the period for compliance as set out on the face of the Order has expired. I make this finding for the following reasons.

[31] Section 487.012(1) to 487.012(8) the provision relevant to this application makes one reference to a timeframe. This reference is set out in Section 487.012(2). It states: “The production order scheme (Section 487.011 to 487.017) makes only two references to time mechanisms.

[32] I find this section is intended to provide the third party from whom information is sought a specific timeframe in which to comply with the order in a prompt, efficient and reasonable manner. The wording in this section is not intended to apply to the expiration date of the order.

[34] Although Section 487.015(1) makes reference to the wording “before the order expires” that term must be understood in the context of the exemption provision in which it resides. It does not suggest that the order “expires” in the sense that the obligation to produce ceases when the end of the set timeframe passes. Rather the language is used to ensure that if a third party against whom a production order is directed wishes to seek an exemption to the order, they must do so within the same timeframe as set out which compels production of the information sought.

[35] The timeframes prescribing the specific periods in which compliance by a third party is ordered and the specific period in which a third party may seek exemption from the order are not intended to relieve the third party from compliance with the order should the timeframe pass.

[36] This interpretation is supported by the legislative debates pertaining to production orders. The Parliamentary Secretary to the Attorney General made this observation about the two temporal components of the scheme:

“The Production Orders will serve a number of nagging issues for investigators including extra territorial searches and timing issues….

….The new Production Orders will be time sensitive so that the third party served with the order will either have to produce the information within the time specified in the order or report back to the court within the specified time as to why he or she cannot comply. This solves the problem of the inherent nature of informal arrangements which is that they are informal and they often lack specific mechanisms such as timing mechanisms.”

[37] Further I find the time periods set out in production orders are not dissimilar to other court orders where a person/party is required to do something by a particular date: pay a fine, pay child support, deliver up documents in civil proceedings, and so on. To conclude that a judicially authorized court order is expired because compliance with the order is not made out within the timeframe set is both illogical and absurd.

[39] I agree with the Applicant’s submission that because renewal of a Production Order can be brought by way of an ex parte application, Section 487.012(5) is intended to address those situations where renewal is requested because the police have failed to serve the production order on the third party in advance of the time set for production.

[43] However, the July 8, 2010 Production Orders do not authorize the state to suspend or interfere with any privacy interests. The Respondent’s Section 8 Charter privacy rights are not engaged because the July 8, 2010 Production Orders compel a third party - TELUS and not the Respondent to provide the information sought. That information is to be provided by TELUS within the specific timeframe on the face of the order. The order for production is not lifted or lapsed because TELUS through inadvertence or otherwise failed to provide the information ordered within the timeframe specified.

[44] In summary, I find the timeframes as set out in the July 8, 2010 Production Orders relate only to the period of time in which TELUS is to comply with the Orders and not to any dates on which the Orders expire. Although the period of time for compliance has passed, the July 8, 2010 Production Orders continue to constitute lawful authority for TELUS to provide the documents and data that fell within the demands of those Orders. Contrary to the submissions of the Respondent, renewal of the Production Orders or new applications for those Orders are not required for TELUS to provide the information originally sought in July 2010.

Dans quelle mesure l'absence du témoignage de l'accusé peut-il être pris en considération?

R. c. Gauthier, 2011 QCCQ 990 (CanLII)

[84] Je n'ignore pas l'existence de l'article 4 (6) de la Loi sur la preuve au Canada (C-5), lequel se lit comme suit:

(6) Le défaut de la personne accusée, ou de son conjoint, de témoigner ne peut faire le sujet de commentaires par le juge ou par l’avocat du poursuivant.

[85] Toutefois, puisque le procès de l'accusé n'a pas été tenu devant un jury, cette disposition ne trouve pas application (Béliveau et Vauclair, Traité Général de preuve et procédures pénales, 17e édition, 943, paragraphe 1409).

[86] Au sujet de l'absence de témoignage d'un accusé à son procès, la Cour Suprême du Canada s'exprime comme suit en 2008 dans R. c. Rojas (2008 C.S.C. 56).

[25] À mon humble avis, c’est une chose que de dire expressément au jury, comme on l’a fait dans Perciballi, de tenir compte d’une déclaration extrajudiciaire admissible à l’égard d’un seul des accusés pour rendre sa décision concernant l’autre accusé — une telle directive entraînerait une utilisation inacceptable de la déclaration extrajudiciaire. La situation est toutefois très différente lorsque l’ensemble de la preuve soumise au jury, y compris des éléments se rapportant à un seul des coaccusés, influe d’une façon ou d’une autre sur l’évaluation de la crédibilité générale du témoin. Un tel résultat est inévitable vu la nature intangible de toute évaluation de la crédibilité. Bien qu’imparfaite, l’analogie suivante peut nous éclairer. Il est bien établi que tant le ministère public que le juge doivent s’abstenir de toute remarque sur le fait qu’un accusé ne témoigne pas, car cela compromettrait le droit de l’accusé au silence et irait à l’encontre de la présomption d’innocence. Mais il ne s’ensuit pas pour autant que le silence d’un accusé à son procès soit dépourvu de pertinence. Au contraire, le fait qu’un accusé ne témoigne pas peut très bien avoir une incidence sur l’évaluation globale de la preuve du ministère public et sur la crédibilité de tout témoin dont les déclarations ne sont pas contredites.

[87] Les auteurs Béliveau et Vauclair (Traité général de preuve et procédure pénales (17e édition 2010 Éditions Yvon Blais) s'expriment également comme suit quant aux circonstances où il pourrait être approprié de référer au silence de l'accusé pour en tirer des conclusions:

1072. La deuxième exception vise le cas où la défense soulève une question qui démontre la pertinence du silence de l'accusé. Ce sera le cas si elle fait valoir que ce dernier a collaboré avec des autorités, qu'il a, au moment de son arrestation, nié les actes qui lui sont rapprochés ou encore si elle allègue que l'enquête policière a été bâclée, de sorte qu'il y a erreur sur la personne. La troisième exception vise l'omission de divulguer une défense d'alibi en temps utile et de manière régulière. Enfin, la preuve du silence de d'accusé est admissible si elle est nécessaire à la bonne compréhension de la preuve. Cela étant, le juge devra, dans chacun de ces cas, donner au jury une directive appropriée quant au fait qu'une telle preuve n'est pas admissible pour prouver la culpabilité de l'accusé.

[88] Il me semble donc permis de croire que le défaut de l'accusé de témoigner peut affecter sa défense dans les circonstances.

vendredi 18 février 2011

Le critère de dissuasion générale constitue une considération de première importance qui peut cependant céder le pas devant une démonstration convaincante du critère de la réhabilitation

R. c. Bernier, 2010 QCCA 991 (CanLII)

[4] Il est vrai que l'intimé a plaidé coupable aux accusations portées (complot pour trafic de cocaïne et trafic (4 chefs)), qu'il s'est retiré du commerce de la drogue, a retrouvé un emploi occupé dans le passé et manifesté des remords. Mais cela ne peut occulter l'importance, dans les circonstances, des facteurs de dénonciation et de dissuasion en matière de trafic de drogue (Bordage c. R., [2000] J.E. 2000-1933 (C.A.), paragr. 10).

[5] À ce sujet, le juge de première instance écrit :

[17] La jurisprudence est constance et bien établie; la dénonciation et la dissuasion sont les objectifs à privilégier en matière de trafic de drogue, particulièrement de cocaïne. D'une façon générale, la réinsertion sociale est reléguée au second plan, mais évidemment, lorsqu'une démonstration particulièrement convaincante de la réhabilitation est faite, ce critère deviendra prédominant lors de la détermination de la peine.

[6] L'application de cet énoncé à l'espèce a pour effet de banaliser un principe reconnu selon lequel l'implication dans une opération organisée de distribution commerciale d'une drogue dure requiert généralement l'imposition d'une peine d'incarcération.

[7] Les facteurs atténuants avancés ici ne permettent pas de conclure à une situation justifiant une peine dans la collectivité compte tenu du rôle joué par l'intimé, de la drogue en cause et de la période pertinente. Les affaires Prokos, 1998 CanLII 12949 (QC C.A.), [1998] R.J.Q. 1773 (C.A.), et Lafrance, EYB 1993-64215 (C.A.), invoquées par l'intimé ne présentent pas de points de comparaison avec les faits de notre affaire. Il y a donc lieu d'intervenir.

mercredi 16 février 2011

Les cas où il doit y avoir avis et / ou affidavit pour s'assurer de l'admissibilité d'une preuve documentaire en vertu de la Loi sur la preuve au Canada

Article 23 LPC / La preuve d'une procédure ou pièce d'un tribunal
- Affidavit non requis, mais la copie doit être certifiée comme étant conforme
- Avis selon l'article 28 LPC d'au moins 7 jours

Article 24 LPC / Documents officiels du Canada, d’une province, d’une municipalité ou autre personne morale
- Affidavit non requis, mais la copie doit être certifiée comme étant conforme
- Avis selon l'article 28 LPC d'au moins 7 jours

Article 25 LPC / Registre ou livre ou un autre document est d’une nature assez publique
- Affidavit non requis, mais la copie doit être certifiée comme étant conforme
- Avis selon l'article 28 LPC d'au moins 7 jours

Article 26 LPC / Livres tenus dans les bureaux du gouvernement du Canada
- Affidavit requis
- Avis selon l'article 28 LPC d'au moins 7 jours

Article 27 LPC / Actes notariés dans la province de Québec
- Affidavit non requis, mais la copie doit être certifiée comme étant conforme
- Avis selon l'article 28 LPC d'au moins 7 jours

Article 29 LPC / Copie de toute inscription dans un livre ou registre tenu dans une institution financière
- Affidavit requis
- Aucun avis selon l'article 28 LPC

Article 30 LPC / Pièce établie dans le cours ordinaire des affaires
- Affidavit requis
- Avis selon l'article 28 LPC d'au moins 7 jours

*** Attention à l'affidavit qui est requis quant aux documents électroniques afin d'établir les éléments visés par les articles 31.2(2), 31.3 et 31.5 LPC ***

mardi 15 février 2011

Les conditions d’admissibilité d’une copie de toute inscription dans un livre ou registre tenu dans une institution financière en vertu de la Loi sur la preuve

R. v. Tewolde, 2007 ONCJ 555 (CanLII)

Lien vers la décision

The Canada Evidence Act R.S.C. (1985), Chap. C-5 s. 29 allows for the copy of an entry in any book or record kept in any financial institution to be admitted into evidence as proof of its contents. Four prerequisites must be met, as follows:

1. The entry must arise from the ordinary books or records of the financial institution;

2. The entry must have been made in the usual and ordinary course of business;

3. The book or record must be in the control of the financial institution; and

4. It must be a true copy.

Proof of the foregoing may be through a person employed by the financial institution with knowledge of the book or record.

dimanche 13 février 2011

Il est possible, par une preuve circonstancielle, d'établir que l'échantillon a été reçu directement de l'accusé dans un contenant approuvé ou dans un alcootest approuvé

Vandal c. Directeur des poursuites criminelles et pénales, 2010 QCCS 2474 (CanLII)

[69] Cette tendance jurisprudentielle est maintenant, à certains égards, renforcée par une décision récente de la Cour d'appel de l'Ontario dans l'arrêt R. c. Mulroney prononcé le 4 novembre 2009.

