jeudi 28 janvier 2010

État du droit relatif à l'infraction de méfait public

R. c. C.B., 2006 QCCQ 12806 (CanLII)

[31] Les éléments essentiels de l'infraction sont:

1) avoir amené un agent de la paix à commencer ou à continuer une enquête;

2) en faisant une fausse déclaration;

3) avec l'intention de tromper;

4) parmi les infractions concernées, il y a celle qu'une autre personne a commise (...)

[32] Les Tribunaux ont reconnu que l'infraction de l'article 140 du Code criminel comporte deux éléments:

A) L'ACTUS RÉUS

L'actus réus de l'infraction de méfait public est la transmission de la fausse information;

La preuve doit démontrer hors de tout doute raisonnable qu'une déclaration a été faite et que cette déclaration est fausse.

La Cour d'appel du Québec s'exprime ainsi:

« Il va bien sûr de soi que l'inculpation d'avoir rapporté… qu'une infraction a été commise quand elle ne l'a pas été impose à la poursuite d'établir qu'…elle ne l'a pas été et non pas à l'accusé de faire voir qu'elle l'a été ». Juge Vallerand

Parmi les éléments substantifs du crime reproché, l'un des plus importants sinon le plus important qui devait être prouvé, est sans aucun doute le fait que la déclaration faite par l'appelante était fausse. Elle ne pouvait être fausse de toute évidence que si, de facto, l'automobile de l'appelant n'avait pas été volée ». Juge Richard

B) LA MENS REA

Suivant les enseignements de la doctrine et de la jurisprudence, l'utilisation d'un vocable tel que dans l'intention de créer une infraction d'intention spécifique. L'auteur Hugues Parent écrit:

« L'intention spécifique complète l'action principale en ajoutant à celle-ci la poursuite d'un but ultérieur. Dans ce cas, il ne suffit pas que l'accusé accomplisse l'action qui sous-tend l'élément matériel du crime, mais encore faut-il qu'il souhaite atteindre un but spécifique, un résultat qui excède l'accomplissement de l'acte à la source de l'infraction.

[33] Le fardeau de la partie poursuivante est donc de prouver hors de tout doute raisonnable:

- que l'information transmise est fausse (fausse accusation);

mais en plus:

- que celle-ci a été faite dans l'intention de tromper et que cette intention existait lors de la commission de l'injustice

mercredi 27 janvier 2010

Plusieurs décisions traitant de la détermination de la peine concernant l'infraction de voies de fait causant des lésions corporelles

R. c. Tajer, 2007 CanLII 56768 (QC C.M.)

[37] La poursuite a soumis les arrêts suivants au soutien de sa recommandation :

1. La Reine c. Stymiest [2002] N.B.J. nº 101 (N.B.Q.B.)
Accusé 23 ans; antécédents de vols; comportement non caractéristique de l’accusé; nombreux coups de poing au visage victime; reconnaissance par accusé de sa faute, plaidoyer culpabilité. Victime, nez, os joue gauche et orbite gauche fracturés, chirurgie et hospitalisation requise; pas de séquelle permanente; accusé bon travailleur.
Sentence : 6 mois de prison assortis d’une probation de 18 mois.

2. La Reine c. Punnen (2004), 59 W.C.B. (2d) 313 (C.A. Ont.)
Accusé 20 ans; victime et accusé sous l’effet de l’alcool; support familial; plaidoyer culpabilité, accusé était en bris de condition au moment infraction; coups de poing et de pied à la victime; causes pendantes; accusé pensait que la victime l’avait volé; victime a souffert œil tuméfié, coupure près sourcil et diverses éraflures au coude et côté droit du torse.
Sentence : 5 mois et demi de prison tenant compte de 7 jours de détention préventive.

3. La Reine c. Taylor (1992) 16 W.C.B. (2d) 439 (C.A. Alta)
Accusé chauffeur taxi; sans antécédent judiciaire; bon employé; au Canada depuis 4 ans; victime client taxi ne veut pas payer sa course; accusé frappe victime avec barre de fer; victime dents cassées et cicatrices permanentes au visage.
Sentence : 9 mois de prison assortis d’une probation de 18 mois.

4. La Reine c. Lantin (17 mai 2006), dist. de Terrebonne 700-01-056085-056 (C.Q.)
Accusé père de 2 enfants; sans antécédent judiciaire; accusé frappe la victime de plusieurs coups au visage et au corps; blessures œil droit, nez et bouche; problèmes permanents de sensibilité aux dents; maux de tête et nausées récurrents; aucun remord exprimé; violence gratuite suite à une histoire de neige entre voisins; perte de contrôle.
Sentence : 3 mois de prison assortis d’une probation de 3 ans avec dédommagement.

5. La Reine c. Khan (19 janvier 2000) dist. de Vancouver (B.C.S.C.)
Accusé 27 ans; 1 antécédent culture canabis; victime flatte chien de l’amie de cœur de l’accusé; jalousie; coup de poing arrière tête victime; victime tombe; accusé donne deux coups de pied à la tête de la victime; victime souffre commotion; points de suture à la tête; lettres support pour accusé d’employeur et famille; remords accusé.
Sentence : 9 mois de prison.

6. La Reine c. Bunka (28 septembre 2004) dist. de Courtenay (B.C. Prov. Ct)
Accusé 21 ans; rapport présentenciel défavorable, antécédents juvéniles autre nature; procès; victime mâchoire fracturée, dentition affectée; attaque non provoquée dans un café; pas de remord; 1re infraction adulte.
Sentence : 6 mois de prison assortis probation 18 mois.

7. La Reine c. Agalou (27 juin 2001) dist. de Westminster (B.C. prov. Ct)
Accusé jeune; sans antécédent judiciaire; individu de bon caractère; lettres de support de ses employeurs, amis et école; rapport présentenciel très positif; incident se déroule dans un Palais de justice; accusé frappe sans avertissement un avocat; perte de contrôle momentané; remords exprimés; victime souffre œil tuméfié, nez et lèvres enflés, coupure à l’intérieur de la bouche et une dent cassée; lacération du cuir chevelu.
Sentence : 60 jours de prison assortis d’une probation 1 année. Ordre de dédommagement.

[38] La défense quant à elle produit les arrêts suivants au soutien de sa recommandation :

1. La Reine c. Craig (23-03-2000) Cour du Québec
Accusé 43 ans; policier; effets néfastes condamnation sur sa carrière; plaidoyer culpabilité; gifle au visage victime, accusation de voies de fait simple; pas de lésion; dossier disciplinaire vierge, déclaration sommaire de culpabilité; effectué don de 400,00 $ avant sentence.
Sentence : absolution conditionnelle, probation période de 30 jours.

2. La Reine c. Tremblay-Gagné (07-05-2003) Cour du Québec
Accusé 19 ans; plaidoyer culpabilité, victime pousse et frappe accusé qui revient à la charge et donne un coup de poing au visage victime; victime perd conscience; os de la joue fracturée, diminution partielle et permanente vision pour la victime; geste spontané, répercussions d’une condamnation sur son emploi; accusé n’a pas d’antécédent judiciaire.
Sentence : absolution conditionnelle, probation de 6 mois.

3. La Reine c. Kamal (01-06-2006) Cour municipale de la Ville de Montréal
Accusé âgé 26 ans; emploi stable; étudiant sérieux; étudie pour devenir ingénieur; procès; sans antécédent judiciaire; coups de poing au visage victime; histoire anodine de déneigement; dommages causés aux dents et à la mâchoire de la victime, condamnation peut affecter sa carrière.
Sentence : absolution conditionnelle, probation durée 1 année.

4. La Reine c. Sagesse (02-03-2006) Cour supérieure du Québec
Accusée ex-épouse victime; se présente chez victime afin d’avoir de l’argent pour acheter nourriture à ses enfants; accusée frappe victime au visage et au corps; résultat trois égratignures, plaidoyer culpabilité; sans antécédent judiciaire; étudie temps plein comme infirmière, travaille à temps partiel; condamnation pourrait nuire à sa future carrière.
Sentence : absolution conditionnelle, probation durée 1 année.

5. La Reine c. Perreault (31-03-2003) Cour supérieure du Québec
Accusé âgé 47 ans; procès; responsabilités familiales; emploi stable; aucun antécédent judiciaire; blessures à la victime constituées de quelques ecchymoses; coups échangés entre victime et accusé suite altercation de la route; condamnation nuirait au travail accusé et à la nécessité pour lui de se rendre aux États-Unis pour son travail.
Sentence : absolution conditionnelle; probation durée 6 mois.

6. La Reine c. F.M. (16 novembre 2006) Cour municipale de Laval
Accusé; antécédent voies de fait pour lequel il a reçu une absolution; étudie en droit; voies de fait commis sur sa conjointe; claque au visage, marques au visage et enflure œil droit; agent immobilier agréé; transactions futures aux États-Unis; pas remords; conséquences négatives sur sa carrière d’avocat, conséquences sur son emploi en regard de ses déplacements futurs à l’extérieur du pays.
Sentence : absolution conditionnelle, probation durée 1 an.

7. La Reine c. Chen (04-10-2005) Cour municipale de la Ville de Montréal
Accusé 23 ans; plaidoyer de culpabilité; pas d’antécédent judiciaire; soutien financièrement ses parents; ingénieur dans le domaine de l’optique; condamnation empêcherait défendeur de se rendre à l’extérieur du pays; conséquences sur son emploi qui requiert de tels déplacements; geste non prémédité, rapport présentenciel très favorable; victime donne mauvaise impression au Tribunal; remords; Tribunal retient provocation victime.
Sentence : absolution inconditionnelle.

[41] La lecture de ces arrêts nous montre que, pour des causes se rapprochant sensiblement du présent dossier, les sentences prononcées varient, selon les circonstances de l’absolution conditionnelle à un emprisonnement de 6 mois.

[42] Cette grande variation de sentence nous indique l’importance que prennent les circonstances particulières de chaque dossier et les caractéristiques personnelles de chaque défendeur dans la fixation d’une sentence juste.

[43] Toutefois, cette lecture nous permet tout de même de constater que les tribunaux imposent généralement l’emprisonnement pour ce type d’infraction lorsque la victime a subi des lésions sérieuses à moins que d’autres circonstances ou faits du dossier ne militent en faveur d’une autre forme de sentence.

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Autres décisions considérées
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1. La Reine c. Wales, [1987] B.C.J. no 2680 (B.C.C.A.)
Sentence : 30 jours de prison à être purgé de façon discontinue.
Accusé âgé 19 ans, père est co-accusé, pas antécédent judiciaire, victime œil tuméfié, saignement du nez et fracture os de la joue; victime avait volé une somme argent à l’accusé; plaidoyer culpabilité.

2. La Reine c. Penney, [1987] N.J. No 438 (N.S.C.T.)
Sentence : Sentence suspendue et probation 1 an.
Accusé âgé 24 ans; sous influence alcool, plusieurs claques au visage victime; nez fracturé, geste inhabituel pour défendeur; rapport présentenciel favorable; bon employé; remords.

3. La Reine c. Heeg, [1986] S.J. no 760 (Sask. C.A.)
Sentence: 30 jours de prison.
Accuse âgé 27 ans, 1 antécédent judiciaire non relié à la violence, partie de hockey amateur, coup de bâton, nez fracturé.

4. La Reine c. Price, [1986] B.C.J. no 2645 (B.C.C.C.)
Sentence: 4 mois de prison et probation 1 an.
Accusé a déjà antécédents avec violence, coups de poing et coups de pied en regard de deux victimes; co-accusé a reçu 60 jours de prison, car pas d’antécédent de violence.

5. La Reine c. White, 6 W.C.B. (2d) 271 (N.S.C.T.)
Sentence : 6 mois de prison.

6. La Reine c. Adams, [1988] A.J. no 814 (Alta. C.A.)
Sentence: 4 mois de prison et probation 8 mois.
Accusé âgé 22 ans; blessures victime mais complètement guérie; remords exprimés, victime belle-sœur enceinte 3 mois mais accusé ignorait ce fait, pas d’antécédent judiciaire avec violence.

7. La Reine c. Klaiber, [1988] A.J. no 567 (Alta. C.A.)
Sentence: amende 1 200,00 $.
Accusé sans antécédent avec violence, attaque sans provocation, victime subit dommages à sa dentition et blessure à un oeil; Cour d’appel aurait imposée une longue période d’incarcération si l’accusé avait eu un antécédent avec violence.

8. La Reine c. Ellis, [1991] A.J. no 161 (Alta. C.A.)
Sentence : 1 jour de prison et probation 1 an.
Accusé à la suite de fausses informations reçues de son épouse frappe la victime au visage; victime souffre enflures de la joue, du front et d’une lèvre; également coupure sur le nez et celui-ci brisé; pas antécédent judicaire.

