vendredi 26 février 2010

Une personne qui s'approprie illégalement un bien commet un vol même si ce bien avait été acquis illégalement par la victime du vol

R. c. Bourret, 1987 CanLII 1110 (QC C.A.)

Je suis d'opinion que, même si la banque a comploté avec l'appelant pour frauder le gouvernement (ce que je tiens pour acquis pour les fins de l'argumentation mais ce qui n'a pas été établi), cela ne constitue pas un moyen de défense pour l'appelant. Une personne qui s'approprie illégalement un bien commet un vol même si ce bien avait été acquis illégalement par la victime du vol. D'autre part, le fait que l'appelant aurait pu argumenter devant un tribunal civil qu'Edicompo avait droit d'obtenir la résolution de la cession de la créance. en faveur de la banque au motif que celle-ci n'avait pas rempli ses obligations ne permettait pas à l'appelant de se faire justice lui-même.

Aussi large que soit la notion de privation, elle n'englobe pas le genre de préjudice hypothétique et trop lointain

Vézina et Côté c. La Reine, 1986 CanLII 93 (C.S.C.)

Les deux éléments de la fraude sont la malhonnêteté et la privation. On établit la privation si l'on prouve que les intérêts pécuniaires de la victime ont subi un dommage ou un préjudice ou qu'il y a risque de préjudice à leur égard. Il n'est pas essentiel que la fraude mène à une perte pécuniaire réelle. Cacher à la Banque de Montréal qu'il s'agissait d'obligations volées et se présenter comme un détenteur licite des obligations satisfont aux critères de la malhonnêteté. On ne demandait pas à la Banque de Montréal, d'après les faits de l'espèce, de débourser de l'argent pour les obligations. La banque a été amenée par la supercherie à participer, quoique innocemment, à une opération frauduleuse. Aussi large que soit la notion de privation, elle n'englobe pas le genre de préjudice qui pourrait découler d'une telle situation. Toute privation causée à la Banque de Montréal reste hypothétique et trop lointaine.

On peut, dans certaines circonstances, être condamné de possession de biens criminellement obtenus que l'on a volé

Côté c. R., [1975] 1 R.C.S. 303

(...) rien ne s’oppose à ce que le voleur qui a été condamné et est ensuite trouvé en possession de la chose qu’il a volée puisse être, comme toute autre personne, trouvé coupable de possession illégale. On ne peut pas validement prétendre, d’une part, que la continuation de la possession, qu’elle qu’en soit la durée, soit toujours la continuation de l’acte de vol, ni, d’autre part, qu’à l’instant même et au lieu même du vol le voleur commet alors l’infraction de la possession illégale

jeudi 25 février 2010

La défense d'intoxication involontaire

R. c. Dionne, 2010 QCCQ 953 (CanLII)

[27] Selon la jurisprudence canadienne, peu importe l'intention générale ou spécifique requise par l'infraction en cause, l'intoxication peut donner lieu à une défense sur l'aspect mental minimal de l'actus reus et sur la mens rea, conduisant à un acquittement pur et simple, si l'accusé a agi de façon inconsciente ou involontaire et qu'il soulève un doute raisonnable quant au caractère volontaire de son état d'intoxication.

[28] Pour apprécier la nature de l'intoxication d'un accusé, les tribunaux ont élaboré un test qui comporte entre autres un élément objectif. Dans l'arrêt R. c. King, la Cour suprême du Canada indique qu'une personne qui a consommé volontairement une substance ayant à sa connaissance un effet intoxicant ou dont elle aurait dû connaître les propriétés, ne peut échapper à sa responsabilité criminelle. L'arrêt R. c. Chaulk de la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse résume bien toute la jurisprudence pertinente et l'état du droit sur la question.

[29] En somme, pour être exonératoire, l'intoxication de l'accusé doit donc être involontaire, c'est-à-dire ne pas provenir de sa connaissance ou de sa négligence; le test applicable étant : savait-il ou devait-il raisonnablement savoir que la substance absorbée était susceptible de provoquer un état d'intoxication?

La défense d'intoxication volontaire

R. c. Dionne, 2010 QCCQ 953 (CanLII)

[25] Dans l'arrêt R. c. Daley, le juge Bastarache de la Cour suprême du Canada explique les tenants de la défense d'intoxication volontaire en droit pénal canadien.

[26] Notre jurisprudence établit trois degrés d'intoxication pertinents en droit :

1° l'intoxication légère : c'est l'état où l'alcool provoque un relâchement des inhibitions et du comportement socialement acceptable; un état qui n'a jamais été reconnu comme facteur ou excuse lorsqu'il s'agit de déterminer si l'accusé avait la mens rea requise;

2° l'intoxication avancée : il s'agit d'un état d'intoxication tel que l'accusé n'a pas d'intention spécifique lorsque l'atteinte à sa prévision des conséquences suscite un doute raisonnable concernant l'existence de la mens rea requise; on ne peut invoquer de défense fondée sur ce degré d'intoxication qu'à l'égard d'infractions d'intention spécifique;

or, en l'espèce, les délits de voies de fait reprochés sont des infractions d'intention générale;

le défendeur ne peut donc avoir recours à ce moyen de défense;

3° l'intoxication extrême s'apparentant à l'automatisme : il s'agit d'un degré d'intoxication qui exclut tout caractère volontaire et qui, de ce fait, constitue un moyen de défense exonérant totalement de toute responsabilité criminelle;

en l'espèce, le défendeur ne peut valablement faire valoir ce moyen de défense pour les deux raisons suivantes :

- l'article 33.1 du Code criminel prévoit notamment que ce moyen ne peut être invoqué à l'égard de toute forme de voies de fait;

- s'agissant de l'intoxication extrême s'apparentant à l'automatisme, les préceptes adoptés par la Cour suprême du Canada dans les arrêts Daviault et Stone imposent à l'accusé le fardeau de convaincre, selon la prépondérance des probabilités, que les gestes posés étaient involontaires, dans tous les cas, en présentant à l'appui une preuve d'expert en psychiatrie;

en l'espèce, l'opinion écrite d'une pharmacienne portant sur l'interaction entre le Dilaudid et l'alcool, introduite en défense, ne peut satisfaire à la preuve d'expert exigée par la Cour suprême.

Autres précédents dans le cadre de la détermination de la peine relativement à une condamnation pour voies de fait grave

R. c. Lebrun, 2008 QCCQ 8927 (CanLII)

1) Jean-Louis Ouellet c. La Reine, C.A.Q. 4 avril 2008, 200-10-002153-075, 2008 QCCA 599 (CanLII), 2008 QCCA 599
La Cour d'appel rejette une requête pour permission d'appeler d'une peine de 72 mois d'emprisonnement moins le temps déjà encouru en détention préventive, établissant ainsi la peine à 44 mois d'emprisonnement, après l'avoir reconnu coupable de tentative de meurtre contre sa conjointe. [2] À cette peine se sont ajoutées deux peines concurrentes de 12 mois d'emprisonnement pour des voies de fait contre deux autres personnes. Âgé de 46 ans, et ayant des antécédents judiciaires, l'accusé s'était rendu chez son ex-conjointe, et lorsque cette dernière ouvre la porte, il l'attaque avec un couteau de poche, et lui en donne plusieurs coups à la tête et au ventre.

2) La Reine c. Michel Gauthier, 23 mars 2000, 500-10-001744-992
La Cour d'appel modifie une peine de sursis d'une durée de 23 mois par une peine ferme de trois ans et demi d'emprisonnement, pour des accusations portées en vertu des articles 239b), 257a), 270(1), et 269a) du Code criminel, auxquelles il avait plaidé coupable. N'eût été de la période de détention avec sursis écoulée, les Juges Chamberland et Nuss auraient opté pour une peine de quarante-huit mois. Alors qu'il s'apprêtait à signer une entente pour mesures provisoires dans le dossier de divorce l'opposant à son épouse, l'accusé avait poignardé celle-ci au thorax et coupé au poignet. Il avait également poignardé son avocat, alors que celui-ci se portait à la défense de la première victime, le blessant aux mains et au visage. Il a finalement blessé deux agents de la paix, mordant le premier à la main et lançant une table à la tête du second. L'intimé a ensuite sorti un second couteau, menaçant de se suicider. Maîtrisé, il a été fouillé; on a découvert un troisième couteau.

3) Jean-Guy Boutin, C.A.Q. 200-10-000101-928, 31 mai 1993
La Cour d'appel réduisit de neuf à cinq ans une peine imposée sur une tentative de meurtre, (après avoir purgé quatre mois de détention préventive), sur un plaidoyer de culpabilité. L'accusé avait frappé sa conjointe avec un couteau au cours d'une chicane de ménage. Frustré d'apprendre qu'elle allait le quitter, alcoolique, jaloux et dépressif, sans antécédent judiciaire, malgré son plaidoyer, il avait toujours soutenu ne pas avoir eu l'intention de tuer sa conjointe, mais agi sous le coup de la colère.

4) La Reine c. Raymond Beaulieu, 135-01-002837-039, 12 mai 2004
On nous a cité une décision où nous avons imposé une peine totale de cinq ans pour une tentative de meurtre en utilisant une arme et l'utilisation d'une arme lors de la commission d'un crime (art. 85). L'accusé avait surpris sa conjointe au lit avec un ami… L'accusé qui avait plusieurs antécédents judiciaires, avait plaidé coupable.

5) Affaire Matthew Trapper, 2007 QCCQ 7790 (CanLII), 2007 QCCQ 7790 CanLII (C.Q. 03-05-2007)
Au cours d'une bagarre lors d'une beuverie, l'accusé autochtone frappe un compagnon à l'aide d'un bâton de golf, lui occasionnant d'importantes blessures (art. 268 C.cr.). Âgé de 28 ans et père de deux enfants, l'accusé avait plaidé coupable, et avait trois antécédents de crimes violents. Une peine de trente mois de détention suivi d'une probation de trois ans fut imposée.

6) Affaire Jack Shaffer, (C.A.O.) 2006 CanLII 15892 (ON C.A.), 2006 CanLII 15892
Reconnu coupable par un jury d'accusations de voies de fait avec lésions, d'utilisation d'une arme lors de la commission d'une infraction, et d'avoir pointé une arme à feu. L'accusé avait tiré sur des intrus sur sa propriété qui tentaient de lui voler ses plants de marijuana. La peine globale de huit ans de détention fut confirmée.

7) Affaire Mark Rex KaKeKaGamick, 2006 CanLII 28549 (ON C.A.), 2006 CanLII 28549 (C.A.O.)
Après procès, cet autochtone est reconnu coupable de voies de fait graves sur sa conjointe, à qui il avait causé de sérieuses blessures, soient deux vertèbres écrasées dans le coup, des côtes et la clavicule fracturées. L'accusé était en état d'ébriété, les risques de récidive étaient élevés, sans antécédent judiciaire, mais avait usé de violence antérieurement à l'égard de la plaignante malgré son jeune âge. La peine de cinq ans fut confirmée en Cour d'appel de l'Ontario.

8) R. v. Gamal Salih Haj-Ahmed, 2007 BCCA 143 (CanLII), 2007 BCCA 143 CanLII
Déclaré coupable de voies de fait graves sur son co-locataire, il fut condamné à une peine de cinq ans. Après une argumentation verbale sur un sujet banal, l'accusé se rendit à la chambre de son co-locataire et lui versa de l'huile bouillante sur le corps, entraînant des brûlures au troisième degré au thorax, au bras, à l'épaule, au cou et au visage. Âgé de 39 ans, sans antécédent judiciaire, l'accusé venait d'apprendre qu'il était séropositif, et avait perdu son emploi. La peine fut confirmée par la Cour d'appel.

9) R. v. Tyrell Morash, 2006 SKCA 59 (CanLII), 2006 SKCA 59 CanLII

Au cours d'une soirée bien arrosée, l'accusé infligea de graves blessures à un collègue du "party", à l'aide d'une bouteille de Scotch, entraînant un verdict de culpabilité après procès. La Cour d'appel cassa la sanction prévue à 743.6 C.cr., mais maintint la peine de six ans et onze mois.

10) R. v. Kanthasamy, 2007 ONCA 90 (CanLII), 2007 ONCA 90 CanLII
L'accusé se vit confirmée par la Cour d'appel une peine de sept ans et six mois, pour voies de fait et lésions avec une arme. Âgé de 20 ans, sans antécédent judiciaire, détenant un emploi, et étant soutenu par sa famille, avait attaqué sans raison et blessé avec une machette un inconnu.