[70] Dans cette décision, la Cour d'appel de l'Ontario casse une décision de la Cour supérieure de cette même province siégeant elle-même en appel de la Cour de justice de l'Ontario.

[71] La Cour d'appel dans ce jugement récent rétablit la décision du juge de première instance et reconnaît qu'il est possible, par une preuve circonstancielle, d'établir que l'échantillon a été reçu directement de l'accusé dans un contenant approuvé ou dans un alcootest approuvé.

[72] Bien que la décision ne porte pas spécifiquement sur les exigences du vocabulaire utilisé dans le certificat, elle traite de l'aspect réception directe de l'échantillon de l'accusé et accepte une preuve circonstancielle quant à cet aspect.

[73] La Cour d'appel de l'Ontario s'exprime ainsi sur le sujet :

"15 ln my view, there are several reasons to reject the Crown's position that s. 258(1)(c)(iii) provides no constraints at all on the way a breath sample must be received into an approved instrument, and to instead apply the words of Martin J.A. to the circumstances of this case.

16 Because the section provides the Crown with proof that is deemed conclusive of the concentration of alcohol in an accused's blood, I think that the liberty interest of the accused requires a strict interpretation of the section. The same strict approach also serves the objective of preserving the integrity of the breath sampIe in order to ensure accurate results. On the other hand, implicit in the section is the contemplation that a breath sample could properly be received into an approved instrument not directly from an accused, but from an approved container, if there were any.

17 With these considerations in mind, I think the proper Interpretation of s. 258(1)(c)(iii) is that the breath sample from the accused must be received into an approved instrument either from an approved container if one is used, or, if not directly into the approved instrument itself.

18 The latter circumstance exists here as it did in R. v. Alatyppo. Thus, here I think the Crown had to establish beyond a reasonable doubt that the breath samples were received into the approved instrument directly from the accused. The Crown's first argument therefore fails.

19 The Crown's second argument is that the trial judge was correct to find that there was evidence sufficient for a trier of fact to conclude that the appellant's breath sample was received directly into the approved instrument, and then to go on to do so in convicting him. The Crown submits that the summary conviction appeal court judge erred in finding that there was no evidence that could properly lead to that inference.

20 I agree with these submissions. Here there was not just evidence that the breathalyser used was an approved instrument and a result was obtained. Nor did the trial judge simply take judicial notice that this must mean that the breath sample was received directly into the instrument. P.C. Fawcett testified that the instrument was designed to receive and analyse breath samples, that it appeared to be working properly, that the respondent blew into the mouth-piece of the instrument as instructed, and that this provided a suitable sampIe for analysis. None of this evidence was contested by the respondent.

21 ln my view, this was ample circumstantial evidence from which the trial judge could properly conclude as he did, namely that the respondent's breath samples were received directly into the approved instrument in this case.

22 I would therefore grant leave, allow the appeal and restore the order of the trial judge."

[77] Le texte de l'article 258(1)(g)(iii)(c) est très clair. Le formulaire utilisé par le technicien ne reproduit pas ce que le législateur exige pour qu'entre en jeu la présomption d'exactitude.

[78] Le tribunal considère que l'interprétation stricte est celle qui doit s'appliquer en raison des exceptions créées par l'usage du certificat aux lieu et place du témoignage du technicien et des termes clairs de l'article 258(1)g)iii du Code criminel.

[79] La loi prévoit comme moyen de preuve principal le témoignage du technicien et ce n'est qu'en respectant des conditions très claires et précises que l'on peut se dispenser de son témoignage et le remplacer par la production d'un certificat.

[80] Les conditions de forme d'un tel certificat utilisé en substitution du témoignage du technicien sont elles aussi claires et sans ambiguïté. Ce n'est que si ces conditions sont respectées que l'on peut accepter l'utilisation d'un tel moyen de preuve alternatif.

[81] Le certificat tel qu'il est rédigé et sans preuve complémentaire, n'est pas suffisant pour respecter les exigences de l'article 258(1)g) du Code criminel.

[82] Il est fort possible et même probable que dans certains dossiers, la preuve testimoniale puisse compléter les manquements apparents dans le témoignage du technicien ou dans les certificats utilisés, mais ce n'est pas ce qui s'est produit dans le présent dossier.

L’obligation qui incombe aux agents de la paix de prélever un échantillon d’haleine dès qu’il est matériellement possible de le faire VS le délai survenu dans l’attente d’une dépanneuse

R. c. Desgagné, 2011 QCCQ 423 (CanLII)

[16] Selon la chronologie des événements au dossier, l’arrestation eut lieu à 3 h 56 après l’échec au test de dépistage. Les policiers ont quitté les lieux en compagnie de l’accusé après l’arrivée de la dépanneuse à 4 h 40. Ce délai de 44 minutes est-il justifié dans les circonstances?

[17] Aucune explication n’a été fournie par les policiers à ce sujet. Il est aussi exact qu’on ne leur a posé aucune question sur ce dernier point.

[18] L’al. 258(1)c) du Code criminel édicte que la preuve des résultats des analyses fait foi de façon concluante de l’alcoolémie de l’accusé au moment où l’infraction aurait été commise si certaines conditions sont remplies dont celle-ci :

ii) chaque échantillon a été prélevé dès qu’il a été matériellement possible de le faire après le moment où l’infraction aurait été commise et, dans le cas du premier échantillon, pas plus de deux heures après ce moment, les autres l’ayant été à des intervalles d’au moins quinze minutes,

[19] L’obligation qui incombe aux agents de la paix de prélever un échantillon d’haleine dès qu’il est matériellement possible de le faire signifie qu’ils doivent agir dans un délai relativement court compte tenu des circonstances : R. c. Letford 2000 CanLII 17024 (ON C.A.), (2000), 150 C.C.C. (3d) 225, (C.A. Ont.).

[20] Dans R. c. Morel, 2010 QCCS 2659 (CanLII), 2010 QCCS 2659, le juge Champagne, au paragr. 26, rappelle que la décision rendue dans R. c. Vanderbruggen, 2006 CanLII 9039 (ON C.A.), 2006 CanLII 9039 (ON C.A.) constitue l’arrêt de principe sur cette question. Sur le sens à donner à l’expression « dès que matériellement possible » contenu à l’al. 258(1) c) ii) du Code criminel, la Cour d’appel, au paragr. 12, s’exprime ainsi :

12. There is no requirement that the test be taken as soon as possible. The touchstone for determining whether the tests were taken as soon as practicable is whether the police acted reasonably.

[21] Plusieurs jugements ont été rendus relativement au délai survenu dans l’attente d’une dépanneuse : voir, entre autres, R. c. Tremblay, 2009 QCCQ 1171 (CanLII), 2009 QCCQ 1171, R. c. Payette, 2008 QCCQ 13571 (CanLII), 2008 QCCQ 13571 et R. c. Cuerrier, 2006 QCCQ 561 (CanLII), 2006 QCCQ 561. L’on peut conclure de ces décisions que ce n’est pas tant la longueur du délai qui importe, mais les raisons invoquées qui le supportent. La poursuite a donc le fardeau de démontrer que les policiers ont agi promptement dans les circonstances.

[22] Or, aucune raison n’a été fournie par les policiers pour justifier le délai causé par l’attente de la dépanneuse. La poursuite me prie d’inférer que ce retard est dû aux mauvaises conditions climatiques. Il se peut que ce soit vrai, mais déduire ainsi participe de la conjecture. Il pourrait exister une foule d’autres raisons pour expliquer un tel retard, mais rien de tel n’a été exposé à l’audience.

[23] En l’absence d’explications valables, il est impossible de conclure que les policiers ont agi promptement. Par conséquent, les échantillons d’haleine n’ont pas été prélevés dès qu’il a été matériellement possible de le faire après le moment où l’infraction aurait été commise.

vendredi 11 février 2011

L'emprisonnement ferme est la règle dans le cas de trafic de drogues dures / Les cas où des peines avec sursis pourraient être imposées

R. c. Bernier, 2011 QCCA 228 (CanLII)

[24] L’appelante souligne avec raison que la sévérité des tribunaux à l'égard des infractions relatives aux drogues est constante.

[25] Dans l’arrêt R. c. Smith, le juge Lamer écrit ceci au sujet de l'importation de stupéfiants :

Ceux qui cèdent à l'appât du gain en important et en vendant des drogues dures sont responsables de la dégénérescence progressive mais inexorable d'un bon nombre de leurs semblables, en raison de l'état de dépendance vis-à-vis de la drogue qui se crée chez ces derniers. Du fait qu'ils constituent la cause directe des épreuves que subissent leurs victimes et leurs familles, on doit faire en sorte que ces importateurs assument eux aussi leur juste part de culpabilité pour toutes les sortes de crimes graves innombrables que commettent les toxicomanes en vue de satisfaire à leur besoin de drogue. Avec égards, j'estime que de telles personnes, à quelques rares exceptions près (comme par exemple la culpabilité des toxicomanes qui s'adonnent à l'importation non seulement pour répondre à leurs propres besoins mais aussi pour les défrayer, n'est pas nécessairement aussi grande que celle des non-utilisateurs insensibles), si elles sont déclarées coupables, devraient être condamnées et purger effectivement de longues périodes d'incarcération.

[26] Dans l'arrêt R. c. Pearson, le juge Lamer décrit le trafic de stupéfiants en ces termes :

[L]e trafic des stupéfiants est une activité systématique, pratiquée d'ordinaire dans un cadre commercial très sophistiqué. Il s'agit souvent [d’]une entreprise et d'un mode de vie. C'est une activité très lucrative, ce qui pousse fortement le contrevenant à poursuivre son activité criminelle même après son arrestation et sa mise en liberté sous caution.

