R. c. Legault, 2009 QCCQ 15360 (CanLII)
[5] L'expert de la poursuite convient que le bon entretien d'un appareil doit contribuer à son bon fonctionnement et pour cette raison, entre autres, les registres d'entretien sont maintenus de façon scrupuleuse. Dans son témoignage, il accepte qu'un appareil puisse être affecté d'une défectuosité et il accepte aussi qu'une défectuosité puisse survenir entre l'entretien et l'utilisation d'un appareil. À cet égard, son témoignage ne contredit aucunement les deux possibilités affirmées par l'expert en défense. Surtout, il affirme qu'il peut y avoir un lien entre l'entretien d'un appareil et son fonctionnement.
[6] La question sur cette requête n'est pas de savoir si le registre d'entretien est pertinent et admissible au procès, mais de savoir s'il est pertinent aux fins de préparer la cause. La preuve des deux parties sur la requête démontre que l'entretien d'un Alco-Sensor IV RBT-IV peut affecter son fonctionnement dans un sens ou dans l'autre.
[7] La communication de la preuve par la poursuite est un principe de droit qui renforce le droit de l'accusé à une défense pleine et entière. Quant à l'étendue de ce droit, il est large:
Stinchcombe énonce clairement que l’information pertinente devant être communiquée par la partie principale comprend non seulement les renseignements ayant trait aux éléments que le ministère public a l’intention de présenter en preuve contre l’accusé, mais également ceux qui peuvent raisonnablement aider ce dernier à présenter une défense pleine et entière (p. 343‑344).
Le seuil à franchir n’est pas très élevé.
[8] La pertinence pourrait être aussi une question de droit, mais elle est plutôt une question de logique et d'expérience. L'existence d'un fait A rend-elle plus ou moins probable l'existence d'un autre fait B? Si oui, le fait A est pertinent par rapport au fait B. De plus, si l'existence du fait B est une question en litige, l'on doit dire non seulement que le fait A est pertinent sur le plan logique («la pertinence logique») mais qu'il est pertinent sur le plan juridique («la pertinence juridique»).
[9] En l'espèce, si le fait B est le fonctionnement de l'appareil, que peut être le lien logique entre cette question de fait et le registre d'entretien? Pour répondre à cette question, je me pose d'autres questions et j'y réponds.
Q. Le fonctionnement d’un appareil approuvé est-il une question pertinente?
R. Oui, et pertinente non seulement sur un plan logique mais aussi sur un plan juridique.
Q. Si c’est le cas, le dysfonctionnement de l’appareil serait-il une question pertinente?
R. De toute évidence – même réponse.
Q. Les causes d’un dysfonctionnement pourraient-elles être pertinentes?
R. Certainement.
Q. Si l’entretien d’un appareil approuvé pouvait être la cause d’un dysfonctionnement, l’entretien de l’appareil serait-il pertinent?
R. Encore, oui.
Q. Le registre qui fait état de l’entretien de l’appareil pourrait-il être pertinent?
R. Non seulement logiquement pertinent, mais peut-être même juridiquement pertinent.
Voici le raisonnement qui m'amène à la conclusion que le registre pourrait être pertinent aux fins de communication.
[10] Je tiens à souligner deux distinctions. Premièrement, la pertinence n'a rien à voir avec la force probante ou le poids d'un élément de preuve. La pertinence d'un élément de preuve existe ou elle n'existe pas. La réponse à toute question de pertinence est strictement binaire - oui ou non – et elle n'admet aucunement de gradation par degré. La valeur probante d'un élément de preuve qui est par ailleurs pertinent n'est qu'une question de degré lorsque tous les éléments sont évalués les uns avec les autres. Il s'ensuit que le registre d'entretien pourrait être aussi pertinent que les divers tests de contrôle effectués sur l'appareil, mais que, en ce qui concerne le fonctionnement de l'appareil au jour de l'infraction alléguée, il risque peu, dans le cours normal des choses, d'être aussi probant que les tests de contrôle.
[11] La deuxième distinction que je garde à l'esprit est celle entre la pertinence d’une information pour fins de communication par la poursuite et la recevabilité d'un élément de preuve au procès. Dans le cas qui nous occupe, le registre d'entretien serait également pertinent aux fins de divulgation ou aux fins du procès, mais cela n'implique pas que si le registre doit être communiqué à la défense il est également admissible ou recevable au procès. La pertinence du registre est une condition nécessaire dans les deux cas, mais elle n’est pas forcément suffisante pour que le registre soit reçu en preuve au procès.
[12] Le juge Sopinka a traité de cette question dans l’arrêt Mohan:
La pertinence est déterminée par le juge comme question de droit. Bien que la preuve soit admissible à première vue si elle est à ce point liée au fait concerné qu'elle tend à l'établir, l'analyse ne se termine pas là. Cela établit seulement la pertinence logique de la preuve. D'autres considérations influent également sur la décision relative à l'admissibilité. Cet examen supplémentaire peut être décrit comme une analyse du coût et des bénéfices, à savoir «si la valeur en vaut le coût.» Voir McCormick on Evidence (3e éd. 1984), à la p. 544. Le coût dans ce contexte n'est pas utilisé dans le sens économique traditionnel du terme, mais plutôt par rapport à son impact sur le procès. La preuve qui est par ailleurs logiquement pertinente peut être exclue sur ce fondement si sa valeur probante est surpassée par son effet préjudiciable, si elle exige un temps excessivement long qui est sans commune mesure avec sa valeur ou si elle peut induire en erreur en ce sens que son effet sur le juge des faits, en particulier le jury, est disproportionné par rapport à sa fiabilité. Bien qu'elle ait été fréquemment considérée comme un aspect de la pertinence juridique, l'exclusion d'une preuve logiquement pertinente, pour ces raisons, devrait être considérée comme une règle générale d'exclusion (voir Morris c. La Reine, 1983 CanLII 28 (C.S.C.), 1983 CanLII 28 (C.S.C.), [1983] 2 R.C.S. 190).
Voyons comment ces propos et les deux distinctions que j'ai notées s'appliquent ici.
[13] Je comprends aisément que le registre d'entretien pourrait être pertinent aux fins de communication et aux fins du procès. Quant à la communication, le registre répond parfaitement aux critères établis par la Cour suprême. Quant au procès, cette question n'est pas devant la cour à ce stade-ci. Pourtant, j'ajouterais quelques commentaires là-dessus.
[14] Même si, à strictement parler, le registre peut être pertinent au fonctionnement de l'appareil, il incombera à la défense lors du procès d'établir, non seulement la vraisemblance de sa prétention, mais aussi que la preuve qu'elle entend administrer sera suffisamment utile pour justifier sa réception. Dans un dossier comme le nôtre, lorsque le fonctionnement d'un appareil approuvé est contesté, le fonctionnement de l'Alco-Sensor IV RBT-IV sera normalement examiné à la lumière des divers tests de contrôle et fréquemment aussi avec l'aide du témoignage des experts. Même si la pertinence logique et juridique du registre n'était pas contestable, la valeur probante d'une telle preuve doit être démontrée par la défense. Pour ce faire, la défense aura le fardeau d'établir, à partir du registre, non seulement un lien entre l'entretien et le fonctionnement de l'appareil, mais un lien qui serait capable de soulever dans les faits un doute raisonnable quant au fonctionnement de la machine à la date et au moment en question. Autrement la preuve du registre doit être déclarée inadmissible pour le même motif que le juge Sopinka a énoncé dans Mohan: sa valeur ne vaut pas le coût.
[15] Sur le plan procédural, il y aurait lieu peut-être d'adapter les dispositions de la Partie VIII du Code criminel aux fins d'un voir-dire si ou lorsque la défense tente de mettre le registre d'entretien en preuve au procès. À la suite d’un avis signifié dans un délai raisonnable, la défense peut demander au juge du procès de tenir une audition en vue de décider si la preuve est admissible. Comme toute requête, la demande doit être formulée par écrit et doit fournir toutes les précisions au sujet de la preuve en question et le rapport de celle-ci avec un élément de la cause. Le juge doit motiver sa décision sur l'admissibilité du registre d'entretien en précisant les éléments de la preuve retenus et la façon dont la preuve à admettre, en tout ou en partie, se rattache à un élément de la cause. Les motifs de la décision sont consignés au procès-verbal des débats ou sont donnés par écrit.
[16] La jurisprudence au Québec sur la question devant la cour est partagée et pour cette raison je ne m’y arrêterai pas. Dans certains cas, il semble que la preuve tendait à démontrer que le registre d'entretien ne pouvait pas avoir une incidence sur le fonctionnement d'un appareil approuvé. Dans d'autres cas, il y avait une preuve qui allait dans les deux sens sur cette question. Je répète qu'ici la preuve des deux parties fait en sorte que l'entretien peut avoir une incidence sur le fonctionnement de l'appareil et, par conséquent, que le registre d'entretien pourrait être pertinent aux fins de communication par la poursuite. Dans la mesure où il y a des décisions de notre cour qui soutiennent que le registre ne peut jamais être pertinent pour ces fins, je ne partage pas cet avis.
[17] À mon avis, il est clair qu’on ne peut qualifier cette requête de théorique ou de farfelue. De plus, je ne vois aucunement comment la divulgation du registre d'entretien imposerait un lourd fardeau aux corps policiers ou à la poursuite. Même l'expert de la poursuite l'a affirmé clairement dans son témoignage.
[18] Dans le présent dossier on ignore de quelle façon, le cas échéant, l'entretien de l'appareil a pu avoir une incidence sur son utilisation et, finalement, sur la validité de la présomption d'exactitude. Mais je ne fermerai pas la porte sur cette question sans donner à la défense l'occasion de vérifier, en préparation du procès, si dans les faits cela a eu une incidence pertinente sinon importante.
[19] Pourtant, aux fins de cette requête seulement, je ne dis pas que la poursuite doit communiquer le registre d'entretien sans qu'une demande en soit faite. Cette question n'est pas devant la cour. Je dis que, par suite d’une requête de la défense, la preuve devant moi démontre que le registre en question dans ce dossier doit être communiqué à la défense pour la préparation du procès.
dimanche 27 mars 2011
La décision du juge Landry ordonnant à la poursuite de communiquer une copie du registre d’entretien de l’appareil
R. c. L'Écuyer, 2010 QCCQ 9173 (CanLII)
[23] À la lecture de ces différentes décisions, on peut conclure que la pertinence ne s’évalue pas nécessairement en fonction de l’utilité pour la poursuite de cette preuve mais plutôt en fonction de l’utilité pour la défense. Ce qui est pertinent pour la défense peut ne pas l’être pour la poursuite.
[24] Le document existe, le tribunal n’en a pas pris connaissance mais la poursuite mentionne que ce n’est pas un document volumineux.
[25] Cela étant, si la preuve est claire et précise que l’appareil a été bien entretenu, la communication de la preuve aura été utile à faire avancer le dossier pour convaincre l’accusé que la preuve est forte ou que la preuve est faible et contient des failles évidentes. Dans les deux cas, la recherche de la vérité s’impose.
[26] En conséquence, tenant compte du droit de l’accusé d’avoir une défense pleine et entière, tenant compte des nouvelles dispositions des paragraphes c) et d.01) de l’article 258 du Code criminel, le tribunal estime que le requérant a démontré, selon la balance des probabilités, l’existence d’une possibilité raisonnable que le registre d’entretien aurait pu être utilisé soit pour réfuter la preuve du ministère public soit pour présenter un moyen de défense ou par ailleurs, pour prendre une décision qui aurait pu avoir une incidence sur la façon de présenter la défense.
[27] Ce n’est pas au tribunal de quantifier cette utilité. À partir du moment où la défense aura démontré une certaine utilité, la preuve devra être communiquée.
[28] EN CONSÉQUENCE, la requête est accueillie et le tribunal ordonne à la poursuite de communiquer une copie du registre d’entretien de l’appareil ALCO-SENSOR IV – RBT IV, portant le numéro de série 032349 et 4372 utilisé sur le requérant d’ici quinze (15) jours.
[23] À la lecture de ces différentes décisions, on peut conclure que la pertinence ne s’évalue pas nécessairement en fonction de l’utilité pour la poursuite de cette preuve mais plutôt en fonction de l’utilité pour la défense. Ce qui est pertinent pour la défense peut ne pas l’être pour la poursuite.
[24] Le document existe, le tribunal n’en a pas pris connaissance mais la poursuite mentionne que ce n’est pas un document volumineux.
[25] Cela étant, si la preuve est claire et précise que l’appareil a été bien entretenu, la communication de la preuve aura été utile à faire avancer le dossier pour convaincre l’accusé que la preuve est forte ou que la preuve est faible et contient des failles évidentes. Dans les deux cas, la recherche de la vérité s’impose.
[26] En conséquence, tenant compte du droit de l’accusé d’avoir une défense pleine et entière, tenant compte des nouvelles dispositions des paragraphes c) et d.01) de l’article 258 du Code criminel, le tribunal estime que le requérant a démontré, selon la balance des probabilités, l’existence d’une possibilité raisonnable que le registre d’entretien aurait pu être utilisé soit pour réfuter la preuve du ministère public soit pour présenter un moyen de défense ou par ailleurs, pour prendre une décision qui aurait pu avoir une incidence sur la façon de présenter la défense.
[27] Ce n’est pas au tribunal de quantifier cette utilité. À partir du moment où la défense aura démontré une certaine utilité, la preuve devra être communiquée.
[28] EN CONSÉQUENCE, la requête est accueillie et le tribunal ordonne à la poursuite de communiquer une copie du registre d’entretien de l’appareil ALCO-SENSOR IV – RBT IV, portant le numéro de série 032349 et 4372 utilisé sur le requérant d’ici quinze (15) jours.
L'application du Règlement sur les appareils de détection d'alcool en regard des dispositions du Code criminel
Dufour c. R., 2009 QCCQ 7790 (CanLII)
[78] Dans l'examen de la pertinence, il importe d'analyser l'application du Règlement sur les appareils de détection d'alcool en regard des dispositions du Code criminel.
[79] Le règlement provincial sur les appareils de détection d'alcool a été adopté pour les fins du Code de la sécurité routière. Au Québec, les policiers doivent respecter les exigences du règlement et remplir les formulaires exigés. Contrairement au législateur provincial, le Parlement fédéral n'a pas légiféré en regard de l'entretien général des appareils de détection d'alcool. Le fait que le législateur québécois ait créé des documents qui par ailleurs n'existent pas dans les autres provinces canadiennes, ne les rend pas automatiquement pertinents. Il faut se rappeler que les législations provinciales ne s'appliquent pas aux dispositions du Code criminel.
[80] Sur cet aspect, certains tribunaux ont examiné des demandes d'exclusion de la preuve en vertu de la Charte lorsqu'un appareil de détection approuvé a été utilisé en contravention du Règlement sur les appareils de détection d'alcool.
[81] Dans R. c. Zrig, les policiers interrogés ne savaient pas si l'appareil de détection avait fait l'objet d'une vérification conformément au règlement provincial. La juge conclut au paragraphe 55 de sa décision qu'il n'y a pas lieu d'exclure les échantillons d'haleine obtenus puisque « un règlement adopté par la législation provinciale ne peut modifier la procédure dans une matière criminelle qui relève de la compétence du Parlement fédéral. »
[82] Dans R. c. Guèvremont, le délai de vérification aux 15 jours de l'appareil de détection exigé par la réglementation québécoise était expiré. Le juge conclut que le Code criminel n'impose aucune obligation de vérifier un appareil de détection approuvé et qu'en conséquence, les résultats des tests obtenus ne pouvaient être exclus.
[83] Dans R. c. Granger, comme dans la décision de Guèvremont, le délai de vérification aux 15 jours de l'appareil de détection était expiré. Le juge rappelle que cette exigence du règlement québécois ne s'applique pas au Code criminel.
[84] On peut inférer de ces décisions que les formulaires se rattachant aux dispositions du règlement provincial ne sont pas pertinents pour l'application des dispositions du Code criminel. Cependant, cela n'exclut pas qu'au cours du procès, l'accusé puisse démontrer qu'un de ces renseignements est pertinent.
[78] Dans l'examen de la pertinence, il importe d'analyser l'application du Règlement sur les appareils de détection d'alcool en regard des dispositions du Code criminel.
[79] Le règlement provincial sur les appareils de détection d'alcool a été adopté pour les fins du Code de la sécurité routière. Au Québec, les policiers doivent respecter les exigences du règlement et remplir les formulaires exigés. Contrairement au législateur provincial, le Parlement fédéral n'a pas légiféré en regard de l'entretien général des appareils de détection d'alcool. Le fait que le législateur québécois ait créé des documents qui par ailleurs n'existent pas dans les autres provinces canadiennes, ne les rend pas automatiquement pertinents. Il faut se rappeler que les législations provinciales ne s'appliquent pas aux dispositions du Code criminel.
[80] Sur cet aspect, certains tribunaux ont examiné des demandes d'exclusion de la preuve en vertu de la Charte lorsqu'un appareil de détection approuvé a été utilisé en contravention du Règlement sur les appareils de détection d'alcool.
[81] Dans R. c. Zrig, les policiers interrogés ne savaient pas si l'appareil de détection avait fait l'objet d'une vérification conformément au règlement provincial. La juge conclut au paragraphe 55 de sa décision qu'il n'y a pas lieu d'exclure les échantillons d'haleine obtenus puisque « un règlement adopté par la législation provinciale ne peut modifier la procédure dans une matière criminelle qui relève de la compétence du Parlement fédéral. »
[82] Dans R. c. Guèvremont, le délai de vérification aux 15 jours de l'appareil de détection exigé par la réglementation québécoise était expiré. Le juge conclut que le Code criminel n'impose aucune obligation de vérifier un appareil de détection approuvé et qu'en conséquence, les résultats des tests obtenus ne pouvaient être exclus.
[83] Dans R. c. Granger, comme dans la décision de Guèvremont, le délai de vérification aux 15 jours de l'appareil de détection était expiré. Le juge rappelle que cette exigence du règlement québécois ne s'applique pas au Code criminel.
[84] On peut inférer de ces décisions que les formulaires se rattachant aux dispositions du règlement provincial ne sont pas pertinents pour l'application des dispositions du Code criminel. Cependant, cela n'exclut pas qu'au cours du procès, l'accusé puisse démontrer qu'un de ces renseignements est pertinent.
Revue du droit sur la communication de la preuve
R. c. L'Écuyer, 2010 QCCQ 9173 (CanLII)
[15] La communication de la preuve est un élément essentiel dans l’application du droit criminel. Dans R. c. Taillefer, on mentionne :
P. 313 : « Dégagée par une jurisprudence née de la common law, explicitée à l’aide des principes constitutionnels de la Charte canadienne des droits et libertés, consacrée par l’arrêt prononcé par notre Cour dans R. c. Stinchcombe, [1991]3 R.C.S. 326, cette obligation a pris rang parmi les règles essentielles de la procédure pénale canadienne. Elle facilite le déroulement du procès, mais, d’abord, contribue à assurer la protection du droit des prévenus à une défense pleine et entière. D’ailleurs, dans le passé, une conception de la divulgation de la preuve comme un acte de bonne volonté et de coopération du ministère public a contribué à des erreurs judiciaires désastreuses. À ce propos, il suffit de rappeler que la Commission royale sur la poursuite de Donald Marshall Jr. a identifié l’omission de divulguer toute la preuve pertinente comme l’une des causes de l’erreur judiciaire qui a privé Donald Marshall de sa liberté durant 11 ans pour un crime qu’il n’avait pas commis (Royal Commission on the Donald Marshall, Jr., Prosecution : Findings and Recommendations (1989), vol. 1, p. 238 et suiv.). »
[16] Les principes généraux de la communication de la preuve se retrouvent dans l’arrêt R. c. Stinchcombe. De cette décision, on peut retenir entre autres les principes suivants :
« La divulgation de la preuve fait partie du droit de l’accusé de présenter une défense pleine et entière selon l’article 7 de la Charte.
La poursuite a l’obligation de divulguer tous les renseignements pertinents.
La poursuite a l’obligation de divulguer tout fait substantiel connu de la poursuite qui soit favorable ou non à l’accusé (si le ministère public pèche, ce doit être par inclusion).
