R. c. Charbonneau, 2008 QCCQ 251 (CanLII)
[6] Il s’en est suivi que l’accusé a été amené à opérer ce que le milieu financier et la jurisprudence appellent un "Ponzi Scheme". Il s’agit en fait d’un système où l’accusé, pour ne pas que l’affaire s’écroule, est amené à trouver de plus en plus d’investisseurs dont l’argent ne servira aucun des buts d’investissements recherchés, mais dont tout l’argent sera investi à colmater les brèches, soit payer les intérêts des prêts antérieurs et les frais inhérents à l’opération du bureau.
samedi 30 octobre 2010
Revue de la jurisprudence par le juge Marchand relativement aux articles 254(2) et 254(3) C.cr
R. c. Poulin, 2005 CanLII 47889 (QC C.Q.)
[21] Dans R. c. Pierre Dumas, l'honorable Chantal Pelletier déclare:
"[14] Il y a une nette différence dans l'utilisation du temps des verbes entre les articles 254(2) et 254(3) C.cr. En vertu de 254(2), il est nécessaire que la personne soit en train de conduire ou en train d'avoir la garde ou le contrôle.
[15] Donc, avant qu'un agent de la paix agisse en vertu de 254(2), deux conditions sont nécessaires:
- Le policier a des raisons de soupçonner la présence d'alcool dans l'organisme de la personne.
- La personne conduit ou a la garde ou le contrôle de son véhicule à moteur.
[…]
[23] L'ordre fait par le policier en vertu de 254(2) C.cr. entraîne une détention. En l'espèce, la détention illégale a entraîné une détention arbitraire.
[24] Le Tribunal conclut que le défendeur a démontré selon la prépondérance des probabilités qu'il y a eu une violation au sens de l'article 9."
[22] Dans R. c. Clermont, mon collègue, le juge François Beaudoin fait une analyse sérieuse et approfondie de l'application des articles 254(2) et (3) du Code criminel. Il écrit ce qui suit:
"[6] À ce moment, l'agent Dumoulin lui ordonna de fournir un échantillon d'haleine pour analyse dans l'appareil de détection. L'accusé lui répliqua qu'il était responsable de l'accident, qu'il n'était pas là pour lui faire du trouble et qu'il ferait tout ce qu'il lui demandait de faire. Le témoin spécifia que le langage de l'accusé était lent, pâteux et répétitif. À 16h23, l'accusé obtempéra à l'ordre reçu et le résultat du test indiqua "Fail", donc qu'il pouvait être en infraction. Le policier effectua alors son arrestation afin de le conduire au poste de police pour procéder à l'analyse de son haleine à l'aide d'un alcootest approuvé et lui fit la lecture de ses droits.
[…]
[14] Dans le même jugement, la Cour a bien exprimé la différence entre l'article précité et l'article 254(3), lequel stipule que les motifs raisonnables de l'agent de la paix portent tout autant sur l'existence d'un état de capacité de conduire affaiblie par l'effet de l'alcool ou d,une drogue que sur le fait que la personne concernée conduit, ou a conduit, un véhicule à moteur, ou en a, ou en a eu la garde et le contrôle dans la période de temps déterminée par l'article. Il s'agit bien d'un régime juridique différent.
[15] …Le fait que la personne conduise ou ait la garde et le contrôle du véhicule à moteur doit donc être constaté par le policier lui-même. Donc, la seule présence de soupçons ou de motifs raisonnables n'est pas suffisante. Plus encore, les éléments dont ne dispose pas le policier au moment de son intervention et qui sont déposés en preuve lors du procès ne peuvent être d'aucun secours pour rendre conforme à la loi une démarche qui ne l'est pas dès le début.
[16] Tous les jugements invoqués par la poursuite interprètent la version anglaise de l'article 254(2). Je reproduis le libellé de cet article:
"Where a peace officer reasonably suspects that a person who is operating a motor vehicle or a vessel or operating or assisting in the operation of a aircraft or of railway equipment or who has the care or control of a motor vehicle, vessel or aircraft or of railway equipment, whether it is in motion or not, has alcohol in the person's body, the peace officer may, by demand made to that person, require the person to provide forthwith such a sample of breath as in the opinion of the peace officer is necessary to enable a proper analysis of the breath to be made by means of an approved screening device and, where necessary, to accompany the peace officer for the purpose of enabling such a sample of breath to be taken."
[17] Selon les tribunaux qui ont rendu ces jugements, l'interprétation de l'article permet de remonter à un "passé récent" pour déterminer si une personne "is operating a motor vehicle" ou "has the care or control of a motor vehicle". Deux raisons la valident.
[18] En premier lieu, ils estiment que donner une interprétation plus littérale conduirait à un résultat absurde. À titre d'exemple, un policier qui arriverait sur la scène d'un accident et qui se ferait dire par la personne qui se tient à côté du véhicule qu'elle en est le conducteur, alors qu'elle dégage une haleine d'alcool, ne pourrait pas se prévaloir du pouvoir conféré par l'article. Ils y discernent une dimension de "convenience or policy" selon laquelle le législateur a voulu favoriser une interprétation large de l'article pour assurer la sécurité publique sur les routes.
[19] En deuxième lieu, ils insistent sur certaines particularités de la langue anglaise pour donner aussi à l'article un sens passé. Voici un extrait tiré de l'un de ces jugements, celui de R. c. Philips (par. 10):
"Tenses in English are used in an odd way. The present tense is often used to express the habitual, or the recent past, or near future."
[20] En comparaison, le texte français m'apparaît clair, la langue française ne se prêtant pas à ce que les mots "conduit" et "a" de l'article 254(2) puissent inclure une connotation de passé. À cet égard, il y a donc lieu de considérer la règle d'interprétation retenue par la Cour suprême du Canada dans R. c. McIntosh (1995, 1 RCS 686, à la page 704). Dans cet arrêt, le juge en chef Lamer écrivait:
"À mon avis, on ne saurait accepter l'argument du ministère public qui assimile l'absurdité à l'ambiguïté. Voici la proposition que j'adopterais: lorsqu'une législature adopte un texte législatif qui emploie des termes clairs, non équivoques et susceptibles d'avoir un seul sens, ce texte doit être appliqué même s'il donne lieu à des résultats rigides ou absurdes ou même contraires à la logique (Maxwell on the Interpretation of Statutes, op. cit., à la p. 29). Le fait qu'une disposition aboutit à des résultats absurdes n'est pas, à mon avis, suffisant pour affirmer qu'elle est ambiguë et procéder ensuite à une analyse d'interprétation globale."
[21] Bien sûr, la plupart des jugements invoqués par la poursuite émanent des cours d'appel des autres provinces du Canada. Ils ont donc sur moi une autorité morale incontestable. Cependant, avec le plus grand respect, je me sens autorisé à m'en éloigner, au motif qu'aucun de ces jugements ne me semble avoir considéré le texte français du même article. Or, comme je pense avoir réussi à le démontrer plus haut dans le présent texte, il y a présence d'un conflit entre le texte français et le texte anglais. Le texte anglais, selon les jugements cités, pourrait permettre de donner un sens passé à l'article 254(2), ce qu'exclut le texte français.
[…]
[24] À la lumière de ce qui précède, c'est donc la version française, plus restrictive, qui prédomine. Ce qui signifie que l'agent de la paix ne pouvait, dans le cas qui m'est soumis, contraindre l'accusé au moyen du pouvoir prévu à l'article 254(2), parce qu'il n'était pas en train de conduire son véhicule et qu'il n'en avait pas la garde ou le contrôle au sens de R. c. Toews (1985, 2 RCS 119). En outre, comme il agissait en dehors de ce cadre et que l'accusé se trouvait, au sens de la loi, détenu, il avait l'obligation de l'informer de ses droits et de lui permettre de les exercer avant de l'inviter à souffle dans l'appareil. Comme ces exigences n'ont pas été suivies, il y a violation des articles 9 et 10 de la Charte.
[…]
[26] J'ordonne donc l'exclusion, de la preuve, de tout ce qui a suivi l'ordre donné par le policier à l'accusé de lui fournir un échantillon d'haleine pour l'analyser à l'aide d'un appareil de détection approuvé."
[23] R. c. McIntosh, la Cour suprême déclare:
"[18] Pour résoudre la question d'interprétation soulevée par le ministère public, je pars de la proposition qu'il faut donner plein effet à une disposition législative qui, à sa lecture, ne présente pas d'ambiguïté. C'est une autre façon de faire valoir ce que l'on a parfois appelé la «règle d'or» de l'interprétation littérale; une loi doit être interprétée d'une façon compatible avec le sens ordinaire des termes qui la compose. Si le libellé de la loi est clair et n'appelle qu'un seul sens, il n'y a pas lieu de procéder à un exercice d'interprétation (Maxwell on The Interpretation of Statutes (12e éd. 1969), à la p. 29).
[…]
[26] …
La fonction du juge étant d'interpréter la loi et non de la faire, le principe général veut que le juge doive écarter une interprétation qui l'amènerait à ajouter des termes à la loi : celle-ci est censée être bien rédigée et exprimer complètement ce que le législateur entendait dire . . .
[…]
[38] Comme je l'ai mentionné, le principe suprême qui régit l'interprétation des dispositions pénales est que l'ambiguïté devrait être tranchée de la façon qui favorise le plus l'accusé. En outre, lorsqu'il faut choisir entre deux interprétations possibles, il est important de donner effet à l'interprétation la plus compatible avec le libellé de la disposition. Comme le juge Dickson l'a fait remarquer dans l'arrêt Marcotte, précité, lorsque la liberté est en jeu, la clarté et la certitude ont une importance fondamentale. Il a poursuivi, à la p. 115:
Si quelqu'un doit être incarcéré, il devrait au moins savoir qu'une loi du Parlement le requiert en des termes explicites, et non pas, tout au plus, par voie de conséquence.
En vertu de l'art. 19 du Code criminel, l'ignorance de la loi n'est pas une excuse en matière de responsabilité criminelle. Notre système de justice criminelle repose sur le principe que nul n'est censé ignorer la loi. Cependant, nous ne pouvons guère faire valoir cette présomption si les tribunaux, dans leur interprétation des dispositions pénales, décident qu'elles incluent des termes qui, à leur lecture, ne s'y trouvent pas. Comment un citoyen est-il censé connaître la loi dans un tel cas?
[39] Le Code criminel n'est pas un contrat ni une convention collective. Il est même qualitativement différent de la plupart des autres textes législatifs en ce qu'il peut entraîner des répercussions directes et vraisemblablement profondes sur la liberté personnelle des citoyens. Compte tenu de son caractère spécial, le Code criminel doit être interprété de façon à tenir compte des intérêts en matière de liberté. Par conséquent, il faut interpréter une disposition pénale ambiguë de la façon qui favorisera le plus l'accusé et de la façon qui est le plus susceptible de jeter de la clarté et de la certitude sur le droit criminel."
[24] R. c. Daoust, la Cour suprême énonce ce qui suit:
"[1] Le problème le plus important qui se pose dans cet appel est celui que présente l’interprétation de dispositions divergentes d’une loi bilingue. Dans le contexte de la présente affaire, les deux versions de l’art. 462.31 du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46, chacune étant claire, sont inconciliables :
[2] … Deuxièmement, les règles d’interprétation contextuelle ne permettent pas d’ajouter au texte d’une loi pénale des mots qui auraient pour effet d’en élargir la portée. Le justiciable doit pouvoir connaître les limites de sa responsabilité à la lecture des dispositions législatives applicables peu importe la langue officielle. Troisièmement, les règles d’interprétation des lois bilingues suggèrent une méthode selon laquelle on devrait privilégier le sens commun aux deux versions du texte législatif. Le sens commun aux deux versions est normalement la version la moins large de l’art. 462.31 C. cr., en l’espèce la version française. C’est donc cette version qui doit au départ être soumise au test de conformité avec l’intention législative.
[…]
[29] Si aucune des deux versions n’est ambiguë, ou si elles le sont toutes deux, le sens commun favorisera normalement la version la plus restrictive : Gravel c. Cité de St-Léonard, 1977 CanLII 9 (C.S.C.), [1978] 1 R.C.S. 660, p. 669; Pfizer Co. c. Sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l’accise, 1975 CanLII 194 (C.S.C.), [1977] 1 R.C.S. 456, p. 464-465. Le professeur Côté illustre ce point comme suit, à la p. 414 :
Dans un troisième type de situation, l’une des deux versions a un sens plus large que l’autre, elle renvoie à un concept d’une plus grande extension. Le sens commun aux deux versions est alors celui du texte ayant le sens le plus restreint."
[25] R. c. B.(P.), le juge Richard Grenier, de la Cour supérieure mentionne ce qui suit:
[29] Dans notre cas, comme, d'une part, le véhicule automobile était déjà immobilisé et que, d'autre part, les policiers n'avaient pas de raison de soupçonner la présence d'alcool chez le conducteur au moment où ils se présentaient à lui, leur interpellation n'était pas légale.
[…]
[32] SUBSIDIAIREMENT, même si on en était venu à la conclusion que l'accusé n'était pas détenu ou encore que sa détention n'était pas arbitraire et qu'elle était justifiée, il faudrait se demander si les policiers étaient en droit d'exiger de l'accusé qu'il se soumette au test A.D.A..
18 Le texte est à ce point clair, que celui qui refuse de se soumettre au test de dépistage, ne peut être trouvé coupable de cette infraction, à moins que la poursuite n'ait établi, hors de tout doute raisonnable, qu'il était en train de conduire ou qu'il avait la garde du véhicule intercepté: R.c. Swietorzecki [1995] 97 C.C.C. (3d) 295.
19 Le pouvoir des policiers, en vertu de l'article 254(2) C. cr., est donc fort différent de celui que leur accorde l'article 254(3) C.cr. qui se lit comme suit:
L'agent de la paix qui a des motifs raisonnables de croire qu'une personne est en train de commettre, ou a commis au cours des trois heures précédentes, par suite d'absorption d'alcool, une infraction à l'article 253 peut lui ordonner immédiatement ou dès que possible de lui fournir immédiatement ou dès que possible: a) les échantillons d'haleine, ou b) les échantillons de sang.
20 Dans la présente affaire, les agents de la paix n'avaient évidemment pas de motifs raisonnables de croire que l'intimé avait les facultés affaiblies. Ils avaient, tout au plus, des soupçons qu'ils ont voulu transformer en motifs probables par l'utilisation de l'appareil de dépistage.
[…]
28 Les policiers n'avaient aucun droit de soumettre l'intimé à un test de dépistage, car il n'était pas en train de conduire son véhicule. Il devient alors évident que le résultat du test d'ivressomètre a été obtenu en mobilisant l'accusé contre lui-même car, sans le résultat de ce test obtenu illégalement, les policiers n'avaient aucun motif raisonnable de faire passer l'alcootest à l'intimé.
29 Accepter que soit mis en preuve le résultat de l'alcootest rendrait le procès inéquitable. Le premier juge avait donc raison d'exclure ladite preuve.
30 En conclusion, cette Cour considère que l'appelante n'a jamais rencontré le fardeau, imposé par l'article 254(2) C. cr., de démontrer que l'intimé était: «a person operating a motor vehicle». Les policiers n'avaient aucun droit de soumettre l'intimé à un test de dépistage et ce, malgré l'admission de celui-ci, à l'effet qu'il avait récemment conduit son véhicule.
31 Cette Cour conclut donc, comme le premier juge, que l'intimé a démontré, selon la prépondérance des probabilités, la gravité de la violation à ses droits garantis à l'article 9 de la Charte canadienne des droits et libertés. Permettre que l'on mette en preuve les résultats du test d'ivressomètre serait susceptible de déconsidérer l'administration de la justice. Cette Cour partage donc l'opinion du premier juge d'exclure le résultat du test et d'acquitter l'intimé.
[26] Il existe une différence de rédaction concernant les paragraphes (2) et (3) de l'article 254 C.cr.. Si le législateur n'a pas utilisé les mêmes mots c'est qu'il avait l'intention de donner une interprétation différente. Pour soumettre un individu à un test par la voie de l'appareil de détection approuvé, il faut:
a) que le policier ait eu, personnellement connaissance que le prévenu conduisait son véhicule;
b) ou encore qu'il avait la garde ou le contrôle de ce dernier.
[21] Dans R. c. Pierre Dumas, l'honorable Chantal Pelletier déclare:
"[14] Il y a une nette différence dans l'utilisation du temps des verbes entre les articles 254(2) et 254(3) C.cr. En vertu de 254(2), il est nécessaire que la personne soit en train de conduire ou en train d'avoir la garde ou le contrôle.
[15] Donc, avant qu'un agent de la paix agisse en vertu de 254(2), deux conditions sont nécessaires:
- Le policier a des raisons de soupçonner la présence d'alcool dans l'organisme de la personne.
- La personne conduit ou a la garde ou le contrôle de son véhicule à moteur.
[…]
[23] L'ordre fait par le policier en vertu de 254(2) C.cr. entraîne une détention. En l'espèce, la détention illégale a entraîné une détention arbitraire.
[24] Le Tribunal conclut que le défendeur a démontré selon la prépondérance des probabilités qu'il y a eu une violation au sens de l'article 9."
[22] Dans R. c. Clermont, mon collègue, le juge François Beaudoin fait une analyse sérieuse et approfondie de l'application des articles 254(2) et (3) du Code criminel. Il écrit ce qui suit:
"[6] À ce moment, l'agent Dumoulin lui ordonna de fournir un échantillon d'haleine pour analyse dans l'appareil de détection. L'accusé lui répliqua qu'il était responsable de l'accident, qu'il n'était pas là pour lui faire du trouble et qu'il ferait tout ce qu'il lui demandait de faire. Le témoin spécifia que le langage de l'accusé était lent, pâteux et répétitif. À 16h23, l'accusé obtempéra à l'ordre reçu et le résultat du test indiqua "Fail", donc qu'il pouvait être en infraction. Le policier effectua alors son arrestation afin de le conduire au poste de police pour procéder à l'analyse de son haleine à l'aide d'un alcootest approuvé et lui fit la lecture de ses droits.
[…]
[14] Dans le même jugement, la Cour a bien exprimé la différence entre l'article précité et l'article 254(3), lequel stipule que les motifs raisonnables de l'agent de la paix portent tout autant sur l'existence d'un état de capacité de conduire affaiblie par l'effet de l'alcool ou d,une drogue que sur le fait que la personne concernée conduit, ou a conduit, un véhicule à moteur, ou en a, ou en a eu la garde et le contrôle dans la période de temps déterminée par l'article. Il s'agit bien d'un régime juridique différent.
[15] …Le fait que la personne conduise ou ait la garde et le contrôle du véhicule à moteur doit donc être constaté par le policier lui-même. Donc, la seule présence de soupçons ou de motifs raisonnables n'est pas suffisante. Plus encore, les éléments dont ne dispose pas le policier au moment de son intervention et qui sont déposés en preuve lors du procès ne peuvent être d'aucun secours pour rendre conforme à la loi une démarche qui ne l'est pas dès le début.
[16] Tous les jugements invoqués par la poursuite interprètent la version anglaise de l'article 254(2). Je reproduis le libellé de cet article:
"Where a peace officer reasonably suspects that a person who is operating a motor vehicle or a vessel or operating or assisting in the operation of a aircraft or of railway equipment or who has the care or control of a motor vehicle, vessel or aircraft or of railway equipment, whether it is in motion or not, has alcohol in the person's body, the peace officer may, by demand made to that person, require the person to provide forthwith such a sample of breath as in the opinion of the peace officer is necessary to enable a proper analysis of the breath to be made by means of an approved screening device and, where necessary, to accompany the peace officer for the purpose of enabling such a sample of breath to be taken."
[17] Selon les tribunaux qui ont rendu ces jugements, l'interprétation de l'article permet de remonter à un "passé récent" pour déterminer si une personne "is operating a motor vehicle" ou "has the care or control of a motor vehicle". Deux raisons la valident.
[18] En premier lieu, ils estiment que donner une interprétation plus littérale conduirait à un résultat absurde. À titre d'exemple, un policier qui arriverait sur la scène d'un accident et qui se ferait dire par la personne qui se tient à côté du véhicule qu'elle en est le conducteur, alors qu'elle dégage une haleine d'alcool, ne pourrait pas se prévaloir du pouvoir conféré par l'article. Ils y discernent une dimension de "convenience or policy" selon laquelle le législateur a voulu favoriser une interprétation large de l'article pour assurer la sécurité publique sur les routes.
[19] En deuxième lieu, ils insistent sur certaines particularités de la langue anglaise pour donner aussi à l'article un sens passé. Voici un extrait tiré de l'un de ces jugements, celui de R. c. Philips (par. 10):
"Tenses in English are used in an odd way. The present tense is often used to express the habitual, or the recent past, or near future."
[20] En comparaison, le texte français m'apparaît clair, la langue française ne se prêtant pas à ce que les mots "conduit" et "a" de l'article 254(2) puissent inclure une connotation de passé. À cet égard, il y a donc lieu de considérer la règle d'interprétation retenue par la Cour suprême du Canada dans R. c. McIntosh (1995, 1 RCS 686, à la page 704). Dans cet arrêt, le juge en chef Lamer écrivait:
"À mon avis, on ne saurait accepter l'argument du ministère public qui assimile l'absurdité à l'ambiguïté. Voici la proposition que j'adopterais: lorsqu'une législature adopte un texte législatif qui emploie des termes clairs, non équivoques et susceptibles d'avoir un seul sens, ce texte doit être appliqué même s'il donne lieu à des résultats rigides ou absurdes ou même contraires à la logique (Maxwell on the Interpretation of Statutes, op. cit., à la p. 29). Le fait qu'une disposition aboutit à des résultats absurdes n'est pas, à mon avis, suffisant pour affirmer qu'elle est ambiguë et procéder ensuite à une analyse d'interprétation globale."
[21] Bien sûr, la plupart des jugements invoqués par la poursuite émanent des cours d'appel des autres provinces du Canada. Ils ont donc sur moi une autorité morale incontestable. Cependant, avec le plus grand respect, je me sens autorisé à m'en éloigner, au motif qu'aucun de ces jugements ne me semble avoir considéré le texte français du même article. Or, comme je pense avoir réussi à le démontrer plus haut dans le présent texte, il y a présence d'un conflit entre le texte français et le texte anglais. Le texte anglais, selon les jugements cités, pourrait permettre de donner un sens passé à l'article 254(2), ce qu'exclut le texte français.
[…]
[24] À la lumière de ce qui précède, c'est donc la version française, plus restrictive, qui prédomine. Ce qui signifie que l'agent de la paix ne pouvait, dans le cas qui m'est soumis, contraindre l'accusé au moyen du pouvoir prévu à l'article 254(2), parce qu'il n'était pas en train de conduire son véhicule et qu'il n'en avait pas la garde ou le contrôle au sens de R. c. Toews (1985, 2 RCS 119). En outre, comme il agissait en dehors de ce cadre et que l'accusé se trouvait, au sens de la loi, détenu, il avait l'obligation de l'informer de ses droits et de lui permettre de les exercer avant de l'inviter à souffle dans l'appareil. Comme ces exigences n'ont pas été suivies, il y a violation des articles 9 et 10 de la Charte.