[27] Dans l’arrêt R. c. Bonenfant, le juge Proulx écrit ce qui suit :

Il faut constater que le principe depuis fort longtemps établi que l'emprisonnement est la règle dans le cas de trafic de ce stupéfiant n'a pas découragé ses auteurs et que devant cette plaie sociale, les tribunaux n'ont aucun autre choix que de sévir en laissant un message sans équivoque. C'est sans doute ce que le juge de première instance a compris, en tenant compte de l'exemplarité de la peine et de son caractère de dissuasion.

[28] Ainsi, tout en concédant que les infractions impliquant des drogues dures ne sont pas exclues du régime d’emprisonnement avec sursis, l’appelante affirme que la situation de l’intimé ne présente pas le caractère exceptionnel qui justifiait une telle clémence. (...)

[38] C’est l’arrêt R. c. Prokos qui énonce les principes applicables à l’octroi d’un emprisonnement avec sursis dans un tel contexte. Dans cette affaire, la Cour rappelle que le principe de l'individualisation des peines peut justifier, dans certaines circonstances, de favoriser la réhabilitation du délinquant.

[39] La juge Rousseau-Houle y écrit ceci :

Les infractions relatives au trafic de stupéfiants doivent toujours être clairement et hautement réprouvées. Dans le cas d'importation et de trafic de drogues dures telles l'héroïne et la cocaïne de base (crack), lorsque la toxicomanie n'est pas en cause, l'objectif de dissuasion constitue indéniablement un objectif majeur. Il faut se garder toutefois d'entretenir le mythe, au nom d'un objectif de dissuasion générale et en invoquant la gravité intrinsèque des infractions, que le seul châtiment valable et dissuasif est une peine d'emprisonnement ferme.

L'individualisation de la sentence demeure un principe fondamental de la détermination de la peine. À l'égard d'infractions relatives aux stupéfiants, le système de détermination de la peine ne peut se fonder exclusivement sur la dissuasion sociale et la dénonciation de la gravité des infractions. La détermination de la peine doit être modulée et individualisée. C'est au juge, à qui incombe le devoir de déterminer la peine, de choisir celle qui a le plus de chance de dissuader le délinquant et d'assurer sa réhabilitation sociale tout en protégeant la société.

Si le critère de dissuasion générale constitue une considération de première importance, il n'en reste pas moins que le critère de la réhabilitation, lorsqu'il fait l'objet d'une démonstration particulièrement convaincante, pourra devenir prééminent lors de la détermination de la peine.

[41] Je souligne que le juge LeBel était dissident dans cette affaire non pas à l’égard des principes énoncés par la juge Rousseau-Houle mais plutôt quant à leur application au cas d’espèce. Il écrit ce qui suit :

À nouveau, il faut examiner une décision relative à l'imposition d'une peine de prison avec sursis. À cette étape du développement législatif et jurisprudentiel de cette nouvelle sanction, il ne sert à rien d'épiloguer longuement sur le mérite de la disposition de l'article 742.1 C.cr. ou sur le cadre juridique de son fonctionnement. Malgré les critiques parfois très vives, provenant à l'occasion des tribunaux eux-mêmes (références omises), l'institution existe. Le Parlement fédéral a adopté ces dispositions et les a même modifiées rapidement, pour prévoir que la décision du juge, en cette matière, doit être conforme aux objectifs généraux de la détermination de la peine, tels que les décrit l'article 718.2 C.cr., pour régler un conflit jurisprudentiel sur ses conditions d'incarcération. Elles correspondent à une volonté législative de chercher à diminuer les taux d'incarcération dans la société canadienne.

Qu'elles jugent ou non cette mesure d'emprisonnement avec sursis inappropriée, les cours canadiennes ne doivent pas se refuser à l'appliquer ou à la stériliser par une interprétation indûment restrictive. Lorsqu'aucune peine minimale n'est prévue, lorsque l'emprisonnement imposé est inférieur à deux ans et lorsque le degré de dangerosité du prévenu le permet, elle peut être retenue par le juge de première instance, dans le respect, toutefois, des objectifs généraux du régime de détermination des peines. La décision du juge du procès, alors, ne peut être révisée par une cour d'appel qu'à l'intérieur des paramètres définis par la Cour suprême du Canada dans ce domaine. Le cadre fixé par celle-ci exige que les cours d'appel n'interviennent pas, sauf erreur de principe, omission de prendre en considération un facteur ou insistance excessive sur des facteurs non appropriés. Une peine ne devrait être révisée que si elle apparaît manifestement non indiquée (voir R. c. McDonnell, [1997 CanLII 389 (C.S.C.), [1997] 1 R.C.S. 948], opinion du juge Sopinka, pp. 11-12).

Par ailleurs, les cours d'appel provinciales ne pourraient non plus créer judiciairement des catégories d'infractions pour lesquelles l'utilisation de la peine d'emprisonnement avec sursis serait a priori interdite. Leur création relève du législateur, comme le rappelait la majorité de la Cour suprême dans l'arrêt McDonnell (voir opinion du juge Sopinka, pp. 21-22). Notre Cour s'est d'ailleurs refusée de l'exclure a priori à l'égard de divers types d'infractions, généralement considérées comme graves, comme des cas d'agression sexuelle, bien qu'elle ait écarté son application dans des circonstances concrètes de certaines affaires d'assaut sexuel (par exemple, voir [R. c. L. (J.J.), 1998 CanLII 12722 (QC C.A.), [1998] R.J.Q. 971 (C.A.)]; La Reine c. Maheu, 1997 CanLII 10356 (QC C.A.), [1997] R.J.Q. 410)[18].

[42] L’arrêt Prokos ne ferme pas la porte à l’emprisonnement avec sursis pour les infractions en matière de drogues dures. Il identifie plutôt les facteurs qui doivent être examinés.

[44] Dans l’arrêt Bériault, cette Cour est intervenue et a annulé l’emprisonnement avec sursis imposé par le juge d’instance pour le remplacer par une peine d’emprisonnement en raison des circonstances particulières de cette affaire. Le juge Doyon s’exprime ainsi :

Il va de soi qu'un juge n'est pas obligé de tout dire et qu'il est présumé connaître la loi, mais il fallait à tout le moins considérer les circonstances très particulières que sont les nombreuses récidives pendant les deux périodes de mise en liberté et s'assurer que, malgré cela, le sursis permettait d'atteindre les objectifs que je viens de décrire. Ces récidives et les bris d'engagement devaient aussi être pris en compte au chapitre de la sécurité du public et le jugement ne permet pas de savoir comment cette sécurité pouvait être assurée malgré le risque sérieux de récidive ainsi démontré.

(...)

Quoique l'emprisonnement avec sursis puisse parfois permettre d'atteindre les objectifs de dénonciation et de dissuasion, il existe des cas où seul l'emprisonnement le permet. Je suis d'avis que c'est le cas, d'autant que le sursis ne constitue pas davantage une peine qui soit proportionnelle à la gravité des infractions et au degré de responsabilité fort élevé de l'intimé.

Les infractions, commises dans les circonstances décrites précédemment, qui impliquent le trafic de plusieurs grammes de cocaïne et qui ont été perpétrées dans le mépris des ordonnances de mise en liberté, rendent injustifiable ici l'emprisonnement avec sursis. La décision de l'intimé de continuer à faire le trafic de la cocaïne, malgré une première arrestation pour possession en vue de faire le trafic de la même substance, est troublante et doit être dénoncée. Sa décision de ne pas respecter les conditions de mise en liberté, notamment en retournant à l'endroit où il avait vendu de la cocaïne pendant de longs mois, est tout aussi inquiétante et démontre, elle aussi, son haut degré de responsabilité pénale. En réalité, rien ne permet de croire que l'intimé respectera davantage les conditions du sursis que ses conditions de mise en liberté. Dans ce contexte, le sursis ne peut être justifié. Enfin, l'on ne peut exclure de l'analyse les condamnations antérieures, même si elles sont survenues il y plusieurs années.

(...)

[46] Finalement, l’appelante nous renvoie aussi à l’arrêt Bernier où cette Cour s’exprime ainsi :

Il est vrai que l'intimé a plaidé coupable aux accusations portées (complot pour trafic de cocaïne et trafic (4 chefs)), qu'il s'est retiré du commerce de la drogue, a retrouvé un emploi occupé dans le passé et manifesté des remords. Mais cela ne peut occulter l'importance, dans les circonstances, des facteurs de dénonciation et de dissuasion en matière de trafic de drogue (Bordage c. R., [2000] J.E. 2000-1933 (C.A.), paragr. 10).

À ce sujet, le juge de première instance écrit :

[17] La jurisprudence est constance et bien établie; la dénonciation et la dissuasion sont les objectifs à privilégier en matière de trafic de drogue, particulièrement de cocaïne. D'une façon générale, la réinsertion sociale est reléguée au second plan, mais évidemment, lorsqu'une démonstration particulièrement convaincante de la réhabilitation est faite, ce critère deviendra prédominant lors de la détermination de la peine.

(...)

[50] Il est vrai, comme le souligne l’appelante, qu’on ne doit pas traiter sur le même pied l’emprisonnement ferme avec l’emprisonnement avec sursis[, car il va de soi qu’une « ordonnance d'emprisonnement avec sursis, même assortie de conditions rigoureuses, est généralement une peine plus clémente qu'un emprisonnement de même durée ».

[51] Toutefois, l’appelante ne me convainc pas que l’emprisonnement avec sursis imposé par la juge d’instance ne respecte pas les principes énoncés précédemment à l’égard des infractions en matière de drogues. Cette peine n’est pas exclue par la jurisprudence. Cette Cour a d’ailleurs récemment rappelé dans l'arrêt R. c. Veilleux que « la présence de circonstances aggravantes ne peut en elle-même constituer un obstacle dirimant à l'emprisonnement avec sursis ».

La notion du « directement » et les exigences de l’al. 258(1)g) du Code criminel

R. c. Desgagné, 2011 QCCQ 423 (CanLII)

[7] La défense invoque la décision de la Cour supérieure du Québec dans R. c. Vandal, 2010 QCCS 2474 (CanLII), 2010 QCCS 2474 (autorisation d’appel accueillie 2010 QCCA 1494 (CanLII), 2010 QCCA 1494), et celle de mon collègue le juge Provost dans R. c. Desrosiers, 2009 QCCQ 10546 (CanLII), 2009 QCCQ 10546 (présentement en appel devant la Cour supérieure).