Il est bien entendu que l’obligation de divulguer n’est pas absolue. La poursuite peut refuser de divulguer certains documents pour absence de pertinence. »
[17] Quant à la pertinence, la Cour Suprême mentionne à la page 345 :
« Si les renseignements présentent une certaine utilité, alors ils sont pertinents et c’est à la défense et non à la poursuite de décider s’il s’agit d’une utilité suffisante pour qu’ils soient produits en preuve. »
[18] La Cour mentionne de plus à la page 339 :
« Si le ministère public pèche, ce doit être par inclusion. Il n’est toutefois pas tenu de produire ce qui n’a manifestement aucune pertinence. »
[19] Dans R. c. Taillefer, déjà cité, à la page 334, la Cour Suprême s’exprime ainsi :
« Les règles encadrant l’obligation de divulgation de la preuve incombant au ministère public, après une période de développement graduel par les cours d’appel provinciales dans les dernières décennies, ont été précisées et consolidées par notre Cour dans l’arrêt Stinchcombe. Ces règles se résument en quelques propositions. Le ministère public doit divulguer à l’accusé tous les renseignements pertinents, qu’ils soient inculpatoires ou disculpatoires, sous réserve de l’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministère public de refuser de divulguer des renseignements privilégiés ou encore manifestement non pertinents. La pertinence s’apprécie tant à l’égard de l’accusation elle-même que des défenses raisonnablement possibles. Les renseignements pertinents doivent être divulgués, que le ministère public ait ou non l’intention de les produire en preuve et ce, avant que l’accusé n’ait été appelé à choisir son mode de procès ou à présenter son plaidoyer. »
[20] Dans R. c. Chaplin, la Cour Suprême mentionne à la page 743 :
« Par pertinence, il faut entendre qu’il y a possibilité raisonnable que ces renseignements puissent aider l’accusé à présenter une défense pleine et entière. »
[21] Dans R. c. Dixon, la Cour citait à la page 257 l’arrêt R. c. Egger, [1993]2 R.C.S. 451 sur la pertinence, page 467 :
« Une façon de mesurer la pertinence d’un renseignement dont dispose le ministère public est de déterminer son utilité pour la défense. S’il y a une certaine utilité, il est pertinent et devrait être divulgué – Stinchcombe précité à la page 345. Le juge qui effectue le contrôle doit déterminer si l’accusé peut raisonnablement utiliser la communication des renseignements pour réfuter la preuve et les arguments du ministère public, pour présenter un moyen de défense ou autrement pour parvenir à une décision susceptible d’avoir un effet sur le déroulement de la défense comme par exemple de présenter ou non une preuve. »
[22] Plus loin, à la page 257, la Cour mentionne :
« Manifestement, le critère préliminaire fixé pour la divulgation est fort peu élevé et par conséquent, une vaste gamme de documents qu’ils soient disculpatoires ou inculpatoires sont assujettis à la communication. »
Page 258 : « Ainsi, lorsque l’accusé démontre l’existence d’une possibilité raisonnable que les renseignements non divulgués auraient été utilisés pour réfuter la preuve du ministère public, pour présenter un moyen de défense ou par ailleurs, pour prendre une décision qui aurait pu avoir une incidence sur la façon de présenter la défense, il se trouve également à établir l’existence d’une atteinte aux droits à la divulgation que garantit la charte. »
Page 258 : « Le droit à la communication de tous les documents pertinents est large et vise les documents qui peuvent n’avoir qu’une importance secondaire par rapport aux questions fondamentales au litige. »
Page 260 : « Pour réduire au minimum le risque de non-divulgation par inadvertance, le ministère public pourrait bien choisir de divulguer même les déclarations de témoins qui ne semblent pas pertinents au départ. Évidemment, la défense connaît mieux sa preuve que le ministère public et quelque chose qui semble non pertinent au ministère public pourrait avoir de l’importance pour la défense. »
[15] La communication de la preuve est un élément essentiel dans l’application du droit criminel. Dans R. c. Taillefer, on mentionne :
P. 313 : « Dégagée par une jurisprudence née de la common law, explicitée à l’aide des principes constitutionnels de la Charte canadienne des droits et libertés, consacrée par l’arrêt prononcé par notre Cour dans R. c. Stinchcombe, [1991]3 R.C.S. 326, cette obligation a pris rang parmi les règles essentielles de la procédure pénale canadienne. Elle facilite le déroulement du procès, mais, d’abord, contribue à assurer la protection du droit des prévenus à une défense pleine et entière. D’ailleurs, dans le passé, une conception de la divulgation de la preuve comme un acte de bonne volonté et de coopération du ministère public a contribué à des erreurs judiciaires désastreuses. À ce propos, il suffit de rappeler que la Commission royale sur la poursuite de Donald Marshall Jr. a identifié l’omission de divulguer toute la preuve pertinente comme l’une des causes de l’erreur judiciaire qui a privé Donald Marshall de sa liberté durant 11 ans pour un crime qu’il n’avait pas commis (Royal Commission on the Donald Marshall, Jr., Prosecution : Findings and Recommendations (1989), vol. 1, p. 238 et suiv.). »
[16] Les principes généraux de la communication de la preuve se retrouvent dans l’arrêt R. c. Stinchcombe. De cette décision, on peut retenir entre autres les principes suivants :
« La divulgation de la preuve fait partie du droit de l’accusé de présenter une défense pleine et entière selon l’article 7 de la Charte.
La poursuite a l’obligation de divulguer tous les renseignements pertinents.
La poursuite a l’obligation de divulguer tout fait substantiel connu de la poursuite qui soit favorable ou non à l’accusé (si le ministère public pèche, ce doit être par inclusion).
Il est bien entendu que l’obligation de divulguer n’est pas absolue. La poursuite peut refuser de divulguer certains documents pour absence de pertinence. »
[17] Quant à la pertinence, la Cour Suprême mentionne à la page 345 :
« Si les renseignements présentent une certaine utilité, alors ils sont pertinents et c’est à la défense et non à la poursuite de décider s’il s’agit d’une utilité suffisante pour qu’ils soient produits en preuve. »
[18] La Cour mentionne de plus à la page 339 :
« Si le ministère public pèche, ce doit être par inclusion. Il n’est toutefois pas tenu de produire ce qui n’a manifestement aucune pertinence. »
[19] Dans R. c. Taillefer, déjà cité, à la page 334, la Cour Suprême s’exprime ainsi :
« Les règles encadrant l’obligation de divulgation de la preuve incombant au ministère public, après une période de développement graduel par les cours d’appel provinciales dans les dernières décennies, ont été précisées et consolidées par notre Cour dans l’arrêt Stinchcombe. Ces règles se résument en quelques propositions. Le ministère public doit divulguer à l’accusé tous les renseignements pertinents, qu’ils soient inculpatoires ou disculpatoires, sous réserve de l’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministère public de refuser de divulguer des renseignements privilégiés ou encore manifestement non pertinents. La pertinence s’apprécie tant à l’égard de l’accusation elle-même que des défenses raisonnablement possibles. Les renseignements pertinents doivent être divulgués, que le ministère public ait ou non l’intention de les produire en preuve et ce, avant que l’accusé n’ait été appelé à choisir son mode de procès ou à présenter son plaidoyer. »
[20] Dans R. c. Chaplin, la Cour Suprême mentionne à la page 743 :
« Par pertinence, il faut entendre qu’il y a possibilité raisonnable que ces renseignements puissent aider l’accusé à présenter une défense pleine et entière. »
[21] Dans R. c. Dixon, la Cour citait à la page 257 l’arrêt R. c. Egger, [1993]2 R.C.S. 451 sur la pertinence, page 467 :
« Une façon de mesurer la pertinence d’un renseignement dont dispose le ministère public est de déterminer son utilité pour la défense. S’il y a une certaine utilité, il est pertinent et devrait être divulgué – Stinchcombe précité à la page 345. Le juge qui effectue le contrôle doit déterminer si l’accusé peut raisonnablement utiliser la communication des renseignements pour réfuter la preuve et les arguments du ministère public, pour présenter un moyen de défense ou autrement pour parvenir à une décision susceptible d’avoir un effet sur le déroulement de la défense comme par exemple de présenter ou non une preuve. »
[22] Plus loin, à la page 257, la Cour mentionne :
« Manifestement, le critère préliminaire fixé pour la divulgation est fort peu élevé et par conséquent, une vaste gamme de documents qu’ils soient disculpatoires ou inculpatoires sont assujettis à la communication. »
Page 258 : « Ainsi, lorsque l’accusé démontre l’existence d’une possibilité raisonnable que les renseignements non divulgués auraient été utilisés pour réfuter la preuve du ministère public, pour présenter un moyen de défense ou par ailleurs, pour prendre une décision qui aurait pu avoir une incidence sur la façon de présenter la défense, il se trouve également à établir l’existence d’une atteinte aux droits à la divulgation que garantit la charte. »
Page 258 : « Le droit à la communication de tous les documents pertinents est large et vise les documents qui peuvent n’avoir qu’une importance secondaire par rapport aux questions fondamentales au litige. »
Page 260 : « Pour réduire au minimum le risque de non-divulgation par inadvertance, le ministère public pourrait bien choisir de divulguer même les déclarations de témoins qui ne semblent pas pertinents au départ. Évidemment, la défense connaît mieux sa preuve que le ministère public et quelque chose qui semble non pertinent au ministère public pourrait avoir de l’importance pour la défense. »
L'évaluation de la pertinence concernant la divulgation de renseignements au sujet des appareils de détection et de l'alcootest
Dufour c. R., 2009 QCCQ 7790 (CanLII)
CONCERNANT LES APPAREILS DE DÉTECTION :
- le certificat d’utilisation délivré par le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale
[97] Les certificats d'utilisation des appareils en cause ont été délivrés respectivement entre 1997 et 2003. Ce document est produit par le Laboratoire pour une période de 12 mois en vertu d’une législation provinciale adoptée dans le but d’établir des normes d’entretien et d’utilisation en vertu du Code de la sécurité routière. La seule conclusion que l’on peut tirer de l’existence de ce document est que la réglementation provinciale a été respectée. La seule exigence prévue au Code criminel est que ces appareils soient approuvés.
[98] Que le Laboratoire conclut en 1997 ou en 2000 que l’appareil est certifié conforme aux dispositions du règlement provincial pour les 12 mois suivants n’apporte aucun renseignement sur le fonctionnement de cet appareil 10 ans plus tard. Cela n’apporte aucun renseignement pertinent quant à une défense pleine et entière.
- les renouvellements annuels du certificat d’utilisation ainsi que les certificats de l’analyste et les registres de la solution d’alcool type utilisée
[99] Les appareils de détection font l’objet d’une vérification annuelle qui amène le renouvellement du certificat d’utilisation. Cette opération est effectuée en vertu de la même législation provinciale. Le fait d’avoir été vérifié une fois par année au cours des dix dernières années n’apporte aucun renseignement sur le fonctionnement de l’appareil au moment des événements en l’espèce. Que le certificat ait été renouvelé en 2000 ou 2001 ou même qu’il ne l’ait pas été n’est d’aucune pertinence pour le fonctionnement de l’appareil au moment des événements. Tous ces renouvellements sont d’autant moins pertinents que le même appareil fait l’objet d’une vérification aux 15 jours.
[100] Ces documents n’apportent aucun renseignement pertinent en regard d'une défense pleine et entière.
- les relevés d’utilisation de l’étalonnage fait aux quinze jours ainsi que les certificats de l’analyste et les registres d’utilisation de l’alcool type
[101] Rappelons que monsieur Gendreau du Service de Police de la Ville de Québec a mentionné qu’on peut retrouver jusqu’à 300 relevés d’utilisation dans le dossier d’un appareil de détection approuvé. Il n’est d’aucune utilité de savoir qu’un appareil a fait l’objet d’une vérification aux 15 jours des centaines de fois non plus que d'examiner ces relevés d’utilisation.
[102] Ces documents n’apportent aucun renseignement pertinent pouvant aider à une défense pleine et entière.
- le registre d’entretien
[103] Comme le démontrent les témoignages, les informations sur l’entretien des appareils ne sont pas utiles pour déterminer la fiabilité et l’exactitude des analyses au moment des tests passés sur un sujet donné, à un moment précis. Tout au plus, le registre démontre que l’appareil a été entretenu ou ne l'a pas été. À titre illustratif, l’appareil peut avoir eu un bris en 2001, avoir été réparé et être en parfait état en 2007.
[104] Par conséquent, aucun renseignement émanant de ce registre n'est pertinent à une défense pleine et entière.
- le dossier des simulateurs
[105] Il n’est pas ressorti de la preuve faite devant le Tribunal que ces dossiers existent. Quoi qu'il en soit, comme le registre d’entretien, ces renseignements ne sont d’aucune utilité pour déterminer si l’appareil était en bon état de fonctionnement au moment des événements.
[106] Ce ne sont pas des renseignements pertinents à une défense pleine et entière.
CONCERNANT LES ALCOOTESTS :
- le registre d’entretien de l’alcootest
[107] Comme le démontrent les témoignages, les informations sur l’entretien des appareils ne sont pas utiles pour déterminer la fiabilité et l’exactitude des analyses au moment des tests passés sur un sujet donné, à un moment précis. Tout au plus, le registre démontre que l’appareil a été entretenu ou ne l'a pas été. Un bris antérieur ou postérieur n'a pas de pertinence quant aux résultats des tests puisque les tests de contrôle constituent la meilleure mesure du bon fonctionnement de l'appareil.
[108] Cela n’apporte aucun renseignement pertinent quant à une défense pleine et entière.
- le dossier du simulateur
[109] La preuve admise n'établit pas que ces dossiers existent, mais de toute manière, comme le registre d’entretien, ces renseignements sont inutiles pour déterminer si l’appareil était en bon état de fonctionnement au moment des événements.
[110] Cela n’apporte aucun renseignement pertinent quant à une défense pleine et entière.
- la mémoire de l’appareil Alco-sensor IV-RBT IV
[111] Rappelons que cet appareil garde en mémoire 1 022 tests. Suivant les directives propres à chaque organisation policière, ces données sont disponibles ou ont été détruites. Il n’est pas utile ou pertinent de savoir qu’au 233e test, l’analyse a été de 110 mg ou que l’appareil a fait 200 tests après les événements sur le sujet. Les seuls résultats pertinents sont ceux analysés lors des tests effectués sur l'accusé. Les autres résultats d'analyses réalisés sur les autres accusés n'apportent rien de pertinent à une défense pleine et entière.
- les manuels des manufacturiers relatifs à l'opération et aux aspects techniques des appareils utilisés
[112] Ces documents ne sont pas sous le contrôle exclusif de la poursuite et peuvent être obtenus sur Internet et/ou chez les manufacturiers.
- l’attestation de la qualification des techniciens qualifiés en alcootest et celle des agents ayant manipulé les appareils de détection ainsi que les renouvellements, si disponibles.
[113] Rappelons que la divulgation de la preuve consiste à remettre à l’accusé toute preuve pertinente pour assurer une défense pleine et entière. Il ne s’agit surtout pas d’une commission d’enquête sur le respect par les organismes concernés des prescriptions législatives. Il faudrait mettre en doute que le procureur général désigne les techniciens qualifiés ou croire qu’un corps de police laisserait un policier faire un travail pour lequel il n’est pas désigné conformément au Code criminel. De même, pourquoi la défense n’exigerait-elle pas la qualification du médecin qui a prélevé un échantillon sanguin ou la désignation de l’analyste qui signe les certificats d’analyse? À tout événement, l’article 258 (1) g) C. cr. spécifie que les faits allégués dans le certificat du technicien qualifié font preuve des faits allégués sans qu’il soit nécessaire de prouver la signature ou la qualité officielle du signataire. Il n’est donc pas nécessaire ni pertinent de divulguer des renseignements que le Code criminel prévoit avérés.
[114] Quant à l'attestation de qualification des agents de la paix ayant manipulé les appareils de détection, ces renseignements n'existent pas.
CONCERNANT LES APPAREILS DE DÉTECTION :
- le certificat d’utilisation délivré par le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale
[97] Les certificats d'utilisation des appareils en cause ont été délivrés respectivement entre 1997 et 2003. Ce document est produit par le Laboratoire pour une période de 12 mois en vertu d’une législation provinciale adoptée dans le but d’établir des normes d’entretien et d’utilisation en vertu du Code de la sécurité routière. La seule conclusion que l’on peut tirer de l’existence de ce document est que la réglementation provinciale a été respectée. La seule exigence prévue au Code criminel est que ces appareils soient approuvés.
[98] Que le Laboratoire conclut en 1997 ou en 2000 que l’appareil est certifié conforme aux dispositions du règlement provincial pour les 12 mois suivants n’apporte aucun renseignement sur le fonctionnement de cet appareil 10 ans plus tard. Cela n’apporte aucun renseignement pertinent quant à une défense pleine et entière.
- les renouvellements annuels du certificat d’utilisation ainsi que les certificats de l’analyste et les registres de la solution d’alcool type utilisée
[99] Les appareils de détection font l’objet d’une vérification annuelle qui amène le renouvellement du certificat d’utilisation. Cette opération est effectuée en vertu de la même législation provinciale. Le fait d’avoir été vérifié une fois par année au cours des dix dernières années n’apporte aucun renseignement sur le fonctionnement de l’appareil au moment des événements en l’espèce. Que le certificat ait été renouvelé en 2000 ou 2001 ou même qu’il ne l’ait pas été n’est d’aucune pertinence pour le fonctionnement de l’appareil au moment des événements. Tous ces renouvellements sont d’autant moins pertinents que le même appareil fait l’objet d’une vérification aux 15 jours.
[100] Ces documents n’apportent aucun renseignement pertinent en regard d'une défense pleine et entière.
- les relevés d’utilisation de l’étalonnage fait aux quinze jours ainsi que les certificats de l’analyste et les registres d’utilisation de l’alcool type
[101] Rappelons que monsieur Gendreau du Service de Police de la Ville de Québec a mentionné qu’on peut retrouver jusqu’à 300 relevés d’utilisation dans le dossier d’un appareil de détection approuvé. Il n’est d’aucune utilité de savoir qu’un appareil a fait l’objet d’une vérification aux 15 jours des centaines de fois non plus que d'examiner ces relevés d’utilisation.
[102] Ces documents n’apportent aucun renseignement pertinent pouvant aider à une défense pleine et entière.
- le registre d’entretien
[103] Comme le démontrent les témoignages, les informations sur l’entretien des appareils ne sont pas utiles pour déterminer la fiabilité et l’exactitude des analyses au moment des tests passés sur un sujet donné, à un moment précis. Tout au plus, le registre démontre que l’appareil a été entretenu ou ne l'a pas été. À titre illustratif, l’appareil peut avoir eu un bris en 2001, avoir été réparé et être en parfait état en 2007.
[104] Par conséquent, aucun renseignement émanant de ce registre n'est pertinent à une défense pleine et entière.
- le dossier des simulateurs
[105] Il n’est pas ressorti de la preuve faite devant le Tribunal que ces dossiers existent. Quoi qu'il en soit, comme le registre d’entretien, ces renseignements ne sont d’aucune utilité pour déterminer si l’appareil était en bon état de fonctionnement au moment des événements.
[106] Ce ne sont pas des renseignements pertinents à une défense pleine et entière.
CONCERNANT LES ALCOOTESTS :
- le registre d’entretien de l’alcootest
[107] Comme le démontrent les témoignages, les informations sur l’entretien des appareils ne sont pas utiles pour déterminer la fiabilité et l’exactitude des analyses au moment des tests passés sur un sujet donné, à un moment précis. Tout au plus, le registre démontre que l’appareil a été entretenu ou ne l'a pas été. Un bris antérieur ou postérieur n'a pas de pertinence quant aux résultats des tests puisque les tests de contrôle constituent la meilleure mesure du bon fonctionnement de l'appareil.
[108] Cela n’apporte aucun renseignement pertinent quant à une défense pleine et entière.
- le dossier du simulateur
[109] La preuve admise n'établit pas que ces dossiers existent, mais de toute manière, comme le registre d’entretien, ces renseignements sont inutiles pour déterminer si l’appareil était en bon état de fonctionnement au moment des événements.
[110] Cela n’apporte aucun renseignement pertinent quant à une défense pleine et entière.
- la mémoire de l’appareil Alco-sensor IV-RBT IV
[111] Rappelons que cet appareil garde en mémoire 1 022 tests. Suivant les directives propres à chaque organisation policière, ces données sont disponibles ou ont été détruites. Il n’est pas utile ou pertinent de savoir qu’au 233e test, l’analyse a été de 110 mg ou que l’appareil a fait 200 tests après les événements sur le sujet. Les seuls résultats pertinents sont ceux analysés lors des tests effectués sur l'accusé. Les autres résultats d'analyses réalisés sur les autres accusés n'apportent rien de pertinent à une défense pleine et entière.
- les manuels des manufacturiers relatifs à l'opération et aux aspects techniques des appareils utilisés
[112] Ces documents ne sont pas sous le contrôle exclusif de la poursuite et peuvent être obtenus sur Internet et/ou chez les manufacturiers.
- l’attestation de la qualification des techniciens qualifiés en alcootest et celle des agents ayant manipulé les appareils de détection ainsi que les renouvellements, si disponibles.
[113] Rappelons que la divulgation de la preuve consiste à remettre à l’accusé toute preuve pertinente pour assurer une défense pleine et entière. Il ne s’agit surtout pas d’une commission d’enquête sur le respect par les organismes concernés des prescriptions législatives. Il faudrait mettre en doute que le procureur général désigne les techniciens qualifiés ou croire qu’un corps de police laisserait un policier faire un travail pour lequel il n’est pas désigné conformément au Code criminel. De même, pourquoi la défense n’exigerait-elle pas la qualification du médecin qui a prélevé un échantillon sanguin ou la désignation de l’analyste qui signe les certificats d’analyse? À tout événement, l’article 258 (1) g) C. cr. spécifie que les faits allégués dans le certificat du technicien qualifié font preuve des faits allégués sans qu’il soit nécessaire de prouver la signature ou la qualité officielle du signataire. Il n’est donc pas nécessaire ni pertinent de divulguer des renseignements que le Code criminel prévoit avérés.
[114] Quant à l'attestation de qualification des agents de la paix ayant manipulé les appareils de détection, ces renseignements n'existent pas.
L'état du droit sur la divulgation du registre d’entretien de l’appareil Alco-Sensor
R. c. Rochon, 2010 QCCQ 5763 (CanLII)
[5] Dans les deux causes précitées, des experts avaient été entendus sur ce point précis. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce.
[6] Dans le jugement Legault, mon collègue le juge Healy, au paragr. 16, considère que « la preuve des deux parties fait en sorte que l’entretien peut avoir une incidence sur le fonctionnement de l’appareil et, par conséquent, que le registre d’entretien pourrait être pertinent aux fins de communication par la poursuite. » Au paragr. 19, il conclut que la preuve d’expert, faite devant lui, démontre que le registre d’entretien doit être communiqué à la défense pour la préparation du procès.
[7] Dans la décision Dufour, ma collègue la juge Pelletier, aux paragr. 107 et 108, estime, de l’ensemble des témoignages, que les informations contenues au registre d’entretien ne sont pas utiles pour déterminer la fiabilité et l’exactitude des analyses au moment des tests passés sur un sujet donné, à un moment précis et que les tests de contrôle constituent la meilleure mesure du bon fonctionnement de l’appareil. Celle-ci réfère à plusieurs décisions rendues au Québec et, ailleurs au Canada, où l’on a rejeté des demandes de divulgation similaires à celle en l’espèce au motif que les renseignements demandés étaient non pertinents et que ces requêtes s’apparentaient davantage à une expédition de pêche (paragr. 85 et 87).