11) R. v. McCormick, [1979] 9 C.R.(3d) 248

La Cour d'appel du Manitoba confirme une peine de trois mois de détention pour un accusé reconnu coupable de vol qualifié à l'aide d'un couteau, alors que l'accusé était sous l'influence de valium et d'alcool.

12) R. v. Peebles, [1999] A.J. No. 34
Un juge de la Cour provinciale de l'Alberta impose une peine de quatre-vingt-dix jours de détention discontinue pour vol qualifié, et de possession d'armes dans un dessein dangereux. L'accusé était jeune, avait un profil très favorable et était sous l'influence d'alcool et de valium au moment de la commission du crime.

13) R. v. Overacker, 2005 ABCA 150 (CanLII), 2005 ABCA 150 (CanLII)
Dans cette décision, le Ministère public appelait d'une sentence de huit ans de détention imposée à un individu âgé de 30 ans, sans antécédent judiciaire, pour importation d'une importante quantité de stupéfiants, savoir de la cocaïne. Il avait plaidé coupable deux mois après le dépôt des accusations, alors qu'il était détenu. La peine fut augmentée à douze ans, alors que la Couronne réclamait vingt ans. La Cour d'appel avait alors attribué beaucoup d'importance au potentiel de l'accusé.

14) R. v. Tsiritas, 500-01-000671-013 (13 mai 2003)
La juge Elizabeth Corte impose une peine de deux ans moins un jour dans la communauté à un accusé qui se reconnaît coupable de voies de fait avec lésions et possession d'armes dans un dessein dangereux. L'accusé, âgé de 21 ans, sans antécédent, regrettant son geste, et la victime (18 ans) étaient deux amis qui se querellent à la suite d'une houleuse discussion durant la consommation d'alcool. Les blessures subies par la victime étaient sérieuses.

15) Le 26 janvier 2004, la juge Suzanne Coupal (dossier 500-01-005227-027) imposait une peine de deux ans moins un jour dans la communauté à une Dame Jill Rochon qui avait plaidé coupable à une accusation de voies de fait avec lésions. Au cours d'une soirée où la victime et l'accusée consommaient drogues et alcool, une dispute éclata entre elles. La victime fut gravement blessée, et l'accusée plutôt jeune avait un problème de toxicomanie qu'elle souhaitait régler, tout en regrettant son geste.

16) Le 16 mai 2006, le Juge Brunton de la Cour supérieure (760-01-028526-041) imposait une peine de 15 mois à être purgée dans la communauté à François Cousineau qui avait plaidé coupable d'avoir commis des voies de fait graves sur la personne de J.S. L.G. ("la victime") en le blessant, mutilant, défigurant ou en mettant sa vie en danger. L'accusé avait surpris un jeune homme âgé de 16 ans, dans son commerce et l'a battu sans que l'autre ne résiste. La victime qui était inconsciente, a été transportée à l'hôpital de Valleyfield pour ensuite être transférée à l'hôpital Sainte-Justine vu la gravité de ses blessures. Ce n'est que sept jours plus tard qu'elle sortit de son coma. Une longue période de convalescence et de réhabilitation suivra. Âgé de 30 ans, père de famille, l'accusé n'avait aucun antécédent judiciaire et était un travailleur exemplaire.

Étude des éléments essentiels de la fraude

R. c. Moquin, 2002 CanLII 23673 (QC C.Q.)

[390] Pour les fins des éléments de droit pertinents aux infractions contre la propriété, le Tribunal s'est référé au volume de Jacques Gagné et Pierre Rainville intitulé «Les infractions contre la propriété: le vol, la fraude et certains crimes connexes» publié aux Éditions Yvon Blais Inc. Reprenant les éléments essentiels de ces infractions, ceux-ci font référence à la jurisprudence pertinente en la matière. Le Tribunal tient compte également de deux arrêts d'importance en la matière soit Robert Théroux c. La Reine et Zoran Zlatic c. La Reine où l'on y retrouve une étude des éléments essentiels de la fraude. Il m'apparaît important de reproduire certains extraits du volume de ces auteurs ayant une certaine pertinence dans la solution des litiges.

Les tribunaux accordent le droit à l'erreur en matière de droit privé mais se montrent inflexibles en ce qui a trait à l'ignorance du droit criminel. L'accusé dont la mens rea a été prouvée sera condamné malgré son ignorance de l'existence ou de la portée de l'article 380 (1) C.cr.

…l'objection d'un taux d'intérêt criminel ou encore la fraude commise par un fonctionnaire.

Le défaut de l'accusé de constater que son comportement est prohibé ne lui est d'aucun secours. P. 343.

La croyance de l'accusé en l'honnêteté de son comportement ne lui est d'aucun secours. Que sa conduite lui soit parue honnête à ses yeux est sans importance.

[…] le fraudeur ne sera pas acquitté pour le motif qu'il croyait que ce qu'il faisait était honnête. Le sentiment personnel de l'accusé à l'égard du caractère moral ou honnête de l'acte ou de ses conséquences n'est pas plus pertinent […] que ne l'est la conscience de l'accusé que les actes commis constituent une infraction criminelle. […] Bien que l'expression «autre moyen dolosif» ait été généralement définie comme un moyen «malhonnête», il n'est pas nécessaire qu'un accusé considère personnellement que ce moyen est malhonnête pour être déclaré coupable de fraude pour y avoir eu recours. P. 344.

Le prévenu ne peut tirer profit de son ignorance des normes de droiture en vigueur au sein de la société.

La mens rea porte sur des faits et non pas sur la qualification juridique de ces faits.

Le droit criminel ne s'intéresse pas aux jugements de valeur de l'inculpé mais bien à sa connaissance des faits à l'origine de l'infraction. Ce sont les connaissances factuelles de l'accusé qui déterminent sa culpabilité et non pas ses connaissance morales. P. 345.

Le droit criminel ne s'intéresse aux connaissances morales du prévenu qu'au stade de l'examen de sa capacité mentale.

La règle énoncée dans l'arrêt Théroux s'accorde avec deux autres principes cardinaux du droit pénal: a) il est interdit à un individu d'ériger son propre système de valeurs en loi; b) l'examen des connaissances morales de l'accusé ne peut se faire que dans le cadre restreint de l'étude de ses aptitudes mentales conformément à l'article 16(1) C.cr.

L'interdiction d'ériger son propre système de valeurs en loi. P. 346.

L'interdiction de tenir compte des connaissances morales de l'accusé en dehors des limites tracées par l'article 16(1) C.cr. P. 347.

L'examen du mobile de l'accusé ne fait pas partie de la mens rea.

La mens rea de l'accusé doit être évaluée indépendamment de son mobile. La conviction de l'accusé d'être animé d'un mobile louable ne lui permet pas d'être acquitté. La décision rendue dans l'arrêt Théroux se concilie parfaitement avec cette règle. Elle a pour effet d'empêcher un prévenu de plaider l'existence d'un mobile honorable (tel le désir de faire la charité) afin de justifier la fraude perpétrée.

La croyance en une justification morale ne donne pas le droit d'être acquitté d'une infraction contre la propriété.

La conviction de l'inculpé d'être moralement justifié d'agir de la sorte ne l'autorise nullement à perpétrer un vol, un vol qualifié ou encore un méfait. Les tribunaux ont toujours refusé d'assimiler justification morale et apparence de droit. La décision rendue dans l'arrêt Théroux a désormais pour effet d'étendre ce principe à l'article 380(1) C.cr. en interdisant au prévenu d'invoquer les motifs d'ordre moral l'ayant amené à croire en l'honnêteté de son comportement.

Le prévenu qui ignorait que son comportement contrevenait à la norme d'honnêteté des gens raisonnables en est quitte pour une condamnation. Son ignorance ou son erreur d'appréciation ne lui est d'aucun secours quel que soit le moyen dolosif qui lui est reproché. L'individu accusé d'avoir employé un «autre moyen dolosif» au sens de l'article 380(1) C.cr. n'a pas à constater la malhonnêteté de sa conduite. P. 349.

L'expression «délibérément malhonnête» est à proscrire. Elle est l'équivalent du critère de l'arrêt Ghosh que la Cour Suprême a explicitement rejeté dans l'affaire Théroux.

L'existence d'une pratique répandue ne permet pas d'excuser une fraude ou une autre infraction contre la propriété. L'accusé induit en erreur quant à l'honnêteté de son comportement en raison d'une pratique semblable demeure coupable. P. 350.

mardi 23 février 2010

L'infraction d'avoir effectué des appels téléphoniques harassants n'est pas commise si l'accusée n'a pas l'intention d'harasser quelqu'un

R. c. Tatum Tooktoo, 2005 CanLII 27486 (QC C.S.)

[10] Il appert de la décision de la juge de première instance (page 12) qu'elle a reconnu que l'infraction prévue à l'article 372.3 du Code Criminel du Canada en était une d'intention spécifique, c'est-à-dire que la poursuite devait établir que l'accusée avait l'intention d'harasser quelqu'un en faisant les appels téléphoniques répétés. Il apparaît aussi clairement de la décision qu'elle n'a pas accepté la défense d'ivresse soumise par l'accusée "because you're the one who decided at one point to consume at a point where you were not in control of your … gesture,… . And even, … I don't accept as a defence today the self-induced intoxication for such offence."

[11] Or, l'infraction d'avoir effectué des appels téléphoniques harassants (Article 372 (3) C.C.R) n'est pas commise si l'accusée n'a pas l'intention d'harasser quelqu'un et il appartient à la poursuite de prouver cette intention hors de tout doute raisonnable.

[12] En examinant si la poursuite avait prouvé hors de tout doute raisonnable que Madame Tooktoo avait l'intention d'harasser en faisant les appels téléphoniques, il fallait tenir compte de l'ensemble de la preuve et, entre autres, de sa consommation d'alcool et s'il subsiste un doute raisonnable à l'effet qu'elle avait cette intention spécifique, elle devait être acquittée.

[13] Si, d'autre part, malgré la consommation d'alcool par l'accusée, la preuve permet de conclure hors de tout doute raisonnable qu'au moment d'effectuer les appels téléphoniques l'accusée avait l'intention d'harasser, elle doit être trouvée coupable.

[14] En l'espèce, dans un premier temps, la juge conclut que l'accusée a elle-même décidé de consommer de l'alcool au point qu'elle n'était plus en contrôle de ses gestes, pour ensuite affirmer qu'elle n'accepte pas une défense d'intoxication volontaire à l'encontre d'une telle infraction.

[15] Nous sommes d'avis qu'il s'agit d'une erreur qui justifie notre intervention. En effet, la défense d'intoxication volontaire est irrecevable à l'encontre de l'infraction reprochée à l'accusée et elle devait bénéficier d'un doute raisonnable quant à cette intention. Or, manifestement, comme la juge de première instance semble avoir conclu que l'accusée avait consommé de l'alcool au point où elle n'était plus en contrôle de ses gestes, il est raisonnable de penser qu'en fonction de l'ensemble de la preuve, il subsistait à tout le moins un doute raisonnable quant à la question de savoir si l'accusée avait l'intention d'harasser quelqu'un en effectuant les appels téléphoniques répétés dont il s'agit. L'accusée devait donc bénéficier de ce doute raisonnable et être acquittée.

lundi 22 février 2010

Détermination de la peine dans le cas d'accusation de fuite

R. v. Brackenreed, 2010 MBQB 24 (CanLII)

[17] Learned counsel for the appellant referred me to a number of decisions.

[18] In R v. Denney, [2007] N.J. 218 (Prov. Court), there were convictions for dangerous driving and flight from a peace officer. This appellant and Ms. Denney share many of the same characteristics: the conduct was out of character and neither had a record. Total fines of $1,250. 00 were imposed.

[19] In R. v. Hardy, [2005] N.J. No. 92 (Prov.Court), there was a chase of approximately 200 metres in a city setting. Passing of sentence was suspended for a period of six months.

[20] In R. v. Zadorozniak, [2008] S.J. 472 (Q.B.) there was a 3 or 4 block pursuit through a residential area. Speeds were high. A conditional discharge was granted.

[21] A decision of the Manitoba Provincial Court was made by Judge Elliot in 2004 (R. v. Martin, CR 04-01-25181). This was a flight from police in a rural reserve over a distance of 1.5 kilometers. A period of probation of one year was the disposition on the flight charge and 14 days incarceration on a breathalyzer charge.

[22] Learned Crown counsel cited four decisions from Manitoba courts.

[23] In R. v. Gibson, 1988 CarswellMan 446 (M.C.A.), the accused had a prior record. He was under the influence of alcohol and was disqualified from driving. There was a 20 kilometer high speed chase in which he evaded a roadblock and attempted to hit police cars. There was a one year period of incarceration.