[…]
[26] J'ordonne donc l'exclusion, de la preuve, de tout ce qui a suivi l'ordre donné par le policier à l'accusé de lui fournir un échantillon d'haleine pour l'analyser à l'aide d'un appareil de détection approuvé."
[23] R. c. McIntosh, la Cour suprême déclare:
"[18] Pour résoudre la question d'interprétation soulevée par le ministère public, je pars de la proposition qu'il faut donner plein effet à une disposition législative qui, à sa lecture, ne présente pas d'ambiguïté. C'est une autre façon de faire valoir ce que l'on a parfois appelé la «règle d'or» de l'interprétation littérale; une loi doit être interprétée d'une façon compatible avec le sens ordinaire des termes qui la compose. Si le libellé de la loi est clair et n'appelle qu'un seul sens, il n'y a pas lieu de procéder à un exercice d'interprétation (Maxwell on The Interpretation of Statutes (12e éd. 1969), à la p. 29).
[…]
[26] …
La fonction du juge étant d'interpréter la loi et non de la faire, le principe général veut que le juge doive écarter une interprétation qui l'amènerait à ajouter des termes à la loi : celle-ci est censée être bien rédigée et exprimer complètement ce que le législateur entendait dire . . .
[…]
[38] Comme je l'ai mentionné, le principe suprême qui régit l'interprétation des dispositions pénales est que l'ambiguïté devrait être tranchée de la façon qui favorise le plus l'accusé. En outre, lorsqu'il faut choisir entre deux interprétations possibles, il est important de donner effet à l'interprétation la plus compatible avec le libellé de la disposition. Comme le juge Dickson l'a fait remarquer dans l'arrêt Marcotte, précité, lorsque la liberté est en jeu, la clarté et la certitude ont une importance fondamentale. Il a poursuivi, à la p. 115:
Si quelqu'un doit être incarcéré, il devrait au moins savoir qu'une loi du Parlement le requiert en des termes explicites, et non pas, tout au plus, par voie de conséquence.
En vertu de l'art. 19 du Code criminel, l'ignorance de la loi n'est pas une excuse en matière de responsabilité criminelle. Notre système de justice criminelle repose sur le principe que nul n'est censé ignorer la loi. Cependant, nous ne pouvons guère faire valoir cette présomption si les tribunaux, dans leur interprétation des dispositions pénales, décident qu'elles incluent des termes qui, à leur lecture, ne s'y trouvent pas. Comment un citoyen est-il censé connaître la loi dans un tel cas?
[39] Le Code criminel n'est pas un contrat ni une convention collective. Il est même qualitativement différent de la plupart des autres textes législatifs en ce qu'il peut entraîner des répercussions directes et vraisemblablement profondes sur la liberté personnelle des citoyens. Compte tenu de son caractère spécial, le Code criminel doit être interprété de façon à tenir compte des intérêts en matière de liberté. Par conséquent, il faut interpréter une disposition pénale ambiguë de la façon qui favorisera le plus l'accusé et de la façon qui est le plus susceptible de jeter de la clarté et de la certitude sur le droit criminel."
[24] R. c. Daoust, la Cour suprême énonce ce qui suit:
"[1] Le problème le plus important qui se pose dans cet appel est celui que présente l’interprétation de dispositions divergentes d’une loi bilingue. Dans le contexte de la présente affaire, les deux versions de l’art. 462.31 du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46, chacune étant claire, sont inconciliables :
[2] … Deuxièmement, les règles d’interprétation contextuelle ne permettent pas d’ajouter au texte d’une loi pénale des mots qui auraient pour effet d’en élargir la portée. Le justiciable doit pouvoir connaître les limites de sa responsabilité à la lecture des dispositions législatives applicables peu importe la langue officielle. Troisièmement, les règles d’interprétation des lois bilingues suggèrent une méthode selon laquelle on devrait privilégier le sens commun aux deux versions du texte législatif. Le sens commun aux deux versions est normalement la version la moins large de l’art. 462.31 C. cr., en l’espèce la version française. C’est donc cette version qui doit au départ être soumise au test de conformité avec l’intention législative.
[…]
[29] Si aucune des deux versions n’est ambiguë, ou si elles le sont toutes deux, le sens commun favorisera normalement la version la plus restrictive : Gravel c. Cité de St-Léonard, 1977 CanLII 9 (C.S.C.), [1978] 1 R.C.S. 660, p. 669; Pfizer Co. c. Sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l’accise, 1975 CanLII 194 (C.S.C.), [1977] 1 R.C.S. 456, p. 464-465. Le professeur Côté illustre ce point comme suit, à la p. 414 :
Dans un troisième type de situation, l’une des deux versions a un sens plus large que l’autre, elle renvoie à un concept d’une plus grande extension. Le sens commun aux deux versions est alors celui du texte ayant le sens le plus restreint."
[25] R. c. B.(P.), le juge Richard Grenier, de la Cour supérieure mentionne ce qui suit:
[29] Dans notre cas, comme, d'une part, le véhicule automobile était déjà immobilisé et que, d'autre part, les policiers n'avaient pas de raison de soupçonner la présence d'alcool chez le conducteur au moment où ils se présentaient à lui, leur interpellation n'était pas légale.
[…]
[32] SUBSIDIAIREMENT, même si on en était venu à la conclusion que l'accusé n'était pas détenu ou encore que sa détention n'était pas arbitraire et qu'elle était justifiée, il faudrait se demander si les policiers étaient en droit d'exiger de l'accusé qu'il se soumette au test A.D.A..
18 Le texte est à ce point clair, que celui qui refuse de se soumettre au test de dépistage, ne peut être trouvé coupable de cette infraction, à moins que la poursuite n'ait établi, hors de tout doute raisonnable, qu'il était en train de conduire ou qu'il avait la garde du véhicule intercepté: R.c. Swietorzecki [1995] 97 C.C.C. (3d) 295.
19 Le pouvoir des policiers, en vertu de l'article 254(2) C. cr., est donc fort différent de celui que leur accorde l'article 254(3) C.cr. qui se lit comme suit:
L'agent de la paix qui a des motifs raisonnables de croire qu'une personne est en train de commettre, ou a commis au cours des trois heures précédentes, par suite d'absorption d'alcool, une infraction à l'article 253 peut lui ordonner immédiatement ou dès que possible de lui fournir immédiatement ou dès que possible: a) les échantillons d'haleine, ou b) les échantillons de sang.
20 Dans la présente affaire, les agents de la paix n'avaient évidemment pas de motifs raisonnables de croire que l'intimé avait les facultés affaiblies. Ils avaient, tout au plus, des soupçons qu'ils ont voulu transformer en motifs probables par l'utilisation de l'appareil de dépistage.
[…]
28 Les policiers n'avaient aucun droit de soumettre l'intimé à un test de dépistage, car il n'était pas en train de conduire son véhicule. Il devient alors évident que le résultat du test d'ivressomètre a été obtenu en mobilisant l'accusé contre lui-même car, sans le résultat de ce test obtenu illégalement, les policiers n'avaient aucun motif raisonnable de faire passer l'alcootest à l'intimé.
29 Accepter que soit mis en preuve le résultat de l'alcootest rendrait le procès inéquitable. Le premier juge avait donc raison d'exclure ladite preuve.
30 En conclusion, cette Cour considère que l'appelante n'a jamais rencontré le fardeau, imposé par l'article 254(2) C. cr., de démontrer que l'intimé était: «a person operating a motor vehicle». Les policiers n'avaient aucun droit de soumettre l'intimé à un test de dépistage et ce, malgré l'admission de celui-ci, à l'effet qu'il avait récemment conduit son véhicule.
31 Cette Cour conclut donc, comme le premier juge, que l'intimé a démontré, selon la prépondérance des probabilités, la gravité de la violation à ses droits garantis à l'article 9 de la Charte canadienne des droits et libertés. Permettre que l'on mette en preuve les résultats du test d'ivressomètre serait susceptible de déconsidérer l'administration de la justice. Cette Cour partage donc l'opinion du premier juge d'exclure le résultat du test et d'acquitter l'intimé.
[26] Il existe une différence de rédaction concernant les paragraphes (2) et (3) de l'article 254 C.cr.. Si le législateur n'a pas utilisé les mêmes mots c'est qu'il avait l'intention de donner une interprétation différente. Pour soumettre un individu à un test par la voie de l'appareil de détection approuvé, il faut:
a) que le policier ait eu, personnellement connaissance que le prévenu conduisait son véhicule;
b) ou encore qu'il avait la garde ou le contrôle de ce dernier.
Un juge est lié par une ordonnance rendue par un autre juge de même instance / la règle interdisant l'attaque collatérale
R. c. Lévesque, 2010 QCCQ 9121 (CanLII)
Lien vers la décision
[21] Dans notre système pénal canadien, il est clairement établi qu'un juge est lié par une ordonnance rendue par un autre juge. C'est dans ces termes que la Cour suprême du Canada a énoncé la règle interdisant les attaques collatérales:
« (…) Selon un principe fondamental établi depuis longtemps, une ordonnance rendue par une cour compétente est valide, concluante et a force exécutoire, à moins d'être infirmée en appel ou légalement annulée. De plus, la jurisprudence établit clairement qu'une telle ordonnance ne peut faire l'objet d'une attaque indirecte; l'attaque indirecte peut être décrite comme une attaque dans le cadre de procédures autres que celles visant précisément à obtenir l'infirmation, la modification ou l'annulation de l'ordonnance ou du jugement (…) »
[22] Dix ans plus tard, cette même Cour réaffirmait ce principe dans les termes suivants:
« (…) une ordonnance rendue par une cour compétente ne peut faire l'objet d'une attaque dans le cadre de procédures autres que celles visant précisément à obtenir l'infirmation, la modification ou l'annulation de l'ordonnance ou du jugement (…) »
« (…) La règle a été conçue non pas pour soustraire à tout contrôle une ordonnance judiciaire mais pour maintenir la primauté du droit et préserver la considération dont jouit l'administration de la justice (…) »
[23] Bien que ce principe ait souvent été appliqué dans les dossiers traitant de l'émission de mandat, il le fut également lors de l'émission de différentes ordonnances.
[24] Cette règle n'est pas absolue, et elle peut souffrir de certaines exceptions lorsqu'il ne s'agit que de pure forme tel que le précise également la Cour suprême qui ajoute :
« (…) Les principes fondés sur la certitude et sur le besoin d'une administration ordonnée et pratique de la justice qui sous‑tendent la règle interdisant les attaques indirectes ne sont pas applicables à une ordonnance de division et de séparation des chefs d'accusation rendue avant le procès. Une ordonnance de cette nature régit non pas la conduite des parties, mais plutôt le processus judiciaire lui‑même. Permettre, au cours du procès, une attaque indirecte contre une telle ordonnance ne compromettrait pas la primauté du droit ou ne déconsidérerait pas l'administration de la justice. En réalité, si l'ordonnance avait été rendue par le juge du procès, elle aurait fait l'objet d'un examen par les tribunaux d'appel en même temps que le verdict. La procédure ne peut l'emporter sur le fond — on ne saurait permettre le maintien d'une ordonnance erronée au point d'entacher le procès d'un vice fondamental. »
[25] S'appuyant sur l'affaire R. c. J.L.S., les honorables juges Béliveau et Vauclair sont également d'opinion que cette règle s'appliquerait même si la nullité apparaît à la face même de l'ordonnance.
[26] Dans l'affaire Desjardins c. R., notre Cour d'appel déclare que l'omission de fixer un délai dans une ordonnance enjoignant à un accusé de se départir de ses armes peut justifier sa révision, mais pas sa violation. Dans une autre décision, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique conclut que même si le tribunal pour adolescent n'a pas juridiction pour rendre une ordonnance en vertu de l'article 810 du Code criminel, cela ne peut justifier sa violation.
[27] Même si deux décisions (probation sans durée déterminée (C.cr.) ou dépassant la période maximale permise (L.J.C.)) concluent que l'ordonnance est invalide à sa face même et que la règle interdisant les attaques indirectes peut être exclue, il faut souligner que ces dernières sont antérieures aux arrêts Wilson et Litchfield de notre Cour suprême.
Lien vers la décision
[21] Dans notre système pénal canadien, il est clairement établi qu'un juge est lié par une ordonnance rendue par un autre juge. C'est dans ces termes que la Cour suprême du Canada a énoncé la règle interdisant les attaques collatérales:
« (…) Selon un principe fondamental établi depuis longtemps, une ordonnance rendue par une cour compétente est valide, concluante et a force exécutoire, à moins d'être infirmée en appel ou légalement annulée. De plus, la jurisprudence établit clairement qu'une telle ordonnance ne peut faire l'objet d'une attaque indirecte; l'attaque indirecte peut être décrite comme une attaque dans le cadre de procédures autres que celles visant précisément à obtenir l'infirmation, la modification ou l'annulation de l'ordonnance ou du jugement (…) »
[22] Dix ans plus tard, cette même Cour réaffirmait ce principe dans les termes suivants:
« (…) une ordonnance rendue par une cour compétente ne peut faire l'objet d'une attaque dans le cadre de procédures autres que celles visant précisément à obtenir l'infirmation, la modification ou l'annulation de l'ordonnance ou du jugement (…) »
« (…) La règle a été conçue non pas pour soustraire à tout contrôle une ordonnance judiciaire mais pour maintenir la primauté du droit et préserver la considération dont jouit l'administration de la justice (…) »
[23] Bien que ce principe ait souvent été appliqué dans les dossiers traitant de l'émission de mandat, il le fut également lors de l'émission de différentes ordonnances.
[24] Cette règle n'est pas absolue, et elle peut souffrir de certaines exceptions lorsqu'il ne s'agit que de pure forme tel que le précise également la Cour suprême qui ajoute :
« (…) Les principes fondés sur la certitude et sur le besoin d'une administration ordonnée et pratique de la justice qui sous‑tendent la règle interdisant les attaques indirectes ne sont pas applicables à une ordonnance de division et de séparation des chefs d'accusation rendue avant le procès. Une ordonnance de cette nature régit non pas la conduite des parties, mais plutôt le processus judiciaire lui‑même. Permettre, au cours du procès, une attaque indirecte contre une telle ordonnance ne compromettrait pas la primauté du droit ou ne déconsidérerait pas l'administration de la justice. En réalité, si l'ordonnance avait été rendue par le juge du procès, elle aurait fait l'objet d'un examen par les tribunaux d'appel en même temps que le verdict. La procédure ne peut l'emporter sur le fond — on ne saurait permettre le maintien d'une ordonnance erronée au point d'entacher le procès d'un vice fondamental. »
[25] S'appuyant sur l'affaire R. c. J.L.S., les honorables juges Béliveau et Vauclair sont également d'opinion que cette règle s'appliquerait même si la nullité apparaît à la face même de l'ordonnance.
[26] Dans l'affaire Desjardins c. R., notre Cour d'appel déclare que l'omission de fixer un délai dans une ordonnance enjoignant à un accusé de se départir de ses armes peut justifier sa révision, mais pas sa violation. Dans une autre décision, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique conclut que même si le tribunal pour adolescent n'a pas juridiction pour rendre une ordonnance en vertu de l'article 810 du Code criminel, cela ne peut justifier sa violation.
[27] Même si deux décisions (probation sans durée déterminée (C.cr.) ou dépassant la période maximale permise (L.J.C.)) concluent que l'ordonnance est invalide à sa face même et que la règle interdisant les attaques indirectes peut être exclue, il faut souligner que ces dernières sont antérieures aux arrêts Wilson et Litchfield de notre Cour suprême.
L'état du droit concernant l'assermentation d'une dénonciation
R. c. Carrière, 2010 QCCQ 1524 (CanLII)
[43] L'assermentation d'une dénonciation par le juge de paix qui la reçoit est une procédure essentielle à la validité de celle-ci.
[44] Le serment prêté devant le juge de paix commence les procédures.
[45] La sommation n'a pas à être signée par le même juge de paix que celui qui a reçu la dénonciation sous serment.
[46] Une dénonciation non assermentée est de nullité absolue. Si une dénonciation a été assermentée, mais que le juge de paix a omis de l'indiquer sur celle-ci, cela ne la rend pas nulle.
[47] Dans Société Radio-Canada c. Montréal (Communauté urbaine) Service de police, [2000] J.Q. no. 1936 (C.S.), le juge Béliveau rappelle que la preuve testimoniale de l'assermentation d'un dénonciateur peut corriger l'erreur cléricale de ne pas avoir coché que cela avait été fait.
[48] Une dénonciation signée par le dénonciateur et le juge de paix et dont la case indique que l'assermentation a eu lieu doit être présumée valide. Celui qui prétend que la dénonciation n'a pas été assermentée doit renverser la présomption par la balance des probabilités.
[49] En l'espèce, le requérant doit donc établir par la balance des probabilités que l'assermentation n'a pas eu lieu malgré que l'agent Trudel et le juge de paix Garneau ont coché qu'elle avait eu lieu, s'il veut invoquer la nullité de la dénonciation.
[50] On peut faire état de deux décisions où on a conclu à l'absence d'assermentation même dans le cas où la preuve avait été faite que la procédure normale et habituelle était d'assermenter les dénonciateurs.
[51] Ainsi dans R. c. Tremblay, [1999] J.Q. no. 610, le juge Provost conclut que la preuve établit l'absence d'assermentation alors qu'aucune des cases prévues pour l'assermentation n'est cochée, même si la juge de paix, tout en admettant avoir oublié de cocher, affirme qu'elle procède toujours à l'assermentation des dénonciateurs bien qu'elle ne pouvait pas s'en souvenir précisément cette journée-là.
[52] Dans R. c. Côté, [2009] J.Q. no. 3900 (C.S.), le juge Brunton analyse la situation d'une dénonciation qui, à première vue, n'est pas assermentée en ce qu'aucune case n'est cochée et que le nom et la signature du juge de paix n'apparaissent nulle part. La dénonciation porte un nom de dénonciateur, mais le nom du dénonciateur et la date ont été changés. Le dénonciateur dont le nom apparaît explique quant à lui que, par sa façon normale de travailler, il peut être certain que chaque dénonciation est assermentée. Tout en voyant là un ensemble d'éléments qui font de ce cas un cas d'espèce où il n'y a pas lieu d'intervenir dans la décision du juge de première instance de conclure à l'absence d'assermentation, le juge Brunton n'endosse pas la position de ce dernier quant à son affirmation qu'un récit sur la façon de travailler d'une personne ne puisse être suffisant pour combler l'omission d'une signature.
[53] La définition de serment que fournit l'art. 35 de la Loi d'interprétation prévoit que les formulations comportant les verbes « déclarer » ou « affirmer » équivalent à l'expression sous serment lorsque la déclaration ou l'affirmation solennelle peut tenir lieu de serment. J'en comprends qu'il s'agit là d'un minimum requis.
[43] L'assermentation d'une dénonciation par le juge de paix qui la reçoit est une procédure essentielle à la validité de celle-ci.
[44] Le serment prêté devant le juge de paix commence les procédures.
[45] La sommation n'a pas à être signée par le même juge de paix que celui qui a reçu la dénonciation sous serment.
[46] Une dénonciation non assermentée est de nullité absolue. Si une dénonciation a été assermentée, mais que le juge de paix a omis de l'indiquer sur celle-ci, cela ne la rend pas nulle.
[47] Dans Société Radio-Canada c. Montréal (Communauté urbaine) Service de police, [2000] J.Q. no. 1936 (C.S.), le juge Béliveau rappelle que la preuve testimoniale de l'assermentation d'un dénonciateur peut corriger l'erreur cléricale de ne pas avoir coché que cela avait été fait.
[48] Une dénonciation signée par le dénonciateur et le juge de paix et dont la case indique que l'assermentation a eu lieu doit être présumée valide. Celui qui prétend que la dénonciation n'a pas été assermentée doit renverser la présomption par la balance des probabilités.
[49] En l'espèce, le requérant doit donc établir par la balance des probabilités que l'assermentation n'a pas eu lieu malgré que l'agent Trudel et le juge de paix Garneau ont coché qu'elle avait eu lieu, s'il veut invoquer la nullité de la dénonciation.
[50] On peut faire état de deux décisions où on a conclu à l'absence d'assermentation même dans le cas où la preuve avait été faite que la procédure normale et habituelle était d'assermenter les dénonciateurs.
[51] Ainsi dans R. c. Tremblay, [1999] J.Q. no. 610, le juge Provost conclut que la preuve établit l'absence d'assermentation alors qu'aucune des cases prévues pour l'assermentation n'est cochée, même si la juge de paix, tout en admettant avoir oublié de cocher, affirme qu'elle procède toujours à l'assermentation des dénonciateurs bien qu'elle ne pouvait pas s'en souvenir précisément cette journée-là.
[52] Dans R. c. Côté, [2009] J.Q. no. 3900 (C.S.), le juge Brunton analyse la situation d'une dénonciation qui, à première vue, n'est pas assermentée en ce qu'aucune case n'est cochée et que le nom et la signature du juge de paix n'apparaissent nulle part. La dénonciation porte un nom de dénonciateur, mais le nom du dénonciateur et la date ont été changés. Le dénonciateur dont le nom apparaît explique quant à lui que, par sa façon normale de travailler, il peut être certain que chaque dénonciation est assermentée. Tout en voyant là un ensemble d'éléments qui font de ce cas un cas d'espèce où il n'y a pas lieu d'intervenir dans la décision du juge de première instance de conclure à l'absence d'assermentation, le juge Brunton n'endosse pas la position de ce dernier quant à son affirmation qu'un récit sur la façon de travailler d'une personne ne puisse être suffisant pour combler l'omission d'une signature.
[53] La définition de serment que fournit l'art. 35 de la Loi d'interprétation prévoit que les formulations comportant les verbes « déclarer » ou « affirmer » équivalent à l'expression sous serment lorsque la déclaration ou l'affirmation solennelle peut tenir lieu de serment. J'en comprends qu'il s'agit là d'un minimum requis.
Les peines imposées pour l'infraction de recyclage de produits de la criminalité
R. c. Lessard, 2009 QCCQ 5193 (CanLII)
[20] Le procureur de l'accusé invite le tribunal à examiner certaines décisions rendues dans des cas semblables, en particulier celle de Tejani. Il insiste aussi sur le fait que la complice de l'accusé a bénéficié d'une absolution inconditionnelle.
[21] Précisons tout de suite que le cas de l'accusé diffère totalement de celui de sa complice. La participation plus que marginale de cette dernière et son implication diffère complètement de celle de l'accusé.
[22] Dans R. c. Tejani, une décision de la Cour d'appel de l'Ontario, l'accusé, un courtier de change, avait accepté de changer une somme de 100 000 $ en devises américaines. Il a été condamné à une peine de deux ans moins un jour d'incarcération et à une amende de 20 000 $ en première instance. La Cour d'appel a modifié la peine et imposé une peine de deux ans moins un jour avec sursis et elle a maintenu l'amende imposée en première instance.
[23] Rappelant que le crime de recyclage de produits de la criminalité commande généralement l'imposition d'une peine incarcération, la Cour d'appel a cependant tenu compte qu'il s'agissait d'une seule transaction, que l'accusé, âgé de 50 ans était sans antécédent judiciaire et qu'il n'avait bénéficié que d'une somme de 1 000 $ et que finalement il avait respecté toutes les conditions de sa mise en liberté provisoire.