9. La Reine c. Riley, [1991] N.S.J. no 64 (N.S.C.A.)
Sentence : 3 mois de prison.
Accusé a un dossier criminel; incidents arrivent au cours d’une fête; coups de pied; victime souffre nez brisé, oeil tuméfié et a une coupure; sentence aurait dû être plus sévère donc appel ne peut être accueilli.

10. La Reine c. Ludvigson, [1990] B.C.J. no 695 (B.C.C.A.)
Sentence : 6 mois de prison
Accusé 19 ans, co-accusé retenait la victime; il frappe la victime a plusieurs reprises; un antécédent d’introduction par effraction; victime 16 ans; victime a eu nez brisé, les deux yeux tuméfiés; plusieurs coupures au visage et tout son corps a des égratignures dues à sa fuite à travers des arbustes; accusé en probation au moment infraction.

11. La Reine c. Whittaker, [1989] A.N.-B. no 1010 (C.A.N.B.)
Sentence: Temps purgé (18 avril 1989 - 14 novembre 1989) et probation 2 ans.
Accusé âgé 19 ans, 2 antécédents de vol; victime tombée par terre, accusé donne deux coups de poing sur œil. Plaie béante. Sentence 1 an de prison réduite; appel accueilli.

12. La Reine c. Ramsay, [1989] P.E.I.S. no 103 (P.E.I.S.C.)
Sentence: 5 mois de prison et probation 1 an.
Accusé a un antécédent méfait; comportement inhabituel pour accusé; remords exprimés; victime trop ivre pour se battre; victime a souffert plusieurs coupures et égratignures au visage, œil gauche enflé; coups de pied au visage alors que victime est au sol.

13. La Reine c. Zhang, [1992] O.J. no 597 (O.C.J.)
Sentence : Absolution conditionnelle et probation 1 an.
Accusé âgé 20 ans; pas antécédent judiciaire; victime et accusé co-employés; une première escarmouche est survenue entre victime et accusé; accusé a la lèvre fendue; plus tard les parties se rencontrent à nouveau; nouvelle escarmouche; victime subie une longue coupure au-dessus oeil gauche; accusé statut résidant avec visa qui expire en 1992; il étudie anglais, bon étudiant; bon employé; condamnation peut mettre sa présence au Canada en danger; le degré de violence n’est pas élevé.

14. La Reine c. Faubert, [1991] S.J. no 112 (Sask. C.A.)
Sentence : 3 mois de prison et probation 18 mois.
Accusé âgé 27 ans; après partie hockey amateur accusé intoxiqué frappe avec un verre un inconnu; victime a des blessures aux lèvres et à la bouche; victime devra subir chirurgie plastique; nerf atteint insensibilité à une partie du visage victime; accusé bon employé; ivre au moment de l’incident; 2 antécédents juvéniles, l’un pour méfait, l’autre pour vol; 1 antécédent de facultés affaiblies; accusé a remboursé dommages; prise de conscience de ses fautes.

15. La Reine c. Charette, 70 W.C.B. (2d) 74 (N.-B. Q.B.)
Sentence : 1 mois de prison et dédommagement.
Accusé policier, victime agressive, policier frappe victime au visage causant la perte d’un bout de dent; victime demande copie de la vidéo; plus tard policier efface bande vidéo; accusé d’entrave justice également, défendeur se voit imposer 1 an de prison pour l’entrave; accusé a donné sa démission de son emploi.

16. La Reine c. Vitanza, [2005] O.J. no 3173 (O.S.C.J.)
Sentence : Sursis 4 mois et probation 1 an.

17. La Reine c. Wiltshire, [2004] O.J. no 4554 (O.S.C.J.)
Sentence: Absolution inconditionnelle
Appel d’une sentence suspendue avec probation 1 an; circonstances particulières; accusé voit son jeune fils assis avec son ex-conjointe et son ami de cœur à ce moment il y avait des scènes de nu à la télévision; accusé pénètre maison pour retirer son fils de cet endroit; 1 coup de poing donné au visage victime, 2 dents de la victime sont devenues plus mobiles à la suite du coup et la victime a saigné.

18. La Reine c. Myers, 55 W.C.B. (2d) 631 (M.P.Ct.)
Sentence : Sursis de 6 mois.
Accusé plaide coupable; remords; emploi régulier; sous influence alcool lors infraction, infraction se déroule lors d’un événement sportif; victime spectateur; accusé attaque victime avec un groupe d’amis; victime a souffert commotion, des éraflures au visage et diverses coupures; accusé sous cautionnement lors de l’infraction.

19. La Reine c. Wiebe, [2001] S.J. no 498 (S.K.Q.B.)
Sentence: Amende 500,00 $.
Accusé et victime font connaissance dans un camping, ils boivent de l’alcool; à un certain moment accusé fait une prise de tête à la victime qui perd momentanément conscience, sa cheville se brise; victime venait d’être opéré pour cette cheville; victime souffre de douleur au cou et au dos et de façon aiguë à la cheville; demande absolution refusée.

20. La Reine c. Clarke, 158 C.C.C. (3d) 60 (Cour d’appel Terre-Neuve)
Sentence : 3 mois de prison et probation 2 ans.
Accusé possède un antécédent de voies de fait et un d’entrave à un policier; coup de poing au visage victime; victime a dû subir opération d’urgence pour sauver sa vision à l’œil droit; on a inséré des plaques de métal pour sa joue fracturée; il devra y avoir de la chirurgie plastique pour diverses marques au visage; accusé copropriétaire d’un « bar ».

21. La Reine c. Sweeney, [2001] O.J. no 1899 (O. Ct. J.)
Sentence : Absolution conditionnelle et probation 1 an.
Accusé n’a pas antécédent, rapport présentenciel très favorable; aucun risque de récidive, répercussions d’une condamnation sur son travail; accusé donne un coup de poing à la victime; celle-ci tombe au sol; défendeur frappe le défendeur avec son pied à quelques reprises; blessures décrites comme sérieuses mais aucune description détaillée.

22. La Reine c. Hobbs, [1999] N.J. no 194 (Nfld S. Ct.)
Sentence : Amende 700,00 $, probation 1 an et dédommagement.
Accusé plaide coupable, effets d’une condamnation à l’emprisonnement sur son travail pris en compte, accusé frappe victime; celle-ci tombe au sol; accusé donne coups de pied à la figure et autres parties du corps de la victime; coupure nécessitant 7 points de suture au-dessus œil gauche; marques aux bras et au dos victime; attaque non provoquée; il y a lieu de penser que le défendeur n’a pas d’antécédent judiciaire.

23. La Reine c. Jimenez, [1999] O.J. no 1847 (O. Ct. J.)
Sentence : Absolution conditionnelle, probation 6 mois, ordonnance de dédommagement 5 059,01 $.
Accusé âgé 23 ans; statut résident permanent au Canada, déclaration sommaire de culpabilité, acte non représentatif de l’accusé, pas d’antécédent, accusé a donné un coup de poing au visage de la victime; victime femme; accusé marié, a un enfant de 3 ans, carrière prometteuse dans le baseball professionnel; dentition victime nécessitera des traitements, rapport présentenciel très favorable; appel accueilli de la sentence de 8 mois de prison prononcée.

24. La Reine c. Gerbrandt, [1998] S.J. no 828 (S.C.Q.B.)
Sentence : Sentence suspendue, probation 6 mois.
Accusé âgé 18 ans; pas antécédent judiciaire adulte; 3 antécédents juvéniles non reliés; échange de coups avec victime; victime tombe au sol accusé donne alors 3 ou 4 coups de poing; victime mâchoire fracturée; plaidoyer culpabilité, remords; procédures sommaires; accusé sous influence alcool; victime responsable en partie de l’incident; bien que sentence est clémente elle n’est pas déraisonnable.

25. La Reine c. Vandervalle, [1998] O.J. no 5312 (O. Ct. J.)
Sentence : Absolution conditionnelle; probation 1 an avec don 1 000,00 $.
Accusé âgé de 25 ans, pas antécédent judicaire, camionneur, risque sérieux pour son emploi si condamnation car doit faire des transports aux États-unis, provocation de la victime; accusé donne quelques coups de poing au visage victime, la victime a les 2 yeux tuméfiés et le nez enflé.

26. La Reine c. Arpin, [1998] P.E.I.J. no 56 (P.E. I.S. Ct.)
Sentence : Sentence suspendue, probation 1 an.
Accusé âgé 18 ans, pas antécédent judiciaire adulte, dossier criminel juvénile, accusé prend main de la victime et la tord, 1 os de la main est fracturé, Tribunal considère que les actions de la victime ont contribué à l’infraction.

27. La Reine c. Dupont, [1997] B.C.J. no 2018 (B.C.C.A.)
Sentence : Temps purgé (soit environ 6 semaines) et probation 1 an.
Accusé âgé 18 ans; pas antécédent judiciaire; appel d’une sentence de 9 mois de prison et probation 1 an; geste inhabituel pour accusé; beaucoup remords, attaque menée par accusé et ami; l’ami a été particulièrement celui qui a donné des coups, accusé sous influence alcool; victime a souffert fracture orbite d’un œil, trouble temporaire de la vision, nez fracturé, blessure à la mâchoire et 6 dents de brisées.

28. La Reine c. Mackenzie, [1997] N.S.J. no 150 (N.S. S. Ct.)
Sentence : 6 mois de prison.
Appel sentence de sursis de 90 jours, accusé est étudiant, 2 antécédents de violence, victime sépare bataille entre deux femmes; attroupement de 20 personnes autour de ces femmes; la victime quitte pour s’en aller; reçoit bouteille de bière à l’arrière de la tête; victime tombe par terre, le groupe dont fait partie l’accusé tabasse la victime au sol; victime a eu os bas de la jambe fracturé, cheville disloquée, nez brisé, œil tuméfié, blessures aux côtes; victime a encore douleur à la jambe; Tribunal trouve très clémente la demande d’emprisonnement de 4 à 6 mois faite par la couronne; Tribunal considère accusé aussi responsable que toutes les autres personnes qui ont frappé la victime.

29. La Reine c. Curtis, [1996] S.J. no 343 (Sask. C.A.)
Sentence : Sentence suspendue avec probation 2 ans comprenant 30 jours d’emprisonnement à domicile ou sursis de 30 jours avec probation de 2 ans. Le dispositif ne ressort pas clairement de l’arrêt.
Accusé âgé 20 ans; employé temps plein sur ferme; aide son père aux travaux de la ferme; pas antécédent judicaire; aide financièrement son père; aucun détail sur blessure victime; accusé a donné coups de pied alors victime au sol.

30. La Reine c. Carroll, [1995] B.C.J. no 365 (B.C.C.A.)
Sentence : Absolution conditionnelle et probation 6 mois.
Accusé âgé 42 ans, pas antécédent judiciaire, a travaillé dans le domaine de la finance mais est actuellement sans emploi; se cherche du travail dans ce domaine; individu de bon caractère; incident arrive au cours d’une partie de soccer; accusé donne un coup de tête à la victime, ce geste endommage 3 dents; elles n’ont pu être sauvées; condamnation empêcherait accusé de se trouver un emploi dans le domaine de la finance

31. La Reine c. Dasilva, [1995] O.J. no 644 (O. Ct.J.)
Sentence : 3 mois de prison.
Accusé et son père suite à une altercation avec la victime lui donnent plusieurs coups de poing et quelques coups de pied; nature des blessures à la victime sont inconnues à la lecture de l’arrêt; accusé a 2 antécédents pour ne pas s’être conformé à un ordre d’une Cour; il est concierge; rapport présentenciel neutre.

32. La Reine c. Thornington, [1995] B.C.J. no 498 (B.C.C.A.)
Sentence: 90 jours de prison servis de façon discontinue.
Appel d’une sentence de 5 mois de prison, Cour d’appel considère sentence adéquate au moment imposition sauf que nouvelles preuves devant Cour d’appel; accusé croyant qu’une personne a touché à la poitrine de sa fiancée, coups de poing donnés au visage victime, juge a retenu que la cheville brisée est la résultante de la chute de la victime suite aux coups de poing, victime a la cheville brisée, tympan perforé, trouble de vision, nerfs facial endommagé, os de l’orbite écrasé; accusé bon travailleur; fille âgée de 3 ans; suivi un programme sur le contrôle de la colère; épouse malade, petit dossier criminel n’impliquant pas de violence; perdra son emploi si purge une peine de 5 mois de prison; remords.