[8] Les affaires Legault et Dufour ont cependant en commun qu’une preuve fondée sur le témoignage d’experts a été entendue au soutien de la requête en divulgation. Dans le premier dossier (Legault), les deux experts convenaient qu’il pouvait y avoir un lien entre l’entretien d’un appareil et son fonctionnement (paragr. 4 et 5) tandis que dans l’autre (Dufour), le Dr Langille spécifiait que le registre d’entretien n’était d’aucune utilité pour savoir si un appareil a bien fonctionné à un moment précis (paragr. 39). Voilà pourquoi, selon moi, les conclusions des juges d’instance diffèrent alors que la requête a été accueillie dans Legault et rejetée dans Dufour.
[9] En l’occurrence, aucune preuve d’expert n’a été soumise pour appuyer la requête en divulgation. Par conséquent, j’estime que la défense n’a pas établi le fondement de sa prétention. Elle devait prouver minimalement que l’entretien pouvait avoir une incidence sur le bon fonctionnement de l’appareil et que le registre d’entretien pouvait être pertinent à cet effet. Sur cet aspect de l’exigence minimale de pertinence, la Cour suprême, dans l’arrêt R. c. McNeil, 2009 CSC 3 (CanLII), [2009] 1 R.C.S. 66, au paragr. 28, spécifie ce qui suit :
[28] À la première étape d’une demande contestée visant la production de renseignements non privilégiés en la possession d’un tiers, il incombe à la personne qui demande la production – l’accusé en l’espèce – de convaincre la cour que les renseignements sont vraisemblablement pertinents. […] L’auteur de la demande doit alors justifier à la cour l’utilisation du pouvoir de l’État d’imposer la production – d’où son fardeau initial de démontrer la «- pertinence vraisemblable ».
[10] Puis, au paragr. 29, la Cour suprême souligne qu’on ne saurait trop insister sur l’importance d’empêcher les demandes de production inutiles d’épuiser les ressources judiciaires limitées :
[29] […] D’une part, cette exigence de pertinence vraisemblable est « importante » parce que la cour doit pouvoir participer de manière significative au filtrage des demandes pour « empêcher que la défense ne se lance dans des demandes de production “qui reposent sur la conjecture et qui sont fantaisistes, perturbatrices, mal fondées, obstructionnistes et dilatoires” » (O’Connor, par. 24, citant un extrait de R. c. Chaplin, 1995 CanLII 126 (C.S.C.), [1995] 1 R.C.S. 727, par.32).
[5] Dans les deux causes précitées, des experts avaient été entendus sur ce point précis. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce.
[6] Dans le jugement Legault, mon collègue le juge Healy, au paragr. 16, considère que « la preuve des deux parties fait en sorte que l’entretien peut avoir une incidence sur le fonctionnement de l’appareil et, par conséquent, que le registre d’entretien pourrait être pertinent aux fins de communication par la poursuite. » Au paragr. 19, il conclut que la preuve d’expert, faite devant lui, démontre que le registre d’entretien doit être communiqué à la défense pour la préparation du procès.
[7] Dans la décision Dufour, ma collègue la juge Pelletier, aux paragr. 107 et 108, estime, de l’ensemble des témoignages, que les informations contenues au registre d’entretien ne sont pas utiles pour déterminer la fiabilité et l’exactitude des analyses au moment des tests passés sur un sujet donné, à un moment précis et que les tests de contrôle constituent la meilleure mesure du bon fonctionnement de l’appareil. Celle-ci réfère à plusieurs décisions rendues au Québec et, ailleurs au Canada, où l’on a rejeté des demandes de divulgation similaires à celle en l’espèce au motif que les renseignements demandés étaient non pertinents et que ces requêtes s’apparentaient davantage à une expédition de pêche (paragr. 85 et 87).
[8] Les affaires Legault et Dufour ont cependant en commun qu’une preuve fondée sur le témoignage d’experts a été entendue au soutien de la requête en divulgation. Dans le premier dossier (Legault), les deux experts convenaient qu’il pouvait y avoir un lien entre l’entretien d’un appareil et son fonctionnement (paragr. 4 et 5) tandis que dans l’autre (Dufour), le Dr Langille spécifiait que le registre d’entretien n’était d’aucune utilité pour savoir si un appareil a bien fonctionné à un moment précis (paragr. 39). Voilà pourquoi, selon moi, les conclusions des juges d’instance diffèrent alors que la requête a été accueillie dans Legault et rejetée dans Dufour.
[9] En l’occurrence, aucune preuve d’expert n’a été soumise pour appuyer la requête en divulgation. Par conséquent, j’estime que la défense n’a pas établi le fondement de sa prétention. Elle devait prouver minimalement que l’entretien pouvait avoir une incidence sur le bon fonctionnement de l’appareil et que le registre d’entretien pouvait être pertinent à cet effet. Sur cet aspect de l’exigence minimale de pertinence, la Cour suprême, dans l’arrêt R. c. McNeil, 2009 CSC 3 (CanLII), [2009] 1 R.C.S. 66, au paragr. 28, spécifie ce qui suit :
[28] À la première étape d’une demande contestée visant la production de renseignements non privilégiés en la possession d’un tiers, il incombe à la personne qui demande la production – l’accusé en l’espèce – de convaincre la cour que les renseignements sont vraisemblablement pertinents. […] L’auteur de la demande doit alors justifier à la cour l’utilisation du pouvoir de l’État d’imposer la production – d’où son fardeau initial de démontrer la «- pertinence vraisemblable ».
[10] Puis, au paragr. 29, la Cour suprême souligne qu’on ne saurait trop insister sur l’importance d’empêcher les demandes de production inutiles d’épuiser les ressources judiciaires limitées :
[29] […] D’une part, cette exigence de pertinence vraisemblable est « importante » parce que la cour doit pouvoir participer de manière significative au filtrage des demandes pour « empêcher que la défense ne se lance dans des demandes de production “qui reposent sur la conjecture et qui sont fantaisistes, perturbatrices, mal fondées, obstructionnistes et dilatoires” » (O’Connor, par. 24, citant un extrait de R. c. Chaplin, 1995 CanLII 126 (C.S.C.), [1995] 1 R.C.S. 727, par.32).
L'obligation de divulgation VS la remise de la copie du registre d’entretien ou toutes fiches d’entretien et réparation de l’ivressomètre
R. c. Hansen, 2011 CanLII 10919 (QC C.M.)
[25] Quant au mérite de la requête, tout au moins quant à la communication de la preuve, notre collègue l’Honorable Sylvie Girard a, le 26 janvier 2011, une décision fort intéressante sur le point. On peut la consulter dans la cause de Patricia Iannizi c. La Reine dossier # 109 044 701 de la Cour Municipale de la Ville de Montréal;
[26] La défenderesse demandait la communication de plusieurs documents dont le registre d’entretien de la machine, le nombre de tests effectués par la machine depuis 30 jours, les manuels d’instructions fournis avec la machine, les instructions internes policières quant à la manutention de la machine et enfin que l’appareil soit mis à la disposition de l’expert du défendeur.
[27] La poursuite refuse de fournir la preuve sur la base de l’absence de pertinence;
[28] Les parties s’entendent pour admettre que si l’expert était entendu, il dirait que dans ce cas précis il n’existe pas de registre d’entretien de l’ivressomètre;
[29] La juge Girard, après avoir étudié la jurisprudence pertinente, rend un jugement motivé et conclut de la façon suivante :
« [27] En conséquence, tenant compte du droit à une défense pleine et entière, tenant compte des dispositions des paragraphes c) et d) 01) de l’article 258 du Code criminel, le Tribunal estime que la requérante, même si elle n’a présenté aucune preuve ni même un début de preuve à l’effet que l’appareil utilisé dans cette affaire comportait une quelconque anomalie, celle-ci a démontré l’existence d’une possibilité raisonnable que le registre d’entretien puisse être utile pour réfuter la preuve de la poursuite ou pour présenter une défense. »
[30] La juge Girard a donc ordonné à la poursuite de produire la fiche ou le registre d’entretien;
[31] Nous comprenons qu’il existe une jurisprudence contradictoire à ce sujet, mais tout comme dans le débat sur les effets rétrospectifs de la Loi C-2, nous nous sentions obligés de suivre le raisonnement de l’Honorable Julie Caumartin, je me sens lier par le raisonnement de ma collègue la juge Girard dans l’affaire Iannizi;
[25] Quant au mérite de la requête, tout au moins quant à la communication de la preuve, notre collègue l’Honorable Sylvie Girard a, le 26 janvier 2011, une décision fort intéressante sur le point. On peut la consulter dans la cause de Patricia Iannizi c. La Reine dossier # 109 044 701 de la Cour Municipale de la Ville de Montréal;
[26] La défenderesse demandait la communication de plusieurs documents dont le registre d’entretien de la machine, le nombre de tests effectués par la machine depuis 30 jours, les manuels d’instructions fournis avec la machine, les instructions internes policières quant à la manutention de la machine et enfin que l’appareil soit mis à la disposition de l’expert du défendeur.
[27] La poursuite refuse de fournir la preuve sur la base de l’absence de pertinence;
[28] Les parties s’entendent pour admettre que si l’expert était entendu, il dirait que dans ce cas précis il n’existe pas de registre d’entretien de l’ivressomètre;
[29] La juge Girard, après avoir étudié la jurisprudence pertinente, rend un jugement motivé et conclut de la façon suivante :
« [27] En conséquence, tenant compte du droit à une défense pleine et entière, tenant compte des dispositions des paragraphes c) et d) 01) de l’article 258 du Code criminel, le Tribunal estime que la requérante, même si elle n’a présenté aucune preuve ni même un début de preuve à l’effet que l’appareil utilisé dans cette affaire comportait une quelconque anomalie, celle-ci a démontré l’existence d’une possibilité raisonnable que le registre d’entretien puisse être utile pour réfuter la preuve de la poursuite ou pour présenter une défense. »
[30] La juge Girard a donc ordonné à la poursuite de produire la fiche ou le registre d’entretien;
[31] Nous comprenons qu’il existe une jurisprudence contradictoire à ce sujet, mais tout comme dans le débat sur les effets rétrospectifs de la Loi C-2, nous nous sentions obligés de suivre le raisonnement de l’Honorable Julie Caumartin, je me sens lier par le raisonnement de ma collègue la juge Girard dans l’affaire Iannizi;
lundi 21 mars 2011
L’infliction de la peine et la décision sur la demande de confiscation constituent deux étapes du procès sans corrélation ni interdépendance
R. c. Neault, 2011 QCCA 435 (CanLII)
[19] Une première leçon qui se dégage de Craig est que l’infliction de la peine et la décision sur la demande de confiscation constituent deux étapes du procès sans corrélation ni interdépendance, qui doivent demeurer distinctes l’une de l’autre. Les trois premiers paragraphes de l’arrêt posent le problème et annoncent la conclusion de la majorité :
(...)
[3] Selon la seconde interprétation, le tribunal doit procéder à une analyse distincte et se demander si la confiscation est justifiée, en fonction du critère de proportionnalité établi dans la loi. Cette interprétation — qu’étayent d’ailleurs la structure et le libellé des dispositions législatives — me semble préférable, car elle permet d’écarter un résultat intolérable, à savoir la possibilité d’éviter l’incarcération en échange de biens, et elle garantit ainsi que le droit à la liberté sera protégé d’une façon plus uniforme. À mon avis, la perte ou le maintien de la liberté ne devrait pas dépendre du fait que l’intéressé possède ou non des biens qu’il est en mesure de sacrifier.
[21] L’arrêt Craig est sans équivoque. Le juge qui délibère sur la peine doit occulter la demande de confiscation annoncée et, par la suite, lorsqu’il analyse l’opportunité de la confiscation, il ne doit pas revenir en arrière et tenir compte de la peine infligée. Ce retour sur la peine constituait le reproche adressé par la Cour suprême à la Cour d’appel de la Colombie-Britanique :
[46] Selon la Cour d’appel, le fait qu’il soit précisé au par. 19.1(3) que le tribunal peut refuser d’ordonner la confiscation lorsque, selon la version anglaise de la loi, son « impact » (« effet »), serait « démesuré », rend nécessaire l’examen de la situation particulière de l’accusé, y compris la période d’emprisonnement ou les autres aspects de la peine à laquelle il est condamné. […] À mon avis, une telle interprétation n’est pas justifiée par le libellé de la disposition. […]
[23] À mon avis, les termes choisis par le législateur confèrent tout de même au juge une large discrétion face à une demande de confiscation. Il peut la refuser s’il est d’avis que « …la confiscation serait démesurée par rapport à… » (…if a court is satisfied that the impact of an order of forfeiture… would be disproportionate to…).
[24] L’idée de « démesure » (disproportionate to) et le terme de comparaison « par rapport à » impliquent de soupeser deux réalités pour constater s’il y a équilibre ou déséquilibre entre les plateaux de la balance. D'un côté, il y aura les faits relatifs à l’infraction, évalués selon l’objectif de l’ordonnance et les trois facteurs de la loi, et de l’autre, les effets plus ou moins draconiens de la confiscation (the impact of the forfeiture). Le poids relatif des faits et des effets fera pencher la balance en faveur ou contre la confiscation.
[25] Si la loi précise les facteurs d’évaluation de l’infraction, elle est muette sur les effets à prendre en compte et sur la manière de les évaluer. À mon avis, il est pertinent de considérer entre autres si le bien est superflu, utile ou nécessaire suivant son usage habituel; si le bien est de peu ou de grande valeur en soi et en l’espèce; si le bien est utilisé pour des besoins de base, s’approvisionner, se faire soigner; si le bien sert aux loisirs ou au travail; si le bien contribue à l’exécution d’obligations familiales ou sociales.
[26] Ce sont bien les effets, les conséquences en rapport avec le bien du contrevenant que le juge doit soupeser, tout comme, à l’alinéa suivant (490.41(4)), ce sera « l’effet qu’aurait la confiscation à l’égard d’un membre de la famille immédiate » (the impact of the order of forfeiture on any member of the immediate family) qui devra être aussi considéré.
[19] Une première leçon qui se dégage de Craig est que l’infliction de la peine et la décision sur la demande de confiscation constituent deux étapes du procès sans corrélation ni interdépendance, qui doivent demeurer distinctes l’une de l’autre. Les trois premiers paragraphes de l’arrêt posent le problème et annoncent la conclusion de la majorité :
(...)
[3] Selon la seconde interprétation, le tribunal doit procéder à une analyse distincte et se demander si la confiscation est justifiée, en fonction du critère de proportionnalité établi dans la loi. Cette interprétation — qu’étayent d’ailleurs la structure et le libellé des dispositions législatives — me semble préférable, car elle permet d’écarter un résultat intolérable, à savoir la possibilité d’éviter l’incarcération en échange de biens, et elle garantit ainsi que le droit à la liberté sera protégé d’une façon plus uniforme. À mon avis, la perte ou le maintien de la liberté ne devrait pas dépendre du fait que l’intéressé possède ou non des biens qu’il est en mesure de sacrifier.
[21] L’arrêt Craig est sans équivoque. Le juge qui délibère sur la peine doit occulter la demande de confiscation annoncée et, par la suite, lorsqu’il analyse l’opportunité de la confiscation, il ne doit pas revenir en arrière et tenir compte de la peine infligée. Ce retour sur la peine constituait le reproche adressé par la Cour suprême à la Cour d’appel de la Colombie-Britanique :
[46] Selon la Cour d’appel, le fait qu’il soit précisé au par. 19.1(3) que le tribunal peut refuser d’ordonner la confiscation lorsque, selon la version anglaise de la loi, son « impact » (« effet »), serait « démesuré », rend nécessaire l’examen de la situation particulière de l’accusé, y compris la période d’emprisonnement ou les autres aspects de la peine à laquelle il est condamné. […] À mon avis, une telle interprétation n’est pas justifiée par le libellé de la disposition. […]
[23] À mon avis, les termes choisis par le législateur confèrent tout de même au juge une large discrétion face à une demande de confiscation. Il peut la refuser s’il est d’avis que « …la confiscation serait démesurée par rapport à… » (…if a court is satisfied that the impact of an order of forfeiture… would be disproportionate to…).
[24] L’idée de « démesure » (disproportionate to) et le terme de comparaison « par rapport à » impliquent de soupeser deux réalités pour constater s’il y a équilibre ou déséquilibre entre les plateaux de la balance. D'un côté, il y aura les faits relatifs à l’infraction, évalués selon l’objectif de l’ordonnance et les trois facteurs de la loi, et de l’autre, les effets plus ou moins draconiens de la confiscation (the impact of the forfeiture). Le poids relatif des faits et des effets fera pencher la balance en faveur ou contre la confiscation.
[25] Si la loi précise les facteurs d’évaluation de l’infraction, elle est muette sur les effets à prendre en compte et sur la manière de les évaluer. À mon avis, il est pertinent de considérer entre autres si le bien est superflu, utile ou nécessaire suivant son usage habituel; si le bien est de peu ou de grande valeur en soi et en l’espèce; si le bien est utilisé pour des besoins de base, s’approvisionner, se faire soigner; si le bien sert aux loisirs ou au travail; si le bien contribue à l’exécution d’obligations familiales ou sociales.
[26] Ce sont bien les effets, les conséquences en rapport avec le bien du contrevenant que le juge doit soupeser, tout comme, à l’alinéa suivant (490.41(4)), ce sera « l’effet qu’aurait la confiscation à l’égard d’un membre de la famille immédiate » (the impact of the order of forfeiture on any member of the immediate family) qui devra être aussi considéré.
dimanche 20 mars 2011
Les conditions pour que la poursuite puisse se prévaloir de la présomption prévue à l’alinéa (1) (c) de l’article 258 du C.cr
R. c. Bonneau, 2003 CanLII 31126 (QC C.Q.)
[41] Cependant, pour pouvoir bénéficier de la présomption énoncée à l’alinéa (1) (c) de l’article 258 du C.cr, la preuve doit démontrer que toutes les conditions qui y sont énoncées ont été remplies.
[42] Ainsi la preuve doit démontrer que :
a) les échantillons d’haleine ont été prélevés conformément à un ordre donné en vertu du paragraphe 254(3).
b) chaque échantillon a être prélevé dès qu’il a été matériellement possible de le faire après le moment où l’infraction aurait été commise et, dans le cas du premier échantillon, pas plus de deux (2) heures après ce moment, les autres l’ayant été à des intervalles d’au moins quinze (15) minutes.
c) chaque échantillon a été reçu de l’accusé, directement, dans un contenant approuvé ou dans un alcootest approuvé, manipulé par un technicien qualifié; et que :
d) une analyse de chaque échantillon a été faite à l’aide d’un alcootest approuvé, manipulé par un technicien qualifié.
[41] Cependant, pour pouvoir bénéficier de la présomption énoncée à l’alinéa (1) (c) de l’article 258 du C.cr, la preuve doit démontrer que toutes les conditions qui y sont énoncées ont été remplies.
[42] Ainsi la preuve doit démontrer que :
a) les échantillons d’haleine ont été prélevés conformément à un ordre donné en vertu du paragraphe 254(3).
b) chaque échantillon a être prélevé dès qu’il a été matériellement possible de le faire après le moment où l’infraction aurait été commise et, dans le cas du premier échantillon, pas plus de deux (2) heures après ce moment, les autres l’ayant été à des intervalles d’au moins quinze (15) minutes.
c) chaque échantillon a été reçu de l’accusé, directement, dans un contenant approuvé ou dans un alcootest approuvé, manipulé par un technicien qualifié; et que :
d) une analyse de chaque échantillon a été faite à l’aide d’un alcootest approuvé, manipulé par un technicien qualifié.
jeudi 17 mars 2011
Les éléments constitutifs de l'infraction d'introduction par effraction
R. c. Delia, 2009 QCCQ 14896 (CanLII)
[18] Les deux chefs d'accusation d'introduction par effraction dans un immeuble d'habitation comportent un certain nombre d'éléments essentiels qui doivent être prouvés, hors de tout doute raisonnable, si l'accusé doit être trouvé coupable.
[19] En effet, tel qu'ils sont rédigés, ces chefs impliquent nécessairement que:
a) Il doit y avoir eu effraction, laquelle est définie à l'article 321 du Code criminel de la manière suivante: (Effraction):
"« effraction » "break"
« effraction » Le fait :
a) soit de briser quelque partie intérieure ou extérieure d’une chose;
b) soit d’ouvrir toute chose employée ou destinée à être employée pour fermer ou pour couvrir une ouverture intérieure ou extérieure."
b) L'accusé doit s'y être ainsi introduit.
c) L'intention d'y commettre un acte criminel doit animer l'accusé et plus précisément dans le présent cas, il doit s'agir d'un vol.
[18] Les deux chefs d'accusation d'introduction par effraction dans un immeuble d'habitation comportent un certain nombre d'éléments essentiels qui doivent être prouvés, hors de tout doute raisonnable, si l'accusé doit être trouvé coupable.
[19] En effet, tel qu'ils sont rédigés, ces chefs impliquent nécessairement que:
a) Il doit y avoir eu effraction, laquelle est définie à l'article 321 du Code criminel de la manière suivante: (Effraction):
"« effraction » "break"
« effraction » Le fait :
a) soit de briser quelque partie intérieure ou extérieure d’une chose;
b) soit d’ouvrir toute chose employée ou destinée à être employée pour fermer ou pour couvrir une ouverture intérieure ou extérieure."
b) L'accusé doit s'y être ainsi introduit.
c) L'intention d'y commettre un acte criminel doit animer l'accusé et plus précisément dans le présent cas, il doit s'agir d'un vol.
Grille d'analyse pour apprécier le caractère dangereux d'une conduite selon l'article 249 Ccr
Québec (Procureur général) c. Sirois, 2005 CanLII 43524 (QC C.Q.)