[24] Dans Toupin, l'accusée avait servi de prête-nom pour l'achat d'immeubles et de différents biens avec de l'argent provenant de vols et reventes de voitures de luxe pour une valeur dépassant un million de dollars pendant plus de trois ans. Enseignante et mère de famille, elle était sans antécédent judiciaire et elle demandait une absolution inconditionnelle. Elle a plutôt été condamnée à purger une peine d'emprisonnement avec sursis d'une durée de quatre mois.
[25] Dans Lefebvre, l'accusé, un homme d'affaires sans antécédent judiciaire, s'est reconnu coupable d'avoir recyclé une somme d'argent de 46 000 $ pour fins de capitalisation de son commerce légitime.
[26] Il a été condamné à une peine d'emprisonnement de deux ans moins un jour à être purgée dans la collectivité et à une amende de 46 000 $, somme dont il avait entièrement bénéficié.
[27] Dans Goulet, l'accusé, un policier, avait pendant une période de deux ans transporté entre un million et 3.5 millions de dollars entre Montréal et Miami, en plus d'agir comme prête-nom. Tenant compte principalement de sa situation de policier, il a été condamné à une peine d'incarcération de trente mois.
[28] Dans Hape, la Cour d'appel de l'Ontario confirme la peine de trente mois de détention imposée à l'accusé par le juge d'instance qui l'avait déclaré coupable d'avoir facilité le transfert dans des paradis fiscaux de plus de 400 000 $ provenant du trafic d'héroïne.
[29] Dans Sandberg l'accusée, sans antécédent judiciaire, avait transigé dans un bureau de change à 12 reprises pour une somme de plus de 2.5 millions de dollars. Elle avait reconnu sa culpabilité et elle a été condamnée à payer une amende de 25 000 $, à purger une peine de 18 mois d'emprisonnement avec sursis et à effectuer des travaux communautaires.
[20] Le procureur de l'accusé invite le tribunal à examiner certaines décisions rendues dans des cas semblables, en particulier celle de Tejani. Il insiste aussi sur le fait que la complice de l'accusé a bénéficié d'une absolution inconditionnelle.
[21] Précisons tout de suite que le cas de l'accusé diffère totalement de celui de sa complice. La participation plus que marginale de cette dernière et son implication diffère complètement de celle de l'accusé.
[22] Dans R. c. Tejani, une décision de la Cour d'appel de l'Ontario, l'accusé, un courtier de change, avait accepté de changer une somme de 100 000 $ en devises américaines. Il a été condamné à une peine de deux ans moins un jour d'incarcération et à une amende de 20 000 $ en première instance. La Cour d'appel a modifié la peine et imposé une peine de deux ans moins un jour avec sursis et elle a maintenu l'amende imposée en première instance.
[23] Rappelant que le crime de recyclage de produits de la criminalité commande généralement l'imposition d'une peine incarcération, la Cour d'appel a cependant tenu compte qu'il s'agissait d'une seule transaction, que l'accusé, âgé de 50 ans était sans antécédent judiciaire et qu'il n'avait bénéficié que d'une somme de 1 000 $ et que finalement il avait respecté toutes les conditions de sa mise en liberté provisoire.
[24] Dans Toupin, l'accusée avait servi de prête-nom pour l'achat d'immeubles et de différents biens avec de l'argent provenant de vols et reventes de voitures de luxe pour une valeur dépassant un million de dollars pendant plus de trois ans. Enseignante et mère de famille, elle était sans antécédent judiciaire et elle demandait une absolution inconditionnelle. Elle a plutôt été condamnée à purger une peine d'emprisonnement avec sursis d'une durée de quatre mois.
[25] Dans Lefebvre, l'accusé, un homme d'affaires sans antécédent judiciaire, s'est reconnu coupable d'avoir recyclé une somme d'argent de 46 000 $ pour fins de capitalisation de son commerce légitime.
[26] Il a été condamné à une peine d'emprisonnement de deux ans moins un jour à être purgée dans la collectivité et à une amende de 46 000 $, somme dont il avait entièrement bénéficié.
[27] Dans Goulet, l'accusé, un policier, avait pendant une période de deux ans transporté entre un million et 3.5 millions de dollars entre Montréal et Miami, en plus d'agir comme prête-nom. Tenant compte principalement de sa situation de policier, il a été condamné à une peine d'incarcération de trente mois.
[28] Dans Hape, la Cour d'appel de l'Ontario confirme la peine de trente mois de détention imposée à l'accusé par le juge d'instance qui l'avait déclaré coupable d'avoir facilité le transfert dans des paradis fiscaux de plus de 400 000 $ provenant du trafic d'héroïne.
[29] Dans Sandberg l'accusée, sans antécédent judiciaire, avait transigé dans un bureau de change à 12 reprises pour une somme de plus de 2.5 millions de dollars. Elle avait reconnu sa culpabilité et elle a été condamnée à payer une amende de 25 000 $, à purger une peine de 18 mois d'emprisonnement avec sursis et à effectuer des travaux communautaires.
Récapitulation de certaines règles d'importance que postule l'arrêt Beatty
R. c. Scrocca, 2010 QCCQ 8218 (CanLII)
73] On peut récapituler ainsi certaines règles d'importance que postule l'arrêt Beatty :
- les règles relatives à la négligence pénale, ce qui inclut la négligence criminelle, tiennent compte du comportement dérogeant à la norme, ce qui établit l'actus reus, ainsi que l'état mental de l'auteur de l'infraction qui concerne la mens rea. La poursuivante doit prouver à la fois l'actus reus et la mens rea;
- le critère objectif modifié s'applique pour déterminer la mens rea requise dans les cas des infractions criminelles fondées sur la négligence. D'abord, les circonstances de l'infraction doivent démontrer un écart marqué par rapport à la norme applicable en matière de responsabilité civile. Lorsqu'un comportement répond à cet écart marqué, le tribunal peut conclure à l'existence d'un état mental blâmable. Ensuite, l'application de ce critère objectif modifié ne peut pas faire abstraction de « l'état mental véritable de l'accusé ». En matière de négligence, la mens rea objective résulte d'une analyse au terme de laquelle le tribunal conclut qu'une personne raisonnable, placée dans une situation semblable à celle de l'accusé, aurait été consciente des risques de son comportement. La faute tient à l'absence chez l'accusé de la diligence requise eu égard à l'activité en cause;
- en tout état de cause, l'analyse doit être contextuelle. L'accusé peut faire valoir des moyens de défense fondés, par exemple, sur l'incapacité ou l'erreur de fait.
73] On peut récapituler ainsi certaines règles d'importance que postule l'arrêt Beatty :
- les règles relatives à la négligence pénale, ce qui inclut la négligence criminelle, tiennent compte du comportement dérogeant à la norme, ce qui établit l'actus reus, ainsi que l'état mental de l'auteur de l'infraction qui concerne la mens rea. La poursuivante doit prouver à la fois l'actus reus et la mens rea;
- le critère objectif modifié s'applique pour déterminer la mens rea requise dans les cas des infractions criminelles fondées sur la négligence. D'abord, les circonstances de l'infraction doivent démontrer un écart marqué par rapport à la norme applicable en matière de responsabilité civile. Lorsqu'un comportement répond à cet écart marqué, le tribunal peut conclure à l'existence d'un état mental blâmable. Ensuite, l'application de ce critère objectif modifié ne peut pas faire abstraction de « l'état mental véritable de l'accusé ». En matière de négligence, la mens rea objective résulte d'une analyse au terme de laquelle le tribunal conclut qu'une personne raisonnable, placée dans une situation semblable à celle de l'accusé, aurait été consciente des risques de son comportement. La faute tient à l'absence chez l'accusé de la diligence requise eu égard à l'activité en cause;
- en tout état de cause, l'analyse doit être contextuelle. L'accusé peut faire valoir des moyens de défense fondés, par exemple, sur l'incapacité ou l'erreur de fait.
vendredi 29 octobre 2010
Faute de présomption d'identité, l'expert devra utiliser la méthode du rétrocalcul pour établir hors de tout doute raisonnable l'alcoolémie de la personne accusée au moment de la commission alléguée de l'infraction
R. c. Cadenas Medina, 2010 QCCQ 9092 (CanLII)
Dans son livre « Capacités affaiblies, principes et application » Me Karl Emmanuel Harrison affirme avec raison ce qui suit:
« Dans la mesure où la présomption d'identité des alinéas 258(1)c) ou d) du Code criminel n'est pas acquise, un analyste doit témoigner pour faire rétroagir les résultats d'analyse au moment de la commission alléguée de l'infraction. L'expert doit affirmer qu'il a pris en considération le taux d'absorption de l'alcool, le taux d'élimination de l'alcool, que l'alcool a été ingurgité de manière sociale et non compulsive ainsi que l'absence de consommation rapide et massive d'alcool une demi-heure avant ou après la commission alléguée de l'infraction. En effet, les tribunaux n'ont pas une connaissance judiciaire du processus d'absorption de l'alcool dans le sang qui fait en sorte que le taux d'alcoolémie est généralement plus élevé au moment de la commission de l'infraction qu'au moment du prélèvement des échantillons d'haleine ou de sang. […] »
« Dans l'arrêt R. c. Grosse, 1996 CanLII 6643 (ON C.A.), (1996), 107 C.C.C. (3d) 97, O.A.C., autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée : un expert a témoigné pour extrapoler les résultats de l'alcootest et l'une des suppositions qu'il a prises en compte est que l'accusé n'avait pas consommé rapidement de l'alcool avant son interpellation. La Cour d'appel de l'Ontario a indiqué que le ministère public doit démontrer que l'accusé n'a pas pris une consommation compulsive peu avant l'événement. […] »
« Faute de présomption d'identité, l'expert devra utiliser la méthode du rétrocalcul pour établir hors de tout doute raisonnable l'alcoolémie de la personne accusée au moment de la commission alléguée de l'infraction. […] Comme il est difficile, voire impossible, de savoir si l'accusé est en phase d'absorption ou d'élimination en l'absence de scénario de consommation, la preuve de la présence ou de l'absence d'une consommation massive d'alcool une demi-heure avant l'infraction ou entre l'infraction et les prélèvements d'échantillons d'haleine ou de sang sont d'une importance primordiale. Pour que l'expertise ait une valeur probante, le ministère public doit démontrer l'absence d'une telle consommation massive ou compulsive d'alcool. »
Dans son livre « Capacités affaiblies, principes et application » Me Karl Emmanuel Harrison affirme avec raison ce qui suit:
« Dans la mesure où la présomption d'identité des alinéas 258(1)c) ou d) du Code criminel n'est pas acquise, un analyste doit témoigner pour faire rétroagir les résultats d'analyse au moment de la commission alléguée de l'infraction. L'expert doit affirmer qu'il a pris en considération le taux d'absorption de l'alcool, le taux d'élimination de l'alcool, que l'alcool a été ingurgité de manière sociale et non compulsive ainsi que l'absence de consommation rapide et massive d'alcool une demi-heure avant ou après la commission alléguée de l'infraction. En effet, les tribunaux n'ont pas une connaissance judiciaire du processus d'absorption de l'alcool dans le sang qui fait en sorte que le taux d'alcoolémie est généralement plus élevé au moment de la commission de l'infraction qu'au moment du prélèvement des échantillons d'haleine ou de sang. […] »
« Dans l'arrêt R. c. Grosse, 1996 CanLII 6643 (ON C.A.), (1996), 107 C.C.C. (3d) 97, O.A.C., autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée : un expert a témoigné pour extrapoler les résultats de l'alcootest et l'une des suppositions qu'il a prises en compte est que l'accusé n'avait pas consommé rapidement de l'alcool avant son interpellation. La Cour d'appel de l'Ontario a indiqué que le ministère public doit démontrer que l'accusé n'a pas pris une consommation compulsive peu avant l'événement. […] »
« Faute de présomption d'identité, l'expert devra utiliser la méthode du rétrocalcul pour établir hors de tout doute raisonnable l'alcoolémie de la personne accusée au moment de la commission alléguée de l'infraction. […] Comme il est difficile, voire impossible, de savoir si l'accusé est en phase d'absorption ou d'élimination en l'absence de scénario de consommation, la preuve de la présence ou de l'absence d'une consommation massive d'alcool une demi-heure avant l'infraction ou entre l'infraction et les prélèvements d'échantillons d'haleine ou de sang sont d'une importance primordiale. Pour que l'expertise ait une valeur probante, le ministère public doit démontrer l'absence d'une telle consommation massive ou compulsive d'alcool. »
L'appréciation de la crédibilité des témoins
R. c. R.S., 2010 QCCQ 2648 (CanLII)
[8] La Cour Suprême donne la marche à suivre en ce qui concerne la crédibilité à accorder aux témoignages, lors de versions contradictoires.
R. c. W.(D.), 1991 1 S.C.R. 752.
• Premièrement, si on croit la déposition de l'accusé, on doit prononcer l'acquittement.
• Deuxièmement, si on ne croit pas le témoignage de l'accusé, mais qu'on a un doute raisonnable, on doit prononcer l'acquittement.
• Troisièmement, même si on n'a pas de doute à la suite de la déposition de l'accusé, on doit se demander si en vertu de la preuve acceptée, on est convaincu hors de tout doute raisonnable, de la culpabilité de l'accusé.
[9] MODULATION À W.(D.) APPORTÉE PAR R. c. L.Y., 2008 CSC 2 (CanLII), 2008 CSC 2.
• Le juge n'a pas a suivre ou à énoncer servilement les étapes de W. (D.) (par. 7).
• Le juge peut exposer ses conclusions sur la crédibilité de la plaignante en premier (par. 12).
• W. (D.) est une façon de répondre à la question fondamentale suivante:
Compte tenu de l'ensemble de la preuve, le juge des faits éprouve-t-il un doute raisonnable quant à la culpabilité de l'accusé?
[10] De plus: R.c. J.H.S. [2008] C.S.C. 30.
• Le témoignage de l'accusé peut ne pas être intégralement accepté. Le juge laisse place à en accepter les parties (par. 15).
• Le juge n'a pas à choisir entre deux versions des événements (par. 15).
• Le juge tient compte de tous les éléments de preuve pour déterminer s'il subsiste un doute.
• Le manque de crédibilité de l'accusé n'équivaut pas à une preuve de sa culpabilité hors de tout doute raisonnable (par. 13).
[11] IL NE FAUT PAS CHOISIR ENTRE DEUX VERSIONS
R. c. S. (W.D.), 1994 3 R.C.S. 521
"Il est incorrect d'indiquer aux jurés, dans une affaire criminelle que, pour arriver à un verdict, ils doivent décider s'ils ajoutent foi à la preuve de la défense ou à celle de la poursuite. Énoncer cette alternative aux jurés écarte une troisième option possible, celle que les jurés, sans croire l'accusé et après avoir tenu compte de la déposition de l'accusé dans le contexte de l'ensemble de la preuve, puissent encore avoir un doute raisonnable quant à la culpabilité de l'accusé."
[12] Et aussi:
Shalaby c. R., 500-10-000341-915, Cour d'appel du Québec 1993 A.Q. No. 206.
"Le rôle du juge ne se limite pas à une appréciation de la crédibilité respective des témoins de la poursuite et de ceux du prévenu, particulièrement lorsque celui-ci a fait une défense et s'est fait entendre, comme dans ce cas. Il ne s'agit pas de choisir entre ces deux versions, mais de déterminer si globalement, la Couronne a présenté une preuve hors de tout doute raisonnable de la culpabilité.
Il n'existe pas une adéquation absolue et un lien causal nécessaire entre sincérité d'un témoin, crédibilité de celui-ci et, partant, culpabilité du prévenu. Les règles jurisprudentielles imposent au juge l'obligation de peser la crédibilité des témoins de la poursuite. Il doit aussi évaluer celle de la défense et, enfin, déterminer, en évaluant globalement la preuve, s'il peut subsister un doute raisonnable. On doit reconnaître qu'un témoin peut être parfaitement sincère, mais se trompe."
[8] La Cour Suprême donne la marche à suivre en ce qui concerne la crédibilité à accorder aux témoignages, lors de versions contradictoires.
R. c. W.(D.), 1991 1 S.C.R. 752.
• Premièrement, si on croit la déposition de l'accusé, on doit prononcer l'acquittement.
• Deuxièmement, si on ne croit pas le témoignage de l'accusé, mais qu'on a un doute raisonnable, on doit prononcer l'acquittement.
• Troisièmement, même si on n'a pas de doute à la suite de la déposition de l'accusé, on doit se demander si en vertu de la preuve acceptée, on est convaincu hors de tout doute raisonnable, de la culpabilité de l'accusé.
[9] MODULATION À W.(D.) APPORTÉE PAR R. c. L.Y., 2008 CSC 2 (CanLII), 2008 CSC 2.
• Le juge n'a pas a suivre ou à énoncer servilement les étapes de W. (D.) (par. 7).
• Le juge peut exposer ses conclusions sur la crédibilité de la plaignante en premier (par. 12).
• W. (D.) est une façon de répondre à la question fondamentale suivante:
Compte tenu de l'ensemble de la preuve, le juge des faits éprouve-t-il un doute raisonnable quant à la culpabilité de l'accusé?
[10] De plus: R.c. J.H.S. [2008] C.S.C. 30.
• Le témoignage de l'accusé peut ne pas être intégralement accepté. Le juge laisse place à en accepter les parties (par. 15).
• Le juge n'a pas à choisir entre deux versions des événements (par. 15).
• Le juge tient compte de tous les éléments de preuve pour déterminer s'il subsiste un doute.
• Le manque de crédibilité de l'accusé n'équivaut pas à une preuve de sa culpabilité hors de tout doute raisonnable (par. 13).
[11] IL NE FAUT PAS CHOISIR ENTRE DEUX VERSIONS
R. c. S. (W.D.), 1994 3 R.C.S. 521
"Il est incorrect d'indiquer aux jurés, dans une affaire criminelle que, pour arriver à un verdict, ils doivent décider s'ils ajoutent foi à la preuve de la défense ou à celle de la poursuite. Énoncer cette alternative aux jurés écarte une troisième option possible, celle que les jurés, sans croire l'accusé et après avoir tenu compte de la déposition de l'accusé dans le contexte de l'ensemble de la preuve, puissent encore avoir un doute raisonnable quant à la culpabilité de l'accusé."
[12] Et aussi:
Shalaby c. R., 500-10-000341-915, Cour d'appel du Québec 1993 A.Q. No. 206.
"Le rôle du juge ne se limite pas à une appréciation de la crédibilité respective des témoins de la poursuite et de ceux du prévenu, particulièrement lorsque celui-ci a fait une défense et s'est fait entendre, comme dans ce cas. Il ne s'agit pas de choisir entre ces deux versions, mais de déterminer si globalement, la Couronne a présenté une preuve hors de tout doute raisonnable de la culpabilité.
Il n'existe pas une adéquation absolue et un lien causal nécessaire entre sincérité d'un témoin, crédibilité de celui-ci et, partant, culpabilité du prévenu. Les règles jurisprudentielles imposent au juge l'obligation de peser la crédibilité des témoins de la poursuite. Il doit aussi évaluer celle de la défense et, enfin, déterminer, en évaluant globalement la preuve, s'il peut subsister un doute raisonnable. On doit reconnaître qu'un témoin peut être parfaitement sincère, mais se trompe."
L'article 43: Discipline des enfants
R. c. R.S., 2010 QCCQ 2648 (CanLII)
[5] L'ARTICLE 43: Discipline des enfants:
43. Discipline des enfants – Tout instituteur, père ou mère, ou toute personne qui remplace le père ou la mère, est fondé à employer la force pour corriger un élève ou un enfant, selon le cas, confié à ses soins, pourvu que la force ne dépasse pas la mesure raisonnable dans les circonstances.
S.R.C. 1970, ch C-34, art. 43.
[6] Voici l'interprétation de la Cour Suprême dans:
Canadian Foundation for Children, Youth and the Law c. Canada (Procureur général), 2004 CSC 4 (CanLII), [2004] 1 R.C.S. 76, 16 C.R. (6th) 203, 180 C.C.C. (3d) 353.
Cet article soustrait aux sanctions pénales l'emploi d'une force légère, ayant un effet transitoire et insignifiant, qui a pour objet d'éduquer ou de discipliner l'enfant. La conduite dégradante, inhumaine ou préjudiciable n'est pas protégée. L'article 43 ne vise pas la conduite causant un préjudice ou suscitant un risque raisonnable de préjudice. Cette disposition peut être invoquée seulement dans les cas où l'emploi non consensuel de la force ne cause aucun préjudice ou ne risque pas de causer des lésions corporelles. La correction comportant l'utilisation d'un objet, comme une règle ou une ceinture, ou encore des gifles ou des coups à la tête est déraisonnable.
[7] Voir également cet arrêt de la Cour d'Appel d'Ontario:
R. c. Emans 2000 CanLII 16823 (ON C.A.), (2000), 35 C.R. (5th) 386, (sub nom R. c. E. (A)) 146 C.C.C. (3d) 449 (C.A. Ont.)
Bien qu'un parent soit autorisé à employer la force pour corriger un enfant en vertu de l'art. 43, cette force ne doit pas être excessive et elle doit être employée pour le bénéfice de l'éducation de l'enfant et non pas motivée par la mauvaise humeur, l'impatience ou la colère excessive d'un parent; tout usage excessif de la force entraîne la responsabilité criminelle selon l'art. 26. L'article 43 est une exception et doit être interprété restrictivement, en accord avec le principe selon lequel la correction doit être nécessaire pour l'éducation de l'enfant et être conforme aux règles d'ordre public. Les articles 43 et 26 doivent être lus avec l'art. 265(3) qui prévoit que le fait que la victime s'est soumise ou n'a pas résisté ne constitue par un consentement en raison de la force utilisée ou de l'exercice de l'autorité.
[5] L'ARTICLE 43: Discipline des enfants:
43. Discipline des enfants – Tout instituteur, père ou mère, ou toute personne qui remplace le père ou la mère, est fondé à employer la force pour corriger un élève ou un enfant, selon le cas, confié à ses soins, pourvu que la force ne dépasse pas la mesure raisonnable dans les circonstances.
S.R.C. 1970, ch C-34, art. 43.
[6] Voici l'interprétation de la Cour Suprême dans:
Canadian Foundation for Children, Youth and the Law c. Canada (Procureur général), 2004 CSC 4 (CanLII), [2004] 1 R.C.S. 76, 16 C.R. (6th) 203, 180 C.C.C. (3d) 353.
Cet article soustrait aux sanctions pénales l'emploi d'une force légère, ayant un effet transitoire et insignifiant, qui a pour objet d'éduquer ou de discipliner l'enfant. La conduite dégradante, inhumaine ou préjudiciable n'est pas protégée. L'article 43 ne vise pas la conduite causant un préjudice ou suscitant un risque raisonnable de préjudice. Cette disposition peut être invoquée seulement dans les cas où l'emploi non consensuel de la force ne cause aucun préjudice ou ne risque pas de causer des lésions corporelles. La correction comportant l'utilisation d'un objet, comme une règle ou une ceinture, ou encore des gifles ou des coups à la tête est déraisonnable.