[8] Dans la décision Vandal, précitée, aux paragr. 81-82, le juge Bureau estime qu’un certificat du technicien qualifié indiquant que les échantillons ont été prélevés à partir du même alcootest approuvé au lieu de mentionner qu’ils ont été reçus directement dans un alcootest approuvé n’est pas suffisant pour respecter les exigences de l’al. 258(1)g) du Code criminel s’il n’y a aucune preuve complémentaire pour compléter les manquements apparents dans les témoignages entendus ou dans les certificats utilisés. Dans le jugement Desrosiers, précité, aux paragr. 28 à 31, le raisonnement du juge Provost accordant une requête en non-lieu est au même effet.

[9] Dans R. c. Mulroney, 2009 ONCA 766 (CanLII), 2009 ONCA 766, la Cour d’appel de l’Ontario reconnaît la possibilité d’établir, par une preuve circonstancielle, que l’échantillon a été reçu directement de l’accusé dans un contenant approuvé ou dans un alcootest approuvé : R. c. Vandal, précité, paragr. 71.

jeudi 10 février 2011

Le conducteur peut être présumé être en possession des objets à l'intérieur de son véhicule

R. c. Spagnolo, 2010 QCCQ 8556 (CanLII)

[44] Alors, les explications fournies par l'accusé sont plausibles et vraisemblables; il est certain que les conclusions qui découlent de la découverte d'un objet dans un véhicule automobile font en sorte que le possesseur ou le conducteur peut être présumé être en possession des objets à l'intérieur de ce véhicule; mais la possession est une question de fait qui dépend des circonstances de chaque affaire et de l'ensemble de la preuve.

mercredi 9 février 2011

Un juge ne peut pas reporter la détermination de la peine uniquement dans le but de mettre à l'épreuve un délinquant

R. c. Dubé-Pelletier, 2007 QCCQ 7653 (CanLII)

[10] L'article 720 du Code criminel stipule que : «Dans les meilleurs délais possibles suivant la déclaration de culpabilité, le tribunal procède à la détermination de la peine à infliger au délinquant. »

[11] Sur ce sujet, notre Cour d'appel a rendu des décisions, dont l'arrêt R. c. Cardin, par lequel elle s'accorde avec d'autres cours canadiennes voulant qu'un juge ne puisse pas reporter la détermination de la peine uniquement dans le but de mettre à l'épreuve un délinquant. Un juge peut prendre un délai raisonnable pour délibérer et colliger l'information pertinente à sa décision. Pendant ce délai, il peut élargir le délinquant pour lui permettre d'entreprendre une thérapie, mais cela ne doit pas être fait avec l'objectif de tester le délinquant.

[12] Le juge Gendreau, pour la Cour, a expliqué que le législateur n'avait pas octroyé au juge le rôle d'un "officier de probation pré- et post-sentenciel". Il appartient au législateur de le faire:

Mais, au-delà de ces considérations pratiques, il est avant tout le principe du droit de la société et de l'accusé de voir l'affaire entendue et jugée dans un délai raisonnable. A moins que le législateur ne consente à modifier le rôle du juge aux fins d'en faire un officier de probation pré- et post-sentenciel, cette méthode est, à mon avis, dans le cadre de la loi actuelle, irrégulière. Cette affirmation ne vise évidemment pas à restreindre l'application du critère de réhabilitation que le juge doit considérer, ni surtout à écarter l'attitude d'humanité et de compréhension qu'on attend de lui; mais il me semble que la fonction judiciaire requiert du juge, après un délai raisonnable de réflexion sur l'ensemble de la preuve faite, de se former une opinion sur la sentence à la lumière de son expérience et de ses connaissances, en appliquant tous les critères dégagés par la loi et la jurisprudence.

Exposé des principes applicables sur le crime d'assistance au suicide

R. c. Dufour, 2010 QCCA 2413 (CanLII)

[32] Cela dit, les précédents portant sur l'article 241 C.cr. sont peu nombreux. J'en note deux qui me paraissent dignes de mention. Ils convergent vers la conclusion que le crime d'assistance au suicide en est un d'intention spécifique.

[33] Dans R c. Loomes, la Cour d'appel de l'Ontario avait à décider de l'appel interjeté contre un verdict de culpabilité prononcé par un jury à l'égard de deux chefs d'accusation, l'un d'assistance au suicide, comme en l'espèce, et le second d'usage dangereux d'une arme à feu.

[34] En ce qui concerne le premier chef, l'accusé opposait une défense d'ivresse. L'arrêt fait voir que la Cour paraît considérer que pareille défense est ouverte :

4 The principal defence which arose on the evidence was the issue of drunkenness. The defence was that the accused, by reason of his heavy drinking, did not believe that his wife intended to commit suicide, that she was bluffing, and that he did not intend to assist her in committing suicide.

5 This defence, in our opinion, was never clearly put to the jury by the learned trial judge. In his charge to the jury, the trial judge appears to have instructed the jury that the principal issue which they were called upon to decide and which would determine the guilt or innocence of the accused was whether the wife of the accused intended in fact to commit suicide.

6 With respect, he erred in so doing. The defence in this case was not dependent upon the determination of whether the wife intended to commit suicide but rather whether the accused believed that she intended to commit suicide.

7 In dealing with the issue of drunkenness as it related to the charge of aiding the wife of the accused to commit suicide, the trial judge instructed the jury as follows:

" The definition of drunkenness is that you have no capacity at all, and I tell you that is the law in drunkenness; that you cannot form the capacity, the intent, form the intent; you don't have that capacity due to alcohol, so much alcohol that you cannot form the intent." (emphasis added)

8 We are of the opinion that this instruction to the jury was a misdirection. At no place in his address to the jury did the learned trial judge clearly instruct the jury as to the intent which was requisite to constitute the offence, nor did he relate the evidence of drinking to that intent. We are also of the opinion that he erred in failing to instruct the jury as to the burden of proof on the issue of drunkenness, having regard to the evidence of drinking which was before them.

[35] Or, depuis l'arrêt R. c. Beard en 1920, il est acquis qu'une défense de cette nature n'est recevable que dans le cas d'infractions d'intention spécifique. Le juge McIntire le rappelle d'ailleurs clairement dans R. c. Bernard :

63 The present law relating to the drunkenness defence has developed in this Court from the application of principles set out in Director of Public Prosecutions v. Beard, [1920] A.C. 479 (H.L.), discussed and adapted in other United Kingdom cases, including Attorney General for Northern Ireland v. Gallagher, [1961] 3 All E.R. 299 (H.L.), Bratty v. Attorney General for Northern Ireland, [1961] 3 All E.R. 523 (H.L.), and Director of Public Prosecutions v. Majewski, supra. In this Court, the matter has been dealt with in R. v. George, supra, and other cases, but particularly in Leary v. The Queen, supra, where Pigeon J., speaking for the majority of the Court, said, at p. 57, that rape is a crime of general intention as distinguished from specific intention, a crime therefore "in which the defence of drunkenness can have no application". This may be said to have confirmed the law as it stands in Canada on this question and the appellant's principal attack in this Court is upon that decision. It is not necessary for the purposes of this judgment to review in detail the authorities in this Court on the question. It will be sufficient to summarize their effect in the following terms. Drunkenness in a general sense is not a true defence to a criminal act. Where, however, in a case which involves a crime of specific intent, the accused is so affected by intoxication that he lacks the capacity to form the specific intent required to commit the crime charged it may apply. The defence, however, has no application in offences of general intent.

[36] Le second arrêt est celui prononcé par la Cour suprême dans Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général).

[37] Expliquant les distinctions à faire entre les soins palliatifs, d'une part, et l'aide au suicide, d'autre part, le juge Sopinka, au nom de la majorité, s'exprime ainsi :

172 The fact that doctors may deliver palliative care to terminally ill patients without fear of sanction, it is argued, attenuates to an even greater degree any legitimate distinction which can be drawn between assisted suicide and what are currently acceptable forms of medical treatment. The administration of drugs designed for pain control in dosages which the physician knows will hasten death constitutes active contribution to death by any standard. However, the distinction drawn here is one based upon intention — in the case of palliative care the intention is to ease pain, which has the effect of hastening death, while in the case of assisted suicide, the intention is undeniably to cause death. The Law Reform Commission, although it recommended the continued criminal prohibition of both euthanasia and assisted suicide, stated, at p. 70 of the Working Paper, that a doctor should never refuse palliative care to a terminally ill person only because it may hasten death. In my view, distinctions based upon intent are important, and in fact form the basis of our criminal law. While factually the distinction may, at times, be difficult to draw, legally it is clear. The fact that in some cases, the third party will, under the guise of palliative care, commit euthanasia or assist in suicide and go unsanctioned due to the difficulty of proof cannot be said to render the existence of the prohibition fundamentally unjust.

[38] La teneur de ces propos me paraît inconciliable avec la proposition du ministère public selon laquelle le crime d'assistance au suicide en serait un d'intention générale.

[39] Je conclus donc à la nécessité pour la poursuite d'établir l'intention coupable pour prétendre à un verdict de culpabilité dans le cas d'une accusation portée en vertu de l'article 241 C.cr.

[40] La défense offerte visait précisément à combattre cet élément d'intention coupable en faisant valoir que Stéphan Dufour n'avait jamais voulu aider Chantal à se suicider. D'une part, en raison de son handicap intellectuel, il n'avait pu se soustraire à la pression morale qui lui commandait de poser un geste susceptible de servir à la réalisation du suicide. D'autre part, parce qu'il aimait profondément son oncle, il souhaitait que le dessein de mettre fin à ses jours ne se réalise jamais et il pressait Chantal de ne pas en faire usage.

[41] Dans R. c. Leblanc, notre cour a reconnu la pertinence en défense d'une preuve de désordre mental dans le cas d'accusation de crimes nécessitant l'existence d'une intention spécifique :

Depuis plus de vingt ans, une jurisprudence constante a consacré le principe que la preuve d'une maladie mentale qui ne satisfait pas aux critères du paragraphe 2 de l'article 16 C.Cr. peut néanmoins justifier un verdict réduit d'homicide involontaire coupable à une accusation de meurtre. Ce sont les arrêts : (références omises)

[…]

Essentiellement, l'on peut retenir de ces arrêts qu'en matière de meurtre, la preuve d'une anomalie mentale qui ne correspond pas à la définition légale de l'article 16 peut cependant permettre de conclure que l'intention spécifique de tuer est néanmoins affectée, ce qui permettrait de réduire l'accusation à celle d'homicide involontaire coupable.