33. La Reine c. Grant, [1995] A.J. no 148 (Alta C.A.)
Sentence : 1 jour de prison et amende 2 000,00 $.
Accusé est policier; utilise poivre de cayenne sur victime qui est détenue pour infraction facultés affaiblies; accusé ne nettoie pas la victime; victime a souffert temporairement des yeux; plaidoyer culpabilité.

34. La Reine c. Swenson, 91 C.C.C. (3d) 541 (Sask. C.A.)
Sentence : Sentence suspendue, probation 1 an, dédommagement 1 200,00 $.
Accusé «bouncer» dans un bar; pas antécédent; accusé intervient auprès victime dans le cadre de son travail; accusé prend victime par le cou et la gorge et l’entraîne à ’extérieur rendu à cet endroit il la laisse tomber au sol; victime a diverses égratignures au front, des lacérations au front et a perdu 7 dents. Ces dommages semblent être survenus lorsque la victime est tombée au sol; Cour d’appel révise la sentence de 6 mois de prison; Cour remarque que l’accusé agissait dans le cadre de son travail suite à un début de bagarre; Cour prend acte du geste qui a conduit aux blessures.

35. La Reine c. Gallant, [1994] M.J. no 354 (Man. C.A.)
Sentence : 7 mois et probation 1 an.
Appel d’une sentence de 2 ans de prison et probation 2 ans; accusé âgé 21 ans; pas antécédent judiciaire; accusé et 2 amis perçoivent un passant comme étant homosexuel. Il décide de le tabasser; victime est traité comme patient en externe à l’hôpital; l’arrêt ne spécifie pas la nature des blessures subies; remords exprimés, la Cour prend en considération l’âge et l’absence de dossier criminel et révise la sentence.

36. La Reine c. Opekokew [1994] S.J. no 310 (Sask. C.A.)
Sentence: 90 jours de prison discontinus, probation 1 an, dédommagement 2 000,00 $.
Accusé plaide coupable; appel sentence suspendue; accusé a 2 antécédents de voies de fait; la lecture de l’arrêt semble indiquer que l’accusé est membre d’une communauté autochtone, accusé a entrepris régler problème d’alcool, suivi également programme pour contrôler sa colère; incident survient lors partie de hockey; victime est un arbitre; victime expulse accusé; accusé le met en échec au visage avec son bâton, donne également un coup de poing; père de 2 enfants; victime a 2 dents brisées et des coupures mineures; sentence révisée.

37. La Reine c. Cormier [1994] N.S.J. no 150 (N.S.C.A.)
Sentence : 6 mois de prison et probation de 2 ans.
Appel d’une sentence suspendue; accusé âgé 18 ans; plaidoyer culpabilité pas d’antécédent judiciaire; support famille de son amie de coeur; accusé avec 2 amis dans un autobus commettent un méfait; victime leur dit d’avoir du respect pour les gens et de ne pas briser propriété publique; victime est de petite taille, accusé grande taille ainsi que ses amies; le groupe commence à importuner la victime; celle-ci quitte l’autobus; le groupe le suit; victime demande à être laissée tranquille, ami frappe victime; victime perd ses lunettes; amis poussent victime avec leur pied; accusé donne coup de poing sur côté visage victime; amis frappent encore la victime; une dame se porte au secours victime; victime a eu le nez fracturé, les 2 yeux tuméfiés et des maux de tête; geste inhabituel pour accusé; sentence révisée.

38. La Reine c. Dayle, [1993] P.E.I.J. no 66 (P.E.I. C.A.)
Sentence : 5 mois de prison, probation 18 mois, dédommagement de 1 000,00 $.
Accusé âgé 37 ans, plaidoyer de culpabilité, pas antécédent judiciaire; accusé assume sa responsabilité, victime est une femme qui travaille dans un autre magasin d’un centre d’achat où l’accusé travaille; incident se déroule dans le stationnement; accusé étrangle victime par l’arrière et par la suite lui donne 4 à 5 coups de poing dans la région du visage; victime a souffert d’un nez fracturé, d’hématomes au-dessus du nez, sous son oeil gauche et sur le menton; elle a également eu une côte brisée.

39. La Reine c. Dunne, [1993] A.J. no 193 (Alta. C.A.)
Sentence : 90 jours de prison à purger de façon discontinue.
Accusé membre des Forces Armées; prend taxi avec des amis; le chauffeur demande au groupe de sortir car interdit de fumer; alors chauffeur met son bras à l’arrière pour faire signe de sortir; accusé tire sur le bras; par la suite accusé menace verbalement le chauffeur; victime souffre épaule disloquée; accusé a démissionné des Fores Armées; pas antécédent judiciaire.

40. La Reine c. Hrehirchuk, [1992] M.J. no 430 (Man. C.A.)
Sentence: Amende 500,00 $, probation 6 mois, dédommagement 200,00 $.
Accusé joueur hockey junior; jeune; pas antécédent judiciaire, bonne réputation dans la communauté; incident se déroule au cours de la partie au moment où des bagarres éclatent; accusé et un co-équipier s’en prennent au gardien adverse; victime a eu 2 yeux tuméfiés et a perdu ses verres de contact; plaidoyer culpabilité.

41. La Reine c. Weare, [2004] O.J. no 2678 (O.S. Ct. J.)
Sentence: 30 jours de prison à être servis de façon discontinue.
Accusé pas antécédent; rapport présentenciel favorable; incident se déroule près d’une table de billard; le juge du procès a crédité le défendeur pour sa détention préventive, pas de détails sur les blessures de la victime.

42. La Reine c. Fazlic, [2007] M.J. no 148 (Man. P. Ct.)
Sentence: Amende de 800,00 $ et probation 18 mois.
Accusé âgé 21 ans; pas antécédent judiciaire; plaidoyer culpabilité; support familial, sous l’effet de l’alcool; accusé expulsé d’un bar, sans raison il donne un coup de poing à la figure d’un passant; celui-ci a le nez fracturé; accusé a un emploi stable; remords exprimés; action inhabituelle chez le défendeur.

dimanche 24 janvier 2010

Détermination de la peine pour possession de cocaïne en vue d'en faire le trafic

R. c. Desbiens, 2001 CanLII 20896 (QC C.Q.)

[18] Outre l'arrêt Proulx, la défense invoque certaines autorités:

a) La Reine c. Prokos: La Cour d'appel, majoritairement, confirme l'imposition d'une peine d'emprisonnement dans la collectivité de 23 mois pour des infractions de trafic et de possession pour fins de trafic d'héroïne.

b) La Reine c. Dionne: Un individu a plaidé coupable à diverses accusations de possession de stupéfiants pour fin de trafic et de trafic, pour une valeur d'environ 21 000 $. Le juge Vaillancourt le condamne à une peine dans la collectivité de 24 mois moins un jour.

c) La Reine c. Vamvas: La Cour d'appel impose une peine dans la collectivité de 12 mois à un individu coupable d'avoir fait le trafic de 3.1 grammes de cocaïne.

d) La Reine c. Borges: La juge de première instance avait infligé une peine de 30 mois pour importation de 1 214 grammes de cocaïne et pour complot à cette fin. La Cour d'appel infirme ce jugement et impose une peine de deux ans moins un jour avec sursis.
LA POURSUITE

[19] La poursuite, quant à elle propose une peine fédérale de 36 mois. Dans la mesure où le Tribunal conclurait à une sanction inférieure à 24 mois, une détention ferme s'impose. Voici pourquoi:

a) M. Desbiens avait en sa possession une quantité importante de cocaïne, évaluée sur le marché à environ 28 000 $.

b) L'accusé a opéré des changements importants dans sa vie en 1992, donc bien avant la commission de la présente infraction.

c) Il a agi uniquement pour des raisons financières, ce qui constitue une circonstance aggravante.

d) Le geste posé en avril 1999 était pleinement réfléchi et M. Desbiens doit assumer les conséquences de ses choix.

e) La cocaïne représente un fléau social et les tribunaux doivent envoyer un message clair à la société.

f) Les objectifs de dénonciation et de dissuasion prévus à l'article 718 du Code criminel doivent en conséquence l’emporter.

[20] En plus de proposer son interprétation de l'arrêt Proulx, la poursuite appuie son argumentation sur les autorités suivantes:

a) La Reine c. Smith: La Cour suprême établit le principe que les non-utilisateurs insensibles méritent de longues peine d'incarcération.

b) La Reine c. Dorvilus: La Cour d'appel maintient une peine ferme de deux ans moins un jour pour deux transactions de crack.

c) La Reine c. Blagrove: La Cour d'appel augmente à trente mois la peine pour divers trafics de crack.

d) La Reine c. Girard: La Cour d'appel augmente à 42 mois la peine pour divers trafics de cocaïne et possession de plus de trente grammes. La Cour mentionne que le seul fait d'avoir un emploi ne milite pas en faveur de la clémence.

e) La Reine c. Cohen: Après avoir été trouvé coupable de possession pour fins de trafic d'héroïne, de cocaïne et de crack, un prévenu est condamné à trois ans de pénitencier.

f) La Reine c. Stanislaus: L'accusé a été condamné à une peine de quinze mois ferme suite à un trafic de crack et à une possession pour fins de trafic. La Cour d'appel refuse de substituer une peine dans la collectivité.

g) La Reine c. Tremblay: Pour avoir conspiré en vue de vendre de la cocaïne et avoir vendu .44 grammes, un individu est condamné à 36 mois par la Cour d'appel, infirmant ainsi une peine de 18 mois dans la collectivité.

Détermination de la peine dans les cas d'infractions reliées au trafic de cocaïne-base (Crack)

R. c. Leduc, 2009 QCCQ 3582 (CanLII)

[17] Il y a déjà très longtemps, notre Cour d'appel a expliqué, sans détour, les dangers sociaux entourant le trafic de cocaïne-base qui demeure d'une part, une drogue bon marché à la portée de tous et d'autre part, une drogue aux effets néfastes chez les individus qui en consomment et chez ceux qui, une fois dépendants, en manquent.

[18] C'était dans l'arrêt Dorvilus où le juge Baudouin confirmait une peine de 2 ans moins un jour d'emprisonnement pour deux ventes de quatre roches à un agent double, le tout dans le contexte d'un « crack house » que l’accusé tenait avec une complice, ce qui faisait l'objet d'un troisième chef d'accusation. Dorvilius était âgé de 34 ans, marié et père de quatre enfants. Il était lui-même consommateur de marihuana et de cocaïne. Il n'avait pas d'antécédent judiciaire. Le juge Proulx aurait pour sa part diminué la peine à une année étant donné que Dorvilius était lui-même consommateur. Notre Cour d'appel a continué de tracer la voie dans l'arrêt Blagrove où elle a reconnu que les trafiquants opérant à des fins de lucre méritaient des peines de détention sévères.

[19] Cela étant, plusieurs décisions de la Cour d'appel du Québec citées pour appuyer le caractère avant tout dissuasif de la peine, traitent de cas où le trafic de stupéfiants possède l'une ou l'autre ou une combinaison des caractéristiques suivantes : appât du gain, activités répétées, quantité importante, groupe organisé, individu fortement criminalisé.

[20] Un juge ne peut pas ignorer ces messages clairs de notre Cour d'appel. Il faut se méfier toutefois d'y voir une incitation à infliger des peines d'emprisonnement minimal et continu puisque la peine doit être avant tout individualisée. Le juge Lamer écrivait :

… La détermination de la peine est un processus intrinsèquement individualisé, et la recherche d'une peine appropriée applicable à tous les délinquants similaires, pour des crimes similaires, sera souvent un exercice stérile et théorique. De même, il faut s'attendre que les peines infligées pour une infraction donnée varient jusqu'à un certain point dans les différentes communautés et régions du pays, car la combinaison «juste et appropriée» des divers objectifs reconnus de la détermination de la peine dépendra des besoins de la communauté où le crime est survenu et des conditions qui y règnent. …

[21] Notre Cour d'appel a encore récemment rappelé que la théorie du point de départ contrevient au principe bien ancré de l'individualisation de la peine. Plus spécifiquement dans l'arrêt R. c. Prokos, la juge Rousseau-Houle écrivait :

L'individualisation de la sentence demeure un principe fondamental de la détermination de la peine. À l'égard d'infractions relatives aux stupéfiants, le système de détermination de la peine ne peut se fonder exclusivement sur la dissuasion sociale et la dénonciation de la gravité des infractions. La détermination de la peine doit être modulée et individualisée.

[22] Le juge LeBel, dissident, était d'opinion de modifier la peine d'emprisonnement avec sursis pour une peine d'emprisonnement ferme. Il notait ce qui suit :

… Un revendeur comme lui [Prokos] constitue un élément nécessaire d'une chaîne de revente d'héroïne.