[7] Voir également cet arrêt de la Cour d'Appel d'Ontario:
R. c. Emans 2000 CanLII 16823 (ON C.A.), (2000), 35 C.R. (5th) 386, (sub nom R. c. E. (A)) 146 C.C.C. (3d) 449 (C.A. Ont.)
Bien qu'un parent soit autorisé à employer la force pour corriger un enfant en vertu de l'art. 43, cette force ne doit pas être excessive et elle doit être employée pour le bénéfice de l'éducation de l'enfant et non pas motivée par la mauvaise humeur, l'impatience ou la colère excessive d'un parent; tout usage excessif de la force entraîne la responsabilité criminelle selon l'art. 26. L'article 43 est une exception et doit être interprété restrictivement, en accord avec le principe selon lequel la correction doit être nécessaire pour l'éducation de l'enfant et être conforme aux règles d'ordre public. Les articles 43 et 26 doivent être lus avec l'art. 265(3) qui prévoit que le fait que la victime s'est soumise ou n'a pas résisté ne constitue par un consentement en raison de la force utilisée ou de l'exercice de l'autorité.
samedi 23 octobre 2010
Le nouvel article 258 Ccr, découlant des modifications législatives de C-2, est d'application rétrospective
R. c. Loiseau, 2010 QCCA 1872 (CanLII)
[26] Les divergents points de vue révélés par la jurisprudence contradictoire et la doctrine citées de part et d'autre démontrent clairement que les deux thèses qui s'affrontent se défendent bien et sont à maints égards persuasives. Cependant, j’estime que la meilleure approche consiste à qualifier les amendements du Code criminel comme étant de nature procédurale, avec pour conséquence que leur application est immédiate à compter de 2 juillet 2008.
[27] En effet, le nouvel article 258 C.cr., s'il peut frustrer les expectatives de certains accusés par rapport à l'ancienne formulation, n'a certes pas pour effet de les priver d'un droit substantiel. Or, le concept des droits acquis ne trouve pas application en matière de procédure. Contrairement à ce qu'on a pu prétendre, il ne s'agit pas ici de l'abolition d'un moyen de défense. La présomption d'identité entre les résultats des alcootests et le taux d'alcoolémie existait déjà et demeure; ce sont les possibilités, pour un accusé, de renverser cette présomption qui se sont vues restreintes. Cette restriction, si elle n'est pas sans compliquer la tâche des avocats de la défense, ne saurait toutefois être considérée comme les privant de toute forme de preuve contraire : le législateur entrevoit toujours la possibilité de renverser la présomption d'identité des résultats, bien qu'il ajuste le fardeau de présentation requis pour ce faire en fonction de la fiabilité qu'il accorde désormais aux appareils modernes.
[28] Sans être lié par l'arrêt de la Cour d'appel d'Ontario dans Dineley, et sans vouloir présumer du sort de la demande en autorisation de pourvoi à la Cour suprême, je suis d'avis qu'il est dans l'intérêt du public canadien que le droit criminel pour une infraction de cette nature soit appliqué de manière uniforme au pays.
[29] Cela dit, il y a lieu de préciser qu'un accusé qui subit un procès dans les mêmes circonstances que celles de M. Loiseau doit impérativement avoir la possibilité, dans les faits, de faire valoir la défense que la loi actuelle lui accorde. Les enseignements de la Cour suprême du Canada dans Wildman c. La Reine, sous la plume du juge Lamer, alors juge puîné, demeurent d'actualité :
Cette disposition [l’article 36 d) de la Loi d’interprétation énonce la règle de common law selon laquelle il n’existe pas de droit acquis en procédure, pour autant que la mise en oeuvre de la nouvelle procédure soit, en pratique, possible.
[26] Les divergents points de vue révélés par la jurisprudence contradictoire et la doctrine citées de part et d'autre démontrent clairement que les deux thèses qui s'affrontent se défendent bien et sont à maints égards persuasives. Cependant, j’estime que la meilleure approche consiste à qualifier les amendements du Code criminel comme étant de nature procédurale, avec pour conséquence que leur application est immédiate à compter de 2 juillet 2008.
[27] En effet, le nouvel article 258 C.cr., s'il peut frustrer les expectatives de certains accusés par rapport à l'ancienne formulation, n'a certes pas pour effet de les priver d'un droit substantiel. Or, le concept des droits acquis ne trouve pas application en matière de procédure. Contrairement à ce qu'on a pu prétendre, il ne s'agit pas ici de l'abolition d'un moyen de défense. La présomption d'identité entre les résultats des alcootests et le taux d'alcoolémie existait déjà et demeure; ce sont les possibilités, pour un accusé, de renverser cette présomption qui se sont vues restreintes. Cette restriction, si elle n'est pas sans compliquer la tâche des avocats de la défense, ne saurait toutefois être considérée comme les privant de toute forme de preuve contraire : le législateur entrevoit toujours la possibilité de renverser la présomption d'identité des résultats, bien qu'il ajuste le fardeau de présentation requis pour ce faire en fonction de la fiabilité qu'il accorde désormais aux appareils modernes.
[28] Sans être lié par l'arrêt de la Cour d'appel d'Ontario dans Dineley, et sans vouloir présumer du sort de la demande en autorisation de pourvoi à la Cour suprême, je suis d'avis qu'il est dans l'intérêt du public canadien que le droit criminel pour une infraction de cette nature soit appliqué de manière uniforme au pays.
[29] Cela dit, il y a lieu de préciser qu'un accusé qui subit un procès dans les mêmes circonstances que celles de M. Loiseau doit impérativement avoir la possibilité, dans les faits, de faire valoir la défense que la loi actuelle lui accorde. Les enseignements de la Cour suprême du Canada dans Wildman c. La Reine, sous la plume du juge Lamer, alors juge puîné, demeurent d'actualité :
Cette disposition [l’article 36 d) de la Loi d’interprétation énonce la règle de common law selon laquelle il n’existe pas de droit acquis en procédure, pour autant que la mise en oeuvre de la nouvelle procédure soit, en pratique, possible.
vendredi 22 octobre 2010
L'expectative de vie privée du conducteur et du passager d'un véhicule automobile
R. c. Belnavis, [1997] 3 R.C.S. 341
La conductrice de l’automobile, qui avait apparemment obtenu du propriétaire la permission de la conduire, pouvait raisonnablement s’attendre au respect de sa vie privée dans le véhicule. Fouiller le véhicule sans mandat constituait une violation de l’art. 8 de la Charte.
La passagère n’avait aucune attente en matière de vie privée que ce soit à l’égard de l’automobile ou à l’égard des articles saisis, et elle ne pouvait donc pas alléguer qu’il y avait eu violation de ses droits garantis par l’art. 8. La question de savoir si un passager peut raisonnablement s’attendre au respect de sa vie privée dans un véhicule dépend de l’ensemble des circonstances. Tous les faits pertinents entourant la présence d’un passager dans le véhicule doivent être pris en considération. En l’espèce, il est ressorti des faits que la passagère ne pouvait pas raisonnablement s’attendre au respect de sa vie privée dans le véhicule. Son lien avec le véhicule était extrêmement ténu. Elle n’exerçait aucun contrôle sur le véhicule et n’en régissait pas l’accès, et elle n’a pas démontré qu’elle avait, avec le propriétaire ou la conductrice, une relation qui établirait l’existence d’un accès spécial au véhicule ou d’un privilège s’y rapportant. Il n’y avait aucune preuve qu’elle pouvait s’attendre subjectivement au respect de sa vie privée dans le véhicule. Il peut bien y avoir d’autres cas où un passager pourrait établir qu’il pouvait raisonnablement s’attendre au respect de sa vie privée dans le véhicule où il prenait place.
La conductrice de l’automobile, qui avait apparemment obtenu du propriétaire la permission de la conduire, pouvait raisonnablement s’attendre au respect de sa vie privée dans le véhicule. Fouiller le véhicule sans mandat constituait une violation de l’art. 8 de la Charte.
La passagère n’avait aucune attente en matière de vie privée que ce soit à l’égard de l’automobile ou à l’égard des articles saisis, et elle ne pouvait donc pas alléguer qu’il y avait eu violation de ses droits garantis par l’art. 8. La question de savoir si un passager peut raisonnablement s’attendre au respect de sa vie privée dans un véhicule dépend de l’ensemble des circonstances. Tous les faits pertinents entourant la présence d’un passager dans le véhicule doivent être pris en considération. En l’espèce, il est ressorti des faits que la passagère ne pouvait pas raisonnablement s’attendre au respect de sa vie privée dans le véhicule. Son lien avec le véhicule était extrêmement ténu. Elle n’exerçait aucun contrôle sur le véhicule et n’en régissait pas l’accès, et elle n’a pas démontré qu’elle avait, avec le propriétaire ou la conductrice, une relation qui établirait l’existence d’un accès spécial au véhicule ou d’un privilège s’y rapportant. Il n’y avait aucune preuve qu’elle pouvait s’attendre subjectivement au respect de sa vie privée dans le véhicule. Il peut bien y avoir d’autres cas où un passager pourrait établir qu’il pouvait raisonnablement s’attendre au respect de sa vie privée dans le véhicule où il prenait place.
L'état du droit concernant l'infraction de menace
R. c. Doré, 2010 QCCQ 4568 (CanLII)
[55] L'arrêt de base dans l'interprétation du texte de l'article 264.1 (1) a) est la décision de la Cour suprême du Canada dans la Reine c. Clemente (1994, 2 R.C.S. 758). Le juge Cory, au nom de la Cour, résume ainsi les deux éléments de base, l'actus reus et la mens rea de ce crime:
« Sous le régime de la présente disposition, l'actus reus de l'infraction est le fait de proférer des menaces de mort ou de blessures graves. La mens rea est l'intention de faire en sorte que les paroles prononcées ou les mots écrits soient perçus comme une menace de causer la mort ou des blessures graves, c'est-à-dire comme visant à intimider ou à être pris au sérieux. » (p. 763)
[56] Quant à la nature de la menace, elle doit être examinée de façon objective et dans le contexte de l'ensemble de la conversation dans lequel elle fut prononcée. Le juge Cory reprend les propos de la Cour dans R. c. McGraw, [1991] 3 R.C.S, pour expliquer la méthode d'analyse objective :
Alors, de quelle façon un tribunal devrait-il aborder cette question? La structure et le libellé de l'al. 264.1 (1) a) indiquent que la nature de la menace doit être examinée de façon objective; c'est-à-dire comme le ferait une personne raisonnable ordinaire. Les termes qui constitueraient une menace doivent être examinés en fonction de divers facteurs. Ils doivent être examinés de façon objective et dans le contexte de l'ensemble du texte ou de la conversation dans lequel ils s'inscrivent. De même, il faut tenir compte de la situation dans laquelle se trouve le destinataire de la menace. (p. 762 dans Clemente)
[57] En somme, la question à se poser est la suivante : est-ce que les paroles prononcées par un accusé constituent une menace de blessures graves pour une personne raisonnable?
[58] Pour le juge Cory, les paroles prononcées à la blague ou de manière telle qu'elles ne pouvaient être prises au sérieux ne pourraient mener une personne raisonnable à conclure qu'elles constituaient une menace.
[59] Lorsqu'il est évident qu'une menace ne peut être exécutée par son auteur, on peut inférer que celui-ci a lancé ces propos à la blague ou tout simplement que ses paroles ont dépassé sa pensée[17]. Selon le test objectif énoncé dans Clemente, ces propos ne constitueraient pas une menace de mort ou de blessures graves pour une personne raisonnable[18].
[60] Selon le texte de l'article 264.1, la Poursuite doit prouver hors de tout doute raisonnable que la menace soit proférée sciemment. Une menace est proférée sciemment lorsque son auteur a l'intention qu'elle soit perçue comme visant à intimider ou à être prise au sérieux. Dans l'arrêt Clemente, le juge Cory explique la méthode pour décider si une menace fut prononcée sciemment par un accusé:
[L]a question de savoir si l'accusé avait l'intention d'intimider ou si les termes qu'il a employés visaient à être pris au sérieux sera habituellement tranchée, en l'absence d'explication de la part de l'accusé, en fonction des mots utilisés, du contexte dans lequel ils s'inscrivent et de la personne à qui ils étaient destinés. (p.762)
[61] Le contexte dans lequel les mots menaçants sont exprimés peut susciter un doute quant à l'intention d'un accusé d'intimider. La cause de R. v. Dyckow, 1995 CanLII 4920 (QC C.A.), 1995 CanLII 4920 (QC C.A.) illustre bien ce principe. Dans cette cause, l'accusé, alors qu'il venait de consommer de l'alcool, entra au poste de police pour y déposer une plainte contre des policiers. Dans ce contexte, les policiers mirent alors l'appelant dehors. Enragé par cette expulsion, l'appelant aurait dit à un agent qui se trouvait alors à la porte du poste : « Je suis troisième dan en karaté, je vais te tuer. » À la suite de ces paroles, il fut ramené au poste, sans résistance et mis en état d'arrestation. Peu de temps après, l'appelant a offert ses excuses à l'agent en question. La Cour d'appel précise qu'ici, le contexte dans lequel les paroles ont été prononcées est très important. L'appelant a agi sous le coup de la colère et sous l'influence de l'alcool. Il a présenté ses excuses à deux reprises à la personne visée par les menaces et il n'y a aucune preuve que l'appelant a prononcé ces paroles en ayant l'intention d'être pris au sérieux. Considérant ceci, la Cour d'appel a annulé le jugement de première instance et a acquitté l'appelant.
[55] L'arrêt de base dans l'interprétation du texte de l'article 264.1 (1) a) est la décision de la Cour suprême du Canada dans la Reine c. Clemente (1994, 2 R.C.S. 758). Le juge Cory, au nom de la Cour, résume ainsi les deux éléments de base, l'actus reus et la mens rea de ce crime:
« Sous le régime de la présente disposition, l'actus reus de l'infraction est le fait de proférer des menaces de mort ou de blessures graves. La mens rea est l'intention de faire en sorte que les paroles prononcées ou les mots écrits soient perçus comme une menace de causer la mort ou des blessures graves, c'est-à-dire comme visant à intimider ou à être pris au sérieux. » (p. 763)
[56] Quant à la nature de la menace, elle doit être examinée de façon objective et dans le contexte de l'ensemble de la conversation dans lequel elle fut prononcée. Le juge Cory reprend les propos de la Cour dans R. c. McGraw, [1991] 3 R.C.S, pour expliquer la méthode d'analyse objective :
Alors, de quelle façon un tribunal devrait-il aborder cette question? La structure et le libellé de l'al. 264.1 (1) a) indiquent que la nature de la menace doit être examinée de façon objective; c'est-à-dire comme le ferait une personne raisonnable ordinaire. Les termes qui constitueraient une menace doivent être examinés en fonction de divers facteurs. Ils doivent être examinés de façon objective et dans le contexte de l'ensemble du texte ou de la conversation dans lequel ils s'inscrivent. De même, il faut tenir compte de la situation dans laquelle se trouve le destinataire de la menace. (p. 762 dans Clemente)
[57] En somme, la question à se poser est la suivante : est-ce que les paroles prononcées par un accusé constituent une menace de blessures graves pour une personne raisonnable?
[58] Pour le juge Cory, les paroles prononcées à la blague ou de manière telle qu'elles ne pouvaient être prises au sérieux ne pourraient mener une personne raisonnable à conclure qu'elles constituaient une menace.
[59] Lorsqu'il est évident qu'une menace ne peut être exécutée par son auteur, on peut inférer que celui-ci a lancé ces propos à la blague ou tout simplement que ses paroles ont dépassé sa pensée[17]. Selon le test objectif énoncé dans Clemente, ces propos ne constitueraient pas une menace de mort ou de blessures graves pour une personne raisonnable[18].
[60] Selon le texte de l'article 264.1, la Poursuite doit prouver hors de tout doute raisonnable que la menace soit proférée sciemment. Une menace est proférée sciemment lorsque son auteur a l'intention qu'elle soit perçue comme visant à intimider ou à être prise au sérieux. Dans l'arrêt Clemente, le juge Cory explique la méthode pour décider si une menace fut prononcée sciemment par un accusé:
[L]a question de savoir si l'accusé avait l'intention d'intimider ou si les termes qu'il a employés visaient à être pris au sérieux sera habituellement tranchée, en l'absence d'explication de la part de l'accusé, en fonction des mots utilisés, du contexte dans lequel ils s'inscrivent et de la personne à qui ils étaient destinés. (p.762)
[61] Le contexte dans lequel les mots menaçants sont exprimés peut susciter un doute quant à l'intention d'un accusé d'intimider. La cause de R. v. Dyckow, 1995 CanLII 4920 (QC C.A.), 1995 CanLII 4920 (QC C.A.) illustre bien ce principe. Dans cette cause, l'accusé, alors qu'il venait de consommer de l'alcool, entra au poste de police pour y déposer une plainte contre des policiers. Dans ce contexte, les policiers mirent alors l'appelant dehors. Enragé par cette expulsion, l'appelant aurait dit à un agent qui se trouvait alors à la porte du poste : « Je suis troisième dan en karaté, je vais te tuer. » À la suite de ces paroles, il fut ramené au poste, sans résistance et mis en état d'arrestation. Peu de temps après, l'appelant a offert ses excuses à l'agent en question. La Cour d'appel précise qu'ici, le contexte dans lequel les paroles ont été prononcées est très important. L'appelant a agi sous le coup de la colère et sous l'influence de l'alcool. Il a présenté ses excuses à deux reprises à la personne visée par les menaces et il n'y a aucune preuve que l'appelant a prononcé ces paroles en ayant l'intention d'être pris au sérieux. Considérant ceci, la Cour d'appel a annulé le jugement de première instance et a acquitté l'appelant.
mercredi 20 octobre 2010
Les peines pour importation de quantité significative d'héroïne
R. c. Debo, 2010 QCCQ 8663 (CanLII)
[22] R. v. Sidhu:
A 21 year old drug courrier pleaded guilty to importing 9.6 kilograms of heroin. It had a purity of 61 to 77 %. He had no prior convictions. The Ontario Court of Appeal found that the 8 year sentence imposed by the trial judge was inadequate and modified the sentence, after an extensive review of the jurisprudence, to 14 years and 9 months.
[23] La Reine c. Jose Elmer Rayes Vigil:
The accused was 27 years old and was found guilty of conspiracy to import and attempting to import 1.6 kilograms of heroin with a purity of 100 %. The accused had no prior convictions and the sentence imposed was 11 years and 11 months.
[24] R. c. Chetrit:
The accused was 54 years old without any prior convictions. He was convicted of importing of 2.6 kilograms of heroin. Although the first instance judge sentenced him to 19 years this was reduced to 17 years because of his collaboration with the authorities, which led to the arrest of his accomplices in Europe.
[25] R. v. Yazdani:
A 25 year sentence imposed for 2 co-accused for importing heroin was confirmed by the Quebec Court of Appeal. Both appellants were sophisticated drug dealers who were not involved in an isolated incident. In the case of Mr. Yazdani, he was on parole following a sentence of 4 1/2 years imprisonment for possession for the purpose of trafficking when he was arrested. The Court set the range for this type of crime between 15 and 25 years depending on the participation of the offender and the collaboration offered after his arrest, the accused's attitude, the quantity of drugs, his prior convictions and the nature of the prior convictions.
[26] R. c. Hooter:
A 25 year old accused was found guilty of importing 3 kilograms of heroin. His involvement was more than that of a simple courrier as he was in fact involved in obtaining heroin from its producers or wholesalers. He received a 20 year sentence after serving 6 months of preventative custody.
[27] R. v. Murugesu:
The accused was 50 years old. He was found guilty of importing 4.7 kilograms of heroin. He had prior convictions but not in similar matters. He acted as a courrier and received a sentence of 20 years.
[28] R. v. El Kassem:
The accused was 20 years old and pleaded guilty to importing 7.1 kilograms of heroin with 88 % of purity. He had one conviction unrelated to drug offences and received a sentence of 20 years.
[29] R. v. Adekolu:
The accused was found guilty of importing 1.5 kilograms of heroin. She was a 31 year old mother of 5 children with no prior convictions. She acted as a courrier. She received a sentence of 13 years.
[30] R. v. Kwok:
The accused was found guilty of importing 3.5 kilograms of heroin. He was not a simple a courrier but an overseer, who had the responsibility of supervising the courriers and ensuring that the delivery of the drugs was carried out. The Ontario Court of Appeal reduced an 18 year sentence to 15 years, in order to render the sentence commensurate with that of his co-accused, a courrier who received a sentence of 13 years.
[31] R. v. Huang:
Two co-accused were found guilty of conspiracy to import 7 kilograms of heroin with a purity of between 90 and 96%. They were both 34 years old and had no criminal record. The sentence imposed was 15 years.
[32] R. v. Soufi:
The accused was found guilty of importing almost 5 kilograms of heroin. His role was that of a courrier and he was sentenced to 13 years.
[22] R. v. Sidhu:
A 21 year old drug courrier pleaded guilty to importing 9.6 kilograms of heroin. It had a purity of 61 to 77 %. He had no prior convictions. The Ontario Court of Appeal found that the 8 year sentence imposed by the trial judge was inadequate and modified the sentence, after an extensive review of the jurisprudence, to 14 years and 9 months.
[23] La Reine c. Jose Elmer Rayes Vigil:
The accused was 27 years old and was found guilty of conspiracy to import and attempting to import 1.6 kilograms of heroin with a purity of 100 %. The accused had no prior convictions and the sentence imposed was 11 years and 11 months.
[24] R. c. Chetrit:
The accused was 54 years old without any prior convictions. He was convicted of importing of 2.6 kilograms of heroin. Although the first instance judge sentenced him to 19 years this was reduced to 17 years because of his collaboration with the authorities, which led to the arrest of his accomplices in Europe.
[25] R. v. Yazdani:
A 25 year sentence imposed for 2 co-accused for importing heroin was confirmed by the Quebec Court of Appeal. Both appellants were sophisticated drug dealers who were not involved in an isolated incident. In the case of Mr. Yazdani, he was on parole following a sentence of 4 1/2 years imprisonment for possession for the purpose of trafficking when he was arrested. The Court set the range for this type of crime between 15 and 25 years depending on the participation of the offender and the collaboration offered after his arrest, the accused's attitude, the quantity of drugs, his prior convictions and the nature of the prior convictions.
[26] R. c. Hooter:
A 25 year old accused was found guilty of importing 3 kilograms of heroin. His involvement was more than that of a simple courrier as he was in fact involved in obtaining heroin from its producers or wholesalers. He received a 20 year sentence after serving 6 months of preventative custody.
[27] R. v. Murugesu:
The accused was 50 years old. He was found guilty of importing 4.7 kilograms of heroin. He had prior convictions but not in similar matters. He acted as a courrier and received a sentence of 20 years.
[28] R. v. El Kassem:
The accused was 20 years old and pleaded guilty to importing 7.1 kilograms of heroin with 88 % of purity. He had one conviction unrelated to drug offences and received a sentence of 20 years.
[29] R. v. Adekolu:
The accused was found guilty of importing 1.5 kilograms of heroin. She was a 31 year old mother of 5 children with no prior convictions. She acted as a courrier. She received a sentence of 13 years.