D'ailleurs, la Cour suprême du Canada, dans l'arrêt MacDonald, rendu en 1977, a reconnu la pertinence d'une preuve médicale non pas pour établir la défense d'aliénation mentale mais uniquement pour nier l'intention spécifique.

[…]

De l'ensemble des arrêts que j'ai cités, se dégage donc la conclusion que la condition mentale du sujet ne se soulève pas uniquement dans le cas d'une défense d'aliénation mentale. La question de la capacité de former l'intention criminelle (pertinente à la défense de l'aliénation mentale) se distingue de la question de l'existence même de l'intention criminelle qui demeure toujours en litige.

[42] Elle a réaffirmé cette position dans Laflamme c. R.:

Il s'agissait d'une défense fondée sur l'inexistence de l'intention criminelle. Dans l'état actuel de la jurisprudence, il paraît admis que dans le cas des infractions comportant une intention spécifique, la preuve qu'une personne est affectée d'un désordre mental qui n'a pas le caractère de gravité pouvant donner ouverture à une défense d'aliénation mentale peut néanmoins permettre une atténuation de la responsabilité pénale dans la mesure où cette maladie empêche la formation de l'intention spécifique requise.

[43] En marge de la portée de ces arrêts, je précise que le crime d'assistance au suicide, à la différence du meurtre, ne comporte pas d'infraction incluse ne requérant qu'une intention générale. Ainsi, dans le cas d'une accusation portée en vertu de l'article 241 C.cr., une absence de mens rea emporte donc un verdict d'acquittement et non une simple atténuation de responsabilité pénale.

mardi 8 février 2011

Ce que constitue un délai déraisonnable dans l'imposition de la peine

R. c. R.D., 2008 QCCA 1641 (CanLII)

[23] Une année et 12 jours se sont donc écoulés depuis le verdict de culpabilité. Ce délai, qui est loin d'être raisonnable[7], n'est aucunement attribuable au ministère public.

[7] Il y a lieu de rappeler que l'article 720 du Code criminel prévoit que : « Dans les meilleurs délais possibles suivant la déclaration de culpabilité, le tribunal procède à la détermination de la peine à infliger au délinquant. »

Dans le cas d'une condamnation pour refus de subir le test de l'ivressomètre, le juge peut prononcer une interdiction de conduire si la preuve révèle que l'accusée avait eu dans les trois heures précédant l'infraction, la garde ou le contrôle du véhicule moteur

R. c. Doyon, 2000 CanLII 6922 (QC C.A.)

[15] Dans le cas d'une condamnation pour refus de subir le test de l'ivressomètre, donc sous l'article 254 du Code criminel, et malgré l'acquittement pour conduite avec faculté affaiblie sous l'article 253 du Code criminel, le juge peut prononcer une interdiction de conduire si la preuve révèle que l'accusée avait eu dans les deux heures précédant l'infraction, la garde ou le contrôle du véhicule moteur. C'est exactement ce que dit notre arrêt à la page 8 de son texte.

[16] Le jugement Thériault c. La Reine interprète correctement l'arrêt de notre Cour dans l'affaire Leblond. Le Juge de la Cour supérieure ajoute que l'article 180 du Code de la sécurité routière qui prévoit la confiscation du permis en cas de condamnation en vertu du paragraphe 5 de l'article 254 du Code criminel, contient les mots «commise avec un véhicule routier», ce qui exige également que la preuve soit faite que l'accusé avait le contrôle ou la garde d'un véhicule à moteur.

[17] Dans Leblond, la preuve n'avait pas été faite que l'accusée avait la garde ou le contrôle d'un véhicule moteur alors qu'en l'espèce, cette preuve a été faite.

Une condamnation pour refus de fournir un échantillon d'haleine ne suffit pas pour rendre une ordonnance d'interdiction de conduire

R. c. Leblond, 1997 CanLII 10313 (QC C.A.)

L'appelant plaide que, en l'absence de l'un ou l'autre des deux éléments, l'article 259(1) est inapplicable. Le juge du procès a émis l'ordonnance mais sans qu'il n'y ait aucune discussion, ni de la part des avocats, ni de la part du juge lui-même, sur la question. Le juge de la Cour supérieure, quant à lui, rejette la proposition de l'appelant en invoquant, d'une part, l'arrêt TARASCHUK c. LA REINE, mentionné ci-haut, et, d'autre part, le fait que les policiers avaient des motifs raisonnables d'exiger le test d'ivressomètre.

Avec égards, nous sommes d'avis qu'ils ont eu tort tous deux.

Il ressort du texte même précité de l'article 259(1) que la seule condamnation en vertu de l'article 254 ne suffit pas. Nous sommes d'avis qu'une distinction doit être faite entre les conditions d'applicabilité de l'article 254(5) et celles relatives à l'article 259(1). À notre avis, et ceci dit avec égards, ni l'arrêt TARASCHUK ni les arrêts de notre Cour mentionnés ci-haut n'ont d'application en l'espèce.

Ce que ces arrêts ont décidé, essentiellement, mais, à notre avis, uniquement, est que l'absence de preuve, sous l'article 253, de l'un ou de l'autre des éléments essentiels de l'infraction prévue par cet article, et quelle qu'en soit la cause, ne saurait suffire pour libérer un accusé de l'infraction prévue à l'article 254(5), les deux infractions étant distinctes.

Cette conclusion de nos tribunaux était d'une logique incontestable, tant en vertu des textes que de la philosophie du législateur. Le texte même de l'article 254 n'exige que la présence d'un motif raisonnable de la part du policier et l'acquittement ou l'absence de preuve concluante des faits justifiant ce motif ne lui enlève pas nécessairement le caractère de raisonnabilité. En d'autres mots, l'acquittement sous 253 n'exclut pas nécessairement la raisonnabilité des motifs en vertu de 254. Il est évident que la conséquence d'une interprétation contraire de l'article 254 serait qu'il suffirait à quiconque de refuser de se soumettre au test pour éviter toute infraction, en empêchant de ce fait la preuve de l'infraction sous l'article 253. C'est ce que le législateur voulait éviter.

Par ailleurs, dans chacune des affaires mentionnées ci-haut, la garde ou le contrôle du véhicule n'était pas en cause et c'est la preuve de l'état d'ébriété de celui qui avait cette garde ou ce contrôle qui constituait l'élément manquant.

En l'espèce, c'est l'aspect garde ou contrôle qui constitue l'élément manquant alors que l'article 259(1), au contraire de l'article 254, exige non pas uniquement l'existence d'un motif raisonnable de croire à l'état d'ébriété et à la garde et contrôle du véhicule automobile mais exige la preuve de la garde et du contrôle, comme question de fait, et ce dans les deux heures de l'infraction, éléments constitutifs essentiels à l'application de cet article 259(1).

Les éléments constitutifs des infraction prévues aux articles 253 Ccr

R. c. Leblond, 1997 CanLII 10313 (QC C.A.)

En l'espèce, l'appelant n'a pas été déclaré coupable d'une infraction en vertu de l'article 253. Au contraire, il a été acquitté de cette accusation dont il importe de retenir que les éléments essentiels sont les suivants:

a)avoir la garde ou le contrôle d'un véhicule ...

b)lorsque sa capacité ... est affaiblie par l'effet de l'alcool ou d'une drogue; ou

c)lorsqu'il a consommé une quantité d'alcool telle ...

Les éléments précités sont essentiels à la commission de l'infraction et, par voie de conséquence, doivent être prouvé hors de tout doute raisonnable.

lundi 7 février 2011

Les principes de droit concernant la règle de la meilleure preuve dans le cas de preuve matérielle et documentaire

R. c. Deschênes, 2007 QCCS 6231 (CanLII)

[10] Les principes de droit qui suivent s’appliquent, croyons-nous, à l’objection à la preuve de la défense :

w la preuve documentaire et la preuve matérielle sont toutes deux soumises à la règle de la pertinence qui régit en premier lieu leur admissibilité;

w la règle de la meilleure a pour but d’assurer, dans la mesure du possible la production d’une pièce fiable ou la plus fiable;

w la preuve documentaire est celle faite au moyen d’un document dans le but de prouver la véracité des énoncés qu’il contient et non seulement son existence (Cassetta c. R. [2003] J.Q. no. 43 (C.A.Q.) par. 60);

w la preuve matérielle consiste en tout élément de preuve qui peut être directement produit au tribunal ou représenté au moyen d’une photographie, d’un film, d’un plan ou d’un croquis afin que le juge des faits puisse prendre connaissance de son existence et de ses caractéristiques. La preuve matérielle ne vise qu’à faire la preuve de l’existence de l’objet (Cassetta c. La Reine);

w ainsi, un document pourra constituer une preuve matérielle dans la mesure où sa production ne vise qu’à prouver l’existence d’un objet et non la véracité des énoncés qu’il contient. Ainsi, une photographie d’une objet est habituellement considérée comme une preuve matérielle, surtout si, comme en l’espèce, elle ne constitue pas la représentation d’inscriptions ou d’écrits;

w la règle de la meilleure preuve ne trouve désormais application qu’en relation avec la preuve documentaire. Dans Garton c. Hunter ([1969] 2 Q.B. 37 à la page 44 (C.A.), Lord Denning écrit, au sujet de la règle de la meilleure preuve :

« That old rule has gone by the board long ago. The only remaining instance of it that I know is that if an original document is available in your hands, you must produce it… Nowdays, we do not confine ourselves to the best evidence. We admit all relevant evidence. »

w Ce principe a été repris par notre Cour suprême dans R. c. Cotroni et Papalia. Ainsi, chez nous, lorsque l’original d’un document a été détruit ou perdu sans mauvaise foi, une copie de celui-ci pourra être produite en preuve;

w généralement, si l’original n’est pas disponible ou entre les mains d’un tiers ou de la partie adverse qui rend son obtention difficile, une preuve secondaire pourra en être faite (Documentary Evidence in Canada Ewart & Lomer, p. 29).

Exposé du juge Lévesque sur la portée de l'article 30 de la Loi sur la preuve au Canada

R. c. Laroche, 2005 CanLII 41273 (QC C.S.)

[25] Il convient de se demander si la situation, ainsi que les conclusions recherchées, peuvent permettre l'application des dispositions de l'article 30 L.P.C.

[26] Force est de constater que cet article se retrouve dans une partie de la loi qui traite spécifiquement de la preuve documentaire (art. 19 à 36).