[24] R. v. Sorokowski, 1990 CarswellMan 446 was another decision of the appellate court of this province. It confirmed the sentence of one year incarceration for a chase through downtown Winnipeg.

[25] The accused in R. v. Emes, 1990 CarswellMan 129 (M.C.A.) was sentenced to six months in jail for a chase through a city ending in a collision with a police vehicle.

[26] In Hannibal, 1994 CarswellMan 317 (M.C.A.), a sentence of three months to be served intermittently was upheld. This was a police chase on a highway for 15 to 18 miles. The accused also pled guilty to a breathalyzer offence. The Court emphasized that this sentence was on the low end of the acceptable range.

[27] In all of these cases the police chase resulted in a plea of guilty to dangerous driving, the offence under section 249.1, which is the subject of this appeal, not having been in existence at the time those cases were decided.

[28] Crown counsel cited seven cases from jurisdictions other than Manitoba.

[29] In McLean 2004 ABCA 353 (CanLII), (2004), 190 C.C.C. (3d) 472 (A.C.A.) the accused was sentenced to a 24 month conditional sentence order after a police chase. This case is not helpful as the pleas were to motor vehicle flight, dangerous driving and resisting a police officer.

[30] Two Alberta appellate decisions ((K.) J. (1992), 37 M.V.R. (2d) 66 and N. (A.J.) reflex, (1994), 157 A.R. 273) stand for the principle that youth who are in possession of stolen cars and become involved in a high speed police chase will go to jail. These cases are clearly of no help in determining this accused’s sentence.

[31] Similarily, Breton (2004), 8 M.V.R. (5th) 180 (A.C.A.) dealt with bodily harm during a flight and is not applicable to these facts.

[32] In Saskatchewan in the case of Holmgren (1987), 3 M.V.R. (2d) 129 (C.A.) the court commented that jail sentences of 6 to 9 months are imposed for offences arising from high speed chases.

[33] In R. v. Hurley (2006), 40 M.V.R. (5th) 53 (Ont. Ct. Jus.) there was a sentence of three months for flight from police. This was an 8 km chase; it was out of character and the accused had no prior record.

[34] Finally, the Newfoundland Supreme Court (Trial Division) sentenced an accused with no record to 60 days incarceration for a chase through residential areas (R. v. Estell reflex, (1993), 113 Nfld. & P.E.I.R. 203).

[35] I have noted that many of the decisions cited by the Crown are dangerous driving convictions. The offence before the court is pursuant to section 249.1 of the Code. This offence became law in 2000. Prior to its creation, all flight from police offences were brought as dangerous driving (section 249 of the Code). The penalties are the same under both sections.

[36] I have therefore concluded that sentence precedents, prior to 2000, of dangerous driving involving flight from police are helpful in my consideration of this sentence appeal.

dimanche 21 février 2010

Instances dans le cadre desquelles la norme d’admissibilité plus souple que celle de la preuve hors de tout doute raisonnable est employée

R. c. MacDougall, 2006 NBCP 23 (CanLII)

[18] Il y a, dans notre droit criminel et notre Code criminel, de nombreuses instances dans le cadre desquelles des preuves qui ne satisfont pas aux règles d’admissibilité prescrites pour ce qui concerne les procès criminels peuvent être admises et servir de fondement à une décision. Par l’expression « règles d’admissibilité prescrites pour ce qui concerne les procès criminels » j’entends, bien entendu, la norme à laquelle il faut satisfaire lorsque la charge dont il faut s’acquitter est celle de la preuve hors de tout doute raisonnable. Voici quelques exemples de ce que l’on pourrait qualifier d’instances dans le cadre desquelles la norme d’admissibilité plus souple est employée :

1) Une audience de détermination de la peine au cours de laquelle des observations et des éléments de preuve sont reçus conformément à l’article 723 du Code criminel et pendant laquelle le tribunal se prononce sur des éléments de preuve contestés, conformément à l’alinéa 724(3)b) du Code criminel, (à l’exception d’une circonstance aggravante qui est en litige, auquel cas la circonstance doit être prouvée hors de tout doute raisonnable conformément à l’alinéa 724(3)e)). Voir, en particulier, le paragraphe 723(5) du Code qui autorise expressément l’admission du ouï‑dire. Voir aussi l’arrêt R. c. Albright, 1987 CanLII 26 (C.S.C.), [1987] 2 R.C.S. 383.

2) Une demande de détention sous garde d’un prévenu présentée à une enquête sur le cautionnement. Voir l’alinéa 518(1)e) du Code criminel qui autorise l’admission de toute preuve que le juge qui préside l’audience considère plausible ou digne de foi. Voir aussi les décisions Regina c. Julian (1972), 20 C.R.N.S. 227 (C.S.N.‑É., Div. 1re inst.) et R. c. Wilson [1997] S.J. No. 610 (C.B.R. Sask.).

3) Une demande visée à l’article 742.6 du Code criminel qui régit l’audition d’une allégation de manquement à une ordonnance de sursis. Voir les paragraphes 742.6(4) et (5) du Code. Voir aussi l’arrêt R. c. Carpentier 2005 MBCA 134 (CanLII), (2006), 34 C.R. (6th) 395 (C.A. Man.).

4) Une demande en vue de l’extradition d’une personne du Canada vers un État étranger afin qu’elle y subisse son procès pour une infraction criminelle conformément à l’article 29 de la Loi sur l’extradition, L.C. 1999 ch. 18. Voir, en particulier, les alinéas 32(1)a) et b) de la Loi sur l’extradition. Voir aussi l’arrêt États-Unis d’Amérique c. Ferras; États-Unis d’Amérique c. Latty, [2006] A.C.S. no 33 (C.S.C.), aux paragraphes 52 à 60.

5) Une demande d’ordonnance d’interdiction de possession d’armes à feu prévue à l’article 111 du Code criminel. Voir en particulier le paragraphe 111(3) qui autorise l’admission de « tout élément de preuve pertinent que présentent l’auteur de la demande et la personne visée par celle‑ci, ou leurs procureurs. » Voir aussi l’arrêt R. c. Zeolkowski, 1989 CanLII 72 (C.S.C.), [1989] 1 R.C.S. 1378, aux paragraphes 17 à 19.

6) Une demande d’engagement de ne pas troubler l’ordre public visée à l’article 810 du Code criminel où il est dit que la norme de preuve que doit appliquer le juge des faits est celle des motifs raisonnables de croire. Voir l’arrêt R. c. Budreo, [2000] O.J. No. 72 (C.A. Ont.)

[19] Dans chacun des exemples susmentionnés, la charge de la preuve est, tout au plus, celle de la preuve prépondérante ou preuve selon la prépondérance des probabilités. Dans tous les exemples mentionnés, est admise une preuve par ouï‑dire qui serait habituellement inadmissible dans un procès criminel, sauf celle qui est exceptionnellement admise lorsque l’on satisfait au double critère de la nécessité et de la fiabilité.

Obligation pour la poursuite d’établir les circonstances aggravantes lors d’une audience de détermination de la peine

R. c. MacDougall, 2006 NBCP 23 (CanLII)

[23] Dans un arrêt antérieur de la Cour suprême, l’arrêt R. c. Gardiner, 1982 CanLII 30 (C.S.C.), [1982] 2 R.C.S. 368, reconnu depuis longtemps comme l’arrêt de principe en ce qui concerne l’obligation d’établir les circonstances aggravantes lors d’une audience de détermination de la peine, le juge Dickson, alors juge puîné, a énoncé les règles générales qui régissent cette question. Voici ce qu’il a dit à la partie III F :

Il ne faut pas oublier non plus que l’aveu de culpabilité comporte en soi l’aveu des éléments juridiques essentiels de l’infraction en question, mais rien de plus. La poursuite doit prouver toutes les circonstances aggravantes qu’elle invoque et qui ne sont pas visées par cet aveu. Si ces circonstances ne sont pas contestées, la procédure peut être très peu formaliste. Si elles le sont, la question doit se régler selon les principes juridiques ordinaires qui régissent les procédures en matière criminelle, notamment le principe portant que tout doute pertinent doit profiter à l’accusé.

Pour moi, les faits qui justifient la peine ne sont pas moins importants que ceux qui justifient la déclaration de culpabilité; les deux devraient être soumis à la même norme de preuve. L’infraction et la peine sont inextricablement liées.

La Loi d'entraide ne permet pas l'homologation d'ordonnances de blocage étrangères émises en cours d'enquêtes

Cathay Financial Group c. Canada (Procureur général), 2004 CanLII 29192 (QC C.S.)

[15] Deux constatations s'imposent à la lecture du paragraphe 9.3(3) de la Loi d'entraide. Premièrement, contrairement à la situation domestique, la Loi d'entraide ne permet pas l'homologation d'ordonnances de blocage étrangères émises en cours d'enquêtes. Il doit y avoir une poursuite déjà entamée chez le pays demandeur.

[16] Deuxièmement, compte tenu qu'il y a une poursuite déjà entamée, il n'est pas nécessaire de présenter une requête pour faire prolonger l'ordonnance de l'homologation à l'expiration de six mois. Le paragraphe 462.35(2) C.cr., lu avec l'article 10 de la Loi d'entraide, prévoit que dans tel cas, l'ordonnance de blocage peut se poursuivre au-delà de six mois.

samedi 20 février 2010

Exposé sur la détermination de la peine dans les cas de fraude de plus de 5 000$ ainsi que certaines illustratrions jurisprudentielles

R. c. Bal, 2009 QCCQ 2858 (CanLII)

[91] La Cour d’appel du Québec a donné certaines balises dans Lévesque c. Procureur général du Québec. Cette affaire concerne un entrepreneur qui avait frauduleusement obtenu d’un commerçant un acte de cautionnement dans le but de sauver une entreprise qui périclitait. Suite à une faillite, la victime fut contrainte de verser 270 000 $. Après un verdict de culpabilité devant jury, le premier juge impose une peine de quatre ans. En appel, la Cour retient la suggestion commune de deux ans moins un jour. Elle souligne que l'accusé, travailleur acharné, n’avait pas pour but de s’enrichir personnellement. Il s’agissait d’un acte criminel isolé. La Cour d’appel a alors développé les facteurs d’analyse suivants qui font toujours autorité :

1) La nature et l'étendue de la fraude se traduisant, notamment, par l'ampleur de la spoliation ainsi que la perte pécuniaire réelle subie par la victime.

2) Le degré de préméditation se retrouvant, notamment, dans la planification et la mise en oeuvre d'un système frauduleux.

3) Le comportement du contrevenant après la commission de l'infraction dont les facteurs de bonification pourraient résider dans le remboursement des sommes appropriées par la commission d'une fraude, la collaboration à l'enquête ainsi que l'aveu.

4) Les condamnations antérieures du contrevenant : proximité temporelle avec l'infraction reprochée et gravité des infractions antérieures.

5) Les bénéfices personnels retirés par le contrevenant.

6) Le caractère d'autorité et le lien de confiance présidant aux relations du contrevenant avec la victime

7) La motivation sous-jacente à la commission de l'infraction : cupidité, désordre physique ou psychologique, détresse financière, etc.

8) La fraude résultant de l'appropriation des deniers publics réservés à l'assistance des personnes en difficulté.

[92] Dans R. c. Savard, la Cour d’appel a imposé, en plus d’une amende de 200 000 $, une peine de 18 mois à un individu déclaré coupable d’une fraude commerciale de 1.4 M $ aux dépens d’une entreprise de crédit. Dans son analyse, la Cour d’appel réfère aux facteurs identifiés dans l’arrêt Lévesque. Lorsque ces derniers « se polarisent vers un comportement délictuel frauduleux qui ne laisse émerger aucune mesure d'atténuation, les tribunaux privilégient la mesure carcérale comme moyen de protection sociétale et de dissuasion générale en écartant, expressément, la réadaptation ». Par ailleurs, la Cour note que l'accusé ne s’est pas enrichi personnellement et qu’il ne possède aucun antécédent judiciaire. La Cour ajoute que l'accusé « ne jouissait pas d'une position d'autorité dans la société ni ne s'est servi de sa réputation et de sa qualité professionnelle pour abuser de la confiance de la collectivité auquel cas, la dissuasion individuelle et générale demeure l'objectif pénologique à privilégier ».