[30] R. v. Kwok:
The accused was found guilty of importing 3.5 kilograms of heroin. He was not a simple a courrier but an overseer, who had the responsibility of supervising the courriers and ensuring that the delivery of the drugs was carried out. The Ontario Court of Appeal reduced an 18 year sentence to 15 years, in order to render the sentence commensurate with that of his co-accused, a courrier who received a sentence of 13 years.
[31] R. v. Huang:
Two co-accused were found guilty of conspiracy to import 7 kilograms of heroin with a purity of between 90 and 96%. They were both 34 years old and had no criminal record. The sentence imposed was 15 years.
[32] R. v. Soufi:
The accused was found guilty of importing almost 5 kilograms of heroin. His role was that of a courrier and he was sentenced to 13 years.
Lorsque la poursuite consent à la mise en liberté, il est inapproprié pour celle-ci de réclamer par la suite une peine de détention ferme
R. c. Dufort, 2010 QCCQ 8662 (CanLII)
[40] Lorsque la poursuite consent à la mise en liberté dans un tel cas alors qu’elle avait toutes les raisons de s’y opposer, il est inapproprié de réclamer par la suite une peine de détention ferme après une aussi longue période durant laquelle un changement drastique de comportement s’est produit chez l’accusé.
[43] Après autant d’efforts considérables pour reprendre sa vie en main, est-il juste et équitable d’infliger une peine de détention ferme à un individu qui a tenté de faire pénétrer des stupéfiants à l’intérieur d’une institution carcérale? Étant donné la situation exceptionnelle et les circonstances particulières de cette affaire, il faut répondre par la négative à cette question. Le processus de mise en mise en accusation, le consentement à sa mise en liberté et la démonstration particulièrement convaincante de sa réhabilitation permettent de conclure à une situation justifiant une peine dans la collectivité. Cette inférence n’a pas pour effet d’occulter l’importance des objectifs de dénonciation et dissuasion générale en matière de trafic de drogue dans une institution carcérale lesquels requièrent habituellement, dans un tel cas, l’imposition d’une peine d’emprisonnement ferme.
[44] Dans le cadre d’un processus d’individualisation de la peine, il y a lieu, dans ce cas particulier, de s’écarter des peines d’emprisonnement ferme généralement octroyées en pareille matière sinon, pour paraphraser l’énoncé de la Cour d’appel du Québec dans un dossier de voies de fait graves et autres, cela « équivaudrait à infliger de façon automatique une peine de pénitencier [en l’espèce, une peine de détention inférieure à 2 ans], quelque soit la situation personnelle de l’accusé, lorsque de telles infractions sont commises » : R. c. Garceau, 2010 QCCA 326 (CanLII), 2010 QCCA 326, paragr. 7.
[40] Lorsque la poursuite consent à la mise en liberté dans un tel cas alors qu’elle avait toutes les raisons de s’y opposer, il est inapproprié de réclamer par la suite une peine de détention ferme après une aussi longue période durant laquelle un changement drastique de comportement s’est produit chez l’accusé.
[43] Après autant d’efforts considérables pour reprendre sa vie en main, est-il juste et équitable d’infliger une peine de détention ferme à un individu qui a tenté de faire pénétrer des stupéfiants à l’intérieur d’une institution carcérale? Étant donné la situation exceptionnelle et les circonstances particulières de cette affaire, il faut répondre par la négative à cette question. Le processus de mise en mise en accusation, le consentement à sa mise en liberté et la démonstration particulièrement convaincante de sa réhabilitation permettent de conclure à une situation justifiant une peine dans la collectivité. Cette inférence n’a pas pour effet d’occulter l’importance des objectifs de dénonciation et dissuasion générale en matière de trafic de drogue dans une institution carcérale lesquels requièrent habituellement, dans un tel cas, l’imposition d’une peine d’emprisonnement ferme.
[44] Dans le cadre d’un processus d’individualisation de la peine, il y a lieu, dans ce cas particulier, de s’écarter des peines d’emprisonnement ferme généralement octroyées en pareille matière sinon, pour paraphraser l’énoncé de la Cour d’appel du Québec dans un dossier de voies de fait graves et autres, cela « équivaudrait à infliger de façon automatique une peine de pénitencier [en l’espèce, une peine de détention inférieure à 2 ans], quelque soit la situation personnelle de l’accusé, lorsque de telles infractions sont commises » : R. c. Garceau, 2010 QCCA 326 (CanLII), 2010 QCCA 326, paragr. 7.
dimanche 17 octobre 2010
En matière de drogues dures, les tribunaux ont depuis longtemps privilégié les objectifs de dénonciation et de dissuasion dans l'imposition des peines
R. c. Albert, 2009 QCCQ 6279 (CanLII)
[9] Les principes de détermination de la peine sont codifiés aux articles 718 et suivant du Code criminel de même qu'à l'article 10 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
[10] En matière de drogues dures, telles que la cocaïne et la méthamphétamine, les tribunaux ont depuis longtemps privilégié les objectifs de dénonciation et de dissuasion dans l'imposition des peines.
[11] Dans R. c. Smith, 1987 CanLII 64 (C.S.C.), [1987] 1 R.C.S. 1045, monsieur le juge Lamer écrit :
« Ceux qui cèdent à l'appât du gain en important et en vendant des drogues dures sont responsables de la dégénérescence progressive, mais inexorable d'un bon nombre de leurs semblables, en raison de l'état de dépendance vis-à-vis de la drogue qui se crée chez ces derniers. Du fait qu'ils constituent la cause directe des épreuves que subissent leurs victimes et leurs familles, on doit faire en sorte que ces importateurs assument eux aussi leur juste part de culpabilité pour toutes les sortes de crimes graves innombrables que commettent les toxicomanes en vue de satisfaire à leur besoin de drogue. Avec égards, j'estime que de telles personnes, à quelques rares exceptions près (par exemple la culpabilité des toxicomanes qui s'adonnent à l'importation non seulement pour répondre à leurs propres besoins, mais aussi pour les défrayer, n'est pas nécessairement aussi grande que celle des non-utilisateurs insensibles), si elles sont déclarées coupables, devraient être condamnées et purger effectivement de longues périodes d'incarcération. »
[12] Dans R. c. Houle, [1991] A.Q. no 1405, repris dans Lebœuf c. R., [2006] J.Q. no 10869, monsieur le juge Proulx écrivait au nom de la Cour d'appel :
« Sans vouloir fixer un point de départ dans l'application des peines en matière de trafic de stupéfiants, cette Cour a spécifié à maintes reprises les critères généraux et particuliers qui doivent guider les tribunaux dans l'imposition de la peine. Dans le cas de celui qui, comme dans le cas présent, se livre au commerce d'une drogue dure comme la cocaïne, par appât du gain, et qui au surplus, démontre par la durée de ses activités et par sa façon d'agir qu'il est prêt à encourir le risque de son aventure si néfaste, cette Cour, comme d'ailleurs tous les tribunaux du pays, n'a pas hésité à ne privilégier finalement que l'aspect exemplaire et dissuasif de la peine, à moins de circonstances tout à fait exceptionnelles. »
[9] Les principes de détermination de la peine sont codifiés aux articles 718 et suivant du Code criminel de même qu'à l'article 10 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
[10] En matière de drogues dures, telles que la cocaïne et la méthamphétamine, les tribunaux ont depuis longtemps privilégié les objectifs de dénonciation et de dissuasion dans l'imposition des peines.
[11] Dans R. c. Smith, 1987 CanLII 64 (C.S.C.), [1987] 1 R.C.S. 1045, monsieur le juge Lamer écrit :
« Ceux qui cèdent à l'appât du gain en important et en vendant des drogues dures sont responsables de la dégénérescence progressive, mais inexorable d'un bon nombre de leurs semblables, en raison de l'état de dépendance vis-à-vis de la drogue qui se crée chez ces derniers. Du fait qu'ils constituent la cause directe des épreuves que subissent leurs victimes et leurs familles, on doit faire en sorte que ces importateurs assument eux aussi leur juste part de culpabilité pour toutes les sortes de crimes graves innombrables que commettent les toxicomanes en vue de satisfaire à leur besoin de drogue. Avec égards, j'estime que de telles personnes, à quelques rares exceptions près (par exemple la culpabilité des toxicomanes qui s'adonnent à l'importation non seulement pour répondre à leurs propres besoins, mais aussi pour les défrayer, n'est pas nécessairement aussi grande que celle des non-utilisateurs insensibles), si elles sont déclarées coupables, devraient être condamnées et purger effectivement de longues périodes d'incarcération. »
[12] Dans R. c. Houle, [1991] A.Q. no 1405, repris dans Lebœuf c. R., [2006] J.Q. no 10869, monsieur le juge Proulx écrivait au nom de la Cour d'appel :
« Sans vouloir fixer un point de départ dans l'application des peines en matière de trafic de stupéfiants, cette Cour a spécifié à maintes reprises les critères généraux et particuliers qui doivent guider les tribunaux dans l'imposition de la peine. Dans le cas de celui qui, comme dans le cas présent, se livre au commerce d'une drogue dure comme la cocaïne, par appât du gain, et qui au surplus, démontre par la durée de ses activités et par sa façon d'agir qu'il est prêt à encourir le risque de son aventure si néfaste, cette Cour, comme d'ailleurs tous les tribunaux du pays, n'a pas hésité à ne privilégier finalement que l'aspect exemplaire et dissuasif de la peine, à moins de circonstances tout à fait exceptionnelles. »
Les éléments constitutifs de l'infraction de traite de personnes prévue par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (article 118) et certaines remarques pertinentes
Pour pouvoir accuser quelqu’un de cette infraction, la preuve doit indiquer que le suspect a :
* sciemment organisé l’entrée au Canada d’une ou de plusieurs personnes (organisé étant défini comme le fait d’avoir recruté, transporté, reçu ou hébergé la ou les victimes);
* procédé de la sorte par fraude, tromperie, enlèvement, menace ou par l’usage de la force ou de toute autre forme de coercition.
REMARQUES :
* Cette infraction ne s’applique que dans les cas où les victimes ont franchi une frontière du Canada (donc, elle ne s’applique pas aux cas de traite de personnes à l’intérieur du Canada).
* Cette infraction insiste sur la manière dont se fait l’entrée au Canada plutôt que sur le but ultime de cette entrée (c’est-à-dire l’exploitation); par conséquent, il faut qu’il y ait une preuve d’une certaine forme de recrutement trompeur, frauduleux, contraignant ou autrement irrégulier.
* Cette infraction peut s’appliquer dans des cas où les victimes n’ont pas accompli leur travail ni fourni leurs services ou ne sont pas venues dans ce but, par exemple lorsque des suspects ont amené des enfants au Canada en prétendant qu’ils étaient les leurs afin d’obtenir des prestations d’aide sociale.
* Il peut s’avérer justifié d’ajouter aux accusations prévues à l’art. 118 des accusations portées en vertu du Code criminel, comme des accusations relatives aux voies de fait, aux agressions sexuelles et au fait de proférer des menaces.
Tiré de : Traite de personnes
Fiche de renseignements à l’intention des agents d’application de la loi
http://www.justice.gc.ca/fra/sv-fs/tp/fr-is.html
* sciemment organisé l’entrée au Canada d’une ou de plusieurs personnes (organisé étant défini comme le fait d’avoir recruté, transporté, reçu ou hébergé la ou les victimes);
* procédé de la sorte par fraude, tromperie, enlèvement, menace ou par l’usage de la force ou de toute autre forme de coercition.
REMARQUES :
* Cette infraction ne s’applique que dans les cas où les victimes ont franchi une frontière du Canada (donc, elle ne s’applique pas aux cas de traite de personnes à l’intérieur du Canada).
* Cette infraction insiste sur la manière dont se fait l’entrée au Canada plutôt que sur le but ultime de cette entrée (c’est-à-dire l’exploitation); par conséquent, il faut qu’il y ait une preuve d’une certaine forme de recrutement trompeur, frauduleux, contraignant ou autrement irrégulier.
* Cette infraction peut s’appliquer dans des cas où les victimes n’ont pas accompli leur travail ni fourni leurs services ou ne sont pas venues dans ce but, par exemple lorsque des suspects ont amené des enfants au Canada en prétendant qu’ils étaient les leurs afin d’obtenir des prestations d’aide sociale.
* Il peut s’avérer justifié d’ajouter aux accusations prévues à l’art. 118 des accusations portées en vertu du Code criminel, comme des accusations relatives aux voies de fait, aux agressions sexuelles et au fait de proférer des menaces.
Tiré de : Traite de personnes
Fiche de renseignements à l’intention des agents d’application de la loi
http://www.justice.gc.ca/fra/sv-fs/tp/fr-is.html
Les éléments constitutifs de l'infraction de rétention ou de destruction de documents relié à la traite de personnes (et certaines remarques pertinentes)
Pour pouvoir accuser quelqu’un de cette infraction, la preuve doit indiquer que le suspect a :
* caché, enlevé, retenu ou détruit tout document de voyage d’une personne ou tout document pouvant établir ou censé établir l’identité ou le statut d’immigrant d’une personne (c’est-à-dire n’importe quelle pièce d’identité, comme un passeport, un certificat d’immigration, un permis de conduire et peut-être même un billet d’avion);
* procédé de la sorte en vue de perpétrer ou de faciliter la perpétration de l’infraction principale de traite de personnes.
REMARQUE :
* Cette infraction s’appliquera même lorsque le présumé délinquant s’est contenté de retenir les documents en question, à la condition qu’il ait su que les documents retenus étaient ceux de victimes de traite de personnes.
Tiré de : Traite de personnes
Fiche de renseignements à l’intention des agents d’application de la loi
http://www.justice.gc.ca/fra/sv-fs/tp/fr-is.html
* caché, enlevé, retenu ou détruit tout document de voyage d’une personne ou tout document pouvant établir ou censé établir l’identité ou le statut d’immigrant d’une personne (c’est-à-dire n’importe quelle pièce d’identité, comme un passeport, un certificat d’immigration, un permis de conduire et peut-être même un billet d’avion);
* procédé de la sorte en vue de perpétrer ou de faciliter la perpétration de l’infraction principale de traite de personnes.
REMARQUE :
* Cette infraction s’appliquera même lorsque le présumé délinquant s’est contenté de retenir les documents en question, à la condition qu’il ait su que les documents retenus étaient ceux de victimes de traite de personnes.
Tiré de : Traite de personnes
Fiche de renseignements à l’intention des agents d’application de la loi
http://www.justice.gc.ca/fra/sv-fs/tp/fr-is.html
Les éléments constitutifs de l'infraction d'avantage matériel relié à la traite de personnes (et certaines remarques pertinentes)
Pour pouvoir accuser quelqu’un de cette infraction, la preuve doit indiquer que le suspect a :
* bénéficié d’un avantage matériel, notamment pécuniaire;
* su que l’avantage matériel qu’il a reçu provenait de la perpétration de l’infraction principale de traite de personnes.
REMARQUES :
* Cette infraction s’applique à quiconque tire un avantage pécuniaire d’une activité de traite de personnes.
* Cette infraction pourrait s’appliquer à quiconque a recours au travail ou aux services des victimes de la traite, puisque l’avantage matériel peut inclure les services de nature sexuelle ou autre et l’acquisition de drogues ou d’autres types de produits. Le présumé délinquant qui a réclamé le travail ou a reçu les services doit savoir que le travail ou les services offerts sont ou pourraient être liés à la traite de personnes.
* Des accusations d’agression sexuelle peuvent également être justifiées dans les cas où la preuve indique que le suspect a « reçu » des services sexuels d’une personne qu’il savait être une victime de la traite de personnes (c’est-à-dire qu’il savait que la victime n’était pas consentante).
Tiré de : Traite de personnes
Fiche de renseignements à l’intention des agents d’application de la loi
http://www.justice.gc.ca/fra/sv-fs/tp/fr-is.html
* bénéficié d’un avantage matériel, notamment pécuniaire;
* su que l’avantage matériel qu’il a reçu provenait de la perpétration de l’infraction principale de traite de personnes.
REMARQUES :
* Cette infraction s’applique à quiconque tire un avantage pécuniaire d’une activité de traite de personnes.
* Cette infraction pourrait s’appliquer à quiconque a recours au travail ou aux services des victimes de la traite, puisque l’avantage matériel peut inclure les services de nature sexuelle ou autre et l’acquisition de drogues ou d’autres types de produits. Le présumé délinquant qui a réclamé le travail ou a reçu les services doit savoir que le travail ou les services offerts sont ou pourraient être liés à la traite de personnes.
* Des accusations d’agression sexuelle peuvent également être justifiées dans les cas où la preuve indique que le suspect a « reçu » des services sexuels d’une personne qu’il savait être une victime de la traite de personnes (c’est-à-dire qu’il savait que la victime n’était pas consentante).
Tiré de : Traite de personnes
Fiche de renseignements à l’intention des agents d’application de la loi
http://www.justice.gc.ca/fra/sv-fs/tp/fr-is.html
Les éléments constitutifs de l'infraction de traite de personnes (et certaines remarques pertinentes)
Pour pouvoir accuser quelqu’un de cette infraction, la preuve doit indiquer que le suspect a :
* recruté, transporté, transféré, reçu, détenu, caché ou hébergé la victime, ou exercé un contrôle, une direction ou une influence sur les déplacements de celle-ci;
* commis ces actes dans le but d’exploiter la victime ou de faciliter son exploitation.
Pour les besoins de cette infraction, exploitation signifie :
* amener une personne à fournir ou à offrir de fournir son travail ou ses services, par des agissements dont il est raisonnable de s’attendre, compte tenu du contexte, à ce qu’ils fassent croire à la victime qu’un refus de sa part mettrait en danger sa sécurité ou celle d’une personne qu’elle connaît, ou
* amener une personne à se faire prélever un organe ou des tissus par la tromperie, par la menace ou par l’usage de la force ou de toute autre forme de contrainte.
REMARQUES :
* Quiconque se livre à un acte constituant une infraction liée à la traite des personnes (c’est-à-dire le recrutement, le transport, l’accueil ou la détention) aux fins d’exploitation commet l’infraction. Différentes personnes ou différents groupes peuvent être responsables de divers aspects de la traite des personnes et ils peuvent tous être accusés, à la condition qu’ils aient su que les actes commis avaient pour but d’exploiter une personne ou de faciliter son exploitation.
* L’expression son travail ou ses services s’entend également des services sexuels ainsi que de n’importe quel travail, peu importe qu’il puisse autrement constituer un travail légal; ainsi, cette notion peut viser tant le trafic c de drogue que le fait de mendier.
* Il n’est pas nécessaire que le recrutement soit trompeur, frauduleux, contraignant ou autrement irrégulier. Une personne peut entrer légalement ou clandestinement au Canada en sachant la nature du travail qu’on lui réserve et peut tout de même être une victime de traite de personnes si son exploitation était projetée ou si cette exploitation s’est effectivement réalisée.
* Il n’est pas nécessaire que les victimes aient franchi la frontière du Canada. La traite de personnes peut se dérouler entièrement à l’intérieur des frontières canadiennes.
* Il n’est pas nécessaire que les victimes soient déplacées. Il suffi t, par exemple, de les héberger ou d’exercer un contrôle, une direction ou une influence sur celles-ci afin de les exploiter ou de faciliter leur exploitation.
* Il n’est pas nécessaire que l’exploitation se soit effectivement réalisée. La preuve de l’intention d’exploiter la ou les victimes est suffi santé.
Tiré de : Traite de personnes
Fiche de renseignements à l’intention des agents d’application de la loi
http://www.justice.gc.ca/fra/sv-fs/tp/fr-is.html
* recruté, transporté, transféré, reçu, détenu, caché ou hébergé la victime, ou exercé un contrôle, une direction ou une influence sur les déplacements de celle-ci;
* commis ces actes dans le but d’exploiter la victime ou de faciliter son exploitation.
Pour les besoins de cette infraction, exploitation signifie :
* amener une personne à fournir ou à offrir de fournir son travail ou ses services, par des agissements dont il est raisonnable de s’attendre, compte tenu du contexte, à ce qu’ils fassent croire à la victime qu’un refus de sa part mettrait en danger sa sécurité ou celle d’une personne qu’elle connaît, ou
* amener une personne à se faire prélever un organe ou des tissus par la tromperie, par la menace ou par l’usage de la force ou de toute autre forme de contrainte.
REMARQUES :
* Quiconque se livre à un acte constituant une infraction liée à la traite des personnes (c’est-à-dire le recrutement, le transport, l’accueil ou la détention) aux fins d’exploitation commet l’infraction. Différentes personnes ou différents groupes peuvent être responsables de divers aspects de la traite des personnes et ils peuvent tous être accusés, à la condition qu’ils aient su que les actes commis avaient pour but d’exploiter une personne ou de faciliter son exploitation.
* L’expression son travail ou ses services s’entend également des services sexuels ainsi que de n’importe quel travail, peu importe qu’il puisse autrement constituer un travail légal; ainsi, cette notion peut viser tant le trafic c de drogue que le fait de mendier.
* Il n’est pas nécessaire que le recrutement soit trompeur, frauduleux, contraignant ou autrement irrégulier. Une personne peut entrer légalement ou clandestinement au Canada en sachant la nature du travail qu’on lui réserve et peut tout de même être une victime de traite de personnes si son exploitation était projetée ou si cette exploitation s’est effectivement réalisée.
* Il n’est pas nécessaire que les victimes aient franchi la frontière du Canada. La traite de personnes peut se dérouler entièrement à l’intérieur des frontières canadiennes.
* Il n’est pas nécessaire que les victimes soient déplacées. Il suffi t, par exemple, de les héberger ou d’exercer un contrôle, une direction ou une influence sur celles-ci afin de les exploiter ou de faciliter leur exploitation.
* Il n’est pas nécessaire que l’exploitation se soit effectivement réalisée. La preuve de l’intention d’exploiter la ou les victimes est suffi santé.
Tiré de : Traite de personnes
Fiche de renseignements à l’intention des agents d’application de la loi
http://www.justice.gc.ca/fra/sv-fs/tp/fr-is.html
vendredi 15 octobre 2010
Les éléments constitutifs de l'infraction d'homicide involontaire coupable
R. c. Dumont, 2008 QCCQ 6501 (CanLII)
[462] Lorsqu'un homicide involontaire coupable découle d'un acte illégal, la Poursuite doit prouver hors de tout doute raisonnable les éléments suivants:
➢ Une conduite qui est un acte illégal;
➢ Cet acte illégal a causé la mort de la victime;
➢ Cet acte illégal n'est pas de responsabilité absolue;
➢ L'acte illégal est objectivement dangereux;
➢ La mens rea est requise pour l'acte illégal;
➢ La prévisibilité objective du risque de lésions corporelles.
[463] Ces éléments découlent de l'arrêt Creighton c. La Reine de la Cour suprême du Canada.
[462] Lorsqu'un homicide involontaire coupable découle d'un acte illégal, la Poursuite doit prouver hors de tout doute raisonnable les éléments suivants:
➢ Une conduite qui est un acte illégal;
➢ Cet acte illégal a causé la mort de la victime;
➢ Cet acte illégal n'est pas de responsabilité absolue;
➢ L'acte illégal est objectivement dangereux;
➢ La mens rea est requise pour l'acte illégal;
➢ La prévisibilité objective du risque de lésions corporelles.