[27] Monsieur Jacques Fortin, traitant de « document et preuve matérielle », écrit ce qui suit :

« 1004. – L'écrit pertinent en tant que preuve matérielle est admissible en vertu des règles de fond régissant le litige. Par exemple, dans les inculpations de vol de document, de faux ou de libelle, le document faisant l'objet de l'inculpation est produit à titre d'objet, de « corpus delicti ». De la même manière, les documents préparés pour le procès à titre de preuves démonstratives (v.g. photographies des lieux ou de la victime, plan des lieux du crime) n'entrent pas dans la catégorie de la preuve documentaire pour la raison qu'ils s'offrent aux constatations directes du tribunal sans reposer sur la crédibilité d'un témoin. Toutefois, tant la preuve matérielle que la preuve démonstrative exigent que les documents soient présentés par un témoin qui est capable, en fonction de ses connaissances personnelles, d'en établir la pertinence dans le litige. Cela suppose, dans le cas de l'écrit, qu'il puisse le relier à l'accusé (v.g. par une comparaison d'écritures ou de signatures) ou établir qu'il a trouvé le document en possession de l'accusé, et dans le cas d'enregistrements ou de photographies, qu'il puisse en établir la fiabilité. Ce sont les fins auxquelles le document est produit qui permettent de déterminer son utilisation dans le procès. Par exemple, les enveloppes utilisées par la police pour conserver un stupéfiant ayant fait l'objet d'une saisie peuvent être produites comme de simples objets destinés à montrer la conservation de la substance ou, encore, comme de véritables documents destinés à faire preuve des mentions qu'ils comportent. Dans le premier cas, leur admissibilité dépend de leur pertinence dans le litige ; dans le second cas, leur admissibilité repose en plus sur la satisfaction des règles relatives à la preuve documentaire. »

[28] Les auteurs Bellemare et Viau, lorsqu'ils traitent de la preuve matérielle affirment pour leur part :

« ___ La preuve matérielle consiste en la prise de connaissance par le tribunal de l'état d'un objet ou d'une personne.

[…]

. Il peut s'agir de l'apparence d'une personne, vivante ou morte, présente à la Cour ou représentée au moyen d'une photographie, d'un film ou d'un croquis.

[…]

. Un document peut également, dans certaines circonstances, être considéré comme une preuve matérielle.

___ Le tribunal peut être invité à faire ses propres constatations à partir d'une représentation d'une personne ou d'un objet (ex.: une photographie, un plan, un croquis).

[…] »

[29] Les auteurs reconnaissent que l'article 30 s'applique aux registres d'affaires ou aux pièces établies dans le cours ordinaire des affaires.

[30] Notre collègue, le juge Béliveau, s'exprime ainsi à ce sujet:

« 652. De même, le paragraphe 30(1) prévoit que, lorsqu'une preuve orale concernant une chose serait admissible dans une procédure judiciaire, une pièce établie dans le cours ordinaire des affaires et qui contient des renseignements sur cette chose est admissible en preuve. La loi définit le terme « affaire » comme englobant les activités gouvernementales, de sorte que cette disposition vise les documents publics et privés. Ces règles complètent la common law en ce qu'il n'est pas nécessaire que l'auteur du document ait agi dans l'exécution de son devoir. Cela étant, il faut noter que le paragraphe 30(10) prévoit spécifiquement certaines exclusions, notamment le cas où le document a été établi dans le cours d'une enquête. Ainsi, un rapport de police ou d'un enquêteur du service du commissaire aux incendies ne peut être recevable en vertu de cette disposition. On peut également, en vertu du paragraphe 30(2), inférer un fait de l'absence de renseignements. Ainsi, le registre des clients tenu par un hôtelier fera preuve qu'une personne a séjourné dans son établissement et même, le cas échéant, qu'elle n'y a pas séjourné. De même, la Cour suprême a jugé qu'une lettre de transport constitue une « pièce établie dans le cours ordinaire des affaires ». Il faut noter qu'il n'est pas nécessaire que l'auteur du document ait lui-même constaté le fait qu'il y a consigné. En d'autres termes, l'article 30 permet ce qu'on appelle fréquemment le « double ouï-dire », sujet bien entendu au poids que peut avoir une telle preuve. Il est également possible de joindre un affidavit pour expliquer le contenu de la pièce si nécessaire. »

[31] Il ne faut pas perdre de vue que l'article 30 L.P.C., tout comme les articles 29 et 31, constitue en quelque sorte une exception législative à la règle de la meilleure preuve. Le juge en chef Dickson exposait la règle suivante dans l'arrêt Schwartz :

« […] Avant qu'un document puisse être admis en preuve, il doit franchir deux obstacles. Premièrement, la partie qui désire se fonder sur lui doit l'authentifier. Cette authentification exige la déposition d'un témoin; un document ne peut être simplement déposé à l'audience devant le juge. En second lieu, pour que le document soit admis comme faisant preuve de l'exactitude de son contenu, il faut démontrer qu'il relève de l'une des exceptions à la règle du ouï-dire (Delisle, Evidence: Principles and Problems, aux pp. 103 à 105; Ewart, Documentary Evidence in Canada, aux pp. 12, 13 et 33; Wigmore on Evidence, vol. 7, 3rd ed., par. 2118 à 2135). Il s'agit là de deux questions distinctes et, à mon avis, le par. 106.7(2) ne répond qu'à la dernière. Un certificat d'enregistrement, une fois admis, fait preuve de son contenu, savoir que le titulaire qui y est nommé s'est conformé aux formalités d'enregistrement de l'arme à autorisation restreinte. Comment fait-on admettre ce document comme élément de preuve?

L'une des marques de la common law en matière de preuve est qu'elle a recours aux témoins pour faire produire des éléments de preuve devant le tribunal. En règle générale, rien ne peut être admis à titre d'élément de preuve devant le tribunal à moins d'être attesté de vive voix par un témoin. Même la preuve matérielle, qui existe indépendamment de toute déclaration d'un témoin, ne peut être prise en considération par le tribunal à moins qu'un témoin ne l'identifie et n'établisse son rapport avec les événements en cause. Contrairement à d'autres systèmes de droit, la common law n'envisage normalement pas la preuve par acte authentique.

Le législateur a édicté plusieurs exceptions législatives à la règle du ouï-dire dans le cas des documents, mais il est moins fréquent qu'il fasse une exception dans le cas de l'obligation de faire attester le document par un témoin. Par exemple, la Loi sur la preuve au Canada prévoit l'admission des pièces ou registres financiers et d'affaires comme faisant preuve de leur contenu, mais il est toujours nécessaire qu'un témoin vienne expliquer au tribunal comment les pièces ou registres ont été établis, avant que le tribunal puisse conclure que les documents peuvent être admis en vertu de ces dispositions législatives (voir les par. 29(2) et 30(6)). Le témoin peut fournir ses explications par affidavit, mais il est toujours nécessaire d'avoir un témoin. »

La règle de la meilleure preuve concernant la preuve documentaire et les bandes magnétiques

Papalia c. R., [1979] 2 R.C.S. 256

Halsbury commente ainsi la règle de la «meilleure preuve» (4e éd., vol. 17, à la p. 8):

«En plus d’être une question de simple prudence, c’est un principe établi de longue date que la preuve doit être la meilleure possible vu la nature de l’affaire. Cependant, toute interprétation rigoureuse de ce principe est, depuis longtemps, désuète et cette règle ne conserve son importance qu’en ce qui a trait à la meilleure preuve des documents privés. Il est évidemment logique d’exiger la production du document original lorsqu’il est disponible plutôt que de s’en remettre à des copies qui peuvent laisser à désirer ou aux souvenirs des témoins, bien que les techniques modernes affaiblissent les objections à la première solution.»

La règle elle-même, dans sa formulation relativement moderne, n’exclut pas catégoriquement la preuve secondaire. Le Maître des rôles, lord Esher, l’énonce dans Lucas v. Williams & Sons, (1892) 2 Q.B. à la p. 116:-

«Voici ce que l’on entend par «meilleure» preuve et preuve «secondaire»: la meilleure preuve est celle dont la loi exige en premier lieu la production; la preuve secondaire est la preuve qui peut être produite en l’absence de la meilleure preuve dont la loi exige en premier lieu la production lorsque l’absence de la meilleure preuve est adéquatement expliquée.»

Lord Denning aurait sorti la question de la preuve secondaire du domaine de la recevabilité pour la placer dans celui de la force probante. Il dit, dans Garton v. Hunter, (1969) 2 Q.B. 37 à la p. 44:

«Il est évident que le lord juge Scott pensait à l’ancienne règle qu’une partie doit produire la meilleure preuve possible vu la nature de l’affaire et qu’il faut exclure toute preuve moins bonne. Cette règle ancienne est depuis longtemps périmée. Tout ce qui en reste est, je crois, l’obligation de produire un document original lorsqu’on l’a en sa possession. On ne peut en donner une preuve secondaire en produisant une copie. Aujourd’hui, on ne se limite pas à la meilleure preuve. Toute preuve pertinente est recevable. Sa qualité touche seulement sa force probante et non sa recevabilité.»

Cependant, le conseil de prudence donné par Halsbury va dans le même sens que le principe énoncé par McCormick on Evidence, 2e éd. à la p. 571:

«Si le document original a été détruit par la personne qui offre la preuve de son contenu, cette preuve est irrecevable à moins qu’en établissant que la destruction était accidentelle ou a été faite de bonne foi, sans vouloir empêcher son utilisation en preuve, elle réfute, à la satisfaction du juge du procès, tout soupçon de fraude.»

Le même principe doit s’appliquer aux bandes magnétiques.