[100] Le Tribunal doit, en vertu de l'article 249(1)a) du Code criminel, trancher la question de la faute alléguée en tenant compte de toutes les circonstances. Le Tribunal considère notamment:
1° Quant à l'accusé:
2° Quant au véhicule conduit par l'accusé:
3° Quant à la température:
4° Quant à l'état de la chaussée:
5° Quant à la configuration des lieux:
4° Quant à la présence d'obstacle pouvant nuire
5° Quant au nombre de véhicule dans le secteur des événements:
6° Quant aux distances:
7° Quant à la vitesse des véhicules:
8° Quant à la conduite de l'accusé:
9° Quant à la conduite des conductrices des autres véhicules:
10° Quant aux incohérences dans la preuve du Poursuivant, qui n'ont pas été neutralisées:
[100] Le Tribunal doit, en vertu de l'article 249(1)a) du Code criminel, trancher la question de la faute alléguée en tenant compte de toutes les circonstances. Le Tribunal considère notamment:
1° Quant à l'accusé:
2° Quant au véhicule conduit par l'accusé:
3° Quant à la température:
4° Quant à l'état de la chaussée:
5° Quant à la configuration des lieux:
4° Quant à la présence d'obstacle pouvant nuire
5° Quant au nombre de véhicule dans le secteur des événements:
6° Quant aux distances:
7° Quant à la vitesse des véhicules:
8° Quant à la conduite de l'accusé:
9° Quant à la conduite des conductrices des autres véhicules:
10° Quant aux incohérences dans la preuve du Poursuivant, qui n'ont pas été neutralisées:
Les éléments constitutifs de l'infraction de délit de fuite
Québec (Procureur général) c. Sirois, 2005 CanLII 43524 (QC C.Q.)
[97] L'accusé doit également répondre d'une infraction alléguée connue sous le vocable délit de fuite avec intention. Le Poursuivant doit prouver:
1° La garde, la charge ou le contrôle;
2° Le véhicule;
3° Le véhicule impliqué dans un accident;
4° Le véhicule (avoir été impliqué dans un accident avec);
5° L'omission d'arrêter, de donner ses nom et adresse ou d'offrir de l'aide et
6° L'intention d'échapper à toute responsabilité civile ou criminelle.
[98] Le Poursuivant doit notamment prouver au soutien de l'accusation que le véhicule dont l'accusé avait la garde, la charge ou le contrôle a été impliqué dans un accident. Il existe une distinction entre la définition du mot « accident » que l'on retrouve dans le Code de la sécurité routière au Québec et l'interprétation donnée par les tribunaux au terme « accident » que nous retrouvons à l'article 252(1) du Code criminel. Dans l'arrêt R. c. Hannam, la Cour conclut qu'il n'est pas nécessaire qu'il y ait contact entre les véhicules pour qu'il y ait accident. Par contre, il n'est pas suffisant que le Poursuivant établisse l'accident. Le Poursuivant doit prouver que l'accusé connaissait ce fait. Cet élément de connaissance s'apprécie sur une base subjective et il n'est pas suffisant de conclure que l'accusé aurait dû savoir qu'il avait été impliqué dans un accident.
[99] Le Poursuivant doit également prouver, afin que le délit de fuite soit consommée, qu'au moment du défaut d'arrêter, de donner ses nom et adresse ou de porter secours, l'accusé avait l'intention d'échapper à toute responsabilité civile ou criminelle. L'intention démontrée doit avoir un lien avec l'accident ou la conduite qui a engendré l'accident. L'article 252(2) du Code criminel offre au Poursuivant un raccourci juridique « en l'absence de toute preuve contraire ». Le Poursuivant bénéficie d'une présomption énoncée à l'article 252(2) du Code criminel. Pour déclencher l'application de l'article 252(2) du Code criminel, l'accusé doit avoir la connaissance qu'il est impliqué dans un accident. Pour repousser la présomption il suffit d'une preuve contraire qui soulève un doute raisonnable. Dans l'arrêt Fournier c. R.,[58] la Cour conclut que la présomption établie à l'article 252(2) du Code criminel peut être repoussée si la preuve offerte soulève un doute raisonnable quant à son intention sans qu'il soit nécessaire pour l'accusé d'établir cette absence d'intention sur la balance des probabilités. Le fardeau de prouver l'intention spécifique repose sur le Poursuivant, qui doit établir telle intention hors de tout doute raisonnable.
[97] L'accusé doit également répondre d'une infraction alléguée connue sous le vocable délit de fuite avec intention. Le Poursuivant doit prouver:
1° La garde, la charge ou le contrôle;
2° Le véhicule;
3° Le véhicule impliqué dans un accident;
4° Le véhicule (avoir été impliqué dans un accident avec);
5° L'omission d'arrêter, de donner ses nom et adresse ou d'offrir de l'aide et
6° L'intention d'échapper à toute responsabilité civile ou criminelle.
[98] Le Poursuivant doit notamment prouver au soutien de l'accusation que le véhicule dont l'accusé avait la garde, la charge ou le contrôle a été impliqué dans un accident. Il existe une distinction entre la définition du mot « accident » que l'on retrouve dans le Code de la sécurité routière au Québec et l'interprétation donnée par les tribunaux au terme « accident » que nous retrouvons à l'article 252(1) du Code criminel. Dans l'arrêt R. c. Hannam, la Cour conclut qu'il n'est pas nécessaire qu'il y ait contact entre les véhicules pour qu'il y ait accident. Par contre, il n'est pas suffisant que le Poursuivant établisse l'accident. Le Poursuivant doit prouver que l'accusé connaissait ce fait. Cet élément de connaissance s'apprécie sur une base subjective et il n'est pas suffisant de conclure que l'accusé aurait dû savoir qu'il avait été impliqué dans un accident.
[99] Le Poursuivant doit également prouver, afin que le délit de fuite soit consommée, qu'au moment du défaut d'arrêter, de donner ses nom et adresse ou de porter secours, l'accusé avait l'intention d'échapper à toute responsabilité civile ou criminelle. L'intention démontrée doit avoir un lien avec l'accident ou la conduite qui a engendré l'accident. L'article 252(2) du Code criminel offre au Poursuivant un raccourci juridique « en l'absence de toute preuve contraire ». Le Poursuivant bénéficie d'une présomption énoncée à l'article 252(2) du Code criminel. Pour déclencher l'application de l'article 252(2) du Code criminel, l'accusé doit avoir la connaissance qu'il est impliqué dans un accident. Pour repousser la présomption il suffit d'une preuve contraire qui soulève un doute raisonnable. Dans l'arrêt Fournier c. R.,[58] la Cour conclut que la présomption établie à l'article 252(2) du Code criminel peut être repoussée si la preuve offerte soulève un doute raisonnable quant à son intention sans qu'il soit nécessaire pour l'accusé d'établir cette absence d'intention sur la balance des probabilités. Le fardeau de prouver l'intention spécifique repose sur le Poursuivant, qui doit établir telle intention hors de tout doute raisonnable.
Les éléments constitutifs de l'infraction de conduite dangereuse
Québec (Procureur général) c. Sirois, 2005 CanLII 43524 (QC C.Q.)
[90] L'élément matériel de l'infraction alléguée contre l'accusé est composé des faits suivants:
1° L'accusé doit conduire;
2° Un véhicule moteur et
3° D'une façon dangereuse pour le public.
[91] L'article 249(1)a) du Code criminel renvoi notamment à la façon de conduire. La façon de conduire doit constituer « un écart marqué par rapport à celle d'une personne raisonnable ». Les tribunaux ont précisé que la façon de conduire doit constituer « un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu'aurait observée une personne raisonnable ».
[92] Les auteurs Labrèche et Jarry énoncent que:
"Pour qu'il y ait conduite dangereuse, les tribunaux ont depuis longtemps affirmé que le comportement reproché devait aller au-delà de la notion de faute de droit civil. Ainsi, un moment d'inattention ou une simple erreur de jugement ne suffisent pas."
[93] Le Tribunal doit décider en tenant compte de toutes les circonstances.
[94] Le procureur de l'accusé, lors de ses représentations, cite l'affaire R. c. Goineau. Le Tribunal reproduit les extraits suivants de ce dossier:
"La manière de conduire de l'accusé s'avère donc pertinente et il faut prouver une faute de sa part plus grande qu'en droit civil. La conduite en litige doit être telle ou à tel degré qu'elle justifie ou commande une sanction criminelle. « La conduite négligente d'un véhicule automobile peut être considérée comme un continuum où l'on va de l'inattention momentanée qui entraîne la responsabilité civile, en passant par la conduite imprudente prévue au code de la route d'une province jusqu'à la conduite dangereuse sanctionnée par le Code criminel ». (…). Par ailleurs, une manœuvre dangereuse n'entraîne pas nécessairement une conclusion d'écart marqué et il ne faut pas déduire automatiquement l'existence de cet écart marqué du seul fait que la conduite révèle plus qu'une simple négligence ou une erreur de jugement. (…). Bien que les conséquences de cet accident soient tragiques et qu'elles supposent l'identification d'un responsable, celles-ci ne sont pas suffisantes en soi pour engager la responsabilité criminelle d'un individu."
[95] Le procureur de l'accusé réitère l'importance de tenir compte de toutes les circonstances pour évaluer si la conduite de l'accusé constitue un « écart marqué ». Il ajoute qu'un conducteur peut avoir fait une erreur de jugement sans pour autant que sa conduite constitue un « écart marqué ». Il demande au Tribunal de considérer les décisions suivantes:
- R. c. Graindler, C.A., 500-10-001447-984, le 4 avril 2001;
- R. c. Hundal, 1993 CanLII 120 (C.S.C.), [1993] 1 R.C.S. 867;
- Tourigny c. R., C.A., 500-10-000158-947, le 16 avril 1997;
- R. c. Brosseau, C.Q., 160-01-000596-007, le 11 avril 2003;
- R. c. B. (L.P.), C.Q., 525-03-018446-005, le 22 mars 2002.
[96] Quant à la mens rea de la conduite dangereuse, elle doit être analysée suivant un critère objectif modifié. Il faut également établir que la conduite de l'accusé constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu'aurait observée une personne raisonnable. Par contre, en certaines circonstances, une conduite objectivement dangereuse pourra ne pas entraîner un verdict de culpabilité
[90] L'élément matériel de l'infraction alléguée contre l'accusé est composé des faits suivants:
1° L'accusé doit conduire;
2° Un véhicule moteur et
3° D'une façon dangereuse pour le public.
[91] L'article 249(1)a) du Code criminel renvoi notamment à la façon de conduire. La façon de conduire doit constituer « un écart marqué par rapport à celle d'une personne raisonnable ». Les tribunaux ont précisé que la façon de conduire doit constituer « un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu'aurait observée une personne raisonnable ».
[92] Les auteurs Labrèche et Jarry énoncent que:
"Pour qu'il y ait conduite dangereuse, les tribunaux ont depuis longtemps affirmé que le comportement reproché devait aller au-delà de la notion de faute de droit civil. Ainsi, un moment d'inattention ou une simple erreur de jugement ne suffisent pas."
[93] Le Tribunal doit décider en tenant compte de toutes les circonstances.
[94] Le procureur de l'accusé, lors de ses représentations, cite l'affaire R. c. Goineau. Le Tribunal reproduit les extraits suivants de ce dossier:
"La manière de conduire de l'accusé s'avère donc pertinente et il faut prouver une faute de sa part plus grande qu'en droit civil. La conduite en litige doit être telle ou à tel degré qu'elle justifie ou commande une sanction criminelle. « La conduite négligente d'un véhicule automobile peut être considérée comme un continuum où l'on va de l'inattention momentanée qui entraîne la responsabilité civile, en passant par la conduite imprudente prévue au code de la route d'une province jusqu'à la conduite dangereuse sanctionnée par le Code criminel ». (…). Par ailleurs, une manœuvre dangereuse n'entraîne pas nécessairement une conclusion d'écart marqué et il ne faut pas déduire automatiquement l'existence de cet écart marqué du seul fait que la conduite révèle plus qu'une simple négligence ou une erreur de jugement. (…). Bien que les conséquences de cet accident soient tragiques et qu'elles supposent l'identification d'un responsable, celles-ci ne sont pas suffisantes en soi pour engager la responsabilité criminelle d'un individu."
[95] Le procureur de l'accusé réitère l'importance de tenir compte de toutes les circonstances pour évaluer si la conduite de l'accusé constitue un « écart marqué ». Il ajoute qu'un conducteur peut avoir fait une erreur de jugement sans pour autant que sa conduite constitue un « écart marqué ». Il demande au Tribunal de considérer les décisions suivantes:
- R. c. Graindler, C.A., 500-10-001447-984, le 4 avril 2001;
- R. c. Hundal, 1993 CanLII 120 (C.S.C.), [1993] 1 R.C.S. 867;
- Tourigny c. R., C.A., 500-10-000158-947, le 16 avril 1997;
- R. c. Brosseau, C.Q., 160-01-000596-007, le 11 avril 2003;
- R. c. B. (L.P.), C.Q., 525-03-018446-005, le 22 mars 2002.
[96] Quant à la mens rea de la conduite dangereuse, elle doit être analysée suivant un critère objectif modifié. Il faut également établir que la conduite de l'accusé constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu'aurait observée une personne raisonnable. Par contre, en certaines circonstances, une conduite objectivement dangereuse pourra ne pas entraîner un verdict de culpabilité
mercredi 16 mars 2011
Les principes applicables concernant le crédit possible de la détention pré-sentencielle en vertu de 719 (3.1)
R. v. Brenton, 2010 CanLII 15610 (NL P.C.)
[14] As can be seen, the provision of a credit for pre-sentence custody is not mandatory. The Court “may” do so, but is not required to provide any credit. If the Court determines that a credit should be provided, then it must limit that credit “to a maximum of one day for each day spent in custody.” This requirement is subject to one exception which is contained in section 719(3.1) of the Criminal Code. It states as follows:
Despite subsection (3), if the circumstances justify it, the maximum is one and one-half days for each day spent in custody unless the reason for detaining the person in custody was stated in the record under subsection 515(9.1) or the person was detained in custody under subsection 524(4) or (8).
[15] Thus, the Court can provide a credit of one and one-half days for each day spent in custody, but only if the “circumstances justify it.” Section 719(3.1) does not define or describe what circumstances would justify an increase from the maximum credit mandated by section 719(3) of the Criminal Code, but an increase from a one for one credit is not automatic and requires circumstances which justify an increase. This is not an appropriate case for a consideration of what will and will not constitute sufficient circumstances, but more than a period spent in pre-sentence custody will be required for a credit beyond one for one to be granted. The Court must be able to explain why it is providing any credit for pre-sentence custody or why it is granting an increase in the maximum credit prescribed by section 719(3) (see section 719(3.2)).
[16] The applicable principles can be summarized as follows:
1. the court “may” consider any period spent in pre-sentence custody by an offender in determining an appropriate sentence;
2. the court is not required to provide a credit for such pre-sentence custody when imposing a period of imprisonment;
3. if a credit is given for pre-sentence custody, then the maximum allowed is one day of credit for every day spent in pre-sentence custody. I would describe this as the general rule. Thus, in the vast majority of cases an offender who has spent a period of time in pre-sentence custody will receive a one for one credit;
4. this general rule is subject to one exception: the credit can be raised to one and one-half days for each day spent in custody, but only if the “circumstances justify it.” Since this is an exception to the general rule, evidence in support of an enhanced credit will normally be required. The presumption that pre-sentence custody deserves an enhanced credit no longer exists and a two for one credit is no longer an option;
5. if any credit is given to an offender for time spent in pre-sentence custody, the Court must indicate why it has been given; and
6. when imposing sentence in a case in which there has been a period of pre-sentence custody, the Court must indicate the following:
i. the period of time the offender spent in pre-sentence custody;
ii. the period of imprisonment which would have been imposed, but for the pre-sentence custody;
iii. the amount of the credit given; and
iv. the sentence imposed.
[14] As can be seen, the provision of a credit for pre-sentence custody is not mandatory. The Court “may” do so, but is not required to provide any credit. If the Court determines that a credit should be provided, then it must limit that credit “to a maximum of one day for each day spent in custody.” This requirement is subject to one exception which is contained in section 719(3.1) of the Criminal Code. It states as follows:
Despite subsection (3), if the circumstances justify it, the maximum is one and one-half days for each day spent in custody unless the reason for detaining the person in custody was stated in the record under subsection 515(9.1) or the person was detained in custody under subsection 524(4) or (8).
[15] Thus, the Court can provide a credit of one and one-half days for each day spent in custody, but only if the “circumstances justify it.” Section 719(3.1) does not define or describe what circumstances would justify an increase from the maximum credit mandated by section 719(3) of the Criminal Code, but an increase from a one for one credit is not automatic and requires circumstances which justify an increase. This is not an appropriate case for a consideration of what will and will not constitute sufficient circumstances, but more than a period spent in pre-sentence custody will be required for a credit beyond one for one to be granted. The Court must be able to explain why it is providing any credit for pre-sentence custody or why it is granting an increase in the maximum credit prescribed by section 719(3) (see section 719(3.2)).
[16] The applicable principles can be summarized as follows:
1. the court “may” consider any period spent in pre-sentence custody by an offender in determining an appropriate sentence;
2. the court is not required to provide a credit for such pre-sentence custody when imposing a period of imprisonment;
3. if a credit is given for pre-sentence custody, then the maximum allowed is one day of credit for every day spent in pre-sentence custody. I would describe this as the general rule. Thus, in the vast majority of cases an offender who has spent a period of time in pre-sentence custody will receive a one for one credit;
4. this general rule is subject to one exception: the credit can be raised to one and one-half days for each day spent in custody, but only if the “circumstances justify it.” Since this is an exception to the general rule, evidence in support of an enhanced credit will normally be required. The presumption that pre-sentence custody deserves an enhanced credit no longer exists and a two for one credit is no longer an option;
5. if any credit is given to an offender for time spent in pre-sentence custody, the Court must indicate why it has been given; and
6. when imposing sentence in a case in which there has been a period of pre-sentence custody, the Court must indicate the following:
i. the period of time the offender spent in pre-sentence custody;
ii. the period of imprisonment which would have been imposed, but for the pre-sentence custody;
iii. the amount of the credit given; and
iv. the sentence imposed.
Le poids à donner à une preuve d'empreintes digitales
R. c. Boisvert, 2010 QCCQ 1029 (CanLII)
Lien vers la décision
[33] La Cour d'appel d'Ontario a rendu un arrêt le 14 octobre 2009, dans lequel elle a examiné le poids à donner à une preuve d'empreintes digitales et, aux conséquences qui peuvent en être tirées (R. c. Samuels, 2009 ONCA 719 (CanLII), 2009 ONCA 719 CanLII).Lien vers la décision
[34] À mon avis, les principes qui y sont décrits confirment ce qui est connu et appliqué en la matière depuis une longue période. Essentiellement, c'est la preuve dans son ensemble qui doit être examinée et, la recherche appropriée consiste dans celle où doit être considérée la preuve qui renforce l'inférence que l'accusée a touchée l'objet d'une façon compatible avec la commission de l'infraction, plutôt que de toute autre manière.
[35] Contrairement au dossier cité précédemment, où l'objet sur lequel se trouvait l'empreinte de l'accusé était le capot d'une voiture (alors que le crime reproché était une invasion de domicile) ou encore le couvercle d'une boîte de pizza (dans R. c. Mars, 2006 CanLII 3460 (ON C.A.), 2006 CanLII 3460 (ONCA)), (Lien vers la décision) dans une autre affaire d'invasion du domicile, dans le présent dossier, l'empreinte génétique se trouve directement sur l'objet du vol.
[38] Ces circonstances me semblent recouvrir ce que les auteurs Paciocco et Stuesser décrivent dans leur ouvrage The law of evidence 5e édition 2008, à la page 531:
"The "ultimate burden" and the kinds of particular burdens just described are burdens that have been assigned directly by rules of law. They are to be distinguished from what some people call "tactical burdens". Tactical burdens are not assigned by rules of law but arise simply because of the strength or nature of the opposing litigant's case. For example, although there is no rule of law requiring the accused to present evidence, the strength of the Crown's case may make it a practical necessity."
[39] Et ils rajoutent aux pages 533 et 534:
"Normally, the party seeking to rebut a presumption of fact will have to call evidence to do so. It is typical, for example, for drivers who wish to rebut the section 258(1)c) presumption to testify and call supporting evidence about their pattern of alcohol consumption, and to produce expert testimony that, based upon the pattern of consumption, the blood alcohol concentration at the time of driving would have been below the legal limit. It is possible, however, for the necessary rebuttal evidence to come from the party seeking to rely on the presumption. For example, if a Crown seeking to rely on the presumption in section 252(2) presented evidence that the driver who left the scene said as he was going. "Sorry, I have to go. I have to get my son to the hospital," the presumption would be rebutted from the Crown's own case."
[40] Dans le cas présent, je rappelle que l'accusée n'a pas témoigné, comme elle en avait le droit. Elle m'apparaît toutefois supporter, au sens qu'en donne les auteurs précités, un certain "fardeau tactique", devant la force de la preuve faite. Ceci étant, rien ne m'autorise non plus à inventer des hypothèses n'ayant aucun fondement sur la preuve pour venir en aide à l'accusée.
[41] Quant à l'autre aspect, celui concernant la présence possible d'autres éléments d'A.D.N. provenant d'un tiers, sur l'un des échantillons analysés, il ne change strictement rien à la présence de l'A.D.N. de l'accusée sur les deux échantillons prélevés. Je ne vois pas en quoi cela pourrait être disculpatoire pour l'accusée de savoir qu'une autre personne a pu également toucher l'objet que l'expert analyse.
Lien vers la décision
[33] La Cour d'appel d'Ontario a rendu un arrêt le 14 octobre 2009, dans lequel elle a examiné le poids à donner à une preuve d'empreintes digitales et, aux conséquences qui peuvent en être tirées (R. c. Samuels, 2009 ONCA 719 (CanLII), 2009 ONCA 719 CanLII).Lien vers la décision
[34] À mon avis, les principes qui y sont décrits confirment ce qui est connu et appliqué en la matière depuis une longue période. Essentiellement, c'est la preuve dans son ensemble qui doit être examinée et, la recherche appropriée consiste dans celle où doit être considérée la preuve qui renforce l'inférence que l'accusée a touchée l'objet d'une façon compatible avec la commission de l'infraction, plutôt que de toute autre manière.