[463] Ces éléments découlent de l'arrêt Creighton c. La Reine de la Cour suprême du Canada.
jeudi 14 octobre 2010
Le montant allégué de la fraude ou du vol ne constitue pas un élément essentiel de l'infraction
Pépin c. R., 2005 QCCA 4 (CanLII)
[30] L’appelant est d’avis que le montant allégué de la fraude ou du vol constitue un élément essentiel des crimes qu’on lui impute et donc que le ministère public devait en faire la preuve hors de tout doute raisonnable.
[31] La proposition de l’appelant est mal fondée en droit.
[32] En l’espèce, l’élément essentiel des infractions visées est que la valeur de l’objet dépasse 5 000 $. Le ministère public n’était donc pas tenu de prouver plus que cela. Les précisions qui figurent aux différents chefs d’accusation constituent des « détails superfétatoires » au sens de l’arrêt R. c. Vézina et ils n’ont pas à être prouvés par le ministère public. De plus, l’inscription de montants précis, supérieurs à 5 000$, n’était pas de nature à causer un préjudice à l’appelant dans l’élaboration de sa défense puisque celle-ci n’avait aucun lien avec les montants inscrits.
[30] L’appelant est d’avis que le montant allégué de la fraude ou du vol constitue un élément essentiel des crimes qu’on lui impute et donc que le ministère public devait en faire la preuve hors de tout doute raisonnable.
[31] La proposition de l’appelant est mal fondée en droit.
[32] En l’espèce, l’élément essentiel des infractions visées est que la valeur de l’objet dépasse 5 000 $. Le ministère public n’était donc pas tenu de prouver plus que cela. Les précisions qui figurent aux différents chefs d’accusation constituent des « détails superfétatoires » au sens de l’arrêt R. c. Vézina et ils n’ont pas à être prouvés par le ministère public. De plus, l’inscription de montants précis, supérieurs à 5 000$, n’était pas de nature à causer un préjudice à l’appelant dans l’élaboration de sa défense puisque celle-ci n’avait aucun lien avec les montants inscrits.
Le critère qui doit être appliqué pour déterminer si la conduite reprochée comporte la nature sexuelle requise est objectif
R. c. Chase, [1987] 2 R.C.S. 293
L'agression sexuelle est une agression, au sens de l'une ou l'autre des définitions de ce concept au par. 244(1) du Code criminel, qui est commise dans des circonstances de nature sexuelle, de manière à porter atteinte à l'intégrité sexuelle de la victime. Le critère qui doit être appliqué pour déterminer si la conduite reprochée comporte la nature sexuelle requise est objectif: "Compte tenu de toutes les circonstances, une personne raisonnable peut‑elle percevoir le contexte sexuel ou charnel de l'agression?" La partie du corps qui est touchée, la nature du contact, la situation dans laquelle cela s'est produit, les paroles et les gestes qui ont accompagné l'acte, et toutes les autres circonstances entourant la conduite, y compris les menaces avec ou sans emploi de la force, constituent des éléments pertinents. L'intention ou le dessein de l'accusé de même que son mobile, si ce mobile était de tirer un plaisir sexuel, peuvent aussi constituer des facteurs à considérer pour déterminer si la conduite est sexuelle.
La notion que l'infraction n'exige qu'une intention générale se dégage implicitement de cette conception de l'agression sexuelle. En l'espèce, on a présenté suffisamment d'éléments de preuve au juge du procès pour qu'il puisse conclure qu'une agression sexuelle a été commise. Si l'on examine de façon objective la conduite de l'intimé en fonction de toutes les circonstances, il est évident que le fait de mettre ses mains sur les seins de la plaignante constituait une agression de nature sexuelle.
L'agression sexuelle est une agression, au sens de l'une ou l'autre des définitions de ce concept au par. 244(1) du Code criminel, qui est commise dans des circonstances de nature sexuelle, de manière à porter atteinte à l'intégrité sexuelle de la victime. Le critère qui doit être appliqué pour déterminer si la conduite reprochée comporte la nature sexuelle requise est objectif: "Compte tenu de toutes les circonstances, une personne raisonnable peut‑elle percevoir le contexte sexuel ou charnel de l'agression?" La partie du corps qui est touchée, la nature du contact, la situation dans laquelle cela s'est produit, les paroles et les gestes qui ont accompagné l'acte, et toutes les autres circonstances entourant la conduite, y compris les menaces avec ou sans emploi de la force, constituent des éléments pertinents. L'intention ou le dessein de l'accusé de même que son mobile, si ce mobile était de tirer un plaisir sexuel, peuvent aussi constituer des facteurs à considérer pour déterminer si la conduite est sexuelle.
La notion que l'infraction n'exige qu'une intention générale se dégage implicitement de cette conception de l'agression sexuelle. En l'espèce, on a présenté suffisamment d'éléments de preuve au juge du procès pour qu'il puisse conclure qu'une agression sexuelle a été commise. Si l'on examine de façon objective la conduite de l'intimé en fonction de toutes les circonstances, il est évident que le fait de mettre ses mains sur les seins de la plaignante constituait une agression de nature sexuelle.
Le genre de conduite visée par les termes autre moyen dolosif
Jean c. R., 2005 QCCA 17
[53] Dans des affaires subséquentes à l'arrêt Olan, nos tribunaux ont précisé le genre de conduite visée par les termes autre moyen dolosif. Celle-ci inclut, par exemple, l'utilisation des ressources financières d'une compagnie à des fins personnelles, la dissimulation de faits importants, l'exploitation de la faiblesse d'autrui, le détournement non autorisé de fonds et l'usurpation non autorisée de fonds ou de biens
[53] Dans des affaires subséquentes à l'arrêt Olan, nos tribunaux ont précisé le genre de conduite visée par les termes autre moyen dolosif. Celle-ci inclut, par exemple, l'utilisation des ressources financières d'une compagnie à des fins personnelles, la dissimulation de faits importants, l'exploitation de la faiblesse d'autrui, le détournement non autorisé de fonds et l'usurpation non autorisée de fonds ou de biens
Les éléments constitutifs de l'infraction de fraude
R. c. Zlatic, [1993] 2 R.C.S. 29
Dans l'arrêt R. c. Théroux, [1993] 2 R.C.S. 000, rendu simultanément, les éléments de l'infraction de fraude font l'objet d'une analyse générale. Pour les fins de la présente affaire, il suffit de dire que l'actus reus de la fraude sera établi par la preuve:
1. d'un acte prohibé, qu'il s'agisse d'une supercherie, d'un mensonge ou d'un autre moyen dolosif, et
2. de la privation causée par l'acte prohibé, qui peut consister en une perte véritable ou dans le fait de mettre en péril les intérêts pécuniaires de la victime.
De même, la mens rea de la fraude est établie par la preuve:
1. de la connaissance subjective de l'acte prohibé, et
2. de la connaissance subjective que l'acte prohibé pourrait causer une privation à autrui (laquelle privation peut consister en la connaissance que les intérêts pécuniaires de la victime sont mis en péril).
Si la conduite et la connaissance requises par ces définitions sont établies, l'accusé est coupable peu importe qu'il ait effectivement souhaité la conséquence prohibée ou qu'il lui était indifférent qu'elle se réalise ou non.
Dans l'arrêt R. c. Théroux, [1993] 2 R.C.S. 000, rendu simultanément, les éléments de l'infraction de fraude font l'objet d'une analyse générale. Pour les fins de la présente affaire, il suffit de dire que l'actus reus de la fraude sera établi par la preuve:
1. d'un acte prohibé, qu'il s'agisse d'une supercherie, d'un mensonge ou d'un autre moyen dolosif, et
2. de la privation causée par l'acte prohibé, qui peut consister en une perte véritable ou dans le fait de mettre en péril les intérêts pécuniaires de la victime.
De même, la mens rea de la fraude est établie par la preuve:
1. de la connaissance subjective de l'acte prohibé, et
2. de la connaissance subjective que l'acte prohibé pourrait causer une privation à autrui (laquelle privation peut consister en la connaissance que les intérêts pécuniaires de la victime sont mis en péril).
Si la conduite et la connaissance requises par ces définitions sont établies, l'accusé est coupable peu importe qu'il ait effectivement souhaité la conséquence prohibée ou qu'il lui était indifférent qu'elle se réalise ou non.
mercredi 13 octobre 2010
Définition de la notion de preuve de faits similaires
Dumont c. R., 2010 QCCA 1777 (CanLII)
[36] On retrouve une définition de la notion de preuve de faits similaires dans l'arrêt R. c. D. (L.E.), alors que le juge Sopinka écrit :
Dans Cross on Evidence (6e éd. 1985), à la p. 311, on trouve un énoncé concis de la « règle relative à la preuve de faits similaires », que j'approuve :
[TRADUCTION] ... une preuve de la moralité ou de l'inconduite de l'accusé à d'autres occasions [...] produite pour établir ses mauvaises tendances, est inadmissible, à moins que sa valeur probante relativement aux questions en litige soit tellement grande qu'elle l'emporte sur le préjudice que peut causer cette preuve.
[37] Les faits similaires doivent être probants au point d'excéder le préjudice causé à l'accusé par leur admission. Il est aussi admis que la preuve de faits similaires peut être considérée pour prouver l'actus reus et la mens rea de l'infraction reprochée. Pour être admissibles, de tels faits doivent comporter des éléments de similitude par rapport aux événements reprochés à l'accusé. Le juge Binnie, dans R. c. Handy, écrit :
La tâche du juge ne consiste pas à additionner les similitudes et les différences, puis, à la manière d'un comptable, à en tirer un solde net. Au niveau microscopique des détails, il est toujours possible d'exagérer et de multiplier les différences. Il peut en résulter une déformation des faits : R. c. Litchfield, 1993 CanLII 44 (C.S.C.), [1993] 4 R.C.S. 333. En revanche, à un niveau de généralité démesurément macroscopique, il peut être trop facile de trouver des similitudes. L'équilibre à atteindre est une question de jugement.
[36] On retrouve une définition de la notion de preuve de faits similaires dans l'arrêt R. c. D. (L.E.), alors que le juge Sopinka écrit :
Dans Cross on Evidence (6e éd. 1985), à la p. 311, on trouve un énoncé concis de la « règle relative à la preuve de faits similaires », que j'approuve :
[TRADUCTION] ... une preuve de la moralité ou de l'inconduite de l'accusé à d'autres occasions [...] produite pour établir ses mauvaises tendances, est inadmissible, à moins que sa valeur probante relativement aux questions en litige soit tellement grande qu'elle l'emporte sur le préjudice que peut causer cette preuve.
[37] Les faits similaires doivent être probants au point d'excéder le préjudice causé à l'accusé par leur admission. Il est aussi admis que la preuve de faits similaires peut être considérée pour prouver l'actus reus et la mens rea de l'infraction reprochée. Pour être admissibles, de tels faits doivent comporter des éléments de similitude par rapport aux événements reprochés à l'accusé. Le juge Binnie, dans R. c. Handy, écrit :
La tâche du juge ne consiste pas à additionner les similitudes et les différences, puis, à la manière d'un comptable, à en tirer un solde net. Au niveau microscopique des détails, il est toujours possible d'exagérer et de multiplier les différences. Il peut en résulter une déformation des faits : R. c. Litchfield, 1993 CanLII 44 (C.S.C.), [1993] 4 R.C.S. 333. En revanche, à un niveau de généralité démesurément macroscopique, il peut être trop facile de trouver des similitudes. L'équilibre à atteindre est une question de jugement.
Les éléments constitutifs de l'infraction de délit de fuite
R. c. Dubois, 2008 CanLII 50594 (QC C.M.)
[72] L'infraction prévue à l'article 252(1) du Code criminel est constituée des éléments suivants, dans le cas d'un accident d'automobile :
- l'accusé doit avoir la garde, la charge ou le contrôle d'un véhicule;
- ce véhicule vient d'être impliqué dans un accident avec une personne autre que l'accusé, un autre véhicule ou du bétail;
- l'accusé a fait défaut soit d'arrêter son véhicule, soit de donner ses nom et adresse, soit d'offrir de l'aide lorsqu'une personne est blessée ou a besoin d'aide (R. c. Roche, 1983 CanLII 130 (C.S.C.), [1983] 1 R.C.S. 491);
- le défaut de l'accusé de remplir l'un des devoirs précédents, l'a été dans l'intention d'échapper à toute responsabilité civile ou criminelle en relation avec l'événement (Fournier c. R., (1979) 8 C.R. (3d) 248, 254 (C.A.Q.); R. c. Hofer, (1982) 2 C.C.C. (3d) 230, 233-234 (C.A. Sask.)). La responsabilité criminelle qu’un conducteur veut éluder peut résulter d’infractions aux articles 253 et 254 du Code criminel.
[72] L'infraction prévue à l'article 252(1) du Code criminel est constituée des éléments suivants, dans le cas d'un accident d'automobile :
- l'accusé doit avoir la garde, la charge ou le contrôle d'un véhicule;
- ce véhicule vient d'être impliqué dans un accident avec une personne autre que l'accusé, un autre véhicule ou du bétail;
- l'accusé a fait défaut soit d'arrêter son véhicule, soit de donner ses nom et adresse, soit d'offrir de l'aide lorsqu'une personne est blessée ou a besoin d'aide (R. c. Roche, 1983 CanLII 130 (C.S.C.), [1983] 1 R.C.S. 491);
- le défaut de l'accusé de remplir l'un des devoirs précédents, l'a été dans l'intention d'échapper à toute responsabilité civile ou criminelle en relation avec l'événement (Fournier c. R., (1979) 8 C.R. (3d) 248, 254 (C.A.Q.); R. c. Hofer, (1982) 2 C.C.C. (3d) 230, 233-234 (C.A. Sask.)). La responsabilité criminelle qu’un conducteur veut éluder peut résulter d’infractions aux articles 253 et 254 du Code criminel.
Les principes établis en matière d’arrestation sans mandat par un agent de la paix
Malo c. R., 2010 QCCS 270 (CanLII)
[86] L'agent de la paix qui effectue une arrestation doit avoir subjectivement des motifs raisonnables et probables d'y procéder. Ces motifs doivent être objectivement justifiables, soit qu'une personne se trouvant à la place de l'agent de police doit pouvoir conclure qu'il y avait effectivement des motifs raisonnables et probables de procéder à l'arrestation.
[87] Dans Storrey c. R., la Cour suprême a établi que le policier doit seulement démontrer l'existence de motifs raisonnables et probables :
« En résumé donc, le Code criminel exige que l'agent de police qui effectue une arrestation ait subjectivement des motifs raisonnables et probables d'y procéder. Ces motifs doivent en outre être objectivement justifiables, c'est‑à‑dire qu'une personne raisonnable se trouvant à la place de l'agent de police doit pouvoir conclure qu'il y avait effectivement des motifs raisonnables et probables de procéder à l'arrestation. Par ailleurs, la police n'a pas à démontrer davantage que l'existence de motifs raisonnables et probables. Plus précisément, elle n'est pas tenue, pour procéder à l'arrestation, d'établir une preuve suffisante à première vue pour justifier une déclaration de culpabilité ».
[86] L'agent de la paix qui effectue une arrestation doit avoir subjectivement des motifs raisonnables et probables d'y procéder. Ces motifs doivent être objectivement justifiables, soit qu'une personne se trouvant à la place de l'agent de police doit pouvoir conclure qu'il y avait effectivement des motifs raisonnables et probables de procéder à l'arrestation.
[87] Dans Storrey c. R., la Cour suprême a établi que le policier doit seulement démontrer l'existence de motifs raisonnables et probables :
« En résumé donc, le Code criminel exige que l'agent de police qui effectue une arrestation ait subjectivement des motifs raisonnables et probables d'y procéder. Ces motifs doivent en outre être objectivement justifiables, c'est‑à‑dire qu'une personne raisonnable se trouvant à la place de l'agent de police doit pouvoir conclure qu'il y avait effectivement des motifs raisonnables et probables de procéder à l'arrestation. Par ailleurs, la police n'a pas à démontrer davantage que l'existence de motifs raisonnables et probables. Plus précisément, elle n'est pas tenue, pour procéder à l'arrestation, d'établir une preuve suffisante à première vue pour justifier une déclaration de culpabilité ».
Les facteurs à considérer pour déterminer si la fouille effectuée par les autorités scolaires dans l'environnement scolaire est raisonnable
R. c. M. (M.R.), [1998] 3 R.C.S. 393
54 Les facteurs qui doivent être pris en considération pour déterminer si la fouille effectuée par un enseignant ou un directeur dans l’environnement scolaire était raisonnable peuvent se résumer ainsi:
1. Il faut d’abord déterminer s’il est possible de déduire des dispositions de la loi sur l’éducation pertinente que les enseignants et les directeurs sont autorisés à fouiller leurs élèves lorsque cela est indiqué. Dans l’environnement scolaire, cette autorisation légale serait raisonnable.
2. La fouille elle‑même doit être effectuée de manière raisonnable. Elle devrait s’effectuer de manière délicate et être la moins envahissante possible.
3. Pour déterminer si une fouille était raisonnable, il faut examiner toutes les circonstances qui l’ont entourée.
54 Les facteurs qui doivent être pris en considération pour déterminer si la fouille effectuée par un enseignant ou un directeur dans l’environnement scolaire était raisonnable peuvent se résumer ainsi:
1. Il faut d’abord déterminer s’il est possible de déduire des dispositions de la loi sur l’éducation pertinente que les enseignants et les directeurs sont autorisés à fouiller leurs élèves lorsque cela est indiqué. Dans l’environnement scolaire, cette autorisation légale serait raisonnable.
2. La fouille elle‑même doit être effectuée de manière raisonnable. Elle devrait s’effectuer de manière délicate et être la moins envahissante possible.
3. Pour déterminer si une fouille était raisonnable, il faut examiner toutes les circonstances qui l’ont entourée.
La Cour suprême résume la démarche à suivre pour l'examen des fouilles exécutées par les autorités scolaires
R. c. M. (M.R.), [1998] 3 R.C.S. 393
50 Un enseignant ou un directeur ne devrait pas être tenu d’obtenir un mandat pour fouiller un élève, et, partant, l’absence de mandat dans ces circonstances ne crée pas de présomption de fouille abusive. L’enseignant ou le directeur qui a des motifs raisonnables de croire qu’une règle de l’école a été violée et que la preuve de cette violation peut être découverte sur l’élève même peut procéder légitimement à la fouille de ce dernier. Ces motifs peuvent bien résulter des renseignements reçus d’un seul élève que l’autorité scolaire juge crédible. Subsidiairement, les motifs raisonnables peuvent être fondés sur des renseignements émanant de plus d’un élève ou d’observations faites par des enseignants ou des directeurs, ou d’une combinaison de ces éléments d’information que l’autorité pertinente estime crédibles dans l’ensemble. Cette façon d’aborder les motifs raisonnables dans l’environnement scolaire permettra aux autorités scolaires de réagir rapidement et efficacement aux manquements au règlement de l’école et aux problèmes de discipline, ce qui est si essentiel au maintien d’un environnement sûr et propice à l’acquisition de connaissances. Elle permettra malgré tout d’assurer la protection raisonnable des droits des élèves. La démarche à suivre pour examiner les fouilles effectuées par des enseignants peut se résumer ainsi:
(1) Il n’est pas essentiel que l’autorité scolaire obtienne un mandat pour fouiller un élève.
(2) L’autorité scolaire doit avoir des motifs raisonnables de croire qu’il y a eu manquement au règlement ou à la discipline de l’école et que la fouille d’un élève en apporterait la preuve.
(3) Les autorités scolaires sont les mieux placées pour évaluer les renseignements qui leur sont donnés et pour faire le lien entre ceux‑ci et la situation qui existe dans leur école. Les tribunaux devraient reconnaître la situation privilégiée des autorités scolaires pour ce qui est de décider s’il existe des motifs raisonnables de procéder à la fouille.
(4) Les exemples suivants peuvent constituer des motifs raisonnables dans ce contexte: des renseignements reçus d’un élève jugé crédible, des renseignements émanant de plus d’un élève, des observations d’un enseignant ou d’un directeur, ou d’une combinaison de ces éléments d’information que l’autorité pertinente juge crédibles. La nature convaincante des renseignements reçus et la crédibilité de ces sources ou celle d’autres sources doivent être évaluées par l’autorité scolaire en fonction de la situation qui existe dans l’école donnée.
50 Un enseignant ou un directeur ne devrait pas être tenu d’obtenir un mandat pour fouiller un élève, et, partant, l’absence de mandat dans ces circonstances ne crée pas de présomption de fouille abusive. L’enseignant ou le directeur qui a des motifs raisonnables de croire qu’une règle de l’école a été violée et que la preuve de cette violation peut être découverte sur l’élève même peut procéder légitimement à la fouille de ce dernier. Ces motifs peuvent bien résulter des renseignements reçus d’un seul élève que l’autorité scolaire juge crédible. Subsidiairement, les motifs raisonnables peuvent être fondés sur des renseignements émanant de plus d’un élève ou d’observations faites par des enseignants ou des directeurs, ou d’une combinaison de ces éléments d’information que l’autorité pertinente estime crédibles dans l’ensemble. Cette façon d’aborder les motifs raisonnables dans l’environnement scolaire permettra aux autorités scolaires de réagir rapidement et efficacement aux manquements au règlement de l’école et aux problèmes de discipline, ce qui est si essentiel au maintien d’un environnement sûr et propice à l’acquisition de connaissances. Elle permettra malgré tout d’assurer la protection raisonnable des droits des élèves. La démarche à suivre pour examiner les fouilles effectuées par des enseignants peut se résumer ainsi:
(1) Il n’est pas essentiel que l’autorité scolaire obtienne un mandat pour fouiller un élève.
(2) L’autorité scolaire doit avoir des motifs raisonnables de croire qu’il y a eu manquement au règlement ou à la discipline de l’école et que la fouille d’un élève en apporterait la preuve.
(3) Les autorités scolaires sont les mieux placées pour évaluer les renseignements qui leur sont donnés et pour faire le lien entre ceux‑ci et la situation qui existe dans leur école. Les tribunaux devraient reconnaître la situation privilégiée des autorités scolaires pour ce qui est de décider s’il existe des motifs raisonnables de procéder à la fouille.
(4) Les exemples suivants peuvent constituer des motifs raisonnables dans ce contexte: des renseignements reçus d’un élève jugé crédible, des renseignements émanant de plus d’un élève, des observations d’un enseignant ou d’un directeur, ou d’une combinaison de ces éléments d’information que l’autorité pertinente juge crédibles. La nature convaincante des renseignements reçus et la crédibilité de ces sources ou celle d’autres sources doivent être évaluées par l’autorité scolaire en fonction de la situation qui existe dans l’école donnée.
mardi 12 octobre 2010
Les éléments constitutifs de l'infraction de harcèlement criminel
R. c. J.R., 2010 QCCQ 6015 (CanLII)
[102] Dans R. c. Lamontagne [1998] A.Q. no 2545, la Cour d'appel du Québec souscrit à l'analyse de la Cour d'appel d'Alberta relativement aux éléments constitutifs de cette infraction :
L'art. 264 C.cr., précité, précise au par. (1) les éléments constitutifs de l'infraction qui doivent être prouvés tandis que le par. (2) décrit les quatre types de l'acte interdit auquel renvoie le par. (1). La Cour d'appel d'Alberta, dans l'arrêt R. v. Sillip 1997 CanLII 10865 (AB C.A.), (1997), 11 C.R. (5th) 71, p. 78, en dégage les cinq éléments essentiels suivants:
1) It must be established that the accused has engaged in the conduct set out in s. 264 (2) (a), (b), (c), or (d) of the Criminal code.