[93] Dans R. c. Juteau, l’accusée plaide coupable à divers chefs de fraude à l’égard de son employeur, totalisant plus de 400 000 $ sur une période de huit ans. Le premier juge impose une peine de d’emprisonnement de 23 mois à être purgés dans la collectivité plus 240 heures de travaux communautaires. Les juges Brossard et Proulx, proposent d’accueillir l’appel et de substituer une peine d’emprisonnement ferme de six mois, et ce, tenant compte du fait que la peine était en partie déjà exécutée. Pour sa part, le juge Fish aurait seulement ajouté des conditions à l’ordonnance de sursis. Dans son analyse, le juge Proulx examine les facteurs de l’arrêt Lévesque puis développe l’opinion suivante :

Quant à l'opportunité du sursis à l'emprisonnement dans ces matières, la Cour d'appel de l'Ontario, dans l'arrêt R. v. Pierce, précise que dans les cas de malhonnêteté qui se distinguent particulièrement par un abus de confiance, la détermination de la peine doit souligner la gravité des infractions et le sursis doit être écarté. D'ailleurs, la même cour d'appel dans l'arrêt R. v. Wismayer, sous la plume du juge Rosenberg, a affirmé que la dissuasion générale, en tant que principe pouvant légitimer la décision de ne pas imposer l'emprisonnement avec sursis, doit primer dans le cas de ces infractions, notamment les fraudes systématiquement planifiées et structurées commises par des personnes qui abusent de la confiance de leur employeur, comme dans l'arrêt Pierce et celui qui prévaut en l'espèce. À mon avis, non seulement la dissuasion générale mais le juste dû et la dénonciation constituent également des objectifs prééminents. Néanmoins, ce principe ne saurait être absolu, puisque chaque cas doit être soumis à l'examen judiciaire à la lumière des éléments qui lui sont propres.

[94] Par ailleurs, les avocats réfèrent aux principes généraux développés dans l’arrêt de la Cour d’appel R. c. Coffin, tout en convenant qu’il existe des distinctions avec le présent cas. Dans Coffin, l'accusé a reconnu sa culpabilité à quinze chefs de fraude totalisant 1.5 M $, reliée à « l’Affaire des commandites ». Le 19 septembre 2005, le juge Boilard impose une peine de deux ans moins un jour dans la collectivité, en retenant les facteurs atténuants : la conduite post-délictuelle de l'accusé, le plaidoyer de culpabilité, le remboursement des sommes illégalement obtenues, les remords, l’engagement à prononcer des allocutions sur l'éthique en affaires, la réputation sans tache jusqu'au plaidoyer, l’âge (62 ans), les excuses publiques. Le 7 avril 2006, la Cour d’appel accueille l’appel de la poursuivante. Dans sa démarche, la Cour se livre à une étude de l’arrêt de la Cour suprême R. c. Proulx, et conclut que le premier juge n’a pas suffisamment accordé d’importance aux principes et objectifs suivants : la gravité du crime qui justifie une peine proportionnelle, les objectifs de dénonciation et de dissuasion, les peines généralement infligées pour ce type de crime selon le principe d'harmonisation des peines. La Cour reprend avec approbation l’argument du ministère public que le premier juge n’a pas souligné les facteurs reliés à la gravité du crime : la durée des fraudes (cinq ans), l'importance des montants subtilisés, la position privilégiée de l'accusé, la préméditation. Écartant le principe fallacieux « voler le gouvernement, ce n’est pas voler », la Cour souligne que l'accusé a préparé 373 factures frauduleuses, de sorte qu’on « ne peut pas parler ici d'égarement passager ». Toujours au chapitre de la dénonciation et de la dissuasion, la Cour d’appel reprend l’énoncé de la Cour suprême dans l’arrêt Proulx :

[106] […] Toutefois, il peut survenir des cas où la nécessité de dénoncer est si pressante que l'incarcération est alors la seule peine qui convienne pour exprimer la réprobation de la société à l'égard du comportement du délinquant.

[95] Concernant l’harmonisation des peines, la Cour d’appel exprime l’opinion suivante :

[60] En l'espèce, la poursuivante a raison de prétendre que les diverses cours d'appel du Canada ont généralement infligé des peines d'emprisonnement dans le cas de fraudes importantes et planifiées qui se sont déroulées sur des périodes plus ou moins prolongées.

[61] Les tribunaux ont alors reconnu que, pour atteindre les objectifs de dénonciation et de dissuasion, une peine d'incarcération s'imposait bien que le contrevenant 1) n'ait pas d'antécédents, 2) jouisse d'une bonne réputation dans son milieu, 3) ait parfois remboursé, en partie, les victimes, 4) manifeste des remords, 5) ne soit pas enclin à récidiver.

[96] Au passage, la Cour d’appel relativise le critère de la « réputation sans tache » puisque la fraude est souvent commise par ce type de personne. Soupesant l’ensemble des facteurs, notamment la gravité de la fraude « qui a pour effet de saper la confiance des citoyens à l'égard des institutions publiques », la Cour d’appel décide d’intervenir et de substituer à la peine dans la collectivité une peine d’emprisonnement ferme de 18 mois.

[97] Par ailleurs, tel que plus haut mentionné, la défense invoque au soutien de sa thèse certains jugements. Voici l’analyse du Tribunal :

Jurisprudence régionale :

1) R. c. Moquin : Le 10 septembre 2002, après 57 jours de procès, le juge Rosaire Larouche déclare l’huissier Pierre Moquin coupable de 137 chefs de fabrication et d’utilisation de faux. Essentiellement, l'accusé avait profité de ses fonctions pour facturer en double des montants variant entre 5 $ et 20 $, pour une fraude totale de 1 469 $. Dans le même verdict, le juge prononce un acquittement à l’égard de 44 chefs, dont certains de parjure et de corruption. Lors des représentations sur la détermination de la peine, le ministère public déclare soumettre le tout au Tribunal et n’avoir rien de particulier à plaider. Le 17 octobre 2002, le juge prononce une absolution conditionnelle, tenant compte des facteurs suivants : acquittement sur plusieurs chefs importants, lourdeur et complexité du procès, médiatisation, faible montant de la fraude, ordonnance de remboursement.

2) R. c. Ménard : Le 29 juin 2005, la juge Johanne Roy déclare Robert Ménard coupable d’une fraude de 317 000 $ commise à l’encontre de Microvel Technologies, ses créanciers et une firme de syndic. En outre, la responsabilité de Ménard est reconnue à l’égard de six infractions à la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, essentiellement, l’omission de remettre certains biens. Le 16 décembre 2005, la juge impose une peine de deux ans moins un jour dans la collectivité. Dans son analyse, la juge retient que les gestes posés avaient pour objectif de permettre la survie du projet et d’indemniser les créanciers et les actionnaires de Microvel. De plus, même après le verdict de culpabilité, des investisseurs et partenaires d’affaire ont continué de supporter l'accusé. Au total, la juge conclut qu’il ne s’agit pas d’un cas où l'accusé était animé par la cupidité ou l’intérêt personnel. Ces éléments, combinés à l’absence d’antécédent judiciaire, l’âge de 70 ans, l’état de santé et l’absence de risque pour la société conduisent à une ordonnance de sursis.

3) R. c. Lea : Le conseiller financier John Lea a plaidé coupable à une accusation de fraude à l’encontre de religieuses. Lors de la perpétration du crime, il a empoché une commission secrète de 1 M $. Le 8 janvier 2007, le juge Rosaire Larouche, retenant une suggestion commune des avocats et prenant note d’un remboursement important, a imposé une peine de douze mois dans la collectivité.

Autre jurisprudence :

4) R. c. Cogger : Le 2 juin 1998, l’ex-sénateur Michel Cogger est trouvé coupable par le juge Sansfaçon d’avoir exigé ou accepté 212 000 $, en considération d'une collaboration concernant une demande de subvention gouvernementale. L'accusé avait continué d’exercer des activités de lobbyiste après sa nomination comme sénateur, pratique interdite par le Code criminel. Le 7 juillet 1998, le juge inflige une amende de 3 000 $ et prévoit 120 heures de travaux communautaires. Le 17 mai 2001, la Cour d’appel casse la sentence et prononce une absolution inconditionnelle. La Cour retient que l'accusé avait touché des honoraires dans l’ignorance de la loi, en toute bonne foi et sans corruption. Cet acte isolé a entaché de façon disproportionnée la réputation de l'accusé.

vendredi 19 février 2010

Peines dans les cas ou des avocats, notaires ou gestionnaires qui ont volé ou détourné des fonds détenus pour autrui

R. c. Bolduc, 2001 CanLII 9065 (QC C.Q.)

Quant aux peines "infligées à des délinquants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables" (art. 718.2 b) C. cr.) - c'est-à-dire par des avocats, notaires ou gestionnaires qui ont volé ou détourné des fonds détenus pour autrui -, elles varient généralement entre 23 mois et cinq ans de détention en contexte québécois:

- R. c. Plourde, [1975] C.A. 34: la Cour d'appel du Québec confirme une sentence de 23 mois d'emprisonnement imposée à un avocat qui a fraudé ses clients pour une somme de 21 000,00 $;

- Ste-Marie c. R., 500-10-000091-791, 1980-08-15: la Cour d'appel du Québec confirme une peine de 23 mois d'emprisonnement infligée à un avocat qui s'est approprié 112 000,00 $ appartenant à ses clients;

- R. c. Zaor, C.S.P. St-François 450-01-002455-835: la Cour des sessions de la paix condamne un avocat à quatre ans de pénitencier pour 18 fraudes totalisant 515 000,00 $ (requête en appel rejetée le 4 septembre 1985);

- R. c. Drapeau, C.Q. Longueuil 505-01-001123-880, 1989-01-23: la Cour du Québec condamne un notaire qui s'est approprié 100 000,00 $ appartenant à ses clients à deux ans moins un jour de détention;

- R. c. Trudeau, C.Q. Longueuil 505-01-001415-880, 1988-09-23: la Cour du Québec condamne un notaire qui s'est approprié 132 000,00 $ appartenant à ses clients à 30 mois de pénitencier;

- R. c. Cardin, C.Q. Longueuil 505-01-001755-939, 1994-03-01: la Cour du Québec condamne à trois ans de pénitencier un notaire de 47 ans qui a volé 387 650,79 $ à même les comptes en fidéicommis de dix clients pour maintenir son haut niveau de vie;

- R. c. Desmarais, C.Q. Joliette 705-01-009977-960, 1998-06-26: la Cour du Québec condamne un juriste à trois ans de pénitencier pour fraude;

- R. c. Champagne, C.Q. Chicoutimi 150-01-001630-947, 1999-11-11: la Cour du Québec condamne un notaire à trois ans de pénitencier pour plusieurs fraudes totalisant 300 000,00 $ commises sur une période de 18 mois, alors que le contrevenant n'exprimait aucun remords;

- R. c. Bergeron, J.E. 99-483 (C.Q.): la Cour du Québec condamne un avocat à 23 mois d'emprisonnement pour un détournement de fonds à ses fins personnelles à partir de son compte en fiducie;

- R. c. Durand, (1992) A.Q. 692: la Cour d'appel du Québec confirme une sentence de cinq ans de pénitencier imposée au directeur des finances de l'Université du Québec à Trois-Rivières qui, pour sauver ses propres entreprises, avait falsifié des chèques et volé des obligations pour une somme totalisant approximativement un million de dollars;

- R. c. Lacombe, C.Q. Montréal 500-01-065202-985, 2001-05-17: la Cour du Québec condamne le directeur des services financiers de l'École des Hautes Études Commerciales (H.E.C.) à trois ans de pénitencier pour une fraude totalisant 1 113 000,00 $ et la perception de commissions secrètes de 603 000,00 $.

Considérant que la peine que le Tribunal est maintenant appelé à imposer doit l'être pour un seul chef d'accusation (le contrevenant n'ayant pas été accusé des fraudes antérieures), que la victime a été totalement remboursée par le Fonds d'assurance de la Chambre des notaires, que le délinquant ne possède pas d'antécédents judiciaires, qu'il a entrepris et poursuivi pendant 18 mois une thérapie qui réduit d'autant les risques de récidive et que sa réputation comme sa carrière professionnelle sont à jamais anéanties (ce qui constitue une peine en soi), et convaincu que l'objectif pénologique de réinsertion sociale doit être clairement soutenu malgré l'importance de réaffirmer aussi les objectifs de dénonciation du comportement illégal, de dissuasion générale et de consolidation de la prise de conscience du contrevenant à l'égard de la victime comme de la collectivité, le Tribunal estime qu'une peine de pénitencier n'est pas appropriée dans les circonstances, bien qu'il convienne qu'on se situe alors à la limite supérieure de la peine susceptible d'être purgée dans une institution provinciale. Pour des motifs évidents, on doit par ailleurs écarter péremptoirement les simples mesures probatoires.