Par ailleurs, l'absence de dossier criminel antérieur ne constitue pas en soi un obstacle à l'imposition d'une peine d'emprisonnement, dans le cas de trafic de stupéfiants, lorsque l'ensemble des circonstances de l'affaire l'exige. Dans le présent cas, le caractère commercial, continu et organisé du trafic, la connaissance par l'appelant de la substance qu'il vendait et la continuation de ses opérations une fois cette connaissance acquise, rendent la peine non indiquée. En effet, elle ne respecte pas suffisamment les impératifs de dénonciation et de dissuasion générale à l'égard de ce type d'infraction.

[23] La même année, notre Cour d'appel dans l'arrêt R. c. Stanislaus, rappelant notamment les principes des arrêts R. c. Blagrove, R. c. Dorvilus et R. c. Farfan a confirmé une peine de 15 mois pour un trafic de crack (3 g) et une possession en vue de trafic (3 roches). En appel, Stanislaus recherchait l'emprisonnement dans la collectivité en invoquant notamment son profil et ses acquis sociaux. En rejetant l'appel, la Cour écrit:

Appellant appeals from that sentence invoking: his lack of prior criminal convictions; his age at the time of the offence, 20; his successful rehabilition since the conviction by following a university program, engaging in community activities, and maintaining a part-time job; and that the trial judge failed to consider these and other relevant factors in imposing the sentence.

[…]

Considering that at the time he committed the offences, Appellant was a member of a community drug distribution network; that he was a non-user who admitted engaging in the crimes strictly for economic gains; the particular narcotic involved, cocaine base (crack); and the principles established in our judgments in R. v. Blagrove, C.A.Q. 500-10-000582-963, August 30, 1996; Dorvilus v. R., C.A.Q. 500-10-000111-904, July 4, 1990; Farfan v. R., C.A.Q. 500-10-000369-957, January 22, 1996.

[24] S'il est vrai que le juge bénéficie d'un pouvoir discrétionnaire considérable, ce dernier doit être exercé judiciairement, c'est-à-dire en fonction des faits, mais aussi du droit applicable.

[25] Comme la fait remarquer le procureur des accusés, citant le juge Tessier dans l'arrêt R. c. Camillucie, il n'existe pas de règle mathématique précise entre les quantités et la peine, bien que ce facteur soit néanmoins un considérant dans le processus de déterminer une peine adéquate et juste.

[26] Il plaide que MM. Leduc et Montreuil peuvent bénéficier de l'emprisonnement avec sursis. Rappelons qu'il faut d'abord que les infractions ne soient pas exclues par l'article 742.1 du Code et c'est le cas ici. Le juge doit ensuite déterminer si une peine d'emprisonnement de moins de deux ans est indiquée, c'est-à-dire qu'il doit déterminer s'il y a lieu d'écarter les mesures probatoires et l'emprisonnement dans un pénitencier. Au surplus, le sursis ne doit pas mettre en danger la sécurité de la communauté, un risque qu'il faut évaluer à la lumière des conditions éventuelles de l’ordonnance de sursis. Puis une fois ce risque maîtrisé autant que possible, la gravité du préjudice susceptible d’être causé par une récidive, doit être soupesé. Enfin, l'ordonnance d'emprisonnement avec sursis doit être conforme à l'objectif et aux principes de la détermination de la peine énoncés au Code criminel[12]. Dans l'arrêt R. c. Proulx, feu le juge Lamer rappelait qu'aucune des parties n'a formellement la charge de prouver que l'emprisonnement avec sursis est indiqué ou non, mais qu'en pratique, le délinquant est généralement celui qui est le mieux placé pour convaincre le juge. Enfin, il soulignait qu' « il serait à la fois inutile et peu avisé que les tribunaux créent des présomptions d'inapplicabilité du sursis à l'emprisonnement à certaines infractions.»

[27] Il est indéniable que le trafic de cocaïne-base ou la possession en vue d'en faire le trafic n'excluent pas, dans les cas appropriés, le recours à l'emprisonnement avec sursis. Même s'il est faux de prétendre qu'il s'agit d'une peine exceptionnelle, elle demeure l'exception parmi l'abondante jurisprudence soumise par les parties

La Cour d'appel de l'Alberta rappelle qu'en matière d'abus de confiance l'emprisonnement est la règle, à moins de circonstances exceptionnelles

R. c. Arseneau, 2006 QCCQ 278 (CanLII)

[6] La fraude s'est étalée du 13 octobre 1998 au 20 août 2001. Il y eu 53 chèques illicites d'émis pour une somme de 41 046,32 $. Elle aurait également détruit plusieurs papiers et documents concernant la comptabilité de la plomberie.

[7] Le deuxième volet concerne une fraude au Club de Curling d'Outremont. Elle y agissait à titre de trésorière depuis 1997. Elle a encore une fois imité la signature du président sur des chèques illicites pour la somme de 50 089,39 $ entre le 28 avril 1999 et le 11 novembre 2001.

[49] La Cour d'appel de l'Alberta, rappelle qu'en matière d'abus de confiance l'emprisonnement est la règle, à moins de circonstances exceptionnelles. Le Tribunal est d'accord avec ce principe.

[50] De son côté, la Cour d'appel du Québec a déjà maintenu des peines de pénitencier imposées à des fraudeurs sans antécédents judiciaires qui avaient abusé de leur position de confiance.

[51] On retrouve également dans le même sens, certains jugements de notre Cour. Dans l'affaire R. c. Lacombe, l'honorable Jean Sirois a condamné l'accusé à 3 ans de pénitencier pour une fraude de 600 000 $ alors qu'il était directeur financier d'une institution d'enseignement universitaire; l'accusé n'avait aucun antécédent judiciaire.

[52] Dans l'affaire R. c. Bouchard, pour une fraude de 100 000 $, l'accusé a dû purger une peine de 7 ans de pénitencier; il est à noter qu'il avait de nombreux antécédents en semblable matière.

[53] Dans l'affaire R. c. François Demers, Yvan Demers, André Laporte, notre collègue, l'hon. Paul Chevalier, a établi les peines respectivement à deux ans moins un jour, six ans et trois ans.

[54] Vu la position prise par le Tribunal estimant que la peine doit en être une de pénitencier, il n'y a pas lieu d'examiner en l'espèce l'emprisonnement avec sursis.

[55] Pour tous les motifs ci-devant exposés, le Tribunal condamne Brita Arseneau à purger, à compter de ce jour, une peine d'emprisonnement de 26 mois à être purgée de façon concurrente sur les deux chefs d'accusation.

Fraude de 223 000 $ à l'endroit de son employeur - Abus de confiance - Dissuasion et de dénonciation - Peine d'emprisonnement de 15 mois

R. c. Blais-Paré, 2005 CanLII 30726 (QC C.Q.)

[1] L'accusée a plaidé coupable à l'accusation d'avoir fraudé entre le 1er janvier 1979 et le 25 septembre 2003 son employeur, Simon Morin, d'une somme de 223 461 $ en monnaie courante, contrairement à l'article 380(1)a) du Code criminel.

[16] Ces facteurs applicables à l'accusée permettent d'écarter les mesures probatoires. Celles-ci ne reflètent pas suffisamment la responsabilité pénale de l'accusée. Ce comportement illégal doit être dénoncé et doit viser à dissuader les délinquants et quiconque de commettre des infractions semblables.

[18] À l'évidence, tous ces facteurs militent en faveur d'une peine d'emprisonnement. Des peines d'emprisonnement sont généralement imposées par les tribunaux pour des crimes similaires et la durée d'incarcération est habituellement inférieure à deux ans.

[19] L'accusée peut-elle être condamnée à l'emprisonnement avec sursis?

[20] En l'espèce, l'infraction de fraude ne comporte pas de peine minimale et une peine juste et appropriée sera inférieure à deux ans. Également, compte tenu des remords exprimés par l'accusée, de l'absence de condamnations antérieures, le tribunal est convaincu que la sécurité de la collectivité ne serait pas mise en danger si l'accusée y purge sa peine. En effet, il faut convenir ici que le risque de récidive et le préjudice susceptible d'en découler sont faibles s'il est interdit à l'accusée d'occuper un emploi la plaçant en situation de manipuler ou de gérer des sommes d'argent. Le tribunal conclut que ce risque peut être assumé.

[21] Reste donc à déterminer si cette sanction est conforme à l'objectif et aux principes de la détermination de la peine visée aux articles 718 à 718.2 du Code criminel.

[22] À l'appui de sa prétention, l'accusée a soumis de nombreux arrêts et décisions. La plupart de ceux-ci portent sur des peines imposées en vertu de l'article 742.1 du Code criminel.

[23] Avec égard, les faits relatés dans ces décisions ou arrêts diffèrent de ceux mis en preuve dans ce dossier ou encore s'ils s'en rapprochent, la sanction imposée a parfois fait l'objet d'une suggestion commune des parties.

[24] La Cour d'appel du Québec, dans les décisions de Verville c. R., R. c. Juteau, et R. c. Bouchard, précise que le sursis d'emprisonnement est une peine appropriée en matière de vol ou de fraude. Il ne devient inapproprié que lorsque la malhonnêteté se caractérise particulièrement par un abus de confiance. Les critères de dissuasion générale et de dissuasion commandent alors généralement l'incarcération, même pour les délinquants primaires.

[25] Monsieur le juge Michel Proulx, alors à la Cour d'appel, énonce de façon fort précise ce principe dans la décision de Juteau plus haut citée :

«Quant à l'opportunité du sursis à l'emprisonnement dans ces matières, la Cour d'appel de l'Ontario, dans l'arrêt R. v. Pierce 1997 CanLII 3020 (ON C.A.), (1997), 114 C.C.C. (3d), 23, précise que dans les cas de malhonnêteté qui se distingue particulièrement par un abus de confiance, la détermination de la peine doit souligner la gravité des infractions et le sursis doit être écarté. D'ailleurs, la même Cour d'appel dans l'arrêt R. v. Wismayer 1997 CanLII 3294 (ON C.A.), (1997), 115 C.C.C. (3d) 18, sous la plume du juge Rosenberg, a affirmé que la dissuasion générale, en tant que principe pouvant légitimer la décision de ne pas imposer l'emprisonnement avec sursis, doit primer dans le cas de ces infractions, notamment les fraudes systématiquement planifiées et structurées commises par des personnes qui abusent de la confiance de leur employeur, comme dans l'arrêt Pierce, et celui qui prévaut est l'espèce. À mon avis, non seulement la dissuasion générale, mais le juste dû et la dénonciation constituent également des objectifs proéminents. Néanmoins, ce principe ne saurait être absolu, puisque chaque cas doit être soumis à l'examen judiciaire à la lumière des éléments qui lui sont propres.»

[26] Ces décisions ont été suivies par la Cour du Québec, chambre criminelle. Ainsi monsieur le Juge Proulx, appliquant ces principes a imposé une peine d'incarcération de deux ans moins un jour dans le dossier R. c. Fortin. L'accusée avait aussi volé son employeur d'une somme de 178 000 $ alors qu'elle occupait un poste de confiance au sein de la compagnie. Elle avait cependant deux antécédents judiciaires de vol.

[27] Les principes plus haut décrits sont également applicables à ce dossier, car l'accusée a fraudé son employeur hebdomadairement pendant 23 ans d'une somme d'argent de 223 000 $ par appât du gain et à des fins de lucre. Ce comportement doit être dénoncé et une peine dissuasive d'incarcération prononcée afin de décourager ceux qui seraient tentés de commettre pareils crimes. En résumé, l'importance de la somme fraudée, la préméditation systématique l'entourant, l'abus de confiance envers son employeur et les conséquences tant financières que morales pour la victime, commande que les facteurs de dénonciation priment sur les autres facteurs. L'incarcération s'impose donc en considérant toutefois que l'accusée est une délinquante primaire.

[28] EN CONSÉQUENCE, l'accusée devra purger une peine d'incarcération de 15 mois. À sa libération, elle sera soumise à une ordonnance de probation d'une durée de trois ans avec supervision probatoire pendant les dix-huit premiers mois.

En matière d'abus de confiance, l'emprisonnement est la règle, à moins de circonstances exceptionnelles

R. c. Dion, 2006 QCCQ 279 (CanLII)

[1] Normand Dion a plaidé coupable, le 3 février 2005, d'avoir:

«Entre le 1er mars 2002 et le 30 septembre 2002, à Montréal, par la supercherie, le mensonge ou autre moyen dolosif, a frustré Sièges Ducharme int. 1991 inc., d'une valeur dépassant 5 000,00$, (352 132,75$) commettant ainsi l'acte criminel prévu à l'article 380(1)a) du Code criminel.»