2) It must be established that the complainant was harassed.
3) It must be established that the accused who engaged in such conduct knew that the complainant was harassed or was reckless or wilfully blind as to whether the complainant was harassed.
4) It must be established that the conduct caused the complainant to fear for her safety or the safety of anyone known to her; and
5) It must be established that the complainant's fear was, in all of the circumstances, reasonable.
[103] La Cour d'appel précise de plus :
L'actus reus de cette infraction se compose de trois éléments, soit (1) l'acte interdit au par. (2), (2) que de fait la victime soit harcelée et (3) l'effet que cet acte provoque chez la victime.
[105] Ainsi la Poursuivante doit prouver hors de tout doute raisonnable que l'accusé a commis un ou des actes prévus à l'alinéa 2 qu'objectivement et subjectivement ce comportement a constitué du harcèlement à l'égard des plaignants et que l'accusé savait que les plaignants se sentaient harcelés ou qu'il ne se souciait pas qu'ils se sentent harcelés.
[106] De plus, la crainte pour la sécurité à laquelle réfère l'article 264 du Code criminel, englobe autant la sécurité physique que la sécurité psychologique.
[107] R. c. McCraw 1991 CanLII 29 (C.S.C.), [1991] 3 R.C.S. 72, p. 80 et 81
R. c. J.C. [2004] J.Q. no 11460
Cette crainte raisonnable pour la sécurité de la victime ne se limite pas exclusivement à sa sécurité physique, mais aussi à celle psychologique et émotionnel. (Par. 57)
[108] La preuve et l'analyse de la relation accusé – plaignants, sont pertinentes à la fois quant à la crainte suscitée chez les victimes par le comportement de l'accusé et quant à l'intention qui animait l'accusé lors de ce comportement, à savoir s'il savait qu'il harcelait les plaignants ou qu'il ne se souciait pas qu'ils le soient.
R. c. Ryback 1996 CanLII 1833 (BC C.A.), (1996) 105 C.C.C. (3d) 240 C.A.C.-B.) par. 32-33.
*** Note de l'auteur de ce blog: voir l'arrêt de principe R. c. Lamontagne, 1998 CanLII 13048 (QC C.A.) ***
[102] Dans R. c. Lamontagne [1998] A.Q. no 2545, la Cour d'appel du Québec souscrit à l'analyse de la Cour d'appel d'Alberta relativement aux éléments constitutifs de cette infraction :
L'art. 264 C.cr., précité, précise au par. (1) les éléments constitutifs de l'infraction qui doivent être prouvés tandis que le par. (2) décrit les quatre types de l'acte interdit auquel renvoie le par. (1). La Cour d'appel d'Alberta, dans l'arrêt R. v. Sillip 1997 CanLII 10865 (AB C.A.), (1997), 11 C.R. (5th) 71, p. 78, en dégage les cinq éléments essentiels suivants:
1) It must be established that the accused has engaged in the conduct set out in s. 264 (2) (a), (b), (c), or (d) of the Criminal code.
2) It must be established that the complainant was harassed.
3) It must be established that the accused who engaged in such conduct knew that the complainant was harassed or was reckless or wilfully blind as to whether the complainant was harassed.
4) It must be established that the conduct caused the complainant to fear for her safety or the safety of anyone known to her; and
5) It must be established that the complainant's fear was, in all of the circumstances, reasonable.
[103] La Cour d'appel précise de plus :
L'actus reus de cette infraction se compose de trois éléments, soit (1) l'acte interdit au par. (2), (2) que de fait la victime soit harcelée et (3) l'effet que cet acte provoque chez la victime.
[105] Ainsi la Poursuivante doit prouver hors de tout doute raisonnable que l'accusé a commis un ou des actes prévus à l'alinéa 2 qu'objectivement et subjectivement ce comportement a constitué du harcèlement à l'égard des plaignants et que l'accusé savait que les plaignants se sentaient harcelés ou qu'il ne se souciait pas qu'ils se sentent harcelés.
[106] De plus, la crainte pour la sécurité à laquelle réfère l'article 264 du Code criminel, englobe autant la sécurité physique que la sécurité psychologique.
[107] R. c. McCraw 1991 CanLII 29 (C.S.C.), [1991] 3 R.C.S. 72, p. 80 et 81
R. c. J.C. [2004] J.Q. no 11460
Cette crainte raisonnable pour la sécurité de la victime ne se limite pas exclusivement à sa sécurité physique, mais aussi à celle psychologique et émotionnel. (Par. 57)
[108] La preuve et l'analyse de la relation accusé – plaignants, sont pertinentes à la fois quant à la crainte suscitée chez les victimes par le comportement de l'accusé et quant à l'intention qui animait l'accusé lors de ce comportement, à savoir s'il savait qu'il harcelait les plaignants ou qu'il ne se souciait pas qu'ils le soient.
R. c. Ryback 1996 CanLII 1833 (BC C.A.), (1996) 105 C.C.C. (3d) 240 C.A.C.-B.) par. 32-33.
*** Note de l'auteur de ce blog: voir l'arrêt de principe R. c. Lamontagne, 1998 CanLII 13048 (QC C.A.) ***
Les éléments constitutifs de l'infraction de possession d'une substance désignée dans le but d'en faire le trafic
R. c. Barrette, 2004 CanLII 41319 (QC C.Q.)
[55] Dans R. c. Chan, la Cour énonce que l'actus reus de l'infraction de possession d'une substance désignée dans le but d'en faire le trafic a deux éléments essentiels:
1) La possession de la substance;
2) Sa désignation en vertu de cette loi.
[56] La mens rea exige la preuve que l'accusé connaît la nature de la substance et qu'il a l'intention d'en faire le trafic. La quantité de substances n'est pas un élément essentiel, même si la quantité peut, en certaines circonstances, fournir un élément duquel inférer l'intention de l'accusé.
[57] La jurisprudence affirme que la détention d'une chose exige un certain contrôle sur celle-ci. En somme, pour qu'il y ait possession, il faut connaissance et un certain contrôle.
[58] Il est exact de mentionner que la poursuite a le fardeau de démontrer, hors de tout doute raisonnable, la commission de l'acte criminel. Cette preuve peut être faite de différentes façons dont entre autres, par la démonstration de certains faits dont la seule conclusion logique et raisonnable est d'en arriver à la culpabilité des accusés.
[55] Dans R. c. Chan, la Cour énonce que l'actus reus de l'infraction de possession d'une substance désignée dans le but d'en faire le trafic a deux éléments essentiels:
1) La possession de la substance;
2) Sa désignation en vertu de cette loi.
[56] La mens rea exige la preuve que l'accusé connaît la nature de la substance et qu'il a l'intention d'en faire le trafic. La quantité de substances n'est pas un élément essentiel, même si la quantité peut, en certaines circonstances, fournir un élément duquel inférer l'intention de l'accusé.
[57] La jurisprudence affirme que la détention d'une chose exige un certain contrôle sur celle-ci. En somme, pour qu'il y ait possession, il faut connaissance et un certain contrôle.
[58] Il est exact de mentionner que la poursuite a le fardeau de démontrer, hors de tout doute raisonnable, la commission de l'acte criminel. Cette preuve peut être faite de différentes façons dont entre autres, par la démonstration de certains faits dont la seule conclusion logique et raisonnable est d'en arriver à la culpabilité des accusés.
Les éléments constitutifs de l'infraction d'agression sexuelle
R. c. Delaunière, 2010 QCCQ 5651 (CanLII)
[49] Trois éléments établissent l’agression sexuelle :
- des attouchements;
- la nature sexuelle des contacts;
- l’absence de consentement.
[51] Dans R. c. Ewanchuk la Cour suprême souligne que l’absence de consentement, en tant que l’un des éléments constitutifs de l’agression sexuelle, s’avère essentiellement un élément subjectif que détermine l’état d’esprit dans lequel se trouve la plaignante à l’égard des attouchements lorsqu’ils ont lieu.
[49] Trois éléments établissent l’agression sexuelle :
- des attouchements;
- la nature sexuelle des contacts;
- l’absence de consentement.
[51] Dans R. c. Ewanchuk la Cour suprême souligne que l’absence de consentement, en tant que l’un des éléments constitutifs de l’agression sexuelle, s’avère essentiellement un élément subjectif que détermine l’état d’esprit dans lequel se trouve la plaignante à l’égard des attouchements lorsqu’ils ont lieu.
L'état du droit relative à l'assistance effective et, donc, compétente d'un avocat / Analyse à laquelle la Cour doit se livrer afin de déterminer l'existence et la portée de la violation du droit à l'assistance effective de ce droit
Chevreuil c. R., 2008 QCCA 82 (CanLII)
[30] Tout accusé a droit à l'assistance effective et, donc, compétente d'un avocat : il s'agit là d'un principe de justice fondamentale, qui assure l'équité du procès pénal et qui est à ce titre protégé par les articles 7 et 11, paragr. d), de la Charte canadienne des droits et libertés. Comme l'écrit la Cour suprême dans R. c. G.D.B. :
24 Aujourd’hui, tout inculpé a droit à l’assistance effective d’un avocat. Au Canada, ce droit est considéré comme un principe de justice fondamentale. Il découle de l’évolution de la common law, du par. 650(3) du Code criminel canadien ainsi que de l’art. 7 et de l’al. 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés.
25 L’importance de l’assistance effective d’un avocat est évidente, mais elle a été expliquée en détail par le juge Doherty dans R. c. Joanisse 1995 CanLII 3507 (ON C.A.), (1995), 102 C.C.C. (3d) 35 (C.A. Ont.), à la p. 57 :
[traduction] L’importance de l’assistance effective d’un avocat au procès est évidente. Nous faisons confiance au processus de débat contradictoire pour déterminer le bien-fondé des accusations criminelles. Ce processus repose sur la prémisse que le meilleur moyen de déterminer le bien-fondé des accusations criminelles est « la présentation partisane par les parties de leur thèse respective » : U.S. c. Cronic, 104 S. Ct. 2039 (1984), le juge Stevens, à la p. 2045. La représentation effective de l’accusé par un avocat rend l’issue du processus de débat contradictoire plus fiable puisque l’accusé a bénéficié de l’assistance d’un professionnel ayant acquis les compétences qui sont requises durant le procès. L’avocat compétent peut mettre à l’épreuve la preuve avancée par la poursuite en plus de rassembler des éléments de preuve et de présenter la thèse de la défense. Nous nous fions aussi aux diverses garanties procédurales pour assurer le niveau requis d’équité dans le cadre du processus de débat contradictoire. Le droit à l’assistance effective d’un avocat favorise également le caractère équitable du processus décisionnel en ce qu’il adjoint à l’accusé un défenseur possédant les mêmes compétences que le poursuivant, compétences qui peuvent servir à faire bénéficier l’accusé de toute la panoplie des mesures de protection procédurale disponibles.
Lorsque l’avocat ne représente pas l’accusé de façon effective, l’équité du procès en souffre, tant du point de vue de la fiabilité du verdict que du point de vue du caractère équitable du processus décisionnel menant à ce verdict. Dans certains cas, il en résulte une erreur judiciaire
[31] Renchérissant sur ces propos, la Cour, sous la plume du juge Gendreau, écrit ce qui suit dans Carignan c. R. :
[27] Le droit à une représentation adéquate est une composante à la garantie constitutionnelle du droit d'un accusé à une pleine défense dans un procès juste et équitable prévu aux articles 11d) et 7 de la Charte canadienne des droits et libertés. C'est, sans doute, dans le contexte d'une poursuite pénale que la qualité de la représentation est la plus cruciale, car le prévenu « pourrait payer de sa liberté les impairs d'un avocat ayant mal assuré sa défense ». C'est pourquoi d'ailleurs le remède à une négligence professionnelle causant préjudice à l'accusé sera l'ordonnance d'un nouveau procès.
[32] Comme le souligne la Cour à la fin de ce passage, la violation du droit de l'accusé à l'assistance effective de l'avocat qui le représente sera généralement sanctionnée par l'ordonnance d'un nouveau procès.
[33] L'état du droit en la matière est assez clair. La Cour suprême du Canada, dans R. c. G.D.B., explique ainsi l'analyse en deux temps à laquelle on doit se livrer afin de déterminer l'existence et la portée de la violation du droit à l'assistance effective d'un avocat :
26 La façon d’envisager les allégations de représentation non effective est expliquée dans l’arrêt Strickland c. Washington, 466 U.S. 668 (1984), le juge O’Connor. Cette étude comporte un volet examen du travail de l’avocat et un volet appréciation du préjudice. Pour qu’un appel soit accueilli, il faut démontrer, dans un premier temps, que les actes ou les omissions de l’avocat relevaient de l’incompétence, et, dans un deuxième temps, qu’une erreur judiciaire en a résulté.
27 L’incompétence est appréciée au moyen de la norme du caractère raisonnable. Le point de départ de l’analyse est la forte présomption que la conduite de l’avocat se situe à l’intérieur du large éventail de l’assistance professionnelle raisonnable. Il incombe à l’appelant de démontrer que les actes ou omissions reprochés à l’avocat ne découlaient pas de l’exercice d’un jugement professionnel raisonnable. La sagesse rétrospective n’a pas sa place dans cette appréciation.
28 Les erreurs judiciaires peuvent prendre plusieurs formes dans ce contexte. Dans certains cas, le travail de l’avocat peut avoir compromis l’équité procédurale, alors que dans d’autres, c’est la fiabilité de l’issue du procès qui peut avoir été compromise.
29 Dans les cas où il est clair qu’aucun préjudice n’a été causé, il n’est généralement pas souhaitable que les cours d’appel s’arrêtent à l’examen du travail de l’avocat. L’objet d’une allégation de représentation non effective n’est pas d’attribuer une note au travail ou à la conduite professionnelle de l’avocat. Ce dernier aspect est laissé à l’appréciation de l’organisme d’autoréglementation de la profession. S’il convient de trancher une question de représentation non effective pour cause d’absence de préjudice, c’est ce qu’il faut faire (Strickland, précité, à la p. 697).
[34] Notre Cour a elle-même reconnu et appliqué ces principes, notamment dans les arrêts Renaud c. R., Delisle c. R. et Carignan c. R. Dans ce dernier arrêt, le juge Gendreau expose comme suit les règles applicables :
[28] Dans l'arrêt Delisle (précité), le juge Proulx propose un examen selon l'approche des tribunaux du Commonwealth, suivant laquelle il convient d'abord d'examiner si les droits de l'accusé à un procès juste et équitable furent violés. En d'autres mots, il est préférable de rechercher d'abord le préjudice avant de s'attaquer à sa cause. Voici comment mon collègue s'exprime :
Il ne suffit donc pas d'établir simplement l'incompétence de l'avocat. Il faut en plus démontrer que celle-ci a dans la réalité brimé l'accusé dans ses droits. L'aspect causal de l'incompétence constitue donc l'élément fondamental de l'analyse.
En appel, puisque le rôle de la Cour consiste à s'assurer que l'appelant a subi un procès juste et équitable, toute allégation d'incompétence de l'avocat, même amplement démontrée, ne justifie une intervention que dans la mesure où l'appelant établit un lien entre cette incompétence et un déni de justice (art. 686(1)b)iii) C.cr.). En d'autres termes, en raison de la conduite blâmable de l'avocat, l'accusé doit avoir été privé de son droit à une défense pleine et entière ou à un procès juste et équitable. […]
Par voie de conséquence, il est logique pour la cour d'analyser d'abord le préjudice ou l'effet de la conduite de l'avocat sur l'équité du procès. Si la Cour arrive à la conclusion que ce préjudice est inexistant, toute discussion subséquente est superflue et inutile. Pourquoi alors discuter des motifs pour lesquels l'avocat de la défense n'a pas contre-interrogé la plaignante au sujet de ses antécédents judiciaires si, à la lumière de l'ensemble de la preuve et des plaidoiries, il s'avère qu'aucun préjudice n'a pu résulter de cette omission : R. c. Sauvé [1997 CanLII 12544 (BC C.A.), (1997), 121 C.C.C. (3d) 225 (C.A.C.-B.)]?
[29] L'avocat a, envers son client, une obligation de loyauté et de conseil. Ce dernier devoir porte sur l'existence, l'étendue et la réalisation des droits de son mandataire. Entre autres, « [l]'avocat doit exposer à son client de façon objective la nature et la portée du problème qui, à son avis, ressort de l'ensemble des faits qui ont été portés à sa connaissance et des risques inhérents aux mesures recommandées ». Dans le cadre de ses recommandations, l'avocat est évidemment soumis à une obligation de moyen et non de résultat. Cette distinction implique que lorsqu'il est saisi d'une situation factuelle dans laquelle l'application de certains principes juridiques est controversée, l'avocat ne peut garantir que son opinion est nécessairement la meilleure ou celle qui triomphera. Par contre, il doit exercer une diligence raisonnable et fonder sa position sur des bases légales acceptables. Le standard à appliquer est celui de l'avocat normalement prévoyant et diligent, possédant des connaissances ordinaires. Chaque situation est particulière et la Cour doit en faire l'examen individuel et dans son contexte.
[30] Le devoir de conseil signifie aussi que l'avocat doit reconnaître les limites de ses connaissances et décliner le mandat pour lequel il n'est pas qualifié (art. 3.01.01 du Code de déontologie des avocats). Le praticien doit aussi refuser ou annuler son mandat s'il cesse de croire son client. Il ne doit pas « se constituer juge de son client », (art. 3.03.04 du Code de déontologie des avocats), écrit le juge Proulx dans Delisle (précité).
[31] En raison de ses connaissances et de son expérience, l'avocat doit évaluer l'affaire du justiciable qui le consulte, lui faire des recommandations et proposer des choix stratégiques et tactiques. Toutefois, l'accusé reste maître de sa défense et en particulier sur les décisions essentielles comme celles de se faire entendre ou d'enregistrer un plaidoyer de culpabilité. Dans un commentaire, sur l'arrêt R. c. G.D.B., on peut lire au Kapoor's Criminal Appeals Review :
[para 28] As mentioned, there are fundamental matters upon which counsel should obtain instructions, such as whether the accused should testify. There should be a per se rule which deems a miscarriage of justice where those decisions were made without the clients instructions. After all, it is the accused's liberty that is at stake, not counsel's. Although counsel is presumptively skilled in law and litigation and, therefore, better able to assess tactical issues than an accused, the decisions to testify or plead guilty are the province of the client (decisions taken with the advice of counsel) and are not tactical decisions. When the client has no say in fundamental decisions the process cannot be said to be fair. It is hoped that the Court will endorse a per se rule in such circumstances, should the occasion arise.
[…]
[para 30] In GDB Justice Major notes that there are some instances where counsel must obtain instructions. The principle behind this requirement is that for certain matters litigants have the right to control their own litigation.
[para 31] Similarly where the client exerts control over the case by providing specific instructions, to not follow those instructions takes control away from the client. If counsel cannot live with the instructions (for example if the instructions are to conduct oneself in an unethical manner or in a manner which is at odds with counsel's advice on a fundamental issue) counsel should withdraw. In the era of representation of litigants by lawyers, the lawyer owes a duty of fidelity to the client that necessarily includes the obligation to follow instructions; that is, to not undermine the client's position. Therefore, once counsel has instructions and continues to act, those instructions must be faithfully followed. Anything less results in the client becoming a passive bystander who is unable to advance their desired position. This disenfranchisement of the client results in a process that is presumptively unfair. This is so regardless of the merits of the client's position. While the advice and talent of counsel is invaluable, ultimately it is the client's litigation. While the client may not always know best, it is the client who will go to jail if convicted and, therefore, their instructions must be respected. The client must have control over their own liberty.
[32] Je me permets en terminant de rappeler les trois principes qui doivent guider un tribunal saisi d'une question comme celle-ci, tels qu'exprimés par le juge Proulx dans Delisle :
En premier lieu, il n'est pas inutile de rappeler le principe bien connu de la stabilité des jugements, qui, tant en droit civil qu'en droit pénal, constitue une fin de non-recevoir, sauf circonstances exceptionnelles, à toute tentative d'une partie non satisfaite d'un jugement de vouloir obtenir une seconde chance en s'en prenant aux décisions ou aux conseils de son avocat en première instance.
En principe, la règle se retrouve dans plusieurs systèmes de droit qui reposent sur les mêmes valeurs fondamentales, « the State could not normally be held responsible for the actions or decisions of an accused's lawyer. It followed from the independence of the legal profession that the conduct of the defence was essentially a matter between the defendant and his representatives [La Cour Européenne des Droits de l'Homme dans Stanford c. U.K., Times Law Reports, March 8, 1994, cité dans Robert S. Shiels, «Current Topic: Blaming the Lawyer», [1997] Crim. L. R. 740, 744]».
En deuxième lieu, la moindre faute, la moindre maladresse, la plus petite erreur de jugement ou de stratégie ne saurait, en principe, permettre de faire réviser, ex post facto, la décision de l'avocat au bénéfice de la partie qui a échoué.
En troisième lieu, et je rejoins ici les considérations énumérées antérieurement, l'avocat dont la conduite est en cause doit avoir eu l'opportunité de s'expliquer. Une détermination judicieuse de la conduite d'un avocat requiert en effet de la cour d'appel de procéder avec déférence à un examen objectif et juste qui commande d'éviter le piège de l'« hindsight » de reconstituer le mieux possible les événements reliés à la conduite reprochée et enfin d'évaluer celle-ci dans la perspective de celui dont la conduite est en cause.
[35] Tant sur l'existence des erreurs de l'avocat que sur celle du préjudice, le fardeau de preuve, qui est celui de la prépondérance, repose sur les épaules de l'appelant.
[36] Cette approche comporte deux difficultés. La première, bien sûr, consiste à éviter l'écueil de la « sagesse rétrospective » contre laquelle la Cour suprême nous met en garde dans R. c. G.D.B., mais qui, dans une certaine mesure, est incontournable dès lors que l'on doit juger le comportement passé de l'avocat et évaluer son effet préjudiciable.
[37] L'autre difficulté réside dans l'analyse même à laquelle on doit procéder : il ne s'agit pas de se demander si l'avocat aurait pu faire mieux (ou si un autre avocat aurait fait mieux), mais plutôt de vérifier si sa conduite se situe dans la gamme des comportements répondant au standard « de l'avocat normalement prévoyant et diligent, possédant des connaissances ordinaires », pour reprendre les mots du juge Gendreau dans l'affaire Carignan, précitée, cet examen devant se faire de manière individuelle et contextualisée.
