dimanche 5 mai 2013

La fraude est un crime d'intention spécifique & la preuve doit démontrer que la conduite de l'accusé est délibérément malhonnête


R. c. Paquette, 2012 QCCQ 15301 (CanLII)


[107]     La jurisprudence a souvent statué que la fraude est un crime d'intention spécifique (voir R. c. ThérouxVézina et Côté c. R. et R. c. Lacroix).

[108]     La preuve doit démontrer que la conduite de l'accusé est délibérément malhonnête.

[109]     Dans la décision R. c. Théroux, le juge Proulx, traitant du droit quant à la « mens rea » de la fraude et référant à un passage dans la décision Lacroix c. R. mentionne :
« Cette Cour, sous la plume du Juge Roger Chouinard, dans l'arrêt Lacroix c. R. (3), a bien fait ressortir qu'en matière de fraude, "l'intention coupable doit être sciemment malhonnête, une conduite négligente ne suffit pas en la matière ".»

[110]     Plus loin le juge Proulx ajoute :
« Si l'intention de tromper et de transférer à des fins frauduleuses est pertinente, ou encore si la conduite doit être délibérément malhonnête, c'est donc qu'il s'agit là d'une intention spécifique, où "l'intention ne se limite pas à l'accomplissement de l'acte en question", comme l'a souligné le Juge McIntyre (15) dans cet extrait que j'ai cité antérieurement.  Si la fraude était une infraction d'intention générale, l'acte serait prohibé du seul fait de la volonté de causer la privation malhonnête.
Alors que la malhonnêteté ou les moyens malhonnêtes comme élément de l'actus reus s'apprécient selon un critère objectif, l'analyse de l'intention de tromper ou d'induire en erreur ou encore l'intention malhonnête va requérir une approche subjective.  Comme notre Cour l'a dit dans l'arrêt Lacroix, il faudra tenir compte des facultés propres et des habitudes du sujet de même que des circonstances particulières de l'affaire.
(15) Bernard c. R., précité.
Il se peut que des moyens malhonnêtes soient utilisés sans que nécessairement s'ensuive la conclusion que l'intention de son auteur soit malhonnête.  C'est ce qui ressort d'ailleurs de l'arrêt Lacroix, précité, lorsque le Juge Chouinard concluait ainsi :
Dans la présente espèce, la preuve révèle nombre de facteurs favorisant la conclusion que l'appelant n'a jamais eu l'intention coupable de priver la banque de quelque argent que ce soit, en dépit de certaines manœuvres sûrement trompeuses qui favorisaient un crédit non autorisé. (16)
(16) Supra, p. 816
La connaissance de la malhonnêteté ou que les moyens utilisés sont malhonnêtes, comme élément essentiel de la mens rea, ne signifie pas que son auteur puisse se retrancher derrière son appréciation subjective de la malhonnêteté.  La malhonnêteté, je l'ai souligné précédemment, demeure toujours un élément de l'actus reus qui se détermine en fonction de standards objectifs.  Si l'accusé plaide que l'acte n'est pas malhonnête, il s'attaque à l'actus reus.  Si, par ailleurs, il concède que l'acte est malhonnête (et qu'il y a privation), alors l'actus reus est prouvé et se soulève la question de déterminer si l'intention de frauder (1) coïncide avec les moyens malhonnêtes (2) comporte la connaissance que les moyens utilisés sont malhonnêtes et (3) traduit la volonté de tromper, d'induire en erreur ou d'agir malhonnêtement. (17)
Pour illustrer davantage mon propos, je reviens à l'affaire Olan, où après avoir dit que "l'utilisation des biens d'une compagnie à des fins personnelles plutôt qu'à l'avantage de celle-ci peut constituer un acte malhonnête si l'on accuse ses administrateurs de fraude" (18) (traitant donc ici de l'actus reus), la Cour, dans cet extrait que j'ai cité plus haut, a reconnu que la question se posait alors de savoir si la preuve révélait que les administrateurs avaient l'intention de tromper et de transférer à des fins frauduleuses et à leur bénéfice le portefeuille des valeurs disponibles de la compagnie. Le transfert ou l'acquisition de ces valeurs pouvait constituer un acte malhonnête :  il ne s'ensuivait pas nécessairement que l'acte malhonnête avait été posé avec l'intention de tromper.
(17) R. DOHERTY, "The mens rea of fraud", 25 Cr.L.Q. 348.
(18) R. c. Olan, précité, p. 1182 »

[111]     Appliquant ces principes au présent dossier et pour décider de la question en litige, le tribunal doit évaluer le témoignage de l'accusé selon l'enseignement de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt R. c. W.(D.).

[112]     Si le tribunal croit l'accusé, il doit être acquitté.

[113]     Si le tribunal ne le croit pas, il doit se demander si son témoignage soulève un doute raisonnable, considérant l'ensemble de la preuve.  Si tel est le cas, l'accusé doit être acquitté.

[114]     Si son témoignage n'est pas retenu, le tribunal doit examiner si la preuve de la poursuite démontre hors de tout doute raisonnable que l'accusé a commis les infractions reprochées.

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