Exposé sur la "gravité de l'infraction" et le "degré de responsabilité du délinquant"

R. c. Bolduc, 2001 CanLII 9065 (QC C.Q.)

Si la "gravité de l'infraction" réfère au premier titre à sa gravité objective telle qu'elle résulte de la peine maximale prévue par le législateur (en l'espèce dix ans – art. 334 a) C. cr.), le "degré de responsabilité du délinquant" renvoie plutôt à une appréciation plus subjective dans le cadre de laquelle doivent notamment être prises en considération, en vertu de l'article 718.2 C. cr., certains facteurs particuliers, dont l'appréciation des "circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l'infraction ou à la situation du délinquant" (art. 718.2 a) C. cr.) ainsi que l'objectif d'harmonisation des peines qui commande "l'infliction de peines semblables à celles infligées à des délinquants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables" (art. 718.2 b) C. cr.).

Convenons ici que même si l'accusé a reconnu sa culpabilité à une accusation de vol plutôt que de fraude, la même grille d'analyse s'impose: ce dernier a en effet frustré son client d'une somme d'argent en la détournant de la fin pour laquelle elle lui avait été confiée, posant dès lors un geste assimilable à la fraude.

Ayant circonscrit la "gravité de l'infraction" et le "degré de responsabilité du délinquant" comme le commande l'article 718.1 C. cr., le Tribunal doit maintenant se consacrer à l'exercice décrit par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt R. c. Proulx, 2000 CSC 5 (CanLII), [2000] 1 R.C.S. 61, à la page 127:

"Dans un premier temps, le juge appelé à déterminer la peine doit avoir conclu que ni l'emprisonnement dans un pénitencier ni des mesures probatoires ne sont des sanctions appropriées. Après avoir déterminé que la peine appropriée est un emprisonnement de moins de deux ans, le juge se demande s'il convient que le délinquant purge sa peine dans la collectivité."

Par ailleurs, précise la Cour, à la page 98:

"Pour rendre cette décision préliminaire, il suffit au tribunal de prendre en compte l'objectif essentiel et les principes de la détermination de la peine énoncés aux articles 718 à 718.2, dans la mesure nécessaire pour délimiter la fourchette des peines applicables au délinquant. Quoiqu'elles ne lient pas le tribunal, les observations des parties peuvent s'avérer utiles à cet égard. Par exemple, les deux parties peuvent convenir que la peine appropriée est l'emprisonnement pour une période de moins de deux ans."

Détermination de la peine - Ravage causé par la production et le trafic de cannabis - Impératif de dissuasion en matière de production et de trafic

R. c. Léveillé, 2009 QCCQ 9820 (CanLII)

[44] Les tribunaux ont d'ores et déjà élaboré sur ce qu'ils en sont venus à qualifier d'indéniable fléau social moderne, soit l'ensemble étendu de ravages causés par la production et le trafic de cannabis :

Les tribunaux sont bien placés pour constater que la consommation de drogue ne diminue pas, que le marché de la drogue vise de plus en plus les jeunes de notre société et que la drogue favorise la commission d'autres crimes contre les personnes et les biens. En ce sens, le Tribunal doit donner priorité aux objectifs de dénonciation et de dissuasion.

[45] Dans R. c. Paré, le juge Lévesque qualifie même la consommation de cannabis d'épidémique. Dans le dessein de minimiser les impacts, "la société engage des ressources considérables pour combattre ce fléau et commande que la peine que le tribunal impose reflète cette réprobation collective"

[46] Dans R. c. Ayotte, le juge Jacques Trudel expose clairement l'omniprésence de la toxicomanie dans les démêlés criminels :

Ce constat n'est-il pas le lot quotidien des tribunaux québécois et canadiens siégeant en matière criminelle, que ce soit à la chambre de la jeunesse ou à la chambre criminelle et pénale pour adultes. Rares sont les cas, dans une journée ordinaire, qui seront traités à quelques stades de la procédure, que ce soit, dans lesquels la toxicomanie même à une drogue douce, tel le cannabis, ne sera pas invoquée, comme étant la cause ou une des causes prédominantes du passage à l'acte de délinquants. D'ailleurs, les autorités scolaires, scientifiques et gouvernementales évoquent de plus en plus le nombre croissant d'étudiants consommant de la marijuana et les problématiques que cela engendre.

[47] peut être résumé dans ces quelques lignes du juge Hood:

Finalement, les peines infligées n'ont pas réussi à atteindre les principes ou les objectifs de la condamnation. Elles ont failli à la tâche de dissuader les contrevenants et, pire encore, ont échoué à dénoncer la conduite illégale de ceux qui pratiquent ce commerce. En effet, on peut argumenter sur le fait que ces peines, ou du moins bons nombres d'entre elles ont pour résultat, au lieu de les dissuader, d'encourager des personnes à adhérer à l'exploitation de la culture de stupéfiants. Ils peuvent réaliser des profits rapides et considérables et relativement peu risqués. Ce qui arrive lorsque l'un d'eux est appréhendé ou reconnu coupable ne représente pas plus qu'une tape sur les doigts, ce qui est perçu comme un prix très minime ou généreux pour monter une entreprise très lucrative. Ces personnes qui projettent de commettre ces graves délits doivent clairement comprendre qu'en y adhérant, il y aura réellement un prix à payer si jamais elles sont appréhendées et qu'à ce moment-là, il s'agira réellement d'une période d'emprisonnement.

[48] Finalement, on ne saurait négliger que la confiance du public envers l'administration de la justice est largement tributaire de l'application de ces objectifs de dénonciation et de dissuasion

En matière de production de cannabis, une revue jurisprudentielle démontre que les peines varient considérablement

R. c. Léveillé, 2009 QCCQ 9820 (CanLII)

[49] Le principe selon lequel des peines semblables doivent être imposées pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables a toujours régi les décisions judiciaires. Le législateur a également fait sien ce principe à l'article 718.2 b) du Code criminel.

[50] En matière de production de cannabis, une revue jurisprudentielle démontre que les peines varient considérablement allant d'une ordonnance de probation à quatre ou cinq ans de détention. Si l'importance de la dénonciation et de la dissuasion a généralement amené les tribunaux à imposer l'emprisonnement ferme, un nombre grandissant de sursis est octroyé à des accusés de cet acte criminel. L'emprisonnement ferme sera généralement préféré lorsque l'activité de production est d'une certaine envergure ou lorsqu'elle est poursuivie dans un but commercial ou de lucre. D'autres facteurs prépondérants qui ont été identifiés sont la situation de l'accusé, ses antécédents judiciaires, le niveau de sophistication du processus de production, la quantité de substance impliquée, ainsi que leur valeur sur le marché.

[51] Un survol jurisprudentiel permet d'avancer que les quelques peines de sursis qui ont été imposées pour production de cannabis se situent entre 18 et 22 mois et impliquent des quantités n'excédant pas 1,535 plants, impliquant même pour la majorité moins de 400 plants.

[52] Dans la cause de Nguyen, la Cour d'appel a maintenu une peine de neuf mois de détention pour une production de 444 plants.

[53] Très récemment, le juge Leblond a catégoriquement rejeté la possibilité d'imposer une peine de sursis de 12 à 18 mois à un accusé en semblable matière et a arrêté son choix sur une peine de neuf mois de détention pour une production de 216 plants.

[54] Une autre cause, Robillard, impliquait 150 plants et l'accusé sans antécédent judiciaire, menant une vie stable avant ces procédures et non consommateur de stupéfiants, s'est vu imposer une peine d'emprisonnement ferme de six mois.

[55] Une détention de 12 mois a été le lot de Valiquette impliqué dans une production de 440 plants de cannabis, sans aucun antécédent, présentant un faible risque de récidive et un rapport présentenciel favorable.

[56] Les causes de Leclerc, de Raymond et Narbonne et de Buge se sont toutes soldées par un emprisonnement ferme de 15 mois. Elles impliquaient des quantités respectives de 608, 999 et 1,385 plants. Raymond et Narbonne étaient tous deux des pères de famille, non consommateurs de drogue et disposaient d'un emploi stable. Pour sa part, Buge n'avait aucun antécédent judiciaire et un rapport présentenciel positif.

[57] Une peine de 18 mois d'emprisonnement ferme a été imposée dans la cause de Dupont, pour une production importante de 3,868 plants, alors que le rôle de simple gardien de l'accusé était secondaire, qu'il n'avait aucun antécédent et qu'il présentait un rapport présentenciel favorable.

[58] En ce qui concerne les peines se situant au-deçà, Man Joa s'est vu imposer une sentence de 22 mois pour une culture de 2,350 plants; Couture, deux ans moins un jour pour 335 plants; Gatien, 30 mois pour 741 plants; Paré, 42 mois pour 250 plants, mais la sentence était grandement redevable à son statut de policier.

[59] Force est donc de constater que l'imposition d'une peine d'emprisonnement est la norme et l'imposition d'un sursis, l'exception, en matière de production de cannabis.

Peines appropriées dans différents cas d'homicide involontaire coupable

R. c. Caron, 2009 QCCS 5837 (CanLII)

[39] Voici quelques illustrations de ce qu'ont pu décider, récemment, nos tribunaux, en regard des peines appropriées dans différents cas d'homicide involontaire coupable :

▪ R. c. Billings, [2004] B.C.J. (Quicklaw) no 1031 (B.C.S.C.).

Sans antécédent judiciaire, le délinquant a étranglé son vendeur de drogue. Âgé de 25 ans, il était devenu dépendant des drogues. L'homicide involontaire qu'il a commis se rapprochait du meurtre. Il a été condamné à six ans de pénitencier.

▪ R. c. Leaf, [2004] O.J. (Quicklaw) no 1692 (O.S.C.J.).

Possédant des antécédents judiciaires de conduite avec facultés affaiblies et de conduite dangereuse, il procédait à commettre un vol qualifié lorsque la victime a été tuée. Il a plaidé coupable à l'infraction qu'on lui reprochait et affirmait n'avoir pas eu l'intention d'utiliser l'arme à feu. Il a coopéré avec les policiers et a reconnu l'entière responsabilité de ses actes. Il était affecté par un problème sérieux de consommation de drogue et d'alcool. La peine a été fixée à douze ans d'emprisonnement.

▪ R. c. Whitteker, [2004] O.J. (Quicklaw) no 1415 (O.S.C.J.).

Le coup de poing qu'elle a donné à son époux a causé sa mort. Elle était alors intoxiquée par l'alcool, dans un état de dépression et sous l'effet des médicaments. Elle a bénéficié d'une peine d'emprisonnement avec sursis au sein de la collectivité d'une durée de deux ans moins un jour assortie d'une ordonnance de probation de trois ans.

▪ R. c. Dadgar, [2004] J.Q. (Quicklaw) no 5702 (C.A.).

Le délinquant a poignardé son épouse à soixante reprises. Le crime a été perpétré dans des circonstances d'extrême violence. Le délinquant représentait un degré élevé de dangerosité compte tenu de la schizophrénie dont il était affligé. Il a été condamné à une peine d'emprisonnement de vingt ans.

▪ R. c. Eliason, [2003] B.C.J. (Quicklaw) no 2780 (B.C.S.C.).

La victime est décédée à la suite d'une violente bagarre. L'accusé âgé de 37 ans était un homme violent faisant un usage excessif de l'alcool et des drogues. Il n'a démontré aucun signe d'une volonté réelle de se réhabiliter. La peine a été fixée à sept ans d'emprisonnement.

▪ R. c. T.J.N., [2004] B.C.J. (Quicklaw) no 1341 (B.C.C.A.).

La victime cohabitait avec l'accusé. Elle est morte par strangulation. Âgé de 20 ans, le délinquant en était à sa première offense. Il a plaidé coupable et sa situation ne révélait aucun autre cas de violence. La peine a été fixée à huit ans et demi d'emprisonnement.

▪ R. c. E.H., [2004] B.C.J. (Quicklaw) no 1486(B.C.S.C.).

La victime a été battue par les deux accusés. On voulait lui donner une leçon. La victime était sous l'effet des drogues, plus faible que les deux attaquants et était incapable de se défendre. La victime avait des problèmes de drogue et avait d'une certaine façon provoqué l'attaque. L'accusé qui avait des problèmes d'alcool a admis l'entière responsabilité de ses actes et a vu la peine prononcée contre lui à huit années d'emprisonnement.