[51] La Cour d'appel de l'Alberta, rappelle qu'en matière d'abus de confiance l'emprisonnement est la règle, à moins de circonstances exceptionnelles. Le Tribunal est d'accord avec ce principe.

[52] De son côté, la Cour d'Appel du Québec a déjà maintenu des peines de pénitencier imposées à des fraudeurs sans antécédents judiciaires qui avaient abusé de leur position de confiance.

[53] On retrouve également dans le même sens, certains jugements de notre Cour. Dans l'affaire R. c. Lacombe, l'honorable Jean Sirois a condamné l'accusé à trois ans de pénitencier pour une fraude de 600 000 $ alors qu'il était directeur financier d'une institution d'enseignement universitaire; l'accusé n'avait aucun antécédent judiciaire.

[54] Dans l'affaire R. c. Bouchard, pour une fraude de 100 000 $, l'accusé a dû purger une peine de sept ans de pénitencier; il est à noter qu'il avait de nombreux antécédents en semblable matière.

[55] Dans l'affaire R. c. François Demers, Yvan Demers, André Laporte, notre collègue, l'hon. Paul Chevalier a établi les peines respectivement à deux ans moins un jour, six ans et trois ans.

[56] Vu la position prise par le Tribunal la peine doit en être une de pénitencier, il n'y a pas lieu d'examiner en l'espèce l'emprisonnement avec sursis.

[57] Pour tous les motifs ci-devant exposés, le Tribunal condamne Normand Dion à purger, à compter de ce jour, une peine d'emprisonnement de 28 mois.

Dans les cas de malhonnêteté (abus de confiance), la détermination de la peine doit souligner la gravité des infractions et le sursis doit être écarté

R. c. Grenier, 2006 QCCQ 2081 (CanLII)

[1] L'accusée a plaidé coupable à une fraude commise contre son employeur, le gouvernement du Québec (Ministère de l'Éducation), entre le 23 janvier 2002 et le 12 février 2004, pour un montant de 191 547$, le tout contrairement à l'article 380 (1)a) du C.cr.

[33] C'est toujours dans ce même arrêt R. c. Juteau, que le juge Proulx s'exprimait ainsi quant à l'opportunité de l'emprisonnement avec sursis dans ces matières de fraude et je le cite:

«La Cour d'appel de l'Ontario, dans l'arrêt R. v. Pierce 1997 CanLII 3020 (ON C.A.), (1997), 114 C.C.C. (3d), 23, précise que dans les cas de malhonnêteté qui se distinguent particulièrement par un abus de confiance, la détermination de la peine doit souligner la gravité des infractions et le sursis doit être écarté».

[34] D'ailleurs en 1999, la juge Thibault de la Cour d'appel du Québec s'exprimait ainsi dans l'arrêt Verville c. R., à la page 11 du texte intégral:

«On a fait valoir qu'en raison des critères de dissuasion et de dénonciation du comportement du contrevenant, le sursis d'emprisonnement ne serait pas approprié en matière de vol ou de fraude.

J'estime que cette information est trop générale et qu'elle doit être nuancée. En matière de peine, chaque cas doit être étudié à son mérite. Le législateur n'a pas choisi de soustraire ces crimes de l'application du régime de l'emprisonnement avec sursis aussi, je vois mal comment les cours de justice pourraient le faire. En réalité, ce que la jurisprudence majoritaire enseigne, c'est qu'il est inapproprié d'ordonner une telle mesure lorsque la malhonnêteté se distingue particulièrement par un abus de confiance, ce qui n'est pas le cas ici. En effet, l'appelant a utilisé une méthode peu sophistiquée, au vu et au su de tous».

[35] D'ailleurs dans l'affaire précitée, R. c. Juteau l'accusée avait été, en première instance, condamnée à une peine de 23 mois d'emprisonnement à purger dans la collectivité et ce, pour une fraude totalisant 472 000$ alors qu'elle agissait comme gérante de bureau. Il s'agissait donc d'un abus de confiance auprès de son employeur. La Cour d'appel a modifié cette peine devant être purgée dans la collectivité pour y substituer une peine de six mois d'emprisonnement ferme et ce, pour la simple et unique raison, qu'elle avait déjà purgé une bonne partie de sa peine dans la collectivité et effectué d'ailleurs plusieurs heures de travaux communautaires. D'ailleurs, voici comment s'exprimait le juge Proulx à la page 1679 de l'arrêt et je cite:

«En conclusion, je suis d'avis que l'erreur du premier juge porte donc sur l'opportunité d'accorder le sursis et non sur la quotité de la peine: l'examen des facteurs de qualification en matière de fraude qui permettent de mesurer la responsabilité intrinsèque de l'intimée ne justifie d'aucune façon une ordonnance d'un sursis à l'emprisonnement mais à tout le moins l'année d'emprisonnement ferme proposé par le ministère public en première instance. Par ailleurs, comme l'intimée a déjà purgé sa peine dans la collectivité pour une certaine période de temps et exécuté la majeure partie de ses travaux communautaires, je proposerais de lui en donner crédit et de ne pas intervenir quant aux travaux communautaires».

[50] Compte tenu de tous ces facteurs tant atténuants qu'aggravants, il ne serait être question d'une simple mesure probatoire ni encore d'une peine d'emprisonnement au pénitencier.

[51] Une peine d'emprisonnement s'impose et ce, compte tenu de l'ampleur de la fraude et surtout de l'existence de tant d'éléments aggravants.

[52] Un des facteurs importants dans le présent dossier est l'abus de confiance. Récemment, mon collègue, le juge Plante dans l'affaire de R. c. Blais-Paré,[6] imposait à l'accusée une peine de 15 mois d'emprisonnement ferme. Cette personne travaillait comme secrétaire auprès d'un médecin qu'elle a fraudé pour une somme de 223 000$ sur une période de plus de 20 ans.

[53] Il cite, mon collègue, le juge Proulx dans l'affaire R. c. Fortin, lequel a imposé à l'accusée qui avait volé son employeur d'une somme de 178 000$, alors qu'elle occupait un poste de confiance au sein de la compagnie, une peine d'emprisonnement ferme de 2 ans moins 1 jour. Il faut dire que l'accusée avait deux antécédents judiciaires de vol.

[54] Dans l'arrêt Verville c. R. de la Cour d'appel du Québec, on a substitué à une peine d'emprisonnement ferme de 12 mois, une peine à être purgée dans la collectivité avec comme condition additionnelle d'effectuer 240 heures de travaux communautaires dans une délai d'un an. Il faut dire que dans cette affaire, il s'agissait d'une fraude de 186 488$, que l'accusé avait plaidé coupable, qu'il n'avait aucun antécédent judiciaire et qu'il ne s'agissait pas d'un abus de confiance pas plus qu'il ne s'agissait de sommes qui étaient destinées, à partir de deniers publics, à l'assistance de personnes en difficultés.

[55] Compte tenu de ces nombreux facteurs aggravants, de la jurisprudence pertinente, la peine à être prononcée doit mettre l'accent sur les facteurs de dissuasion tant généraux qu'individuels, et sur la dénonciation. Ces facteurs doivent évidemment primer sur tous les autres facteurs, en particulier, à cause de l'abus de confiance et de l'appropriation de deniers publics destinés à des personnes déficientes. L'imposition d'une peine à être purgée dans la collectivité ne satisfait pas ces deux facteurs ci-haut énumérés.

[56] En conséquence, je condamne l'accusée, Sylvie Grenier, à purger une peine d'emprisonnement ferme de 12 mois. À la fin de sa période d'emprisonnement, elle sera soumise à une ordonnance de probation d'une durée de 3 ans avec un suivi probatoire pour une période de 24 mois.

samedi 23 janvier 2010

La détection des fraudes commises en entreprise au Canada

1) Détournements d’actifs: toute machination impliquant le vol ou l’abus des actifs appartenant à une organisation, telle que l’écrémage des ventes, les facturations frauduleuses, les paies frauduleuses et les remboursements de dépenses frauduleux.

2) Corruption: toute machination par laquelle un malfaiteur utilise son influence dans une transaction officielle ou une transaction d’affaires afin d’obtenir des gains non autorisés et contraires à ses responsabilités envers son employeur. Certains exemples fréquents sont le versement ou l’acceptation de pots-de-vin ou de pourboires illégaux, l’implication dans des transactions entre apparentés non-déclarées ou les conflits d’intérêts.

3) États financiers frauduleux: toute machination impliquant la falsification délibérée des états financiers d’une organisation afin de la dépeindre comme étant plus ou moins rentable qu’en réalité. Certains exemples sont l’inscription de revenus fictifs et la sous-estimation des dettes et dépenses de l’entreprise.

1) Comment l’argent est détourné?

Recettes d’argent et encaisse
L’argent (incluant les chèques ou mandats) peut être dérobé en volant soit les recettes d’argent de la journée ou bien l’encaisse. Deux méthodes peuvent être utilisées par le fraudeur pour détourner des recettes d’argent ou de l’encaisse:

a) Écrémage: toute machination impliquant le détournement de recettes d’argent avant que l’organisation ne les enregistre dans ses livres comptables, telle qu’un employé qui empoche les recettes d’une vente sans toutefois inscrire la vente dans la caisse enregistreuse.

b) Vol d’encaisse: toute machination par laquelle de l’argent est volé après avoit été inscrit dans les registres de l’entreprise, telle qu’un superviseur qui dérobe de l’argent provenant du dépôt journalier sur son chemin vers la banque.

Déboursements d’argent frauduleux

L’argent peut également être volé en détournant les déboursements de l’entreprise. Il y a six méthodes généralement utilisées:

a) Facturations frauduleuses: toute machination par laquelle une personne provoque l’émission d’un paiement par son employeur en soumettant de fausses factures ou comptes-fournisseurs, telle que la création d’une société nominale (compagnie
à numéros) et la facturation de services fictifs, ou la soumission d’états de compte de cartes de crédit contenant des achats personnels.

b) Paies frauduleuses: toute manigance impliquant la soumission de fausses demandes
de rémunération, telle qu’ajouter un employé fictif (fantôme) sur la liste de paie, ou gonfler le nombre d’heures travaillées.

c) Manipulations de chèques: toute machination par laquelle le malfaiteur écrit, altère ou falsifie, un chèque tiré sur le compte bancaire de l’organisation, telle que falsifier l’endossement d’un chèque émis à l’intention d’une tierce partie,
ou émettre un chèque sur le compte de compagnie pour payer des dépenses personnelles.

d) Transferts électroniques: toute manigance impliquant le traitement ou la soumission de fausses requêtes de transferts électroniques de fonds, telle que soumettre à la banque une demande de transfert de fonds du compte bancaire de l’organisation à un compte personnel ou à un compte appartenant à une société nominale.

e) Remboursements de dépenses frauduleux: toute manigance par laquelle un employé produit une demande de remboursement de dépenses profesionnelles fictives ou gonflées, telle que demander le remboursement d’un voyage de plaisance ou d’un repas familial.

f) Déboursements de caisses enregistreuses: toute machination où le malfaiteur inscrit des remboursements de vente frauduleux ou annule des ventes sur une caisse enregistreuse afin de masquer l’argent volé.

Comment les autres actifs (non monétaires) sont détournés?
Trois types de biens non monétaires sont habituellement visés par les criminels:

a) Stocks, équipements ou fournitures: toute machination impliquant le vol ou l’abus d’actifs non monétaires tangibles; par exemple, altérer des bons de livraison afin de livrer de la marchandise à l’adresse d’un complice, ou intercepter la réception de cargaisons de ressources primaires.

b) Informations confidentielles: toute manigance par laquelle un individu soutire ou détourne des informations confidentielles ou des secrets industriels; par exemple, voler les informations personnelles d’un titulaire de compte bancaire afin d’obtenir des prêts frauduleux ou des cartes de crédits.

c) Titres de placement: toute machination impliquant le détournement de titres de placement (investissement) tels que des bons du trésor ou des actions de compagnie.

Comment les états financiers sont falsifiés?


Il y a cinq grandes méthodes pour manipuler les chiffres des états financiers d’une entreprise:

Revenus fictifs ou gonflés: trucs permettant d’embellir les états financiers en inscrivant des ventes irréelles de biens ou services, ou en gonflant le montant de ventes actuelles. Certains exemples sont l’altération de factures afin d’inscrire une quantité d’articles vendus plus grande que celle actuellement livrée au client, ou l’inscription de ventes à des clients fictifs.

Sous-estimation des dettes et dépenses: trucs permettant de fausser les états financiers en inscrivant les dettes et/ou les dépenses incorrectement. Certains exemples sont la sous-estimation de la provision pour garanties, ou la capitalisation de coûts qui devraient plutôt être traités comme dépenses d’exploitation.