[35] Contrairement au dossier cité précédemment, où l'objet sur lequel se trouvait l'empreinte de l'accusé était le capot d'une voiture (alors que le crime reproché était une invasion de domicile) ou encore le couvercle d'une boîte de pizza (dans R. c. Mars, 2006 CanLII 3460 (ON C.A.), 2006 CanLII 3460 (ONCA)), (Lien vers la décision) dans une autre affaire d'invasion du domicile, dans le présent dossier, l'empreinte génétique se trouve directement sur l'objet du vol.
[38] Ces circonstances me semblent recouvrir ce que les auteurs Paciocco et Stuesser décrivent dans leur ouvrage The law of evidence 5e édition 2008, à la page 531:
"The "ultimate burden" and the kinds of particular burdens just described are burdens that have been assigned directly by rules of law. They are to be distinguished from what some people call "tactical burdens". Tactical burdens are not assigned by rules of law but arise simply because of the strength or nature of the opposing litigant's case. For example, although there is no rule of law requiring the accused to present evidence, the strength of the Crown's case may make it a practical necessity."
[39] Et ils rajoutent aux pages 533 et 534:
"Normally, the party seeking to rebut a presumption of fact will have to call evidence to do so. It is typical, for example, for drivers who wish to rebut the section 258(1)c) presumption to testify and call supporting evidence about their pattern of alcohol consumption, and to produce expert testimony that, based upon the pattern of consumption, the blood alcohol concentration at the time of driving would have been below the legal limit. It is possible, however, for the necessary rebuttal evidence to come from the party seeking to rely on the presumption. For example, if a Crown seeking to rely on the presumption in section 252(2) presented evidence that the driver who left the scene said as he was going. "Sorry, I have to go. I have to get my son to the hospital," the presumption would be rebutted from the Crown's own case."
[40] Dans le cas présent, je rappelle que l'accusée n'a pas témoigné, comme elle en avait le droit. Elle m'apparaît toutefois supporter, au sens qu'en donne les auteurs précités, un certain "fardeau tactique", devant la force de la preuve faite. Ceci étant, rien ne m'autorise non plus à inventer des hypothèses n'ayant aucun fondement sur la preuve pour venir en aide à l'accusée.
[41] Quant à l'autre aspect, celui concernant la présence possible d'autres éléments d'A.D.N. provenant d'un tiers, sur l'un des échantillons analysés, il ne change strictement rien à la présence de l'A.D.N. de l'accusée sur les deux échantillons prélevés. Je ne vois pas en quoi cela pourrait être disculpatoire pour l'accusée de savoir qu'une autre personne a pu également toucher l'objet que l'expert analyse.
lundi 14 mars 2011
Revue de la jurisprudence sur l'infraction de parjure
R. c. Morissette, 2011 QCCQ 1692 (CanLII)
Lien vers la décision
1) Connexité des éléments essentiels
[55] Le crime de parjure implique la preuve de trois éléments essentiels qui sont :
– Affirmation fausse faite sous serment.
– Connaissance de la part du déclarant que cette affirmation est fausse au moment où elle est faite.
– Affirmation faite avec l'intention de tromper.
[56] Le crime d'entrave à la justice, quant à lui, nécessite la preuve d'un acte volontairement fait avec l'intention d'entraver la justice.
[57] Outre les éléments matériels, les deux infractions commandent l'existence d'une intention spécifique qui doit être prouvée hors de tout doute raisonnable.
[58] Dans l'arrêt Calder, l'accusé, contredit par un témoin sur une de ses affirmations, déclare que son témoignage livré plus d'un an après les événements le fut de façon honnête à partir de ce qu'il pouvait se rappeler.
[59] Dans son jugement, la Cour suprême du Canada renverse la décision de la Cour d'appel de l'Alberta et prononce l'acquittement de Calder en spécifiant que malgré une preuve sur le premier élément, soit la fausse déclaration sous serment, la preuve est inexistante concernant la connaissance de la fausseté et de l'intention de tromper.
[60] Pour la Cour, la preuve livrée par l'accusé peut avoir été une erreur même si elle était douteuse, mais l'erreur seule n'apporte aucune base pour inférer l'intention et la connaissance nécessaire pour supporter une condamnation de parjure.
[61] Dans l'arrêt Hébert, la Cour suprême indique que même si l'appelant a reconnu avoir intentionnellement menti en rendant son témoignage, il pouvait présenter comme défense le fait qu'il n'avait pas l'intention de tromper. C'est ainsi qu'elle exprime cette idée : « S'il est vrai que de façon générale celui qui ment le fait avec l'intention d'être cru, il n'est pas exclu, quoique cela soit exceptionnel, que l'on puisse intentionnellement mentir sans avoir l'intention de tromper. »
[62] Il va sans dire que la preuve de la connaissance de la fausseté de l'affirmation faite sous serment est primordiale dans la détermination du troisième élément, soit l'intention de tromper. Ainsi, lorsque les deux premiers éléments sont prouvés, la Cour pourra déduire que l'intention de tromper se trouve également prouvée.
2) Erreur, insouciance et intention de tromper
[63] Que ce soit au plan du parjure ou de l'entrave à la justice, l'erreur de jugement, la faute déontologique, la conduite inappropriée ou non professionnelle, l'insouciance ou la négligence ne sauraient, invariablement, conduire à la culpabilité de l'accusé.
[64] Ainsi, dans l'arrêt Besner, la Cour d'appel du Québec acquitte un accusé qui avait déclaré faussement être sans antécédents judiciaires lors du contre-interrogatoire de la poursuite. Dans le cadre de sa défense, face à une accusation de parjure, Besner avait déclaré au juge de première instance qu'il avait témoigné stressé, avait mal compris la question, répondu de façon négligente et n'avait aucun intérêt à mentir. Le juge rejeta ses prétentions, spécifiant que même si une négligence ou une insouciance avait été retenue, ce qui n'était pas le cas, l'accusé devait quand même être trouvé coupable de parjure.
[65] C'est principalement en se basant sur son absence d'intérêt à mentir que la Cour d'appel conclut au manque de preuve sur l'intention de tromper. En l'espèce, il est plausible que l'appelant ait répondu à la question de façon automatique, sans intention d'induire en erreur. L'action négligente ou l'insouciance n'est pas suffisante pour constituer l'intention spécifique de parjure. Même si de par ses fonctions on peut supposer que Besner donnait une fausse réponse, cette présomption peut devenir sujette à doute raisonnable.
[66] La Cour d'appel de l'Alberta dans l'arrêt R. c. Seath réitère que l'erreur ou l'ambiguïté n'est pas un fondement à la connaissance de la fausseté. Elle signale que l'élément mental du parjure requiert la preuve que l'accusé avait l'intention de faire l'acte qui constitue l'actus reus de l'offense et qu'il a fait la fausse déclaration sous serment avec la connaissance spécifique de sa fausseté et dans l'intention de tromper.
[67] L'arrêt Boross vient de son côté établir l'importance que l'ensemble du témoignage de l'accusé, d'où ressort l'affirmation mensongère, soit mis en preuve afin de déterminer si malgré les faussetés, le témoignage peut révéler qu'elles n'ont pas été faites volontairement.
[68] Ainsi, une rétractation, dans le cadre du témoignage, sans constituer une défense en soi pourrait, à tout le moins, soulever un doute raisonnable sur l'intention de tromper.
[69] À cet effet, la Cour signalait :
« The distinction lies in the scope of the qualifying statement. Whether it is directed to an explanation of an earlier, unintended, false assertion as opposed to a mea culpa confession of an earlier and wilful deception, the sum of all the evidence taken must be weighed by the trier of fact to determine if intent to mislead has been proven. »
[70] Il est donc loisible de penser que le maître des faits puisse déterminer l'absence d'intention criminelle à travers la conduite de l'accusé et les explications fournies dans le cadre même de son témoignage. L'aveu de l'erreur, sans constituer une défense, pourra servir dans la détermination d'un doute raisonnable au plan de la mens rea.
[71] Dans l'arrêt R. c. R.D., après une analyse de l'arrêt Boross, le juge Wayne de la Cour supérieure d'Ontario en vient à affirmer :
« A conviction for perjury does not necessarily result from the witness' admission that he lied under oath. The question of intention remains one for the trier of fact, on the perjury charge, even though it must be acknowledged that the admission will, in most cases, be powerful evidence. »
3) Mobile et preuve circonstancielle
[72] Depuis longtemps les tribunaux ont considéré que le mobile n'est pas indispensable pour prouver l'intention. Il s'agit là de deux concepts distincts.
[73] Le mobile ne fait pas partie des éléments essentiels d'un crime, mais son absence ou sa présence pourra être soit interprétée positivement ou négativement envers l'accusé. C'est une question de fait qui doit être mesurée à la lumière de toutes les circonstances mises en preuve.
[74] Cette preuve du mobile peut constituer une preuve circonstancielle susceptible d'établir l'intention de l'accusé lors de la commission de l'acte et sa motivation à poser un geste.
[75] Mais par ailleurs, la culpabilité d'un accusé face à une telle preuve implique toujours que celle-ci est compatible avec cette conclusion, mais incompatible avec toute autre solution logique; ce qui illustre le principe de la présomption d'innocence.
[76] Et c'est ici qu'une conclusion logique de culpabilité doit être distinguée d'une inférence de culpabilité basée sur des conjectures et spéculations. Alors que la conjecture équivaut à de la spéculation, l'inférence logique sera une déduction rationnelle à partir de la preuve. Cette dernière servira de lien entre les faits observés et prouvés et le résultat de la déduction finale.
[77] Bien que l'effet cumulatif de différents types de preuve circonstancielle pourrait conduire à une culpabilité en l'absence d'une preuve contraire de l'accusé, cela n'implique pas nécessairement l'obligation de témoigner comme le souligne l'auteure Louise Viau :
« Cette assertion ne veut pas dire que l'accusé doit automatiquement témoigner, mais plutôt qu'il devra soit à l'intérieur de la preuve de la poursuite, soit dans la présentation de sa défense, suggérer une autre conclusion logique que la culpabilité. »
Lien vers la décision
1) Connexité des éléments essentiels
[55] Le crime de parjure implique la preuve de trois éléments essentiels qui sont :
– Affirmation fausse faite sous serment.
– Connaissance de la part du déclarant que cette affirmation est fausse au moment où elle est faite.
– Affirmation faite avec l'intention de tromper.
[56] Le crime d'entrave à la justice, quant à lui, nécessite la preuve d'un acte volontairement fait avec l'intention d'entraver la justice.
[57] Outre les éléments matériels, les deux infractions commandent l'existence d'une intention spécifique qui doit être prouvée hors de tout doute raisonnable.
[58] Dans l'arrêt Calder, l'accusé, contredit par un témoin sur une de ses affirmations, déclare que son témoignage livré plus d'un an après les événements le fut de façon honnête à partir de ce qu'il pouvait se rappeler.
[59] Dans son jugement, la Cour suprême du Canada renverse la décision de la Cour d'appel de l'Alberta et prononce l'acquittement de Calder en spécifiant que malgré une preuve sur le premier élément, soit la fausse déclaration sous serment, la preuve est inexistante concernant la connaissance de la fausseté et de l'intention de tromper.
[60] Pour la Cour, la preuve livrée par l'accusé peut avoir été une erreur même si elle était douteuse, mais l'erreur seule n'apporte aucune base pour inférer l'intention et la connaissance nécessaire pour supporter une condamnation de parjure.
[61] Dans l'arrêt Hébert, la Cour suprême indique que même si l'appelant a reconnu avoir intentionnellement menti en rendant son témoignage, il pouvait présenter comme défense le fait qu'il n'avait pas l'intention de tromper. C'est ainsi qu'elle exprime cette idée : « S'il est vrai que de façon générale celui qui ment le fait avec l'intention d'être cru, il n'est pas exclu, quoique cela soit exceptionnel, que l'on puisse intentionnellement mentir sans avoir l'intention de tromper. »
[62] Il va sans dire que la preuve de la connaissance de la fausseté de l'affirmation faite sous serment est primordiale dans la détermination du troisième élément, soit l'intention de tromper. Ainsi, lorsque les deux premiers éléments sont prouvés, la Cour pourra déduire que l'intention de tromper se trouve également prouvée.
2) Erreur, insouciance et intention de tromper
[63] Que ce soit au plan du parjure ou de l'entrave à la justice, l'erreur de jugement, la faute déontologique, la conduite inappropriée ou non professionnelle, l'insouciance ou la négligence ne sauraient, invariablement, conduire à la culpabilité de l'accusé.
[64] Ainsi, dans l'arrêt Besner, la Cour d'appel du Québec acquitte un accusé qui avait déclaré faussement être sans antécédents judiciaires lors du contre-interrogatoire de la poursuite. Dans le cadre de sa défense, face à une accusation de parjure, Besner avait déclaré au juge de première instance qu'il avait témoigné stressé, avait mal compris la question, répondu de façon négligente et n'avait aucun intérêt à mentir. Le juge rejeta ses prétentions, spécifiant que même si une négligence ou une insouciance avait été retenue, ce qui n'était pas le cas, l'accusé devait quand même être trouvé coupable de parjure.
[65] C'est principalement en se basant sur son absence d'intérêt à mentir que la Cour d'appel conclut au manque de preuve sur l'intention de tromper. En l'espèce, il est plausible que l'appelant ait répondu à la question de façon automatique, sans intention d'induire en erreur. L'action négligente ou l'insouciance n'est pas suffisante pour constituer l'intention spécifique de parjure. Même si de par ses fonctions on peut supposer que Besner donnait une fausse réponse, cette présomption peut devenir sujette à doute raisonnable.
[66] La Cour d'appel de l'Alberta dans l'arrêt R. c. Seath réitère que l'erreur ou l'ambiguïté n'est pas un fondement à la connaissance de la fausseté. Elle signale que l'élément mental du parjure requiert la preuve que l'accusé avait l'intention de faire l'acte qui constitue l'actus reus de l'offense et qu'il a fait la fausse déclaration sous serment avec la connaissance spécifique de sa fausseté et dans l'intention de tromper.
[67] L'arrêt Boross vient de son côté établir l'importance que l'ensemble du témoignage de l'accusé, d'où ressort l'affirmation mensongère, soit mis en preuve afin de déterminer si malgré les faussetés, le témoignage peut révéler qu'elles n'ont pas été faites volontairement.
[68] Ainsi, une rétractation, dans le cadre du témoignage, sans constituer une défense en soi pourrait, à tout le moins, soulever un doute raisonnable sur l'intention de tromper.
[69] À cet effet, la Cour signalait :
« The distinction lies in the scope of the qualifying statement. Whether it is directed to an explanation of an earlier, unintended, false assertion as opposed to a mea culpa confession of an earlier and wilful deception, the sum of all the evidence taken must be weighed by the trier of fact to determine if intent to mislead has been proven. »
[70] Il est donc loisible de penser que le maître des faits puisse déterminer l'absence d'intention criminelle à travers la conduite de l'accusé et les explications fournies dans le cadre même de son témoignage. L'aveu de l'erreur, sans constituer une défense, pourra servir dans la détermination d'un doute raisonnable au plan de la mens rea.
[71] Dans l'arrêt R. c. R.D., après une analyse de l'arrêt Boross, le juge Wayne de la Cour supérieure d'Ontario en vient à affirmer :
« A conviction for perjury does not necessarily result from the witness' admission that he lied under oath. The question of intention remains one for the trier of fact, on the perjury charge, even though it must be acknowledged that the admission will, in most cases, be powerful evidence. »
3) Mobile et preuve circonstancielle
[72] Depuis longtemps les tribunaux ont considéré que le mobile n'est pas indispensable pour prouver l'intention. Il s'agit là de deux concepts distincts.
[73] Le mobile ne fait pas partie des éléments essentiels d'un crime, mais son absence ou sa présence pourra être soit interprétée positivement ou négativement envers l'accusé. C'est une question de fait qui doit être mesurée à la lumière de toutes les circonstances mises en preuve.
[74] Cette preuve du mobile peut constituer une preuve circonstancielle susceptible d'établir l'intention de l'accusé lors de la commission de l'acte et sa motivation à poser un geste.
[75] Mais par ailleurs, la culpabilité d'un accusé face à une telle preuve implique toujours que celle-ci est compatible avec cette conclusion, mais incompatible avec toute autre solution logique; ce qui illustre le principe de la présomption d'innocence.
[76] Et c'est ici qu'une conclusion logique de culpabilité doit être distinguée d'une inférence de culpabilité basée sur des conjectures et spéculations. Alors que la conjecture équivaut à de la spéculation, l'inférence logique sera une déduction rationnelle à partir de la preuve. Cette dernière servira de lien entre les faits observés et prouvés et le résultat de la déduction finale.
[77] Bien que l'effet cumulatif de différents types de preuve circonstancielle pourrait conduire à une culpabilité en l'absence d'une preuve contraire de l'accusé, cela n'implique pas nécessairement l'obligation de témoigner comme le souligne l'auteure Louise Viau :
« Cette assertion ne veut pas dire que l'accusé doit automatiquement témoigner, mais plutôt qu'il devra soit à l'intérieur de la preuve de la poursuite, soit dans la présentation de sa défense, suggérer une autre conclusion logique que la culpabilité. »
Les principes qui doivent guider les tribunaux lorsque se pose un problème relatif à la date de la commission du crime
S.D. c. R., 2010 QCCA 1418 (CanLII)
[18] L’arrêt de principe en la matière enseigne ce qui suit :
44 Accordingly, when a court is faced with circumstances in which the time of the offence cannot be determined with precision or the information conflicts with the evidence, the first question that must be asked is whether time is either an essential element of the offence or crucial to the defense. It will only be in cases where this first question is answered affirmatively that the trier of fact must then determine whether the time of the offence has been proven beyond a reasonable doubt. If the answer to the first question is in the negative, a conviction may result even although the time of the offence is not proven, provided that the rest of the Crown's case is proven beyond a reasonable doubt.
[19] Par ailleurs, dans Vézina et Côté c. La Reine, le juge Lamer, alors puîné, rappelait que :
[…] on peut dire en toute honnêteté que la notion portant que l'application de la règle du « superfétatoire » ne doit pas porter préjudice au prévenu est un thème constant en jurisprudence.
[20] C’est ainsi que, dans R c. M.M., notre regretté collègue, le juge Proulx, résumait de façon limpide l’état du droit sur la question :
11 Des arrêts Vézina et Côté c. La Reine, 1986 CanLII 93 (C.S.C.), [1986] 1 R.C.S. 2 et R. c. B.(G.), 1990 CanLII 114 (C.S.C.), [1990] 2 R.C.S. 30, l'on peut dégager les principes suivants qui doivent guider les tribunaux lorsque se pose un problème relatif à la date de la commission du crime qui est allégué dans l'acte d'accusation :
1) Eu égard à la règle que le ministère public doit faire la preuve des éléments essentiels de l'accusation, il est admis que la date de l'infraction n'a pas à être établie pour qu'il y ait déclaration de culpabilité sauf lorsque la date est un élément essentiel de l'infraction;
2) Il est sans conséquence que la date précisée dans l'acte d'accusation soit différente de celle qui ressort de la preuve à moins que l'accusé puisse être induit en erreur par la divergence, et par conséquent, qu'il lui soit porté préjudice relativement à sa défense. En d'autres termes, le préjudice causé au prévenu limite clairement le recours à la règle du superfétatoire soit la règle qu'un élément non essentiel n'a pas à être prouvé.
[18] L’arrêt de principe en la matière enseigne ce qui suit :
44 Accordingly, when a court is faced with circumstances in which the time of the offence cannot be determined with precision or the information conflicts with the evidence, the first question that must be asked is whether time is either an essential element of the offence or crucial to the defense. It will only be in cases where this first question is answered affirmatively that the trier of fact must then determine whether the time of the offence has been proven beyond a reasonable doubt. If the answer to the first question is in the negative, a conviction may result even although the time of the offence is not proven, provided that the rest of the Crown's case is proven beyond a reasonable doubt.
[19] Par ailleurs, dans Vézina et Côté c. La Reine, le juge Lamer, alors puîné, rappelait que :
[…] on peut dire en toute honnêteté que la notion portant que l'application de la règle du « superfétatoire » ne doit pas porter préjudice au prévenu est un thème constant en jurisprudence.
[20] C’est ainsi que, dans R c. M.M., notre regretté collègue, le juge Proulx, résumait de façon limpide l’état du droit sur la question :
11 Des arrêts Vézina et Côté c. La Reine, 1986 CanLII 93 (C.S.C.), [1986] 1 R.C.S. 2 et R. c. B.(G.), 1990 CanLII 114 (C.S.C.), [1990] 2 R.C.S. 30, l'on peut dégager les principes suivants qui doivent guider les tribunaux lorsque se pose un problème relatif à la date de la commission du crime qui est allégué dans l'acte d'accusation :
1) Eu égard à la règle que le ministère public doit faire la preuve des éléments essentiels de l'accusation, il est admis que la date de l'infraction n'a pas à être établie pour qu'il y ait déclaration de culpabilité sauf lorsque la date est un élément essentiel de l'infraction;
2) Il est sans conséquence que la date précisée dans l'acte d'accusation soit différente de celle qui ressort de la preuve à moins que l'accusé puisse être induit en erreur par la divergence, et par conséquent, qu'il lui soit porté préjudice relativement à sa défense. En d'autres termes, le préjudice causé au prévenu limite clairement le recours à la règle du superfétatoire soit la règle qu'un élément non essentiel n'a pas à être prouvé.
vendredi 11 mars 2011
L'état du droit relatif à l'appareil de détection approuvé / revue de la jurisprudence applicable par le juge Pierre Belisle
R. c. Laurin, 2011 QCCQ 1699 (CanLII)
[22] Cela étant, la poursuite n’a pas à démontrer le bon fonctionnement de l’appareil de détection approuvé au moment de la lecture dans la mesure où le policier croyait raisonnablement qu’il fonctionnait adéquatement : (références omises)
Voir aussi d’autres décisions au même effet : (références omises)
[23] L’échec au test de dépistage ne sert qu’à donner à l’agent de la paix des motifs raisonnables et probables lui permettant d’ordonner à l’accusé de se soumettre à l’alcootest (art. 254(3) C.cr.).