▪ R. c. B.D., [2004] A.N.-B. (Quicklaw) no 468 (C.B.R.N.-B.).

La victime était âgée de 20 ans et a été tuée par balle. L'accusé était sous l'influence de l'alcool et de la drogue et présentait certains problèmes de comportement. Bien qu'il ait admis sa responsabilité et qu'il ait plaidé coupable, la Cour avait des doutes sur la sincérité de ses remords. Il a été condamné à une peine d'emprisonnement de huit ans.

▪ R. c. LaFantaisie, [2004] A.J. (Quicklaw) no 691 (A.P.C.).

Ce délinquant a étranglé sa mère. Il a ensuite placé le corps de celle-ci dans des sacs de plastique qu'il a cachés dans une garde-robe au sous-sol de la résidence. Deux semaines plus tard il a avisé la police de la situation. Il a manifesté certains remords tout en imputant la responsabilité de son acte à l'usage de l'alcool et des drogues. La peine qui a été dans ce cas trouvée adéquate était une peine d'emprisonnement de huit ans.

[40] La Cour d'appel du Québec confirmait récemment, une peine d'emprisonnement de huit ans pour un individu trouvé coupable d'homicide involontaire coupable. Il avait étouffé sa victime à l'occasion d'une chicane relative à sa conjointe.

[41] D'autres décisions ont été rendues plus récemment. À titre d'illustration, en voici quelques-unes :

▪ R. c. Langlais, 2007 QCCS 3361 (CanLII), [2007] J.Q. no 7391, 2007 QCCS 3361.

Langlais a causé la mort de Gagnon en utilisant une arme à feu. Il hébergeait la victime temporairement. Sous l'effet des drogues, la victime a eu un comportement bizarre, en insultant sa femme, en le poussant, en menaçant de le frapper, et a même lancé différents objets en sa direction. Voulant faire peur à la victime, Langlais a choisi d'aller chercher un fusil. Voyant l'agressivité de la victime, Langlais a décidé de prendre des munitions. La victime a empoigné le bout du canon du fusil et, pendant l'altercation, le coup de feu est parti. Langlais avait de nombreux antécédents judiciaires et le rapport pré-décisionnel lui était défavorable. En précisant qu'un verdict de culpabilité à un homicide involontaire avec usage d'une arme à feu emporte une privation importante de la liberté, monsieur le juge Moulin, de cette Cour, a privilégié des facteurs de dénonciation et de dissuasion. Langlais a été condamné à une peine de neuf ans d'emprisonnement de laquelle a été déduite la période de sa détention provisoire.

▪ R. c. Macryllos, 2007 QCCS 4541 (CanLII), [2007] J.Q. no. 11430, 2007 QCCS 4541.

À la suite d'une altercation, Macryllos est coupé à la main avec un couteau par la victime. Macryllos a pris possession du couteau et a donné une quarantaine de coups à la victime qui en est décédée. Le délinquant a plaidé coupable à un homicide involontaire coupable. Il n'avait aucun antécédent judiciaire. Macryllos et la poursuite ont suggéré une peine de quatorze ans et demi d'emprisonnement. Reconnaissant qu'il s'agissait là d'un quasi-meurtre, notre collègue madame la juge Cohen a accepté la recommandation commune et a fixé la peine à quatorze ans et demi de détention.

▪ R. c. Ellis, 2007 QCCS 5719 (CanLII), [2007] J.Q. no 13731, 2007 QCCS 5719.

À la suite d'une dispute avec la victime, Ellis l'a poignardée à plusieurs reprises. Ellis a témoigné en disant qu'il n'avait pas voulu tuer la victime et que son geste résultait d'une mauvaise réaction provoquée par la peur. Ellis était âgé de 63 ans. Considérant que l'homicide involontaire, dans ce cas, se rapprochait plus de l'accident que du meurtre, monsieur le juge Zigman, de cette Cour, a prononcé une peine de huit ans d'emprisonnement.

▪ R. c. Laplante, 2008 QCCS 13 (CanLII), [2008] J.Q. no 42, 2008 QCCS 13.

À l'occasion d'une transaction de drogue, Laplante et Helgen se rendent à l'endroit prévu où l'attendait la victime. La transaction a mal viré. Lefebvre a sorti une arme et l'a pointée vers Helgen. Laplante a sauté sur Lefebvre qui a déchargé son arme à feu sur Helgen. Helgen a ensuite tiré sur Lefebvre, qui est décédé presque instantanément. Laplante, âgé de 28 ans, a des antécédents judiciaires impliquant la violence. Helgen est condamné à sept ans d'emprisonnement et Laplante à six ans, les dix-huit mois de détention provisoire ayant été pris en compte. Le juge Martin, de notre Cour, mentionne que :

« (…) Il y avait cependant un comportement, même amateur jusqu’à un certain point, qui faisait fi de la sécurité, non seulement des acteurs principaux mais celle des autres personnes présentes. Les conséquences étaient tout à fait prévisibles. »

▪ R. c. Escamilla, 2008 QCCS 2005 (CanLII), [2008] J.Q. no 4143, 2008 QCCS 2005.

Les événements sont survenus dans un contexte de transaction liée au trafic de drogue. Espinosa et Hueman devaient vendre de la drogue à Escamilla, pour une somme de 15 000 $. Après avoir encaissé l'argent, Espinosa et Hueman n'ont jamais donné la drogue à Escamilla. Quelques semaines après la transaction, Escamilla les a retrouvés et a tiré sur eux. Il plaide que son intention était d'envoyer un message clair aux victimes qu'il voulait son argent. Il voulait seulement leur faire peur, non les blesser, encore moins les tuer. Les antécédents judiciaires d'Escamilla sont nombreux et concernent des infractions de vols, de voies de faits et de possession d'arme prohibée. La poursuite réclame une peine de pénitencier de quinze ans alors que la défense considère qu'une sentence d'incarcération de 10 ans moins le temps passé en détention préventive est une sentence juste dans les circonstances. Notre collègue, madame la juge Bourque, a estimé que la peine appropriée était une peine de treize ans d'emprisonnement dont on devait soustraire trente mois de détention provisoire.

▪ R. c. Tremblay, 2008 QCCS 5923 (CanLII), [2008] J.Q. no 13065, 2008 QCCS 5923.

Tremblay s'était rendu à Montréal, muni d'une arme à feu, pour compléter une transaction de stupéfiants. La transaction n'a pas été complétée car la victime, Séguin, a plutôt choisi de lui voler l'argent qu'il lui avait demandé d'amener avec lui pour acheter le cannabis. Séguin a sorti une arme à feu pour la pointer vers Tremblay qui lui a donné un coup sur le bras et une balle a été tirée dans la jambe de Tremblay. Profitant du fait que l'arme de Séguin s'était enrayée, Tremblay, qui croyait pour sa vie, a utilisé sa propre arme, tirant à deux reprises sur Séguin. Tremblay est un père de famille qui a la garde partagée d'une petite fille de 2 ans. Il est charpentier-menuisier à l'emploi d'un entrepreneur de sa région. Il se décrit comme une victime dans un contexte de légitime défense. Il a été incarcéré en détention préventive durant quatre mois. Les antécédents de Tremblay sont mineurs et il n'y a aucune information concernant une implication criminelle depuis sa remise en liberté. La défense suggère le sursis d'emprisonnement et la poursuite réclame l'imposition d'une peine de sept ans. Monsieur le juge Cournoyer, de cette Cour, y écrit, entre autres :

« [51] Une peine sévère doit être imposée en raison de la dénonciation nécessaire, de l'exigence de dissuasion générale et spécifique, de même qu'en raison de la gravité de l’infraction et du degré de responsabilité de M. Tremblay.

[52] Une peine sévère est nécessaire en vertu du principe de l'harmonisation des peines en semblables matières. Il faut se rappeler que la peine qu'impose le Tribunal ne doit pas s'écarter « de façon marquée et substantielle des peines qui sont habituellement infligées à des délinquants similaires ayant commis des crimes similaires ». »

Il conclut qu'une peine de six ans d'emprisonnement doit être imposée, de laquelle il déduit la période de détention provisoire, laissant une période d'emprisonnement de cinq ans et quatre mois.

[42] Les procureurs de l'accusé ont soumis quelques décisions que nous avons aussi considérées :

▪ R. c. Mazzara, 2009 QCCS 836 (CanLII), 2009 QCCS 836 (CanLII).

Cette affaire illustre un cas de rage au volant. Excédé par l'attitude de la victime qui lui avait préalablement bloqué le chemin dans le stationnement d'un restaurant, l'accusé était sorti de son véhicule et avait utilisé un bâton de baseball pour frapper la victime qui est décédée des coups qui lui ont été portés et qui avaient provoqué de sérieuses fractures. L'accusé était gradué de l'université et avait vécu dans une famille qui supportait de bonnes valeurs. Il n'avait aucun passé d'utilisation de drogue non plus que d'abus d'alcool et ne possédait aucun antécédent judiciaire. Notre collègue, madame la juge Charbonneau, a considéré qu'une peine de quatre ans et demi d'emprisonnement de laquelle il fallait déduire une détention préventive de six mois était, dans les circonstances, une peine appropriée.

▪ R. c. Blanchard, 1992 CanLII 3744 (QC C.A.), 1992 CanLII 3744 (QC C.A.).

À l'occasion d'un vol de dépanneur, Blanchard utilise une arme à feu. À la suite d'un faux mouvement, un coup de feu est tiré presque accidentellement. Blanchard était âgé de 26 ans et ne possédait aucun antécédent judiciaire. La Cour d'appel a accepté de réduire la peine de quinze ans qui avait été imposée à une période de cinq ans d'emprisonnement. La Cour d'appel mentionne que :

« (…) On peut constater que deux des quatre principes sont satisfaits par la conduite de l'accusé pendant les sept années précédant son procès. En effet, le besoin de protection de la société ne requiert pas une mise à l'écart et, en second lieu, sa réhabilitation est, sinon accomplie, du moins aussi près qu'on puisse imaginer du but recherché par une sentence. »

▪ R. c. Laroche, 415-01-008489-013, 11 février 2003.

Cette affaire expose la situation malheureuse où un jeune homme, confronté à de multiples problèmes existentiels, en est venu, exaspéré en raison des injures répétées et outrancières de son père, à décharger une arme à feu sur lui. Notre collègue, monsieur le juge Grenier, a accepté la suggestion commune des parties et a fixé la peine à une période d'emprisonnement de six ans.

▪ R. c. Quévillon, 1999 CanLII 13599 (QC C.A.), 1999 CanLII 13599 (QC C.A.).

Dans cette affaire particulière où la victime est décédée après avoir été happée par le véhicule conduit par Quévillon, et traînée sur plus de 28 kilomètres, notre Cour d'appel a réduit à cinq ans la peine d'emprisonnement qui avait été fixée à dix ans par le juge du procès.

[43] Toutes ces décisions étant ainsi exposées, il faut retenir qu'un délinquant verra sa peine fixée en considérant qu'il a droit à une peine similaire à celles qui ont été imposées dans des circonstances similaires, chaque cas étant, toutefois, un cas d'espèce.

Les précédents dans le cadre de la détermination de la peine relativement à une condamnation pour voies de fait grave

R. c. Lebrun, 2008 QCCQ 8927 (CanLII)

[20] Dans l'affaire Dany Rioux, notre Cour d'appel fixe à cinq ans et quatre mois la peine à un accusé sans antécédent judiciaire qui avait plaidé coupable à une accusation de voies de fait graves occasionnant à la victime de sévères blessures entraînant un mois dans le coma, et nécessitant deux mois d'hospitalisation. Le geste n'était ni prémédité, ni planifié.

[21] Dans cette décision, la Cour réfère à certaines décisions, notamment l'affaire Allard. Âgé de 18 ans au moment des événements, l'accusé a été reconnu coupable de tentative de meurtre sur deux personnes qui avaient voulu intervenir afin de faire cesser une bagarre à l'extérieur d'un bar aux petites heures du matin. L'attaque avec un couteau avait entraîné des blessures graves surtout chez l'une des victimes qui avait eu besoin de traitements prolongés en psychiatrie, et subi la perte d'un rein et des séquelles physiques permanentes à la victime. La Cour d'appel avait cassé le verdict de culpabilité quant aux deux chefs de tentative de meurtre, et réduit de neuf à cinq ans la peine imposée en déclarant Allard coupable de voies de fait graves.

[22] On fait aussi allusion à la décision Jackson. Est confirmée alors une peine de cinq ans de pénitencier après la tenue d'un procès où l'accusé est reconnu coupable de voies de fait graves. L'incident s'était produit à la sortie d'un bar, et l'accusé s'était servi d'un couteau.