Fausses démarcations: trucs permettant de fausser intentionnellement les états financiers en inscrivant des revenus dans une année fiscale différente de leurs dépenses afférentes; par exemple, enregistrer des ventes avant qu’elles ne soient réalisées (i.e. avant que le bien ne soit livré ou que le service ne soit rendu), ou reporter des dépenses à des périodes futures.

Fausses évaluations d’actifs: trucs permettant de fausser frauduleusement la valeur d’une organisation, tels qu’omettre de dévaluer les stocks désuets, ou sous-estimer la provision pour créances douteuses.

Fausses divulgations: trucs permettant à la direction d’omettre de divulguer toute information significative dans ses états financiers afin de tromper ses utilisateurs. L’omission de divulguer des dettes éventuelles ou des transactions entre apparentés dans les notes aux états financiers en sont des exemples.

Comment la corruption s’effectue?

Il y a généralement quatre façons où l’auteur d’un crime peut utiliser son influence pour obtenir des gains personnels non déclarés lors d’une transaction d’affaires:

a) Trafic d’influence: toute machination par laquelle un individu offre, donne, reçoit ou sollicite quelque chose qui a de la valeur tout en ayant pour but d’influencer une transaction officielle ou d’affaires, et ce, sans que son mandant n’y soit au courant ou n’y consente; par exemple, l’acceptation par un employé de ristournes en argent provenant d’un fournisseur en échange de l’octroi de commandes à ce même fournisseur.

b) Pourboires illégaux: toute manigance où un individu offre, donne, reçoit ou sollicite quelque chose qui a de la valeur à cause d’une transaction officielle ou d’une transaction d’affaires, et ce, sans que son mandant ne soit au courant ou n’y consente; par exemple, l’acceptation par un employé d’un voyage gratuit suite à sa décision d’octroyer un contrat à un certain fournisseur.

c) Extorsion: la coercition d’une autre personne à effectuer une transaction ou à livrer un bien, et ce, fondée sur l’utilisation maligne de la force ou de menaces de force, de la peur, ou de contraintes économiques; par exemple, un employé menaçant de ne plus commander d’un certain fournisseur à moins que ce fournisseur ne lui fasse un paiement en argent.

d) Conflits d’intérêts: toute machination par laquelle un employé, un superviseur ou un dirigeant possède un intérêt économique, ou personnel, non déclaré dans une transaction qui heurte ainsi l’entreprise; par exemple, la vente de biens à un prix inférieur à leur juste valeur à une compagnie détenue par un membre de la famille du
malfaiteur.

Tiré de:
La détection des fraudes commises en entreprise au Canada: une étude de ses victimes et de ses malfaiteurs
Association of Certified Fraud Examiners et Dr Dominic Peltier-Rivest, Ph.D., M.Acc., CFE, Université Concordia, Montréal
Lien vers le document
http://www.acfe.com/uploadedFiles/ACFE_Website/Content/documents/rttn-french-canadian.pdf

Les critères concernant la validité de la renonciation au droit à l'avocat

R. c. Tremblay, 2003 CanLII 48184 (QC C.Q.)

[19] Les critères concernant la validité de la renonciation au droit à l'avocat, tels qu'établis par la jurisprudence, sont les suivants:

1- L'accusé doit être informé de son droit à l'avocat d'une manière qui est compréhensible pour lui.

2- Les circonstances doivent être telles que la personne soit en état de comprendre l'information, c'est-à-dire que les personnes en autorité doivent prendre les moyens raisonnables pour faciliter cette compréhension, le cas échéant.

3- La renonciation doit être claire, non équivoque, libre et volontaire.

«La renonciation doit être libre et volontaire et elle ne doit pas avoir été donnée sous la contrainte, directe ou indirecte.

La personne qui renonce à un droit doit savoir ce à quoi elle renonce pour que la renonciation soit valide.»

Toute renonciation doit donc rendre assise sur une appréciation véritable de ses conséquences et du risque couru.

4- L'obligation des agents a cependant été circonscrite par les tribunaux:

«En l'absence d'éléments de preuve indiquant que l'accusé n'a pas compris qu'il avait le droit d'avoir recours à l'assistance d'un avocat lorsqu'il en a été informé, il lui incombe de démontrer qu'il a demandé à exercer ce droit, mais qu'on lui a refusé ou qu'on lui a même refusé la possibilité de le demander. En l'absence de ces circonstances, lorsque les agents se sont conformés aux exigences de l'article 10 b) en avisant sur le champ l'accusé de son droit d'avoir recours sans délai au service d'un avocat, ils n'ont aucune obligation corrélative jusqu'à ce que l'accusé, s'il choisit de le faire, indique qu'il désire exercer son droit d'avoir recours à l'assistance d'un avocat.»

«…je suis d'avis que, en l'absence d'éléments de preuve indiquant que l'accusé n'a pas compris qu'il avait le droit d'avoir recours à l'assistance d'un avocat lorsqu'il en a été informé, il lui incombe de démontrer qu'il a demandé à exercer ce droit mais qu'on le lui a refusé ou qu'on lui a même refusé la possibilité de le demander. Aucun élément de preuve à cet effet n'a été présenté en l'espèce.»

5- Les Tribunaux ont également établi que la preuve des résultats n'a pas à être exclue si l'incompréhension est due à son intoxication volontaire.

«Il n'est sûrement pas requis que le consentement et la compréhension du droit de consulter un avocat soient de même que chez une personne dont les facultés ne sont pas affaiblies par l'alcool.

Peine - Conduite à tout le moins équivoque mettant en péril la loyauté du fonctionnaire et susceptible de discréditer l’administration municipale

R. c. Fortin, 2006 QCCQ 2519 (CanLII)

[90] Dès lors, bien qu’elle soit dépourvue de corruption, la conduite du défendeur n’est pour autant exempte de reproche; bien au contraire, elle viole la loi.

[91] Il est utile de rappeler le contexte juridique dans lequel se situe l’article 122 du Code et en quoi les transactions relatives au Kubota et la pose de tourbe constituent dans les circonstances des actions prohibées par la loi.

[92] L’article 122 énonce :

« 122. Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans tout fonctionnaire qui, relativement aux fonctions de sa charge, commet une fraude ou un abus de confiance, que la fraude ou l’abus de confiance constitue ou non une infraction s’il est commis à l’égard d’un particulier. ».

[93] Cette disposition se trouve dans cette partie du Code consacrée aux infractions contre l’application de la loi et de l’administration de la justice en général; plus particulièrement, et avec les articles 121 et 123, elle forme un groupe créant un régime d’actes prohibés dans les relations d’affaires avec le gouvernement.

[94] L’inconduite dont il est question à l’article 122 se démarque notamment des infractions prévues à l’article 121 par sa vaste portée.

[95] Il existe une jurisprudence abondante sur les éléments essentiels de l’infraction d’abus de confiance ainsi que sur la finalité poursuivie à cet égard par le législateur dont Me Jean-Claude Hébert dans un ouvrage récent[3] fait une recension et une analyse complète.

[96] Dans R. c. Perreault, monsieur le juge Baudouin, au nom de la majorité de la Cour d’appel, écrit :

« De cette brève revue de la jurisprudence sur la question, il me semble claire que les éléments essentiels de l’infraction prévue à l’article 122 C.Cr. sont les suivants :

1º que l’accusé ait le statut de fonctionnaire ;

2º que l’acte reproché ait été commis dans le cadre général de l’exécution de ses fonctions ;

3º que l’acte constitue une fraude ou un abus de confiance.

Pour identifier maintenant les conditions nécessaires à ce troisième élément constitutif lorsqu’il s’agit d’abus de confiance, il me paraît que les conditions suivantes doivent être suivies :

1º L’accusé a posé un geste d’action ou d’omission contraire au devoir qui lui est imposé par la loi, un règlement, son contrat d’emploi ou une directive relativement à sa fonction.

2º L’acte posé doit lui rapporter un bénéfice personnel (par exemple une compensation pécuniaire, un avantage en nature, en services ou autres) ou dérivé (par exemple, un avantage à son conjoint, un membre de sa famille ou même, dans certains cas, un tiers). Ce bénéfice peut être direct (par exemple, le paiement d’une somme d’argent) ou indirect (par exemple, l’espoir d’une promotion, le désir de plaire à un supérieur).

L’existence d’un préjudice réel au public ou à l’État n’est pas un élément de l’infraction, selon une jurisprudence unanime. Le contraire est nécessaire pour établir la fraude, puisqu’il faut obligatoirement l’existence d’une privation.

Pourquoi faut-il, comme condition de l’abus de confiance par un fonctionnaire, la présence d’un bénéfice réel ou escompté direct ou indirect pour l’accusé ? J’y vois plusieurs raisons.

La première est que le crime d’abus de confiance, s’il n’implique pas nécessairement l’idée de corruption, implique au moins celle de réception d’un bénéfice quelconque. Accepter qu’un entrepreneur de travaux publics asphalte gratuitement l’entrée de la maison d’un fonctionnaire municipal n’est probablement pas un acte d’une grande malhonnêteté ou d’une turpitude morale importante de la part de ce dernier. Toutefois, c’est un avantage qui résulte directement du statut même de sa personne et de sa fonction de représentant du public. Le fonctionnaire, comme la femme de César, doit être au-dessus de tout soupçon.

La seconde est que ne pas requérir cet élément reviendrait à faire intervenir le droit pénal et sa répression dans des domaines où il n’y a rien à faire. Comme l’a bien dit la Commission de réforme du droit du Canada, dans ce document fondamental Notre droit pénal :

« Si le rôle du droit pénal est de réaffirmer les valeurs fondamentales, il doit donc s’occuper uniquement des « crimes véritables » et non de la pléthore « d’infractions réglementaires » qu’on trouve dans les lois. Notre Code criminel ne devrait contenir que des actions qui sont non seulement punissables, mais aussi mauvaises, des actions qui vont à l’encontre des valeurs fondamentales. Aucune autre infraction ne devrait figurer au Code.

[…]

Pour être qualifiée de crime véritable, une action doit être moralement mauvaise. Cependant, ceci n’est qu’une condition nécessaire et non pas une condition suffisante, comme nous l’avons dit plus tôt. Ce ne sont pas toutes les mauvaises actions qu’on devrait qualifier de crimes. Le véritable droit pénal ne devrait porter que sur les actions mauvaises qui menacent ou qui violent gravement les valeurs sociales fondamentales. […] »

[97] Ainsi, dans R. c. Chrétien, la Cour d’appel du Québec infirme le verdict d’acquittement du juge d’instance et déclare coupable d’abus de confiance le défendeur, un fonctionnaire municipal ayant la charge de surintendant des travaux publics, qui a accepté un cadeau, en l’occurrence le pavage de sa résidence, provenant d’un entrepreneur dont il avait charge de surveiller les travaux. Bien qu’il n’y ait aucune preuve de la motivation de ce don ni de quelque avantage indu obtenu par l’entrepreneur, la Cour d’appel souligne qu’il s’agit d’une conduite à tout le moins équivoque mettant en péril la loyauté du fonctionnaire et susceptible de discréditer l’administration municipale.

[98] C’est dans ce registre que se situe l’inconduite reprochée au défendeur.

Les crimes commis dans l'exercice de la profession sont, sauf circonstances exceptionnelles, punis beaucoup plus sévèrement

R. c. Gobeil, 2006 QCCQ 5292 (CanLII)

[51] Les tribunaux ont fait une distinction importante entre les crimes commis par un avocat dans l'exercice de sa profession qui constituent un abus de confiance ou encore une entrave grave à l'administration de la justice et les crimes commis par des avocats en dehors de l'exercice de leurs fonctions. Les crimes commis dans l'exercice de la profession sont, sauf circonstances exceptionnelles, punis beaucoup plus sévèrement.

[52] De plus, les crimes commis par des avocats sont très majoritairement punis par des peines d'emprisonnement, peines tantôt purgées en collectivité, tantôt purgées à l'intérieur d'un établissement carcéral.

[53] De toutes les décisions examinées, le tribunal retient particulièrement les suivantes.

[54] Dans R. c. Bunn, la Cour suprême a confirmé la décision de la Cour d'appel du Manitoba qui modifiait une peine de deux ans de pénitencier en une peine de deux ans moins un jour à être purgée dans la collectivité.

[55] Dans cette affaire, l'avocat avait détourné de son compte en fidéicommis à son compte personnel une partie des fonds reçus pour ses clients, soit la somme de 86 000 $.

[56] L'accusé était sans antécédent judiciaire, avait été radié du barreau. Il était âgé de 45 ans, était le seul responsable d'une adolescente et sa conjointe, invalide et en fauteuil roulant, nécessitait de sa part des soins constants.