En l’espèce, je crois que le ministère public a satisfait à l’obligation que mentionne McCormick. La destruction des bandes originales a été faite de bonne foi et les reproductions sont reconnues comme authentiques. Les appelants appuient leur prétention que seules les bandes magnétiques originales sont recevables en preuve sur les décisions rendues par un seul juge dans R. v. Stevenson, 55 Cr. App. R. 171 et R, v. Robson, 56 Cr. App. R. 450. Toutefois, dans ces deux affaires, l’authenticité des enregistrements produits était sérieusement contestée et les décisions sur leur recevabilité ne peuvent servir de guide vu les faits de la présente espèce. De même, les appelants ont cité plusieurs décisions de tribunaux d’États américains où la règle de la meilleure preuve a été appliquée strictement pour exclure les reproductions de bandes magnétiques. Je préfère, cependant, l’opinion que la Cour fédérale a exprimée dans United States v. Knohl, 379 F. 2d 427 (1967) à la p. 440:

«Lorsque la reproduction d’une conversation enregistrée sur bande est produite et que le juge du fond est d’avis qu’une bonne justification en a été donnée et que la reproduction est authentique et exacte, il est absurde et inutile d’appliquer la règle de la meilleure preuve de façon formaliste et rigoureuse. Johns v. United States, 323 F. 2d. 421 (5 Cir. 1963). L’analyse de la règle qu’a faite le juge Sutherland, siégeant comme juge de circuit au Deuxième circuit, dans United States v. Manton, 107 F. 2d. 834, 845 (2 Cir. 1939) est pertinente:

La règle n’est pas fondée sur l’opinion que ce qu’on appelle la preuve secondaire est irrecevable, puisque, s’il est impossible d’obtenir la meilleure preuve, elle devient aussitôt recevable. Et si, comme en l’espèce, il appert que la soi-disant preuve secondaire a manifestement la même valeur probante que la soi-disant meilleure preuve et qu’on ne peut raisonnablement craindre la fraude ni la supercherie, la règle de la meilleure preuve n’est plus justifiée et n’a plus lieu d’être dans ce cas, conformément à la maxime bien connue—si la raison d’être de la loi disparaît, la loi elle-même doit disparaître.

Une application trop formaliste et exagérée de la règle de la meilleure preuve ne fait qu’entraver la marche de l’enquête sans aucunement servir la vérité.»

Cependant, nous ne sommes pas sans savoir que les enregistrements peuvent être altérés et qu’ils ont souvent un effet persuasif et parfois même spectaculaire sur le jury. Le gouvernement doit donc fournir des preuves claires et convaincantes de l’authenticité et de la fidélité pour fonder la recevabilité de ces enregistrements; lorsque la Cour reconnaît leur authenticité et leur fidélité mais que la preuve est contradictoire sur ces points, elle doit demander au jury de scruter minutieusement la preuve.»

samedi 5 février 2011

Détermination de la peine dans les cas d'infractions d'agressions sexuelles graves lorsque l'acusé, porteur du VIH, a des relations sexuelles non protégées

R. c. Mercier, 2011 QCCQ 198 (CanLII)

[42] Dans W.D. c. R. 2006 2006 QCCA 14 (CanLII), QCCA 14, la Cour d’appel du Québec maintient une peine globale de 11 ans à l’accusé porteur du virus VIH qui le cache à trois victimes, dont une qu’il fréquente durant plus d’un an.

[43] Dans R. c. Williams 2006 ONCJ 484 (CanLII), 2006 ONCJ 484 (CanLII) la Cour de justice de l’Ontario impose une peine globale de 38 mois à l’accusé porteur du virus VIH qui a eu des relations non protégées avec deux femmes qui ne seront pas infectées.

[44] Dans R. c. Lamirande (D.) 2006 MBCA 71 (CanLII), 2006 MBCA 71 (CanLII), la Cour d’appel du Manitoba rétablit la suggestion commune faite de deux ans moins un jour dans la collectivité pour l’accusé porteur du virus VIH qui a eu une seule relation non protégée où la Cour juge que l’accusé a commis « one isolated, unplanned, spontaneous act with none of the elements of will full intent or deceit present in some of the cases described above » (para. 24).

[45] Dans R. v. J.M. 2005 O.J. no 5649, la Cour supérieure de l’Ontario impose à l’accusée, porteuse du virus VIH qui a eu des relations sexuelles non protégées avec deux hommes sans le divulguer, une peine de 12 mois avec sursis, tenant compte d’une détention provisoire de 9 mois.

[46] Dans R. v. Booth 2005 A.J. no 792, l’accusé porteur du virus VIH, a eu six relations sexuelles non protégées avec la même victime sur une période d’une année. La victime supporte l’accusé et veut s’engager dans une relation à long terme avec lui et a clairement manifesté le souhait qu’il ne soit pas incarcéré. Le juge de la Cour provinciale d’Alberta rejette la suggestion commune du « temps fait » (deux mois et demi de détention provisoire) et en vient à la conclusion qu’une peine d’un an de détention est appropriée.

[47] Dans R. v. Smith 2004 BCCA 657 (CanLII), 2004 BCCA 657 (CanLII) la Cour d’appel de Colombie-Britannique maintient une peine de 42 mois à l’accusé « HIV positive and thus carrying the Aids Virus » qui a eu des relations sexuelles non protégées avec une victime sur plusieurs mois.

[48] Dans M.L. c. R. 2010 2010 QCCA 395 (CanLII), QCCA 395, la Cour d’appel du Québec maintient une peine de 10 ans pour un accusé séropositif qui a omis de divulguer à sa conjointe ce fait et qui abusera de la fille de cette dernière par la suite.

[49] Dans R. v. Eaton 2010 O.J. no 1747, la Cour d’appel d’Ontario maintient une peine de 10 ans pour voies de faits graves où l’accusé a sauvagement battu sa victime et l’a mordu en étant porteur du VIH et de l’hépatite B et C.

[50] Dans R. v. Kaonga 2009 M.J. no 185, la Cour d’appel du Manitoba maintient une peine de 4 ans consécutive à 68 mois de détention provisoire à l’accusé qui étant porteur du VIH a omis d’en informer deux partenaires et a eu des relations sexuelles non protégées avec elles.

[51] Dans R. v. Walken, 2007 O.J. no 186, la Cour supérieure d’Ontario impose une peine de 56 mois à l’accusé, qui porteur du virus VIH, a eu des relations non protégées avec deux partenaires sans les aviser. La première victime, âgée de 18 ans, contractera le virus. Il récidive avec la deuxième victime sachant qu’il avait infecté la première.

[52] Dans R. v. Smith, 2007 S.J. no 150 la Cour provinciale de Saskatchewan impose une peine de 6 ans à l’accusé qui infecté du VIH a menti délibérément à deux victimes à ce sujet et a eu de nombreuses relations non protégées avec une, et trois avec l’autre. L’accusé n’avait pas d’antécédents.

[53] Dans R. v. Nduwayo 2006 B.C.J. no 3418 la Cour supérieure de Colombie-Britannique impose une peine globale de 15 ans à un accusé séropositif qui a caché ce fait à de nombreuses victimes dont plusieurs seront infectées après des relations non protégées.

[54] Dans R. v. Williams 2004 N.J. no 140, la Cour d’appel de Terre-Neuve maintient les peines de 2 ans et 3 ans consécutives à l’accusé infecté du VIH qui aura caché cette information à trois victimes dont une sera infectée.

[55] Dans R. v. Miron 2000 M.J. no 500, la Cour provinciale du Manitoba impose une peine de 8 ans à l’accusé criminalisé qui, porteur du VIH, aura des relations non protégées avec 4 victimes, dont deux sont infectées sans que l’on puisse établir qu’elles ont été contaminées par l’accusé.

[56] Dans R. v. Mercev 1993 N.J. no 198, la Cour d’appel de Terre-Neuve impose une peine de 11 ans à l’accusé infecté du VIH qui aura des relations non protégées avec deux victimes de 16 et 22 ans qui seront infectées.

[57] Dans R. v. Winn 1998 O.J. no 393, la Cour d’appel d’Ontario maintient une peine de 12 ans à un accusé hautement criminalisé qui dans le cadre d’une sauvage agression sexuelle éjaculera dans la bouche, le vagin et une plaie ouverte au visage de la victime. L’accusé savait être infecté du VIH. La victime ne sera pas contaminée.

[58] Dans R. c. Dufresne 2009 J.Q. no 18054, la Cour du Québec impose une peine de 3 ans à l’accusé séropositif qui a omis de divulguer ce fait en ayant des attouchements sexuels avec une victime âgée de 12 ans.

[59] Dans R. v. Iamkhong 2009 O.J. no 2446, la Cour d’appel d’Ontario impose une peine de 2 ans moins un jour à une épouse qui a eu des relations sexuelles non protégées avec son mari alors qu’elle était porteuse du VIH, malgré que deux rapports médicaux étaient contradictoires à ce sujet.

[60] Dans R. c. McGregor, 2008 O.J. no 4939, la Cour d’appel de l’Ontario modifie la peine d’un an avec sursis imposée en 1re instance à une peine d’un an d’emprisonnement à l’accusé qui se sachant porteur du virus VIH depuis 15 ans a omis de le divulguer à sa copine et a eu deux relations non protégées durant l’année et demie de fréquentations. L’accusé se protégeait avec elle avec un condom le reste du temps. Il n’avait aucun antécédent.

[61] Dans R. v. Deblois, 2005 O.J. no 2267 la Cour provinciale d’Ontario impose une peine de 3 ans à l’accusé qui infecté du VIH a eu des relations non protégées avec la victime qui sera infectée. L’accusé avait des antécédents qui dataient, mais pas en semblable matière.

[62] Plusieurs de ces décisions comportent évidemment des facteurs beaucoup plus aggravants que dans le présent dossier ou encore des facteurs atténuants différents, tels qu’absence d’antécédents judiciaires, ou le nombre de relations non protégées pour n’en nommer que deux.

[64] On peut conclure que dans des circonstances se rapprochant des faits du présent dossier, la fourchette de peine se situe entre 1 an et 3 ans de détention.

[65] Cette revue de la jurisprudence, non exhaustive, rend pertinentes les prétentions de la poursuite voulant que les tribunaux doivent prioriser les principes de dénonciation et de dissuasion.

Y a-t-il lieu de modifier les peines en les réduisant à un emprisonnement de deux ans moins un jour afin de permettre un appel d'une mesure de renvoi prise en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR)?

Guzman c. R., 2011 QCCA 136 (CanLII)

[9] Les trois appelants ne sont pas citoyens canadiens, mais ont obtenu le statut de résident permanent conformément à la LIPR.

[10] Ils ont par la suite été condamnés à des peines d'emprisonnement de deux ans à la suite de la perpétration de diverses infractions à une loi fédérale.

[11] Ces condamnations ont d'importantes conséquences. D'une part, elles emportent interdiction de territoire pour cause de grande criminalité. D'autre part, elles empêchent tout appel d'une mesure de renvoi à la Section d'appel de l'immigration. En effet, quoique la Section d'appel de l'immigration puisse, selon l'al. 67 (1) c) LIPR, surseoir à une mesure de renvoi ou faire droit à un appel, notamment pour des motifs d'ordre humanitaire, l'art. 64 édicte qu'un tel appel ne peut être interjeté lorsque la peine infligée est de deux ans d'emprisonnement et plus :

64. (1) L’appel ne peut être interjeté par le résident permanent ou l’étranger qui est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux, grande criminalité ou criminalité organisée, ni par dans le cas de l’étranger, son répondant.

