jeudi 8 octobre 2009

L’affaiblissement des capacités de conduire

R. c. Ibanescu, 2009 QCCQ 4279 (CanLII)

[37] Le ministère public doit prouver hors de tout doute raisonnable que l'habileté de conduire de l'accusé est affaiblie, même légèrement, par l'alcool ou une drogue, la question n'étant pas de savoir si l'habileté générale d'une personne est affaiblie. Aussi, il peut être dangereux de condamner une personne sur le constat d’un affaiblissement léger des capacités générales. La quantité d'alcool consommé n'est pas un élément de l'infraction.

[38] La façon de conduire est évidemment un élément important pour déterminer si une personne a les capacités de conduire affaiblies par l’alcool ou une drogue. Il ne s’agit toutefois pas d’une preuve concluante, mais elle participe à la réflexion et à la conclusion que la Cour doit tirer. D’ailleurs, l’absence de preuve de la conduite, qui est fréquente, n’empêche pas une condamnation. Inversement, une preuve de conduite aberrante n'est ni un élément constitutif de l'infraction ni un élément déterminant dans l'appréciation de la preuve, comme l’a rappelé notre Cour d’appel dans l’arrêt Faucher :

…la preuve d'une conduite aberrante ou non conforme aux règles ou à la manière habituelle de conduire un véhicule automobile n'est ni un élément constitutif de l'infraction ni un élément déterminant dans l'appréciation de la preuve. Celle-ci peut être faite par tout moyen qui permet de conclure que la réduction de la capacité de conduire, qui est l'élément constitutif de l'infraction, a été établie conformément aux normes de la preuve pénale …

[39] Par ailleurs, «un mauvais jugement de la part d'un conducteur automobile ne dénote pas nécessairement une capacité de conduire affectée par l'alcool», non plus qu’on puisse «inférer les facultés affaiblies du seul fait de la survenance d'un accident» et surtout, peut-on ajouter, lorsque la cause de l'accident est révélée par la preuve. Mentionnons que le juge n’a pas de connaissance judiciaire qu’un résultat donné signifie un affaiblissement des capacités de conduire, un expert doit nécessairement l’interpréter.

[40] Parce qu’il en a été question, il vaut de rappeler l’enseignement du juge Dickson dans l’arrêt R. c. Graat, qui nous rappelle que les opinions des témoins non experts sont admissibles sur certains sujets, dont celui de l’affaiblissement des capacités de conduire :

… Il est bien établi qu'un témoin qui n'est pas un expert peut déposer que quelqu'un est ivre tout comme il peut témoigner au sujet de l'âge, de la vitesse, de l'identité ou d'un état émotif. Il en est ainsi parce qu'il peut être difficile au témoin d'énoncer une à une ses observations des faits. Consommer de l'alcool au point où la capacité de conduire est affaiblie constitue un degré d'ivresse et il est encore plus difficile pour un témoin de relater les faits distincts qui justifient l'inférence pour le témoin ou pour le juge des faits, que quelqu'un est ivre à un degré donné. Si l'on doit permettre au témoin de résumer ses observations de façon concise en affirmant que quelqu'un est ivre, il est encore plus nécessaire de lui permettre de mieux éclairer la cour en disant que quelqu'un est ivre à un degré donné.

[41] Il vaut également de rappeler l’utilité limitée des réponses fournies par un accusé dans le cadre d’une enquête au bord de la route. Dans l’arrêt R. c. Orbanski, la Cour suprême a rappelé que ces dernières servent à établir les motifs de soupçonner la présence d’alcool, mais ne sont pas admissibles pour incriminer l’accusé au procès, résultat de l’absence de l’assistance des services d’un avocat :

Enfin, la restriction respecte le critère de la proportionnalité. Comme le ministère public l’admet, la preuve obtenue grâce à la participation de l’automobiliste privé du droit à l’assistance d’un avocat peut servir uniquement de moyen d’enquête pour confirmer ou écarter les soupçons du policier quant à l’état d’ébriété du conducteur. Cette preuve ne peut servir directement à incriminer le conducteur : voir R. c. Milne 1996 CanLII 508 (ON C.A.), (1996), 107 C.C.C. (3d) 118 (C.A. Ont.), p. 128-131, autorisation de pourvoi refusée, [1996] 3 R.C.S. xiii; R. c. Coutts 1999 CanLII 3742 (ON C.A.), (1999), 45 O.R. (3d) 288 (C.A. Ont.); R. c. Ellerman, 2000 ABCA 47 (CanLII), [2000] 6 W.W.R. 704 (C.A. Alb.); et R. c. Roy (1997), 28 M.V.R. (3d) 313 (C.A. Qué.). La justification de cette restriction a d’abord été établie dans l’arrêt Milne et repose sur l’objet du droit à l’assistance d’un avocat garanti à l’al. 10b)…

[42] En terminant cette section du droit, mentionnons également les limites d’une preuve de comportements postérieurs à l’infraction. Il s’agit d’une preuve circonstancielle qui peut appuyer une inférence de culpabilité à l’égard de l’infraction reprochée, mais pour y arriver, il faut également prendre en considération les autres explications du comportement de l'accusé pouvant affecter l'inférence recherchée

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