[57] Dans R. c. Clément, le juge Falardeau imposait à l'accusé, un avocat, une peine d'emprisonnement de deux ans moins un jour à être servie dans la collectivité, 240 heures de travaux communautaires et une probation d'une durée de trois ans.

[58] L'accusé avait enregistré un plaidoyer de culpabilité à une fraude d'une somme de 3 millions de dollars qui s'était échelonnée sur une période de deux ans. L'accusé avait sollicité et obtenu de plusieurs personnes des investissements dans un projet immobilier. Il était sans antécédent judiciaire, démontrait du remords et avait acquiescé à un jugement pour une somme de 1 500 000 $.

[59] Récemment, dans R. c. Jeannotte, la juge Louise Provost condamnait l'accusée à une peine d'emprisonnement de deux ans moins un jour à être servie dans la collectivité, imposait la réalisation de 100 heures de travaux communautaires ainsi qu'une probation d'une durée de deux ans.

[60] L'accusée avait plaidé coupable à une accusation de fraude d'une somme de 200 000 $ commise envers un client. L'accusée avait été radiée du barreau. Elle présentait peu de risque de récidive. Elle avait maintenu plusieurs emplois depuis sa mise en accusation et faisait face à ses obligations.

Il est généralement inapproprié d’ordonner une peine de sursis lorsque la malhonnêteté se distingue particulièrement par un abus de confiance

R. c. Bendwell, 2006 QCCQ 4056 (CanLII)

[20] Quoiqu'il ne manquait pas de références jurisprudentielles des tribunaux supérieurs de ce pays en matière de fraude, la décision de la Cour d'appel dans l'arrêt Coffin devient aussi une référence importante et très contemporaine en matière de détermination de la peine pour des infractions importantes de fraude.

[21] La détermination de la peine fait appel à un processus essentiellement individuel, mais le Tribunal doit aussi, comme la loi le prévoit, tenir compte des critères d'harmonisation des peines et à ce titre, Il doit considérer les peines généralement imposées pour le même type de crime.

[22] À ce sujet, la Cour d'appel du Québec, toujours dans l'arrêt Coffin, affirme :

" En l'espèce, la poursuivante a raison de prétendre que les diverses cours d'appel du Canada ont généralement infligé des peines d'emprisonnement dans le cas de fraudes importantes et planifiées qui se sont déroulées sur des périodes plus ou moins prolongées.

Les tribunaux ont alors reconnu que, pour atteindre les objectifs de dénonciation et de dissuasion, une peine d'incarcération s'imposait bien que le contrevenant 1) n'ait pas d'antécédents, 2) jouisse d'une bonne réputation dans son milieu, 3) ait parfois remboursé, en partie, les victimes, 4) manifeste des remords, 5) ne soit pas enclin à récidiver."

[23] À l'examen de la jurisprudence citée par les parties, la Cour d'appel du Québec s'interroge sur la conformité d'une peine d'emprisonnement dans la collectivité pour ce type de crime en rapport avec les objectifs et les principes des articles 718 et suivants du Code criminel, type de peine qui avaient été imposée à l'accusé Coffin par le juge de première instance et ce faisant, la Cour d'appel conclut :

"De l'examen de l'ensemble des arrêts des cours d'appel du pays, on doit conclure qu'une peine d'incarcération s'impose «en principe» dans les cas de fraude de grande importance, ce qui n'exclut pas, dans des cas particuliers, de permettre que la peine soit purgée dans la collectivité".

[24] Sans exclure donc la possibilité qu'une peine dans la collectivité puisse être imposée, même pour une fraude grave et importante comportant des facteurs aggravants, et cela conformément d'ailleurs aux principes émis par la Cour suprême dans l'arrêt Proulx, la Cour d'appel du Québec ne s'est pas écartée de sa propre jurisprudence comme celle des tribunaux d'appel du pays à l'effet que dans les cas de crimes de fraudes graves, les objectifs de dissuasion et de dénonciation doivent être priorisés et ce faisant une peine d'emprisonnement ferme doit généralement être imposée.

[25] La Cour d'appel du Québec l'a encore récemment affirmé dans plusieurs décisions dont celle rendue dans Verville c. R. L'honorable juge France Thibault dans l'affaire Verville déclarait :

" En réalité, ce que la jurisprudence majoritaire enseigne, c’est qu’il est inapproprié d’ordonner une telle mesure (ici la Cour réfère à l'emprisonnement avec sursis) lorsque la malhonnêteté se distingue particulièrement par un abus de confiance…"

POUR TOUS CES MOTIFS, LE TRIBUNAL;

CONDAMNE l'accusé à une peine de 8 mois de prison ferme,

Une probation de 2 ans

La tendance générale est plutôt vers l’emprisonnement ferme dans le cas de fraude importante envers un employeur

R. c. Gillett, 2006 QCCQ 7900 (CanLII)

[1] Mme Lucille Gillett a reconnu sa culpabilité à une fraude de 34 688,00 $ à l’égard de son employeur pour lequel elle agissait comme contrôleur entre 2001 et 2003. La fraude s’est déroulée sur une période d’un peu plus d’une année, soit entre mars 2002 et juillet 2003.

[9] D'entrée de jeu, la jurisprudence soutient mal la proposition de la défense. La tendance générale est plutôt vers l’emprisonnement ferme dans le cas de fraude importante envers un employeur. Il est vrai que plusieurs de ces décisions ont été rendues dans des affaires impliquant des pertes beaucoup plus importantes qu’en l’espèce. Cependant, ce facteur n’étant qu’un des éléments à considérer, cette liste d’arrêts non exhaustive, illustre les principes applicables.

[10] Cela étant, le principe de l'individualisation de la peine demande que l’exercice de la détermination de la peine repose avant tout sur un examen de la situation particulière du délinquant et des circonstances de l'infraction.

[18] La jurisprudence enseigne qu’une fraude comme en l’espèce commande une peine dissuasive et exemplaire. L’emprisonnement avec sursis peut répondre au besoin de dissuasion et de dénonciation. Comme le rappelait le juge Lamer : « Les juges doivent cependant prendre soin de ne pas accorder un poids excessif à la dissuasion quand ils choisissent entre l'incarcération et l'emprisonnement avec sursis. » L’emprisonnement avec sursis peut aussi répondre au besoin de dénonciation : « En règle générale, plus l'infraction est grave et le besoin de dénonciation important, plus la durée de l'ordonnance de sursis devrait être longue et les conditions de celle-ci rigoureuses. »

[19] En l’espèce, le danger que représente Mme Gillett semble inexistant, surtout à la lumière des conditions qui pourraient lui être imposées. En effet, tout indique que le contrôle de ses problèmes personnels et un suivi serré élimineront tout danger d’autant plus qu’il est peu probable que Mme Gillett se retrouve dans un poste de confiance en comptabilité.

[20] Le ministère public ne s’objecte pas à la suggestion de la défense et laisse le tout à la discrétion du tribunal. Compte tenu du contexte dans lequel s’inscrit l’infraction, de l’absence de danger que représente l’accusée, mais compte tenu également du fait qu’aucun remboursement ne semble possible, la Cour croit qu’il s’agit d’un cas où une peine d'emprisonnement avec sursis, comportant des conditions strictes, permettra de rencontrer les objectifs de dissuasion et de dénonciation tout en favorisant la réhabilitation et la prise de conscience des responsabilités de même qu’en favorisant les possibilités d’un remboursement, même partiel, du montant fraudé. Elle devra être plus longue que ne le suggère la défense.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

CONDAMNE l'accusée à une peine d'emprisonnement avec sursis de 18 mois suivi d’une ordonnance de probation d’une durée de 2 ans.

Détermination de la peine dans les cas de fraude de plus de 5 000$

R. c. Happyjack, 2006 QCCQ 8275 (CanLII)

[59] La situation de madame répondant aux trois premiers critères posés par l’arrêt Proulx, il y a alors lieu de se demander si une sentence d’emprisonnement avec sursis serait conforme aux objectifs et aux principes visés aux articles 718 à 718.2 du Code criminel. La Cour d'Appel dans les décisions de Verville c. la Reine, la Reine c. Bouchard et la Reine c. Juteau, précise que le sursis d’emprisonnement peut être une peine appropriée en matière de fraude ou de vol. Cependant, cette peine peut devenir inappropriée lorsque le crime est caractérisé par un abus de confiance. Tel est le cas ici. Les critères de dissuasion générale et de dissuasion spécifique commandent alors généralement l'incarcération, même pour les délinquants primaires:

«Quant à l'opportunité du sursis à l'emprisonnement dans ces matières, la Cour d'Appel de l'Ontario, dans l'arrêt, R. vs Pierce [1997] 114 C.C.C. (3d) page 23, précise que dans les cas de malhonnêteté qui se distingue particulièrement par un abus de confiance, la détermination de la peine doit souligner la gravité des infractions et le sursis doit être écarté. D'ailleurs, la même Cour d'Appel, dans l'arrêt, R. c. Wismayer [1997] 115 C.C.C. (3d) page 18, sous la plume du juge Rosenberg, a affirmé que la dissuasion générale, en tant que principe pouvant légitimer la décision de ne pas imposer l'emprisonnement avec sursis, doit primer dans les cas de ces infractions, notamment les fraudes systématiquement planifiées et structurées commises par des personnes qui abusent de la confiance de leur employeur, comme dans l'arrêt Pierce et celui qui prévaut en l'espèce. À mon avis, non seulement la dissuasion générale, mais le juste dû et la dénonciation constituent également des objectifs proéminents. Néanmoins, ce principe ne saurait être absolu puisque chaque cas doit être soumis à l'examen judiciaire à la lumière des éléments qui lui sont propres.»

R. c. Serge Belzile

C.Q. 21 juin 2004
605-01-003654-021
Fraude de 180 000 $ à l’égard d’une commission scolaire ;
Rejet d’une suggestion commune qui impliquait une peine d’emprisonnement au sein de la communauté et un engagement de remboursement.
Emprisonnement de 15 mois suivi d’une probation de deux ans et ordonnance de restitution de 180 000$ .

R. c. Jean Grégoire
C.Q. 28 mai 1999
500-01-060062-988,
Fraude à l’égard de la Fiducie Desjardins pour 223 000$ sur une période de 4 ans
15 mois d’incarcération.

Verville c. la Reine
C.A 16 août 1999
200-10-000528-971
Fraude au montant de 186 488$.
1 an d’emprisonnement.

La Reine c. Baulne-Bouchard
C.Q. 15 mars 2001
605-01-002788-002
Fraude à l’égard d’une Caisse populaire au montant de 94 155.12$ sur une période d’un peu plus de 2 ans
1 an d’emprisonnement suivi d’une probation de 2 ans et ordonnances de restitution.

La reine C. Louise Blais Paré
C.Q. 16 août 2004
280-01-031016-004
Fraude de 223,000 sur 23 ans à l’égard de l’employeur ;
Abus de confiance ;
Plaidoyer de culpabilité ;
Risque de récidive faible ;
Aucun antécédent.
15 mois d’incarcération

R. c. Sylvie Grenier
C.Q. 17 mars 2006
200-01-096916-055
Fraude 191 547$ sur 2 ans à l’égard de l’employeur ;
Argent utilisé pour consommation de cocaïne ;
Aucun antécédent.
Plaidoyer de culpabilité ;
Rapport pré-sentenciel positif
12 mois d’incarcération.

La Reine c. Seerat Jilani

C.Q. 17 août 2005
500-01-018236-049
Fraude de 249 105 sur environ deux ans ;
Plaidoyer de culpabilité ;
Accusée sans antécédent ;
46 ans, mère de quatre enfants.
18 mois d’incarcération.

Fraude – Réfugié en attente de sa résidence permanente – Remboursement - Absolution conditionnelle

R. c. Ngankoy, 2007 QCCQ 6028 (CanLII)

[9] Lorsque le meilleur intérêt de l’accusé l’exige et si l’intérêt public ne s’en trouve pas affecté, le tribunal pourra prononcer l’absolution de l’accusé. Ce faisant, l’accusé n'est pas condamné, mais le plaidoyer de culpabilité subsiste néanmoins; la personne devra donc répondre positivement à une question portant sur ce point plutôt que sur l’existence d’une condamnation.

[10] En principe, l’intérêt de l’accusé présuppose que ce dernier est une personne de bon caractère, qui n’a généralement pas d’antécédent judiciaire et qui ne présente pas de problème en matière de dissuasion spécifique et de réhabilitation. Quant à l’intérêt public, il s’évalue, entre autres, par la gravité de la conduite et son incidence dans la collectivité, par le besoin de dissuasion générale et enfin, par l’importance de maintenir la confiance du public dans l’administration de la justice.