[23] Le 15 août dernier, la juge Marie-France Bich de notre Cour d'appel écrivait : "En matière de voies de fait graves, sans usage d'une automobile, la fourchette des peines, qui va là encore de la sentence suspendue à l'incarcération, est assez vaste mais la jurisprudence n'est pas avare d'affaires où des peines de 3 à 5 ans sont imposées". Était alors confirmée une peine de cinq ans de détention à un individu qui intentionnellement avait foncé par deux fois, avec sa voiture, sur un abribus où se trouvaient les victimes. L'une d'entre elles avait été grièvement blessée, une autre assez gravement, deux dernières ayant subi des blessures plus légères.

[24] Le plus haut tribunal du pays nous répétera récemment que nous devons ''pondérer les principes normatifs prévus par le législateur aux art. 718, 718.1 et 718.2 du Code criminel.'' On rappelle aussi aux tribunaux de première instance que ''l'objectif premier d'une peine de prison demeure le châtiment bien que sa durée soit tempérée par plusieurs facteurs dont la gravité de l'infraction, le niveau de responsabilité du délinquant, le principe de la parité, et la possibilité d'une sanction moins contraignante.''

[25] Nous avons imposé une peine de six ans de détention à un individu qui, par jalousie, avait battu un jeune homme de 25 ans dormant dans sa résidence. La victime restera handicapée le reste de ses jours, mais est aujourd'hui lucide, et son état peut laisser place à amélioration. Les procureurs nous ont cité dans leurs plaidoiries respectives plusieurs autres décisions que nous résumons en annexe.

Peine - possession de 9,7 gr de pot et 0,33 gr de cocaïne - Absolution rejetée par le juge alors qu'il s'agissait d'une suggestion commune

R. c. Roy, 2009 QCCQ 1175 (CanLII)

[1] Adam Roy a plaidé coupable devant moi à deux accusations : possession de 9,7 gr de marijuana et 0,33 gr de cocaïne.

[4] Les procureurs, par voie de suggestion commune, me demandent de le libérer inconditionnellement.

[5] L’accusé a déjà versé ou s'apprêtait à verser au greffe une somme de 100 $ pour une œuvre charitable.

[6] Pour obtenir cette libération, le procureur de l’accusé invoque que son client a à peine 18 ans (il en avait 19 ½ lors de l'arrestation), qu’il est sans antécédents judiciaires, qu’il aura un casier judiciaire si le Tribunal le déclare coupable et que s’il avait été arrêté (1 ½ an) plus tôt, il n'aurait pas eu... de dossier!

[7] Le Tribunal s’est d’abord montré peu ou pas enclin à suivre cette recommandation suggérant même aux procureurs de lui fournir d’autres motifs, d’élaborer davantage.

[22] Outre la possession de marijuana, il y a également possession d'une petite quantité de drogue dure : cocaïne. Cette drogue, qui crée une dépendance et qui est dispendieuse, est susceptible de se retrouver dans l'organisme d'un conducteur de machinerie lourde.

[23] Cette drogue, ne pousse pas sur le rebord d'une fenêtre comme la marijuana. C'est cette drogue qui entretient la guerre en Colombie depuis ô combien d’années, qui est à l'origine de milliers de morts au Mexique et qui incite ceux qui s'y adonnent à voler, à défoncer pour satisfaire leurs besoins, sans compter la violence qu'elle génère au Canada.

[24] Je ne peux passer sous silence les arrestations de 60 personnes reliées au trafic de stupéfiants au cours de la semaine dernière. Je considère que ces faits sont de connaissance judiciaire. Le temps où seuls ceux qui savaient lire étaient informés est révolu.

[25] Pour un vendeur, souvent associé à un gang de rue ou à un groupe criminel, un jeune homme de 19 ans qui commence à travailler est un terrain fertile.

[26] Banaliser la consommation, c'est promouvoir la vente et la distribution.

[27] Quel message le prononcé d'une libération inconditionnelle véhiculera chez les amis de l'accusé? « C’pas grave! Il a versé 100 $ à une œuvre charitable. Il n'aura pas de casier judiciaire. »

[28] Quel message véhiculera une décision de cette nature auprès d'un public bien informé? Quelle incidence aura une telle décision sur l'image de la justice? Poser la question, c'est y répondre!

[29] Cet énoncé ne signifie pas qu’une absolution totale ne doit jamais être prononcée dans un cas de possession de cocaïne.

[30] Il appartient cependant à l'accusé de démontrer que la sentence imposée entraînera un casier judiciaire qui, eu égard à la gravité de l’offense commise, aura des conséquences négatives disproportionnées.

[31] Cette preuve n'a pas été apportée.

[32] condamne Adam ROY à verser une amende de 50 $ sur le chef de possession de marijuana et de 250 $ pour la possession de cocaïne; sans frais et sans suramende;

L'impact de l'ampleur de la couverture médiatique dans le cadre de la détermination de la peine - Avocat condamné (facteur aggravant)

R. c. Dumont, 2008 QCCQ 9625 (CanLII)

[105] Par surcroît, la comparution médiatisée de l'accusé, sa perte d'emploi, de prestige et la période difficile qui s'ensuit sont de nature à dissuader quiconque d'abuser de son statut de personne affectée à l'administration de la justice ou à un poste de responsabilité.

[106] L'exemplarité est par le fait même atteinte en l'occurrence, bien qu'elle ne doit pas faire obstacle à l'application d'une absolution lorsque l'accusé rencontre les critères requis. Il ne faut pas perdre de vue que chaque cas doit être discuté à son mérite, dans le respect de l'individualisation des sentences et de la juste proportionnalité entre la faute commise et la peine qui en découle.

[107] Quant à l'ampleur de la couverture médiatique en l'espèce, la Cour réfère au propos du juge Béliveau dans l'affaire Rozon :

Par. 73 « On pourrait donc considérer que dans la mesure où le crime reproché en l'espèce est « relativement mineur et non prémédité », l'ampleur de la couverture médiatique, plus particulièrement celle qui a été irresponsable, a contribué à punir(sic) l'appelant plus sévèrement qu'un autre individu. Si ce dernier n'avait pas été Gilbert Rozon, l'affaire n'aurait évidemment reçu aucune publicité ».

Par. 74 « Mais plus fondamentalement, le soussigné considère qu'il faut tenir compte du stigmate indélébile que cette couverture a infligé à l'appelant et de la dénonciation dans le public de l'infraction qu'il a commise. »

[135] À cette décision, le Tribunal doit citer les propos de l'honorable juge Claire l'Heureux-Dubé alors qu'elle siégeait à la Cour d'appel et qui sont repris par l'honorable juge Bastarache de la Cour Suprême :

« 34 Enfin, lorsque le délinquant est un avocat, les juges doivent déterminer scrupuleusement la peine, de manière à dissiper toute crainte de partialité. Les avocats doivent non seulement être traités de la même manière que toute autre personne déclarée coupable d’un crime semblable, mais également être perçus comme l’ayant été. Quoique les tribunaux doivent se garder de singulariser les avocats en leur infligeant des peines plus sévères qu’aux autres délinquants se trouvant dans des circonstances comparables, il leur faut néanmoins éviter de donner l’impression qu’ils font montre d’une plus grande indulgence à leur endroit (R. c. Ryan, précité; R. c. Shandro reflex, (1985), 65 AR.. 311 (C.A.)). À cet égard, je ferais mien le raisonnement qu’a exposé ma collègue le juge L’Heureux-Dubé, lorsqu’elle était juge à la Cour d’appel du Québec, dans l’arrêt Marchessault c. La Reine, C.A. Montréal, no 500-10-000035-848, 12 juillet 1984:

Sur le plan subjectif, il est évident que chaque fois qu’un crime est commis par un personnage public, une personne en autorité, vedette, etc., tous les facteurs qu’on nous souligne, ou à peu près, sont présents: le crime et le châtiment reçoivent une plus grande publicité, la honte et l’opprobre sont d’autant amplifiés, la perte financière résultant de la perte d’emploi est fonction du revenu élevé [...] La sagesse populaire fait dire que plus on tombe de haut, plus on se fait mal [...] le fait que plus le personnage occupe un rang ou une fonction élevée dans la société plus il est connu, plus légère devra être la peine et, a contrario, plus humble ou obscur est le personnage, plus sévère sera-t-elle. Je n’accepte pas cette proposition : les plateaux de la balance ne sauraient s’accommoder de ces mesures inégales. La justice doit être la même pour tous, grands ou petits, riches ou pauvres. »

[136] Donc, avec raison, le procureur de la Défense a précisé au Tribunal que l'avocat qui reçoit une peine pour un crime doit l'être comme tout autre individu. Par contre, lors de l'analyse des facteurs aggravants, le Tribunal se doit de considérer que l'accusé était un officier de justice et des conséquences négatives de son crime sur l'ensemble de la profession. Par conséquent, le présent dossier se distingue de celui de la peine prononcée par la Cour d'appel d'Ontario qui confirma la peine de quatre ans de pénitencier imposée dans l'arrêt R. c. Creighton

Détermination de la peine concernant un avocat condamné pour possession de cocaïne - Exposé sur l'absolution

R. c. Grenier, 2006 QCCQ 4526 (CanLII)

[1] Michel Grenier, 41 ans, a reconnu sa culpabilité à l'accusation d'avoir été en possession de cocaïne, le 7 avril 2005.

[2] L'accusation est portée par voie sommaire.

[16] Avant tout, il importe de déterminer les principes qui régissent une demande d'absolution conditionnelle ou inconditionnelle.

[17] La disposition pertinente se trouve à l'article 730 du C. cr., laquelle fait partie du chapitre du Code criminel consacré à la détermination de la peine.

[18] Aux termes du paragraphe 1 de cette disposition, le Tribunal peut, s'il considère qu'il est de l'intérêt manifeste d'un accusé sans nuire à l'intérêt public, prescrire par ordonnance une absolution conditionnelle ou inconditionnelle.

[19] Cette ordonnance ne peut être rendue dans les cas d'infractions comportant une peine minimale ou si l'infraction est punissable d'un emprisonnement de 14 ans ou à perpétuité.

[20] L'absolution entraîne donc l'absence de casier judiciaire pouvant compromettre les projets d'avenir d'un accusé.

[21] Dans une décision récente rendue le 25 novembre 2005, La Reine c. Mansour, monsieur le juge Denis Lavergne résume ainsi les principes de base établis par la jurisprudence:

« [34] Il est bien établi que cette mesure dont l'effet évite au contrevenant le stigmate d'une condamnation n'a rien d'exceptionnelle et n'exclut aucune infraction au-delà des limites mentionnées précédemment; essentiellement, elle vise à éviter qu'une condamnation ait des conséquences disproportionnées ou démesurées au regard, d'une part, de la faute commise par le contrevenant, et d'autre part, au regard de d'autres contrevenants coupables d'infractions semblables4. L'intérêt de l'accusé au sens où l'entend l'article 730 du Code ne saurait donc se réduire au seul préjudice que constitue une condamnation créant un casier judiciaire.

[35] Si la condamnation seule, et partant un casier judiciaire, suffisait pour établir l'intérêt de toute personne à obtenir une absolution inconditionnelle ou conditionnelle, il n'y aurait pas été nécessaire que l'article 730 le précise expressément d'autant plus d'ailleurs que la disposition ajoute le qualificatif véritable. »

[22] Tel qu'énoncé par la juge Michèle Toupin, Cour du Québec. dans l'affaire La Reine c. Gollain, « la preuve de l'intérêt véritable de l'accusé est généralement facile à prouver, particulièrement lorsque l'individu à sentencer n'a pas d'antécédent judiciaire et est de bonne moralité. Il est évident que la possession d'un casier judiciaire, quoique dans certains cas fatals, peut représenter un empêchement ou une conséquence sérieuse, à la recherche d'un emploi, au maintien de ce dernier, à l'obtention de cautionnement et au déplacement à l'étranger par affaires ou par pur plaisir. »

[23] Dans le même sens, monsieur le juge Béliveau, dans Rozon c. La Reine, écrit:

« Par ailleurs, l'intérêt véritable de l'accusé suppose que ce dernier est une personne de bonne moralité, qu'il n'a pas d'antécédent judiciaire, quoique cela ne soit pas déterminant (R. c. Chevalier), qu'il n'est pas nécessaire d'enregistrer une condamnation pour le dissuader de commettre d'autre infraction ou pour qu'il se réhabilite et que cette mesure aurait à son égard des conséquences particulièrement négatives. »

[24] « La perspective de complications futures suffit ».