[24] Cet échec ne constitue pas une infraction et ne peut à lui seul fonder une déclaration de culpabilité à une accusation de conduite avec une capacité affaiblie par l’effet de l’alcool ou avec une alcoolémie supérieure à la limite légale. À cet effet, la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse, dans R. c. Cameron, 2003 NSSC 229 (CanLII), 2003 NSSC 229 (CanLII), au paragr. 20, se référant à l’arrêt de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse, dans R. c. Seymour, reflex, [1986] N.S.J. no 571; 75 N.S.R. (2d) 174, au paragr. 8, s’exprime ainsi :
8 The Crown is not required to produce evidence that the A.L.E.R.T. device is an approved instrument or that it was functioning properly at the time for the reason that failing the A.L.E.R.T. is not an offence. It will suffice on this point to refer to R. v. Fraser (1983), 57 N.S.R. (2d) 91, wherein Macdonald J.A., stated at p. 97 :
“If a person is to be convicted upon the reading of a machine the court must, of course, be satisfied beyond a reasonable doubt that the machine was functioning properly. A ‘fail’ result registered by the A.L.E.R.T., not being the result of a chemical analysis of a breath sample, cannot found a conviction for any drinking and driving offence. That being so there is no obligation upon the Crown to lead evidence that the machine is working properly.”
[25] Selon le Règlement sur les appareils de détection d’alcool, un appareil de ce type doit être étalonné à tous les 15 jours par un technicien en étalonnage. Cette procédure doit être inscrite sur un relevé d’utilisation. Aucune réglementation semblable n’existe au niveau fédéral ou dans les autres provinces canadiennes : R. c. Dufour, 2009 QCCQ 7790 (CanLII), 2009 QCCQ 7790, paragr. 12.
[27] Dans R. c. Granger, le délai de vérification de l’appareil de détection était expiré. Le juge Bouchard rappelle que cette exigence de la réglementation québécoise ne s’applique pas au Code criminel. Dans R. c. Guévremont, le juge Pillarella conclut que le Code criminel n’impose aucune obligation de vérifier un appareil de détection approuvé et que les résultats des tests obtenus ne peuvent être exclus. Dans R. c. Zrig, la juge Roy estime qu’il n’y a pas lieu d’exclure les échantillons d’haleine, car « un règlement adopté par la législation provinciale ne peut modifier la procédure dans une matière criminelle qui relève de la compétence du Parlement fédéral ».
[22] Cela étant, la poursuite n’a pas à démontrer le bon fonctionnement de l’appareil de détection approuvé au moment de la lecture dans la mesure où le policier croyait raisonnablement qu’il fonctionnait adéquatement : (références omises)
Voir aussi d’autres décisions au même effet : (références omises)
[23] L’échec au test de dépistage ne sert qu’à donner à l’agent de la paix des motifs raisonnables et probables lui permettant d’ordonner à l’accusé de se soumettre à l’alcootest (art. 254(3) C.cr.).
[24] Cet échec ne constitue pas une infraction et ne peut à lui seul fonder une déclaration de culpabilité à une accusation de conduite avec une capacité affaiblie par l’effet de l’alcool ou avec une alcoolémie supérieure à la limite légale. À cet effet, la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse, dans R. c. Cameron, 2003 NSSC 229 (CanLII), 2003 NSSC 229 (CanLII), au paragr. 20, se référant à l’arrêt de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse, dans R. c. Seymour, reflex, [1986] N.S.J. no 571; 75 N.S.R. (2d) 174, au paragr. 8, s’exprime ainsi :
8 The Crown is not required to produce evidence that the A.L.E.R.T. device is an approved instrument or that it was functioning properly at the time for the reason that failing the A.L.E.R.T. is not an offence. It will suffice on this point to refer to R. v. Fraser (1983), 57 N.S.R. (2d) 91, wherein Macdonald J.A., stated at p. 97 :
“If a person is to be convicted upon the reading of a machine the court must, of course, be satisfied beyond a reasonable doubt that the machine was functioning properly. A ‘fail’ result registered by the A.L.E.R.T., not being the result of a chemical analysis of a breath sample, cannot found a conviction for any drinking and driving offence. That being so there is no obligation upon the Crown to lead evidence that the machine is working properly.”
[25] Selon le Règlement sur les appareils de détection d’alcool, un appareil de ce type doit être étalonné à tous les 15 jours par un technicien en étalonnage. Cette procédure doit être inscrite sur un relevé d’utilisation. Aucune réglementation semblable n’existe au niveau fédéral ou dans les autres provinces canadiennes : R. c. Dufour, 2009 QCCQ 7790 (CanLII), 2009 QCCQ 7790, paragr. 12.
[27] Dans R. c. Granger, le délai de vérification de l’appareil de détection était expiré. Le juge Bouchard rappelle que cette exigence de la réglementation québécoise ne s’applique pas au Code criminel. Dans R. c. Guévremont, le juge Pillarella conclut que le Code criminel n’impose aucune obligation de vérifier un appareil de détection approuvé et que les résultats des tests obtenus ne peuvent être exclus. Dans R. c. Zrig, la juge Roy estime qu’il n’y a pas lieu d’exclure les échantillons d’haleine, car « un règlement adopté par la législation provinciale ne peut modifier la procédure dans une matière criminelle qui relève de la compétence du Parlement fédéral ».
mercredi 9 mars 2011
Le rôle du juge de la Cour supérieure lorsqu’il y a appel d’un jugement rendu par la Cour du Québec, que ce soit en matière pénale, criminelle ou en matière de jeunesse
R. c. Arsenault, 2011 QCCS 949 (CanLII)
[9] La Cour d’appel ainsi que la Cour suprême ont statué à maintes reprises sur le rôle du juge de la Cour supérieure lorsqu’il y a appel d’un jugement rendu par la Cour du Québec, que ce soit en matière pénale, criminelle ou en matière de jeunesse :
a) Le juge d’appel doit faire preuve d’une grande réserve sur les questions relatives à l’appréciation de la preuve;
b) Relativement aux questions de fait, le juge d’appel doit s’abstenir d’intervenir en l’absence d’une erreur manifeste et déterminante de la part du juge de première instance;
c) Puisqu’il ne s’agit pas de décider de novo, le juge d’appel doit s’abstenir d’intervenir pour l’unique motif qu’il aurait décidé autrement;
d) Le juge d’appel ne doit intervenir que s’il est démontré une erreur de droit ou une interprétation déraisonnable des faits;
[9] La Cour d’appel ainsi que la Cour suprême ont statué à maintes reprises sur le rôle du juge de la Cour supérieure lorsqu’il y a appel d’un jugement rendu par la Cour du Québec, que ce soit en matière pénale, criminelle ou en matière de jeunesse :
a) Le juge d’appel doit faire preuve d’une grande réserve sur les questions relatives à l’appréciation de la preuve;
b) Relativement aux questions de fait, le juge d’appel doit s’abstenir d’intervenir en l’absence d’une erreur manifeste et déterminante de la part du juge de première instance;
c) Puisqu’il ne s’agit pas de décider de novo, le juge d’appel doit s’abstenir d’intervenir pour l’unique motif qu’il aurait décidé autrement;
d) Le juge d’appel ne doit intervenir que s’il est démontré une erreur de droit ou une interprétation déraisonnable des faits;
mardi 8 mars 2011
L'exigence de lien de causalité participe à l'actus reus de l'infraction de voies de fait grave
R. c. Levasseur, 2002 CanLII 3279 (QC C.Q.)
[13] Il s'agit ici de déterminer la nature du lien entre l'acte illégal, le coup porté à la gorge et la conséquence, la mise en danger de la vie de la victime. Le lien de causalité participe à l'actus reus de l'infraction. La norme causale qu'avait énoncé la Cour suprême dans l'arrêt Smithers c. R., 1977 CanLII 7 (C.S.C.), [1978] 1 R.C.S. 506, en matière d'homicide involontaire, à savoir « contribution plus que mineure » a été appliquée en beaucoup d'autres circonstances par plusieurs Cours d'appel au Canada.
[14] Dans l'arrêt R. c. Nette, [2001] CSC 78, rendu en matière de meurtre, la Cour suprême élève clairement au rang de principe la nécessité d'établir la responsabilité relative à un résultat donné au plan des faits comme au plan du droit. Par contre, la Cour, à la majorité, ne souhaite pas modifier la norme établie à la suite de l'arrêt Smithers mais reformule le concept de la façon suivante « cause ayant contribué de façon appréciable ». Étonnamment, quatre juges de la Cour rédigent une opinion distincte dans laquelle ils réitèrent leur appui à la formulation traditionnelle en illustrant le fait que la formulation proposée par la majorité aurait pour effet de modifier radicalement le contenu du critère de causalité.
[15] Quand même, il se dégage de cette décision que la Cour ne souhaitait pas rehausser le contenu de la norme de causalité formulée dans l'arrêt Smithers même si elle propose une formulation remaniée. Il m'apparaissait important de la rappeler puisque la Cour d'appel du Québec avait le 9 août 2001 dans une décision très intéressante, quelques mois avant que ne soit connu la décision de Nette, procédé à une analyse exhaustive de la norme et suggéré que le temps était peut-être venu de rendre la norme causale plus exigeante, Dwayne Lucas c. R., C.A.Q. 500-10-001508-983.
[16] Je retiendrai donc la nouvelle formulation « cause ayant contribué de façon appréciable » en interprétant le mot appréciable comme signifiant «plus que mineure» donc plus qu'«ayant contribué d'une façon qui n'est ni négligeable ni insignifiante ».
[13] Il s'agit ici de déterminer la nature du lien entre l'acte illégal, le coup porté à la gorge et la conséquence, la mise en danger de la vie de la victime. Le lien de causalité participe à l'actus reus de l'infraction. La norme causale qu'avait énoncé la Cour suprême dans l'arrêt Smithers c. R., 1977 CanLII 7 (C.S.C.), [1978] 1 R.C.S. 506, en matière d'homicide involontaire, à savoir « contribution plus que mineure » a été appliquée en beaucoup d'autres circonstances par plusieurs Cours d'appel au Canada.
[14] Dans l'arrêt R. c. Nette, [2001] CSC 78, rendu en matière de meurtre, la Cour suprême élève clairement au rang de principe la nécessité d'établir la responsabilité relative à un résultat donné au plan des faits comme au plan du droit. Par contre, la Cour, à la majorité, ne souhaite pas modifier la norme établie à la suite de l'arrêt Smithers mais reformule le concept de la façon suivante « cause ayant contribué de façon appréciable ». Étonnamment, quatre juges de la Cour rédigent une opinion distincte dans laquelle ils réitèrent leur appui à la formulation traditionnelle en illustrant le fait que la formulation proposée par la majorité aurait pour effet de modifier radicalement le contenu du critère de causalité.
[15] Quand même, il se dégage de cette décision que la Cour ne souhaitait pas rehausser le contenu de la norme de causalité formulée dans l'arrêt Smithers même si elle propose une formulation remaniée. Il m'apparaissait important de la rappeler puisque la Cour d'appel du Québec avait le 9 août 2001 dans une décision très intéressante, quelques mois avant que ne soit connu la décision de Nette, procédé à une analyse exhaustive de la norme et suggéré que le temps était peut-être venu de rendre la norme causale plus exigeante, Dwayne Lucas c. R., C.A.Q. 500-10-001508-983.
[16] Je retiendrai donc la nouvelle formulation « cause ayant contribué de façon appréciable » en interprétant le mot appréciable comme signifiant «plus que mineure» donc plus qu'«ayant contribué d'une façon qui n'est ni négligeable ni insignifiante ».
L'exigence de lien de causalité entre l'acte illégal et la prévision objective de lésions corporelles dans le cadre de l'infraction de voies de fait grave
Grégoire c. R., 2010 QCCA 1200 (CanLII)
[11] La mens rea requise pour les voies de fait grave causant des blessures est la prévision objective de lésions corporelles, sans qu'il ne soit nécessaire de démontrer une intention de blesser. L'acte illégal dans la présente affaire est d'ailleurs admis et l'intention de l'accusé de porter deux coups de pied à la tête de la victime n'est pas remise en question. Dans ces circonstances :
Lorsque cet acte illégal est accompagné d'un élément moral requis pour l'infraction reprochée, la question de la causalité ne se pose généralement pas.
[11] La mens rea requise pour les voies de fait grave causant des blessures est la prévision objective de lésions corporelles, sans qu'il ne soit nécessaire de démontrer une intention de blesser. L'acte illégal dans la présente affaire est d'ailleurs admis et l'intention de l'accusé de porter deux coups de pied à la tête de la victime n'est pas remise en question. Dans ces circonstances :
Lorsque cet acte illégal est accompagné d'un élément moral requis pour l'infraction reprochée, la question de la causalité ne se pose généralement pas.
La mens rea requise aux fins du par. 268(1) du Code criminel est la prévision objective de lésions corporelles
R. c. Godin, [1994] 2 R.C.S. 484
La mens rea requise aux fins du par. 268(1) du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, est la prévision objective de lésions corporelles. Il n'est pas nécessaire qu'il y ait eu intention de blesser, mutiler ou défigurer. Le paragraphe se rapporte à des voies de fait qui ont pour conséquence de blesser, mutiler ou défigurer. Cela découle des décisions des arrêts R. c. DeSousa, 1992 CanLII 80 (C.S.C.), [1992] 2 R.C.S. 944, et R. c. Creighton, 1993 CanLII 61 (C.S.C.), [1993] 3 R.C.S. 3, de notre Cour.
La mens rea requise aux fins du par. 268(1) du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, est la prévision objective de lésions corporelles. Il n'est pas nécessaire qu'il y ait eu intention de blesser, mutiler ou défigurer. Le paragraphe se rapporte à des voies de fait qui ont pour conséquence de blesser, mutiler ou défigurer. Cela découle des décisions des arrêts R. c. DeSousa, 1992 CanLII 80 (C.S.C.), [1992] 2 R.C.S. 944, et R. c. Creighton, 1993 CanLII 61 (C.S.C.), [1993] 3 R.C.S. 3, de notre Cour.
lundi 7 mars 2011
Est-ce que le fait pour une personne de refuser de s'identifier à un agent de la paix, lorsqu'elle est arrêtée pour une infraction pénale, peut constituer une entrave au sens de l'article 129 C.cr. ?
PHILIPPE VIGNEAULT c. SA MAJESTÉ LA REINE
No de dossier: COUR D'APPEL / 500-10-002139-010
No de dossier: PREMIÈRE INSTANCE ((500-36-002391-012) C.S.M. (198-073-298) C.M.M.)
DATE : 19 NOVEMBRE 2002
[1] La question soulevée par cet appel est assez précise et a été circonscrite, d'abord dans le jugement du juge Morris J. Fish, et deuxièmement dans le jugement de la juge Lise Côté. Elle peut être décrite comme suit :
Est-ce que le fait pour une personne de refuser de s'identifier à un agent de la paix, lorsqu'elle est arrêtée pour une infraction pénale, peut constituer une entrave au sens de l'article 129 C.cr. ?
[2] Nous sommes unanimement d'avis qu'il faut répondre à cette question par
l'affirmative. À cet égard, nous sommes d'accord avec la conclusion de la juge de la Cour supérieure et avec son raisonnement
No de dossier: COUR D'APPEL / 500-10-002139-010
No de dossier: PREMIÈRE INSTANCE ((500-36-002391-012) C.S.M. (198-073-298) C.M.M.)
DATE : 19 NOVEMBRE 2002
[1] La question soulevée par cet appel est assez précise et a été circonscrite, d'abord dans le jugement du juge Morris J. Fish, et deuxièmement dans le jugement de la juge Lise Côté. Elle peut être décrite comme suit :
Est-ce que le fait pour une personne de refuser de s'identifier à un agent de la paix, lorsqu'elle est arrêtée pour une infraction pénale, peut constituer une entrave au sens de l'article 129 C.cr. ?
[2] Nous sommes unanimement d'avis qu'il faut répondre à cette question par
l'affirmative. À cet égard, nous sommes d'accord avec la conclusion de la juge de la Cour supérieure et avec son raisonnement
vendredi 4 mars 2011
L'état du droit concernant la détention aux fins d'enquête
R. c. Mann, 2004 CSC 52, [2004] 3 R.C.S. 59
45 En résumé, comme il a été expliqué plus tôt, les policiers peuvent détenir une personne aux fins d’enquête s’ils ont des motifs raisonnables de soupçonner, à la lumière de toutes les circonstances, que cette personne est impliquée dans un crime donné et qu’il est nécessaire de la détenir. En outre, le policier qui possède des motifs raisonnables de croire que sa sécurité ou celle d’autrui est menacée peut soumettre la personne qu’il détient à une fouille par palpation préventive. Tant la détention que la fouille par palpation doivent être effectuées de manière non abusive. À cet égard, je souligne que les détentions effectuées aux fins d’enquête doivent être brèves et que les personnes détenues n’ont pas l’obligation de répondre aux questions du policier. Il convient de distinguer les détentions aux fins d’enquête ainsi que le pouvoir de fouille préventive y afférent des arrestations et du pouvoir de fouille y afférent, situation qui ne se présente pas en l’espèce.
45 En résumé, comme il a été expliqué plus tôt, les policiers peuvent détenir une personne aux fins d’enquête s’ils ont des motifs raisonnables de soupçonner, à la lumière de toutes les circonstances, que cette personne est impliquée dans un crime donné et qu’il est nécessaire de la détenir. En outre, le policier qui possède des motifs raisonnables de croire que sa sécurité ou celle d’autrui est menacée peut soumettre la personne qu’il détient à une fouille par palpation préventive. Tant la détention que la fouille par palpation doivent être effectuées de manière non abusive. À cet égard, je souligne que les détentions effectuées aux fins d’enquête doivent être brèves et que les personnes détenues n’ont pas l’obligation de répondre aux questions du policier. Il convient de distinguer les détentions aux fins d’enquête ainsi que le pouvoir de fouille préventive y afférent des arrestations et du pouvoir de fouille y afférent, situation qui ne se présente pas en l’espèce.
jeudi 3 mars 2011
La personne raisonnable
R. c. S. (R.D.), [1997] 3 R.C.S. 484
36. L’existence d’une crainte raisonnable de partialité ou son absence est déterminée par référence à une personne raisonnable, bien renseignée, qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique (Committee for Justice and Liberty, précité). Cette personne n’est pas «de nature scrupuleuse ou tatillonne», c’est plutôt une personne sensée qui connaît les circonstances de la cause.
37. Il s’ensuit que ce qui entre en ligne de compte, ce sont la connaissance et la compréhension que la personne raisonnable a du processus judiciaire et de l’exercice de la justice ainsi que de la collectivité où le crime reproché a été commis.
36. L’existence d’une crainte raisonnable de partialité ou son absence est déterminée par référence à une personne raisonnable, bien renseignée, qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique (Committee for Justice and Liberty, précité). Cette personne n’est pas «de nature scrupuleuse ou tatillonne», c’est plutôt une personne sensée qui connaît les circonstances de la cause.
37. Il s’ensuit que ce qui entre en ligne de compte, ce sont la connaissance et la compréhension que la personne raisonnable a du processus judiciaire et de l’exercice de la justice ainsi que de la collectivité où le crime reproché a été commis.
mercredi 2 mars 2011
Garde et contrôle: c’est au risque de mise en mouvement que le danger doit être associé
R. c. Leblanc, 2011 CanLII 9441 (QC C.M.)
[6] La poursuivante adopte ainsi les principes émis pas notre Cour d’Appel en 2005 dans l’affaire Sergerie :
« La poursuite n’a pas le fardeau de démontrer hors de tout doute raisonnable un risque réel de mise en mouvement. Elle doit simplement démontrer que l’accusé s’est placé dans une situation susceptible de devenir dangereuse. Le risque en question provient de l’état de jugement altéré par l’alcool d’une personne en état d’ébriété ayant les moyens de mettre son véhicule en mouvement. »
[8] Dans l’affaire Toews, l ’Honorable juge McIntyre de la Cour Suprême a ainsi défini les actes de garde ou contrôle d’un véhicule automobile:
« (…) les actes de garde ou contrôle, hormis l’acte de conduire, sont des actes qui comportent une certaine utilisation du véhicule ou de ses accessoires, ou une conduite quelconque à l’égard du véhicule qui comporterait le risque de le mettre en mouvement de sorte qu’il puisse devenir dangereux. Chaque affaire sera décidée en fonction de ses propres faits et les circonstances où l’on pourra conclure qu’il y a des actes de garde ou de contrôle varieront beaucoup. »
[9] Pour conclure à garde ou contrôle, il faut donc retrouver une certaine utilisation du véhicule ou de ses accessoires qui comporte le risque de le mettre en mouvement.
[10] C’est une erreur d’associer le danger à l’utilisation simple des accessoires tel la radio ou la chaufferette du véhicule.
[11] C’est au risque de mise en mouvement que le danger doit être associé.
[12] La présomption de l’article 258 1 (a) C. cr. a pour but de « décourager les gens en état d’ébriété de se placer dans une situation où ils pourraient mettre un véhicule en marche et en même temps leur fournir un moyen d’échapper à la responsabilité lorsqu’ils avaient un motif pour monter dans le véhicule autre que celui de le mettre en marche. ».
[13] Une fois cette présomption repoussée, celui qui occupait la place du conducteur du véhicule n’est plus réputé en avoir eu la garde ou le contrôle.
[14] La défenderesse a repoussé cette présomption et n’est donc plus réputée avoir eu la garde ou le contrôle de son véhicule.