[11] Généralement, une telle ordonnance est prononcée lorsque les circonstances de l’infraction présentent peu de gravité alors que les conséquences d’une condamnation pourraient s’avérer très sérieuses; il n’y a toutefois pas lieu d’interpréter la disposition de manière restrictive ou exceptionnelle, le seul test étant l’équilibre entre les intérêts de la société et ceux de l’accusé. Le seul fait qu’une condamnation criminelle n’entraînera pas de conséquence immédiate sur l’emploi de l’accusé ne constitue pas une fin de non-recevoir à l’absolution; il suffit d’une possibilité réelle à cet égard.

[12] Évidemment, le bon sens et le droit dictent que les conséquences sur le statut d’immigrant d’un accusé sont pertinentes à l’évaluation de la peine appropriée, mais il ne suffit pas à un accusé de soulever un problème d'immigration pour obtenir automatiquement une absolution.

Sentence. Production de cannabis. Emprisonnement avec sursis rejeté. Peine de 15 mois de détention imposée.

R. c. Leclerc, 2007 QCCQ 11277 (CanLII)

[13] Le législateur n’a pas prévu de peine minimale pour la production de stupéfiants.

[14] La Cour est d’avis qu’une peine d’emprisonnement inférieure à deux ans est appropriée dans les circonstances.

[15] Quant à la menace que pourrait représenter l’accusé s’il purgeait sa peine au sein de la collectivité, la Cour conclut que les risques de récidive peuvent être assumés par un encadrement serré.

[16] Une fois les exigences préalables de l’emprisonnement avec sursis rencontrées, la Cour doit déterminer si cette sanction est conforme aux principes énoncés aux articles 718 à 718.2 C. cr.

[17] La Cour est d’opinion que la dénonciation, la dissuasion individuelle et collective et l’exemplarité doivent primer, dans le cas sous étude, sur la réhabilitation et la réinsertion sociale de l’accusé.

[18] La gravité objective du crime est importante. Le législateur a prévu une peine maximale de sept ans d’emprisonnement pour la production de cannabis.

[19] La gravité subjective de l’infraction est aussi à souligner. Il s’agit d’un crime planifié, prémédité et qui n’a pas été commis parce que l’accusé avait une dépendance à la drogue mais dans un but de lucre afin de se sortir d’une impasse financière pour rembourser une dette due à un usurier trop agressif à son égard.

[20] La peine doit être proportionnelle à la gravité objective et subjective de l’infraction commise et au degré de responsabilité du délinquant. De plus, la peine doit être adaptée aux circonstances aggravantes et atténuantes liées à la perpétration de l’infraction et à la situation personnelle du délinquant.

[21] Dans l’arrêt R. c. Ngoc Dung Le, mon collègue le juge Marc Bisson a fait une étude exhaustive sur la détermination de la peine en matière de production de cannabis pour en conclure que la peine imposée est, sauf circonstances exceptionnelles, une peine de détention ferme.

[22] La Cour partage également l’opinion du juge Guy Gagnon (maintenant juge en chef à la Cour du Québec) qui rejetait l’emprisonnement dans la collectivité, dans l’arrêt R. c. Shelby, pour les raisons suivantes :

« (…), il semble que le caractère de dissuasion doit primer et celui-ci ne peut être atteint par le biais du sursis (art. 718 b) C.cr.). De plus, cela aurait, de l’avis du Tribunal, l’effet de minimiser la dénonciation de ce qui consiste le fléau grandissant qu’est devenue la culture de stupéfiants (art. 718 a) C.cr.), ce type de criminalité étant, faut-il le dire, l’une des premières pierres d’assises d’un édifice voué à une criminalité dont les effets pervers sur la société deviennent de plus en plus difficilement mesurables tellement ils sont importants.

Je ne dis pas que ce genre de crime exclut l’application du sursis, mais je dis plutôt que dans le cas en l’espèce, il n’est tout simplement pas consistant avec les objectifs et les principes mis de l’avant tels qu’énoncés aux articles 718 à 718.2 du Code criminel.

D’ailleurs, à cet effet, le juge Fish dans l’affaire Veillette c. La Reine, [1998] A.Q. No 2678, 500-10-001185-972 (C.A.), écrit :

"As I explained in Gagnon, however, a conditional sentence is by no means automatic, even when the term of imprisonment is for less than two years, and where serving the sentence in the community will not endanger its safety. The sentencing judge must be satisfied as well that a conditional sentence order is consistent with the objective and principles set out in ss. 718 to 718.2 of the Criminal Code.” »

[23] Dans l’arrêt R. c. Valence, la Cour d’appel du Québec, district de Québec, a clairement indiqué qu’il faut donner du poids à l’élément dissuasion, tant à l’égard des gens vivant dans la localité régionale où ont été commises les infractions qu’à l’égard de la société en général, avant d’ajouter les propos suivants auxquels cette même Cour d’appel, district de Montréal, adhère entièrement :

« Les crimes de cette nature sont en progression constante et produisent des conséquences qui visent de plus en plus les jeunes dans notre société. Non seulement plusieurs jeunes sont-ils de la sorte invités à consommer de la drogue mais cette consommation en amène certains à commettre d’autres crimes et à varier le type de drogue qu’ils consomment. »

[24] Il est maintenant de commune renommée que la culture de cannabis dans des lieux résidentiels est devenue un fléau en Montérégie.

[25] Dans l’arrêt Valiquette, précité, la Cour d’appel mentionne que la pertinence du facteur « situation locale » prend appui dans l’arrêt de la Cour suprême R. c. M. (C.A.). Après avoir rappelé, au par. 90 de son opinion, que le législateur fédéral, à l’art. 717(1) C. cr. [maintenant 718.3(1)], a conféré expressément au juge chargé de prononcer les peines, le pouvoir discrétionnaire de déterminer le genre de peine qui doit être infligée et l’importance de celle-ci, le juge Lamer écrit au par. 91 :

« Fait peut-être le plus important, le juge qui impose la peine exerce normalement sa charge dans la communauté qui a subi les conséquences du crime du délinquant ou à proximité de celle-ci. De ce fait, il sera à même de bien évaluer la combinaison particulière d’objectifs de détermination de la peine qui sera « juste et appropriée » pour assurer la protection de cette communauté. »

[26] Dans l’arrêt R. c. Proulx, le juge en chef écrivait ce qui suit :

« Toutefois, il peut survenir des cas où la nécessité de dénoncer est si pressante que l’incarcération est alors la seule peine qui convienne pour exprimer la réprobation de la société à l’égard du comportement du délinquant ou pour décourager des comportements analogues dans le futur. »

[27] La Cour en vient à la conclusion que l’emprisonnement avec sursis n’est pas indiqué dans la présente affaire et que l’incarcération est la seule peine qui convienne pour rencontrer les objectifs de dénonciation, dissuasion et d’exemplarité.

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

[28] CONDAMNE l’accusé à une peine d’emprisonnement de 15 mois sur chacun des chefs d’accusation à être purgée simultanément.

Détermination de la peine dans le cas de fraudes commises par un fonctionnaire

R. c. Villarceau, 2007 QCCQ 15077 (CanLII)

[19] Les procureurs réfèrent le Tribunal à plusieurs décisions jurisprudentielles dans le domaine des fraudes commises par un fonctionnaire.

[20] Plus spécifiquement, le procureur du ministère public cite des décisions où les infractions commises sont en rapport avec des passeports:

R. c. Graham: l'accusé plaide coupable à une infraction de complot de trafic de passeports volés; le juge J.W. Bovard, jugea qu'il s'agissait d'une infraction très grave qui méritait une peine de prison de 4 ½ ans; compte tenu de la période d'incarcération préventive de 18 mois, la peine imposée fut de 36 mois d'incarcération; comme facteurs aggravants, le juge Bovard énumère les suivants:

With regard to aggravating circumstances, the offence itself is an extremely serious offence. The Crown gave me a document from the Office of the Director Security Policy and Entitlement Review which was made an exhibit to the sentencing. It details the impact of the misuse of Canadian passports. I would like to refer to some parts of that document.

Under the Introduction, it says "Passports are misused in the commission of various crimes which often are linked to the illegal activities of international criminal organizations and involved in the usurpation of the identity of bona fide Canadians".

Under Impacts A Summary, paragraph two, it says, "The misuse of a Canadian passport constitutes an attack against the integrity and international reputation of Canada's passport and the will of the international community."

Paragraph three says, "The illegal use of the Canadian passport by terrorists expose Canadian travellers, at a minimum, to the inconvenience of additional security at international borders and, at a maximum, to the danger of hostile treatment and detention."

Paragraph four says, "The misuse of the Canadian passport diminishes its probative value as prima facie proof of the identity and nationality of its bearer and as a guarantee of returnability to Canada of its bearer."

On page two of the document, in the last sentence of the last paragraph, it says " In a recent survey, respondents placed at the top of their list of performance expectations of the passport office that their Canadian passports could not be used illegally by third parties."

On page four of the document, in the second paragraph, it says that, "Profits to criminal organizations run into the millions of dollars, as a result of trafficking in passports." On that same page under The Impact of Misuse, paragraph two, it states, "The international community through such bodies as the International Civil Aviation organization (I.C.A.O.), The United Nations and the G-8, expresses the expectation that states will make serious and sustained efforts to protect the integrity of their national passports and issuing systems and to combat illegal use of passports and commission of international crimes, such as human smuggling and terrorism."

- R. c. Blanas; l'accusée reçut comme sentence par le juge de première instance une peine d'emprisonnement de 5 ½ ans après avoir plaidé coupable à un vol de 246 formulaires de passeports du bureau des passeports où elle était employée. La Cour d'appel de l'Ontario accepta de réduire la peine à 4 ans d'emprisonnement compte tenu de l'âge de l'accusée, 24 ans, de la perspective de réhabilitation et le fait qu'elle n'avait pas d'antécédent judiciaire. La Cour écrit:

"We agree that these were very serious offences involving a breach of trust and jeopardizing the security of Canada and the integrity of its passport regime. On the other hand, we do not agree that the passport offence was "the worst offence" envisaged by the statute. Neither of the two aggravating factors identified by the statute, namely profit motive or that the offence was committed at the direction of, or in association with a criminal organization, were made out.

In our view, parity with Graham's sentence is a factor and a penitentiary sentence satisfying the need for general deterrence must be imposed.

[21] Le procureur de la défense plaide en faveur d'une peine d'emprisonnement avec sursis en citant l'arrêt R. c. Lafrance de notre Cour d'appel qui révisa la peine de 18 mois d'emprisonnement adjugée par le juge de première instance (avec une amende de 10 000,00$) pour lui substituer une peine de 18 mois d'emprisonnement à être purgée dans la collectivité, à un fonctionnaire coupable de fraude envers le gouvernement. La Cour d'appel jugea que l'accusé répondait au profil d'un délinquant qui peut bénéficier de la mesure du sursis: il n'avait pas d'antécédents judiciaires, les risques de récidive étaient inexistants.

[27] La gravité objective des présentes infractions est particulièrement élevée puisque le législateur a prévu des peines maximales d'emprisonnement de 14 ans pour l'infraction de fraude (art. 380 1 a) C. Cr.), de 10 ans pour l'infraction de fabrication de faux (art. 367 a) C. Cr.); de 10 ans pour l'infraction d'emploi d'un document contrefait (art. 368 (1) a) C. Cr.; de 14 ans pour l'infraction d'usage d'un faux passeport (art. 57(1) a) C. cr.); de 2 ans pour l'infraction visant une fausse déclaration relative à un passeport (art. 57(2) a) Cr. cr.); de 5 ans pour l'infraction d'abus de confiance commise par un fonctionnaire public (art. 122 C. cr.)

[28] Dans une affaire récente de vol de 246 formulaires de passeport, R. c. Blanas, la Cour d'appel de l'Ontario réduisit de peu la peine de 5 ½ ans déjà imposée par le juge de première instance, et imposant une peine de 4 ½ ans d'emprisonnement pour tenir compte du jeune âge de l'accusée (24 ans), de l'absence d'antécédents et d'un pronostic favorable de réhabilitation (peine finale de 4 ans après avoir tenu compte d'une période de détention présentenciel de 6 mois).

[29] Dans le cas présent, de l'avis du Tribunal, les objectifs de dénonciation et de dissuasion spécifique et générale doivent être privilégiés, compte tenu de la gravité des infractions et de leur impact négatif sur le système de passeports canadiens.

[30] En conséquence, le Tribunal écarte la suggestion de la défense d'une peine d'emprisonnement avec sursis et juge raisonnable la peine de deux ans d'incarcération recommandée par le ministère public avec une période de probation de deux ans aux conditions ci-après.