[25] Ce qui importe, c'est de déterminer si une condamnation aurait pour effet d'entraîner pour l'accusé des conséquences négatives disproportionnées par rapport à la faute commise.

[26] C'est la règle d'or établie par la Cour d'appel dans Abouabdellah c. La Reine, savoir:

« La règle d'or en la matière est qu'un justiciable ne doit pas, dans les faits, subir un châtiment qui n'a aucune mesure avec sa faute. »

[27] C'est en somme le critère de la juste proportionnalité qui doit prévaloir.

[28] Quant au critère de l'intérêt public, monsieur le juge Béliveau définit ainsi ce concept dans l'affaire Rozon précitée:

« 41. Quant à la notion d'intérêt public, elle doit prendre en cause l'objectif de la dissuasion générale, la gravité de l'infraction, son incidence dans la communauté, l'attitude du public à son égard et la confiance de ce dernier dans le système judiciaire (R. c. Elsharawy, par. 3). Cela étant, il faut se rappeler que dans l'arrêt R. c. Meneses, (1976) 25 C.C.C. (2d) 115, la Cour d'appel de l'Ontario a précisé que l'arrestation et la comparution d'un délinquant peuvent constituer une mesure de dissuasion efficace à l'égard de personnes qui ne sont pas criminalisées, lesquelles sont justement celles qui sont candidates à une absolution.

42. Dans ce même arrêt, la Cour d'appel de l'Ontario a indiqué que l'intérêt public comporte également le fait que l'accusé ait la possibilité de devenir une personne utile dans la communauté et qu'elle puisse assurer sa subsistance et celle de sa famille. On avait accordé une libération, selon la terminologie de l'époque, à une dentiste immigrante des Philippines qui désirait être admise à la pratique de cette profession au Canada. »

[29] À ce propos, monsieur le juge Narcisse Proulx mentionne ce qui suit dans La Reine c. Durocher:

« Deuxièmement, l'intérêt public exige qu'on accorde une attention particulière à la dissuasion générale, à la gravité de l'infraction, à son incidence dans la communauté, à l'attitude du public à son égard et à la confiance de ce dernier dans le système judiciaire. De plus, il est important d'examiner si la personne peut être utile pour la société, de vérifier si elle peut assurer sa subsistance et celle de sa famille. »

[30] La Cour d'appel dans La Reine c. Moreau[9], soulignait que l'absolution de l'article 730 du Code criminel ne doit pas être appliquée de façon exceptionnelle.

[31] Chaque cas est un cas d'espèce qui doit être évalué à sa juste valeur et à son mérite.

[32] C'est le principe de l'individualisation des sentences reconnu en jurisprudence et doctrine.

[33] À ce sujet, les commentaires de monsieur le juge René de la Sablonnière, dans l'affaire La Reine c. Caron, sont particulièrement significatifs.

[34] Le juge de la Sablonnière n'a pas retenu l'argument de la poursuite selon lequel accorder une peine d'emprisonnement dans la communauté ne ferait qu'encourager d'autres agresseurs à procéder de la même façon, afin d'obtenir une peine moindre. Il précise qu'en matière de sentence, chaque cas est un cas d'espèce qui doit être traité au fond. Il ajoute qu'un accusé ne peut se voir priver du bénéficie d'application d'une disposition du Code criminel, sous prétexte que d'autres pourraient s'en servir ultérieurement à mauvais escient.

[44] Une condamnation d'où s'ensuit par le fait même un casier judiciaire pourrait être de nature à présenter un risque de compromettre d'une part sa carrière professionnelle tout en l'empêchant, dans l'immédiat, à faire du transport transfrontalier pour subvenir à ses besoins et poursuivre ses études au niveau de la maîtrise.

[45] La Cour d'appel, dans l'arrêt Landry c. La Reine, cite un passage du juge de première instance pertinent en l'espèce, soit:

« Il est clair qu'une condamnation dans ce dossier-ci risque de vous faire perdre votre droit de pratique comme avocat, bien que ce ne soit pas absolu, mais c'est une possibilité dont le Tribunal doit tenir compte. »

[46] La Cour d'appel a fait droit à l'appel et rétablit la décision du juge Chevalier.

[47] Ce premier critère étant bien établi, reste à déterminer si une absolution nuirait à l'intérêt public.

[48] Dans cet ordre d'idée, il faut se demander si le public pourrait perdre confiance dans la crédibilité du système judiciaire.

[49] À cet égard, « le critère doit être apprécié en déterminant ce que penserait la personne raisonnable et renseignée suite à l'octroi d'une absolution conditionnelle ou inconditionnelle ».

[50] D'entrée de jeu, la possession de cocaïne, bien que ça ne soit pas un délit d'une gravité absolue, ne doit pas être banalisée pour autant.

[51] C'est une substance interdite considérée comme nocive.

[52] De plus, comme facteur aggravant, l'accusé, lors de la commission du délit, exerçait la fonction de procureur de la Couronne, district de Québec. C'est un poste de responsabilité dont la société s'attend à ce que le titulaire ait une conduite exemplaire en tout temps.

[53] Par contre, ce n'est pas parce que l'accusé était alors procureur de la Couronne qu'il ne peut par le fait même bénéficier d'une absolution.

[54] Tel qu'énoncée précédemment, l'absolution n'est pas une mesure exceptionnelle et il n'existe pas de règle spéciale pour telle catégorie d'emploi, de fonction.

[55] Aucun justiciable n'est exclu en fonction de sa profession, de sa fonction ou de son travail.

[56] Tout individu doit recevoir une sentence méritée, mais juste et appropriée dans le respect du principe de l'individualisation des sentences, tout en considérant les autres critères tels la réhabilitation, la réinsertion sociale, l'exemplarité et la dissuasion.

[57] Tout justiciable a droit de bénéficier d'une absolution, s'il rencontre les critères requis énoncés précédemment.

[58] Dans cet ordre d'idée, il appert que des personnes occupant des postes de confiance, de responsabilité, d'autorité ont pu bénéficier d'une libération conditionnelle ou inconditionnelle.

[59] Voici à titre d'exemples uniquement quelques cas de cet ordre:

▪ Rozon a été absout inconditionnellement suite à une accusation d'agression sexuelle de moindre degré.

▪ Absolution conditionnelle pour un policier dans le cas d'une accusation de voies de fait dans l'exécution de ses fonctions.

▪ Absolution conditionnelle pour un policier de la Gendarmerie Royale ayant détourné des sommes d'argent qui lui avait été confiées dans le cadre de ses fonctions.

▪ Absolution inconditionnelle concernant un policier pour la commission de 2 voies de fait dans l'exécution de son travail.

▪ Libération inconditionnelle pour un policier qui a conseillé un collègue d'inscrire une mention inexacte dans un rapport d'événement relatif à un test d'ivressomètre concernant son gendre.

▪ Absolution conditionnelle pour fraude d'une somme de 5 000,00 $ par un avocat de l'aide juridique à l'égard de son syndicat.

▪ Absolution inconditionnelle pour un agent de la paix ayant posé des voies de fait à l'égard d'un citoyen. On a précisé que cette mesure sentencielle ne comportait pas de règle spéciale pour les officiers de paix.

▪ Absolution conditionnelle pour un agent de bureau du ministère de la Sécurité public qui a exhibé ses organes génitaux.

▪ Libération inconditionnelle d'un éducateur spécialisé qui a utilisé une force excessive envers un handicapé mental.

▪ Absolution conditionnelle dans le cas d'agressions sexuelles (2 touchés et 1 fellation) d'un accusé qui occupait un emploi d'agent de sécurité.

▪ Absolution conditionnelle pour un policier déclaré coupable d'avoir agressé sexuellement une collègue (touché d'un sein sous le soutien-gorge).

[86] Soit dit en passant, c'est très rare qu'un individu se soumet de son plein gré à une thérapie dans le cas d'une accusation de possession de substance illicite, alors qu'il n'a aucun antécédent en cette matière.

[87] Il y a lieu de reconnaître la pleine portée et les effets de la démarche thérapeutique à laquelle l'accusé s'est astreint volontairement, tel que la Cour d'appel nous l'enseigne

[88] Dans le présent dossier, le ministère public a choisi de procéder par déclaration sommaire. Dans ce cas, le délit est passible d'une amende de 1 000,00 $ maximum ou de 6 mois d'emprisonnement.

[89] La décision sur sentence en matière de possession de cocaïne ou de marihuana de quantité non significative se traduit généralement, pour un individu sans antécédent judiciaire pertinent, par une amende et parfois, si c'est requis et le cas est approprié, par une absolution conditionnelle ou inconditionnelle.

[90] Les sentences monétaires dans le cas de possession de cocaïne sont un peu plus substantielles que celles relatives à la marihuana, eu égard à la nature de la drogue. Ça représente de façon générale des amendes de l'ordre de quelque 100,00 $ plus ou moins

[103] En l'occurrence, il appert indubitablement que l'arrestation, la comparution et tout le processus judiciaire fort médiatisé «constituent une mesure de dissuasion extrêmement forte » pour l'accusé.

[104] Comme le soulignait monsieur le juge Richard Grenier, Cour supérieure, dans l'affaire Bodet, « la dissuasion générale n'apparait pas un élément décisif dans le présent dossier. Un citoyen bien renseigné sur ce qu'a vécu l'accusé trouverait sa punition globale bien lourde, même s'il bénéficiait d'une absolution».

[105] Par surcroît, la comparution médiatisée de l'accusé, sa perte d'emploi, de prestige et la période difficile qui s'ensuit sont de nature à dissuader quiconque d'abuser de son statut de personne affectée à l'administration de la justice ou à un poste de responsabilité.

[106] L'exemplarité est par le fait même atteint en l'occurrence, bien qu'elle ne doit pas faire obstacle à l'application d'une absolution lorsque l'accusé rencontre les critères requis. Il ne faut pas perdre de vue que chaque cas doit être discuté à son mérite, dans le respect de l'individualisation des sentences et de la juste proportionnalité entre la faute commise et la peine qui en découle.

[107] Quant à l'ampleur de la couverture médiatique en l'espèce, la Cour réfère au propos du juge Béliveau dans l'affaire Rozon:

Par. 73 « On pourrait donc considérer que dans la mesure où le crime reproché en l'espèce est « relativement mineur et non prémédité », l'ampleur de la couverture médiatique, plus particulièrement celle qui a été irresponsable, a contribué à punirr l'appelant plus sévèrement qu'un autre individu. Si ce dernier n'avait pas été Gilbert Rozon, l'affaire n'aurait évidemment reçu aucune publicité ».

Par. 74 « Mais plus fondamentalement, le soussigné considère qu'il faut tenir compte du stigmate indélébile que cette couverture a infligé à l'appelant et de la dénonciation dans le public de l'infraction qu'il a commise. »

[110] Enfin, soulignons que l'accusé est sans antécédent judiciaire. Préalablement à l'audition sur sentence, il a déposé une somme de 250,00 $ pour un organisme communautaire Pignon Bleu, bien qu'il soit sans ressource financière.

[111] « L'intérêt public comporte également le fait que l'accusé ait la possibilité de devenir une personne utile dans la communauté et qu'il puisse assurer sa subsistance et celle de sa famille » selon le cas

[112] La Cour n'a aucune hésitation à conclure qu'une personne raisonnable et renseignée considèrerait qu'il n'est pas nécessaire qu'il y ait une condamnation monétaire d'où s'en suivrait un casier judiciaire. Si tel était le cas, ce serait vouloir à ce que l'accusé subisse des conséquences fort négatives qui n'ont aucune mesure avec la faute commise, eu égard à toutes les circonstances présentes.

[113] En l'espèce, une absolution ne peut porter atteinte à la crédibilité du système judiciaire.

[114] La Cour croit approprié de citer la conclusion de monsieur le juge Proulx dans l'affaire Durocher:

« Tout en reconnaissant que la sanction de ce crime requiert de considérer les facteurs d'exemplarité et de dissuasion, il n'en demeure pas moins que la Cour suprême a récemment reconnu que le simple passage d'un accusé à la Cour (sans condamnation) pouvait satisfaire, pouvait pallier à ces deux facteurs.

Nous croyons qu'une personne raisonnable bien informée et respectueuse de l'esprit du Code criminel et de la Charte des droits assumerait qu'une condamnation constituerait un châtiment n'ayant aucune mesure avec la faute commise.

La justice sans clémence est injustice. »

[119] Une absolution inconditionnelle est la mesure appropriée.