Grande criminalité

(2) L’interdiction de territoire pour grande criminalité vise l’infraction punie au Canada par un emprisonnement d’au moins deux ans.

[12] C'est donc pour préserver leur droit de porter la mesure de renvoi en appel devant la Section d'appel de l'immigration que les appelants demandent à la Cour de réduire leurs peines respectives à deux ans moins un jour d'emprisonnement. Selon eux, la réduction de peine qu'ils recherchent est minime par rapport au préjudice qui leur est causé par la perte de leur droit d'appel. Dans les circonstances, disent-ils, l'impact de la peine infligée est nettement disproportionné.

[48] On ne peut nier que les conséquences de l'art. 64 LIPR revêtent une importance certaine. Je n'affirme pas qu'elles sont toujours déterminantes, mais, pour les raisons qui suivent, je suis d'avis qu'un tribunal devrait en tenir compte. Par contre, l'on ne peut non plus conclure que, dans tous les cas où une peine de deux ans est appropriée, elle devrait nécessairement être réduite à deux ans moins un jour pour, le cas échéant, sauvegarder le droit d'appel de la personne visée. C'est pourtant, à mon avis, ce que les appelants soutiennent, à tout le moins implicitement.

[49] Il me semble acquis que les autres mesures prévues par la LIPR ne peuvent se comparer à un droit d'appel et ne peuvent donc compenser la perte d'un tel droit. Ainsi, la Cour fédérale ne saurait se transformer en tribunal d'appel au moment d'exercer sa compétence en matière de contrôle judiciaire. De même, le pouvoir discrétionnaire conféré au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration par les art. 25 et 112 et suivants LIPR ne peut pallier la disparition d'un droit d'appel devant un organisme comme la Section d'appel de l'immigration qui, à l'occasion d'un pourvoi, peut d'ailleurs prendre en compte des aspects de la décision de renvoi qui dépassent la seule question des motifs d'ordre humanitaire.

[50] En somme, s'il est vrai que les appelants ne sont pas sans ressources, il n'en demeure pas moins que les mesures qui leur restent ne peuvent être aussi satisfaisantes qu'un droit d'appel. Pour paraphraser le juge Doherty dans R. v. Spencer 2004 CanLII 5550 (ON C.A.), (2004), 72 O.R. (3d) 47 (C.A. Ont.), au paragr. 45, l'accusé à qui le juge inflige une peine de deux ans, le privant ainsi du droit d'appel, sera « in a somewhat worse position » que celui à qui le tribunal impose une peine de deux ans moins un jour.

[51] Force est donc de reconnaître que l'impact d'une peine de deux ans d'emprisonnement demeure un fait pertinent dont un tribunal doit pouvoir tenir compte. C'est d'ailleurs l'idée exprimée par le juge Doherty dans R. v. Hamilton, 2004 CanLII 5549 (ON C.A.), (2004) 72 O.R. (3d) 1 (C.A. Ont.) :

[156] […]The sentencing process cannot be used to circumvent the provisions and policies of the Immigration and Refugee Act. As indicated above, however, there is seldom only one correct sentencing response. The risk of deportation can be a factor to be taken into consideration in choosing among the appropriate sentencing responses and tailoring the sentence to best fit the crime and the offender: R. v. Melo (1975), 26 C.C.C. (2d) 510 at 516 (Ont. C.A.).

[157] […]It is clear, however, that if Ms. Mason were to receive a sentence of two years and if she was ordered deported, her ability to challenge that deportation order would be adversely affected by the length of the sentence.

[158] I would not characterize the loss of a potential remedy against a deportation order that might be made a mitigating factor on sentence. I do think, however, that in a case like Ms. Mason's there is room for consideration of the potentially added risk of deportation should the sentence be two years or more. If a trial judge were to decide that a sentence at or near two years was the appropriate sentence in all of the circumstances for Ms. Mason, the trial judge could look at the deportation consequences for Ms. Mason of imposing a sentence of two years less a day as opposed to a sentence of two years. I see this as an example of the human face of the sentencing process. If the future prospects of an offender in the circumstances of Ms. Mason can be assisted or improved by imposing a sentence of two years less a day rather than two years, it is entirely in keeping with the principles and objectives of sentencing to impose the shorter sentence. While the assistance afforded to someone like Ms. Mason by the imposition of a sentence of two years less a day rather than two years may be relatively small, there is no countervailing negative impact on broader societal interests occasioned by the imposition of that sentence: see R. v. Lacroix, [2003] O.J. No. 2032 (C.A.).

[52] En d'autres termes, le processus de détermination de la peine ne doit pas être un prétexte pour chercher à contourner les dispositions de la Loi sur la Citoyenneté et l'Immigration et l'objectif du législateur fédéral. En revanche, il reste que l'impact d'une décision judiciaire sur l'accusé est toujours pertinent, particulièrement dans un processus de détermination de la peine qui doit elle-même être proportionnelle tant à la gravité de l'infraction qu'au degré de responsabilité du délinquant et qui doit être taillée sur mesure.

[53] Les conséquences d'une peine peuvent donc, parfois, amener le juge à la moduler à la baisse, sans toutefois renier les objectifs et principes retenus par le législateur. Il est par conséquent possible, dans certains cas, qu'une réduction d'une journée soit opportune, à la condition toutefois que la peine ainsi réduite demeure une peine appropriée au regard des règles applicables. Encore faut-il que le juge du procès soit adéquatement informé de la situation par les avocats.

Voir au même effet
Belance c. R., 2011 QCCA 137 (CanLII)
Laplante c. R., 2011 QCCA 138 (CanLII)

Détermination de la peine dans les cas d'invasion de domicile sans arme à feu et victime(s) blessée(s)

R. c. Kanaan, 2010 QCCQ 12020 (CanLII)

Roy c. R. 2009 QCCA 118 (CanLII), 2009 QCCA 118
6 ans, appel rejeté
Profil de l’accusé : Faible risque de récidive
Antécédent(s) judiciaire(s) : Aucun
Spécificité(s) de la cause: Victime très âgée, extrêmement traumatisée

R. c. Cormier Pelchat, 2010 QCCQ 4871 (CanLII), 2010 QCCQ 4871
30 mois
Profil de l’accusé : 19 ans, réhabilitation depuis l’arrestation (décroche un diplôme)
Antécédent(s) judiciaire(s) : Aucun
Spécificité(s) de la cause: Victime grièvement blessée

R. c. Barbagallo 2007 QCCQ 15722 (CanLII), 2007 QCCQ 15722
10 ans
Profil de l’accusé : toxicomane
Antécédent(s) judiciaire(s) : Nombreux et violents
Spécificité(s) de la cause: Cible les femmes âgées (8 introductions par effraction), voies de faits graves

R. v. Keepness 2010 SKCA 69 (CanLII), 2010 SKCA 69
11 ans (peine réduite), appel accueilli
Profil de l’accusé : 24 ans, 23 ans et 19 ans, membre d’un gang, jeunesse très difficile
Antécédent(s) judiciaire(s) : Nombreux
Spécificité(s) de la cause: Invasion reliée aux drogues, avec bâton de baseball et couteaux, 3 jeunes poignardées, une autre décédée

R. v. Bellegarde 2010 SKCA 15 (CanLII), 2010 SKCA 15
12 ans (réduction d'une peine de 15 ans), appel accueilli
Profil de l’accusé : 35 ans , problèmes d’alcool, risque modéré de récidive
autochtone
Antécédent(s) judiciaire(s) : Quelques-uns reliés à la conduite automobile
Spécificité(s) de la cause: Agression sexuelle sur une mère devant ses deux enfants

R. v. Moore 2008 BCCA 129 (CanLII), 2008 BCCA 129
8 ans, appel rejeté
Profil de l’accusé : 24 ans
Antécédent(s) judiciaire(s) : Antécédents de violence
Spécificité(s) de la cause: Altercation violente avec les victimes

R. c. R.J.P. 2006 SKCA 60 (CanLII), 2006 SKCA 60

15 ans (peine augmentée), déclaré délinquant à contrôler, appel accueilli
Profil de l’accusé : 45 ans, risque élevé de récidive, problèmes d’alcool
Antécédent(s) judiciaire(s) : Nombreux
Spécificité(s) de la cause: Homme âgé poignardé à deux reprises dans sa maison, homme victime de coups de marteau à la tête dans sa chambre d’hôtel

R. c. Sinclair 2009 MBCA 91 (CanLII), 2009 MBCA 91
11 ans, appel rejeté
Profil de l’accusé : Jeune homme
Antécédent(s) judiciaire(s) : Non précisé
Spécificité(s) de la cause: Victime grièvement blessée (problèmes neurologiques et cécité d’un œil)

vendredi 4 février 2011

Le fait que les agents de police aient des motifs raisonnables de procéder à une arrestation ne leur confère pas automatiquement le pouvoir de procéder à une fouille à nu

R. c. Golden, 2001 CSC 83, [2001] 3 R.C.S. 679

98 Le fait que les agents de police aient des motifs raisonnables de procéder à une arrestation ne leur confère pas automatiquement le pouvoir de procéder à une fouille à nu, même lorsque cette fouille à nu est effectivement « accessoire à une arrestation légale » selon la définition énoncée plus tôt. Il faut au contraire qu’il existe des motifs supplémentaires qui soient liés à l’objet de la fouille à nu. Dans l’arrêt Cloutier, précité, notre Cour a conclu qu’une fouille accessoire à une arrestation en common law n’a pas à être justifiée par d’autres motifs que les motifs raisonnables et probables nécessaires pour justifier la légalité de l’arrestation elle-même : Cloutier, précité, p. 185-186. Cette conclusion a toutefois été tirée dans le contexte d’une fouille sommaire, qui ne portait qu’une atteinte minimale à la vie privée et à l’intégrité personnelle du détenu. Par contraste, une fouille à nu est beaucoup plus envahissante et, partant, elle commande un degré plus élevé de justification pour appuyer l’atteinte plus grave portée à la liberté et à la dignité de la personne. Pour satisfaire à la norme constitutionnelle du caractère raisonnable justifiant la fouille à nu, les agents de police doivent établir qu’ils avaient des motifs raisonnables de conclure qu’une fouille à nu était nécessaire dans les circonstances particulières de l’arrestation.