[15] Il ne pourrait conséquemment être conclu qu’elle avait la garde ou le contrôle de son véhicule, au sens de l’article 253 C. cr., que depuis l’ensemble de la preuve déterminant qu’elle a posé des actes comportant une certaine utilisation du son dit véhicule ou de ses accessoires risquant de le mettre en mouvement, devenant ainsi potentiellement dangereux.
[16] Notre cour d’appel l’a souligné en l’affaire Olivier : le fait qu’un conducteur soit assis derrière le volant, avec la clé dans le contact, n’entraîne pas nécessairement la conclusion qu’il a le contrôle de son véhicule. Chaque cas doit être décidé eu égard à ses propres faits.
[17] L’actus reus de l’infraction de cet article 253 C. cr. serait le fait, pour la défenderesse, d’assumer ce risque de mettre son véhicule en mouvement alors que sa consommation volontaire d’alcool avait affaibli sa capacité de conduire, ou que son alcoolémie était supérieure à la limite permise.
[18] Il y aurait donc absence d’actus reus si l’utilisation de son véhicule ne comportait pas de risque de le mettre en mouvement, de le rendre dangereux :
« Lorsque l’utilisation du véhicule à moteur ne comporte aucun risque de le mettre en marche ou de le rendre dangereux, les cours de justice devraient conclure qu’il y a absence « d’actus reus » (R. Penno, 1990 2 R.C.S. 865)»
« Par contre, la loi ne manque pas totalement de souplesse et ne va pas jusqu’à punir la simple présence dans un véhicule à moteur d’une personne dont la capacité de conduire est affaiblie. En réalité, l’arrêt Toews consacre la règle que, lorsque l’utilisation du véhicule ne comporte aucun risque de le mettre en marche et de le rendre dangereux, les cours de justice devraient conclure qu’il y a absence d’actus reus. »
« J’estime que le fait de se trouver ainsi, seul dans son véhicule, le téléphone cellulaire en main, à la recherche d’un bon samaritain dans le but d’éviter de conduire son véhicule, constitue un fait neutre puisque la présomption a été réfutée. Comme la preuve ne révèle aucun autre acte de l’appelant comportant une certaine utilisation du véhicule, ou encore certains actes établissant une conduite quelconque à l’égard du véhicule qui comportaient le risque de le mettre en mouvement de sorte qu’il puisse devenir dangereux, l’actus reus n’a pas été démontré hors de tout doute raisonnable. »
[19] Ainsi, la mens rea de l’infraction de cet article 253 C. cr. serait l’intention coupable d’assumer ce risque de mettre le véhicule en mouvement après avoir volontairement consommé de l’alcool ou des drogues.
[20] Certes, comme l’a si bien souligné le procureur de la poursuivante, même ayant repoussé la présomption de l’article 258 1 (a) C. cr., même étant ainsi réputée ne pas avoir eu la garde et contrôle de son véhicule, la défenderesse pouvait toujours devenir potentiellement dangereuse, pourrait-on prétendre, car à tout moment et en tout temps elle aurait pu changer d’idée et décider de quitter les lieux sans plus attendre :
« There is no necessity of proving that the offender was posing an immediate danger to the public in order to find him guilty. It is the possibility that the vehicle may be in motion, intentionally or unintentionally, by a person who is intoxicated that poses a problem for the public safety.”
[21] Jusqu’à l’intervention des policiers, il est incontestable que la défenderesse n’avait aucune intention de mettre son véhicule en mouvement, même si elle en avait la possibilité : elle attendait son transporteur contacté par téléphone par son copain.
[29] Répétition volontaire: c’est au risque de mise en mouvement que le danger doit être associé.
[6] La poursuivante adopte ainsi les principes émis pas notre Cour d’Appel en 2005 dans l’affaire Sergerie :
« La poursuite n’a pas le fardeau de démontrer hors de tout doute raisonnable un risque réel de mise en mouvement. Elle doit simplement démontrer que l’accusé s’est placé dans une situation susceptible de devenir dangereuse. Le risque en question provient de l’état de jugement altéré par l’alcool d’une personne en état d’ébriété ayant les moyens de mettre son véhicule en mouvement. »
[8] Dans l’affaire Toews, l ’Honorable juge McIntyre de la Cour Suprême a ainsi défini les actes de garde ou contrôle d’un véhicule automobile:
« (…) les actes de garde ou contrôle, hormis l’acte de conduire, sont des actes qui comportent une certaine utilisation du véhicule ou de ses accessoires, ou une conduite quelconque à l’égard du véhicule qui comporterait le risque de le mettre en mouvement de sorte qu’il puisse devenir dangereux. Chaque affaire sera décidée en fonction de ses propres faits et les circonstances où l’on pourra conclure qu’il y a des actes de garde ou de contrôle varieront beaucoup. »
[9] Pour conclure à garde ou contrôle, il faut donc retrouver une certaine utilisation du véhicule ou de ses accessoires qui comporte le risque de le mettre en mouvement.
[10] C’est une erreur d’associer le danger à l’utilisation simple des accessoires tel la radio ou la chaufferette du véhicule.
[11] C’est au risque de mise en mouvement que le danger doit être associé.
[12] La présomption de l’article 258 1 (a) C. cr. a pour but de « décourager les gens en état d’ébriété de se placer dans une situation où ils pourraient mettre un véhicule en marche et en même temps leur fournir un moyen d’échapper à la responsabilité lorsqu’ils avaient un motif pour monter dans le véhicule autre que celui de le mettre en marche. ».
[13] Une fois cette présomption repoussée, celui qui occupait la place du conducteur du véhicule n’est plus réputé en avoir eu la garde ou le contrôle.
[14] La défenderesse a repoussé cette présomption et n’est donc plus réputée avoir eu la garde ou le contrôle de son véhicule.
[15] Il ne pourrait conséquemment être conclu qu’elle avait la garde ou le contrôle de son véhicule, au sens de l’article 253 C. cr., que depuis l’ensemble de la preuve déterminant qu’elle a posé des actes comportant une certaine utilisation du son dit véhicule ou de ses accessoires risquant de le mettre en mouvement, devenant ainsi potentiellement dangereux.
[16] Notre cour d’appel l’a souligné en l’affaire Olivier : le fait qu’un conducteur soit assis derrière le volant, avec la clé dans le contact, n’entraîne pas nécessairement la conclusion qu’il a le contrôle de son véhicule. Chaque cas doit être décidé eu égard à ses propres faits.
[17] L’actus reus de l’infraction de cet article 253 C. cr. serait le fait, pour la défenderesse, d’assumer ce risque de mettre son véhicule en mouvement alors que sa consommation volontaire d’alcool avait affaibli sa capacité de conduire, ou que son alcoolémie était supérieure à la limite permise.
[18] Il y aurait donc absence d’actus reus si l’utilisation de son véhicule ne comportait pas de risque de le mettre en mouvement, de le rendre dangereux :
« Lorsque l’utilisation du véhicule à moteur ne comporte aucun risque de le mettre en marche ou de le rendre dangereux, les cours de justice devraient conclure qu’il y a absence « d’actus reus » (R. Penno, 1990 2 R.C.S. 865)»
« Par contre, la loi ne manque pas totalement de souplesse et ne va pas jusqu’à punir la simple présence dans un véhicule à moteur d’une personne dont la capacité de conduire est affaiblie. En réalité, l’arrêt Toews consacre la règle que, lorsque l’utilisation du véhicule ne comporte aucun risque de le mettre en marche et de le rendre dangereux, les cours de justice devraient conclure qu’il y a absence d’actus reus. »
« J’estime que le fait de se trouver ainsi, seul dans son véhicule, le téléphone cellulaire en main, à la recherche d’un bon samaritain dans le but d’éviter de conduire son véhicule, constitue un fait neutre puisque la présomption a été réfutée. Comme la preuve ne révèle aucun autre acte de l’appelant comportant une certaine utilisation du véhicule, ou encore certains actes établissant une conduite quelconque à l’égard du véhicule qui comportaient le risque de le mettre en mouvement de sorte qu’il puisse devenir dangereux, l’actus reus n’a pas été démontré hors de tout doute raisonnable. »
[19] Ainsi, la mens rea de l’infraction de cet article 253 C. cr. serait l’intention coupable d’assumer ce risque de mettre le véhicule en mouvement après avoir volontairement consommé de l’alcool ou des drogues.
[20] Certes, comme l’a si bien souligné le procureur de la poursuivante, même ayant repoussé la présomption de l’article 258 1 (a) C. cr., même étant ainsi réputée ne pas avoir eu la garde et contrôle de son véhicule, la défenderesse pouvait toujours devenir potentiellement dangereuse, pourrait-on prétendre, car à tout moment et en tout temps elle aurait pu changer d’idée et décider de quitter les lieux sans plus attendre :
« There is no necessity of proving that the offender was posing an immediate danger to the public in order to find him guilty. It is the possibility that the vehicle may be in motion, intentionally or unintentionally, by a person who is intoxicated that poses a problem for the public safety.”
[21] Jusqu’à l’intervention des policiers, il est incontestable que la défenderesse n’avait aucune intention de mettre son véhicule en mouvement, même si elle en avait la possibilité : elle attendait son transporteur contacté par téléphone par son copain.
[29] Répétition volontaire: c’est au risque de mise en mouvement que le danger doit être associé.
La poursuite a l'obligation de produire tout témoin de la déclaration, sauf explication raisonnable quant à son absence dans le cadre d'un voir-dire
R. c. Fournier, 1987 CanLII 802 (QC C.A.)
Lorsqu'elle entend se servir d'une déclaration de l'accusé, la Couronne, comme on le sait, assume l'obligation de démontrer hors de tout doute raisonnable son caractère libre et volontaire (R. c. Erven, 1978, 1 R.C.S. 26; Park c. R., 1981, 2 R.C.S. 64, p. 66, m. le juge Dickson; Kaufman, The Admissibility of confessions, 3e ed., pp. 21-22). La détermination de ce caractère volontaire pose au juge du procès un problème d'évaluation des faits (voir Park c. R., loc.cit.p. 70, m. le juge Dickson; R. c. Settee, 1974, 229 C.R.N.S. 104, p. 117, m. le juge en chef Culliton. Le juge devra pour apprécier l'ensemble des circonstances de l'affaire et à partir de celles-ci, évaluer si la Couronne a démontré à sa satisfaction et au-delà d'un doute raisonnable que la déclaration a été obtenue librement et sans utilisation de moyens ou d'influence indus, comme la violence, les sévices les pressions ou les promesses d'avantages.
Afin que le juge du procès remplisse adéquatement son rôle et puisse vérifier effectivement le caractère volontaire de la déclaration, conformément aux exigences du droit de la preuve pénale, la jurisprudence a imposé à la Couronne une règle d'information complète sur les circonstances de la déclaration. Cette règle se trouve exprimée en droit canadien, par le juge en chef Anglin, dans l'arrêt Sankey c. R., 1927, R.C.S. 436, pp. 440 et 441:
"We feel, however, that we should not part from this case without expressing our view that the proof of the voluntary character of the accused's statement to the police, which was put in evidence against him, is most unsatisfactory. That statement, put in writing by the police officer, was obtained only upon a fourth questioning to which the accused was subjected on the day following his arrest. Three previous attemps to lead him to "talk" had apparently proved abortive - why we are left to surmise. The accused, a young Indian, could neither read or write. No particulars are vouchsafed as to what transpired at any of the three previous "interviews; and but meagre details are given of the process by which the writen statement ultimately signed by the appellant was obtained. We think that the police officer who obtained that statement should have fully disclosed all that took place on each of the occasions when he "interviewed" the prisoner; and, if another policeman was present, as the detendant swore at the trial, his evidence adduced before the statement was received in evidence. With all the facts before him, the Judge should form his own opinion that the tendered statement was indeed free and voluntary as the basis for its admission rather than accept the mere opinion of the police officer, who had obtained it, that it was made "voluntary" and "freely"."
Quelques années plus tard, un autre arrêt de la Cour suprême du Canada reprenait cette règle, l'assortissant d'une réserve, soit l'obligation de produire tout témoin de la déclaration, sauf explication raisonnable quant à son absence (Thiffault c. R., 1933, R.C.S. 509, p. 515):
"Where such a statement is elicited in the presence of several officers, the statement ought, as a rule, not to be admittted unless (in the absence of some adequate explanation of their absence) those who were present are produced by the Crown as witnesses, at least for cross-examination on behalf of the accused; and, where the statement professes to give the substance of a report of oral answers given by the accused to interrogatories, without reproducing the questions, then the written report ought not to be admitted in evidence unless the person who is responsible for its compilation is (here again in the absence of some adequate explanation of his absence) called as a witness."
Cette règle jurisprudentielle impose l'exclusion de la déclaration lorsque la Couronne, par négligence ou mauvaise foi, dissimule ou écarte un témoin. Le juge du procès ne peut remplir sa fonction de vérification et la défense est privée de ses droits au contre-interrogatoire, le cas échéant. Si elle crée l'obligation de produire tout témoin utile quant à la vérification du caractère volontaire de la déclaration, la jurisprudence n'introduit pas, cependant, une nouvelle règle d'irrecevabilité de la déclaration chaque fois qu'un témoin est absent ou ne peut rendre son témoignage. L'arrêt de notre Cour, Caron c. La Reine, 1979, C.A. 429, n'a pas, sur ce point, la portée que lui prête le premier juge. Il retenait la règle dégagée par l'arrêt Thiffault, imposant la production de tout témoin utile, mais permettant à la Couronne d'expliquer le motif de son absence:
"En matière de voir-dire, quant à l'admissibilité d'une déclaration faite hors cour par un accusé, il incombe à la Couronne d'établir que la déclaration a été libre et volontaire. Cette preuve comporte l'interrogatoire, dans la mesure du possible, de toutes les personnes en autorité qui ont pu être en mesure d'écouter l'accusé faire la déclaration, sauf dispense de la part de la défense." (Caron c. R., loc.cit. monsieur le juge Bernier, p. 432).
Dans l'affaire Caron, notre Cour reprochait au juge de première instance d'avoir empêché l'interrogatoire témoins qui auraient joué un rôle actif dans l'obtention de la déclaration. Elle réservait toutefois la possibilité de donner une raison valable de l'absence, comme l'indique une note à l'opinion de monsieur le juge Bernier (voir loc.cit. p. 432, note 6; voir aussi: Kaufman, The Admissibily of confessions, 3 ed, pp. 38 à 40, 3d supplement, pp. 15 à 19). Notre Cour avait donc écarté la déclaration de l'appelante Caron en employant le langage suivant:
"Dans le présent cas, la Couronne, par suite de l'intervention du premier juge, a fait défaut de faire entendre toutes les personnes en autorité qui auraient pu faire des pressions indus sur l'appelante. C'est à mon avis un vice fatal qui invalide le voir-dire et partant en l'espèce le procès..." (loc.cit. p. 432, monsieur le juge Bernier)
Ce passage doit être lu en relation avec l'ensemble de l'opinion de monsieur le juge Bernier et du jugement de la Cour. Il n'établit pas le principe de droit qu'invoque le jugement attaqué. Il exprime plutôt la règle jurisprudentielle traditionnelle qui laisse le juge apprécier la valeur de la preuve qui lui est offerte. L'absence d'un témoin peut s'expliquer: le juge appréciera alors son effet sur l'ensemble de la preuve. Il lui appartiendra de déterminer s'il reste assez de preuve pour qu'il soit capable de se satisfaire du caractère volontaire de la déclaration. Celle-ci ne doit être exclue, par principe, que si un témoin, tel que mentionné plus haut, n'est pas produit par la Couronne volontairement, par négligence ou sans motif. Le risque de porter atteinte à l'intégrité du procès pénal et aux droits de l'accusé et de le contre-interroger valablement, justifiera semblable conclusion. Lorsque ce principe n'est pas en jeu, le problème se réduit, cependant, à une question d'évaluation de la preuve que le juge pèsera au terme du voir-dire.
Ce principe ressort de la jurisprudence qui a appliqué l'arrêt Thiffault. Comme l'indiquent quelques exemples, les tribunaux dispensent en effet la Couronne de la production d'un témoin sans utilité, comme ce policier qui n'avait pas assisté à la prise d'une première déclaration non-utilisée (voir R. c. Tonnancourt, 1956, 24 C.R. 19). Aussi, dans R. c. Kacherowski, 1937, C.C.C. 2d, p. 257, la Cour d'Appel de l'Alberta ne jugea pas nécessaire de faire entendre un policier qui avait assisté à la prise d'une déclaration. La Cour appliquait à nouveau les critères exposés dans l'arrêt Thiffault. À l'inverse, dans l'ar- R. c. Botfield, 1973, 28 C.C.C., 2d, 477, la déclaration était rejetée parce que l'on n'avait pas produit, au voir-dire, un policier malade. À la lecture de ce jugement, l'on constate, cependant, que le témoin produit par la poursuite n'avait pas assisté à une partie de l'entrevue entre le policier qui avait recueilli la déclaration et l'accusé. L'on se trouvait donc devant une absence de preuve à l'égard d'au moins une partie importante des circonstances de la réception de la déclaration.
À cause du fardeau imposé à la Couronne, la déclaration devait alors être rejetée. Une semblable conclusion a été adoptée en raison du défaut de faire entendre les policiers présents avec l'accusé pendant une perquisition (R. c. Woodward, 1975, 23 C.C.C., 2d, 568, Cour d'Appel de l'Ontario). Ces témoins étaient en effet importants en raison de leur rôle dans la prise de déclaration. Leur absence n'était pas alors justifiée.
Même justifiée, l'absence ou l'incapacité d'un témoin peut laisser la preuve incomplète, ne permettant pas ainsi au juge d'évaluer le caractère volontaire de la déclaration conformément à la règle du doute raisonnable. L'absence peut alors rendre la preuve insuffisante, mais non pas irrévocable. La jurisprudence n'oblige pas un juge à appliquer, dans tous ces cas, une règle d'exclusion automatique de la déclaration mais, en définitive, elle leur demande de peser l'effet de l'absence du témoignage sur la qualité de la preuve offerte.
Lorsqu'elle entend se servir d'une déclaration de l'accusé, la Couronne, comme on le sait, assume l'obligation de démontrer hors de tout doute raisonnable son caractère libre et volontaire (R. c. Erven, 1978, 1 R.C.S. 26; Park c. R., 1981, 2 R.C.S. 64, p. 66, m. le juge Dickson; Kaufman, The Admissibility of confessions, 3e ed., pp. 21-22). La détermination de ce caractère volontaire pose au juge du procès un problème d'évaluation des faits (voir Park c. R., loc.cit.p. 70, m. le juge Dickson; R. c. Settee, 1974, 229 C.R.N.S. 104, p. 117, m. le juge en chef Culliton. Le juge devra pour apprécier l'ensemble des circonstances de l'affaire et à partir de celles-ci, évaluer si la Couronne a démontré à sa satisfaction et au-delà d'un doute raisonnable que la déclaration a été obtenue librement et sans utilisation de moyens ou d'influence indus, comme la violence, les sévices les pressions ou les promesses d'avantages.
Afin que le juge du procès remplisse adéquatement son rôle et puisse vérifier effectivement le caractère volontaire de la déclaration, conformément aux exigences du droit de la preuve pénale, la jurisprudence a imposé à la Couronne une règle d'information complète sur les circonstances de la déclaration. Cette règle se trouve exprimée en droit canadien, par le juge en chef Anglin, dans l'arrêt Sankey c. R., 1927, R.C.S. 436, pp. 440 et 441:
"We feel, however, that we should not part from this case without expressing our view that the proof of the voluntary character of the accused's statement to the police, which was put in evidence against him, is most unsatisfactory. That statement, put in writing by the police officer, was obtained only upon a fourth questioning to which the accused was subjected on the day following his arrest. Three previous attemps to lead him to "talk" had apparently proved abortive - why we are left to surmise. The accused, a young Indian, could neither read or write. No particulars are vouchsafed as to what transpired at any of the three previous "interviews; and but meagre details are given of the process by which the writen statement ultimately signed by the appellant was obtained. We think that the police officer who obtained that statement should have fully disclosed all that took place on each of the occasions when he "interviewed" the prisoner; and, if another policeman was present, as the detendant swore at the trial, his evidence adduced before the statement was received in evidence. With all the facts before him, the Judge should form his own opinion that the tendered statement was indeed free and voluntary as the basis for its admission rather than accept the mere opinion of the police officer, who had obtained it, that it was made "voluntary" and "freely"."
Quelques années plus tard, un autre arrêt de la Cour suprême du Canada reprenait cette règle, l'assortissant d'une réserve, soit l'obligation de produire tout témoin de la déclaration, sauf explication raisonnable quant à son absence (Thiffault c. R., 1933, R.C.S. 509, p. 515):
"Where such a statement is elicited in the presence of several officers, the statement ought, as a rule, not to be admittted unless (in the absence of some adequate explanation of their absence) those who were present are produced by the Crown as witnesses, at least for cross-examination on behalf of the accused; and, where the statement professes to give the substance of a report of oral answers given by the accused to interrogatories, without reproducing the questions, then the written report ought not to be admitted in evidence unless the person who is responsible for its compilation is (here again in the absence of some adequate explanation of his absence) called as a witness."
Cette règle jurisprudentielle impose l'exclusion de la déclaration lorsque la Couronne, par négligence ou mauvaise foi, dissimule ou écarte un témoin. Le juge du procès ne peut remplir sa fonction de vérification et la défense est privée de ses droits au contre-interrogatoire, le cas échéant. Si elle crée l'obligation de produire tout témoin utile quant à la vérification du caractère volontaire de la déclaration, la jurisprudence n'introduit pas, cependant, une nouvelle règle d'irrecevabilité de la déclaration chaque fois qu'un témoin est absent ou ne peut rendre son témoignage. L'arrêt de notre Cour, Caron c. La Reine, 1979, C.A. 429, n'a pas, sur ce point, la portée que lui prête le premier juge. Il retenait la règle dégagée par l'arrêt Thiffault, imposant la production de tout témoin utile, mais permettant à la Couronne d'expliquer le motif de son absence:
"En matière de voir-dire, quant à l'admissibilité d'une déclaration faite hors cour par un accusé, il incombe à la Couronne d'établir que la déclaration a été libre et volontaire. Cette preuve comporte l'interrogatoire, dans la mesure du possible, de toutes les personnes en autorité qui ont pu être en mesure d'écouter l'accusé faire la déclaration, sauf dispense de la part de la défense." (Caron c. R., loc.cit. monsieur le juge Bernier, p. 432).