[30] Tout accusé a droit à l'assistance effective et, donc, compétente d'un avocat : il s'agit là d'un principe de justice fondamentale, qui assure l'équité du procès pénal et qui est à ce titre protégé par les articles 7 et 11, paragr. d), de la Charte canadienne des droits et libertés. Comme l'écrit la Cour suprême dans R. c. G.D.B. :
24 Aujourd’hui, tout inculpé a droit à l’assistance effective d’un avocat. Au Canada, ce droit est considéré comme un principe de justice fondamentale. Il découle de l’évolution de la common law, du par. 650(3) du Code criminel canadien ainsi que de l’art. 7 et de l’al. 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés.
25 L’importance de l’assistance effective d’un avocat est évidente, mais elle a été expliquée en détail par le juge Doherty dans R. c. Joanisse 1995 CanLII 3507 (ON C.A.), (1995), 102 C.C.C. (3d) 35 (C.A. Ont.), à la p. 57 :
[traduction] L’importance de l’assistance effective d’un avocat au procès est évidente. Nous faisons confiance au processus de débat contradictoire pour déterminer le bien-fondé des accusations criminelles. Ce processus repose sur la prémisse que le meilleur moyen de déterminer le bien-fondé des accusations criminelles est « la présentation partisane par les parties de leur thèse respective » : U.S. c. Cronic, 104 S. Ct. 2039 (1984), le juge Stevens, à la p. 2045. La représentation effective de l’accusé par un avocat rend l’issue du processus de débat contradictoire plus fiable puisque l’accusé a bénéficié de l’assistance d’un professionnel ayant acquis les compétences qui sont requises durant le procès. L’avocat compétent peut mettre à l’épreuve la preuve avancée par la poursuite en plus de rassembler des éléments de preuve et de présenter la thèse de la défense. Nous nous fions aussi aux diverses garanties procédurales pour assurer le niveau requis d’équité dans le cadre du processus de débat contradictoire. Le droit à l’assistance effective d’un avocat favorise également le caractère équitable du processus décisionnel en ce qu’il adjoint à l’accusé un défenseur possédant les mêmes compétences que le poursuivant, compétences qui peuvent servir à faire bénéficier l’accusé de toute la panoplie des mesures de protection procédurale disponibles.
Lorsque l’avocat ne représente pas l’accusé de façon effective, l’équité du procès en souffre, tant du point de vue de la fiabilité du verdict que du point de vue du caractère équitable du processus décisionnel menant à ce verdict. Dans certains cas, il en résulte une erreur judiciaire
[31] Renchérissant sur ces propos, la Cour, sous la plume du juge Gendreau, écrit ce qui suit dans Carignan c. R. :
[27] Le droit à une représentation adéquate est une composante à la garantie constitutionnelle du droit d'un accusé à une pleine défense dans un procès juste et équitable prévu aux articles 11d) et 7 de la Charte canadienne des droits et libertés. C'est, sans doute, dans le contexte d'une poursuite pénale que la qualité de la représentation est la plus cruciale, car le prévenu « pourrait payer de sa liberté les impairs d'un avocat ayant mal assuré sa défense ». C'est pourquoi d'ailleurs le remède à une négligence professionnelle causant préjudice à l'accusé sera l'ordonnance d'un nouveau procès.
[32] Comme le souligne la Cour à la fin de ce passage, la violation du droit de l'accusé à l'assistance effective de l'avocat qui le représente sera généralement sanctionnée par l'ordonnance d'un nouveau procès.
[33] L'état du droit en la matière est assez clair. La Cour suprême du Canada, dans R. c. G.D.B., explique ainsi l'analyse en deux temps à laquelle on doit se livrer afin de déterminer l'existence et la portée de la violation du droit à l'assistance effective d'un avocat :
26 La façon d’envisager les allégations de représentation non effective est expliquée dans l’arrêt Strickland c. Washington, 466 U.S. 668 (1984), le juge O’Connor. Cette étude comporte un volet examen du travail de l’avocat et un volet appréciation du préjudice. Pour qu’un appel soit accueilli, il faut démontrer, dans un premier temps, que les actes ou les omissions de l’avocat relevaient de l’incompétence, et, dans un deuxième temps, qu’une erreur judiciaire en a résulté.
27 L’incompétence est appréciée au moyen de la norme du caractère raisonnable. Le point de départ de l’analyse est la forte présomption que la conduite de l’avocat se situe à l’intérieur du large éventail de l’assistance professionnelle raisonnable. Il incombe à l’appelant de démontrer que les actes ou omissions reprochés à l’avocat ne découlaient pas de l’exercice d’un jugement professionnel raisonnable. La sagesse rétrospective n’a pas sa place dans cette appréciation.
28 Les erreurs judiciaires peuvent prendre plusieurs formes dans ce contexte. Dans certains cas, le travail de l’avocat peut avoir compromis l’équité procédurale, alors que dans d’autres, c’est la fiabilité de l’issue du procès qui peut avoir été compromise.
29 Dans les cas où il est clair qu’aucun préjudice n’a été causé, il n’est généralement pas souhaitable que les cours d’appel s’arrêtent à l’examen du travail de l’avocat. L’objet d’une allégation de représentation non effective n’est pas d’attribuer une note au travail ou à la conduite professionnelle de l’avocat. Ce dernier aspect est laissé à l’appréciation de l’organisme d’autoréglementation de la profession. S’il convient de trancher une question de représentation non effective pour cause d’absence de préjudice, c’est ce qu’il faut faire (Strickland, précité, à la p. 697).
[34] Notre Cour a elle-même reconnu et appliqué ces principes, notamment dans les arrêts Renaud c. R., Delisle c. R. et Carignan c. R. Dans ce dernier arrêt, le juge Gendreau expose comme suit les règles applicables :
[28] Dans l'arrêt Delisle (précité), le juge Proulx propose un examen selon l'approche des tribunaux du Commonwealth, suivant laquelle il convient d'abord d'examiner si les droits de l'accusé à un procès juste et équitable furent violés. En d'autres mots, il est préférable de rechercher d'abord le préjudice avant de s'attaquer à sa cause. Voici comment mon collègue s'exprime :
Il ne suffit donc pas d'établir simplement l'incompétence de l'avocat. Il faut en plus démontrer que celle-ci a dans la réalité brimé l'accusé dans ses droits. L'aspect causal de l'incompétence constitue donc l'élément fondamental de l'analyse.
En appel, puisque le rôle de la Cour consiste à s'assurer que l'appelant a subi un procès juste et équitable, toute allégation d'incompétence de l'avocat, même amplement démontrée, ne justifie une intervention que dans la mesure où l'appelant établit un lien entre cette incompétence et un déni de justice (art. 686(1)b)iii) C.cr.). En d'autres termes, en raison de la conduite blâmable de l'avocat, l'accusé doit avoir été privé de son droit à une défense pleine et entière ou à un procès juste et équitable. […]
Par voie de conséquence, il est logique pour la cour d'analyser d'abord le préjudice ou l'effet de la conduite de l'avocat sur l'équité du procès. Si la Cour arrive à la conclusion que ce préjudice est inexistant, toute discussion subséquente est superflue et inutile. Pourquoi alors discuter des motifs pour lesquels l'avocat de la défense n'a pas contre-interrogé la plaignante au sujet de ses antécédents judiciaires si, à la lumière de l'ensemble de la preuve et des plaidoiries, il s'avère qu'aucun préjudice n'a pu résulter de cette omission : R. c. Sauvé [1997 CanLII 12544 (BC C.A.), (1997), 121 C.C.C. (3d) 225 (C.A.C.-B.)]?
[29] L'avocat a, envers son client, une obligation de loyauté et de conseil. Ce dernier devoir porte sur l'existence, l'étendue et la réalisation des droits de son mandataire. Entre autres, « [l]'avocat doit exposer à son client de façon objective la nature et la portée du problème qui, à son avis, ressort de l'ensemble des faits qui ont été portés à sa connaissance et des risques inhérents aux mesures recommandées ». Dans le cadre de ses recommandations, l'avocat est évidemment soumis à une obligation de moyen et non de résultat. Cette distinction implique que lorsqu'il est saisi d'une situation factuelle dans laquelle l'application de certains principes juridiques est controversée, l'avocat ne peut garantir que son opinion est nécessairement la meilleure ou celle qui triomphera. Par contre, il doit exercer une diligence raisonnable et fonder sa position sur des bases légales acceptables. Le standard à appliquer est celui de l'avocat normalement prévoyant et diligent, possédant des connaissances ordinaires. Chaque situation est particulière et la Cour doit en faire l'examen individuel et dans son contexte.
[30] Le devoir de conseil signifie aussi que l'avocat doit reconnaître les limites de ses connaissances et décliner le mandat pour lequel il n'est pas qualifié (art. 3.01.01 du Code de déontologie des avocats). Le praticien doit aussi refuser ou annuler son mandat s'il cesse de croire son client. Il ne doit pas « se constituer juge de son client », (art. 3.03.04 du Code de déontologie des avocats), écrit le juge Proulx dans Delisle (précité).
[31] En raison de ses connaissances et de son expérience, l'avocat doit évaluer l'affaire du justiciable qui le consulte, lui faire des recommandations et proposer des choix stratégiques et tactiques. Toutefois, l'accusé reste maître de sa défense et en particulier sur les décisions essentielles comme celles de se faire entendre ou d'enregistrer un plaidoyer de culpabilité. Dans un commentaire, sur l'arrêt R. c. G.D.B., on peut lire au Kapoor's Criminal Appeals Review :
[para 28] As mentioned, there are fundamental matters upon which counsel should obtain instructions, such as whether the accused should testify. There should be a per se rule which deems a miscarriage of justice where those decisions were made without the clients instructions. After all, it is the accused's liberty that is at stake, not counsel's. Although counsel is presumptively skilled in law and litigation and, therefore, better able to assess tactical issues than an accused, the decisions to testify or plead guilty are the province of the client (decisions taken with the advice of counsel) and are not tactical decisions. When the client has no say in fundamental decisions the process cannot be said to be fair. It is hoped that the Court will endorse a per se rule in such circumstances, should the occasion arise.
[…]
[para 30] In GDB Justice Major notes that there are some instances where counsel must obtain instructions. The principle behind this requirement is that for certain matters litigants have the right to control their own litigation.
[para 31] Similarly where the client exerts control over the case by providing specific instructions, to not follow those instructions takes control away from the client. If counsel cannot live with the instructions (for example if the instructions are to conduct oneself in an unethical manner or in a manner which is at odds with counsel's advice on a fundamental issue) counsel should withdraw. In the era of representation of litigants by lawyers, the lawyer owes a duty of fidelity to the client that necessarily includes the obligation to follow instructions; that is, to not undermine the client's position. Therefore, once counsel has instructions and continues to act, those instructions must be faithfully followed. Anything less results in the client becoming a passive bystander who is unable to advance their desired position. This disenfranchisement of the client results in a process that is presumptively unfair. This is so regardless of the merits of the client's position. While the advice and talent of counsel is invaluable, ultimately it is the client's litigation. While the client may not always know best, it is the client who will go to jail if convicted and, therefore, their instructions must be respected. The client must have control over their own liberty.
[32] Je me permets en terminant de rappeler les trois principes qui doivent guider un tribunal saisi d'une question comme celle-ci, tels qu'exprimés par le juge Proulx dans Delisle :
En premier lieu, il n'est pas inutile de rappeler le principe bien connu de la stabilité des jugements, qui, tant en droit civil qu'en droit pénal, constitue une fin de non-recevoir, sauf circonstances exceptionnelles, à toute tentative d'une partie non satisfaite d'un jugement de vouloir obtenir une seconde chance en s'en prenant aux décisions ou aux conseils de son avocat en première instance.
En principe, la règle se retrouve dans plusieurs systèmes de droit qui reposent sur les mêmes valeurs fondamentales, « the State could not normally be held responsible for the actions or decisions of an accused's lawyer. It followed from the independence of the legal profession that the conduct of the defence was essentially a matter between the defendant and his representatives [La Cour Européenne des Droits de l'Homme dans Stanford c. U.K., Times Law Reports, March 8, 1994, cité dans Robert S. Shiels, «Current Topic: Blaming the Lawyer», [1997] Crim. L. R. 740, 744]».
En deuxième lieu, la moindre faute, la moindre maladresse, la plus petite erreur de jugement ou de stratégie ne saurait, en principe, permettre de faire réviser, ex post facto, la décision de l'avocat au bénéfice de la partie qui a échoué.
En troisième lieu, et je rejoins ici les considérations énumérées antérieurement, l'avocat dont la conduite est en cause doit avoir eu l'opportunité de s'expliquer. Une détermination judicieuse de la conduite d'un avocat requiert en effet de la cour d'appel de procéder avec déférence à un examen objectif et juste qui commande d'éviter le piège de l'« hindsight » de reconstituer le mieux possible les événements reliés à la conduite reprochée et enfin d'évaluer celle-ci dans la perspective de celui dont la conduite est en cause.
[35] Tant sur l'existence des erreurs de l'avocat que sur celle du préjudice, le fardeau de preuve, qui est celui de la prépondérance, repose sur les épaules de l'appelant.
[36] Cette approche comporte deux difficultés. La première, bien sûr, consiste à éviter l'écueil de la « sagesse rétrospective » contre laquelle la Cour suprême nous met en garde dans R. c. G.D.B., mais qui, dans une certaine mesure, est incontournable dès lors que l'on doit juger le comportement passé de l'avocat et évaluer son effet préjudiciable.
[37] L'autre difficulté réside dans l'analyse même à laquelle on doit procéder : il ne s'agit pas de se demander si l'avocat aurait pu faire mieux (ou si un autre avocat aurait fait mieux), mais plutôt de vérifier si sa conduite se situe dans la gamme des comportements répondant au standard « de l'avocat normalement prévoyant et diligent, possédant des connaissances ordinaires », pour reprendre les mots du juge Gendreau dans l'affaire Carignan, précitée, cet examen devant se faire de manière individuelle et contextualisée.
La défense d’erreur provoquée par une personne en autorité
Lévis (Ville) c. Tétreault; Lévis (Ville) c. 2629-4470 Québec inc., 2006 CSC 12, [2006] 1 R.C.S. 420
24 Selon l’opinion du juge en chef Lamer, cette défense constituait une exception limitée, mais nécessaire, à la règle selon laquelle l’ignorance de la loi ne saurait justifier la commission d’une infraction pénale :
L’erreur de droit provoquée par une personne en autorité existe à titre d’exception à la règle selon laquelle l’ignorance de la loi ne constitue pas une excuse. Comme il a été souligné dans plusieurs des affaires où cette règle a été analysée, la complexité des règlements actuels permet de présumer qu’un citoyen responsable ne peut raisonnablement avoir une connaissance approfondie du droit. Toutefois, cette complexité ne justifie pas le rejet d’une règle qui encourage les citoyens à devenir responsables et le gouvernement à rendre publiques les règles de droit, et qui constitue un fondement essentiel de la primauté du droit. La multiplicité des règlements est un motif qui permet de créer une exception limitée à la règle selon laquelle l’ignorance de la loi n’est pas une excuse.
(Jorgensen, par. 25)
25 Le juge en chef Lamer a assimilé cette défense à une excuse qui opère comme le moyen basé sur la provocation policière. Le caractère répréhensible de l’acte est établi. Cependant, le droit pénal se refuse à en imputer la responsabilité à son auteur en raison des circonstances qui l’ont produit. Le prévenu a droit alors à un arrêt des procédures plutôt qu’à un acquittement (Jorgensen, par. 37).
26 Après son analyse de la jurisprudence, le juge en chef Lamer définit les éléments constitutifs et les conditions d’ouverture de la défense. Il impose au prévenu l’obligation de démontrer la présence de six éléments :
(1) la présence d’une erreur de droit ou d’une erreur mixte de droit et de fait;
(2) la considération par son auteur des conséquences juridiques de l’acte accompli;
(3) le fait que l’avis obtenu provenait d’une personne compétente en la matière;
(4) le caractère raisonnable de l’avis;
(5) le caractère erroné de l’avis reçu;
(6) l’accomplissement de l’acte sur la base de cet avis.
(Jorgensen, par. 28-35)
27 Ce cadre d’analyse me paraît s’être imposé, bien que notre Cour ne se soit pas exprimée à son sujet dans l’arrêt Jorgensen. Ainsi, cette méthode a été employée par des cours d’appel provinciales pour étudier et appliquer la défense d’erreur causée par une personne en autorité (R. c. Larivière 2000 CanLII 8295 (QC C.A.), (2000), 38 C.R. (5th) 130 (C.A. Qué.); Maitland Valley Conservation Authority c. Cranbrook Swine Inc. 2003 CanLII 41182 (ON C.A.), (2003), 64 O.R. (3d) 417 (C.A.)). (...)
24 Selon l’opinion du juge en chef Lamer, cette défense constituait une exception limitée, mais nécessaire, à la règle selon laquelle l’ignorance de la loi ne saurait justifier la commission d’une infraction pénale :
L’erreur de droit provoquée par une personne en autorité existe à titre d’exception à la règle selon laquelle l’ignorance de la loi ne constitue pas une excuse. Comme il a été souligné dans plusieurs des affaires où cette règle a été analysée, la complexité des règlements actuels permet de présumer qu’un citoyen responsable ne peut raisonnablement avoir une connaissance approfondie du droit. Toutefois, cette complexité ne justifie pas le rejet d’une règle qui encourage les citoyens à devenir responsables et le gouvernement à rendre publiques les règles de droit, et qui constitue un fondement essentiel de la primauté du droit. La multiplicité des règlements est un motif qui permet de créer une exception limitée à la règle selon laquelle l’ignorance de la loi n’est pas une excuse.
(Jorgensen, par. 25)
25 Le juge en chef Lamer a assimilé cette défense à une excuse qui opère comme le moyen basé sur la provocation policière. Le caractère répréhensible de l’acte est établi. Cependant, le droit pénal se refuse à en imputer la responsabilité à son auteur en raison des circonstances qui l’ont produit. Le prévenu a droit alors à un arrêt des procédures plutôt qu’à un acquittement (Jorgensen, par. 37).
26 Après son analyse de la jurisprudence, le juge en chef Lamer définit les éléments constitutifs et les conditions d’ouverture de la défense. Il impose au prévenu l’obligation de démontrer la présence de six éléments :
(1) la présence d’une erreur de droit ou d’une erreur mixte de droit et de fait;
(2) la considération par son auteur des conséquences juridiques de l’acte accompli;
(3) le fait que l’avis obtenu provenait d’une personne compétente en la matière;
(4) le caractère raisonnable de l’avis;
(5) le caractère erroné de l’avis reçu;
(6) l’accomplissement de l’acte sur la base de cet avis.
(Jorgensen, par. 28-35)
27 Ce cadre d’analyse me paraît s’être imposé, bien que notre Cour ne se soit pas exprimée à son sujet dans l’arrêt Jorgensen. Ainsi, cette méthode a été employée par des cours d’appel provinciales pour étudier et appliquer la défense d’erreur causée par une personne en autorité (R. c. Larivière 2000 CanLII 8295 (QC C.A.), (2000), 38 C.R. (5th) 130 (C.A. Qué.); Maitland Valley Conservation Authority c. Cranbrook Swine Inc. 2003 CanLII 41182 (ON C.A.), (2003), 64 O.R. (3d) 417 (C.A.)). (...)
Les éléments constitutifs de l'infraction d’abus de confiance par un fonctionnaire
R. c. Boulanger, 2006 CSC 32, [2006] 2 R.C.S. 49
Lien vers la décision
58 Je conclus qu’il y aura preuve d’abus de confiance par un fonctionnaire lorsque le ministère public aura prouvé hors de tout doute raisonnable les éléments suivants :
1. l’accusé est un fonctionnaire;
2. l’accusé agissait dans l’exercice de ses fonctions;
3. l’accusé a manqué aux normes de responsabilité et de conduite que lui impose la nature de sa charge ou de son emploi;
4. la conduite de l’accusé représente un écart grave et marqué par rapport aux normes que serait censé observer quiconque occuperait le poste de confiance de l’accusé;
5. l’accusé a agi dans l’intention d’user de sa charge ou de son emploi publics à des fins autres que l’intérêt public, par exemple dans un objectif de malhonnêteté, de partialité, de corruption ou d’abus.
Lien vers la décision
58 Je conclus qu’il y aura preuve d’abus de confiance par un fonctionnaire lorsque le ministère public aura prouvé hors de tout doute raisonnable les éléments suivants :
1. l’accusé est un fonctionnaire;
2. l’accusé agissait dans l’exercice de ses fonctions;
3. l’accusé a manqué aux normes de responsabilité et de conduite que lui impose la nature de sa charge ou de son emploi;
4. la conduite de l’accusé représente un écart grave et marqué par rapport aux normes que serait censé observer quiconque occuperait le poste de confiance de l’accusé;
5. l’accusé a agi dans l’intention d’user de sa charge ou de son emploi publics à des fins autres que l’intérêt public, par exemple dans un objectif de malhonnêteté, de partialité, de corruption ou d’abus.
lundi 11 octobre 2010
Les conditions d'application de la légitime défense
R. c. Hebert, [1996] 2 R.C.S. 272
23 En toute déférence, je ne suis pas d'accord avec sa conclusion que les directives du juge du procès sur ce point étaient inadéquates. Le paragraphe 34(1) prévoit un moyen de défense particulier contre des voies de fait causant des lésions corporelles graves. Ce moyen de défense ne peut toutefois être employé que si toutes les conditions énumérées dans ce paragraphe sont remplies. Voir par exemple R. c. Kandola 1993 CanLII 774 (BC C.A.), (1993), 80 C.C.C. (3d) 481 (C.A.C.‑B.). Le jury doit en fait être convaincu que chaque élément du moyen de défense existe. Ainsi, pour que le moyen de défense soit accepté, le jury doit avoir un doute raisonnable quant à l'existence de tous les éléments du moyen de défense. C'est‑à‑dire (i) l'accusé a été attaqué illégalement; (ii) l'accusé n'a pas provoqué l'attaque; (iii) l'accusé a employé la force sans intention de causer la mort ni des lésions corporelles graves; et (iv) l'accusé n'a employé que la force nécessaire pour repousser l'attaque. Le juge du procès a eu raison de dire que la défense ne réussirait que si un doute raisonnable était soulevé à l'égard de tous ces éléments.
23 En toute déférence, je ne suis pas d'accord avec sa conclusion que les directives du juge du procès sur ce point étaient inadéquates. Le paragraphe 34(1) prévoit un moyen de défense particulier contre des voies de fait causant des lésions corporelles graves. Ce moyen de défense ne peut toutefois être employé que si toutes les conditions énumérées dans ce paragraphe sont remplies. Voir par exemple R. c. Kandola 1993 CanLII 774 (BC C.A.), (1993), 80 C.C.C. (3d) 481 (C.A.C.‑B.). Le jury doit en fait être convaincu que chaque élément du moyen de défense existe. Ainsi, pour que le moyen de défense soit accepté, le jury doit avoir un doute raisonnable quant à l'existence de tous les éléments du moyen de défense. C'est‑à‑dire (i) l'accusé a été attaqué illégalement; (ii) l'accusé n'a pas provoqué l'attaque; (iii) l'accusé a employé la force sans intention de causer la mort ni des lésions corporelles graves; et (iv) l'accusé n'a employé que la force nécessaire pour repousser l'attaque. Le juge du procès a eu raison de dire que la défense ne réussirait que si un doute raisonnable était soulevé à l'égard de tous ces éléments.
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