Dans l'affaire Caron, notre Cour reprochait au juge de première instance d'avoir empêché l'interrogatoire témoins qui auraient joué un rôle actif dans l'obtention de la déclaration. Elle réservait toutefois la possibilité de donner une raison valable de l'absence, comme l'indique une note à l'opinion de monsieur le juge Bernier (voir loc.cit. p. 432, note 6; voir aussi: Kaufman, The Admissibily of confessions, 3 ed, pp. 38 à 40, 3d supplement, pp. 15 à 19). Notre Cour avait donc écarté la déclaration de l'appelante Caron en employant le langage suivant:
"Dans le présent cas, la Couronne, par suite de l'intervention du premier juge, a fait défaut de faire entendre toutes les personnes en autorité qui auraient pu faire des pressions indus sur l'appelante. C'est à mon avis un vice fatal qui invalide le voir-dire et partant en l'espèce le procès..." (loc.cit. p. 432, monsieur le juge Bernier)
Ce passage doit être lu en relation avec l'ensemble de l'opinion de monsieur le juge Bernier et du jugement de la Cour. Il n'établit pas le principe de droit qu'invoque le jugement attaqué. Il exprime plutôt la règle jurisprudentielle traditionnelle qui laisse le juge apprécier la valeur de la preuve qui lui est offerte. L'absence d'un témoin peut s'expliquer: le juge appréciera alors son effet sur l'ensemble de la preuve. Il lui appartiendra de déterminer s'il reste assez de preuve pour qu'il soit capable de se satisfaire du caractère volontaire de la déclaration. Celle-ci ne doit être exclue, par principe, que si un témoin, tel que mentionné plus haut, n'est pas produit par la Couronne volontairement, par négligence ou sans motif. Le risque de porter atteinte à l'intégrité du procès pénal et aux droits de l'accusé et de le contre-interroger valablement, justifiera semblable conclusion. Lorsque ce principe n'est pas en jeu, le problème se réduit, cependant, à une question d'évaluation de la preuve que le juge pèsera au terme du voir-dire.
Ce principe ressort de la jurisprudence qui a appliqué l'arrêt Thiffault. Comme l'indiquent quelques exemples, les tribunaux dispensent en effet la Couronne de la production d'un témoin sans utilité, comme ce policier qui n'avait pas assisté à la prise d'une première déclaration non-utilisée (voir R. c. Tonnancourt, 1956, 24 C.R. 19). Aussi, dans R. c. Kacherowski, 1937, C.C.C. 2d, p. 257, la Cour d'Appel de l'Alberta ne jugea pas nécessaire de faire entendre un policier qui avait assisté à la prise d'une déclaration. La Cour appliquait à nouveau les critères exposés dans l'arrêt Thiffault. À l'inverse, dans l'ar- R. c. Botfield, 1973, 28 C.C.C., 2d, 477, la déclaration était rejetée parce que l'on n'avait pas produit, au voir-dire, un policier malade. À la lecture de ce jugement, l'on constate, cependant, que le témoin produit par la poursuite n'avait pas assisté à une partie de l'entrevue entre le policier qui avait recueilli la déclaration et l'accusé. L'on se trouvait donc devant une absence de preuve à l'égard d'au moins une partie importante des circonstances de la réception de la déclaration.
À cause du fardeau imposé à la Couronne, la déclaration devait alors être rejetée. Une semblable conclusion a été adoptée en raison du défaut de faire entendre les policiers présents avec l'accusé pendant une perquisition (R. c. Woodward, 1975, 23 C.C.C., 2d, 568, Cour d'Appel de l'Ontario). Ces témoins étaient en effet importants en raison de leur rôle dans la prise de déclaration. Leur absence n'était pas alors justifiée.
Même justifiée, l'absence ou l'incapacité d'un témoin peut laisser la preuve incomplète, ne permettant pas ainsi au juge d'évaluer le caractère volontaire de la déclaration conformément à la règle du doute raisonnable. L'absence peut alors rendre la preuve insuffisante, mais non pas irrévocable. La jurisprudence n'oblige pas un juge à appliquer, dans tous ces cas, une règle d'exclusion automatique de la déclaration mais, en définitive, elle leur demande de peser l'effet de l'absence du témoignage sur la qualité de la preuve offerte.
Le droit concernant l'exigence de préavis relativement à la déclaration de délinquant dangereux / délinquant à contrôler
R. c. C.L., 2007 QCCQ 6852 (CanLII)
[7] Ainsi, le Code criminel prévoit deux étapes :
▪ Premièrement, suite à une demande de la poursuite, le Tribunal peut renvoyer l'accusé à la garde d’une personne qui effectue une évaluation.
▪ Deuxièmement, suite au dépôt du rapport, la poursuite peut formuler une demande de déclaration de délinquant dangereux ou de délinquant à contrôler.
[8] La poursuite doit donner au délinquant un préavis d'au moins sept jours francs après la présentation de la demande, indiquant ce sur quoi la demande se fonde.
[9] Ainsi, à la première étape, la poursuite formule une demande de renvoi pour évaluation. Ne connaissant pas d’avance les résultats du rapport, elle ne formule pas de demande de déclaration de délinquant dangereux ou de délinquant à contrôler. En outre, suite à la réception du rapport, il est théoriquement possible que la poursuite ne formule pas de demande.
[10] Selon cette logique, le préavis de sept jours ne s’applique pas à la première étape mais plutôt, et le cas échéant, à la deuxième.
[7] Ainsi, le Code criminel prévoit deux étapes :
▪ Premièrement, suite à une demande de la poursuite, le Tribunal peut renvoyer l'accusé à la garde d’une personne qui effectue une évaluation.
▪ Deuxièmement, suite au dépôt du rapport, la poursuite peut formuler une demande de déclaration de délinquant dangereux ou de délinquant à contrôler.
[8] La poursuite doit donner au délinquant un préavis d'au moins sept jours francs après la présentation de la demande, indiquant ce sur quoi la demande se fonde.
[9] Ainsi, à la première étape, la poursuite formule une demande de renvoi pour évaluation. Ne connaissant pas d’avance les résultats du rapport, elle ne formule pas de demande de déclaration de délinquant dangereux ou de délinquant à contrôler. En outre, suite à la réception du rapport, il est théoriquement possible que la poursuite ne formule pas de demande.
[10] Selon cette logique, le préavis de sept jours ne s’applique pas à la première étape mais plutôt, et le cas échéant, à la deuxième.
Les principes de droit servant de guide dans l'analyse à savoir si l'accusé est délinquant dangereux
R. c. P.(M.), 2003 CanLII 48820 (QC C.Q.)
[96] Les principes de droit servant de guide dans l'analyse de la preuve en pareille matière ont été résumés par l'Honorable Juge B. Falardeau dans un jugement récent du 27 février 2003:
«La Cour suprême du Canada, dans l'arrêt R. c. Currie 1997 CanLII 347 (C.S.C.), (1997) 2 R.C.S. 260 a décidé que dès que la conduite antérieure de l'accusé laissait prévoir qu'il causerait vraisemblablement des sévices graves à d'autres personnes, la décision de déclarer l'accusé délinquant dangereux pourrait être justifiée. Ce principe, bien sûr, n'enlève pas la discrétion du tribunal.
À cet effet la Cour d'appel de la Colombie Britannique dans l'affaire R. c. Scott 2000 BCCA 220 (CanLII), (2000) 145 C.C.C. (3d) 52, en confirmant que la poursuite devait prouver hors de tout doute raisonnable les exigences requises par l'article 753 (1) b) C.cr. a reconnu l'entière discrétion du juge à déclarer l'accusé délinquant dangereux.
Cette même cour d'appel a aussi décidé, dans l'affaire R. c. Johnson 2001 BCCA 456 (CanLII), (2001) 158 C.C.C. (3d) 155, qu'un accusé qui était susceptible de répondre positivement à des traitements efficaces devait plutôt être déclaré délinquant à contrôler que délinquant dangereux.
Il est établi, depuis la décision R. c. Audette (2002-06-17) C.A.Q. 500-10-001674-991, que le rapport d'un expert ne lie aucunement le juge, il ne constitue qu'un élément de preuve parmi les autres. La Cour suprême, dans l'arrêt R. c. Lyons 1987 CanLII 25 (C.S.C.), (1987) 2 R.C.S. 309 avait d'ailleurs déclaré que c'est le tribunal et non l'expert qui doit être convaincu du bien-fondé de sa démarche.»
[96] Les principes de droit servant de guide dans l'analyse de la preuve en pareille matière ont été résumés par l'Honorable Juge B. Falardeau dans un jugement récent du 27 février 2003:
«La Cour suprême du Canada, dans l'arrêt R. c. Currie 1997 CanLII 347 (C.S.C.), (1997) 2 R.C.S. 260 a décidé que dès que la conduite antérieure de l'accusé laissait prévoir qu'il causerait vraisemblablement des sévices graves à d'autres personnes, la décision de déclarer l'accusé délinquant dangereux pourrait être justifiée. Ce principe, bien sûr, n'enlève pas la discrétion du tribunal.
À cet effet la Cour d'appel de la Colombie Britannique dans l'affaire R. c. Scott 2000 BCCA 220 (CanLII), (2000) 145 C.C.C. (3d) 52, en confirmant que la poursuite devait prouver hors de tout doute raisonnable les exigences requises par l'article 753 (1) b) C.cr. a reconnu l'entière discrétion du juge à déclarer l'accusé délinquant dangereux.
Cette même cour d'appel a aussi décidé, dans l'affaire R. c. Johnson 2001 BCCA 456 (CanLII), (2001) 158 C.C.C. (3d) 155, qu'un accusé qui était susceptible de répondre positivement à des traitements efficaces devait plutôt être déclaré délinquant à contrôler que délinquant dangereux.
Il est établi, depuis la décision R. c. Audette (2002-06-17) C.A.Q. 500-10-001674-991, que le rapport d'un expert ne lie aucunement le juge, il ne constitue qu'un élément de preuve parmi les autres. La Cour suprême, dans l'arrêt R. c. Lyons 1987 CanLII 25 (C.S.C.), (1987) 2 R.C.S. 309 avait d'ailleurs déclaré que c'est le tribunal et non l'expert qui doit être convaincu du bien-fondé de sa démarche.»
mardi 1 mars 2011
Les aspects juridiques d'un complot (et de son désistement)
R. c. Campeau, 1999 CanLII 13455 (QC C.A.)
Lien vers la décision
Un complot se définit comme (1) une entente entre au moins deux personnes (2) qui ont l'intention de participer ensemble (3) à la poursuite d'une fin illégale.
Il se peut que deux personnes poursuivent la même fin illégale mais sans s'être entendues pour ce faire, auquel cas il n'y a pas de complot.
Une entente signifie un accord de volontés qui peut être tacite ou exprès. Cette entente sera significative dans la mesure où les participants ont l'intention de s'entraider ou de prendre ensemble des moyens pour réaliser cette fin illégale qui leur est commune. Dès lors, si dans leurs tractations ou dans leurs rencontres, les parties se limitent à considérer un projet ou la possibilité de réaliser une fin illégale, elles n'ont pas encore nécessairement exprimé par leurs faits et gestes l'intention de s'entraider dans la poursuite de la fin illégale: le complot ne s'est pas formé. De la même façon, on exigera, à l'égard de la personne que l'on considère «adhérer» à un complot existant, plus que sa connaissance, son intérêt, voire même son acquiescement: une personne adhère véritablement à un complot dans la mesure où l'on peut inférer de sa conduite l'intention de se joindre aux autres et de participer avec elles à la réalisation de la fin illégale («faire sien le complot... et accepter de travailler à son achèvement»). En principe, il n'est donc pas essentiel que les parties à un complot aient effectivement posé des actes dans la réalisation de l'objet du complot: c'est la participation à l'entente et non pas à la réalisation de son objet qui est requise. Contrairement à la tentative, le complot n'exige pas un commencement d'exécution.
Qu'en est-il du retrait ou du désistement de l'un des conspirateurs? On ne peut se dissocier d'un complot s'il a été commis: le désistement n'a de conséquence qu'à l'égard de l'examen de la responsabilité des parties à la réalisation de la fin illégale.
Lien vers la décision
Un complot se définit comme (1) une entente entre au moins deux personnes (2) qui ont l'intention de participer ensemble (3) à la poursuite d'une fin illégale.
Il se peut que deux personnes poursuivent la même fin illégale mais sans s'être entendues pour ce faire, auquel cas il n'y a pas de complot.
Une entente signifie un accord de volontés qui peut être tacite ou exprès. Cette entente sera significative dans la mesure où les participants ont l'intention de s'entraider ou de prendre ensemble des moyens pour réaliser cette fin illégale qui leur est commune. Dès lors, si dans leurs tractations ou dans leurs rencontres, les parties se limitent à considérer un projet ou la possibilité de réaliser une fin illégale, elles n'ont pas encore nécessairement exprimé par leurs faits et gestes l'intention de s'entraider dans la poursuite de la fin illégale: le complot ne s'est pas formé. De la même façon, on exigera, à l'égard de la personne que l'on considère «adhérer» à un complot existant, plus que sa connaissance, son intérêt, voire même son acquiescement: une personne adhère véritablement à un complot dans la mesure où l'on peut inférer de sa conduite l'intention de se joindre aux autres et de participer avec elles à la réalisation de la fin illégale («faire sien le complot... et accepter de travailler à son achèvement»). En principe, il n'est donc pas essentiel que les parties à un complot aient effectivement posé des actes dans la réalisation de l'objet du complot: c'est la participation à l'entente et non pas à la réalisation de son objet qui est requise. Contrairement à la tentative, le complot n'exige pas un commencement d'exécution.
Qu'en est-il du retrait ou du désistement de l'un des conspirateurs? On ne peut se dissocier d'un complot s'il a été commis: le désistement n'a de conséquence qu'à l'égard de l'examen de la responsabilité des parties à la réalisation de la fin illégale.
L'état du droit sur la contraignabilité à témoigner du conjoint de fait, de l'individu marié et de la personne divorcée
R. c. Campeau, 1999 CanLII 13455 (QC C.A.)
L'appelant plaide que le conjoint de fait, comme le mari ou la femme selon l'art. 4 de la Loi sur la preuve au Canada, ne devrait pas être un témoin contraignable.
Avant de disposer de cette question de fond qui consiste à déterminer si le conjoint de fait devrait bénéficier de la même exemption que le mari ou la femme selon l'art. 4, supra, il convient de se demander si les conditions préalables à cette exemption qui vaut pour le mari ou la femme s'appliqueraient en l'espèce. En premier lieu, il y a lieu de déterminer à quel moment doit exister la qualité de conjoint (mari ou femme): est-ce à l'époque où l'infraction a été commise ou lors du procès au moment où le témoin est appelé à déposer?
L'objectif de la règle actuelle est double: il vise à assurer la protection de l'harmonie conjugale et reflète une répugnance naturelle à contraindre la femme ou le mari à se faire l'instrument de la condamnation de l'autre (R. c. Salituro, 1991 CanLII 17 (C.S.C.), [1991] 3 R.C.S. 654, 672). Partant de là, il est logique que la jurisprudence ait affirmé que la relation maritale doit exister au moment où le conjoint est appelé à témoigner. En conséquence, si les époux sont divorcés au moment où l'un d'eux est appelé à témoigner contre l'autre ou encore, même si encore mariés, «ils sont séparés sans possibilité de réconciliation», la société «n'a aucun intérêt à préserver l'harmonie conjugale» (R. c. Salituro, supra, p. 676).
Ce n'est donc pas, comme le juge du procès l'a décidé, la situation entre les conjoints au moment de la commission de l'infraction qui prévaut mais bien celle qui est démontrée lorsque le conjoint est appelé à déposer contre l'autre.
En l'espèce, même si, pour les fins de la discussion, un conjoint de fait pouvait être exempté, ce que je m'abstiens de décider, il se dégage clairement de la preuve que Ghislaine Dubreuil était un témoin contraignable. Elle fut la conjointe de fait de l'appelant pendant au moins trois ans. Toutefois, lors de son interrogatoire par la Couronne, elle témoigne qu'elle a cohabité avec l'appelant de 1989 jusqu'au mois de mai 1993 ou au début de l'été de la même année et que lors de l'arrestation de l'appelant, elle ne demeurait plus avec lui depuis deux mois et nul ne laisse entendre qu'après l'arrestation de l'appelant, il y aurait même eu tentative de réconciliation. L'appelant confirme la déposition de son ex-conjointe. En conséquence, même si en principe l'exemption de l'art. 4 s'appliquait à des conjoints de fait, Ghislaine Dubreuil ne l'était plus au moment de sa déposition.
Reste à disposer d'une autre objection se fondant cette fois sur le principe énoncé au par. 4(3) de la Loi sur la preuve au Canada que «nul ne peut être contraint de divulguer une communication que son conjoint lui a faite durant leur mariage».
Encore là, le premier obstacle que doit franchir l'appelant consiste à démontrer que cette disposition s'applique également aux conjoints de fait. Si tant est que cet argument pouvait être retenu, de toute façon il ne pourrait faire ici échec à la divulgation. En effet, ce «privilège» qui est accordé au témoin par ailleurs contraint à témoigner (il ne s'agit donc pas d'une prohibition absolue de divulguer), ne peut plus être invoqué si le mariage s'est dissout depuis la communication: un conjoint divorcé au moment de son témoignage ne peut soulever le privilège et il en serait ainsi pour un ex-conjoint de fait. C'est ce que les auteurs opinent, s'appuyant principalement sur deux arrêts qui tranchent cette question, dont la Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Kanester, approuvant les motifs du juge McLean en Cour d'appel, lequel avait affirmé: «She was not his wife at the time she gave her evidence and it follows that not then being a wife that s. 4(3) of the Canada Evidence Act does not apply».
L'appelant plaide que le conjoint de fait, comme le mari ou la femme selon l'art. 4 de la Loi sur la preuve au Canada, ne devrait pas être un témoin contraignable.
Avant de disposer de cette question de fond qui consiste à déterminer si le conjoint de fait devrait bénéficier de la même exemption que le mari ou la femme selon l'art. 4, supra, il convient de se demander si les conditions préalables à cette exemption qui vaut pour le mari ou la femme s'appliqueraient en l'espèce. En premier lieu, il y a lieu de déterminer à quel moment doit exister la qualité de conjoint (mari ou femme): est-ce à l'époque où l'infraction a été commise ou lors du procès au moment où le témoin est appelé à déposer?
L'objectif de la règle actuelle est double: il vise à assurer la protection de l'harmonie conjugale et reflète une répugnance naturelle à contraindre la femme ou le mari à se faire l'instrument de la condamnation de l'autre (R. c. Salituro, 1991 CanLII 17 (C.S.C.), [1991] 3 R.C.S. 654, 672). Partant de là, il est logique que la jurisprudence ait affirmé que la relation maritale doit exister au moment où le conjoint est appelé à témoigner. En conséquence, si les époux sont divorcés au moment où l'un d'eux est appelé à témoigner contre l'autre ou encore, même si encore mariés, «ils sont séparés sans possibilité de réconciliation», la société «n'a aucun intérêt à préserver l'harmonie conjugale» (R. c. Salituro, supra, p. 676).
Ce n'est donc pas, comme le juge du procès l'a décidé, la situation entre les conjoints au moment de la commission de l'infraction qui prévaut mais bien celle qui est démontrée lorsque le conjoint est appelé à déposer contre l'autre.
En l'espèce, même si, pour les fins de la discussion, un conjoint de fait pouvait être exempté, ce que je m'abstiens de décider, il se dégage clairement de la preuve que Ghislaine Dubreuil était un témoin contraignable. Elle fut la conjointe de fait de l'appelant pendant au moins trois ans. Toutefois, lors de son interrogatoire par la Couronne, elle témoigne qu'elle a cohabité avec l'appelant de 1989 jusqu'au mois de mai 1993 ou au début de l'été de la même année et que lors de l'arrestation de l'appelant, elle ne demeurait plus avec lui depuis deux mois et nul ne laisse entendre qu'après l'arrestation de l'appelant, il y aurait même eu tentative de réconciliation. L'appelant confirme la déposition de son ex-conjointe. En conséquence, même si en principe l'exemption de l'art. 4 s'appliquait à des conjoints de fait, Ghislaine Dubreuil ne l'était plus au moment de sa déposition.
Reste à disposer d'une autre objection se fondant cette fois sur le principe énoncé au par. 4(3) de la Loi sur la preuve au Canada que «nul ne peut être contraint de divulguer une communication que son conjoint lui a faite durant leur mariage».
Encore là, le premier obstacle que doit franchir l'appelant consiste à démontrer que cette disposition s'applique également aux conjoints de fait. Si tant est que cet argument pouvait être retenu, de toute façon il ne pourrait faire ici échec à la divulgation. En effet, ce «privilège» qui est accordé au témoin par ailleurs contraint à témoigner (il ne s'agit donc pas d'une prohibition absolue de divulguer), ne peut plus être invoqué si le mariage s'est dissout depuis la communication: un conjoint divorcé au moment de son témoignage ne peut soulever le privilège et il en serait ainsi pour un ex-conjoint de fait. C'est ce que les auteurs opinent, s'appuyant principalement sur deux arrêts qui tranchent cette question, dont la Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Kanester, approuvant les motifs du juge McLean en Cour d'appel, lequel avait affirmé: «She was not his wife at the time she gave her evidence and it follows that not then being a wife that s. 4(3) of the Canada Evidence Act does not apply».
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